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La réforme de l'évaluation des enseignants du secondaire en France : analyse de la grève du 15 décembre 2011 et pistes pour sortir de l'impasse

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MIREILLE BELLANGER

LA REFORME DE L’ÉVALUATION DES

ENSEIGNANTS DU SECONDAIRE EN FRANCE

Analyse de la grève du 15 décembre 2011

et pistes pour sortir de l’impasse

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l’Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en Administration et évaluation en éducation

pour l’obtention du grade de Maître ès arts (M.A.)

DÉPARTEMENT DES FONDEMENTS ET DES PRATIQUES EN ÉDUCATION FACULTÉ DES SCIENCES DE L’ÉDUCATION

UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC

2012

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(3)

Résumé

Cette recherche qualitative, de type documentaire, porte sur le projet de réforme de l’évaluation des enseignants en France. Ces derniers ont fait grève le 15 décembre 2011 afin de protester contre son application prévue en septembre 2012.

Ce mémoire offre une grille de lecture de l’évaluation des enseignants selon différents points de vue relevés dans la presse à l’occasion de cette grève.

Les modèles d’analyse contextualiste de Brouwers (1997) auquel a été associé la typologie des sept mondes de la justification d’après Boltanski (1991) ont permis de mettre en évidence le code de valeur qui justifie les différentes positions, les points de résistance et les points d’appui pour d’éventuelles négociations.

Les résultats montrent que ce projet est possible dans le cadre d’une obligation de compétences, et non d’une obligation de résultats, s’il s’accompagne d’une formation pour tous et s’il fait une large part à l’autonomie des acteurs.

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Abstract

This qualitative research, documentary style, focuses on the reform of teacher evaluation in France. These went on strike Dec. 15, 2011 to protest against its application planned for September 2012.

This thesis offers a reading grid for the evaluation of teachers from different points of view raised in the press during that strike.

Contextualist analysis models from Brouwers (1997), which was associated with the typology of the seven worlds of justification by Boltanski (1991), helped to highlight the value code that justifies the different positions, points of resistance and the points of support for possible negotiations.

The results show that this project is possible under an obligation of competence, not a performance obligation, if combined with training for all and if it makes a large part to the autonomy of stakeholders.

(5)

Avant-Propos

Ce travail s’inscrit dans le sillage de Mme Demailly (2008) qui voudrait que :

« L’administration développe une pédagogie socio-constructiviste de l’obligation de compétences, qu’elle laisse une large place à l’auto-évaluation socialisée dans le groupe de pairs, qu’elle pratique un accompagnement formatif, qu’elle encourage le débat collectif, et qu’elle respecte des temporalités propres au travail et au travail réflexif des professionnels en premier lieu » (Lessard & Meirieu, 2008, p.163).

(6)

Je tiens à remercier Mr Le Recteur de l’Académie de Rennes, en France, qui a accepté mon recours gracieux pour l’obtention de mon congé formation, Mme

Yamina Bouchamma, ma directrice de recherche, qui a cru en moi depuis le départ et Mme Nathalie Carpentier, ma coéquipière en bureautique, sans qui ce projet n’aurait pas abouti.

(7)

Table des matières

Résumé …….. ... i

Abstract …… ... ii

Avant-Propos ... iii

Table des matières ... v

Liste des tableaux ... ix

Liste des figures ... x

Introduction.. ... 1

Chapitre 1 Problématique et contexte de la réforme ... 4

1.1 Problématique et question de recherche ... 4

1.2 Le contexte externe ... 5

1.2.1 Le contexte éducatif international ... 5

1.2.2 Le contexte économique ... 6

1.2.3 Le contexte juridique : la réforme du service public ... 7

1.3 Le contexte interne ... 8

1.3.1 L’influence du cadre institutionnel et budgétaire sur les activités d’enseignement ... 8

1.3.2 Présentation succincte des enseignants français ... 9

1.3.3 Historique de la supervision des enseignants en France ... 12

1.3.4 Présentation des modalités actuelles de la supervision des enseignants du secondaire en France ... 13

1.4 Le projet de réforme en quelques points ... 15

1.4.1 Ce qu’en disent les textes officiels ... 15

1.4.2 L’évolution de la notation des enseignants ... 16

1.4.3 De nouveaux rôles pour les personnels ... 17

Chapitre 2 Recension des écrits ... 22

2.1 L’obligation de résultats en éducation ... 22

2.1.1 Qu’est-ce que l’obligation de résultats? ... 22

2.1.2 L’obligation de résultats peut-elle s’appliquer à l’éducation? ... 23

2.1.3 Qu’est-ce que l’obligation de compétences? ... 25

2.2 L’évaluation des compétences des enseignants ... 28

2.2.1 Comment définir les compétences? ... 28

2.2.2 L’évaluation ... 29

2.2.2.1 Évaluation sommative et évaluation formative ... 30

2.2.2.2 L’autoévaluation ... 31

2.2.2.3 L’évaluation par les pairs ... 32

2.2.2.4 L’évaluation collective ... 34

2.2.2.5 L’entretien d’évaluation de la valeur professionnelle ... 34

2.2.3 Les fonctions de l’inspection en vigueur en France ... 35

2.2.4 Des responsabilités nouvelles pour l’école et les enseignants ... 36

2.3 Un pouvoir nouveau donné aux personnels de direction... 37

2.4 Quelques conditions nécessaires pour que les chefs d’établissements puissent mettre en place les entretiens annuels d’évaluation... 38

2.4.1 Connaître les résistances des enseignants ... 38

(8)

2.4.3 User de régimes d’actions adaptés ... 40

2.4.4 Promouvoir une évaluation formative ... 41

2.4.5 Présenter l’entretien d’évaluation non comme une menace mais comme une ressource... 42

2.4.6 Proposer des dispositifs innovants et engageants ... 43

2.4.7 Utiliser le projet d’établissement comme cadre de référence des entretiens d’évaluation ... 44

2.4.8 Accepter l’écart entre le travail prescrit et le travail réel ... 45

2.4.9 Ces conditions, aussi nécessaires soient-elles, sont-elles suffisantes? ... 45

Chapitre 3 Cadre conceptuel ... 48

3.1 Approche retenue ... 48 3.2 Cadre d’analyse ... 49 3.2.1 Le contexte ... 50 3.2.2 Le contenu ... 50 3.2.3 Le processus ... 50 3.3 Modèles explicatifs ... 50

3.4 Schéma récapitulatif du cadre d’analyse utilisé pour interpréter les données ... 54

Chapitre 4 Méthodologie ... 55

4.1 Source de données ... 55

4.2 Le type d’analyse ... 56

4.2.1 Préparation et description du matériel brut ... 56

4.2.2 Réduction des données ... 56

4.2.3 Choix et application des modes d’analyse ... 57

Chapitre 5 Résultats et discussion selon le modèle par appariement... 58

5.1 Les thèmes reliés au contexte ... 58

5.1.1 Contexte éducatif international ... 58

Un modèle finlandais copié en partie ... 59

5.1.2 Contexte économique ... 60

5.1.2.1 L’adaptation de l’école au marché du travail ... 60

5.1.2.2 Compressions budgétaires ... 61

5.1.3 Le contexte juridique ... 61

5.1.3.1 Application des règles d’appréciation des fonctionnaires aux enseignants ... 61

5.1.3.2 Obligation de résultats ... 62

5.1.3.3 Obligation de compétences ... 65

5.2 Les thèmes reliés au contenu... 66

5.2.1 Modification des règles d’avancement des enseignants... 67

5.2.2 Les modalités de l’évaluation ... 69

5.2.2.1 La réforme va introduire une évaluation plus régulière ... 70

5.2.2.2 Évaluation formative ou sommative? ... 71

5.2.2.3 L’auto-évaluation ... 72

5.2.2.4 L’évaluation doit être collective ... 72

5.2.3 La modification des métiers ... 73

5.2.3.1 Le métier d’enseignant ... 73

5.2.3.2 Le métier de chef d’établissement ... 77

5.2.3.3 Le métier d’inspecteur ... 83

(9)

