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Exposition prénatale au tabagisme : ses conséquences sur le comportement d'enfants de 11 ans en lien avec les polymorphismes génétiques

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Exposition prénatale au tabagisme : ses

conséquences sur le comportement d’enfants de

11 ans en lien avec les polymorphismes génétiques

Thèse

Caroline Desrosiers

Doctorat en psychologie

Philosophiae doctor (Ph.D.)

Québec, Canada

© Caroline Desrosiers, 2014

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Résumé

L’objectif de cette thèse doctorale est de contribuer à une meilleure compréhension des effets de l’exposition prénatale au tabac (EPT) et des effets de l’interaction GxE entre l’EPT et des gènes des monoamines, de l’acétylcholine et des gènes métaboliques sur les difficultés de comportement chez les enfants inuit du Nunavik à l’âge scolaire. L’association entre l’EPT et le comportement externalisé à l’âge scolaire est d’abord examinée dans un échantillon d’enfants âgés de 11 ans (N = 271) prenant part à une étude longitudinale prospective. Les interactions avec le plomb (Pb) et le mercure (Hg), deux contaminants associés aux difficultés de comportement, étaient également examinées. L’analyse des effets de l’EPT (Article 1) suggère que l’EPT est associée aux comportements externalisés et aux problèmes d’attention au Teacher Report Form (TRF) et à une prévalence plus élevée pour le Trouble de déficit de l’attention et de l’hyperactivité (TDAH) au Disruptive Behavior Disorders (DBD). Aucune interaction n’est retrouvée. Puis, l’analyse des effets de l’interaction entre l’EPT et les polymorphismes des gènes monoaminergiques, métaboliques et de l’acétylcholine (Article 2) indique une interaction entre l’EPT et les génotypes CC/TC du gène métabolique cytochrome P-450 1A1 (CYP1A1). Les enfants avec les génotypes CC ou TC du gène CYP1A1 en l’absence de l’EPT présentent les scores les plus faibles pour les difficultés de comportement externalisé. La combinaison d’un environnement sans l’EPT et des génotypes CC/TC offrirait une protection relativement au développement des difficultés de comportement externalisé. Ces résultats supportent partiellement l’hypothèse de la susceptibilité différentielle et excluent la présence du modèle diathèse-stress. Cette thèse suggère que l’EPT est un facteur de risque dans le développement des difficultés de comportement et que des variations génétiques peuvent modifier cette relation. Ces résultats indiquent l’importance d’inclure différents modèles théoriques dans l’investigation des interactions GxE.

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Abstract

The aim of this doctoral thesis is to provide a better understanding of the effects of prenatal cigarette smoke exposure (PCSE) and of the combined effects between PCSE and catecholaminergic, serotonergic and metabolic genes on externalizing behaviours at school age in a sample of Inuit children from Nunavik. The association between PCSE and externalizing behaviours is first explored in a sample of children (N = 271) at 11 years of age who took part in a prospective study. Interactions between PCSE, lead (Pb) and mercury (Hg), two contaminants associated with behavioral problems, were also explored. Analysis of PCSE effects (Article 1) suggests that PCSE is associated with externalizing behaviours and with attention problems on the Teacher Report Form (TRF), and PCSE is also associated with a higher prevalence of attention deficit hyperactivity disorder (ADHD) assessed on the Disruptive Behavior Disorders (DBD). No interactions were found with contaminants. Then, the analysis of the combined effects between PCSE and catecholaminergic, serotonergic, and metabolic genetic polymorphisms (Article 2) suggests an interaction between PCSE and genotypes CC/TC of the cytochrome P-450 1A1 (CYP1A1) gene. Unexposed children with genotypes CC or TC have significantly lower scores for externalizing behaviours. Combination of an environment without PCSE and with genotypes CC/TC seems to offer protection regarding the development of externalizing problems. These results partly support the differential susceptibility model and reject the diathese stress model. This thesis suggests that PCSE is a risk factor in the development of externalizing problems and those genetic variations can modify this relation. Results indicate the importance of including different theoretical frameworks in the investigation of gene-environment interactions.

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Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... v

Liste des tableaux ... xi

Liste des figures ... xiii

Remerciements ... xv

Avant-propos ... xvii

Chapitre 1. Introduction générale ... 1

1.1 Introduction ... 1

1.2 Troubles de comportement ... 4

1.2.1 Trouble du déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH) ... 5

1.2.2 Trouble oppositionnel avec provocation (TOP) ... 6

1.2.3 Trouble des conduites (TC) ... 6

1.2.4 Comorbidité ... 7

1.2.5 Évaluation des difficultés de comportement externalisé ... 7

1.2.6 Validité de l’évaluation dans la population inuit ... 8

1.3 Association entre exposition prénatale au tabac et difficultés de comportement externalisé ... 9

1.3.1 Effets du tabac sur la reproduction, la période fœtale et la période périnatale ... 10

1.3.2 Hypothèses des mécanismes d’action de l’exposition prénatale au tabac sur les difficultés de comportement externalisé ... 11

1.3.3 Revue des études sur l’association entre l’exposition prénatale au tabac et les difficultés de comportement externalisé (voir Annexe A) ... 12

1.3.4 Études avec outils de mesure diagnostique ... 13

1.3.4.1 Études cas-témoins ... 13

1.3.4.2 Autres études qui documentent le comportement à l’aide d’outils diagnostiques ... 14

1.3.5 Études étiologiques qui documentent le comportement à l’aide de questionnaires ... 15

1.4 Concepts de base en génétique ... 20

1.4.1 Le gène ... 20

1.4.1.1 Composition et structure de l’ADN ... 21

1.4.1.2 Structure des gènes et génome... 21

1.4.1.3 Des gènes aux protéines ... 21

1.4.2 Variations génétiques ... 22

1.4.2.1 Les mutations ... 22

1.4.2.2 Polymorphismes génétiques ... 22

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1.4.3.1 Fréquences alléliques et génotypiques ... 23

1.4.3.2 Principe d’équilibre de Hardy-Weinberg (HWE) ... 24

1.5 Interaction gène-environnement ... 25

1.5.1 Définition ... 25

1.5.2 Revue de la littérature des études d’interactions GXE... 25

1.5.2.1 Interactions GXE entre les gènes des monoamines et de l’acétylcholine et l’EPT ... 26

1.5.2.2 Interactions GXE entre les gènes métaboliques et l’EPT ... 27

1.5.3 Vulnérabilité génétique et plasticité génétique ... 30

1.5.3.1 Vulnérabilité génétique et le modèle de diathèse-stress ... 30

1.5.3.2 La plasticité et l’hypothèse de la susceptibilité différentielle ... 30

1.6 Conclusion... 31

1.6.1 Objectifs de la thèse ... 32

1.6.2 Composition de la thèse ... 33

Chapitre 2. Associations entre l’Exposition Prénatale au Tabac et les Difficultés de Comportement Externalisé à l’Âge Scolaire chez les Enfants Inuit Exposés aux Contaminants Environnementaux (Article #1) ... 35

Résumé ... 39

Abstract ... 40

2.1 Introduction ... 41

2.2 Methods ... 42

2.2.1 Procedures and Sample ... 42

2.2.2 Behavior Assessments ... 43

2.2.3 Exposure to Tobacco Smoke ... 43

2.2.4 Environmental Contaminant Analyses ... 44

2.2.5 Confounding Variables ... 44

2.2.6 Statistical Analyses ... 45

2.3 Results ... 46

2.3.1 Sample Characteristics ... 46

2.3.2 Relation of PCSE to Behavioral Problems ... 46

2.4 Discussion ... 47

Acknowledgements ... 51

References ... 52

Chapitre 3. Interactions Gène-Environnement dans le Développement des Difficultés de Comportement Externalisé à l’Âge Scolaire chez les Enfants Inuit (Article #2) ... 61

Résumé ... 65

Abstract ... 66

3.1 Introduction ... 67

3.1.1 Diathesis stress or differential susceptibility? ... 67

3.1.2 Interactions between metabolic genes and PCSE ... 69

3.2 Methods ... 70

3.2.1 Procedures and Sample ... 70

3.2.2 Behavior Assessments ... 71

3.2.3 Exposure to Tobacco Smoke ... 72

(9)

