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Évaluation de l'impact d'une purée de panais et de ses fractions sur la texture de matrices gels et valorisation culinaire de ces gels par l'implication de cuisiniers innovateurs

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Texte intégral

(1)

© Laurence Pouliot, 2019

Évaluation de l'impact d'une purée de panais et de ses

fractions sur la texture de matrices gels et valorisation

culinaire de ces gels par l'implication de cuisiniers

innovateurs

Mémoire

Laurence Pouliot

Maîtrise en sciences et technologie des aliments - avec mémoire

Maître ès sciences (M. Sc.)

(2)

Évaluation de l’impact d’une purée de panais et de

ses fractions sur la texture de matrices gels et

valorisation culinaire de ces gels par l’implication

de cuisiniers innovateurs.

Mémoire

Laurence Pouliot

Sous la direction de :

Sylvie Turgeon, directrice de recherche

Véronique Perreault, codirectrice de recherche

(3)

ii

Résumé

Les légumes font partie de la catégorie d’aliments subissant le plus de pertes au court de la chaîne alimentaire. La transformation de ces légumes moches en purée et l’incorporation de cette purée dans divers aliments demeure une solution au gaspillage alimentaire. À ce jour, peu de travaux se sont intéressés à l’incorporation de purées de légumes, mais aussi de leurs fractions (pulpe ou sérum) dans des matrices gélifiées. Les connaissances sur la fonctionnalité des purées végétales dans des matrices alimentaires sont la base pour appuyer le développement de nouvelles formulations intégrant les légumes.

Dans le cadre de cette maîtrise, une purée de panais et ses fractions (pulpe et sérum) ont été caractérisées puis incorporées dans trois gels alimentaires (agar-agar, gélatine et un mélange agar-gélatine) pour évaluer leur impact sur l’apparence et la texture du médium. Alors que l’incorporation de sérum a eu des effets limités sur la structure des gels, l’incorporation graduelle de purée ou de pulpe de panais a contribué à augmenter la rigidité des matrices. Cette rigidité a été en partie expliquée en s’appuyant sur la théorie des gels remplis. Ensuite, suivant sur une méthodologie de recherche qualitative, des cuisiniers innovateurs ont été interviewés pour recueillir des idées créatives d’utilisation de ces gels de panais et mieux comprendre comment ils pourraient être valorisés. L’étude a permis de recenser de multiples usages potentiels, et de relever sept formes d’application et douze techniques distinctes pour mettre en valeur ces aliments en cuisine.

L’évaluation de l’impact d’une purée de panais et de ses fractions sur des systèmes gélifiées a d’abord permis de mieux comprendre leur fonctionnalité. Puis, l’implication de cuisiniers innovateurs a non seulement permis d’identifier une grande diversité d’idées pour développer des applications à base de légumes, mais a aussi ouvert la voie à de nouvelles approches de travail. Ce projet se veut une initiative combinant les sciences alimentaires et le savoir-faire culinaire en appui à l’innovation culinaire/alimentaire.

(4)

iii

Abstract

Vegetables are the category with the most losses along the food chain. Transforming these imperfect vegetables into puree and incorporating it into food matrices could be a solution to food waste. At this point, limited information is available on the incorporation of vegetable purees, or their fractions (pulp and serum) into gel-type food matrices. The knowledge on the vegetable puree’s functionality in food matrices is a starting point for improving or developing novel foods made with plant-based purees.

In this research, parsnip puree and its fractions (pulp and serum) were characterized and then incorporated into three food gels (agar-agar, gelatin and a mixture of agar-gelatin) to evaluate their impact on gel’s appearance and texture. Addition of parsnip serum had limited effects on gels structure, whereas the addition of parsnip puree or pulp increased gels rigidity. This rigidity could be partly explained based on the filled gel theory. Following a qualitative research methodology, students from an advanced professional cooking program were interviewed to gather creative ideas for using these parsnip gels and better understand how they could be valued in a gastronomic context. This study allowed to inventory multiple potential uses and identified seven application shapes and twelve distinct techniques for valorising these foods in the kitchen.

Study of the impact of parsnip puree and its fractions on gelled matrices provided relevant information on their functionality. Involving cooks to identify parsnip gels culinary applications allowed to identify several creative ideas that may be potential concepts to develop new plant-based food products. This project is an initiative combining food sciences and culinary know-how in support to culinary / food innovation.

(5)

iv

Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ... iii

Table des matières ... iv

Liste des tableaux ... vii

Liste des figures... ix

Liste des abréviations ... x

Remerciements ... xiii

Avant-propos ... xv

Introduction ... 1

Chapitre 1 - Revue de littérature ... 4

1.1 Sciences et cuisine ... 4

1.1.1 L’innovation culinaire ... 5

1.1.2 Les méthodes qualitatives ... 9

1.2 Contexte d’innovation ... 11

1.2.1 Les légumes déclassés : problématique ... 11

1.2.2 L’attrait des purées de légumes comme ingrédients ... 13

1.3 Composition et structure d’une purée de légumes ... 14

1.3.1 Les facteurs influençant les caractéristiques d’une purée ... 15

1.3.2 La purée de panais ... 17

1.4 Modèle alimentaire d’intérêt : le gel ... 18

1.4.1 Les gels physiques ... 19

1.4.2 L’agar-agar ... 20

1.4.3 La gélatine ... 22

1.4.4 Les gels mixtes ... 25

1.5 Incorporation de purées végétales dans un système gélifié... 25

1.5.1 L’impact sur l’apparence ... 26

1.5.2 L’impact sur la texture ... 28

Chapitre 2 - Hypothèse et objectifs ... 36

(6)

v

2.2 Hypothèse ... 37

2.3 Objectifs ... 37

Chapitre 3 - Caractérisation de l’impact d’une purée de panais et de ses fractions sur les propriétés de systèmes gélifiés. ... 38

3.1 Résumé ... 38

3.2 Abstract ... 39

3.3 Introduction ... 40

3.4 Material and methods ... 42

3.4.1 Preparation of parsnip puree and fractions ... 42

3.4.2 Characterization of parsnip purees and fractions. ... 43

3.4.3 Preparation of parsnip gels ... 44

3.4.4 Color measurement ... 46

3.4.5 Texture measurement ... 47

3.4.6 Statistical analysis ... 49

3.5 Results ... 50

3.5.1 Composition and characteristics of parsnip puree and fractions ... 50

3.5.2 Gels properties ... 51

3.5.3 Texture of parsnip gels ... 53

3.6 Discussion ... 60

3.7 Conclusion ... 64

3.8 Acknowledgements ... 65

Chapitre 4 - Caractériser le potentiel culinaire de la purée de panais et de ses fractions associées à des préparations culinaires gélifiées par l’implication de cuisiniers innovateurs. ... 66