5.2.4.1 Fin d’une responsabilité contractuelle des enseignants ... 84

5.2.4.2 Vers une responsabilité publique des enseignants ... 84

5.3 Les thèmes reliés au processus ... 86

5.3.1 La complexité d’évaluer la valeur professionnelle d’un enseignant ... 87

5.3.2 Les conditions de la mise en œuvre de la réforme ... 87

5.3.2.1 Une réforme menée sans prendre les précautions nécessaires? ... 87

5.3.2.2 Contestation de la validité de l’enquête ALIXIA ... 88

5.3.2.3 Quid de la phase expérimentale de la réforme ... 89

5.3.3 Introduction des règles managériales de l’entreprise ... 89

5.3.3.1 La spécificité de l’école ... 89

5.3.3.2 Une réforme nécessaire mais pas sur un modèle managérial ... 89

5.3.4 Un pouvoir nouveau donné aux chefs d’établissements ... 90

5.3.4.1 Le chef d’établissement comme seul évaluateur dans le second degré ... 90

5.3.4.2 Le pouvoir hiérarchique du chef d’établissement ... 91

Chapitre 6 Résultats et discussion selon le modèle historique ... 97

6.1 Le modèle de la contingence ... 98

6.1.1 Mise en relation du contexte éducatif international avec :... 99

6.1.1.1 Les modalités de la supervision ... 99

6.1.1.2 La modification des métiers ... 99

6.1.1.3 La modification des règles d’avancement de carrière ... 100

6.1.1.4 Les nouvelles responsabilités pour l’école et les enseignants... 100

6.1.2 Mise en relation du contexte économique avec : ... 100

6.1.2.1 Les modalités de la supervision ... 100

6.1.2.2 La modification des métiers ... 101

6.1.2.3 La modification des règles d’avancement de carrière ... 101

6.1.2.4 Les nouvelles responsabilités pour l’école et les enseignants... 102

6.1.3 Mise en relation du contexte juridique avec : ... 102

6.1.3.1 Les modalités de la supervision ... 102

6.1.3.2 La modification des métiers ... 102

6.1.3.3 La modification des règles d’avancement de carrière ... 103

6.1.3.4 Les nouvelles responsabilités pour l’école et les enseignants... 103

6.2 Le modèle politique ... 105

6.2.1 Mise en relation des modalités de la supervision avec : ... 106

6.2.1.1 La complexité d’évaluer les compétences ... 106

6.2.1.2 Introduction des règles managériales de l’entreprise dans l’école 106 6.2.1.3 Le pouvoir donné aux chefs d’établissement ... 107

6.2.1.4 Les conditions de la mise en œuvre de la réforme ... 107

6.2.2 Mise en relation de la modification des métiers avec : ... 108

6.2.2.1 La complexité d’évaluer les compétences ... 108

6.2.2.2 Introduction des règles managériales de l’entreprise dans l’école 108 6.2.2.3 Le pouvoir donné aux chefs d’établissement ... 108

6.2.2.4 Les conditions de la mise en œuvre de la réforme ... 108

6.2.3 Mise en relation de la modification des règles d’avancement de carrière avec :... 109

6.2.3.1 La complexité d’évaluer les compétences ... 109 6.2.3.2 Introduction des règles managériales de l’entreprise dans l’école 109

(10)

6.2.3.3 Le pouvoir donné aux chefs d’établissement ... 109

6.2.3.4 Les conditions de la mise en œuvre de la réforme... 110

6.2.4 Mise en relation des nouvelles responsabilités pour l’école et les enseignants avec : ... 111

6.2.4.1 La complexité d’évaluer les compétences... 111

6.2.4.2 Introduction des règles managériales de l’entreprise dans l’école 111 6.2.4.3 Le pouvoir donné aux chefs d’établissement ... 111

6.2.4.4 Les conditions de la mise en œuvre de la réforme... 112

6.3 Le modèle incrémental ... 113

6.3.1 Mise en relation du contexte éducatif international avec : ... 113

6.3.1.1 La complexité d’évaluer les compétences... 113

6.3.1.2 L’introduction des règles managériales de l’entreprise dans l’école ... 114

6.3.1.3 Le pouvoir donné aux chefs d’établissement ... 114

6.3.1.4 Les conditions de la mise en œuvre de la réforme... 114

6.3.2 Mise en relation du contexte économique avec :... 114

6.3.2.1 La complexité d’évaluer les compétences... 114

6.3.2.2 L’introduction des règles managériales de l’entreprise dans l’école ... 115

6.3.2.3 Le pouvoir donné aux chefs d’établissement ... 115

6.3.2.4 Les conditions de la mise en œuvre de la réforme... 115

6.3.3 Mise en relation du contexte juridique avec : ... 116

6.3.3.1 La complexité d’évaluer les compétences... 116

6.3.3.2 L’introduction des règles managériales de l’entreprise dans l’école ... 116

6.3.3.3 Le pouvoir donné aux chefs d’établissement ... 116

6.3.3.4 Les conditions de la mise en œuvre de la réforme... 117

Conclusion…. ... 118

Bibliographie... 121

(11)

Liste des tableaux

Tableau 1. Tableau récapitulatif de la notation des enseignants avant et après la

réforme ... 16

Tableau 2. Comparatif des missions des inspecteurs dans les notes de service de 1990 et de 2005 ... 20

Tableau 3. Récapitulatif des nouveaux rôles des personnels ... 21

Tableau 4. Les fonctions de l’inspection en vigueur en France selon Starck (2010) ... 35

Tableau 5. Récapitulatif des divers modèles d’inspection à travers le monde et des responsabilités qui y sont associées selon De Grauwe (2003)... 36

Tableau 6. Synthèse des sept mondes de la justification de Boltanski (1991) selon Groaters (2007) ... 52

Tableau 7. Thèmes reliés au contexte ... 58

Tableau 8. Thèmes reliés au contenu ... 66

Tableau 9. Thèmes reliés au processus ... 86

Tableau 10. Récapitulatif de l’arbre thématique ... 95

Tableau 11. Synthèse des résultats selon le modèle de la contingence de Brouwers (1997) colorés par la grammaire de Groaters (2007) selon la typologie des sept mondes de Boltanski (1991) ... 98

Tableau 12. Synthèse des résultats selon le modèle politique de Brouwers (1997) colorés par la grammaire de Groaters (2007) selon la typologie des sept mondes de Boltanski (1991)... 105

Tableau 13. Synthèse des résultats selon le modèle incrémental de Brouwers (1997) colorés par la grammaire de Groaters (2007) selon la typologie des sept mondes de Boltanski (1991)... 113

(12)

Liste des figures

Figure 1. Cadre d’analyse contextualiste (Brouwers, 1997, p.30) ... 49 Figure 2. Schéma associant la typologie des sept mondes de la justification d’après

(13)

Introduction

Dans un contexte d’obligation de résultats de la fonction publique et de comparaison internationale de l’efficacité des systèmes éducatifs, les politiciens français ont envisagé une réforme de l’évaluation des enseignants. En 2008, Nicolas Sarkozy, le président de la République Française, déclarait retenir officiellement de PISA que « les facteurs clés de la réussite d’un système éducatif sont la qualité des enseignants, leur liberté pédagogique et l’autonomie des établissements » (Pons, 2011, p.14).