3.2.5 Confounding Variables ... 74

3.2.6 Statistical Analyses ... 74

3.3 Results... 76

3.3.1 Descriptive statistics ... 76

3.3.2 Mean differences according to PCSE and genetic polymorphisms ... 77

3.3.3 Interpretation of the interactions ... 77

3.4 Discussion ... 78

3.4.1 Limitations ... 80

Références ... 82

Chapitre 4. Conclusion Générale ... 97

4.1 Résumé des études empiriques de la thèse ... 98

4.1.1 Effets de l’EPT sur le comportement externalisé ... 98

4.1.2 Effets de l’interaction GxE sur le comportement externalisé ... 99

4.2 Intégration des résultats aux données de la littérature ... 99

4.2.1 Intégration des résultats aux effets connus de l’EPT sur le système des neurotransmetteurs ... 100

4.2.2 Intégration des résultats aux effets connus de l’interaction entre le gène CYP1A1 et l’EPT ... 102

4.2.2.1 Vulnérabilité et CYP1A1 ... 102

4.2.2.2 Hypothèse de la susceptibilité différentielle ... 102

4.2.2.3 Programmation fœtale et plasticité développementale ... 104

4.3 Forces et faiblesses ... 106

4.4 Considérations futures ... 107

4.5 Conclusion finale ... 108

Références générales ... 109

Annexe A. Tableau résumé des études sur l’association entre l’exposition prénatale au tabac et les difficultés de comportement externalisé ... 127

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Liste des tableaux

Liste des tableaux dans l’article 1 Tableau

1 Descriptive characteristics of the study sample ... 57 2 Prediction of behaviour problems at 11y by prenatal and postnatal cigarette smoke

exposure in total sample ... 58 3 Prediction of behaviour problems at 11y by maternal smoking during pregnancy

according to co-exposure to contaminants ... 59

Liste des tableaux dans l’article 2 Tableau

1 Single-nucleotide polymorphism and variable number tandem repeat ... 86 2 Descriptive Characteristics of the Study Sample ... 87 3 Means and Standard Deviation for TRF Symptom Scores by Genotypes according

to PCSE ... 89 4 Main Effects and Interactions Effects of PCSE and the Genetic Susceptibility

Factors on Problem Behaviours ... 90 5 Mean Differences between Groups for Teacher Report Form Scores

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Liste des figures

Liste des figures dans l’article 2 Figure

1. Estimated Marginal Means of Standardized Residual for Rule-breaking behaviours by Genotype and Exposure Status. ... 92 2. Means for Externalizing Problems Score (standardized residual) by Genotype and

Exposure Status. ... 93 3. Means for Rule-Breaking Score (standardized residual) by Genotype and Exposure

Status. ... 94 4. Means for Attention Problems Score (standardized residual) by Genotype and

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Remerciements

D’abord, je tiens à remercier ma directrice de thèse Dre Gina Muckle pour sa supervision toujours très éclairante, sa disponibilité, sa constante rigueur et son soutien tout au long de mes études doctorales.

Merci également aux membres de mon comité, Dr Michel Boivin, Dr Yves Giguère et Dre Nancy Leblanc pour leurs précieux commentaires et pour leurs critiques toujours justes et constructives. Je remercie aussi Yves Giguère et Nathalie Bernard pour l’aide et les conseils en génétique.

Je veux remercier les parents et les enfants des communautés inuit qui ont participé à cette étude, en plus de tous les professionnels de recherche et collaborateurs de l’étude du Nunavik. Merci aussi aux Instituts de Recherche en Santé du Canada et au Centre Nasivvik pour le soutien financier.

De l’Axe Santé des populations et pratiques optimales en santé, merci au Dr Pierrich Plusquellec pour mes premières expériences en recherche et l’apprentissage d’une méthode de travail rigoureuse. Je remercie aussi Dr Olivier Boucher pour son aide en statistique et en rédaction scientifique. J’aimerais également remercier Dre Jocelyne Gagnon qui a joué un rôle essentiel dans le débroussaillement et l’organisation des nombreuses variables des banques de données. Un énorme merci aussi au Dre Nadine Forget-Dubois pour son aide salvatrice en statistique, sa rigueur indéfectible, ses conseils judicieux et ses explications claires.

Je tiens aussi à remercier Dr Georges Tarabulsy pour l’initiation à la recherche en développement de l’enfant lors de mes études pré-graduées.

Pendant ces longues études doctorales, des amitiés précieuses se sont formées avec des compatriotes. Un gros merci à Emmanuelle, Julie, Émylie, Claudia et Gabrielle pour leur

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présence, leurs encouragements, les moments passés ensemble et les nombreux fous rires. Un merci tout spécial à Gabrielle pour avoir agi comme un puissant et inestimable catalyseur dans le dénouement du processus rédactionnel.

Merci à Carl, Rose-Marie, Marie-Lyne et Mark pour leur joyeuse et réconfortante présence dans ma vie. Finalement, un profond merci à mes parents pour leur soutien constant et bienveillant, pour leurs encouragements et leur patience face à mes longues études.

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Avant-propos

Caroline Desrosiers, auteure principale de ce projet de thèse, a rédigé les deux articles scientifiques, réalisé les analyses statistiques et interprété les résultats des analyses sous la supervision de Gina Muckle, Ph.D., directrice de recherche et professeure à l’École de psychologie de l’Université Laval. Dre Muckle a collaboré à toutes les étapes, incluant la conception du projet, l’interprétation des résultats et la révision du projet de thèse. L’auteure principale a également rédigé l’introduction générale et la conclusion de ce projet.

Le premier article de la thèse intitulé « Associations Between Prenatal Cigarette Smoke Exposure and Externalized Behaviors at School Age Among Inuit Children Exposed to Environmental Contaminants » a été publié dans la revue Neurotoxicology and Teratology en août 2013. Le second article intitule « Gene-environment Interactions in the Development of Externalized Behaviours at School Age Among Inuit Children » est en voie d’être soumis.

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Chapitre 1.

Introduction générale

1.1 Introduction

La proportion des enfants d’âge scolaire présentant des difficultés de comportement externalisé associées au Trouble du déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH), au Trouble oppositionnel avec provocation (TOP) et au Trouble des conduites (TC) serait en progression en Amérique du Nord. Selon des données récentes, les taux de diagnostics du TDAH sont passés de 2,5 % en 2001 à 3,1 % en 2010, ce qui représente une augmentation relative de 24 % (Getahun et al., 2013). Du côté du TOP et du TC, une étude ayant regroupé les taux de prévalence de vingt-cinq études intercontinentales a obtenu des prévalences mondiales estimées à 3,3 % pour le TOP et à 3,2 % pour le TC (Canino, Polanczyk, Bauermeister, Rohde, & Frick, 2010). Au Québec, les chiffres les plus récents publiés par le Conseil Supérieur de l’Éducation (2001) indiquent que le pourcentage d’enfants avec difficultés de comportement a connu une progression constante entre 1984 et 2000. Ainsi, les taux auraient triplé, passant de 0,78 % en 1984-1985 à 2,50 % en 1999-2000.