4.1 Résumé ... 66

4.2 Introduction ... 67

4.3 Méthodes ... 69

4.3.1 Profil des participants ... 70

4.3.2 Recrutement ... 70

4.3.3 Entrevue ... 71

4.3.4 Analyse des données ... 73

4.3.5 Illustration des propositions culinaires ... 75

4.4 Résultats ... 75

(7)

vi

4.4.2 Description sensorielle des gels de panais ... 76

4.4.3 Idées spontanées de valorisation culinaire... 78

4.4.4 Propositions culinaires élaborées (usages) ... 79

4.4.5 Formes privilégiées pour les gels ... 89

4.4.6 Techniques et outils impliqués dans la valorisation des gels ... 91

4.4.7 Ingrédients privilégiés en combinaison aux gels pour les valoriser. ... 93

4.5 Conclusion ... 95

4.6 Remerciements ... 96

Discussion et conclusions générales ... 97

Retour sur les résultats ... 98

Retour sur l’hypothèse ... 100

Retour sur les méthodes ... 101

Contributions originales et perspectives des travaux ... 102

Bibliographie ... 105

(8)

vii

Liste des tableaux

Tableau 1.1 : Données nutritionnelles pour 100g de panais et de carotte crus... 17

Tableau 1.2 : Caractéristiques de l’agar-agar et propriétés du gel. ... 20

Tableau 1.3 : Caractéristiques des types de gélatine et propriétés du gel. ... 23

Tableau 3.1 : Composition of parsnip gels and ingredient addition by preparation step. ... 45

Table 3.2 : Composition and characteristics of parsnip puree and fractions.1 ... 50

Table 3.3 : The effect of parsnip fractions addition on gel matrix colour. ... 52

Table 3.4 : The effect of parsnip fractions addition on texture profile analysis of agar-agar gel.1 ... 57

Table 3.5 : The effect of parsnip fractions addition on texture profile analysis of gelatin gel.1 ... 58

Table 3.6 : The effect of parsnip fractions addition on texture profile analysis of agar-gelatin mixed gel.1 ... 59

Tableau 4.1 : Composition et température de fusion des gels de panais à l’étude. ... 69

Tableau 4.2 : Caractéristiques sociodémographiques des cuisiniers innovateurs participant à l’étude. ... 76

Tableau 4.3 : Raisons qui ont guidé le choix du gel. ... 80

Tableau 4.4 : Formes sous lesquelles les gels pourraient être valorisés. ... 89

Tableau 4.5 : Techniques et outils évoqués dans la valorisation des gels. ... 92

Tableau 4.6 : Ingrédients avec lesquels les gels pourraient être valorisés. ... 94

Tableau A 1 : Composition measures values (°Brix, total solids and pH) of parsnip fractions used for each agar-agar gel preparation. ... 114

Tableau A 2 : Composition measures values (°Brix, total solids and pH) of parsnip fractions used for each gelatin gel preparation. ... 115

Tableau A 3 : Composition measures values (°Brix, total solids and pH) of parsnip fractions used for each agar-gelatin mixed gel preparation. ... 116

Tableau A 4 : Fracture stress and strain value of agar-agar control. ... 117

Tableau A 5 : Fracture stress values of parsnip agar-agar gels. ... 117

(9)

viii

Tableau A 7 : Fracture stress and strain value of gelatin control. ... 118

Tableau A 8 : Fracture stress values of parsnip gelatin gels. ... 118

Tableau A 9 : Fracture strain values of parsnip gelatin gels. ... 118

Tableau A 10 : Fracture stress and strain value of agar-gelatin mixed control. ... 119

Tableau A 11 : Fracture stress values of parsnip agar-gelatin mixed gels. ... 119

(10)

ix

Liste des figures

Figure 1.1 : Comparaison de différents modèles d’innovation et de développement de

nouveaux produits. ... 6

Figure 1.2 : Représentation schématique de la composition d’une purée végétale. ... 15

Figure 1.3 : Mécanisme de formation du réseau d’agar-agar. ... 21

Figure 1.4 : Mécanisme de formation du réseau de gélatine. ... 24

Figure 1.5 : Courbe de la contrainte corrigée (True stress) en fonction de la déformation corrigée (Hencky strain)... 32

Figure 1.6 : Reproduction schématique d’un gel, soumis à une faible déformation, rempli avec des éléments de remplissage « actifs » (A) et « inactifs » (B) et des particules hydratées (C). ... 34

Figure 3.1 : The effect of parsnip fraction and concentration on Young modulus of gel matrices. Gel matrices: agar-agar (A), gelatin (B) and agar-gelatin mixed (C); Control gel (◆); parsnip fractions: puree (∆), pulp (о), serum (◻). ... 53

Figure 3.2 : Fracture texture map of parsnip gel. Gel matrices: agar-agar (A), gelatin (B) and agar-gelatin mixed (C); Control gel (◆); parsnip fractions: puree (∆), pulp (о), serum (◻). Fraction level: 20% (white), 40% (grey), 60% (black). ... 55

Figure 4.1 : Installation du matériel lors de l’entrevue semi-dirigée... 72

Figure 4.2 : Filet de canard sauce au sang, gel de panais pilé et leurs légumes. ... 82

Figure 4.3 : Génoise noisette, mousse chocolat blanc, glaçage miroir au panais, bonbon de panais, noisettes sucrées salées. ... 83

Figure 4.4 : Soupe de gel de panais, crème et sa garniture de tomate et persil au beurre noisette. ... 84

Figure 4.5 : Cannellonis de gel de panais farcis au fromage de chèvre, radis, pommes au verjus et fenouil. ... 86

Figure 4.6 : Panna cotta vanille panais et orange, tuile craquante et oranges confites. 87 Figure 4.7 : Canard fumé au foin, champignons, feuille de panais, purée de courge au beurre noisette, oignons perle brûlés, jus de canard au thym. ... 88

Figure 4.8 : Saumon mi-cuit, gel de panais aux herbes, radis, edamames et sauce au beurre blanc. ... 90

(11)

x

Liste des abréviations

Actrl Gel d’agar-agar témoin (Agar-agar control gel)

AGctrl Gel combiné d’agar-agar et de gélatine témoin (Agar-gelatin control gel) ANOVA Analyse de la variance (Analysis of variance)

AOAC Association of Official Analytical Chemists

CÉRUL Comité d’éthique de la recherche de l’Université Laval CI Nombre de cuisiniers innovateurs (Source)

CIE Commission international de l’éclairage Coh Cohésivité (Cohesiveness)

d3,2 Diamètre moyen pondéré en fonction de la surface (Area-based mean

particle diameter)

d Diamètre (Diameter)

E Module de Young (Young modulus)

ɛ

h Déformation corrigée (Hencky strain or true strain)

F Force

FL Concentration de la fraction (Fraction level) Gctrl Gel de gélatine témoin (Gelatin control gel)

Gf Module de cisaillement des éléments de remplissages (Shear modulus of

filler phase)

Gfm Module de cisaillement du gel rempli (Shear modulus of a filled gel)

Gm Module de cisaillement de la matrice seule (Shear modulus of gel matrix)

Gum Propriété gommante (Gumminess)

h Hauteur de l’échantillon durant la compression (Sample height during compression)

H0 Hauteur initiale de l’échantillon (Initial sample height)