Dans cette optique, le pacte de carrière mis en place par le Ministre de l’Éducation Nationale de l’époque, Luc Châtel, est entré en vigueur en septembre 2010 par une revalorisation financière pour les enseignants recrutés depuis cette date. Les textes officiels nous disent que ce pacte repose sur une revalorisation du métier d'enseignant et une gestion des ressources humaines « dynamisée. »

Cette réforme a pour but de faire évoluer les critères d’appréciation de la valeur professionnelle des enseignants, car le système actuel n’est plus jugé opérant. Avant de l’engager, le gouvernement a chargé un organisme privé extérieur (Alixia) de réaliser un sondage sur cette thématique auprès de 4500 personnels volontaires de l'éducation nationale : 60% de professeurs du secondaire, 30% du primaire et 10% de personnels de direction. Les résultats obtenus montrent les points faibles de l'évaluation actuelle : 56 % des personnels interrogés estiment que la note ne suffit pas et qu'elle doit être complétée par une dimension qualitative. L’inspection serait trop espacée, elle ne prendrait pas en compte le travail réellement accompli, elle serait une véritable mise en scène, et finalement source d'inégalités. Les enseignants jugent qu'il faut évaluer « la capacité à faire progresser les élèves » mais aussi à s'adapter, faire aimer sa discipline, encadrer les élèves, travailler en équipe, toutes choses qui ne peuvent pas ressortir de l'inspection classique.

(14)

Le dispositif envisagé, qui n’était à l’époque pas totalement arrêté, s’articulait autour des principes suivants :

 L’implication de chaque enseignant dans une démarche d’auto-évaluation menée à partir de critères communs issus du référentiel de compétences ;

 Le maintien de la possibilité du regard croisé avec la contribution des corps d’inspection : validation de la méthode d’auto-évaluation, évaluations collectives, etc.  La mise en place d’entretiens professionnels tous les trois ans entre les enseignants et les personnels de direction, avec la possibilité pour ce dernier de proposer des trimestres de promotions en fonction de l’engagement professionnel des enseignants ;  La suppression des régimes de promotions au choix et au grand choix.

Ce projet de réforme, très polémique, a conduit à une grève des enseignants le 15 décembre 2011 fortement relayée dans la presse. Il a néanmoins donné lieu à la publication du décret n° 2012-702 qui a été promulgué le 7 mai 2012 portant les dispositions statutaires relatives à l'appréciation et à la reconnaissance de la valeur professionnelle des personnels enseignants. Le nouveau gouvernement a abrogé ce décret qui devait entrer en vigueur le 1er septembre 2012. Ce projet doit être renégocié avec les organisations syndicales avant

d’entrer en vigueur.

Ce mémoire a pour ambition d’offrir un éclairage sur cette réforme susceptible de clarifier les débats. Il s’agira d’analyser la perception de l’évaluation des enseignants à partir des différents points de vue relevés dans la presse à l’occasion de cette grève selon l’approche contextualiste développée par Brouwers & al. (1997). Ce cadre d’analyse n’a pas en lui-même « vocation de modèle explicatif. Il cherche au contraire à élargir le cadre de référence habituellement utilisé dans l’analyse du changement, il s’agit donc plus d’une démarche d’intégration explicative » (Brouwers, 1997, p.48).

Le chapitre 1 présente la problématique et le contexte de la réforme avec ses deux contextes : externe (économique, juridique etc.) et interne (historique, modalités de supervision etc.).

Le chapitre 2 présente la recension des écrits articulée autour de quatre points : 1) l’obligation de résultats en éducation,2) l’évaluation des compétences des enseignants, 3) le

(15)

nouveau pouvoir donné aux chefs d’établissements et 4) les conditions nécessaires pour que les chefs d’établissements puissent mettre en place les entretiens annuels d’évaluation. Le chapitre 3 présente le cadre conceptuel qui porte sur l’analyse contextualiste de Brouwers (1997) à laquelle j’ai associé la typologie des sept mondes de la justification de Boltanski (1991).

Le chapitre 4 présente la méthodologie qui se base sur une analyse documentaire. Le chapitre 5 présente les résultats et la discussion.

(16)

Chapitre 1 Problématique et contexte de la réforme

1.1 Problématique et question de recherche

En premier lieu, il semble essentiel d’inscrire sur cette réflexion les enjeux de la réforme. En effet pourquoi faudrait-il modifier un système d’évaluation des enseignants? Que cherche-t-on à faire? Thélot (2008) rappelle que l’évaluation est un instrument au service d’une politique éducative et il distingue deux usages de l’évaluation : 1° l’usage externe (information des décideurs, financeurs, opinion publique, usagers) sur l’état du service éducatif, sa qualité, ses résultats, son coût, son fonctionnement ce qui rapporterait le débat vers celui de l’obligation de résultats et, 2° l’usage interne auprès des acteurs du système, pour les amener à réfléchir à leur action pour l’infléchir ou l’améliorer, ce qui correspondrait à une fonction de régulation et à une obligation de compétences. L’enjeu de la réforme de l’évaluation des enseignants semble bien se situer entre ces deux pôles sans que les choses ne soient très faciles à cerner. En cherchant à la préciser mon ambition est de mettre en lumière ses enjeux, ce qui répondrait à un souci de transparence largement exprimé par les personnels et qui semble bien légitime.

En second lieu, c’est la question de la modification des métiers qui est largement soulevée dans les polémiques autour de cette réforme. Les syndicats parlent d’attaque frontale contre ce qui constitue le cœur même du métier qui serait la transmission des connaissances. Un examen plus approfondie de cette réforme devrait permettre de nuancer ce point de tension et d’envisager des alternatives susceptibles de sortir de la crise.

Par ailleurs, c’est la question du pouvoir des chefs d’établissements qui est posée par cette réforme. Tenter d’y apporter quelques éléments de réponse c’est contribuer à une réflexion sur le rôle pédagogique des chefs d’établissements et les conditions d’exercice de leurs missions.

Enfin, cette réforme introduit aussi au sein de l’école de nouvelles responsabilités publiques et professionnelles selon De Grauwe (2003), auxquelles les personnels n’étaient pas habitués. En clarifiant cet aspect, ce travail voudrait contribuer à redonner ses lettres de

(17)

noblesse à un métier difficile et complexe qui est largement mis à mal dans l’opinion publique.

Ainsi l’intérêt de ce travail est multiple, et les questions de recherche qu’il soulève ne le sont pas moins. Je limiterai mon ambition à apporter des éléments de réponse aux questions suivantes : Sur quoi porte précisément la réforme? Quels en sont les enjeux? Est-elle possible? À quelles conditions?

1.2 Le contexte externe

1.2.1 Le contexte éducatif international

La Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen en août 2007 portait sur l’amélioration de la qualité des études et de la formation des enseignants. Elle a désigné la qualité de l’enseignement comme un facteur clé de l’amélioration des résultats scolaires. Dans de nombreux pays, ces nouvelles attentes se sont accompagnées d’une plus grande autonomie offerte aux enseignants assortie d’une responsabilisation accrue.

De plus, dans un contexte international de comparaison du niveau de performance et de connaissance des élèves. Le rapport Pochard (2008, p.10) indiquait :

que la France ne fait pas bonne figure :

 résultats de l’enquête internationale PISA (Programme international pour le suivi de l’acquis des élèves) de 2006, montrant que les compétences des élèves français de 15 ans se situent un peu en dessous de la moyenne des trente pays de l’OCDE ;

 rapport Pirls 2006 (Progress International Reading Literacy Study) réalisé dans 40 pays par l’Association internationale d’évaluation (AIE), qui classe la France au 27e rang, en stagnation depuis le premier rapport en 2001.

Pons (2011) a noté que PISA, censée servir d’outil d’aide à la décision aux États participants, a davantage été utilisée par les médias ou les hommes politiques.