Les modèles de développement du TDAH, du TOP et du TC s’appuient sur une organisation biopsychosociale réunissant une multitude de facteurs de risque autant biologiques qu’environnementaux (Biederman, 2005; Loeber, Burke, & Pardini, 2009). Par exemple, l’abus de substance par la mère durant la grossesse, les complications obstétriques et l’exposition aux contaminants environnementaux comme le plomb sont tous des facteurs de risque associés aux difficultés de comportement (Loukas, Fitzgerald, Zucker, & von Eye, 2001; Needleman, Riess, Tobin, Biesecker, & Greenhouse, 1996; Raine, Brennan, & Mednick, 1997). Les problèmes d’attachement, la présence de psychopathologie chez les parents, le faible niveau socioéconomique et l’exposition à des évènements de vie stressants s’inscrivent également dans leur étiologie environnementale (Mathijssen, Koot, & Verhulst, 1999; McLoyd, 1998; Pierrehumbert, Miljkovitch, Plancherel, Halfon, & Ansermet, 2000; Sanson, 1999). D’autres chercheurs se sont aussi intéressés aux interactions environnement-environnement dont Froehlich et ses collègues qui ont trouvé que

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l’interaction entre l’exposition prénatale au tabac (EPT) et l’exposition prénatale au plomb est associée à un risque accru de TDAH (2009). Leurs résultats suggèrent que les enfants exposés au tabac et au plomb avant la naissance présentent un risque de TDAH huit fois plus élevé que les enfants non exposés au tabac ou au plomb. Notons par ailleurs que de plus en plus de chercheurs s’intéressent aux facteurs tempéramentaux et biologiques, incluant les facteurs génétiques, prédisposant à l’apparition des troubles de comportement. Des études de jumeaux ont trouvé des taux d’héritabilité de 76 % pour le TDAH (Faraone et al., 2005) et de 61 % pour les comportements antisociaux associés au TC (Gelhorn et al., 2006). Enfin, plusieurs marqueurs génétiques ont été associés au TDAH incluant notamment DAT1, DRD4 et 5-HTT (Gizer, Ficks, & Waldman, 2009). D’autres marqueurs, dont 5-HTT (Haberstick, Smolen, & Hewitt, 2006), COMT (Caspi et al., 2008) et MAOA (Baler, Volkow, Fowler, & Benveniste, 2008) semblent associés aux symptômes du TOP et du TC. De plus, au cours des dix dernières années, des chercheurs ont commencé à s’intéresser aux effets d’interaction entre facteurs environnementaux et génétiques pour mieux comprendre l’étiologie des difficultés de comportement externalisé, de même qu’aux interactions entre plusieurs facteurs environnementaux comme l’exposition au tabac et au plomb (Froehlich et al., 2009).

L’EPT est un facteur environnemental qui a été largement étudié pour expliquer le développement des difficultés de comportement. Toutefois, les études sur l’association possible entre l’EPT et le comportement varient énormément dans leurs méthodes et leurs résultats demeurent contradictoires. La principale difficulté méthodologique consiste à départager l’effet spécifique putatif de l’EPT sur le comportement des effets d’autres facteurs de risque psychosociaux et génétiques communément associés au tabagisme maternel et aux problèmes de comportement chez l’enfant. Si certains résultats de recherche vont dans le sens d’un effet attribuable à l’EPT (Keyes, Smith, & Susser, 2013), d’autres suggèrent que l’effet apparent de l’EPT sur les troubles de comportement s’explique plutôt par des facteurs familiaux génétiques et environnementaux associés à l’EPT (Lindblad & Hjern, 2010).

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Une recension indique que les femmes qui continuent de fumer pendant la grossesse ont un revenu inférieur, manifestent moins de comportements de santé pendant leur grossesse, sont moins portées à allaiter et se sentent moins responsables de la santé de leur enfant (Ebert & Fahy, 2007). De même, des chercheurs rapportent que les mères qui fument pendant la grossesse montrent plus de comportements antisociaux et de signes de dépression, sont désavantagées économiquement et les pères de leurs enfants ont davantage de problèmes antisociaux (Maughan, Taylor, Caspi, & Moffitt, 2004). De plus, une étude récente suggère que les personnes qui ne sont pas influencées par les politiques de santé publique visant à réduire le tabagisme diffèrent des autres pour la fréquence de certains polymorphismes génétiques (Fletcher, 2012). Ces constatations soulèvent la possibilité que les mères qui continuent de fumer pendant leur grossesse malgré les recommandations sanitaires gouvernementales constituent un groupe non représentatif de l’ensemble de la population tant du point de vue de leur environnement que du point de vue de leur pool génétique. Si cela s’avérait, il y aurait de bonnes raisons de remettre en question la généralisation des résultats des études portant sur ce sous-groupe. Il serait également encore plus difficile d’isoler l’effet de l’EPT sur le comportement de l’enfant des influences psychosociales et génétiques associées.

Certaines stratégies méthodologiques peuvent être adoptées pour contourner cet obstacle. Par exemple, une étude récente a utilisé des données d’EPT recueillies pendant les années 1961-1963, alors que le tabagisme pendant la grossesse était très fréquent, voire normatif. Les résultats indiquent une association significative entre l’EPT et l’hyperactivité à l’enfance (Keyes et al., 2013), ce qui correspond à un modèle d’effet intra-utérin de l’exposition au tabac ou, en d’autres mots, à l’hypothèse d’un effet direct de l’EPT sur le comportement. Une autre stratégie serait d’étudier l’EPT dans une population où le tabagisme serait davantage normatif comme dans la population inuit où les taux de tabagisme pendant la grossesse sont très élevés, se situant autour de 90 % (Muckle et al., 2011). Dans ce bassin populationnel, nous pouvons donc penser qu’il y a moins de facteurs de risque susceptibles de confondre la relation entre l’EPT et les difficultés de comportement puisque le tabagisme est moins sanctionné socialement. Bien que cette

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stratégie ne règle pas le problème de la généralisation des résultats, elle pourrait contribuer à établir la possibilité d’un lien direct entre l’EPT et les problèmes de comportement.

Cette thèse comporte deux objectifs principaux, soit l’étude des effets de l’EPT sur les difficultés de comportement à l’âge scolaire chez les enfants inuit1 du Nunavik et, deuxièmement, les effets de l’interaction gène-environnement entre l’EPT et des polymorphismes génétiques sélectionnés sur les difficultés de comportement à l’âge scolaire. La thèse est composée de deux manuscrits sous forme d’articles scientifiques. Le premier article vise à étudier l’association entre l’EPT et le comportement à l’âge scolaire chez les enfants inuit du Nunavik (Desrosiers et al., 2013). Ce premier article explore également les interactions possibles de l’EPT avec l’exposition au plomb et au mercure, deux contaminants associés aux difficultés de comportement auxquels les Inuit sont exposés (Boucher et al., 2012). Le deuxième article rapporte les résultats d’une étude des effets des gènes candidats sur l’association entre l’EPT et les comportements externalisés à l’âge scolaire. Les résultats de ce deuxième article sont discutés à la lumière de l’hypothèse de la susceptibilité différentielle à l’influence environnementale, ce qui constitue un aspect novateur.

La présentation des articles scientifiques est précédée d’un chapitre théorique qui présente les troubles de comportement à l’enfance, l’EPT et les interactions gènes x EPT dans la littérature.

1.2 Troubles de comportement

Les difficultés de comportement externalisé sont des comportements observables et habituellement négatifs dirigés envers l’environnement externe. Ces comportements englobent des comportements d’agressivité, de délinquance, d’impulsivité et d’hyperactivité (Liu, 2004). Les difficultés de comportement externalisé peuvent également se référer aux troubles externalisés tel que conceptualisés par le Manuel diagnostique et

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statistique des troubles mentaux (DSM) : le TDAH, le TOP et le TC (American Psychiatric Association, 2000). Une enquête auprès d’un échantillon américain représentatif situe la prévalence des problèmes de comportement ou de conduite à 5,4 % des enfants d’âge scolaire, ce qui est légèrement supérieur à la prévalence mondiale présentée en introduction (Ghandour, Kogan, Blumberg, Jones, & Perrin, 2012).

1.2.1 Trouble du déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH)

Le TDAH se caractérise par des niveaux élevés des comportements associés à l’inattention et/ou à l’hyperactivité et à l’impulsivité, lesquels doivent apparaitre avant l’âge de 7 ans et perdurer depuis au moins 6 mois (Willoughby, 2003). Pour le diagnostic, il importe également que les symptômes se manifestent dans au moins deux environnements différents, par exemple à l’école et à la maison. Il existe trois sous-types du TDAH (American Psychiatric Association, 2000). Le premier sous-type combiné possède trois caractéristiques : hyperactivité, impulsivité et inattention. Les enfants montrent des niveaux élevés de comportement inapproprié et présentent également des difficultés d’attention soutenue et de concentration. Les enfants du deuxième sous-type avec prédominance inattentive ont des problèmes d’attention, mais ne présentent pas des niveaux inappropriés d’hyperactivité ou d’impulsivité. Le troisième type avec prédominance d’hyperactivité et d’impulsivité caractérise les enfants avec les difficultés de comportement, mais qui n’ont pas de problèmes de concentration ou d’attention soutenue. Il faut noter que les enfants peuvent changer de sous-type au cours de leur vie (Woo & Rey, 2005).