HHP Homogénéisation par haute pression (High-pressure homogenisation) Hrd Fermeté (Hardness)

ISO Organisation international de normalisation (International Standard Organisation)

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xi

LSD Plus petite différence significative (Least significant difference) Ms Masse de la fraction sérum (Mass of serum phase)

Mt Masse totale (Total mass)

n Indice du comportement de l’écoulement (Flow behaviour index) PF Fractions du panais (Parsnip fraction)

PG Polygalacturonase PME Pectine-méthylesterase

PSD Distribution de la taille des particules (Particle size distribution)

R Rayon (Radius)

RDI Restaurant de l’ITHQ REF Nombre de référence

SCAMPER Substitute, combine, adapt, modify/magnify, put to other use, eliminate, reverse/rearrange

Spr Élasticité (Springiness)

SS Contenu en solides solubles (Soluble solids content) TPA Analyse du profil de texture (Texture profile analysis) TS Solides totaux (Total solid)

W eau (Water)

γ

Vitesse de cisaillement

(Shear rate)

σ

Contrainte (Stress)

σ

c Contrainte corrigée (Corrected stress or true stress)

𝜙 Fraction volumique (Volume fraction)

𝜙f Fraction volumique des éléments de remplissage (Volume fraction of

fillers)

(13)

xii

Dans la créativité, ce n’est pas ce que l’on cherche qui compte, c’est ce que l’on trouve. - Ferran Adrià

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xiii

Remerciements

J’aimerais d’abord remercier ma directrice et ma codirectrice, la Dre Sylvie Turgeon et la Dre Véronique Perreault. Sylvie, j’aimerais te remercier de m’avoir offert cette opportunité de continuer mes études au cycle supérieure et de me lancer dans un projet novateur et aussi enrichissant. Merci pour ton support et la confiance que tu as eue à mon égard, et cela, depuis le début. Malgré la distance, tu as toujours été disponible pour moi et présente dans les moments importants. Véronique, quelle chance d’avoir pu travailler et échanger avec toi au quotidien durant ce projet. Nous avons développé une belle complicité et une confiance mutuelle. À travers les défis, tu as toujours été là pour m’écouter et me soutenir. Ta rigueur scientifique et ta créativité ont grandement enrichi ma formation me permettant d’aller au-delà des sciences alimentaires. Ce fut un réel plaisir de travailler avec vous deux pour bâtir ce projet. Je suis très fière et reconnaissante d’avoir pu démarrer les premiers travaux du GastronomiQc Lab.

Ensuite, je souhaite remercier Laurie-Eve Rioux pour ses précieux conseils et son temps investi à la révision de mes travaux. Laurie-Eve, j’admire le travail que tu fais ainsi que ta capacité à résoudre tous les problèmes que tes étudiants rencontrent : Tu trouves toujours la solution à tout. Je voudrais aussi remercier Mylène Turcotte pour son aide et ses précieux conseils. Ton soutien technique a été essentiel dans l’élaboration de l’étude qualitative et lors de l’analyse des données. J’en suis très reconnaissante. J’aimerais aussi remercier Diane Gagnon pour son assistance technique pour la planification et la réalisation de mes analyses en laboratoire.

Durant ma maîtrise, j’ai eu la chance de réaliser la majorité de mes travaux à l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec à Montréal. Cela m’a permis de côtoyer de nombreuses personnes et d’interagir avec des gens de différents domaines. Un merci spécial à l’équipe de la recherche et de l’enseignement universitaire : Jasmin, Pauline, Janie-Ève, Marie-Sonia, Alain, Rachida, Mariana, Annie et Ariane. Merci pour votre support et tous les beaux moments passés ensemble. Aussi, j’aimerais remercier Jean-François Dusablon, Richard Bolduc, Gilles Herzog, Benoit Lenglet et mes stagiaires,

(15)

xiv

Gabrielle Couture, Geneviève Nolet et Laurence Brouard-Trudel, pour leur aide dans ce projet. J’aimerais aussi souligner le travail de Pierre Beauchemin, photographe à l’ITHQ, pour son aide lors de la réalisation du dispositif de photo et également pour les magnifiques photos du chapitre 4. Un merci aussi à VegPro pour leur commandite de panais.

Un grand merci à mes parents, Diane et Hugues, et mon conjoint Marc-Antoine pour leur écoute, leur compréhension et leurs encouragements dans les moments plus difficiles. Ce projet était le mien, mais je vous remercie pour votre soutien et vos précieux conseils.

En terminant, je remercie Dr Alain Doyen qui a généreusement accepté de lire et d’évaluer ce mémoire de maîtrise.

(16)

xv

Avant-propos

Ce mémoire comprend six parties. D’abord, une introduction générale annonce le contexte et la problématique du projet. Ensuite, le premier chapitre est une revue de littérature sur les connaissances actuelles entourant les purées de légumes et leur valorisation dans des matrices gélifiées. Ce chapitre présente aussi les méthodes et modèles théoriques pour recueillir et interpréter les résultats.

Le deuxième chapitre rassemble le but et l’hypothèse du projet ainsi que les objectifs de recherche. Les troisième et quatrième chapitres présentent les résultats expérimentaux de ce projet de maîtrise.

Le chapitre 3 est écrit en anglais et sous forme d’article scientifique. Il sera soumis pour publication dans la revue scientifique Journal of Texture Studies. L’auteure du mémoire a planifié et réalisé les travaux expérimentaux, puis procédé à l’analyse des résultats. Elle est également la première auteure de l’article scientifique. Des stagiaires, Mme Geneviève Nolet et Mme Laurence Brouard-Trudel, ont participé à la réalisation du volet expérimental. La Dre Laurie-Eve Rioux a agi comme conseillère lors des travaux et l’analyse des résultats en plus de corriger le manuscrit de ce mémoire. La Dre Véronique Perreault, codirectrice, a agi comme conseillère tout au long des travaux en plus de réviser le manuscrit. La Dre Sylvie Turgeon, directrice de maîtrise, a supervisé les travaux et révisé le manuscrit. Ces trois collaboratrices sont considérées coauteures de l’article.

Le chapitre 4 met en lumière les résultats d’une étude qualitative visant à illustrer comment des cuisiniers innovateurs projettent d’intégrer différents gels à base de panais dans des préparations culinaires. Ce chapitre est également écrit sous forme d’un article scientifique. Par souci d’uniformité, ce chapitre est écrit en français puisque les verbatims qui y sont insérés ne sont pas traduits. L’auteure de ce mémoire a rédigé le dossier éthique du projet (projet VALÉ) qui a été approuvé par le Comité éthique de la

(17)

xvi

recherche de l’Université Laval (2017-096 A-2/ 05-12-2017). Ce chapitre a été rédigé par l’auteure de ce mémoire, qui a aussi planifié et réalisé la collecte de données, en plus d’analyser les résultats. Une stagiaire, Mme Gabrielle Couture, a réalisé la transcription des entrevues. La Dre Laurie-Ève Rioux a révisé le dossier éthique. La professionnelle de recherche Mme Mylène Turcotte M. Sc. de l’équipe de la professeure Véronique Provencher a agi comme conseillère tout au long de l’étude qualitative. Elle a aussi révisé le dossier éthique et le manuscrit. La Dre Véronique Perreault a participé à la rédaction du dossier éthique et l’analyse des résultats, en plus de superviser les travaux et de réviser le manuscrit. La Dre Sylvie Turgeon a supervisé les travaux et révisé le dossier éthique et le manuscrit. Ces quatre dernières collaboratrices sont considérées coauteures de l’article.

