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Lecture du paysage par les noms de rues : exemples de Québec.

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(1)

LECTURE DU PA YSACE PAR LES NOMS DE RUES:

exemples de Québec

Mémoire

présenté à la Faculté des Arts

fr\de ~l' université McCill

\5.J

par Claude Désy

bachelier ès arts pour l'obtention du grade de mal. tre

ès arts

Département de géographie Univers! té McGill

(2)

Résumé

Dans le domaine de la géographie, science des frontières sans frontière, l'unité nominative désigne un espace qui en permet la préhension. Il s'agit d'abord de reconnaître ce que sont les deux objets en caus€' dans l'édifice, le nom et 1<.: lieu. La relation qui les unit est soit naturelle, fa.hriq-.tée ou conflictuelle selon que le procédé de nomination est fondé, dérivé ou emprunté. L'expérimentation de cette hypothèse sera faite par le biais de l'odonyme, dans diverses parties de la ville de Québec, avec comme principal foyer d'investigation le quartier SainL-Sauveur de Québec. On verra notamment comment, ct jusqu'à un certain degré pourquoi, son nom reflète la re lation humaine au paysage, de l ' a p p r o p r i a t i o n à la modification en passant par sa gestion. C'est en quelque sorte une histoire géographique, racontée par le nom de rue.

Abstract

The naming of space makes its prehension possible. Hence, both name and place have to be investigated in order to discover the nature of the relationship involved. Being either natural, fabricated or conflictual, this relationship depends on the naming process which can be founded, derived or borrowed. This hypothesis will be tested through the use of the odonym in different parts of the agglomeration of Quebec with special attention paid to one sector, the quartier Saint-Sauveur de Québec. lt will be seen how, and to a certain degree why, the street-name reflects the human relationship to the lands cape, from ap propr i a tion to modi f Ica t i on th rough manageme nt.

1f .'

(3)

TABLE DES MATIERES

Sig les Lexique

Liste des figures a- Tables b- Graphique c- Cartes Introduction Remerciements

PREM 1 ERE PARrI E :

CHAPITRE 1: LE NGM

1.0- La discipline d'accueil

2 . 0 - Le phénomène dénomina t i f 2 . 1 - Le signe

2.2- L'espace et le temps

3.0- Le nom comme baromètre social

Le nom et le lieu

3.1- Les limites de son domaine 3.2- Le nom, instrument et médium.

3. 3 - Exemp le de nom propre: l' apo thiconyme 3.4- Méthode d'observation

CHAPITRE II: LE LIEU

4.0- Le contexte onomastique

4.1-

La notion de lieu

4.2-

Le lieu du nom i 111 iv v xv i 1 1 4 7 9 10 1l 14

15

17

(4)

') 0" Dé fin i t ion s du 1 i eu

5 . 1 - Ce qui a été dit du 1 i e \1 . •

5.2- Ce qu'on dit du lieu (sondage)

PARTIE DEUX: Un type particulier de lieu de noms: la rue

CHAPITRE I I I : EXAMEN GENERAL D'UN ECHANTILLON ODONYMIQUE A QUEBEC

(J () - [) i <; tin c t ion s y s t ème - env i r 0 n n e men t

10- Chantier d'investigation 7.1- Mntériel odonymique 7.2- Analyse odonymique

CIl A P

r

TR E IV: L'EXAMEN DE DEUX SECTEURS URBAINS A QUEB EC

Il ()- Le quarti.er Saint-Sauveur de Québec

8.1- Des origines à 1845 8.1.1- Situation

8.1.2- Territoire de passage 8.1.3- Territoire sédentaire

8.2- Première génération urbaine: 1845-1866.

19 26 29 30 33 40 45 45 47 51 59

8.2.1- Les terrains de l'Hôpital 59

8.2.2- Les terrains de Pierre Boisseau 67 8.2.2.1- Odonymie d<.. Boisseauvi11e 69 8.2.3- Troisième acteur: l'Hôtel-Dieu de Québec (H.D.)

1858-66 77

8.3- Seconde génération urbaine: 1866-1890

8.3.1- Nouvelle distribution sociale et spatiale 8.3.2- Terrain Bédard et faubourg Sainte-Angèle 8.3.2.1- Bédardville

8.3.2.2- Les Ursulines

8.3.3- Le rêve de Bijouville 8.4- La flambée odonymique de 1890 8.5- Le début du XXième siècle . .

80 81 83 83 86 89 91 96

(5)

-

8.i.l- Le Saint-Sauveur "Chapitre Un, Verset Deux". 8.5.2- La réalisation de l'autre Saint-Sauveur 8.6- Organisation nominative 1917-1961

97 100 10'.1

8.6.1- La fête des Oblats 10)

8.6.2- "Les p ' t i t e s maisons à'l'armée" (appellation

~ommune par les habitants du quartier). 109

8.6.3- L'industrie odonymique 109

8.7- Une dernière touche à Saint-Sauveur

9.0- Saint-Louis-de-France (paroisse de la municipalité de Sainte-Foy): court portrait

9.1- Sainte-Foy.

9.2- Saint-Louis-de-France 9.2.1- Analyse odonymique

9.2.2- Relation odographique-odonymique

CHAPITRE V: L'ANALYSE HERMENEUTIQUE (conclusion)

10.0- Constat théorique global . .

11.0- Méthode d' investigation herméneutique Prospective

BIBL l OGRAPHIE: A- Archives

B- Annuaires et Journaux (Ordre chronologique) 1- Annua ires

2 - Journaux

c-

Cartes (Cedre chronologique) D- Atlas et Dictionnaires 1- Atlas 2- Dictionnaires E- Ouvrages généraux 110

112

117 125 131 1/.1. 141 147 11.8 150 155 155 155 158

(6)

Livre odonymigue (Volume second) (126p.) Incluant: Introduction

Liste odonymique (pour St-Sauveur) A- Saint-Sauveur

Répertoire odonymique (ensemble des informations) Situations

"

(détails)

Périodes

"

"

Nommants Il Il

Sens Il Il

B- Saint-Louis-de-France

Table odonymique (noms. périodes. changements) Natures odonymiques (sens et remarques)

(7)

-.,.

Sigles biblIographiques AAMHGQ AAMHDQ: ANQQ AOMI APC: AVSF AVQ BCTQ: BL BMM: BNQM: BRH: BVSF BUL: CISO: CNRS: CRAD: CTQ: CUQ: DBC: FEW: GECET: HD:

Archives des Augustines du Monastère de l'Hôpital-Général de Québec

Archives des Augustines du Monastère de l'Hôtel-Dieu de Québec

Archives nationales du Québec à Québec Archives des Oblats ~e Marie-Immaculee Archives publiques du Canada

Archives de la Ville de Sainte-Foy Archives de la Ville de Québec Bibliothèque de la CTQ

Bibliothèque de la Législature

Bibliothèque municipale de Montréal (Fonds Gagnon) Bibliothèque nationale du Québec à Montréal

Bulletin des Recherches Historiques Bibliothèque de la Ville Ge Sainte-Foy Bibliothèque de l'université Laval

Congrès international des sciences onomastiques Centre national de recherches scientifiques

(France)

Centre de recherches en aménagement et de dévelop-pement de Québec

Commission de toponymie du Québec Communauté urbaine de Québec

Dictionnaire biograph~que du Canada Franzôsisches etymologisches Worterbuch

Groupe d'étude de choronymie et de termilologie géographique

(8)

HG: , HVQ: .... MACQ: MI C . OPDQ: PUL: RBMcL: SEDE: SIIC : SIIQ : SHVSF: UM: UV· Hôp i ta l Géné l'al de Québe c Hôtel de Vi Ile de Québec

Ministère des Affaires culturelles du Québec Ministère de l'Industrie et du Commerce

Office de planification et du développement du Québec

Presses de l'université Laval

Rare Books Department of McLennan Library (McGill) Société d ' é d i t i o n de dictionnaires e t d'en cyc lop é dies ( France)

Société Historique du Canada Société Historique du Québec

Société Historique de la Ville de Sainte-Foy Université de Montréal

Université Laval

(9)

LEXIQUE

Anthroponyme nom de personne Choronyme: nom d'espace

Econyme: nom d'agglomération, d'habitation

Faux hagionyme nom de personne camouflé sous un nom de suint Figuronyme: commémoration d'un fait symbolique (Désislets lqSO,

20)

Hagionyme: nom de saint

Historionyme: commémoration d'un fait historique (Désislets l'180, 20)

Homonyme: noms identiques identifiant des lieux différents Militaronyme: nom de militaire

Odonyme nom de voie de communication

Odographe tracé d'un chemin parcouru ou a parcourir

Ononyme: l i t t , ::lom de nom. Dont l'expression nominative prend S,\

source à partir d'une première explession nominative d'un objet.