Le TDAH est le trouble de comportement le plus prévalent à l’enfance. Ainsi, environ de 5 à 10 % des enfants d’âge scolaire rencontrent les critères diagnostiques bien que ces chiffres peuvent varier d’une étude à l’autre selon le devis (Scahill & Schwab-Stone, 2000). Par ailleurs, les symptômes du TDAH semblent se présenter tôt à l’enfance, vers l’âge de 3 ou 4 ans, mais les enfants sont plus nombreux à être référés pour diagnostic entre 7 et 9 ans (Barkley, 2003). Lorsque les symptômes apparaissent tôt (avant l’âge de 6 ans), les enfants tendent à montrer davantage de problèmes liés au fonctionnement cognitif, de troubles d’apprentissage et un risque plus élevé de présenter un TDAH qui perdure à l’adolescence (Spira & Fischel, 2005).

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1.2.2 Trouble oppositionnel avec provocation (TOP)

Les éléments principaux qui caractérisent le TOP suivent un patron de négativisme, de provocation, de désobéissance et de comportement hostile envers l’autorité (American Psychiatric Association, 2000). Ces symptômes doivent être présents pendant au moins 6 mois consécutifs et doivent affecter le fonctionnement académique, social ou occupationnel quotidien.

Il est estimé qu’entre 2 et 16 % des enfants présentent le trouble et qu’environ 20 % des enfants adoptés le présentent, surtout ceux ayant vécu de l’abus et/ou de la négligence avant l’adoption (Simmel, Brooks, Barth, & Hinshaw, 2001). Ici encore, les chiffres varient selon le devis des études. Les enfants qui rencontrent les critères de ce trouble présentent souvent d’autres problèmes associés comme de l’hyperactivité, des difficultés académiques, une faible estime de soi et de piètres relations interpersonnelles (Donnellan, Trzesniewski, Robins, Moffitt, & Caspi, 2005).

1.2.3 Trouble des conduites (TC)

Finalement, le TC se caractérise par un ensemble de comportements répétitifs et persistants où l’enfant transgresse les droits fondamentaux d’autrui ou les normes et règles sociales correspondant à son âge (American Psychiatric Association, 2000). Les différentes catégories des critères diagnostiques sont les agressions envers des personnes ou des animaux, la destruction de biens matériels, la fraude ou le vol et les violations graves de règles établies. L’American Psychiatric Association (2000) précise le type en fonction du moment d’apparition des comportements : commencement pendant l’enfance (avant l’âge de 10 ans), pendant l’adolescence (absence de tout critère avant l’âge de 10 ans) et commencement non spécifié. Alors que le premier type se présente avec des difficultés liées au tempérament de l’enfant et à la relation parent-enfant, le second type est davantage associé aux relations avec des pairs turbulents tard dans l’enfance et à l’adolescence (Kim-Cohen et al., 2005).

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Bien que les données varient d’une étude à l’autre, selon l’American Psychiatric Association (2000), environ de 1 à 10 % des adolescents présenteraient les critères pour le trouble; de 6 à 16 % des garçons auraient un TC, tandis que de 2 à 6 % des filles en seraient affectées. Par ailleurs, les garçons développeraient davantage des comportements agressifs et de confrontation (vol, vandalisme, bagarre) contrairement aux filles chez lesquelles des comportements de non-confrontation seraient principalement observés (fugue, absentéisme scolaire, abus de substance et prostitution) (Loeber, Burke, Lahey, Winters, & Zera, 2000).

1.2.4 Comorbidité

Bien que ces trois troubles se distinguent de par leurs traits particuliers, il existe un chevauchement dans leur présentation clinique (Bezdjian et al., 2011). À titre d’exemple, 20 à 60 % des enfants présentant un TOP répondent également aux critères du TC (Sanders, Gooley, & Nicholson, 2000). De plus, les résultats de plusieurs études indiquent que les enfants qui présentent un TOP développeront plus tard un TC (Whittinger, Langley, Fowler, Thomas, & Thapar, 2007). Il est aussi noté que le TOP a une forte comorbidité avec le TDAH (Fraser & Wray, 2008; Maughan et al., 2004) et des études sur le développement de la comorbidité associée au TOP suggèrent que le TDAH précèderait le TOP (Burke, Loeber, Lahey, & Rathouz, 2005; Nock, Kazdin, Hiripi, & Kessler, 2007). Par ailleurs, le TC et le TOP possèdent plusieurs facteurs de risque communs et partageraient une base génétique commune (Eaves et al., 2000).

1.2.5 Évaluation des difficultés de comportement externalisé

Les difficultés de comportement externalisé peuvent être évaluées de différentes façons, notamment d’un point de vue clinique lors d’une entrevue d’évaluation où le professionnel de la santé pourra utiliser le DSM. Dans ce cas-ci, les difficultés de comportement sont conceptualisées en catégories grâce aux critères cliniques permettant d’obtenir des diagnostics dichotomiques (i.e. TDAH, TOP ou TC) (American Psychiatric Association, 2000). Cette façon de conceptualiser les difficultés de comportement se retrouve fréquemment dans les devis cas-témoin et favorise l’obtention d’une bonne validité clinique. Toutefois, il est souvent difficile, voire impossible pour des raisons de

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faisabilité, d’utiliser cette approche auprès de larges échantillons recrutés en population générale.

Il est par ailleurs possible de concevoir les difficultés de comportement comme des dimensions continues allant de l’absence de difficultés à des difficultés modérées ou sévères. Les difficultés comportementales sont alors évaluées par le biais de questionnaires papiers-crayons auto-rapportés ou complétés par un tiers, le plus souvent le parent ou l’enseignant. Ces dimensions réfèrent à différents symptômes figurant habituellement aux tableaux cliniques du TDAH, TOP et TC tels que l’agressivité, l’hyperactivité/impulsivité et l’inattention et la délinquance. Parmi les questionnaires les plus utilisés en recherche, on retrouve ceux élaborés par Achenbach. Ce dernier a élaboré et validé une série de questionnaires complétés par le parent (Child Behavior Checklist; CBCL), le professeur de l’enfant (Teacher Report Form; TRF) et par l’enfant (Youth Self Report; YSR) (Achenbach, 1991). D’autres questionnaires papiers-crayons sont utilisés tels que le questionnaire Strengths and Difficulties Questionnaire (SDQ) (Goodman, 1997) et le Conners 3rd Edition (Conners 3) (Conners, 1999). Bien que la validité clinique des questionnaires papiers-crayons soit inférieure à celle des diagnostics établis par des professionnels de la santé, ces outils de mesure du comportement de l’enfant peuvent être utilisés auprès de grands échantillons et dans des études populationnelles.

1.2.6 Validité de l’évaluation dans la population inuit

L’évaluation des difficultés de comportement externalisé dans la population inuit peut poser quelques défis, car les questionnaires ont été développés pour des sociétés occidentales relativement éloignées culturellement. Ainsi, les différences dans l’interprétation et l’expression des émotions et des comportements, en plus des différences de langage se rapportant aux difficultés de comportement, peuvent complexifier la mesure du phénomène d’intérêt (Williamson et al., 2013). De plus, la validité, à savoir la propriété des items d’un questionnaire de mesurer effectivement une dimension ou un symptôme, doit idéalement être vérifiée pour chaque population testée (Ivanova et al., 2007). Quelques chercheurs se sont déjà penchés sur la validité du CBCL à travers différents bassins populationnels. Ivanova et ses collègues ont vérifié la validité des huit échelles de

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syndrome du CBCL (Anxiété/dépression, Retrait social, Plaintes somatiques, Problèmes sociaux, Problèmes de la pensée, Problèmes d’attention, Transgression des règles et Agressivité) dans 30 sociétés différentes dont la Chine, l’Iran, la Jamaïque, la Lituanie, la Roumanie et la Turquie. Leurs résultats indiquent une bonne validité dans chacun des 30 pays, ce qui soutient l’utilisation de la notion de problèmes de comportement et l’utilisation du CBCL pour les mesurer à travers différentes sociétés. Ces résultats sont également retrouvés dans l’étude de Rescorla et ses collègues (2007), qui en plus d’examiner les huit échelles de syndrome du CBCL, ont examiné le score total des items et les scores internalisé et externalisé. Toutefois, bien qu’ils trouvent une bonne validité externe pour les échelles de syndrome, le score total des items et les scores internalisé et externalisé, ils notent des différences entre les groupes d’âge et de sexe à travers les sociétés, ce qui supporte la nécessité de rester vigilant face à la variabilité interculturelle.