Par ailleurs, la question des fonctions et des missions de l’inspection semble à l’ordre du jour dans de nombreux pays comme en France. « À travers les réflexions communes à différents pays, on relève comme en France une volonté de se départir du rôle de pure inspection pour se diriger vers le conseil et l’information, de passer d’une inspection strictement disciplinaire à une ouverture sur l’établissement» (Demailly, 1998, p.38).

(18)

On peut citer la place particulière du Québec où les corps d’inspection ont disparu en 1964. Il n’y a pas d’inspections individuelles des enseignants. Ce sont les commissions scolaires qui procèdent à des évaluations des établissements la plupart du temps sous forme d’auto- évaluation, mais il n’y a pas de véritable évaluation formelle ou systématique du personnel enseignant. Néanmoins, c’est un thème présent dans les débats politiques québécois. François Legault, fondateur du mouvement « Coalition pour l’avenir du Québec » en février 2011 en a fait le fer de lance de sa campagne électorale, et il suscite de vives réactions dans l’opinion publique.

Ainsi, on voit que l’évaluation des systèmes éducatifs dans le monde n’est plus seulement une affaire de spécialistes mais qu’elle concerne la sphère publique.

1.2.2 Le contexte économique

La crise économique qui touche tous les pays et en particulier la France, a eu des incidences sur la manière de concevoir le système éducatif, ses finalités et son pilotage. La question du rendement des systèmes sociaux et plus particulièrement de la fonction publique n’a pas épargné l’Éducation Nationale. Il y a vingt ans déjà, se posait clairement le lien de la demande sociale de l’adaptation de l’école au marché du travail « L’éducation nationale ne peut plus fonctionner en vase clos, elle doit nonobstant la spécificité de son objet pouvoir rendre compte sur la manière dont elle assure sa mission de service public qui consiste entre autres à préparer les jeunes à s’insérer dans un monde économique de plus en plus difficile et complexe » (Aubégny, 1992, p.19).

L’école se trouve soumise à une demande d’efficacité et de qualité. Mais il n’y a pas consensus sur la manière de s’y prendre. En effet, l’efficacité est une notion variable en fonction de différents facteurs qu’il faut préciser. Elle est aussi relative au système de valeurs de celui aux moyens d’évaluation mis en œuvre. Quant à la notion de qualité, elle est très liée au système de valeur de celui qui évalue.

L’efficacité et la qualité sont en outre des valeurs issues du monde industriel. On voit donc le choc que peut représenter le fait de les introduire dans l’école. Cela remet en question les valeurs, les représentations et les attentes, dont a joui jusqu’alors le système éducatif.

(19)

On passe d’une norme réglementaire à une norme gestionnaire. « On assiste à une double évolution : le glissement du « service public » à « service rendu au public » prenant en compte le fait que l’utilisateur est aussi le financeur » (Aubégny, 1992, p.20) .Cela a des incidences au niveau organisationnel. Il s’agit de redéfinir les responsabilités des acteurs, en développant des mécanismes d’imputabilité et en améliorant les performances des politiques publiques. La réforme de l’évaluation des enseignants engage les acteurs dans ce processus.

1.2.3 Le contexte juridique : la réforme du service public

La réforme de l’évaluation des enseignants s’inscrit dans une évolution de la gestion de l’administration française. En effet, la promulgation de la LOLF (Loi organique relative aux lois de finances) a introduit le 1er août 2001 une culture de la performance au sein de l’administration française.

Elle exige une gestion orientée vers les résultats, une responsabilisation des gestionnaires publics et une autonomie accrue des organisations publiques. Elle n’est devenue effective que le 1er janvier 2006 avec l’entrée en vigueur de la première loi de finances faisant application de la LOLF. Dans cette optique, le pacte de carrière mis en place par le Ministre de l’Éducation Nationale, Luc Châtel, en septembre 2010, précise qu’il s’agit de faire évoluer les critères d'appréciation de la valeur professionnelle des enseignants. Le dispositif envisagé, rejoint celui qui est appliqué à tous les fonctionnaires et il est précisé dans le décret 2010-716 du 29 juin 2010. Il stipule que les fonctionnaires doivent être notés par leur chef hiérarchique.

Le code de l’éducation précise que le personnel de direction a autorité sur le personnel qui exerce dans son établissement, posant ainsi l’ancrage juridique du pouvoir hiérarchique du chef d’établissement. Le décret n°2012.702 promulgué le 7 mai 2012 porte dispositions statutaires relatives à l’appréciation et à la reconnaissance de la valeur professionnelle des enseignants.

(20)

1.3 Le contexte interne

1.3.1 L’influence du cadre institutionnel et budgétaire sur les activités

d’enseignement

La problématique de l’évaluation des enseignants s’inscrit de manière plus large dans celle du système scolaire.

Suchaut (2012) rappelle que si le niveau économique d’un pays a une influence sur les performances des systèmes, il n’en reste pas moins qu’« à niveaux économiques égaux, les systèmes scolaires s’avèrent très inégaux en termes de performances moyennes » (Duru-Bellat, Mons & Suchaut, 2003, p.147).

Ce constat l’amène à regarder l’influence du cadre institutionnel et budgétaire sur les modes d’organisation des activités d’enseignement.

Plusieurs indicateurs bien connus sont examinés :

 Dépense/élève. Il conclut qu’au-delà d’un certain niveau de coût, la corrélation avec le niveau de performance disparaît ;

 Volume de temps d’enseignement par élève. Il montre qu’aucune corrélation n’est avérée entre cet indicateur et le niveau de performance des élèves.

Meuret (2004) a montré que la régulation est un élément qui peut jouer sur la qualité de l’école à condition toutefois de ne pas la limiter à une unique approche par les résultats. Les caractéristiques particulières des établissements scolaires induisent des variations importantes dans les performances des élèves. Les contextes d’apprentissage sont liés à de multiples facteurs :

 Nombre d’élèves par classe, composition du groupe classe (Duru-Bellat & Mingat, 1997 ; Duru-Bellat & Suchaut, 2005 ; Leroy-Audouin & Suchaut, 2005) ;

 Planification de l’enseignement et gestion du temps scolaire (Attali & Bressoux (2002) ;

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« L’identification précise des facteurs d’efficacité pédagogique est délicate, tant ces facteurs sont nombreux et en interdépendance. Toujours est-il que l’enseignant joue un rôle essentiel dans l’explication des différences de réussite entre les élèves » (Suchaut, 2012, p.14). De très nombreuses recherches montrent sans ambigüité que l’enseignant est le facteur ayant le plus d’influence sur l’apprentissage des élèves et cela se vérifie dans différents contextes, aussi bien dans les pays développés (Gauthier & Dembelé, 2004 ; Nye, Onstantopoulos & Hedges, 2004) que dans les pays en voie de développement (Mingat & Suchaut, 2000).

Si l’on se place du point de vue du pilotage du système, il peut alors être tentant de considérer l’effet enseignant de manière globale en mesurant les écarts de performances d’un enseignant à l’autre sur la base de la valeur ajoutée. C’est ce qui semble sous-tendre la réforme de l’évaluation des enseignants avec les primes au mérite. Toutefois, Suchaut (2012) nous met en garde sur l’extrapolation hâtive de conclusions scientifiques relatives à leur contexte d’émergence.

La prudence s’impose donc dans une éventuelle corrélation entre l’efficacité des enseignants et l’amélioration des performances des élèves.

1.3.2 Présentation succincte des enseignants français

La compréhension des caractéristiques principales des enseignants en France devrait permettre de mieux appréhender les enjeux de la réforme et de mieux saisir la difficulté de sa mise en œuvre. En 2008, un état des lieux de la condition enseignante était demandé à une commission d’experts. Cela a donné naissance au rapport Pochard (2008) auquel nous nous référons pour les lignes qui vont suivre.

