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LA SURVEILLANCE ÉLECTRONIQUE DES CONDAMNÉS À DOMICILE EN FRANCE

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-01445212

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Submitted on 24 Jan 2017

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LA SURVEILLANCE ÉLECTRONIQUE DES

CONDAMNÉS À DOMICILE EN FRANCE

Camille Allaria

To cite this version:

Camille Allaria. LA SURVEILLANCE ÉLECTRONIQUE DES CONDAMNÉS À DOMICILE EN FRANCE. 2016. �hal-01445212�

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TEPSIS PAPER 06 / APRIL 2015

Laboratory of Excellence TEPSIS, 96 Bd Raspail 75006 Paris, http://tepsis.hypotheses.org 1 Camille Allaria

Docteure en sociologie, chercheuse associée au Lames, MMSH, Université Aix-Marseille Mots-clés Surveillance Electronique Déviance Justice

Camille Allaria

LA SURVEILLANCE ÉLECTRONIQUE

DES CONDAMNÉS À DOMICILE EN

FRANCE

QUAND LES MURS DE LA CELLULE DISPARAISSENT

La surveillance électronique consiste à astreindre les condamnés à leur domicile aux horaires fixés par le juge d’application des peines. Les informations relatives à l’entrée ou la sortie du condamné de son domicile sont transmises par voie électro-nique au pôle de surveillance. Une alarme de violation apparaît sur le moniteur de surveillance lorsqu’un retard ou une absence du condamné sont repérés, ce qui constitue techniquement une opportunité de contrôle (par téléphone, dans un premier temps) de la part du surveillant sur la situation du placé (1). Que devient la sanction pénale quand la notion d’enfermement numérique (saisie électronique de l’activité des surveillés) se substitue progressivement à celle d’enfermement physique (les murs de la cellule du prisonnier disparaissent)?

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Laboratory of Excellence TEPSIS, 96 Bd Raspail 75006 Paris, http://tepsis.hypotheses.org 2 Avec l’introduction du bracelet électronique (présentée comme une solution palliative au problème de la surpopulation carcérale, entre autres), le domicile devient l’espace de la contrainte. L’assignation à domicile n’est pas un phénomène nouveau, en revanche, la surveillance des prisonniers à domicile par voie électronique, elle, l’est. Si bien que l’insertion de la problématique numérique s’impose, remodèle les enjeux, les effets et les rapports entre les condamnés et l’institution pénale, nous conduisant à souligner deux choses : un processus de « visibilisation » de l’intime, un processus « d’invisibilisation » de l’institution.

Ce qui est en jeu ici, c’est un double mouvement de déterritorialisation du territoire de la peine avec sa rematérialisation par la trace numérique dont la circulation est rendue possible par l’imposition sur le corps du délinquant de la marque de la sanction pénale (le bracelet électronique). Ce déplacement est permis en rendant « visible » la sphère privée à l’organe de surveillance, grâce aux facultés ubiqui-taires de la technologie numérique.

USAGE CONTRAINT

DE L’ESPACE INTIME

Sur ce nouveau territoire de la peine (le domicile du condamné), la mise en place du système de surveillance correspond à la délimitation de l’espace du permis et du défendu. Cette idée est renforcée par l’existence de pratiques de négociation entre le condamné et le surveillant autour de la question de la délimitation de cet espace. Les règles sont, en grande partie, fixées par l’usage de la technologie étant donné que c’est en fonction de ses capacités de rayonnement que la distance autorisée sera paramétrée et rapportée comme norme spatiale.

« Il a mesuré ma cheville, il a installé le boîtier, il m’a mis le bracelet, il m’a fait tourner dans la maison afin de voir la superficie de la maison, des endroits où je pourrai aller. Si je dépasse le périmètre ça sonne. Le pôle PSE appelle à la maison directement »

Entretien placé (2)

« On vous met le bracelet au pied, vous faites le tour de votre maison, vous allez d’un mur à l’autre, d’une salle à l’autre… Ensuite il m’a demandé de descendre. Lorsque je suis descendu en bas du palier, il m’a dit “Remontez ! Voilà à partir du moment où vous dépassez ce périmètre, ça sonne”. Donc,

(1) En France, au 01/01/2015, on compte 66 270 personnes écrouées détenues et 10 767 person-nes sous surveillance électronique, selon les chiffres du ministère de la Justice.

(2)Plus de 50 entretiens ont été conduits auprès de personnes placées sous surveillance électro-nique, de conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation et de juges d’application des peines.

