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Chapitre 5 Résultats et discussion selon le modèle par appariement

5.3 Les thèmes reliés au processus

5.3.4 Un pouvoir nouveau donné aux chefs d’établissements

5.3.4.2 Le pouvoir hiérarchique du chef d’établissement

Comme l’ont montré des auteurs comme Barrère (2006), Baluteau (2009) ou Pochard (2008), la tradition du monde enseignant veut souvent que le pouvoir hiérarchique du chef d’établissement ne soit pas reconnu. En attestent les propos suivants : « Le proviseur ou le principal n'est pas le supérieur hiérarchique du professeur » (p.42, O.I.PUB.). Les organisations syndicales ne s’en cachent d’ailleurs pas, disant qu’il peut susciter des réactions passionnelles chez les enseignants. Luc Châtel a reçu un avertissement du SNES- FSU, le principal syndicat des professeurs du second degré : « Deux sujets peuvent susciter chez les enseignants des réactions passionnelles : la bivalence (l'enseignement de deux disciplines) et le pouvoir hiérarchique du chef d'établissement » (p.3, O.C.PUB.).

Ils précisent en outre que les personnels de direction ne veulent pas de ce pouvoir. « Les syndicats d'enseignants se sont également insurgés contre le projet de décret proposé. Il

donne une part prépondérante aux chefs d'établissement, allant à l'encontre même du désidérata de ces derniers » (p.8, O.C.PUB.).

Pourtant, le chef d’établissement serait un responsable d’unité qui en tant que tel aurait à évaluer les personnes dont il aurait la charge. Philippe Tournier, secrétaire général du SNPDEN-UNSA déclare : « Qu'un responsable d'unité évalue les personnes dont il a la charge, ça ne choque personne sauf dans l'Éducation nationale » (p.13, O.I.PERS.).

L’évaluation des enseignants au regard du projet d’ensemble d’établissement apparaît comme normal. « Que ce soit le rôle de la direction d'évaluer les personnels du point de vue de leur contribution au collectif ce n'est pas scandaleux », ajoute-il (p.14. O.I.PERS.). En référence au modèle de l’entreprise, le ministre réaffirme la responsabilité de manager des personnels de direction. Sur France Inter, le 7 décembre 2011, Luc Châtel réaffirmait « qu’il faut un patron dans un établissement » (p.4, O.C.PUB.) et il déclare que : « C'est important que le chef d'établissement ait un rôle prépondérant » (p.1, O.M.).

Par ailleurs, le code de l’éducation donne aux personnel de direction autorité sur le personnel rappelle Michel Richard, secrétaire général adjoint du SNPDEN (premier syndicat chez les personnels de direction) : « selon le code de l'Éducation, le supérieur hiérarchique, en l'occurrence le chef d'établissement, a déjà autorité sur le personnel » (p.12 O.I.PERS.).

De nombreux propos illustrent l’inquiétude des enseignants face à l’arbitraire du jugement des chefs d’établissements. « Ce projet comporterait des risques de dérives inquiétantes » (p.7, O.I.PERS.) .« Avec une évaluation unique, le risque, à terme, est d'avoir des profs lèche-bottes mais incompétents en classe » (p.40, O.I.PERS.).

On craint une notation arbitraire en fonction des affinités des chefs d’établissements avec les enseignants. « Certains pourraient, par exemple, noter mieux celui qui crie le plus fort… » (p.2, O.I.PERS.) ou encore « j'ai peur également d'une notation "à la tête du client" en fonction des affinités » (p.10, O.I.PERS.) ou enfin « Il y a toujours des rancunes, voire des haines, des clans, et le Chef d' Établissement ne peut être objectif » (p.11, O.I.PERS.)…

Ce projet limiterait la libre expression des personnels sur les mesures gouvernementales : « Qui osera manifester une quelconque hostilité aux mesures toujours merveilleuses venues du ministère au risque de se faire mal voir du chef d'établissement » (p.14, O.I.PERS.) ? Il contribuerait à créer un climat de terreur pour certains enseignants. « Tout ce que cela va contribuer à créer est un climat de ‘terreur’ sur ces professeurs qui ne plairont pas, pour une raison ou une autre, au proviseur ce dernier pouvant influer sur la carrière encore davantage » (p.28, O.I.PERS.) et à créer des petits chefs à la solde des parents.

On va donc créer des ‘petits chefs’ qui jugeront en fonction de ce qu’en disent les parents les plus influents, de la moyenne de la classe (qui ne veut rien dire mais qui est le seul leitmotiv invoqué en conseil de classe car sachez qu’elle est toujours trop basse et que les vilains professeurs notent toujours trop sévèrement les pauvres petits chéris qui risqueraient de faire une dépression) et de qui lèche le mieux les babouches de l’intéressé (p.30, O.I.PERS.).