Leur répartition en corps

Les enseignants sont répartis pour l’essentiel dans six corps : professeurs des écoles, agrégés de chaire supérieure, certifiés, professeurs d’EPS ( Education Physique et Sportive) et de lycée professionnel.

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Les services

Le service des enseignants ne se définit pas sur la base d’une durée de travail, régime en vigueur pour les autres salariés, mais sur des heures hebdomadaires d’enseignement.

Les maxima de service sont fixés à 15 heures pour les agrégés, 18 heures pour les certifiés et les non agrégés et 27 heures pour les enseignants du premier degré. Les temps de préparation de cours et de correction de copies ne sont pas comptabilisés, pas plus que le temps de présence dans l’établissement. L’autoévaluation introduite par la réforme est un surcroît de travail non négligeable qui ne sera pas rémunéré.

Identité professionnelle des enseignants

Le diplôme pour enseigner nécessite de passer avec succès les épreuves d’un concours ouvert à un détenteur d’une maîtrise dans une discipline. Aussi, dans la tradition française, la légitimité de l’enseignant repose principalement sur la maîtrise de discipline qu’il enseigne.

L’attachement à la « liberté pédagogique »

L’enseignant organise son face à face avec ses élèves comme il l’entend et n’a de compte à rendre qu’à l’inspecteur lors d’une visite annoncée tous les cinq à huit ans. Cette liberté est néanmoins relative, car aux programmes, sont associées des manières d’enseigner et de transmettre les connaissances.

Le lieu d’exercice de la profession

Les enseignants sont d’abord attachés à ce qui se passe dans leur classe plutôt qu’à ce qui a trait à l’établissement. Ce qui se passe dans la classe reste une des choses les moins connues du système éducatif, certains parlant de « boîte noire ».

Difficulté de mobiliser les enseignants dans une dynamique collective

Les organisations syndicales sollicitées lors de la rédaction du rapport Pochard (2008) demandaient qu’on fasse confiance aux enseignants et qu’on les laisse enseigner sans leur

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demander de s’impliquer dans l’établissement. Les conclusions du rapport soulignent « qu’il n’est pas question de dissoudre l’œuvre de la transmission des connaissances dans un ensemble de tâches aux contours indéterminés, ni de réduire le rôle personnel de l’enseignant, mais de créer les conditions collectives d’une plus grande efficacité et équité de l’école en intégrant la mission de l’enseignant dans une dynamique collective » (p.68).

Un métier soumis à plusieurs interactions

De nombreux acteurs et facteurs interviennent dans l’exercice du métier d’enseignant. L’État (ministre, inspections générales, administration centrale) est le donneur d’ordre principal. Après l’État, les collectivités locales disposent de responsabilités touchant aux équipements, aux activités éducatives et à divers volets de l’organisation de l’enseignement, comme la sectorisation scolaire et la carte des formations professionnelles. Ensuite, les parents sont de plus en plus présents et pressants. Ils souhaitent suivre la scolarité de leurs enfants, en comprendre le déroulement, et même avoir leur mot à dire sur la pédagogie pratiquée. Pour les élèves, l’enseignant est, non seulement, un professeur qui transmet un savoir, mais aussi une référence adulte. Enfin, l’opinion publique a sa vision de ce que devrait être l’école. Tout cela fait du métier d’enseignant une mission complexe. Il doit « Retisser sans cesse le lien social, relever toujours le pari de l’intelligence, faire prévaloir la connaissance, les savoirs, le jugement critique, mais également contribuer, par l’école, à plus de justice, à une insertion professionnelle respectueuse des talents de chacun, ce sont autant de défis que la communauté éducative s’efforce de relever quotidiennement» (Pochard, 2008, p.70).

La gestion des enseignants est essentiellement administrative

Les enseignants sont des agents publics. Ils relèvent tous de l’État, qu’ils travaillent dans le public ou dans le privé sous contrat.

La gestion des enseignants est marquée par une triple pesanteur : 1. Celle de leur nombre ;

2. Celle d’une égalité de traitement ;

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Il manquerait à cette gestion une dimension qualitative qui se vérifierait dans quatre domaines :

1. L’affectation des enseignants se fait année après année, quels que soient les efforts déployés pour y remédier, par le jeu d’un barème qui conduit à faire occuper les postes vacants les plus difficiles, ceux en zones dites d’éducation prioritaire, par les enseignants les plus inexpérimentés, c'est-à-dire ceux qui sortent des écoles de formation, sans même parler des agents non titulaires sans formation ;

2. La notation des enseignants, destinée en particulier à différencier les rythmes d’avancement, est réalisée selon des règles si complexes que personne ne peut les expliquer simplement ; ses résultats sont de façon générale regardés comme non fiables et elle mobilise pourtant des forces considérables pour une efficacité plus que douteuse. L’évaluation, des enseignants, est de ce fait à repenser ;

3. La formation continue repose sur une politique d’offre disparate de la part des formateurs ;

4. Le suivi et la gestion personnalisée de carrières sont très peu pratiqués. Les enseignants se sentent souvent abandonnés à eux-mêmes (Pochard, 2008, p.96).

1.3.3 Historique de la supervision des enseignants en France

Les débuts du contrôle de l’instruction publique par l’État datent de la Révolution Française selon Demailly (1998). La transformation progressive des enseignants, qui jusqu’alors était des gens d’église, à des fonctionnaires fait passer progressivement l’éducation sous contrôle de l’État. Pour s’assurer de ce contrôle, les corps d’inspection naissent au XIXème siècle.

Il semble pertinent pour notre propos de rappeler au nom de quelles valeurs ils ont été institués, car elles sont encore d’actualité dans les débats autour de cette réforme. Pendant la Révolution le contrôle de l’instruction visait le bien de la Nation. Dans l’idée Napoléonienne, l’inspection représente un contrôle du pouvoir central sur la future élite impériale. Avec la restauration, l’école doit renforcer la cohésion des citoyens et les attacher à l’État. Plénel (1985) distingue plusieurs problématiques

Au nom de l’égalité on revendique un cadre national, des contrôles verticaux et une unicité institutionnelle. Au nom de la liberté on plaide la diversité et le laisser-faire éducatif : l’État se contente de garantir les conditions du libre développement du marché éducatif. La Révolution fait entendre un troisième discours, favorable à un contrôle horizontal, confiant aux communautés,

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municipalités et clubs révolutionnaires, les prérogatives scolaires essentielles ( p.154).

On retrouve dans ce dernier point les bases de la décentralisation qui est entrée en vigueur en France en 1985.

À la moitié du XIXe siècle, les différents corps d’inspection sont installés et leurs missions portent sur les structures et les individus. Il s’agit de s’assurer d’un contrôle de conformité (De Grauwe, 2003). Sans rentrer dans les détails, on peut retenir que le tournant des années soixante en France est marqué par une massification et une unification du système éducatif. La loi d’orientation de 1989 demande à l’école de s’adapter à l’élève, de le mettre « au centre du système éducatif. » Ceci va entraîner une « régulation de cette structure lourde qu’est l’éducation nationale qui ne peut plus se faire uniquement par l’intermédiaire de l’inspection individuelle. Ceci va avoir une incidence sur les missions des corps d’inspections. On leur demande de moins se référer à leur discipline et de plutôt développer une vision générale de l’établissement » (Demailly, 1998, p.30).

1.3.4 Présentation des modalités actuelles de la supervision des

enseignants du secondaire en France

Au tout premier plan des divers textes réglementaires relatifs à l’inspection individuelle figure une note de service de 1983 qui, entre autres dispositions, précise que « toutes les visites d’inspecteurs dans les établissements sont annoncées, avec mention de leurs objectifs » et que « le rapport d’inspection porte sur l’ensemble des activités de l’enseignant », le contexte dans lequel il effectue son travail devant faire l’objet d’une analyse.