En ce qui concerne les groupes autochtones, Williamson et ses collègues (2013) notent que bien que la santé mentale des jeunes de ces groupes soit un sujet de préoccupation, très peu d’instruments de mesure du comportement ont été validés spécifiquement pour ces populations. De plus, les autochtones constituent un groupe hétérogène et un instrument développé pour un groupe autochtone spécifique ne signifie en rien qu’il soit valide pour un autre groupe autochtone. En bref, même si les construits inclus dans la catégorie des difficultés de comportement externalisé semblent s’appliquer à de nombreuses sociétés, leur mesure n’a pas été validée spécifiquement pour la population inuit.

1.3 Association entre exposition prénatale au tabac et difficultés de comportement externalisé

La fumée de cigarette contient environ dix milliards de particules de plus de 4000 substances différentes (Billaud & Lemarie, 2001). Certains de ces composants chimiques parviennent à traverser la barrière placentaire dont la nicotine, le monoxyde de carbone (CO), le benzène et certains métaux lourds comme le plomb et le cadmium (Shea & Steiner, 2008). Ces composants peuvent avoir différents effets néfastes pour le fœtus. Par exemple, en raison de son affinité avec l’hémoglobine, le monoxyde de carbone entraine un taux élevé de carboxyhémoglobine chez la mère et chez le fœtus, ce qui est associé à un

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risque d’hypoxie chronique (Billaud & Lemarie, 2001). La fumée de cigarette induirait également une dénutrition maternelle et fœtale en raison des effets anorexigènes de certains composants (Davies & Abernethy, 1976; Perkins, Sexton, DiMarco, & Fonte, 1994) et une perturbation du fonctionnement placentaire à cause de l’activation nicotinique des systèmes cholinergiques, ce qui réduit le transport des acides aminés à travers le placenta (Cnattingius, 2004; Huizink & Mulder, 2006).

Au cours des dernières années, c’est la nicotine, à cause de sa neurotoxicité démontrée en laboratoire, qui a reçu le plus d’attention dans les études tentant d’expliquer les mécanismes d’action de l’EPT sur le développement de l’enfant (Lichtensteiger, Ribary, Schlumpf, Odermatt, & Widmer, 1988). Ce neurotératogène et son métabolite principal, la cotinine, tout comme le monoxyde de carbone, ont la propriété de traverser rapidement le tissu placentaire pour atteindre la circulation sanguine du fœtus : il est possible de détecter la nicotine dans la circulation du fœtus 5 minutes après son introduction dans la circulation sanguine maternelle (Pastrakuljic et al., 1998). Dans sa revue de la littérature, Slotkin (1998) indique que les études réalisées sur des rats montrent que l’exposition prénatale à la nicotine peut induire un arrêt mitotique, la mort cellulaire et une diminution du nombre de cellules dans le système nerveux central (SNC).

1.3.1 Effets du tabac sur la reproduction, la période fœtale et la période périnatale

L’impact négatif du tabagisme est démontré à toutes les étapes de la reproduction. Les conséquences sont nombreuses : chez les fumeuses, on observe des taux de fécondité inférieur (Dechanet et al., 2011), un délai supérieur à concevoir (Petraglia, Serour, & Chapron, 2013), un risque de fausse couche multiplié par deux (George, Granath, Johansson, Olander, & Cnattingius, 2006), un risque accru de grossesse ectopique (Dekeyser-Boccara & Milliez, 2005). Pendant la période fœtale, il y aurait un accroissement des risques de rupture prématurée des membranes, du décollement prématuré du placenta et de présence d’hématome rétroplacentaire (Billaud & Lemarie, 2001). En outre, le tabagisme pendant la grossesse serait fortement lié au retard de croissance intra-utérin (RCIU), lequel accroit le risque de petit poids à la naissance (Williams, Malik, Francis, & Gardosi, 2011). Durant la période périnatale, il y aurait un risque plus élevé de

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mortalité périnatale chez les nouveau-nés de fumeuses (Cnattingius, 2004), les taux de prématurité seraient augmentés de 10 à 15 %, le nouveau-né présenterait un score d’Apgar plus faible et un risque plus important d’hypotrophie néonatale (Billaud & Lemarie, 2001; Simmons, Rubens, Darmstadt, & Gravett, 2010). Les risques de syndrome de la mort subite du nourrisson seraient également accrus (Mitchell & Milerad, 2006).

1.3.2 Hypothèses des mécanismes d’action de l’exposition prénatale au tabac sur les difficultés de comportement externalisé

L’association entre l’EPT et les difficultés de comportement externalisé peut s’expliquer par différents mécanismes d’action. Comme il a été mentionné dans les sections précédentes, les composants de la fumée de cigarette peuvent entrainer divers effets physiologiques chez le fœtus. Un des mécanismes d’action serait associé au risque d’hypoxie qui induirait des conséquences néfastes dans la structure de l’hippocampe qui est impliqué dans la régulation de l’agressivité (Raine et al., 2004).

Une autre hypothèse de mécanisme d’action se rapporte aux effets de la nicotine sur les systèmes de neurotransmetteurs via les récepteurs nicotiniques, qui apparaissent tôt pendant le développement intra-utérin (Falk, Nordberg, Seiger, Kjaeldgaard, & Hellstrom-Lindahl, 2002). Une recension des études animales et humaines réalisée par Shea et Steiner (2008) suggère que les effets délétères de la nicotine sur certains systèmes de neurotransmetteurs peuvent compromettre les fonctions synaptiques en plus d’avoir diverses répercussions nocives sur le SNC. Par exemple, des études conduites avec des rattes gravides indiquent des associations entre l’injection de nicotine et des changements dans les structures mésocorticolimbiques (Park, Loughlin, & Leslie, 2006) et des altérations des projections sérotoninergiques dans le cortex cérébral et dans le striatum de sa progéniture (Slotkin, Pinkerton, Tate, & Seidler, 2006). Chez l’humain, le système sérotoninergique jouerait un rôle dans le développement du trouble des conduites (van Goozen & Fairchild, 2006). De plus, dans leur recension des études animales et humaines, Shea et Steiner (2008) indiquent qu’après son entrée dans la circulation sanguine du fœtus, la nicotine se lie aux récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine et peut influencer l’expression de certains neurotransmetteurs dans le SNC et dans le système nerveux périphérique (SNP) dont

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l’acétylcholine (Ach), la dopamine (DA), la noradrénaline (norépinéphrine), l’adrénaline (épinéphrine) et la sérotonine (5-HT). L’expression de l’acide glutamique (glutamate) et celle de l’acide gamma-amino butyrique (GABA) peuvent également être affectées par l’action de la nicotine. Les catécholamines (i.e. adrénaline, dopamine et noradrénaline) sont impliquées dans plusieurs fonctions liées au comportement et à la cognition dont la régulation s’effectue dans le cortex préfrontal comme l’impulsivité et l’attention (Arnsten, 2006; Arnsten & Li, 2005; Brozoski et al., Brown, Rosvold, & Goldman, 1979; Li, Sham, Owen, & He, 2006). Nous pouvons ainsi penser que l’action de la nicotine sur les systèmes de neurotransmetteurs pourrait expliquer les effets nuisibles de l’EPT sur le développement des difficultés de comportement externalisé chez l’enfant.