Oronyme nom d'élévation géomorphologique Politiconyme: nom de politicien

Polysonyme: nom de ville

Potamonyme nom de cours d'eau

Pragmonyme nom propre de chose (monument, bateau, avion) Régionyme: nom de région

Toponyme nom de lieu

Typonym ie: ensemb l e de noms de même type

(10)

(

LISTE DES FIGURES

A- TABLES:

-1) Tableau l (Secteurs onomastiques) 32

-2) Tableau II (Classes onomastiques) 35

-3) Liste l (Echantillon odonymique de Roy 1932). 36 -4) Tableau III (Profil onomastique)

B- CARTES:

No. 1: Région de Québec, secteurs odonymiques No. 2: Premiers chemins .

No. 3: Situation du futur site du quartier Saint-Sauveur à la fin du XVIIIe. No. 4: Les grands domaines de Saint-Sauveur

au début du XIXe .

No. 5: Quartier Saint-Sauveur, Divisions odonymiques: Situations

No. 6: Quartier Saint-Sauveur, Périodes odonym i que s

No. 7: Quartier Saint-Sauveur, Odonymes

44 46 49 50 52 58 60

disparus et toponymie associée . 62

No. 8: Paroisse Saint-Louis-de-France,

Evolution du réseau routier

115

No. 9: Paroisse Saint-Louis-de-Frllnce,

Evolution historique de l'odonymie actuelle.

118

No .10: Communauté urbaine dE: Québec . 140

(11)

".

--- --- --l

Introduction

L'intérêt d'une analyse herméneutique de l'odonymie d'un coin du monde réside peut-être dans le fait de la nature paradoxale, muette et criante à la fois, de l ' obj et d'étude: le nom de rue. Son évidente démonstration, sa nalveté toute symbolique, portent la présence sans répit d'un visage humain sculpté à l'intérieur d'un fragile écosystème. Dans sa gratuité de sollicitation sourd un mythe, la postérité. Dans son aveuglante clarté luit aussi un signal, un verdict.

Les lectures dévolues au nom de rue ont amassé une foule de documentation, expertisé un nombre incalculable de domaines ( . . . de Bornéo jusqu'à Sept-Iles . . . ), mais reléguant sans cesse, à mon sens, une critique qui me semblerait porter un tel sujet, à première vue sec et sans propos, vers d'enrichissantes questions: pourquoi un nom?, son effet?, quel est l'apport humain?, son rapport géo-his~orique? Un modèle au Québec, suffisamment notoire, réside dans l'étude effectué~ par Andrée Désilets (1984) sur les noms de rues de Sherbrooke où pointe une interrogation quant au nom de rue constituant le prisme d'une réflexion sur le contexte de son élaboration. Dans le cadre d'une telle problé-matique, le très beau travail du professeur Piemont (1969), à propos de noms de villes issues d'une métrique d'organisation romaine en Gaules, t i r e les ficelles d'une correspondance existant entre positions et dénominations qui, dans ce cas, résulte de l'administration basée sur le commerce des produits dont la distance entre chaque point de relais de distribution

(12)

constitue la clé de l'explication nominative. D'après l'étymolo-gie de chaque polysonyme, on réussit à reconstruire le trajet de la circulation de ces produits qui dévoile ainsi une qualité propre du nom de lieu, soit la présence de son propos en relation a l'endroit du territoire qu'il marque.

Si l'odonymie reste le parent pauvre de la toponymie comme le mentionnait DésUets (1987) au colloque du XVI Congrès interna-tional des sciences onomastiques (C.I.S.O.), à Québec, i l n'en reste pas moins que de grands chercheurs se sont penchés sur son objet révélant une histoire et une géographie de ses dispositions qui invite à confier à ce petit signe en apparence anodin un répertoire de vérifications du milieu qu'il touche, avec cir-conspection certes, mais aussi avec beaucoup d'attentions. Ye.M. Pospelov (1986) a ainsi retracé le développement de la ville de Moscou, depuis près d'un millénaire, principalement à l'aide de ses odonymes. J. Hillairet (1964) a reproduit l'édifice impres-sionnant de la nomenclature parisienne à propos de ses rues y dévoilant une systémisation grandissante de cet objet des origines à nos jours. G. Stewart (1975a) a mis en relations les différentes et nombreuses monographies odonymiques réalisées aux Etats-Unis pour proposer une évolution des noms de rues qui a pour principaux foyers Philadelphie (incluant un système

numérique) 1 Boston (privilégiant l'historionyme) et Washington (avec système alphabétique) diffusant des styles respectifs de l ' e s t en ouest du pays à travers un processus datif typique de reconnaissance sinon de rémunération (politique) locale.

(13)

...

Récemment, on a présenté une étude, "La rue au Moyen-A&e", incluant un plein chapitre sur l'identification (Leguay 1984, 92-123). On y constate entre autre une dégénérescence du générique à nos jours et une spécificité de l ' a d j e c t i f odonymique qui s'avance avec peine dans le dédale de la ville jusqu'à s'effacer. En 1952, G. Langenfelt avait présenté une évolution des noms de rues du Moyen-Age laissant peu à peu s'évader le nom du lieu, de la sphère de ses habitants pour se poser jusqu'à nos jours dans un espace beaucoup plus synthétique. A la même époque, ce qui reste concrètement le plus grand vestige de la civilisation romaine a engendré un essai d'hodonymie (sic) de la part de A. Carnoy pour "montrer les rapports entre celle-ci et les lieux habités, les limites des domaines, les creusements, la flore, etc." (p. 213). V. Von Hagen a aussi produit un ouvrage sur les voies romaines (1967) où l'on découvre deux grandes sources d'inspiration nominative, les constructeurs ou les bienfaiteurs de la voie, et les points de destination et de provenance.

Les noms de rues peuvent aussi servir des fins très déter-minées à tel point que de quitter le domaine de l'espace pour s'insurger dans celui du temps comme le prodigue l'odonymie de la capitale paraguayenne qui rappelle à ses citoyens et informe ses visiteurs de l ' h i s t o i r e de son régime par l ' u t i l i s a t i o n du calendrier dans la désignation de ses rues (Aschmann 1986).

Mentionnons enfin une thèse de doctorat (1984) par Anne

Raul~n, intitulée The Naming of Urban Space: A Study of Manhattan

Place Names où l'odonyme constitue le principal instrument de

(14)

'(

recherche. Par son biais, on découvre une relation nominative esst!ntiellement liée à l'appropriation foncière du territoire dont l'anthroponyme sert presqu'exclusivement l'éxécution, ce qui ne sera pas sans rappe le r ce rtai nes conc lus ions re la t ive s à nos propres recherches. La mention de ces travaux aura permis, très succinctement, de prendre conscience de la diversité des lieux, des époques, des sujets que l'on peut soumettre à l'expertise odonymique.

Au Québec, le travail sur l ' odonymie s ' e s t révélé très fructueux dans le courant de la dernière décennie (1970-80). Eveillés par l'enthousiasme des H. Dorion, L.-E. H!lmelin, C. Laverdière ou J. Poirier, pour n'en nommer que quelques-uns, nombre d'épigones dont je serais tardivement, ont entrepris de défricher la prolifique famille de noms directement liés au déplacement.