Les enseignants sont notés sur 20 annuellement par le recteur (le représentant du Ministre au niveau académique) sur proposition d’une note composée d’une partie pédagogique donnée par l’inspecteur pédagogique régional et d’une partie administrative délivrée par le chef d’établissement.

Cette note a une incidence financière puisqu’elle conditionne le placement de l’enseignant sur une échelle d’avancement de carrière. En effet, si tout fonctionnaire passe d’un échelon

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à l’autre à l’ancienneté dans une progression identique pour tous, cette progression peut être accélérée, ou ralentie par le jeu de la notation annuelle.

La note pédagogique

 Elle vaut pour 60% de la note totale ;

 Elle est établie suite à une inspection pédagogique annoncée qui consiste en l’observation d’une séquence de cours par un inspecteur spécialisé dans la matière de l’enseignant, suivie d’un entretien avec l’enseignant. La première inspection a lieu en début de carrière puis tous les cinq ans en théorie. L’effectif des inspecteurs ne permet pas de suivre cette règle pour tous les enseignants. L’inspection a donc lieu plutôt tous les sept ou huit ans ;

 À côté de cette inspection classique on trouve des inspections à la demande du chef d’établissement en cas de manquement caractérisé aux exigences du métier ;

 Enfin, il existe un système d’inspection de promotion à la demande des intéressés (promotion au choix) ou sur proposition du chef d’établissement (promotion au grand choix). Ces deux inspections permettent de sortir de l’avancement à l’ancienneté et de progresser plus rapidement dans les échelons.

La note administrative

 Elle vaut pour 40% de la note totale ;  Elle repose sur trois critères :

1. La ponctualité ; 2. L’assiduité ;

3. Le rayonnement dans l’établissement ;

 Elle est donnée chaque année par le chef d’établissement et elle doit respecter la grille indiciaire liée à l’ancienneté de l’enseignant. Il peut augmenter la note dans une échelle allant de 0,5 à 2 points. La baisse ou le maintien de la note s’accompagne d’un rapport circonstancié qui peut être contesté par les enseignants devant une commission paritaire au niveau académique.

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1.4 Le projet de réforme en quelques points

Il semble intéressant de mettre la réforme de l’évaluation en lien avec le « rapport Monteil» datant de 1999 car il pourrait bien en être le précurseur. Celui-ci formulait une proposition visant à donner une plus grande place aux principaux et aux proviseurs dans l’évaluation des enseignants. Il suggérait de rééquilibrer la note administrative à hauteur de la note pédagogique d’une part et d’autre part, d’organiser tous les trois ans pour chaque enseignant, un entretien conduit par le chef d’établissement et deux inspecteurs, prenant appui sur un rapport d’activité constitué par l’enseignant.

1.4.1 Ce qu’en disent les textes officiels

Le décret n° 2012-702 promulgué le 7 mai 2012, portant dispositions statutaires relatives à l'appréciation et à la reconnaissance de la valeur professionnelle des personnels enseignants en précise les modalités :

 L’entretien professionnel est réalisé sur la base d'une autoévaluation produite par l’enseignant ;

 Les corps d'inspection, garants des choix pédagogiques et des compétences disciplinaires et didactiques des enseignants, contribuent à l'autoévaluation ;

 Les chefs d’établissement procèdent à des entretiens d’évaluation de la valeur professionnelle des enseignants tous les trois ans ;

 Les chefs d’établissement procèdent à des entretiens d’évaluation de la valeur professionnelle des enseignants.

L'entretien professionnel porte sur :

 Le contenu et les résultats de l'autoévaluation ;

 L'appréciation de la valeur professionnelle de l'enseignant au regard de quatre critères :

1. La manière de servir de l'enseignant,

2. Les mesures souhaitables d'accompagnement, notamment en matière de formation, 3. Les objectifs assignés pour les trois années à venir au regard de chacun des critères

intéressés et les perspectives d'amélioration des résultats obtenus, 4. Les perspectives d'évolution professionnelle de l'enseignant.

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1.4.2 L’évolution de la notation des enseignants

Tableau 1. Ce tableau récapitule la notation des enseignants avant et après la réforme

Avant la réforme Après la réforme Contenu Note pédagogique valant pour

60%

Attribuée par un inspecteur pédagogique régional spécialiste de la matière, lors d’une inspection annoncée tous les sept à huit ans en moyenne.

Elle se compose d’un temps d’observation d’une séquence de cours suivi d’un entretien. Elle porte sur le contenu pédagogique et les compétences didactiques de l’enseignant.

Note administrative valant pour 40%

Attribuée annuellement par le chef d’établissement dans un processus administratif qui a lieu en janvier. Elle porte sur l’assiduité, la ponctualité et le rayonnement. La note doit correspondre à la grille d’avancement liée à l’échelon de l’enseignant. Aussi, cette note administrative n’est pas significative.

Note unique sur la valeur professionnelle de l’enseignant.

Attribuée par le chef

d’établissement lors d’un entretien tous les trois ans.

Elle portera sur quatre critères :

- deux sur l’enseignant dans sa classe, et

- deux sur son implication dans l’établissement (sa contribution au maintien de la discipline entre élèves et le travail interdisciplinaire). Elle sera basée sur une autoévaluation réalisée par l’enseignant avec les conseils de l’inspecteur qui servira de base à l’entretien d’évaluation.

La grille de référence sera le référentiel des dix compétences professionnelles.

Avancement Ces deux notes conditionnent

l’avancement de l’enseignant. Mais en tant que fonctionnaire il bénéficie d’un avancement à l’ancienneté qui oblige les inspecteurs et les chefs

d’établissement à respecter une certaine note correspondant à la grille indiciaire d’avancement.

Cette note conditionnera

l’avancement de carrière. Il sera désormais identique pour tous mais plus rapide pour certains sur proposition du chef

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1.4.3 De nouveaux rôles pour les personnels

Le rôle des enseignants

Le groupe d’experts « Nouvelles pratiques d’enseignement et d’éducation » a défini en 2002 quatre champs de compétences correspondant à quatre types de missions que le référentiel de compétences recoupe quelle que soit la discipline enseignée.

1. un champ de compétences mobilisées par la « direction d’études » des élèves qui comprend l’enseignement, l’orientation et le suivi éducatif ;

2. un champ de compétences liées au pilotage de projets, de dispositifs d’enseignement et d’éducation ;

3. un champ de compétences mobilisées par la mise en œuvre de projets et démarches pluridisciplinaires ;

4. un champ de compétences relatives à la conduite et à la maîtrise de sa pratique professionnelle.

Le décret n° 2012-702 du 7 mai 2012, relatif à la réforme de l’évaluation précise que les enseignants auront à produire une autoévaluation propre à rendre compte de ces compétences et que ce document sera le support de l’entretien de la valeur professionnelle. Celle-ci consiste pour l'enseignant à analyser et expliciter :

 Sa capacité, en termes disciplinaires et didactiques, à faire réussir les élèves, dans le respect des programmes et des politiques éducatives ;

 Son apport à l'amélioration de l'enseignement de la discipline dans l'établissement et à la diffusion des méthodes d'enseignement ;

 Sa contribution à la mise en œuvre du projet d'établissement, au travail en équipe et à l'approche interdisciplinaire de l'exercice des fonctions ;

 Sa participation à la qualité du climat scolaire dans l'établissement ;

 Les besoins d'accompagnement et de formation dont il estime devoir bénéficier prioritairement.

Pour chacun des critères d'autoévaluation énumérés, l'enseignant précise les résultats obtenus au regard des objectifs qui lui ont été assignés.