Les entretiens seraient des simulations d’un système juste. Seuls les plus vindicatifs seraient entendus : « Ces entretiens sont bidons. Ils servent à "simuler" un système juste. Tandis que la réalité est moins rose : seuls ceux qui ont le courage d'ouvrir leur gueule et de se plaindre auront quelque chose. Le mérite ne donne le droit à rien du tout » (p.38, O.I.PERS.).

Cette réforme irait à l’encontre de ce qui se fait dans le privé où les évaluations en interne sont doublées d’expertise extérieure.

Non justement la procédure va s'éloigner des systèmes utilisés dans le privé. En effet alors que dans le privé on recourt à la fois à des évaluations en interne ainsi qu'à des regards extérieurs et neutres (consultants, certifications...), l'enseignement tourne le dos à cette logique pour se replier uniquement sur une évaluation en interne. C'est totalement illogique pour plusieurs raisons. La principale est que cela fera reposer l'évaluation sur les relations entre le professeur et le proviseur. On peut très bien être un enseignant de grande qualité et ne pas s'entendre avec le proviseur ou bien au contraire bénéficier de son appui pour x raisons alors que l'on est un mauvais enseignant (et ce système va encourager la promotion canapé). Dans tous les cas personne ne peut objectivement dire à la fois qu'il souhaite une bonne évaluation des enseignants et soutenir ce système qui augmente considérablement les biais (p.39, O.I.PUB.).

Cette réforme irait à l’encontre d’un besoin accru de compréhension et de reconnaissance des enseignants. « Les professeurs de ces établissements ont besoin, et leurs élèves avec

eux, de se sentir soutenus et encouragés et non pas d'être infantilisés et menacés » (p.29, O.I.PUB.).

Cette réforme serait le fruit de la négligence des personnels de direction qui n’auraient pas endosser leur responsabilité de directeur de ressources humaines avant. « On en sera pas là si les chefs d'établissement faisaient leur boulot sans avoir peur des syndicats et notaient plus sévèrement les profs, trop de chefs se contente d'augmenter dans la moyenne la note de 0.5 point par an » (p.10, O.I.PUB.).

Une mise en concurrence des enseignants

Pour finir, nous avons pu relever une thématique qui n’a pas été évoquée dans la recension des écrits. Les syndicats dénoncent des risques de mise en concurrence des enseignants. « Le SNUipp-FSU s'opposera à une conception managériale basée sur un mérite largement arbitraire qui entrainerait individualisme et division des équipes. Il est également hors de question que l'évaluation ne se réduise à un contrôle administratif et à une opération de classement des enseignants » (p.4, O.C.PERS.). « Les personnels ne pourraient bénéficier d’accélération de carrière que sur proposition du seul chef d’établissement. Cela entraînera des oppositions et des conflits entre collègues de l’établissement » (p.3, O.C.PERS.).

Tableau 9. Récapitulatif de l’arbre thématique

Thème 1 Thème 1.1 Thème 1.1.1 Thème 1.1.1.1

C

on

te

xte

Éducatif

international Modèle finlandais

Économique

Adaptation de l’école au marché du travail

Compressions budgétaires

Juridique

Application des règles d’appréciation des fonctionnaires Obligation de résultats Obligation de compétences C on te nu Modification des règles d’avancement Modalités de l’évaluation

Évaluation plus régulière Évaluation formative ou sommative Autoévaluation Évaluation collective Modification des métiers

Enseignant Le rôle en classe

Le rôle hors classe

Chef d’établissement

Rôle administratif Rôle pédagogique Compétences des chefs d’établissement à mener de tels entretiens

Inspecteur Évaluation du système

Évolution du rôle De nouvelles

responsabilités pour l’école et les enseignants

Fin d’une responsabilité contractuelle

Vers une responsabilité publique

Tableau 10. Suite du récapitulatif de l’arbre thématique P ro ce ss us Complexité d’évaluer Conditions de la mise en place de la réforme

Réforme menée sans prendre les précautions nécessaires Contestation de la validité de l’enquête Alixia Quid de la phase expérimentale de la réforme Introduction des règles managériales de l’entreprise Spécificité de l’école

Pouvoir donné aux chefs

d’établissement

Le chef d’établissement comme seul évaluateur Le pouvoir hiérarchique du chef d’établissement

Chapitre 6 Résultats et discussion selon le modèle

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