Par le concours d'étudiants surtout issus du milieu de géographie de l'université Laval, la ville de Québec a été par-tic u 1 ièremen t choyée dans le trai tement accordé à s on ma té r ie l odonymique. Principalement entre 1971 et 1976, on a fiché, "photographié" le visage odonymique de Québec, à propos de la relation entre le nom et les occupants britannique et français (Asselin 1971), des correspondances et des disparités entre les odonymes des différentes municipalités (petites municipalités à forte anthroponymie locale; grandes, à emprunts systématiques) (Lapointe et Pradet 1973), de l'évolution des odonymes retraçant de s phénomènes dl.m inants (bais se du re 1 igieux; haus se du ,',es c

(15)

t i f ; tendance à l'emprunt) (Martin et Ouellet 1974), de la désignation systémique (modèles et réalisations) (Jacques et Grenier 1974), de localités spécifiques (nouveaux districts: Duberger, Les Saules, Neufchatel) (Savard 1973), et même de la perception odonymique par la population en relation avec l'âge, le sexe, l ' h a b i t a t , la profession, le statut, etc., d'où on retient la faveur du nom descriptif et le peu de sympathie pour l'emploi de noms exogènes (Agostini et Bernard 1974). Tous ces chercheurs sont issus du Groupe d'étude de choronymie et de terminologie géographique (G.E.C.E.T.) fondé par H. Dorion (-1967-1977) et qui a dominé la scène dans ce domaine de recherche au cours de ces années. Des mémoires indépendants et quelques thèses (de maitrise) ont également été le fruit d'un intérêt alors marqué pour la toponymie en général. P. Paré (1974, mémoire) a mis en valeur le potentiel choronymique de Québec pour une période donnée, de 1760 à 1867, développant de nouvelles voies pour la pratique dénominative. L. Lapperrière-Monaghan (1975, thèse) a fait un ménag~ considérable dans l'interprétation et l ' u t i l i s a t i o n des termes se rapportant à la désignation systémique en même temps qu'elle posait des balises importantes à la compréhension de cette forme toponymique à travers le Monde (rôle privilégié des voies de communication; systématisation poussée des Scandinaves; spécificité élaborée des Latinos; etc.). J. Grenon-Roy (1975, thèse) a, quant à elle, véritablement défri-ché le Répertoire toponymique du Québec en établissant des cor-rélations entre noms et espaces qui constituent certainement une

(16)

f

référence fondamentale à l'étude des noms de lieux au Québec. Concernant l ' odonymie, la Commission de toponymie du Québec (C.T.Q.) nouvellement formée en 1977 à partir de l'ancienne Commission de géographie (1912), a mis immédiatement le cap (1978) sur ce dossier quantitativement redoutable qui requiert un contingent de moyens bien rodés. D'abord concentrée en milieu rural, l'opération avait pour but, comme le souligne J. -Y. Dugas (1984b), de préparer la technique avant d'affronter le milieu urbain (p.3). Il s'agissait pour l'organisme de mettre au point les règles d'écriture et la définition des tâches entre nommants, usagers et gestionnaires.

A 1 a Communauté urbai ne de Québec (C. U . Q. ), 1 e déve loppement dans ce domaine a été ent.:>mé dès 1971 avec la redéfinition de nouvelles frontières municipales à Québec un an après la création de l'organisme régional, mais dont la carrière d'arbitre topony-mique a véritablement pris son envol avec la création d'un Comité de toponymie en 1981. En 1987, la C.T.Q. a publié un Guide odonymique du Québec auquel on peut continuellement référer en ce qui concerne les règles d'écriture et la terminologie. Dans le Monde, cette Commission fait l'envie de nombreux pays; au Canada, elle n'a pas d'égal dans les a~tres provinces.

On réalise ainsi que cette machine est bien partie et qu'elle repose sur des bases intellectuelles et pratiques bien définies. On peut se demand~::' ce qui incite à replonger au coeur de l'ouvrage pour y chercher un autre regard. Mais on découvre en même temps un contexte propitiatoire à une recherche qui sorte

(17)

-

mouvement à peine exaspéré à des sentiers battus. Dugas (1984a) conviait d'ailleurs dans un s'émanciper du bien et trop connu (p.488).

Il faut donc s'avancer vers de nouvelles options, de nouveaux regards. Celui que je propose (le "je" implique personnellement; le "nous" inclut un bagage culturel dans le texte) n'est pas original au sens où i l rompt totalement avec un passé. Il apparaitra même rétrograde au point où i l philosophe sur le contenu et la matière onomastique quand l'odonyme est servi en otage à la lecture du paysage (Un second volume, formel, est prévu pour les praticiens).

Dans l'entreprise qui est suggérée, on conditionne la lecture par une parenthèse ouverte sur la vertu du nom de lieu, sa probité, sa maladresse, son message (discours) et son passage (pratique). I l faut alors aller chercher ce qui constitue son domaine, deux matières qui s'associent, le nom et le lieu. Il s ' a g i t de connaître la nature de chacun dans son expression propre, celle de l'invention et celle de la découverte. De par l'expertise d'un produit, couler du sens à la référence, raconter en quelque sorte un épisode de la relation de cette re1atilJn, ép i s témo logique "comp réhens ion de la c omp réhens ion" (he rmé neu ti-que), ce qui aura fait l'objet de la première partie, un premier chapitre Lraitant du nom, un second du lieu.

Ce mémoire aurait aussi bien pu privilégier un type de noms, l'anthroponyme par exemple, ou mpme un nom en particulier, Benoit, pourquoi pas? Où retrouve-t-on des Benoit dans le monde?

(18)

Que classent les Benoit, autrement dit. Les voit-on désigner des ponts, des rivières, des objets, seulement des hommes? On a plutôt choisi de cerner un type de lieu, la rue, et le domaine de ce lieu, la ville, et un territoire de ce domaine, un quartier, à Québec.

La seconde partie du mémoire concrétisera l ' a b s t r a i t du début. Dans le troisième chapitre, on s'attachera à la rue en tant qu'objet urbain, dans le contexte particulier de la ville de Québec, en relation avec son identification. Certaines con-c lus ions con-comme autant d' hypothèses seront avancon-cées pour se voir affinées au sein du quatrième chapitre qui constitue le coeur du travail pratique effectué à propos d'un espace odonymique donné.

Le quartier de Québec qui a retenu notre attention se situe dans la partie basse de la ville, car Québec est inexorablement divisé, partagé entre sa haute et sa basse ville. On trouve à Québec une société qui vit sur les hauteurs et une autre qui s'étale dans la plaine. Depuis sa fondation, la colline a fait l/objet de spéculations idéologiques avant que de défensès ou institutionnelles (voir, Pelletier U ~ 1985). Dans le courant de ces tensions, une vie s'organise, fonctionnelle, sur la couronne de cette place urbaine.

Au milIeu du siècle dernier surgit Saint-Sauveur de Québec, un débordement urbain qui prend forme de village en quelques années et qui, greffé à la cité, ne s'incline sous sa tutelle qu'au tournant du siècle. L'étude de cette agglomération permet ainsi de relater un épisode assez s i g n i f i c a t i f en tant que

(19)

banlieue de Québec, assez proche en nature mais autonome en fonction de la vie urbaine, et un autre comme partenaire intégré dans un déve loppement commun avec le centre nerveux régional. C'est dans le voeu de connaitre le ~ouleversement et l'organisa-tion d'un t e r r i t o i r e à naitre et à parcourir que se place la recherche en même temps qu'elle questionne le nom sur son regard, le nom de rue qui revient à chaque mouvement de déplacement de la population e t de ses intérêts. La période de développement de 1840 à nos jours est intéressante dans ce qu'elle présente du passage de rural à urbain. Et le site comme tel est sillonné depuis le début de notre h i s t o i r e , assez courte pour être revisée, appelant de nouvelles interprétations.

