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Chapitre 1. Introduction générale

1.5 Interaction gène-environnement

1.5.2 Revue de la littérature des études d’interactions GXE

Au cours des dix dernières années, huit études ont documenté l’effet d’interactions GxE entre l’EPT et des gènes des monoamines et de l’acétylcholine sur la présence des difficultés de comportement externalisé à l’âge scolaire alors qu’une seule étude s’est penchée sur cette question, mais en tenant compte de l’effet des gènes métaboliques à la période préscolaire. Les études publiées varient dans leur devis et leurs mesures et sont présentées selon la catégorie de gènes à laquelle elles appartiennent.

1.5.2.1 Interactions GXE entre les gènes des monoamines et de l’acétylcholine et l’EPT. Les monoamines sont un regroupement de neurotransmetteurs comprenant,

notamment, les catécholamines (adrénaline, noradrénaline, dopamine) et la sérotonine. Ces gènes comprennent entre autres les gènes des récepteurs dopaminergiques D2, D4 et D5 (DRD2, DRD4 et DRD5), le gène du transporteur de la dopamine (DAT1 ou SLC6A3), le gène de la dopamine-β-hydroxylase (DBH), le gène de la catéchol-O-méthyltransférase (COMT), le gène de la monoamine oxidase A (MAOA) et le gène du transporteur de la sérotonine (5-HTT). DRD2, DRD4, DRD5 et DAT1 contrôlent les niveaux de dopamine, alors que DBH, COMT et MAOA sont des enzymes qui influencent le métabolisme de la dopamine (Triche, Hossain, & Paidas, 2008). Le système dopaminergique est impliqué dans plusieurs fonctions importantes dont l’attention, la motivation et les récompenses (Belsky & Pluess, 2009). MAOA influence également le métabolisme du système sérotoninergique (Faraone & Khan, 2006), qui intervient dans la régulation des émotions (Lucki, 1998). L’acétylcholine est aussi un neurotransmetteur. Le gène du récepteur nicotinique de l’acétylcholine sous-unité α4 (CHRNA4) est un gène fréquemment cité dans les études (Todd & Neuman, 2007). CHRNA4 est un récepteur grandement présent dans certaines régions cérébrales innervées par le système dopaminergique (Gotti, Zoli, & Clementi, 2006).

Des interactions avec les gènes de COMT, DAT1, MAOA, DRD4 et CHRNA4 et l’EPT sur les difficultés de comportement ont été documentées dans six études ayant utilisé un échantillon populationnel et ayant mesuré l’EPT de façon rétrospective à l’exception d’une (Brennan et al., 2011). Des interactions significatives ont été observées entre le gène DAT1 et l’EPT pour des comportements d’hyperactivité-impulsivité mesurés avec le questionnaire diagnostique Kiddie-Sads-Present (K-Sads) (Becker, El-Faddagh, Schmidt, Esser, & Laucht, 2008), d’opposition mesurés par le questionnaire Conners d’Achenbach complété par les parents de l’enfant (Kahn, Khoury, Nichols, & Lanphear, 2003) et le TDAH sous-type combiné (i.e. hyperactivité, impulsivité et inattention) mesuré lors d’une entrevue diagnostique avec les parents (Neuman et al., 2007). Neuman et son équipe rapportent aussi une interaction significative entre l’EPT et le gène DRD4 pour le TDAH sous-type combiné. De leur côté, Kieling et ses collègues (2013) n’ont trouvé aucune

interaction significative entre l’EPT et le gène DAT1 et MAOA sur les comportements d’hyperactivité et du TC mesurés par l’échelle de symptômes SDQ. Brennan et son équipe (2011) rapportent une interaction significative entre l’EPT et le gène COMT sur des comportements d’agressivité mesurés par le CBCL. Les résultats d’une étude suggèrent une interaction significative entre l’EPT et le gène CHRNA4 sur le TDAH sous-type combiné mesuré lors d’une entrevue diagnostique avec les parents (Todd & Neuman, 2007).

Deux études ont été conduites avec un échantillon clinique d’enfants avec un diagnostic de TDAH. Langley et ses collègues (2008) ont étudié les effets d’une interaction entre l’EPT mesurée de façon rétrospective et les gènes DRD4, DAT1, DRD5 et 5-HTT sur le TDAH (N = 266). Aucune interaction significative n’est ressortie de leurs analyses. Des résultats similaires sont présentés dans une autre étude où les chercheurs ont examiné l’interaction entre l’EPT mesurée rétrospectivement et le gène DRD4 sur la sévérité des symptômes du TDAH mesurés par le Conners chez des enfants avec diagnostic de TDAH (N = 539) ou sans diagnostic (N = 407) (Altink et al., 2008). Les résultats de leur étude suggèrent que les enfants avec TDAH sont plus susceptibles d’avoir été exposés à la cigarette avant la naissance. Toutefois, la sévérité des symptômes ne semble pas être associée à une interaction entre l’EPT et le gène DRD4.