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on prend pas le risque. »

Entretien placé

Dans ces conditions, le domicile prend un double statut : il est, dans le même temps, le lieu de vie du condamné et de sa famille, et, son lieu d’incarcération, avec, pour relais de surveillance, l’entourage familial qui lui aussi subit, dans une certaine mesure, les contraintes qui incombent au surveillé.

« Des fois, [ma femme] me dit “C’est l’heure il faut rentrer, ou alors « Voilà, là on peut pas sortir !” Comme le dimanche, elle me dit : Non c’est pas la peine de sortir parce que c’est trop juste” »

Entretien placé « Et quand j’explique tu vois j’explique à tout le monde, à toute la famille parce que j’estime que tout le monde est concerné. Alors j’explique tout au type, ses horaires de sortie, ce qu’il doit faire, ce qu’il doit pas faire... »

Entretien surveillant PSE En outre, la capacité du dispositif à renvoyer automatiquement des informations concernant les entrées et sorties du condamné sont autant d’indices exploités par les agents institutionnels pour étayer leur jugement sur « l’autonomie » du condamné, sur sa capacité à respecter les consignes d’entrées et sorties, voire sur son équilibre familial.

« En fait, la surveillance nous donne un indice sur le niveau d’autonomie des personnes (…) Il y a beaucoup de choses qui interrogent : est-ce que la per-sonne est autonome? Est-ce que la perper-sonne est capable d’avoir des con-traintes, de respecter des contraintes? Est-ce que l’entourage pose des dif-ficultés à cette personne pour stabiliser sa vie? »

Entretien CPIP

Cela dit, ce dispositif technologique n’est pas en mesure de donner une représentation complète de l’activité du surveillé ; il ne rend-compte que d’une information parcellaire (celle qu’il est en mesure de capter). Les surveillants se trouvent donc dans une situation de forte incertitude lorsqu’ils doivent évaluer le niveau de conformité des surveillés. Pour pallier ce manque informationnel, ils sont contraints d’ouvrir une enquête téléphonique auprès des surveillés et de tisser, à

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distance, une chaîne d’informations diverses pour établir au plus près le degré de conformité de l’activité du surveillé. Ce constat pose plusieurs problèmes que nous ne détaillerons pas ici, comme l’émergence de pratiques de négociations autour de la définition de la conformité, par exemple.

Dans la mesure où le dispositif de saisie de l’activité est placé au domicile du con-damné, il est nécessaire, pour les agents PSE qui le mettent en place, d’intervenir au sein du domicile d’abord au moment de l’installation mais aussi tout au long de la mesure lorsqu’il s’agira de prévenir ou de guérir les défaillances du système tech-nique.

L’INSTITUTION INVISIBLE

Ce premier mouvement de « visibilisation » de la sphère privé, s’accompagne d’un mouvement de dématérialisation de l’institution pénale, qui se traduit sur le corps des individus par des mutations, aussi infimes soient-elles, dans la façon dont les agents de l’institution se présentent à la société civile. Lors de l’installation du dispositif de surveillance au domicile du condamné (le premier contact et parfois, l’unique entre surveillant et surveillé), l’uniforme, considéré ici comme un des aspects tangibles de l’institution a disparu.

« Qu’est-ce que ça vous a fait de voir un surveillant de prison chez vous, avec un uniforme ?

Non non, il était en civil! Eh oui, il était en civil, avec sa mallette, des outils et tout, quoi. »

Entretien placé

Si les surveillants travaillent sans uniforme, à la différence des gardiens de pris-on, ce n’est pas seulement parce qu’ils gardent virtuellement des prisonniers, ni pour de simples raisons de confort. Étant donné qu’ils sont amenés à se rendre au domicile des condamnés, la tenue civile est considérée comme la plus raison-nable quand il s’agit de passer du temps, seul, à chercher l’entrée d’un bâtiment dans un ensemble résidentiel.

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« Pourquoi vous n’êtes pas en uniforme ?

Parce qu’à un moment donné on peut être obligé d’aller comme G. hier en déplacement chez un placé et on se déplace pas dans les cités en uniforme... sinon, s’il y a une grosse visite officielle il faut mettre l’uniforme...»