La lecture par le nom procède du temps, de l'espace, de l'agent et du besoin (d'un sens). Ces quatre dispositions sont liées grammaticalement. L'intérêt réside dans la connaissance du parcours effectué dans la relation qui les unit. Nombre d'exer-cices ont évalué la préséance dans l ' espri.t de notre époque de l'espace sur le temps (depuis Bergson, Baudrillard, Barthes, Bloom, Fernand Séguin le rappelait encore en février 88); le nom constitue un instrument d'enquête privilégié à ce sujet. La question de la relation qui unit l ' ê t r e humain à sa raison d'être est partout présente dans

p1icité de tout objet de témoignage dans le monde où

l ' a c t i o n ou l'observation. La com-sa création revendique com-sa part de i l existe. On ne demande rien de plus au nom de rue que ce qu'il est en mesure de livrer mais on n'a cure de le balotter en tout sens et d'en extraire une formule, un

(20)

-symbole, un discours.

Une plongée dans le coeur d'un espace peut-elle répondre de l'univers qu'il occupe? Un constat sur un échantillon vaut-il une preuve sur un entier? L'analogie est fosse commune pour la raison qui s'aventure. S'en remettre à quelques rues pour statuer des conduites, prêter à leurs propos une envergure phénoménologique, livrer à notre connaissance quelques potins d'un autre siècle, n'est-ce-pas simplement écouter une histoire et finir par y croire (y penser).

A notre chantier de recherche, une percée dans un autre terrain ouvrira davantage comme une porte et une fenëtre sur l'expression odonymique. Elle apaisera la fadeur d'une seule couleur de champ et produira le contraste dynamique à l'évalu-ation comparable entre deux secteurs. La haute ville (une autre société), un passé récent (une autre époque), un sol accidenté (terrasses et affleurements rocheux) rapprocheront des observa-tions à des inquiétudes plus comtemporainE's par le biais de la paroisse Saint-Louis-de·France, fondée en 1956. Elle servira de relais à l'interrogation qui se posera ultimement à la matrice régionale de Québec, brièvement, avec le souhait d'inviter la recherche et de servir son noble objet.

En conclusion, le chapitre cinquième sera servi pour rappeler les grandes lignes dégagées de l'ensemble et proposer, mais sans véritablement insister, une conduite autre "unterwegs zur Sprache ("en chemin vers la parole", Heidegger 1959).

De par la nature des exigences propres à la discipline

{

xiv

(21)

--toponymique, le mémoire se présente en deux volumes qu'on pourrai t respectivement dénommer le guide et son vocabulaire. Ce second volume comprend une table des matières et une introduction pour l'information brute odonymique qu'il contient. Sa présenta-tion autonome favorisera une utilisaprésenta-tion parallèle à la lecture du mémoire, tout en rappelant que le luxe de cette réalisation soumet et propose ainsi un modèle à 4affiner.

La bibliographie est divisée en cinq (5) sections. D'abord, les Archives comprennent les sources cartographiques, historiques et orales. Le détail de celles-ci est comploété ensuite par les deux spctions suivantes, respectivement Annuaires et Journaux, et Cartes, toutes deux classées chronologiquement. Une quatrième section donne la l i s t e des Atlas et Dictionnaires utilisés. Enfin, suivent les OuvraSes sénéraux. Toutes les sources ont été utilisées aux fins de la recherche bien que certaines ne soient pas citées dans le texte. I l en va ainsi, par exemple, de monographies sur les noms de rues aux Etats-Unis, ou ailleurs dans le monde. Leur lecture nous a toutefois été fort utile et leur mention ne peut que profiter à la compréhension générale.

(22)

Remerciements

Je tiens d'abord à remercier tant qu'à louer la patience et la confiance prodiguées à mon endroit par mon superviseur Ludger Muller-Wille auquel je m'empresse de joindre avec ferveur MM. He nr i Do r i on et Norman Drummond qui ont bien voulu accep te r de composer le Comité de direction de ma recherche avec tout ce que cela comporte de devoirs et d'obligations. Tout au long de mes enquêtc!'l (de la bibliothèque au terrain), des organismes géné-reux, comme le Centre d'études sur la langue, les arts et les traditions populaires des francophones en Amérique du Nord (C.E.L.A.T.) de l'université Laval (merci à John R. Porter, Jacques Mathieu et Clara Marceau), la Commission de toponymie du Québec (C.T.Q.) (merci à Jean-Yves Dugas, Madeleine Richer et tout le personnel), la Communauté urbaine de Québec (C.U.Q.) (merci à Johanne Laberge), le Bureau des Archives de la Ville de Québec (A.V.Q.) (merci notamment à Jocelyn Beaulieu), les Archives des Augustines du Monastère de l'Hôpital-Général de Québec (A.A.M.H.G.Q.) et de l'Hôtel-Dieu de Québec (A.A.M.H.D.Q.) (mes respects et remerciements à soeurs Juliette Cloutier et Claire Gagnon), le département de géographie de l'université McGill (thankful to MM. Bird and Lundgren), le personnel

(23)

veillant de la bibliothèque des sciences humaines de l'institu-tion (McLennan Library) et ses trésors <..achés de la secl'institu-tion des livres rares que chaque nouvelle visite fait surgir de par l ' a d r o i t e collaboration de ses responsables (merci à Raynald Lep age e t Mme. N e 1 1 i e Re i s s ), t 0 u tes ces 0 r g a n i s l' t ion s don c ,

m'ont aidé dans le plus pur respect de la tradi~ion et même souvent beaucoup plus.

I l est encore quelques pf!rSOnnes dont je voudrais souligner les grands services à mon égard. Je parle de Roselyne Turcotte qui m'a frayé amicalement la voie dans le délicat domaine de la linguistique et du nom propre, de Audrey Kobayashi qui m'a "branché" sur l'épistémologie, de Alyne Lebel que je n'ai cessé d ' a s s a i l l i r de questions à chacune de mes visites dans la capitale et enfin, mais non et sûrement pas les moindres, Donald Caron et Linna Muller-Yille sans qui je serais toujours désespé-remment ~gnorant en matière d'informatique, merci à tous, que ce travail soit ma gratitude.

J'aurais également envie de remercier certains que je ne connaîtrai jamais mais avec cette impression de les avoir assez fréquentés. Je pense à tous ces Barthes, Delattre, Tuan, Popper, etc .. I l est aussi tant de monde qui m'ont reçu et introduit dans leur savoir, à Saint-Sauveur et à Saint-Louis-de-France, j'espère particulièrement pour eux qu'ils trouveront ici, s ' i l s viennent jamais à les parcourir, quelques passages qui les intéressent.

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PREMIERE PARTIE: Le nom et le lieu

CHAPITRE 1: LE NOM

1.0- La discipline d'accueil

J'appelle ainsi la géographie, sorte de Terre Promise à l'accueil de toute interlogation posée à propos de la nature, l ' ê t r e humain, leurs relations. L'une d'entre elles qui me semblait devoir s'interposer comme un lien unique, privilégié dans son r.ontact mais également universel dans sa manifestation, fut la révélation du nom de lieu. Le toponyme de tout temps u t i l i s é , partout, n ' e s t - i l pas la marque puissante constante créatrice du passage de l'évolution humaine. L'oeuvre d'art et le savoir ne s'y trouvent-ils pas rassemblés comme en un tableau et son énigme. Sa naissance est triviale à l'expression humaine; son développement est connexe à l'usage dont i l est l'objet; sa situation marque la présence vécue, vivante ou projetée. Il con-stitue ainsi pour la géographie une sorte de phénomène, une proie ou une bouée, elle, dont la question est, somme toute, le constat et la critique d'un possible manifesté, une médecine douce, une opération de soulèvement d'un coin de voile du monde dans la découverte.