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Le rôle des chefs d’établissements

Le protocole d’accord relatif aux personnels de direction en date du 16-11-2000 définit les missions et les compétences attendues des chefs d’établissement. Je lui emprunte le résumé suivant :

Le chef d'établissement représente l'État au sein de l'établissement public local d'enseignement (EPLE). Il est donc porteur des finalités et objectifs définis par le ministre. Il inscrit son action dans le cadre défini par les textes législatifs et réglementaires.

Le chef d'établissement dirige l'établissement. Il impulse et conduit la politique pédagogique et éducative de l'établissement. Il préside le conseil d'administration de l'établissement, il en est l'exécutif. Il prépare et exécute le budget de l'établissement voté par le conseil d'administration. Il anime, gère et développe les ressources humaines de l'établissement. Il représente l'établissement.

Pour ne pas alourdir le propos, regardons seulement de plus près le volet de la gestion des ressources humaines qui concernent plus particulièrement l’évaluation des enseignants. Il est précisé que le chef d’établissement doit savoir :

 agir suivant la réglementation et la déontologie de la gestion de personnels ;  repérer les forces et les difficultés chez les personnels ;

 valoriser, encourager, aider ;

 évaluer la manière d'exercer son métier, l'implication personnelle.

On voit que la réforme vient préciser des missions déjà définies depuis 2000, puisque le décret n° 2012-702 qui a été promulgué le 7 mai 2012 précise que l'entretien professionnel portera sur :

 Le contenu et les résultats de l'autoévaluation ;

 L'appréciation de la valeur professionnelle de l'enseignant au regard de chacun des critères.

 La manière de servir de l'enseignant ;

 Les mesures souhaitables d'accompagnement, notamment en matière de formation ;  Les objectifs assignés pour les trois années à venir au regard de chacun des critères.

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Le rôle des inspecteurs

Deux textes importants définissent les missions des inspecteurs.

Le premier, l’article 2 du décret n° 90-675 du 18 juillet 1990 est précisé par une note de service explicitant les modalités d’une action devant désormais s’inscrire dans « une approche plus globale et évaluative » du système d’éducation, dans une « démarche conforme à la politique générale d’évaluation des politiques publiques. »

 Les missions des inspecteurs se définissent comme suit. Ils contribuent au pilotage

du système éducatif au niveau académique ;

 assurent la mise en œuvre de la politique éducative dans les classes et les établissements scolaires ;

 évaluent les enseignements et les établissements ;

 inspectent et conseillent les personnels enseignants du second degré ;

 contribuent au management de ces personnels pour leur déroulement de carrière ;  peuvent concevoir, conduire ou évaluer le dispositif de formation continue des

personnels enseignants et d’éducation, en lien avec l’Université ;  peuvent conseiller les chefs d’établissement à la demande du recteur ;

 contribuent aux travaux des groupes d’experts menés par l’inspection générale ou l’administration centrale du ministère ;

 Ils exercent leurs fonctions dans le cadre du programme de travail académique, en responsabilité seuls ou à plusieurs selon les disciplines ou spécialités. Ils sont sous l'autorité du recteur d'académie et en liaison avec les inspections générales de l'éducation nationale.

Le second texte est une note de service de 2005. Elle commence par le constat que « les missions des inspecteurs se sont précisées et développées au cours des dernières années. » Une comparaison entre ces deux textes, permet de constater que la mission d’inspection des personnels se fonde dans une mission plus générale d’évaluation. Elle est récapitulée dans le tableau qui va suivre.

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Tableau 2. Comparatif des missions des inspecteurs dans les notes de service de 1990 et de 2005

Note de service de 1990 Note de service de 2005

- mission d’impulsion ; - mission d’évaluation ;

- mission d’inspection des personnels, de contrôle du respect des programmes dans les différents établissements ; - mission permanente dans les domaines

de l’animation, de la formation des personnels et de la sanction des études.

- mission d’évaluation ;

- mission d’animation et d’impulsion ; - mission de formation ;

- mission d’expertise.

Cette note de service de juin 2005 s’accompagne d’une demande de mise en synergie de l’ensemble des opérations d’évaluation effectuées par les corps d’inspection, quels qu’en soient les objets : professeurs inspectés dans leur domaine propre, équipes, enseignements, application des programmes scolaires, réformes, innovations, dispositifs, établissements, écoles, organismes, politiques globales, etc.

Enfin, ce texte de juin 2005 vise à préciser la distinction entre « inspection » et « évaluation » en introduisant la dimension du conseil pour la prise en compte de la compétence et de l’engagement de l’enseignant.

Le décret n° 2012-702 du 7 mai 2012 précise que les corps d'inspection, garants des choix pédagogiques et des compétences disciplinaires et didactiques des enseignants, contribuent à l'autoévaluation :

 Par la participation à l'élaboration et à la validation de la méthode d'autoévaluation ;  Par l'expertise des autoévaluations individuelles des enseignants ; cette expertise

prend la forme d'un avis émis à propos des autoévaluations ; cet avis intervient obligatoirement lors de la première autoévaluation, préalable au premier entretien professionnel ; il est facultatif par la suite et peut intervenir à la demande de l'agent ou du chef d'établissement en charge de la conduite de l'entretien professionnel. Les corps d'inspection peuvent être saisis, pour avis, par le recteur ou par l'enseignant, en cas de recours hiérarchique relatif au compte rendu de l'entretien professionnel,

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lorsqu'il porte sur les conditions d'exercice de la liberté pédagogique définie à l'article L. 912-1-1 du code de l'éducation.

Ainsi nous pouvons maintenant trouver dans le tableau suivant la synthèse des nouveaux rôles des personnels induit par ce projet de réforme.

Tableau 3. Récapitulatif des nouveaux rôles des personnels

Avant la réforme Après la réforme Le rôle de

l’inspecteur

Évaluation de la valeur pédagogique de l’enseignant lors d’une visite en classe tous les sept à huit ans.

Sanction, remédiation,

expertise, échange constructif.

Remédiation, expertise, échange constructif, formation. Le rôle du chef d’établissement Évaluation administrative portant sur la ponctualité, l’assiduité et le rayonnement. Dans les faits, cette évaluation est limitée par une grille indiciaire qui oblige le chef d’établissement a noté de la même manière tous les enseignants ayant la même ancienneté.

Évaluation de la valeur professionnelle des enseignants dans le cadre d’entretien tous les trois ans. Pouvoir de proposer des bonifications pour

l’avancement de carrière. Initiateur de modalités propres à son établissement.

Le rôle de l’enseignant

Subit l’inspection, au mieux la demande et négocie son contenu s’il veut faire valoir ses compétences.

Va devoir faire la preuve de sa valeur professionnelle par le biais d’une autoévaluation, d’une évaluation par les pairs, et de toutes autres modalités à définir en concertation avec les inspecteurs.

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Chapitre 2 Recension des écrits

2.1 L’obligation de résultats en éducation

2.1.1 Qu’est-ce que l’obligation de résultats?

Depuis les années 80, de nombreux états se sont engagés dans une réforme de leurs services publics. Cette dernière vise à rendre le budget de l’état plus lisible, en exigeant une plus grande transparence de gestion et un contrôle plus strict des dépenses. Elle exige une gestion orientée vers les résultats, une responsabilisation des gestionnaires publics et une autonomie accrue des organisations publiques. Elle a pour objectif, clairement affiché d’améliorer la qualité du service public.