Finalement, la dernière partie est une discussion et conclusions générales pour souligner les principaux résultats obtenus et les contributions de ce projet. Elle présente également les perspectives à considérer et explorer pour des recherches futures.

La méthodologie et les résultats de ce mémoire ont été présentés en partie lors d’un séminaire scientifique (13 mars 2018), puis lors d’une conférence grand public intitulée « Les légumes moches : source de création culinaire » dans le cadre de Montréal en Lumière (24 février 2018).

(18)

1

Introduction

De nos jours, l’industrie alimentaire fait face à de nombreux défis, dont l’amélioration du contenu nutritionnel des produits ou la réduction de leur impact environnemental (Conrad et al., 2018). Parmi les impacts environnementaux, le gaspillage alimentaire s’avère un enjeu important. En 2011, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) estimait que le tiers de la nourriture produite dans le monde était perdu ou gaspillé. Les fruits et légumes sont la catégorie d’aliments subissant le plus de pertes au cours de la chaîne alimentaire, soit de 25 à 50% (FAO, 2011). Notamment, une grande quantité de légumes sont déclassés simplement parce qu’ils ne satisfont pas les critères visuels et l’échelle de calibrage établis par la vente au détail. Par ailleurs, les légumes sont essentiels pour constituer un régime alimentaire sain. Ainsi, la transformation de ces légumes déclassés en purée et leur utilisation comme ingrédient dans des préparations/formulations alimentaires représente une voie de valorisation d’intérêt. Cela permettrait d’enrichir le contenu nutritionnel et le profil sensoriel de ces préparations, tout en diminuant les pertes reliées au gaspillage alimentaire.

Le type de légume influence grandement les caractéristiques chimiques et physiques de ce dernier. L’espèce, la variété et la maturité d’un légume sont des spécificités faisant varier la structure et la composition en pectine du tissu végétal, et par conséquent affectent les caractéristiques d’une purée de légume (Moelants et al., 2014a; Stein and Brown, 1975; Waldron et al., 1997). Par ailleurs, le procédé de fabrication, c.-à-d. le traitement thermique et mécanique, influence aussi les caractéristiques de la purée (Lopez-Sanchez, Nijsse, et al., 2011; Moelants et al., 2014a). Parmi une grande variété de légumes cultivés au Québec, le panais est un légume racine de la famille des Apiaceae qui est préférablement mangé cuit. Il possède des saveurs sucrées et amères ainsi qu’un profil aromatique distinctif qui est apprécié en cuisine. Son riche apport en fibre suscite de l’intérêt pour sa consommation et sa transformation en purée. Castro, Bergenståhl, and Tornberg (2013) ont montré que lors de la transformation du panais en purée, un traitement d’homogénéisation plus intense diminuait la taille des particules de tissu végétal et augmentait la viscosité du sérum de panais. La compréhension des relations entre le processus de transformation, la structure et la

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2

fonctionnalité d’un ingrédient est la base pour l’amélioration d’un produit alimentaire et la conception de nouveaux produits (Moelants et al., 2014a).

Parmi l’offre de produits alimentaires variés, le gel est une matrice fréquemment retrouvée dans notre alimentation. Le fromage, le yogourt et le flan sont tous des exemples de gels alimentaires. D’après Barrangou, Drake, et al. (2006b), le gel est un modèle d’aliment utile pour étudier les propriétés mécaniques puisque ce système est simple comparativement à d’autres aliments. Ainsi, il représente un modèle alimentaire d’intérêt pour évaluer la fonctionnalité d’une purée et de ses fractions.

Lorsqu’il s’agit de comprendre l’effet de divers traitements ou composantes sur la structure/texture d’une matrice, l’utilisation de méthodes de mesures variées (fondamentales, empiriques et imitative) permet d’obtenir un profil complet. Dans la littérature, quelques travaux se sont intéressés à l’incorporation de matières végétales dans un système gélifié. Parmi ceux-ci, Banerjee, Ravi, and Bhattacharya (2013) ont observé que l’addition de jus de carotte (50%) influençait la texture d’un gel d’agar-agar en diminuant la force et la déformation nécessaires pour le fracturer. Dans une autre étude, des chercheurs ont remarqué qu’en augmentant la concentration en pulpe de framboise (2 à 8%), cela diminuait la résistance à la compression d’un gel d’alginate de calcium (1%) avec ou sans agar-agar (1%) (Nussinovitch and Peleg, 1990). Toutefois, aucun des travaux consultés ne s’est intéressé à distinguer l’influence des différentes fractions (pulpe et sérum) d’une purée sur les caractéristiques d’aliments modèles. Une meilleure compréhension de l’effet des différentes fractions d’une purée végétale sur les propriétés de matrices gélifiées permettrait d’appuyer le développement d’approches systématiques pour la formulation de produits à base de légumes.

Depuis plusieurs années, les chefs cuisiniers s’intéressent à l’utilisation des connaissances scientifiques pour créer des apprêts originaux aux combinaisons de textures et de saveurs uniques. Selon Van der Linden, McClements, and Ubbink (2008), la collaboration entre scientifiques et cuisiniers constitue une opportunité pour l’innovation culinaire. L’expertise du spécialiste en sciences des aliments permet notamment d’inventer et d’adapter des

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3

techniques pour réduire les coûts de fabrication, alors que les chefs cuisiniers utilisent leur créativité pour concevoir des produits idéaux (Grobe, Sylvia, and Morrissey, 2002). En appui à la valorisation de produits végétaux déclassés, ce mémoire a pour but d’étudier les conséquences de l’addition de purée de panais et de ses fractions dans différentes matrices gélifiées sur leurs caractéristiques physiques, tout en recensant des idées créatives de valorisation culinaire de ces gels par des cuisiniers innovateurs.