2.0- Le phénomène dénominatif 2.1- Le signe

Le mot, le nom, c'est un peu à la fois cette ultime façon, cette manière originale de changer les choses. Tout ce qui peut être d i t , nommé, devient authentifié par et dans l ' e s p r i t et peut

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-

être saisi, voire dltruit, ne serait-ce que le concept. C'est la phénoménologie du nom que de parvenir à faire et à défaire. Créer, laisser fuir et mourir sa source: la suite plurie!le qui se détache d'une invention onomastique est infinie, triomplHlnte s i non récupérée par l'ensemble des contingences dressées sur son parcours. C'est à cet unique espace qu'on peut tenter d'arracher une définition, une interprétation ou cette Loi qui n'aura d'autre comportement que de se défiler et de poursuivre sa fuitl" loin de la logique appréhensive qui n'est qu'un leurre pour rester debout en cherchant l'équilibre. Tout ce qui précède cet instant, ce moment est vide. Avant le nom, c'est le néant: la liberté de sens, de tous les sens possibles, l'image, néant d'objets.

Ce préambule est en fait la sentence de la marque, de la désignation, du geste, du signe. Le nom est un morceau de cet univers dont le pouvoir est définitif: i l définit, peut être se voir défini et clôt toute la séquence (dans sa forme). Le seul antidote à la guerre, c'est le conflit des mots et des idées, dit Karl Popper (Bouveresse 1978, 11), le philosophe heureux. L'idée du nom, c'est de faire Autre, de changer le cours d'une pour-suite. En nommant on crée, en créant on introduit, en intro-duisant on modifie, forcément. Avec lui, le nom, s'installe un domaine et dès lors un regard, une perspective privilégiée. Entre la communication analogue (la perception par

digital, l'identité signe la frontière. En tant nom est ainsi un monument de l ' a r t , au sens que

2 exemple) et que produit, Nietzsche a ce le su

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redonner à ce terme, i. e production. Non pas a r t mais bien produit. le "lisible" de Barthes (1970, SZ). C'est ici que se prépare une action, une analyse, une recherche. Avant, c'est de l ' in tang i b le, une ave nture qui ne peu t pas être nommée; aprè s , elle devient histoire et en ce qui nous concerne, découverte.

Pour aborder le nom, le linguiste privilégie son cortex, le géographe, son point d'appui. Entre les deux, la science descrip-tive qu'est l'histoire tend son filet. Une juste compréhension du nom supposerait non seulêment une parfaite cohésion de chaque point de vue, perspective, méthode mais aussi un amalgame de références à toutes autres sciences, savoirs, connaissances susceptibles d'éclairer son jeu subtil. Roland Barthes suggère à ce t i t r e : "Pourquoi n'y aurait-il pas, en quelque sorte, une science nouvelle par objet" (1980, 21). Ainsi, je précise tout de suite ce qui me semble séparer la science de l ' a r t , c'est la possibilité de nommer. Le principe de l ' a r t se dérobe à la signature jusqu'à la science qui la nomme et qui, pour survivre, supplie l ' a r t de se manifester à nouveau: le principe de la production et du produit, de l'intérieur et de l'extériorisé, du privé et du public, de l'incertitude et d'une sardonique cer-titude, de la vie, de la mort, de l'espace et du temps, bref du mouvement. Des premières, la "vérité", on ne peut rien savoir. Des secondes, l'"erreur", on peut tout apprendre. D'ailleurs,pour Popper, une seule chose est vraie: l'erreur (Bouveresse 1981, 10) .

Avant de plonger dans l'univers paradoxal du nom, j e

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voudrais réserver une place de choix à ce tandem qui est au coeur des préoccupations des gens de ma formation, ces 'formes subj ec-tives d'appréhension' (Gross 1981, 60) que sont le temps et l'espace.

2.2- L'espace et le temps

Le temps; i l y plusieurs "manières de voir" le temps. C'est un peu comme pour l'espace. Chaque façon fait intervenir la nature humaine et s'inseri.; en profondeur dans la définition qu'elle acquiert dans l'esprit et dans les actes.

Les philosophes sont les phares de la lumière du temps. Ils nous enseignent la vision du monde de l'époque où ils ont vécu, passée ou à venir. Depuis la Renaissance, Descartes a d'abord misé sur Dieu et la matière pour donner une explication de chacun des deux concepts. Newton avait imaginé ceux-ci des réceptacles distincts dans lesquels les choses pouvaient exister. Leibniz a ensuite élaboré cette conception en les définissant comme des dispositions existant entre les phénomènes. Kant les rappelle à de purs produits de l'esprit. Et nous les considérons aujourd'hui en tant que subjectives formes d'appréhen~ion du Réel. Entre-temps, Hegel avait fait de l'Idée le moteur de l ' e s p r i t et Schopenhauer s'était attaché à la Représentation. L'idée a fait son chemin jusqu'à Bergson qui nous enseigna la pensée comme spa-tialement orientée que libère le temps lui-même prisonnier de la conscience. Bachelard a élaboré là-dessus une intéressante dialectique de la durée, qu'il stratifie entre le temps réel

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(vécu) et le temps perçu. L'ennui et l'anxiété, par exemple, résultent de la différence entre temps perçu et temps réel. Plus près de nous, M.A. Turcotte (1979), met en évidence l'anthropogé-néïté de toute conception du temps e t de l'espace. Enfin, Gross, à qui je dois en grande partie ce résumé succinct, fait du temps

le siège de la 'pure possibilité' (1980, 78).

Différentes lectures, entre autres celles de Tuan (1979), Gross et Turcotte, nous autorisent à présenter un support représentationnel de l'image -néant d'objets- du temps et de l'espace qui nous semble acceptable. Sans vouloir ajouter à un certain "panglottisme" (manie de tout expliquer par référence au langage ana ly sé comme s ys tème), i l appara i t que la 1 inguis tique peut inspirer une structure à ce support. En empruntant également aux mots-clés de la 'théorie de la forme' élaborée par G. Ritchot (1985), nous posons ce r taine s prémi s s es, en prenant par exemp le pour acquis que le temps e t l'espace sont bien des formes subjectives d'appréhension anthropologisées. Aussi ce qui suit est non pas une définition mais une interprétation, une lecture. L'intérêt d'une telle transgression dans l'ordre de ce mémoire se fera récursif tout au long de celui-ci.

L'espace pourrait êtrt. dit cette dimension qui, à l ' i n s t a r de la théorie de la forme en géographie comme en linguistique (pour Launay par exemple, 1982), permet (et limite?) le temps. Non pas une question de contenu et de contenant mais d'allée devenue et en devenir qui, loin de diviser ce que la nature unit, rend comp te du mouvement. On parle du temps en terme d'espace

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."

-(Tuan

1979, 393)

mais ce subterfuge ne doit pas faire oublier que le temps donne, si on veut, un sens (figuré ou non) à l'es~ace.

Ce sens, pragmatiquement, se vérifie par l'intermédiaire de la finitude humaine. "Toute société est ce que sa représentation de la mort est" (Baudrillard 1976, 225 dans Turcotte 1979, 160).

Le modèle linguistique, qui oppose pour les besoins

si-gnifiants et signifiés, sémiotique et sémantique comme catégories analysables au sein d'un parcours conceptualisé par un agent cognitif, inspire la formulation suivante: la conscience que nous avons du temps s'exprime à travers l'espace qui permet cette expression. En d'autres mots, i l y a un sens et une expression de ce sens. Le sens n'existe pas sans l'expression et l'expression seule n'a pas de sens. Théoriquement, la valeur du sens modèle l'expression qui révèle les forces (formes et fonctions) qui définissent et contrôlent le sens, ou plutôt, sa valeur. En résumé, ceci se vérifie pratiquement dans la formule de Choay, soit 'autant de sociétés, autant d'espaces' (1980, 77). Concer-nant la nôtre, "l'accumulation de la valeur, et en particulier du temps comme valeur dans le phantasme d'un report de la mort au terme d'un infini linéaire de la valeur" (Baudrillard 1976, 225 dans Turcotte 1979, 159) est, renchérit Turcotte, l'expression de cette "volonté d'anéantir la mort" dans le "phantasme" de substituer son caractère à la vie (p. 159).