1.3.3 Revue des études sur l’association entre l’exposition prénatale au tabac et les difficultés de comportement externalisé (voir Annexe A)

La volumineuse littérature scientifique portant sur l’association entre l’EPT et les problèmes de comportement depuis les années 1970 a fait l’objet de trois revues au cours des cinq dernières années. Ces revues suggèrent toutes une association significative entre l’EPT et les difficultés de comportement externalisé à l’âge scolaire (Knopik, 2009; Polanska, Jurewicz, & Hanke, 2012; Thapar, Cooper, Jefferies, & Stergiakouli, 2012). Dans leur revue de la littérature, Polanska et ses collègues mentionnent que les enfants exposés au tabac avant la naissance ont un risque d’environ 1,5 à 3 fois supérieur de présenter un TDAH ou des symptômes du TDAH, bien que certains travaux empiriques inclus dans leur revue obtiennent des résultats contradictoires (Hill, Lowers, Locke-Wellman, & Shen, 2000; Nigg & Breslau, 2007; Thapar et al., 2009). Polanska et ses collègues indiquent que les études étiologiques sur l’EPT ayant porté sur des symptômes comportementaux précis (e.g. agressivité, attention, hyperactivité/impulsivité) mesurés par des questionnaires (e.g. CBCL, Strength and Difficulties Questionnaire, Behaviour Problem Index), par opposition aux travaux dans lesquels un diagnostic de trouble de comportement cliniquement significatif est formulé, confirment de façon générale l’hypothèse d’une association avec les difficultés comportementales (Batstra, Hadders-Algra, & Neeleman, 2003; D'Onofrio et al., 2008; Kotimaa et al., 2003; Obel et al., 2009; Rodriguez & Bohlin, 2005). Toutefois, chacune des trois revues de la littérature mentionne que les résultats d’études récentes dans

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lesquelles on a comparé le comportement des enfants issus d’une même famille selon leur statut d’exposition in utero au tabac -la mère ayant changé ses habitudes de consommation de tabac entre ses grossesses- amènent un éclairage nouveau : ils appuient l’hypothèse que l’association entre l’EPT et les difficultés de comportement externalisé, incluant les symptômes du TDAH, seraient plutôt attribuables à des facteurs familiaux génétiques et environnementaux corrélés avec le tabagisme maternel (D'Onofrio et al., 2008; Lindblad & Hjern, 2010). Ces revues de littérature permettent également d’apprécier l’importance des différences méthodologiques entre les études au plan des devis. Une première différence réfère aux instruments de mesure du comportement incluant les outils de mesure diagnostique et les questionnaires. Une deuxième différence se rattache aux devis et aux caractéristiques des participants. Plus souvent qu’autrement, l’usage de mesures diagnostiques se retrouve dans les études avec populations cliniques alors que l’utilisation de questionnaires est privilégiée dans des études portant sur la fréquence de manifestations de difficultés comportementales dans la population générale.

1.3.4 Études avec outils de mesure diagnostique

1.3.4.1 Études cas-témoins. Au cours des dix dernières années, cinq études à visées

étiologiques conduites en recourant à un diagnostic clinique ont trouvé une association entre l’EPT et le TDAH. Après appariement pour le sexe et l’âge de l’enfant, les résultats de deux de ces études confirment une prévalence supérieure d’enfants diagnostiqués avec un TDAH en présence d’une exposition prénatale au tabac (Mick, Biederman, Faraone, Sayer, & Kleinman, 2002; Schmitz et al., 2006). Ces deux études ont contrôlé pour la psychopathologie familiale, le niveau socio-économique (Mick et al., 2002) et pour le TDAH maternel, le poids à la naissance et l’exposition prénatale à l’alcool (Schmitz et al., 2006), en plus des problèmes externalisés comorbides chez l’enfant et la mère, dont le TC. Les résultats de ces deux études sont confirmés dans trois autres études. Ainsi, certains chercheurs trouvent que les enfants diagnostiqués avec un TDAH (Motlagh et al., 2010) ont plus de risque d’avoir été exposés au tabac durant la grossesse que les enfants d’un groupe contrôle. De plus, ces résultats sont corroborés par ceux de deux autres études n’utilisant pas les critères diagnostiques comme outil de mesure des comportements externalisés, mais plutôt des questionnaires pour évaluer le Deficits in attention, motor control, and

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perception (DAMP), c’est-à-dire des déficits associés à l’attention, au contrôle moteur et à la perception (Landgren, Kjellman, & Gillberg, 1998), et le propensity score du SDQ (McCrory & Layte, 2012).

Deux études différentes se sont intéressées aux enfants diagnostiqués avec un TDAH. Ces études ont aussi documenté les difficultés de comportement par le biais de diagnostics, mais elles ont contrasté trois groupes d’enfants: 1) TDAH exposés in utero au tabac; 2) TDAH non exposés; et 3) non TDAH. Biederman et ses collègues (2012) n’ont trouvé aucune différence entre les profils cliniques des groupes TDAH, ce qui suggère que l’exposition au tabac n’induit pas une expression différentielle du trouble. De Zeeuw et ses collègues (2012) ont examiné le volume cérébral de ces groupes d’enfants. Ils ont rapporté que celui des enfants du groupe TDAH exposés au tabac était inférieur à celui des enfants TDAH non exposés, de même que le volume cérébral des enfants des deux groupes TDAH était inférieur à celui des témoins non exposés au tabac.

Les études de cas-témoins sont peu nombreuses, mais ont la qualité d’apparier les cas et les témoins sur les principaux facteurs de confusion. Les résultats de ces études soutiennent l’hypothèse d’un risque accru de troubles comportementaux de type TDAH en présence de l’EPT, de même qu’ils suggèrent la présence des différences anatomiques cérébrales liées à l’EPT.

1.3.4.2 Autres études qui documentent le comportement à l’aide d’outils diagnostiques. D’autres études publiées au cours des dix dernières années, qu’elles soient

corrélationnelles transversales ou de cohortes prospectives ont eu recours à une approche clinique pour documenter les problèmes de comportements. Trois équipes de chercheurs ont trouvé des associations significatives entre l’EPT mesurée de façon rétrospective et des symptômes d’hyperactivité, d’impulsivité et du TC (Langley, Holmans, van den Bree, & Thapar, 2007), des difficultés de contrôle attentionnel chez des enfants avec TDAH (Motlagh et al., 2011) et la présence d’un TC en comorbidité avec le TDAH (Freitag et al., 2012). Une autre étude a trouvé une association entre l’EPT mesurée de façon rétrospective

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et un risque plus élevé chez des garçons de présenter un diagnostic de TOP ou un diagnostic de TOP en comorbidité avec un TDAH : l’association avec le TDAH seul ne s’est toutefois pas révélée significative (Wakschlag, Pickett, Kasza, & Loeber, 2006). De plus, une étude fait exception et a utilisé une mesure prospective pour mesure l’EPT lors de visites régulières pendant la grossesse pour documenter les habitudes tabagiques. Cette étude n’a retrouvé aucune association significative entre l’EPT et le TDAH (Ball et al., 2010).

Enfin, une étude populationnelle ayant utilisé un échantillon de 982 856 enfants a permis de comparer les enfants des mères qui ont changé leurs habitudes de consommation de tabac entre les deux grossesses (Lindblad & Hjern, 2010). La présence de problèmes de comportements externalisée est inférée à partir de la prise de médication obtenue dans un registre (Swedish Prescribed Drug Register) qui regroupe toutes les ordonnances médicales depuis juillet 2005. Le patron d’association entre l’EPT et la présence d’un diagnostic de TDAH selon les enfants d’une même famille exposés ou non exposés ne soutient pas l’hypothèse d’un effet direct de l’EPT sur le comportement. Les auteurs ont conclu que le risque associé à l’EPT serait davantage expliqué par les facteurs génétiques et environnementaux familiaux qui lui sont associés.