Entretien surveillant

Ce qui nous intéresse dans ce propos c’est la façon dont l’ouverture de l’administration pénitentiaire se traduit sur le corps-même des individus. Si l’uniforme a pour fonction principale de rendre visibles et identifiables les détenteurs de la violence légitime, d’arborer la fonction avant l’identité et de participer à la construction du collectif des agents de l’État, qu’est-ce que le fait d’ôter cet uniforme et par conséquent de rendre sa silhouette commune et déshabillée de tout symbole de force et de puissance souveraine, implique dans la présentation de soi en situation de face-à-face? Alors que tout au long du placement, surveillé et surveillant resteront des êtres anonymes et sans corps l’un pour l’autre, le moment de l’installation est l’occasion, parfois unique, de donner de la matière (un visage, une corpulence), de rendre concrets celui qui surveille et celui qui est surveillé. « Dans le cadre de l’ADSE (3) précisément, le pouvoir continue à exercer de la même façon son pouvoir de punir, mais ce qu’il faisait jusqu’alors, à travers un dispositif visible, il se réalise maintenant sans se donner à voir ». (4)

L’évolution des technologies de séparation de l’espace du permis et du défendu nous mène immanquablement à interroger la question du corps et de sa relation à l’espace. Comment percevoir la limite autorisée quand celle-ci est invisible? Qu’est-ce qui va prendre le relais de la perception de la frontière? Qu’implique l’invisibilité des protagonistes dans le mécanisme de surveillance électronique? La nature numérique de cette peine s’accompagne d’une caractéristique fondamentale de cette sanction : la distance entre le corps du surveillant et le corps du surveillé. Le lien entre prisonnier et surveillant existe bel et bien sans que rien ne le rende visible, excepté le matériel de surveillance situé au domicile et sur le corps du condamné, si bien qu’« il n’y a plus de territoire propre pour la peine qui se déplace désormais avec soi » (5). Si l’on considère le corps comme le point d’ancrage de l’identité de l’individu, le fait que la sanction pénale passe par la pose d’un bracelet au pied du condamné ne peut pas être indifférent à l’analyse. Le bracelet matérialise le châtiment « virtuel » et devient par différents mécanismes d’appropriation et de stigmatisation la « trace » matérielle du fait «

(3)Assignation à domicile sous surveillance électronique..

(4)Froment, J.C, (1998), « La surveillance électronique à domicile: une nouvelle économie du

pouvoir de punir? », Les cahiers de la sécurité intérieure, 34, p. 158. (5) Op. cit., p. 155.

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« délinquant sanctionné ». Dans ces conditions, le placé emporte avec lui, partout et tout le temps la trace de sa culpabilité. Ces différents éléments participent à une interrogation plus générale sur le rapport des individus à l’État et sur la nature de ce dernier. « Les élites, les classes dirigeantes, les patrons, les adultes, les hommes, les blancs, bref, les groupes de statut supérieur en général, maintiennent leur pouvoir autant par le contrôle des représentations du monde social que par l’usage de formes plus rudimentaires de contrôle. Peut-être utilisent-ils des moyens plus rudimentaires pour établir leur hégémonie. Mais le contrôle basé sur la manipulation de définitions et d’étiquettes agit avec plus de douceur et à un moindre coût » (6). Le bracelet électronique marque et entretient une frontière entre le « délinquant » et l’« honnête homme ». Ce système de surveillance, est permis grâce au support corporel. « Le fonctionnement concret de ce bracelet, montre, en réalité, à quel point il relance et étend la gestion carcérale de l’espace, sous la forme d’un enfermement virtualisé. Cette extension spatiale est corrélative d’une extension temporelle qui prolonge le segment de la peine pour une durée indéterminée et, surtout, suscite un contrôle continu des comportements largement intériorisé par les placés eux-mêmes qui deviennent les agents principaux de leur propre “punition”» (7).

Il résulte de l’assignation à domicile sous surveillance électronique le fait que la contrainte change de nature. Elle quitte son aspect matériel qui caractérise la peine de référence (l’enfermement) pour devenir numérique. On peut traiter ce mouvement (du matériel au numérique) comme un mouvement du visible à l’invisible. L’architecture imposante et aus-tère de la prison qui marque la distinction entre le monde de la liberté et le monde de l’enfermement devient virtuelle: aucun corps physique n’empêche d’enfreindre la consigne édictée par le juge. C’est un des points centraux dans la mesure où c’est sur l’idée de virtualité que peut se développer un questionnement qui pourra mettre en tension le principe de sanction pénale avec la production du sujet sanctionné

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Laboratoire d’Excellence TEPSIS, 190-198 av. de France, 75013 Paris, https://tepsis.fr 6 (6) Becker, H. S., (1985), Outsider. Etude de sociologie de la déviance. Métailié, 229.

(7)Razac, O., (2010), Le placement sous surveillance électronique mobile : un nouveau modèle pénal?

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