L'accumulation du sens du temps comme valeur conduit à l'extrême, par le réseau des traditions, au parochia1isme et même jusqu'au fanatisme. A l'autre terme, la dévalorisation du sens du

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temps entralne à une lecture superficielle e t homogène de l'expression de l'espace où tout semble éternel, non pas dans la perpétuité mais dans un continuum morbide. A t i t r e d'exemple, les onctions préparatoires à l'investissement privé au social territorial se préoccupent peu de la terre comparativement à ce qu'elles s'inquiètent du terrain. Cet exemple illustre une certaine absence de valeur de sens (durée) dans l'expression (surface). Seule valeur résiduelle, la finitude humaine confère à une immédiacité conduisant à la s t a t i c i t é et à l'immobilité (Gross 1980, b : ) , à la dichotomisation des choses au détriment de leur int~!'pénétration (p.68), à la négation de l'historicisme et à l'établissement de l'ordre comme principe fondamental (p.7l).

Quant au nom, nous retenons 1 'hypothèse qu'il constitue un réservoir particulièrement sensible à répol&dre et enseigner de ces ambivalentes appréhensions du temps et de l'espace.

3.0- Le nom comme baromètre social 3.1- Les limites de son domaine

La théorie intrinsèque du nom, en partant du principe que "le nom est l a première manifestation de la parole" (Castelli 1969,136), c'est, comme on l'a suggéré précédemment, son pouvoir de modifier dont la qualité, le "charme" particulier, serait son illusion de conserver. Dans cette optique dialectique, le nom apparait comme un indicateur, certes un précieux guide, mais dont il faut continuellement se méfier, lui qui s ' e s t donné la tâche de ramasser l'image dans un titre. Aussi le nom est-il

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-

ment, un médium auquel "désapprendre l a l i s i b i l i t é qui est du même P. faut se soumettre avec vigilance, en o.:dre que désap-prendre l a tonalité" (Barthes 1970, 37). Ce médium a toute l'attention si on reste lié, rivé à son écoute, mais son impor-tance se dissipe lorsque la réflexion touche la raison de sa fonction où son pouvoir d'indication prime celui de sa représen-tation. Le nom désigne un "quelque chose quelconque" (Lyotard 1976, 11 dans Barthes 1980, 40) et le parodie. I l montre du doigt, invite à le suivre et. permet la lecture de singulière à générale mais encadrée, de cet objet prisonnier, fait sien.

Des trois points de vue qui peuvent être déduits, t!'est contre bourreau e t instrument, la victime, l'objet du nom qui me semble requérir de façon tragiquement capitale au moins la part qui lui revient de l ' a t t e n t i o n épistémique intéressée par la phénoménologie nominative: pour faire éclater le nom et ne pas s'en remettre s i aveuglément à sa fine et boiteuse béquille. L ' i n t e r p r é t a t i o n dont l'ana1ogisme règle l e mécanisme peut devenir une véritable maladie; la logique, consécration paradoxa-le, un remède de passage. Aussi cet analogue, foyer de différen-ces, e s t - i l constamment objet de proie pour l'interprétatiùn et sans cesse tout autant libre de lois. C'est un innommable qui se gausse irrésolublement. Quant à l ' i n t e r p r é t a t i o n , e l l e n'a d'assise qu'à partir d'une interprétation antérieure, et si la logique qui se profile entre elles est ce à quoi dans le cadre d'une recherche on s'intéresse et espère mettre au jour, tout ceci n'a qu'un but, un projet de connaissances suffisamment (même

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(

imparfaitement) intéressant pour oublier l'angoisse, le trouble de l'âme humaine face à l'innommable, et libérer l'esprit et le mot, substi tut nommé.

3.2- Le nom, instrument et médium

Jean Molino (1982), à l'instar de tous les linguistes, se heurte à la difficulté de privilégier un critère particulier pour partager noms propres (n.p.) et noms communs car quelque soit celui-là considéré, aucun n'est strictement applicable à l'une ou l'autre des deux expressions (p.7). I l n'existe que des principes régulateurs, des tendances.

Le nom de lieu sur lequel notre attention se porte est dit nom propre en vertu du principe qui fait de la fonction d'iden-tification, la fonction canonique du nom propre (p.17). Sémioti-quement, le n. p. obé i t à un double mouvement, soi t une tendance à l'isolation parce que le n.p. est une citation - i l a valeur autonymique- et une tendance à l'intégration qui vient de l'organisation grammaticale du système linguistique (formations d'adjectifs, terminaisons en -iser, etc.) (p.12). Sémantiquement, "le nom propre semble bien fonctionner comme marque distinctive vide, mais en même temps, renvoyer à une série indéfinie d'inter-prétants" (p.14) Pragmatiquement, l'anthropologie, par le concours de C. Lévi-Strauss, a disséqué le n.p. en trois fonc-tions, soient l'identification, la classification et la sig-nification. Cette dernière fonction qui englobe les précédentes diffère selon qu'on examine les règles de production ou les

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...

règles de réception (p.1S). Autrement dit, la signification varie du nommant à l'interprétant dans la mesure du temps, de l'espace et du savoir qui les sépare.

En résumé, le n.p. de lieu puise dans l'ensemble des mots pour organiser l'identification en fonction des besoins de distinguer l'espace en faisant d'un signifiant la marque propre d'une singularité (p.19).

3.3- Exemple de nom propre: l' apothiconyme

Le nom propre est la soupape du langage par l é ma i s à plus forte raison: éc r i t - i llus tation vivante. Pour s'en convainc re , i l suffit de s'enquérir des titres de commerces. domaine par-ticulièrement riche, inventif s'entend, puisque celui de la libre entreprise et terrain privilégié de la compétition, activité qui pour les Grecs é t a i t unie dans la coordination avec la créa-t i v i créa-t é . Les calembours trouvent dans cette onomastique comme jadis aussi fréquemment dans celle de l'odonymie une occasion toute servie de s'exprimer. Ici, pas de véritable règle sinon celle d'une forme à observer, ce qu'on appelle le code d'embra-yage (majuscule, t r a i t d'uniof. particule. accord différé, etc.). Ces "formalités" remplies, toute locution peut être appréhendée en tant que nom propre: artic les, conj onctions. paraphrases, voire un texte complet. la liberté est celle-là même de l'imagi-nation (qui, elle, en principe infinie. peut-être en soi aussi appréhendée en tant qu'objet. système structuré régulateur et régulé dans un environnement).

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Concernant touj ours les noms de commerces, disons

apothi-{

conymes (de apothêkê, boutique; onuma, nom) (Dorion-Poirier 1975), tout est prétexte à l'originalité: l'activité, le service à r e t i r e r , le lieu, l'ambiance, le patron, la famille, la culture, etc .• bref, on se fait connaître par le privilège du choix prisé à l'intérieur de l'"infinie" typologie qu'on pourrait développer pour espérer dresser l'éventail de discours possibles entre l'être et le nom en tant qu'être. Je mentionne par exemple l'apothiconyme MICAELLE (Montréal 1988, rue Monkland). Cette forme somme toute inhabituelle d'un prénom masculin féminisé est un véritable plébiscite à sa reconnaissance populaire!

Si le nom propre a pour fonction canonique l'identification, pour prédication consécutive la classification et pour pouvoir productif la signification, sa convention de signe à sens révèle ultimement le symbole par lequel valeurs et enjeux peuvent être lus. Ils constituent la porte d'entrée du travail ~erméneutique qu'offre la matière onomastique au praticien.

3.4- Méthode d'observation

L'interprétation est la clé fragile de toute observation, rationnelle ou affective. Que les chiffres s'accordent à une description du réel n'est que corroboration, où dans une perspec-tive poppérienne et piagetienne, la théorie précède l'observa-tion, la raison précède l'action. Par exemple, les mathématiques auront contribué à accroitre cette illusion que la nature "fait des mathématiques" (De Diéguez 1984, 576) quand elles n'en

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constituent que la plus parfaite Ilbservati~n dont le décalque sert à se représenter l'univers. la première union -encore cette quête d~ l'origine- entre la nature et cette raison aura éte bénie en déclarant l'eau le fondement de toute origine (Thalès de Milet) proclamant ainsi une cause explicite et toute une généalo-gie explicable. Une archéologénéalo-gie des mathématiques, la science des sciences, révèle une anthropologie fondamentale (p.574) mais le rationnel -exprime le monde lui-même- n'est qu'un système parmi d'autres (Nietzsche, Barthes, etc.). Le mot, signe d'entre les signes, fixe et modèle les différents discours en une croyance que le regard (la connaissance) distribue en actes. Popper rappelle que "la connaissance commence avec le problème" et que "l'idée de problème suppose qu'il y a dès le départ des attentes théoriques" (Bouveresse 1981, 37). Dans une parenthèse ouverte il l'être de la géographie, i l s'agit bien dans ce cas d'une espece de science de l ' a r t , un pacte à la confluence des mots et des chiffres, interprétation, véritable herméneutique de l'écriture terrestre, des signes de son corps ou de sa vie superficielle.