Il semble difficile à première vue de s’opposer à un tel souhait. Pourtant en matière d’éducation, Bélair (2008) nous met en garde sur le système en vigueur en Ontario : « la réalité fait en sorte qu’au détour d’une proposition qui semble honnête au citoyen contribuable, peut se cacher une dérive sans commune mesure avec la professionnalité des enseignants » (p.180). Avant d’aller examiner de plus près les limites de l’obligation de résultats en éducation, il semble intéressant d’éclairer notre propos des réponses que développe Perrenoud (2008) à la question générale suivante : « Est-il possible et légitime d’exiger des résultats définis d’avance dans un métier donné? »

Cet auteur répond par l’affirmative, aux conditions suivantes. Il faut que :

 le problème à résoudre soit purement technique  que ses finalités soient parfaitement claires

 que l’action des professionnels soit indépendante de toute influence extérieure

 que l’état des savoirs savants et professionnels rende possible une action efficace dans la plupart des situations rencontrées

Les situations qu’affrontent les professionnels de même niveau de qualification soient sinon identiques, du moins relativement comparables (p.56).

De toute évidence ces conditions ne sont pas réunies en éducation. Cela suffit-il pour dire que l’obligation de résultats n’est pas adaptée au monde de l’éducation? C’est ce qui va être examiné dans le prochain paragraphe.

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2.1.2 L’obligation de résultats peut-elle s’appliquer à l’éducation?

Ce sont souvent les apprentissages d’ordre cognitif des élèves qui permettent de définir l’obligation de résultats. Les performances attendues sont fixées d’avance, elles sont d’ordre quantitatif et elles sont comparées dans le temps et dans l’espace.

Or, si l’école doit être imputable de ses résultats, encore faut-il tenir compte de ses caractéristiques au lieu de soumettre toutes les écoles aux mêmes standards définis dans l’absolu. De ce point de vue, les plans de réussite au Québec, ou les projets d’établissements en France sont des cadres qui visent à relativiser les résultats en fonction des caractéristiques des établissements.

Ce dispositif devrait à priori rassurer les enseignants face à l’obligation de résultats. Pourtant, force est de constater qu’il est loin de faire l’unanimité parmi eux. Il est vécu le plus souvent comme une injonction bureaucratique supplémentaire.

Il importe d’examiner les critiques généralement faites à l’obligation de résultats en éducation.

Elles sont pour la plupart formulées tant par les chercheurs que par les professionnels de l’éducation.

Partant du principe que les objectifs de l’école sont des valeurs élevées irréductibles à de simples résultats à des tests standardisés, Meirieu (2008) pose un principe éthique et politique qui interdit d’appliquer l’obligation de résultats à l’éducation. Il écrit que :

L’école, comme la justice et l’armée sont des institutions qui échappent à la satisfaction des usagers comme critère de qualité. La qualité d’une école ne peut être évaluée à l’aune de la satisfaction des parents car elle n’est pas un service mais une institution qui promeut des valeurs qu’elle affiche et qu’elle cherche à incarner. Elle ne s’inscrit pas dans un marché mais contribue à la promotion de l’humanité ( p.10).

De manière plus pragmatique, Tardif (2008) nous rappelle les missions éducatives de l’école qui sont « la construction d’un citoyen éclairé, d’un acteur social responsable, d’un futur agent compétent de l’organisation économique, d’une personne consciente de ses rôles et de ses responsabilités »(p.37).

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On voit bien que l’obligation de résultats est inopérante dans un tel contexte. Vouloir la maintenir c’est courir le risque de dérives qui sont de trois natures :

 Éthiques : certaines écoles pouvant chercher à se débarrasser de certains élèves pour garder le niveau de résultats attendus ;

 Concurrentielles : entre établissements ;

 Curriculaires : tentation de préparer les élèves exclusivement pour réussir aux critères de standard définis au préalable au risque de délaisser des enseignements qui ne seraient pas valorisés par les normes en vigueur.

Enfin, hormis ces risques de dérives, il existe quelques obstacles à une application généralisée du principe d’obligation de résultats en éducation :

Reprenant un postulat issu de l’ergonomie, Durand (1996) écrit que l’éducation poursuit des objectifs à long délai de réponse, et que leur réalisation renvoie « à des processus à évolution lente et souterraine, particulièrement difficiles à appréhender: modification des attitudes des élèves, apprentissages complexes, développement psychomoteurs […] qui se produisent sur une échelle de temps prolongée » (p112).

Ceci lui permet de mettre en lumière que l’action d’un enseignant s’inscrit dans une chaîne dont il n’est qu’un maillon. L’apprenant garde toujours une part d’autonomie liée à sa personnalité, à ses centres d’intérêt et à son d’affectivité. En outre, la gestion des rapports humains est complexe. Ainsi, pour toutes ces raisons, la responsabilité des professionnels de l’éducation ne peut être que limitée car les résultats des élèves dépendent d’une quantité d’éléments sur lesquels ils n’ont pas de contrôle.

Enfin, la logique de résultats issue du monde de l’entreprise ne semble pas du tout adaptée au monde de l’éducation. Henry (2002) contribue à la réflexion en des termes imagés très éclairants. Il fait un parallèle entre un médecin, un avocat et un enseignant. Si personne n’ose exiger d’un médecin qu’il guérisse son patient, on attend de lui qu’il le soigne. De même, on attend d’un avocat qu’il assure la défense de son client mais on ne lui demande pas qu’il obtienne son acquittement. Vu sous cet angle, on est en droit d’exiger d’un enseignant qu’il mette en place des dispositifs pédagogiques pour favoriser les

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apprentissages des élèves dont il a la charge, mais on ne saurait le tenir pour responsable de sa réussite ou de son échec.

Si l’obligation de processus fait partie de toute profession fondée sur des stratégies plutôt que sur des procédures; elle s’applique de fait à l’enseignement. Pour que le public cesse de juger les enseignants sur les résultats des élèves, Henry parle d’un besoin urgent de poser les processus éducatifs en termes d’objectifs à atteindre. À cette obligation de processus s’ajoute selon cet auteur une obligation morale au sens étymologique du terme de créer du lien. L’obligation de rendre des comptes sur son métier dans le cadre d’un financement public rentre dans cette obligation morale. Elle doit devenir une approche responsabilisante et non pas une « chasse aux sorcières » nous dit-il.

Pour ce faire, il invite les enseignants à ouvrir les portes de leur classe, afin que leurs actions pédagogiques puissent être jugées à leur juste valeur. Ainsi, comme dans tous les métiers de l’humain, force est de constater qu’il y aura toujours quelque chose d’incontrôlé et d’incontrôlable dans le processus d’apprentissage. Aussi, plutôt que de parler d’obligation de résultats, il semble plus judicieux de parler d’obligation de compétence en éducation.

2.1.3 Qu’est-ce que l’obligation de compétences?

De manière commune, on peut se mettre d’accord sur une définition de ce que peut être l’incompétence professionnelle. Elle pourrait se caractériser par des comportements inadéquats répétés, des erreurs non corrigées aux conséquences fâcheuses pour l’organisation au sein duquel l’agent travaille.

En matière d’éducation, cela peut avoir des conséquences dramatiques sur les élèves. Cela peut conduire à un désinvestissement scolaire et un refus d’apprendre difficilement récupérable par la suite.

À l’inverse, la compétence peut être définie comme « la capacité à résoudre les problèmes de la pratique en fonction de l’état des connaissances et des expériences tentées et connues. Liée au développement professionnel, elle serait une capacité à analyser avec rigueur des situations complexes, à identifier des solutions pertinentes, réalistes et conformes à l’état

Figure

Tableau 1.  Ce  tableau  récapitule  la  notation  des  enseignants  avant  et  après  la  réforme
Tableau 2.  Comparatif  des  missions  des  inspecteurs  dans  les  notes  de  service  de  1990 et de 2005
Tableau 3.  Récapitulatif des nouveaux rôles des personnels
Tableau 3 Les fonctions de l’inspection en vigueur en France selon Starck (2010)  Enseignant  « accusé »  Enseignant « patient »  Enseignant  « négociateur »  Enseignant  « alter égo »
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