Les études publiées avec échantillon populationnel semblent toutes pointer vers un effet d’interaction GxE sur la présence de difficultés de comportement ou d’un diagnostic de TDAH à l’exception d’une étude (Kieling et al., 2013), alors que les deux études avec échantillon clinique n’observent aucune interaction prédisant la sévérité des symptômes ou la présence d’un diagnostic clinique. La divergence qui existe parmi ces études soutient l’importance de continuer l’investigation des interactions GxE avec les gènes des monoamines et de l’acétylcholine en lien avec l’étiologie des difficultés de comportement, mais également d’élargir l’étude à d’autres gènes d’intérêt.

1.5.2.2 Interactions GXE entre les gènes métaboliques et l’EPT. Peu d’études se

l’étiologie des difficultés de comportement. Toutefois, les gènes métaboliques gouvernent l’activité enzymatique qui est responsable du métabolisme des composants du tabac. Ce sont les enzymes qui assurent la transformation des métabolites toxiques du tabac en des composants moins nocifs pour la santé (Wang et al., 2002). Des variations sur les gènes qui encodent ces enzymes pourraient affecter ce processus et, par le fait même, expliquer pourquoi certains enfants présentent une plus grande susceptibilité face à l’EPT.

Plusieurs enzymes sont impliqués dans le métabolisme des composants du tabac puisque la fumée de cigarette se compose de nombreuses substances différentes. Par exemple, les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAPs) qu’elle contient sont métabolisés en deux phases distinctes par divers enzymes. La première phase se rapporte à l’activation des HAPs en les transformant en des composants intermédiaires hydrophiles, réactifs et électrophiles qui peuvent se lier à l’ADN (Suter et al., 2010). La deuxième phase permet la détoxification grâce à certains enzymes, dont ceux de la famille de la glutathion S-transférase (GST), qui transforment ces composants intermédiaires en de nouveaux composants pouvant être excrétés du corps (Wang et al., 2002). L’enzyme aryl hydrocarbone hydroxylase est codé par le gène cytochrome P450, famille I, sous-famille A, polypeptide I (CYP1A1) impliqué dans la première phase, alors que les gènes glutathion S- transférase thêta 1 (GSTT1) et glutathion S-transférase mu 1 (GSTM1) sont deux gènes impliqués dans la deuxième phase.

La fumée de cigarette contient également des amines aromatiques qui sont métabolisés en partie grâce à l’enzyme N-acétyltransférase 1 (NAT1) qui intervient lors de la deuxième phase de détoxification (Lammer, Shaw, Iovannisci, Van Waes, & Finnell, 2004). Par ailleurs, la fumée de cigarette produit des composés réactifs pouvant causer des dommages sur l’ADN (Infante-Rivard, Weinberg, & Guiguet, 2006). L’intégrité du génome est préservée grâce à certains gènes dont le X-ray repair cross-complementing group 3 (XRCC3).

Une seule étude s’est intéressée à l’interaction entre l’exposition prénatale à la fumée de cigarette secondaire et les gènes métaboliques sur les difficultés de comportement externalisé. Hsieh et ses collègues (2010) ont examiné cette relation en incluant quatre polymorphismes de trois gènes métaboliques dans leurs analyses, soit CYP1A1 MspI, CYP1A1 Ile462VAL, GSTT1 et GSTM1. Les mères (N = 191) ont complété un CBCL pour la mesure des difficultés de comportement externalisé et agressif chez leur enfant de 2 ans. L’exposition prénatale à la fumée de cigarette secondaire était mesurée de façon rétrospective trois jours suivant la naissance de l’enfant. Leurs résultats suggèrent une interaction chez les enfants exposés au tabagisme avant la naissance qui présentaient des variations génétiques pour CYP1A1 MspI et CYP1A1 Ile462Val, ce qui suggère que l’association entre l’exposition prénatale à la fumée de cigarette secondaire et les difficultés de comportement serait modifiée par les gènes métaboliques. Bien qu’ils aient étudié les déficits cognitifs plutôt que le comportement externalisé, les résultats de Morales et de ses collègues (2009) suggèrent que les gènes métaboliques (GSTM1) peuvent modifier l’association entre l’EPT mesurée de façon prospective et les difficultés à l’enfance. Toutefois, contrairement à Hsieh et ses collègues qui ont trouvé une interaction avec le gène métabolique de la première phase du métabolisme, ces chercheurs en trouvent une avec un gène de la deuxième phase qui permet la détoxification. Selon leurs résultats, les enfants âgés de quatre ans (N = 384) exposés au tabagisme en période prénatale qui possédaient l’allèle nul du gène GSTM1 présentaient un risque plus élevé d’obtenir un score global cognitif inférieur au McCarthy Scales of Children’s Abilities (MCSA). Ces chercheurs proposent l’idée que le gène GSTM, qui gouverne l’action des enzymes GST, modifierait le processus de détoxification des composants de la fumée de tabac en période prénatale.

Bien que peu nombreuses, les études publiées sur l’interaction entre l’EPT (et l’exposition prénatale à la fumée de cigarette secondaire) et les gènes métaboliques témoignent de l’intérêt de poursuivre l’exploration du rôle de ces gènes dans la recherche des effets putatifs de l’EPT. Les conclusions des deux études présentées suggèrent une interaction entre les gènes métaboliques de l’enfant, CYP1A1 et GSTM1, et les composants de la fumée de tabac, ce qui permet de penser que des variations sur ces gènes pourraient

être responsables de changements fonctionnels qui positionneraient des individus comme étant plus susceptibles à l’EPT.