(21)

4

Chapitre 1 - Revue de littérature

1.1 Sciences et cuisine

Depuis plusieurs années, les chefs cuisiniers du monde entier ont un intérêt marqué pour la création de plats originaux inspirés du savoir scientifique. (Cheng, Ogbeide, and Hamouz, 2011; Goldfarb, 2014; Grobe et al., 2002). Plusieurs expressions désignant une association entre les sciences et l’expertise culinaire sont présentées dans la littérature, par exemples : « Gastronomie moléculaire », « science-based cooking » et « Culinology ». Ces expressions ont différentes définitions. La Gastronomie moléculaire est une discipline scientifique axée sur la compréhension des propriétés et des mécanismes de transformation des aliments au cours de la préparation et de la consommation (Vega and Ubbink, 2008). Issue de la science des aliments, elle est définie comme étant une discipline à part entière, dirigée vers la cuisine maison et de restauration et non sur les aliments en général (This, 2002). L’expression « cuisine moléculaire » est aussi très véhiculée. Elle est aussi connue sous le nom de « Science-based cooking » : une expression qui réfère à l’application des outils et des principes de la science des aliments et d’autres disciplines (art, philosophie, psychologie, etc.) au cours du processus de création de nouveaux plats en contexte de haute cuisine (Vega and Ubbink, 2008). Développée par la Research Chefs Association, la Culinology est une discipline académique où s’associent la science des aliments et l’art culinaire (Cheng et al., 2011). Elle permet notamment de repenser les méthodes culinaires afin d’améliorer et de créer de nouveaux agencements de saveurs et de textures (Brenner and Sörensen, 2015). De façon générale, l’apport des sciences au développement de nouvelles préparations culinaires peut s’illustrer de quatre façons selon Ruiz et al. (2013) : (1) par l’utilisation d’ingrédients non traditionnels en cuisine, (2) par l’utilisation d’équipements de laboratoire et de nouvelles technologies, (3) par la mise à profit des connaissances sur les propriétés des aliments, et (4) par la mise à profit des connaissances sur les perceptions sensorielles.

Selon Grobe et al. (2002), l’expertise du spécialiste en sciences des aliments permet d’inventer et d’adapter des techniques pour réduire les coûts de fabrication, tandis que les

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5

chefs cuisiniers utilisent leur créativité pour concevoir des produits originaux. Outre l’apport des sciences en cuisine, l’expertise culinaire pourrait enrichir la démarche d’innovation alimentaire en contexte industriel. Considérés comme des artistes (Horng, Lin, and Lee, 2009) et même comme des designers d’après leur approche (Kudrowitz et al., 2014), les chefs cuisiniers se servent de leurs connaissances et inspirations pour créer de nouvelles combinaisons ou associations en vue d’innover (Lee, Sardeshmukh, and Hallak, 2016). Les chefs s’amusent avec leurs idées : ils pensent aux aliments qui s’harmonisent bien ensemble, qu’ils pourraient combiner pour arriver à une composition savoureuse (Ottenbacher and Harrington, 2007). Selon Van der Linden et al. (2008), la collaboration entre des chefs cuisiniers et des scientifiques alimentaires est de grand intérêt pour stimuler l’innovation culinaire.

1.1.1 L’innovation culinaire

La recherche et le développement de nouveaux produits occupent une place importante en industrie alimentaire. L’analyse du marché, la qualité des aliments produits et l’innovation constante sont aussi des éléments à considérer pour le succès et la croissance d’une entreprise (Grobe et al., 2002). L’innovation culinaire représente également une part considérable pour le succès et la pérennité d’un restaurant (Harrington and Ottenbacher, 2013; Lee et al., 2016; Ottenbacher and Gnoth, 2005). L’abondance des restaurants génère une forte compétition (Harrington and Ottenbacher, 2013) et les chefs cuisiniers se doivent d’améliorer et de renouveler régulièrement leur menu afin de répondre au marché et de s’adapter au goût des consommateurs dans des délais très court (Horng et al., 2009; Hu, 2010b; Ottenbacher and Harrington, 2007). Un produit créatif est plus enclin à être reçu positivement par le consommateur (Horn and Salvendy, 2009). Les chefs cuisiniers cherchent donc à concevoir des mariages uniques de saveurs, de textures et d’arômes et ainsi créer des préparations culinaires distinctives. Ils sont censés créer des expériences gastronomiques qui vont au-delà de l'offre de produits de qualité (Kudrowitz et al., 2014). Ils représentent une source de créativité et démontrent une bonne capacité à innover.

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Processus créatif

La création d’un produit ou d’un plat est le résultat d’un long processus comportant différentes étapes. Quelques modèles génériques de développement d’un nouveau produit sont décrits dans la littérature (Booz-Allen, 1982; Ulrich and Eppinger, 2011) et certains travaux traitent spécifiquement du processus de développement de produit en contexte culinaire (Harrington, 2004; Ottenbacher and Harrington, 2007). Différents modèles théoriques retrouvés dans la littérature sont présentés à la figure 1.1.

(A) Culinary product development

(Harrington, 2004)

(B) New product development process

(Booz, Allen and Hamilton, 1982) Culinary innovation formulation

Culinary innovation implementation Evaluation and control

Innovation introduction

New product development strategy Idea generation

Screening and evaluation Business analysis Concept development Testing Commercialization 7. 6.

(C) Michelin-starred chef innovation process (Ottenbacher et Harrington, 2007)

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(D) Generic product design process (Ulrich and Epinger, 2011)

Idea generation Screening Trial and error

Concept development Final testing Training Commercialization Planning Concept development Concept review System level design Commercialization Testing

Figure 1.1 : Comparaison de différents modèles d’innovation et de développement de nouveaux produits.

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Basé sur des modèles de développement de produits alimentaires, Harrington (2004) a proposé un modèle simple adapté aux services alimentaires (Figure 1.1A). Un second modèle d’innovation culinaire a été développé par Ottenbacher and Harrington (2007) (Figure 1.1C). Celui-ci était basé sur le processus créatif de chefs cuisiniers issus de grands restaurants étoilés du guide Michelin. Ce dernier, plus élaboré que le premier, ressemble fortement au modèle d’innovation traditionnel de Booz-Allen (1982) (Figure 1.1B). L’étape d’essais-erreurs (Trial and error), communément appelée le « cook and look » fait référence à l’expérimentation des idées et des concepts imaginés. Lors de cette étape, le chef cuisinier s’appuie davantage sur ses connaissances culinaires et ses expériences personnelles et professionnelles (Harrington and Ottenbacher, 2013).

Kudrowitz et al. (2014) ont soulevé pour leur part des similarités entre le processus générique de design d’un produit de Ulrich and Eppinger (2011) (Figure 1.1D) et le processus d’innovation d’un chef étoilé du guide Michelin proposé par Ottenbacher and Harrington (2007) (Figure 1.1C). Selon ces auteurs, les chefs cuisiniers peuvent être considérés comme des designers lors du développement de nouveaux plats. Ils entreprennent une approche qui s’apparente au processus générique de design d’un produit, où le but est de créer quelque chose ayant un usage spécifique (Kudrowitz et al., 2014). D’ailleurs, les approches de design sont désormais reconnues comme étant des outils intéressants pour le développement de nouvelles compétences, de nouvelles idées et de nouvelles possibilités en éducation des arts culinaires Mitchell et al. (2013). Enfin, si les processus d’innovation culinaire sont similaires aux méthodes de conception utilisées dans d'autres domaines tels que le design industriel, les outils d’innovation existants pourraient être utilisés par les chefs lors de leur processus de génération d’idées.