L'interprétation sans fard, descriptive il souhait du modele mathématique n ' e s t quitté qu'à regret le long d'une courbe ascendante vers le doute avec pour seul compagnon que l'instinct. De sorte que celui-ci, l'acte parfait débrouillé par Nietzsche, détaché de celui-là, le prône mathématique, est difficillement compréhensible ni même explicable ( l a compréhension acheve l'explication, selon Ricoeur 1980, 187) il n'est plus calcul-able, non plus prévisible. Tout au plus peut-il être dit, nommé

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(d'où l'on constate tout le poids fragile de la responsabilité nominative) et à partir de là, modifiable et modifiant.

La description se faisant herméneute rencontre, génère alors ses niveaux de subtilités interprétatives les plus engageants en l'idéologisme, le structuralisme, le "systémisme", pour n'en révéler que quelques-uns. Le raffinement des méthodes spécula-tives a par ailleurs conduit à refuser tout dogmatisme et ainsi à reconnaître les limites inhérentes à toutes perspectives. Quant à nous, s ' i l faut absolumert statuer sur une méthode particulière, no tre appro che in te rpré tati ve se voudra p 1utô t s truc turale dans un environnement systémiste.

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-

CHAPITRE I l :

LE

LIEU

4.0- Le contexte onomastique

En premier lieu, tout élément significateur est in-sig-nifiant sans l'appui d'un "porteur", pour employer la ter· mino1ogie de J.G. Meunier (1988). Le porteur est l'ensemble des propriétés qui font l ' o b j e t ou l ' ê t r e . Un signe, en l'oc-currence le n.p., caractérise un sous-ensemble de,> propriétés du porteur ou encore de quelques-unes de celles de l'agent désignateur. Le plus souvent, rappelle Lévi-Strauss, les car a c t ère s a i n s i m i s e n val e u r s 0 nt une co m po s i t ion ,1 es

propriétés et du porteur et de l'agent.

Le discours du n.p. reste un discours référentiel, i.e. que l'objet de la désignation l'emporte sur le sujet de la déno-mination _ Pour mieux comprendre ce processus de production dative, considérons le nom commun pour lequel la relation de signification a primauté sur celle de la référence. Dans ce cas, le signifié "existe en dehors même de toute situation de communication" (Turcotte 1987, 11). Inversement, "les noms propres ont un contenu dénotatif qui relève de la connaissance du monde et non pas de la compétence langagière" (Rey-Oebove 1978, 271, p.11). Le nom commun s'appuie donc sur le sens et le nom propre sur la référence. En dehors de toute considération linguistique (phonétique, morphologique, sémantique), c'~st la un t r a i t fondamental, nommément géographique, du nom propre: l'appartenance à un lieu, que ct> soit celui de l'être ou de la

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chose. La question "o~" y précède la question "quoi".

A l ' i n t é r ê t que suscite la désignation d'un lieu réapparais-sent conjointement les trois motivateurs principiels de la désignation elle-même: l'identification, la classification et la signification. Qu'identifie-t-on? Quelle classe ainsi opérée par l ' i d e n t i f i c a t i o n se manifeste-t-elle? Quel sens pluriel s'en échappe-t-il? En d'autres mots, qu'est-ce qu'un lieu? Quel est le rôle du lieu dans la dénomination? Que conserve le lieu suite à la dénomination?

Pour répondre à ces questions, i l faudrlt nécessairement passer par l'agent cognitif. Par l'intêrim de l'acte nominatif, on aura respectivement recours aux termes nommant et usa&er où à l'occasion de l'acte, (théoriquement) les deux se confondent et à sa suite, se divisent inexorablement d'une métaphore à l'autre. Mais examinons d'abord en quoi consiste la notion de lieu.

4.1- La notion de lieu

Le lieu est un espace de possibles relations, que ce soit l'un de nature géométrique ou sociale. En théorie, le lieu serait libre dans l'espace. Mais à l'exemple de ce dernier, l'espace, (Turcotte 1979, 74), i l est avant tout une donnée anthropologique. Pratiquement, i l sera donc déterminé humaine-ment -l'usage de cette formule ayant pour but d'éviter d'inves-t i r ed'inves-t d'inférer de l:i nad'inves-ture humaine, l'essence de la nature en général en y incluant la notion de lieu autrement que par

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... ,

-l'intermédiaire de son propre regard, comme quoi

"

l ' homme (sic) e s t une partie de la nature et non l'inverse" (Reich 1973,40 ds Turcotte 1979,102). Dans cette perspective, le lieu est un espace déterminé selon des contingences d'ordres physique et psychique.

Cette conception de méthodologie investigatoire de la connaissance de la notion de lieu invite à poser dès le départ le problème de la distinction entre l'objet, le système et l'environnement qualifié ici selon des facteurs physiques et psychiques.

Appréhender un objet, c'est déjà reconnaitre la possibilité d'une distinction entrf> ce qui le constitue et le reste du monde. Etudier les propriétés de cet objet, c'est préciser en quoi consistent son comportement, son rôle, sa fonction, compte tenu des interactions auxquel-les i l participe avec ce qui l'entoure et qui, par définition n'est pas lui -même (Delattre 1984, 547).

Dans le cas du lieu, où l'objet est lui-même un système constitué d'éléments en interaction, la difficulté consiste à distinguer ce qui est interne à l'objet et ce qui lui est externe afin de pouvoir l'appréhender en tant qu'objet et en tirer ainsi une quelconque connaissance. Cette distinction d'un domaine à l'apparence continue et sans limites précises dont le t r a i t e men t d e I ' e l~ sem b 1 e des pro p r i été s e s t à 1 a 1 i mit e i l l u s o i r e se voit destinée à devoir être opérée par une intervention arbitraire placée sous le signe de la "commodité" dans le choix d'un critère, la considération d'un pôle idéal d'investigation. Les conditions d'appréhension de l'objet, afin

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d'en faire une description, doivent permettre d'en reconnaitre le comportement dû à son état ou à celui de l'environnement où les facteurs modificateurs dus à l'environnement restent insensibles à l'action propre de l'objet. Autrement dit, l'influence exercée par un objet sur un environnement inclut par le fait même cet environnement dans son propre système. De là, un découpage entre les deux nécessairement arbitraire dans le cas d'un objet où les frontières ne sont plus celles attribuables à sa seule surface (p.548).

Ces conditions remplies, il est ensuite possible de con-sidérer le système de l'objet et d'en découvrir, mettre en évidence, le cas échéant, des invariants structurels, sensibles ou non au jeu ouvert de l'environnement, i.e. qualitativement stables ou évoluants. Par exemple, concernant le lieu devenu un obj e t reconnu comme tel revient à reconnaître les intentions posées à l'origine de son existence sur lesquelles s ' e s t édifiée la structure du lieu.