1.3.5 Études étiologiques qui documentent le comportement à l’aide de questionnaires

De nombreux chercheurs ont étudié l’association entre l’EPT et les difficultés de comportement externalisé mesurées par des questionnaires. Il s’agit le plus souvent d’études prospectives de larges cohortes ou d’études corrélationnelles en populations générales dans lesquelles ont été documentés les comportements de l’enfant et la consommation maternelle de tabac en cours de grossesse ou de façon rétrospective plus ou moins longtemps après l’accouchement. Les résultats de la grande majorité de ces études soutiennent l’hypothèse d’une association significative après contrôle pour de nombreuses variables confondantes comprenant habituellement le statut socioéconomique et les psychopathologies des parents. Ainsi, plusieurs chercheurs trouvent une association significative entre l’EPT mesurée pendant la grossesse, à la naissance ou rétrospectivement, de façon dichotomique ou en continu, et des difficultés de comportement externalisé

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(Batstra et al., 2003; Gray, Indurkhya, & McCormick, 2004; Indredavik, Brubakk, Romundstad, & Vik, 2007; Martin, Dombrowski, Mullis, Wisenbaker, & Huttunen, 2006; Piper, Gray, & Birkett, 2012; Ruckinger et al., 2010), l’agressivité (Brook, Zhang, Rosenberg, & Brook, 2006), des difficultés d’attention et l’hyperactivité (Fitzpatrick, Barnett, & Pagani, 2012; Kotimaa et al., 2003; Naeye & Peters, 1984; Rodriguez & Bohlin, 2005; Sagiv, Epstein, Bellinger, & Korrick, 2013; Thapar et al., 2003; Tiesler et al., 2011) et des problèmes de conduites chez les garçons (Wakschlag & Hans, 2002). Une autre étude qui a documenté les difficultés de comportement externalisé par le biais de questionnaires a trouvé une association significative entre l’EPT et des comportements associés au TDAH. Toutefois, cette étude se distingue des autres par rapport à son investigation des effets putatifs de l’EPT. Dans leur étude, Vuijk, van Lier, Huizink, Verhulst et Crijnen (2006) ont voulu vérifier si l’EPT pouvait prédire le succès ou l’échec d’une intervention ciblant la réduction des comportements perturbateurs en encourageant ceux prosociaux. Les enfants étaient aléatoirement assignés dans un groupe recevant une intervention de 2 ans ciblant les difficultés de comportement ou dans une condition contrôle (i.e. sans traitement). L’intervention a été suivie d’une diminution des difficultés attentionnelles et de l’hyperactivité seulement dans le groupe non exposé in utero au tabac.

Quoi qu’il en soit, il persiste des études dont les résultats ne corroborent pas l’hypothèse d’une association directe entre l’EPT et les problèmes de comportements durant l’enfance, et ce, malgré qu’elles soient comparables relativement aux outils de mesures des problèmes de comportement, aux indices d’exposition prénatale au tabac et aux caractéristiques des échantillons recrutés Dans plusieurs cas, la relation entre l’EPT et le comportement disparait après la prise en compte de facteurs génétiques et propres à l’environnement familial. C’est le cas de l’étude de Nigg et Breslau (2007) dans laquelle l’association entre l’EPT et les comportements associés au TOP persiste après le contrôle pour l’abus de substances et le niveau d’éducation maternels, mais celle entre l’EPT et les comportements associés au TDAH disparait. Monshouwer et ses collaborateurs (2011) rapportent également une disparition de l’association entre l’EPT et les difficultés de comportement externalisé après inclusion de facteurs tels que l’âge maternel à l’accouchement, l’exposition in utero à l’alcool, le niveau socio-économique, le tabagisme

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maternel et paternel, l’histoire maternelle et paternelle de difficultés de comportement internalisé et externalisé, le poids à la naissance, et les complications pendant la grossesse et l’accouchement. Ces mêmes résultats sont observés après contrôle du TDAH maternel (Agrawal et al., 2010).

Du côté des études génétiquement informatives, elles ne corroborent pas la présence d’un lien direct entre l’EPT et les difficultés de comportement externalisé. Une étude génétiquement informative avec devis de jumeaux montre que la variation interindividuelle des problèmes antisociaux s’explique largement par des facteurs génétiques et que la plus grande partie de leur association avec l’EPT s’explique aussi par des facteurs génétiques de même que par les psychopathologies parentales et le faible statut socioéconomique (Maughan et al., 2004). Selon Silberg et ses collègues (2003), les résultats de leur étude de jumeaux suggèrent également que l’association entre l’EPT et les difficultés de comportement associées au TC s’explique, du moins en partie, par des facteurs environnementaux familiaux associés aux problèmes de conduite.

Au cours des dernières années, des études ont utilisé différentes stratégies spécifiquement vouées à départager l’effet possible de l’EPT des facteurs confondants. Une première stratégie consiste à comparer les difficultés de comportement chez les enfants d’une même famille dont la mère a changé de statut tabagique entre ses grossesses. Un tel devis permet de conclure à une relation causale entre l’EPT et les difficultés de comportement externalisé lorsque l’enfant exposé in utero au tabac présente davantage de difficultés de comportement externalisé que celui non exposé. Quatre études différentes ont utilisé cette stratégie méthodologique et leurs résultats sont unanimes : l’association entre l’EPT et la prise de médication pour le TDAH (Lindblad & Hjern, 2010), les difficultés de comportement associées au TDAH, au TOP et au TC (D’Onofrio et al., 2008), les comportements antisociaux (D'Onofrio, Van Hulle, Goodnight, Rathouz, & Lahey, 2012) et la criminalité (D'Onofrio et al., 2010) s’explique par les facteurs familiaux qui prédisposent au tabagisme plutôt qu’à l’exposition fœtale. Toutefois, Frisell, Öberg, Kuja-Halkola et Sjölander (2012) mentionnent que ces devis méthodologiques de comparaison dans la fratrie présentent quelques faiblesses. D’abord, les frères et sœurs ne sont pas forcément

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exposés également aux caractéristiques de l’environnement familial comme le suppose le modèle. De plus, des simulations menées par ces auteurs montrent que les estimés de variance interfamiliale sont plus sensibles à l’erreur de mesure aléatoire parce que les erreurs de mesure cumulées augmentent la discordance entre les enfants d’une même famille. Malgré leur intérêt indéniable, les devis basés sur la fratrie s’exposent donc à des biais qui leur sont propres en plus de rendre difficile la généralisation des résultats puisque les familles dans lesquelles les mères changent de statut tabagique d’une grossesse à l’autre peuvent différer de celles dans lesquelles le comportement tabagique maternel est stable.

Une autre stratégie méthodologique a été utilisée par Obel et ses collègues (2009). Celle-ci consiste à contraster les résultats de populations dans lesquelles il est fréquent, voire normatif, ou non de fumer durant la grossesse. Obel et ses collègues ont donc comparé trois cohortes nordiques : deux cohortes danoises où l’EPT est très répandue et une cohorte finlandaise où les taux de tabagisme durant la grossesse sont faibles. Ces chercheurs voulaient vérifier si l’association entre l’EPT et les difficultés de comportement associées au TDAH s’expliquait plutôt par le TDAH maternel, lequel serait associé à un risque élevé de tabagisme durant la grossesse, car la nicotine aurait des effets thérapeutiques bénéfiques sur l’attention. Selon eux, dans les populations où le tabagisme est accepté socialement, plusieurs femmes fument pendant la grossesse et peu d’entre elles fument pour obtenir les effets thérapeutiques alors que dans les populations où la prévalence du tabagisme est faible et où le tabagisme est entrevu d’un mauvais œil, une grande proportion des fumeuses présentent possiblement des comportements associés au TDAH et fument pour les effets thérapeutiques. Ainsi, selon ces chercheurs, si la force de l’association entre l’EPT et les difficultés de comportement apparait plus forte dans la cohorte finlandaise, où la prévalence de tabagisme est faible, alors il serait possible de confirmer le rôle des facteurs génétiques dans l’association entre l’EPT et les difficultés de comportement associées au TDAH. Or, ces chercheurs ont obtenu des associations significatives similaires entre l’EPT et des comportements associés à l’hyperactivité et d’inattention dans chacune des trois cohortes. Ce résultat supporte plutôt l’hypothèse d’un effet direct de l’EPT sur le comportement.

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Langley, Heron, Smith et Thapar (2012) ont usé d’une autre stratégie méthodologique consistant à comparer les associations observées entre les difficultés de comportement externalisé et le tabagisme maternel de celles observées avec le tabagisme du père. Selon cette stratégie, un effet unique du tabagisme maternel révèlerait un effet du tabagisme maternel indépendant des facteurs environnementaux et génétiques alors que des associations de force équivalentes avec le tabagisme maternel et paternel corroboreraient l’hypothèse de facteurs environnementaux familiaux. Dans leur étude, ces chercheurs rapportent une association significative entre les comportements associés au TDAH et l’EPT, mais également avec le tabagisme paternel pendant la grossesse, ce qui soutient plutôt un effet des facteurs familiaux confondus avec l’EPT. Keyes et ses collègues (2013) ont aussi utilisé cette stratégie pour départager les effets directs de l’EPT des facteurs familiaux. Ils ont utilisé des données de tabagisme maternel recueillies pendant les années 1961-1963, alors que le tabagisme pendant la grossesse était très fréquent, voire normatif. Bien que cette étude n’ait pas permis de contrôler certains facteurs confondants relatifs par exemple au risque psychosocial chez les mères qui fument pendant la grossesse (Keyes et al., 2013), la présence d’une association significative entre l’EPT et l’hyperactivité chez l’enfant d’âge scolaire soutient l’hypothèse de l’effet unique de l’exposition in utero au tabac.