Le développement de produits culinaires est un processus en continu où les chefs cuisiniers doivent définir les matières premières, les techniques de transformation et le profil de textures et de saveurs désiré, en plus de considérer d’autres éléments tels que les interactions entre les ingrédients, l’aspect esthétique, le prix et la reproductibilité et les réactions émotionnelles suscitées (Kudrowitz et al., 2014).

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Très peu de littérature scientifique s’intéresse au processus créatif que les chefs cuisiniers entreprennent pour produire des plats innovants. À travers des recueils publiés par deux chefs reconnus mondialement pour leur approche culinaire innovante (Ferran Adria et Grant Achatz), Kudrowitz et al. (2014) ont examiné leur processus d’innovation. Les auteurs ont soulevé que ces deux chefs reconnaissaient leurs propres approches pour créer de nouveaux plats comme étant systématiques. Cependant, ils ont noté que la définition et la classification des activités et des mécanismes connexes n’étaient pas clairement expliquées et demeuraient floues. Quelques travaux retrouvés dans la littérature scientifique ont porté notamment sur les sources d’inspiration de chefs cuisiniers (Ottenbacher and Harrington, 2007; Van der Linden et al., 2008; Vega and Ubbink, 2008). Ces nouvelles idées peuvent provenir de sources internes et externes (Bommer and Jalajas, 2004). Les chefs cuisiniers trouveraient leurs inspirations à travers la littérature, leurs collègues de travail, les nouvelles technologies, les produits de saison, les clients, les médias, leurs expériences professionnelles antérieures précédents et les voyages (Ottenbacher and Harrington, 2007). Hyland, Marceau, and Sloan (2006) considèrent que la génération de nouvelles idées est un point critique au processus d’innovation puisque cette étape est en fait le point de départ du processus de développement d’un nouveau produit.

Étape de génération d’idées

Comme mentionné précédemment, la restauration indépendante est un milieu en constante innovation où le développement de nouveaux produits innovants est important pour le succès d’un restaurant (Lee et al., 2016). Dans ce domaine, l’innovation se concentre principalement sur les produits offerts comme le renouvellement de leur menu (Choi et al., 2011). Les chefs cuisiniers doivent être créatifs pour attirer et garder une clientèle (Horng et al., 2009; Lee et al., 2016).

Pourtant, peu de littérature scientifique concerne le processus créatif que les chefs cuisiniers entreprennent pour produire des plats innovants. De manière générale, les chefs cuisiniers entreprennent communément le processus créatif d’idéation-expérimentation-itération-raffinement (Kudrowitz et al., 2014). L’expertise culinaire est un élément majeur en cuisine.

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Or, la génération d’idées est une étape essentielle pour cheminer vers un produit culinaire innovant. L’élaboration de concepts créatifs commence d’abord par l’étape de génération d’idées.

Des travaux visant l’étude de la relation entre la créativité culinaire et les méthodologies de design commencent tout juste à émerger. Par le biais d’une étude qualitative, Kudrowitz et al. (2014) ont exploré le processus de génération d’idées (étape initiale) de chefs cuisiniers. Ils ont interviewé des chefs reconnus du Minnesota pour comprendre les méthodes et techniques que ces chefs cuisiniers utilisent pour concevoir et développer des plats. Le format déstructuré des entretiens permettait aux interlocuteurs de s’exprimer librement ce qui donnait parfois lieu à des discours riches d’informations (Kudrowitz et al., 2014). Enfin, si cette méthode a permis de documenter le processus de génération d’idées et de classifier ces techniques suivant des outils du domaine du design, l’approche qualitative pourrait être utilisée pour documenter comment des chefs cuisiniers projettent d’utiliser un ingrédient spécifique.

1.1.2 Les méthodes qualitatives

La recherche qualitative est une approche intéressante afin d’étudier le processus créatif de cuisinier en contexte de valorisation d’une matière première spécifique en cuisine. Contrairement aux méthodes quantitatives qui s’appuient sur l’acquisition de données quantitatives pour valider une hypothèse, la recherche qualitative a pour but de comprendre des phénomènes sociaux et humains dans un contexte (Creswell, 1998). La connaissance de ces phénomènes est guidée par des concepts théoriques et philosophiques (Mucchielli, 2009; Schwandt, 2007). Une étude qualitative s’appuie habituellement sur une épistémologie et des théories sociales afin de guider les choix méthodologiques, en plus de servir de références pour débuter l’analyse et l’interprétation des résultats (Gavard-Perret et al., 2012).

Parmi plusieurs types d’approches, la recherche descriptive interprétative permet d’obtenir une description riche et interprétative d’un phénomène social ou humain dans son contexte

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naturel (Creswell, 2012; Denzin & Lincoln, 2011; Gallagher, 2014; Laperrière, 1997). Le cadre méthodologique de la recherche qualitative interprétative est flexible et évolutif. Les connaissances générées sous forme de récits détaillés permettent d’avoir une description dense (Thick description) du phénomène et du contexte (Creswell and Miller, 2000; Guba, 1981).

Afin de produire une description détaillée et juste d’un phénomène et du contexte, les données doivent être récoltées à partir d’un échantillon « expert » composé de personnes, d’événements, de lieux ou de documents en lien direct avec le phénomène (Gallagher, 2014). Ainsi, une stratégie d’échantillonnage intentionnelle est recommandée afin de recruter des participants ayant un profil spécifique pouvant répondre à la question de recherche (Gallagher, 2014; Sandelowski, 1995).

Entrevue individuelle - Technique de collecte de données

Afin de générer des données qualitatives, il existe plusieurs approches de collecte telles que l’entrevue téléphonique, individuelle ou de groupe, l’observation, l’examen de documents ou de photos, etc. L’entrevue individuelle est l’une des méthodes de collecte de données les plus utilisées en recherche qualitative (DiCicco-Bloom and Crabtree, 2006; Qu and Dumay, 2011). Cette stratégie de collecte permet de recueillir des données verbales. En fait, l’entrevue est habituellement enregistrée dans le but de pouvoir être transcrite (verbatim) puis analysée. Les observations et les notes du chercheur sont aussi des données importantes qui permettent de contextualiser l’entrevue et de mieux interpréter certains verbatim (Poland, 2011). L’entretien semi-dirigé est le type d’entrevue le plus souvent réalisé en recherche qualitative (DiCicco-Bloom and Crabtree, 2006; Rowley, 2012). Colliger des données via des entrevues individuelles permet d’avoir un accès direct au participant et à leur expérience. Les données récoltées sont riches et très détaillées. Son processus souple et évolutif permet d’adapter le guide et d’orienter l’entretien afin d’avoir des données claires et ciblées sur les thèmes de la problématique.