4.2- Le lieu du nom

Pour faire l'étude du nom de lieu, avant d'entreprendre l'étude des noms d'un type particulier de lieu (de noms), nous avons projeté à l'avant-plan l'intérêt d'une observation de la notion de lieu concernée dans le nom propre de lieu. A savoir ce qu'une telle perspective implique sera maintenant présenté. On dit -même- d'un nom propre qu'il est "tout signe ou ensemble de signes qu'ils soient ou non des mots auxquels

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-

correspond un objet défini" (Claverie 1984, 488). Cette élagation de la notion de nom a pour finalité la possibilité de t r a i t e r , selon l'exemple du modèle linguistique, de tous produits, notamment, dans l'article d'où cette définition est tirée, de l'oeuvre d'art. Pourtant, point n'est besoin. il me semble, d'usurper la langue de façon aussi polémique. Le nom est un mot; le mot est un nom, dans la mesure où on acc~pte la parabole qui rapporte le nom comme étant "la première manifas-tation de la parole". Dans une perspective (re)mise au jour par Nietzsche, l ' a r t reprend toutes ses lettres de noblesse en étant associé à la production et l'oeuvre d'art au produit "chaque fois qu'une matière est organisée en formes et en figures" (Granier 1982, 88). En ce sens, le nom est oeuvre d'art. Sur cette question délicate, sans vouloir prétendre pouvoir y répondre ni même comprendre, i.e. maitriser, les réflexions de Martin Heidegger (1980) aux allures de poule, d'oeuf et de création à propos de l ' a r t i s t e , l'opuvre d'art et l ' a r t , considérons simplement le nom comme un produit, une oeuvre de son créateur, l ' ê t r e humain. Cette oeuvre d'art qu'est le nom suffit à poser l'analogie entre l'oeuvre d'art et le nom propre sans pour autant faire de l'oeuvre d'art un nom. Encore que le fait d'admettre l'analogie permette de traiter l'oeuvre d'art comme un nom, en l'occurrence, propre. Ce qui, en somme, est exprimé par le signe est le sens; ce qui est désigné par lui est la référence, prend soin de souligner Claverie (et collab.) (1984, 488).

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Poser la question du signe ou du sens d'un nom, c'est rester initialement dans le domaine de la linguistique. C'est analyser un produit et une production. En posant la question de la référence "qui est la question même de la vérité" (p. 488),

nous abandonnons le plaisir artistique pour une attitude d'investigation scientifique [ . . . ] Ce qui nous pousse à progresser du sens vers la référence, c'est l'aspiration à la vérité (Frege 1960 ds Claverie 1984, 489).

Le plaisir artistique dans le cas de l'oeuvre d'art consiste à éprouver le trouble occasionné à la suite de l'impossibilité de nommer face à ce qui est perçu. C'est en ce sens qu'apparait la recherche de la référence comme une porte à l'entendement en route vers la description.

5.0- Définitions du lieu

5.1- Ce ~ui a été dit du lieu

Les lieux que nous avons connus n'appartiennent qu'au monde de l'espace où nous les situons pour plus de facilités. Ils n'éta5ent qu'une mince tranche au milieu d'impressions contiguës qui formaient notre vie d'alors; le souvenir d'une certaine image n'est que le r~gret d'un certain

instant; et les maisons, les routes, les

avenues, sont fugitives, hélas, comme les années (Proust 1939, 300-01).

I l est délicat, voire dangereux, de chercher une référence

première ou dernière, une origine ou une destination pour établir une définition qui permette d'instituer un discours totalitaire qui refuse toute discussion.

Toute théorie basée sur d'une définition échoue 1981, 12) 19 un en sens à un dogme la recherche (Bouveresse

(43)

I l reste somme toute intéressant de vérifier d'une part l'étymologie pour observer les influences passées sur l'inter-prétation actuelle de ce terme qu'est le mot lieu. Comme si on voulait rencontrer ceux qui nous ont légué leur espace.

Chez les Grecs, TOPOS était pour eux le signifiant de

région, lieu, emplacement, partie du corps,

notamment sexe féminin [ . . . ] Le mot a d'autre part désigné un développement, un lieu commun dans la rhétorique, le thème d'un discours; au figuré, "occasion" (Chantraine 1968).

Le latin de Rome a utilisé LOCUS, "lieu, place, endroit", qui a servi à traduire topos dont i l a pris les sens techniques, "endroit d'un ouvrage" (C.N.R.S. 1983).

Vers la fin du Xe siècle, quelques textes attestent l ' u t i l i -sation du mot "leu" dans un français non encore tout à fait sorti de sa gangue latine, autres parlers et dialectes. Aux définitions de type "portion déterminée de l'espace" déduites des textes de la fin du Xe s'ajoutent (vers 1200) d'autres sens tel que "(aimer) en haut lieu, aimer une personne de naissance noble [ . . . ] place d'une personne, d'un groupe dans la hiérar-chie sociale" (ibid.).

En Angleterre,

Place has superseded OE (Old English). Stow and (largely) stede; i t answers to french "lieu", latin "locus" as weIl as to french "place" and the senses are thus very numerous and difficult to arrange (O.E.n.)

La plus ancienne attestation de l'anglais "place" est dite autour de 950. Elle a pour signifié "open place in a city, a square, a marketplace". En 1225, on atteste ce mot comme

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désignant "a material space". Un siècle plus tard, est confirmé pour la première fois l'emploi du mot s'appuyant sur la référence suivante: "position or standing in the social sca1e or in any order or estimation or merit; rank, station, wether high or low" (ibid.).

Concernant le français "place", le F.E.W. le donne entre 1100 et 1125. Sa référence est tirée de la Chanson de Roland: " ... mort l'abat en une vuide place", ce qui semble concorder à un sens analogue à celui de lieu à la même époque. L'émancipa-tion significative du mot ne touc.he ni englobe celle de rang, position sociale, qu'à partir du XVe (ibid.). Quant à "en-droit", i l est pris à partir du XIIe au sens de "vers", contraire de "envers" (Larousse).

On aura remarqué dans l'ensemble une dominante express ive géographique, un composé de matière et d'espace. La position dans l'espace y est attestée partout précéder la position soc i ale. La pré sen ta t ion en c y c 1 0 P éd i que cl a s s i que. par une

disposition chronologique de son matériel y joue également beaucoup pour véhiculer une telle impression. Aussi, lorsque Tuan fait intervenir M. Grene et P. Sorokin pour présenter l'interprétation à l'effet que" spatial location derives from position in society rather than vice-versa" (Sorokin 1964 in 1979, 409) ou que "the primary meaning of "place" is one's position in society rather than the more abstract understanding of location in space" (Grene 1968, 173 in p.409), sans doute fait-on référence à l'environnement psychologique et proprement

(

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-e x i s t -e n t i -e l qui -env-elopp-e l-es mots plutôt qu/au systèm-e historique par lequel ils se font jour.

Ceci nous mène à croire que si la plupart des auteurs s'entendent pour dire que dans l/usage courant, l'anglais ou le français "place" tirent leur significations précaires de deux types de position, soit sociale ou spatiale, i l existe égale-ment des niveaux hiérarchiques les isolant. La question des origines ne soulevant pas particulièrement l'intérêt de nos préoccupations pour le moment,

ou

s'en tiendra à retenir de ces premières observations une double vocation de la notion de "place", mais aussi î-<\r extrapolation à celle de "lieu". En effet, l/environnemt> lt "psychologique-existentiel" est égale-ment valable lorsque "lieu" est employé au sens figuré d'

"occasion" ("il n'y avait pas lieu") ou de "position" tel que précédemment revu. A titre d' anecdote, mentionnons par exemple que la référence à l'environnement social concernant "milieu" es t apparu dans le langage courant au mi 1 i e u du X IXe, i ss ue de sa référence spatiale apparue autour de 1100 (Larousse).

Pour exprimer l'ambivalence naturelle que suggère, en français, l'utilisation des mots "lieu" et "place", on dira en se basant sur les propos de Tuan ("places, like human beings, acquire unique signatures in the course of time" (1979, 409) ) que la conscience d'un lieu va de pair avec la connaissance du 1 leu et qu'ainsi un lieu acquiert une place dans l ' espace avec le temps, entre la synthèse de son dispositif naturel et du contact humain opéré d'où une "personnalité", une unicité,

Figure

TABLE  DES  MATIERES
TABLEAU  II:
TABLEAU  I I I   - ETRE  S l C l a s s e s   Ant.hroponymie  C l O r d r e s   D l S e c t

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