Finalement, Thapar et ses collègues (2009) ont utilisé une stratégie méthodologique inédite pour départager les effets de l’environnement prénatal des effets héréditaires en recrutant des paires mère-enfant dans des cliniques de fertilité. Cette stratégie repose sur le recrutement d’enfants qui sont issus de techniques de reproduction assistée, le transfert d’ovule ou d’embryon, et qui sont comparés à des enfants génétiquement apparentées à leur mère, puisque issus d’une fertilisation in vitro avec les gamètes du père ou d’un don de sperme. Selon cette stratégie méthodologique, la présence d’associations entre l’EPT et des comportements associés au TDAH au sein des paires mère-enfant non apparentées et apparentées permet de conclure à un effet direct de l’EPT sur le comportement. À l’opposé, si l’association se présente uniquement chez les paires génétiquement apparentées, alors il serait possible de conclure que l’association entre l’EPT et le TDAH s’expliquerait davantage par des facteurs génétiques. Les chercheurs ont examiné les associations entre

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l’EPT et les scores de TDAH évalué par l’échelle DuPaul (1991) chez les paires génétiquement apparentées et chez les paires non génétiquement apparentées. Les résultats obtenus indiquaient une absence d’association significative chez les paires non génétiquement apparentées alors qu’une association significative était retrouvée chez les dyades apparentées. De plus, l’association entre l’EPT et le TDAH était significativement plus forte chez les dyades apparentées, ce qui a mené les chercheurs à conclure sur une association génétique entre le tabagisme maternel et les difficultés de comportement associées au TDAH chez les enfants.

Ce résumé de la littérature sur l’association entre l’EPT et les difficultés de comportement externalisé montre la difficulté et l’importance de distinguer l’effet possible de l’EPT des effets environnementaux et génétiques avec lesquels l’EPT est associée. En ce sens, les études plus récentes pointent vers l’importance du rôle de la génétique dans l’étiologie des difficultés de comportement. Déjà, de nombreux chercheurs ont étudié les facteurs génétiques dans l’étiologie des difficultés de comportement, en plus d’autres chercheurs qui se sont penchés sur les effets de l’interaction entre facteurs génétiques et l’EPT sur la présence de difficultés de comportement externalisé. Avant la présentation de ces études, il convient toutefois de revoir certains concepts de base en génétique.

1.4 Concepts de base en génétique

Cette section présente les concepts de base en génétiques afin de bien comprendre les notions relatives aux polymorphismes génétiques et aux interactions GxE. À moins qu’il y ait une autre référence indiquée, les notions présentées ont été tirées de Campbell (1995).

1.4.1 Le gène

Chaque individu possède un génome – l’ensemble des gènes – contenant l’information biologique qui le différencie des autres sur différents traits comme la couleur des yeux. Les gènes représentent l’unité de base de l’hérédité et sont transmis des parents à leurs enfants lors de l’union du spermatozoïde et de l’ovule.

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1.4.1.1 Composition et structure de l’ADN. L’ADN est une macromolécule qui fait

partie, avec l’ARN, de la classe de composés appelés « acides nucléiques ». L’ADN de chaque individu comprend les instructions génétiques permettant la fabrication des protéines. L’unité de base de l’ADN est appelée un nucléotide et est formée d’un sucre (désoxyribose), d’un groupement phosphate et d’une base azotée. Il existe quatre types de bases azotées : cytosine (C), thymine (T) (la thymine est remplacée par l’uracile (U) dans l’ARN), adénine (A) et guanine (G). L’ADN est représenté par une double hélice similaire à une échelle torsadée dont les barreaux sont les paires de bases azotées, tandis que les deux brins parallèles sont constitués de désoxyriboses et de phosphates. Chacune des bases se projetant d’un brin se rattache à la base de l’autre brin grâce à des liaisons d’hydrogène. Chaque base possède un complément exclusif : l’adénine ne peut être rattachée qu’à la thymine, tandis que la cytosine ne peut être rattachée qu’à la guanine. Ainsi, à partir de la séquence d’un brin, il est facile de déterminer celle de l’autre brin grâce à la règle de l’appariement. Par exemple, pour la séquence de bases ATGGCT d’une partie d’un brin, la séquence correspondante de l’autre brin sera TACCGA.

1.4.1.2 Structure des gènes et génome. Le génome humain possède quelques dizaines

de milliers de gènes transmis par la mère et le père. Chacun des gènes est composé d’ADN et se retrouve sur un chromosome. Un gène peut prendre différentes formes, ou séquences d’ADN, dans une population. Le terme allèle (abréviation du terme allèlomorphe) réfère à ces différentes séquences. La localisation exacte d’un gène sur un chromosome se nomme un locus. Ainsi, un individu pourrait par exemple avoir un allèle sur le locus de la β-globine du chromosome 11. Lorsqu’un individu présente le même allèle sur les deux membres d’une paire de chromosomes, il est identifié comme étant homozygote. S’il présente des allèles différents, alors l’individu est hétérozygote. Le terme génotype fait quant à lui référence aux allèles présents sur un locus déterminé (Jorde, Carey, Bamshad, & White, 2004).

1.4.1.3 Des gènes aux protéines. Les gènes d’un individu regroupent toute

l’information qui lui donne ses caractères propres. Ce sont les protéines synthétisées à partir des séquences d’ADN qui tracent le pont entre le génotype d’un individu et son

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phénotype (i.e. l’ensemble des caractères apparents). Plus spécifiquement, les gènes produisent des polypeptides qui composent les protéines. Une protéine peut être produite à partir d’un seul ou de plusieurs polypeptides. Un polypeptide est une série d’acides aminés. L’organisme compte au total 20 acides aminés différents (e.g. tryptophane, acide glutamique, phénylalanine).

Le passage de l’information de l’ADN aux protéines se fait en deux étapes principales : la transcription et la traduction. La transcription permet la création de l’ARNm à partir de la séquence de nucléotides de l’ADN. Lors de la traduction, la séquence de bases de l’ARNm est traduite, permettant d’obtenir une séquence d’acides aminés d’un polypeptide. Des unités de trois bases d’ARNm codent pour un acide aminé. Ces regroupements de trois bases d’ARNm sont dénommés codons. Par exemple, le codon UGG (uracile-guanine-guanine) donnera l’acide aminé tryptophane. Les acides aminés codés sont ensuite assemblés, ce qui forme les polypeptides. La chaine polypeptidique s’enroule puis se plie pour former une protéine.

1.4.2 Variations génétiques

1.4.2.1 Les mutations. La séquence de nucléotides qui forme un gène peut varier

d’une personne à l’autre (e.g. TCACG versus TTACG). Un changement permanent dans la séquence de nucléotides d’un individu est une mutation. Bien que la majorité des mutations aient peu d’impact sur le fonctionnement des gènes, d’autres mutations l’affectent et s’inscrivent dans l’étiologie des maladies génétiques et de certains cancers. Il arrive également que certaines mutations soient conservées dans la population sous la forme de variantes morphologiques. Les variations de séquence d’ADN présentant des fréquences inférieures à 1 % se réfèrent au concept de variant rare, alors que celles présentant des fréquences égales ou supérieures à 1 % sont des polymorphismes.

1.4.2.2 Polymorphismes génétiques. Il existe différentes classes de polymorphismes

dont les polymorphismes de nucléotide unique (SNP) et les polymorphismes de sites en nombre variable répétés en tandem (VNTRs). Un SNP est un polymorphisme qui résulte de

Figure

Figure  1.  Estimated  Marginal  Means  of  Standardized  Residual  for  Rule-breaking  behaviours by Genotype and Exposure Status
Figure 2. Means for Externalizing Problems Score (standardized residual) by Genotype and  Exposure Status.
Figure  3.  Means  for  Rule-Breaking  Score  (standardized  residual)  by  Genotype  and  Exposure Status.
Figure  4.  Means  for  Attention  Problems  Score  (standardized  residual)  by  Genotype  and  Exposure Status.

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