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Modèles théoriques de la créativité

Peu de travaux se sont intéressés aux principes techniques et artistiques connexes pour générer de nouvelles associations et idées créatives en cuisine. Dans leur étude traitant de la phase de génération d’idées, Kudrowitz et al. (2014) se sont majoritairement appuyés sur la Théorie associative de la créativité de Mednick (1962). Cette théorie stipule que l'acte créateur, que ce soit dans la poésie ou la science, dépend de la découverte d'analogies entre deux idées ou plus qui auparavant n'étaient pas liées pour répondre à des exigences spécifiées ou d'une certaine utilité (Mednick, 1962). Dans ce sens, une idée originale, mais sans utilité n’est pas une idée créative. Les auteurs se sont également servi, à des fins d’analyse, du modèle SCAMPER (substituer, combiner, adapter, magnifier, modifier, produire, éliminer, réorganiser, renverser) : un outil de design pour le développement de l'imagination créative (Eberle, 1972).

1.2 Contexte d’innovation

1.2.1 Les légumes déclassés : problématique

Un apport quotidien en fruits et légumes fait partie d’une saine alimentation puisqu’ils sont une source importante de fibres, de vitamines et de minéraux. Ils sont aussi reconnus pour leurs bienfaits contre les maladies cardio-vasculaires et certains types de cancers (Pérez, 2002). Toutefois, leur consommation est toujours insuffisante au Canada (Statistique Canada, 2017).

Le Québec, malgré son climat plutôt froid, regorge d’une grande variété de végétaux. L’évolution des techniques agricoles, d’entreposage et des cultures en serre permettent maintenant d’offrir beaucoup de produits tout au long de l’année (Groupe AGECO, 2013). De 2007 à 2011, la betterave (+16,6 %) et le panais (+12,9 %) sont les légumes ayant eu les hausses de production moyenne les plus importantes (Groupe AGECO, 2013). En 2017, la

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quantité de panais produite était estimé à 2 707 tonnes, soit une augmentation de 24.7% comparativement à l’année 2016 (2 171 t) (MAPAQ, 2018).

Néanmoins, une quantité importante de fruits et de légumes locaux de grande qualité peuvent être déclassés (2ème classe) ou gaspillés. En 2011, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) estimait que 1,3 milliard de tonnes de nourriture étaient gaspillées ou perdues chaque année. Ce chiffre équivaut au tiers des aliments produits pour la consommation humaine (FAO, 2011). Les légumes et fruits représentent la catégorie d’aliments subissant le plus de pertes au cours de la chaîne alimentaire (cueillette, entreposage, transformation et commercialisation), c.-à-d. sans compter les pertes liées aux consommateurs (Gustavsson, Cederberg , and Sonesson, 2011). Selon le rapport de la FAO (2011), 25% à 50% de la production totale en fruits et légumes sont gaspillées ou bien perdues chaque année. Pour ce qui est des aliments racines et des tubercules, le niveau de perte correspond de 30 à 45% de la production totale (FAO, 2011). Pour les pays en voie de développement, ces pertes sont souvent causées par les infrastructures inadéquates (entreposage, transport, transformation, commercialisation). Pour les pays industrialisés, ces pertes sont, pour la plupart, liées aux standards de qualité et d’apparence imposés par les commerçants (FAO, 2011; Gustavsson et al., 2011). Selon un rapport de Value Chain Management Center, 10 à 15% de la production de fruits et de légumes au Canada seraient laissés au champ en raison des critères de commercialisation (Gooch, Felfel, and Marenick, 2010).

Au Canada, les fruits et légumes frais à l’exception de quelques produits sont soumis à des critères de classement du Règlement sur les fruits et légumes frais (Gouvernement du Canada, 2011). En général, les légumes sont catégorisés d’après l’apparence générale, la couleur, la forme, la grosseur, etc. (Gouvernement du Canada, 2011). Les légumes difformes, fourchus, présentant des blessures ou des meurtrissures sont donc déclassés s’ils ne sont pas conformes aux standards.

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1.2.2 L’attrait des purées de légumes comme ingrédients

La population démontre un intérêt grandissant pour les produits frais, moins transformés. Les consommateurs des pays industrialisés sont aujourd’hui plus consciencieux des informations concernant les méthodes de transformations et les ingrédients entrant dans la composition des aliments qu’ils consomment (Clean Label), etc. (Asioli et al., 2017). L’industrie alimentaire doit explorer de nouvelles voies pour améliorer ou développer de nouveaux aliments répondant à cette demande. Dans ce contexte, les purées de légumes s’avèrent des ingrédients « naturels » d'intérêt pour la formulation de nouveaux produits alimentaires (Moelants et al., 2014a). Pour les légumes « moches » toujours de grande qualité, les transformer en purée-ingrédient pour ensuite les incorporer dans diverses préparations alimentaires représente une voie de valorisation gagnante: une solution permettant de diminuer les pertes alimentaires et d’enrichir le contenu nutritionnel et sensoriel de nouvelles préparations. Quelques études portant sur des produits carnés réduits en matières grasses ont montré que l’incorporation de légumes (purée, déshydraté) dans ces produits pouvait contribuer à rétablir ou à améliorer leur texture comparativement au témoin non réduit en gras (Bengtsson, Montelius, and Tornberg, 2011; Femenia et al., 1997). L’apport en fibres alimentaires des légumes offre un avantage nutritionnel, mais également fonctionnel (Thebaudin et al., 1997). Une autre étude portant sur l’ajout de purée de fruits comme substitut de matière grasse a démontré que la purée de prune pouvait remplacer jusqu’à 30% de la matière grasse (masse) de petits gâteaux au chocolat tout en conservant un produit acceptable (propriétés physiques, texturales et sensorielles) comparativement au témoin (Ackroyd et al., 2010).

Les purées végétales présentent des propriétés fonctionnelles et sensorielles intéressantes. Or, peu de littérature rapporte la fonctionnalité des purées de légumes dans des aliments modèles (matrices). Ces connaissances méritent d’être approfondies pour servir de base à la formulation de nouveaux produits alimentaires améliorés (nutritionnel et sensoriel) à base de purées de légumes (Moelants et al., 2014a). Les prochaines sections résumeront les connaissances et les travaux récents sur les purées de légumes (section 1.3) et sur les systèmes

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alimentaires gélifiés (section 1.4), un modèle d’intérêt pour étudier la fonctionnalité des purées.

1.3 Composition et structure d’une purée de légumes

Le tissu végétal des légumes est composé de cellules individuelles rattachées ensemble par la lamelle moyenne. La paroi cellulaire est composée de trois polysaccharides, soit la cellulose, l’hémicellulose et la pectine. Principalement contenue dans la paroi primaire et dans la lamelle moyenne, la pectine joue un rôle important dans la structure du tissu végétal puisqu’elle permet de lier les cellules ensemble, contribuant ainsi à la force de la paroi cellulaire (Moelants et al., 2014a). Lors de la cuisson, la pectine se dégrade (thermosolubilisation), les cellules se gonflent d’eau (turgescence), la cohésion intercellulaire diminue provoquant ainsi un ramollissement de la texture du légume (perte de fermeté) (Moelants et al., 2014a; Waldron et al., 1997). Suite à la cuisson des légumes, une étape de broyage permet d’accentuer la séparation des cellules : les cellules sont détachées et brisées, formant une suspension homogène et pâteuse, la purée.

La purée de légumes est constituée de particules insolubles, la pulpe, en suspension dans une phase liquide, le sérum. La pulpe est composée du tissu végétal, tandis que le sérum contient le contenu cellulaire, des sucres, des sels, des acides organiques et de la pectine soluble (Figure 1.2) (Lopez-Sanchez, Svelander, et al., 2011). Comme il est possible de le voir à la figure 1.2, la phase particulaire de la purée est en fait composée de cellules végétales seules ou en amas ou de fragments cellulaires.

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Les propriétés d’une purée, comme sa viscosité, peuvent varier selon ses caractéristiques compositionnelles et structurales. La nature, la taille, la proportion et l’organisation des particules dispersées, sont des facteurs modulant la structure d’une purée (Moelants et al., 2014a). Puisque les deux fractions de la purée (pulpe et sérum) présentent des caractéristiques distinctes, elles sont susceptibles d’agir de façon distincte lorsqu’introduites dans une préparation. Elles pourraient d’ailleurs faire l’objet de valorisations culinaires et alimentaires distinctes : un sujet peu exploré dans la littérature scientifique.

1.3.1 Les facteurs influençant les caractéristiques d’une purée

Les purées de légumes et l’impact de différents paramètres sur leurs caractéristiques ont fait l’objet de plusieurs travaux (Castro, Bergenståhl, and Tornberg, 2012; Castro et al., 2013; Lopez-Sanchez, Nijsse, et al., 2011; Moelants, Cardinaels, Jolie, et al., 2013; Moelants, Cardinaels, Van Buggenhout, et al., 2013; Moelants, Jolie, et al., 2013; Sila et al., 2005), pour n’en citer que quelques-uns.

Figure 1.2 : Représentation schématique de la composition d’une purée végétale. Figure tirée de Moelants et al. (2014a)

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D’une part, la nature du légume est considérée comme un élément influençant les propriétés (chimiques et physiques) de la purée. L’espèce, la variété et la maturité du légume sont des spécificités faisant varier la structure et la composition en pectine du tissu végétal, et par conséquent affectant les caractéristiques d’une purée (Stein and Brown, 1975; Waldron et al., 1997). D’autre part, le procédé de fabrication influence aussi les caractéristiques de la purée (Lopez-Sanchez, Nijsse, et al., 2011; Moelants et al., 2014a). Selon le mode de cuisson, différentes réactions de dégradation enzymatique (pectine-méthylesterase PME, polygalacturonase PG) et de conversion chimique (β-élimination) peuvent se produire et modifier la composition et les propriétés structurales de la purée, mais aussi de ses fractions (Castro et al., 2013; Espinosa et al., 2011; Moelants et al., 2014a). Par exemple, le niveau de dégradation de la pectine dépendra non seulement de la température, mais aussi du temps de cuisson (Castro et al., 2013). En utilisant deux conditions de cuisson différentes (température; temps) et un broyage identique, Day et al. (2010) ont observé que le couple temps-température de cuisson modulait la microstructure du tissu végétal de la carotte et du brocoli. Pour ces deux légumes cuits pendant 10 min à 80 °C, la purée obtenue après broyage présentait de gros amas de cellules, tandis que la purée préparée suite à une cuisson plus intense d’une durée de 30 min à 100 °C révélait de plus petits amas et des cellules individuelles.

Après la cuisson, les cellules végétales sont séparées par un traitement mécanique de broyage. L’intensité de ce dernier fait varier la taille, le type et les caractéristiques des particules (solubles et insolubles) dans la purée. Un traitement à haute intensité comme l’homogénéisation par haute pression (HHP) provoque un bri mécanique plus sévère des tissus cellulaires. Ainsi, la purée contient plus de cellules individuelles, des fragments ou des amas plus petits de cellules (Augusto, Ibarz, and Cristianini, 2012a, 2012b; Lopez-Sanchez, Nijsse, et al., 2011; Pickardt, Dongowski, and Kunzek, 2004). En somme, la modification des paramètres de fabrication affecte la microstructure de la purée et la composition de ses fractions.

Par ailleurs, plusieurs études ont montré que les caractéristiques de la phase dispersée, soient la concentration, la taille et la morphologie des particules, avaient un impact majeur sur les

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propriétés rhéologiques de la purée (Anthon, Diaz, and Barrett, 2008; Castro et al., 2012; Moelants, Cardinaels, Jolie, et al., 2013; Moelants, Cardinaels, Van Buggenhout, et al., 2013). De plus, la teneur en solides solubles présents dans le sérum aurait aussi un effet sur les propriétés rhéologiques de la purée (Lopez-Sanchez, Nijsse, et al., 2011; Rao et al., 1986). Ainsi, lorsque le procédé de fabrication affecte la structure de la purée, ses propriétés rhéologiques sont conséquemment modifiées.

1.3.2 La purée de panais

Dans le cadre de ce mémoire, le choix du légume s’est arrêté sur le panais (Pastinaca sativa). Ce légume racine moins bien connu que la carotte présente une certaine originalité avec sa chair blanchâtre, ses saveurs sucrées et amères et son riche profil aromatique. Provenant de l’Europe et de l’Asie, ce légume de la famille des Apiaceae est bien adapté aux conditions climatiques du Québec. D’un point de vue nutritionnel, le panais est plus riche en fibres alimentaires que la carotte (Tableau 1.1). Son apport considérable en fibres est d’intérêt pour l’utilisation et la valorisation de ce légume en cuisine et en industrie, puisque les experts recommandent à la population d’augmenter sa consommation en fibres alimentaires.

Tableau 1.1 : Données nutritionnelles pour 100g de panais et de carotte crus.

Éléments nutritifs Panais (100g) Carotte (100g) Eau (g) 79,53 ± 1,54 88,29 ± 0,43 Énergie (Kcal) 75,00 41,00 Protéine (g) 1,20 0,93 ± 0,01 Glucide (g) 17,99 9,58 Fibres totales (g) 3,40 ± 0,40 2,4 ± 0,00 Cendre (g) 0,98 0,97 ± 0,01 Potassium K (mg) 375 320 ± 8

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La purée de panais est un ingrédient au potentiel nutritionnel et sensoriel intéressant. Toutefois, peu de travaux se sont intéressés à ses propriétés fonctionnelles. En séparant les le sérum et la pulpe de panais, Castro et al. (2012) ont effectué des recompositions des suspensions de panais selon différentes concentrations de pulpe (10 à 50%). Ils ont montré que la concentration en pulpe, proportionnelle à la fraction volumique (ϕ), influençait les propriétés rhéologiques de la purée.

Les travaux de Castro et al. (2013) ont aussi montré qu’un traitement d’homogénéisation plus intense diminuait la taille des larges particules (d > 100µm), augmentant ainsi la fraction volumique de petites particules (d < 100µm). Outre l’effet sur les particules, une homogénéisation plus intense augmentait la viscosité du sérum de panais. Les auteurs ont associé ce phénomène à un accroissement de la solubilisation de la pectine (Castro et al., 2013). Ces travaux ont également révélé que la modification des paramètres de cuisson du légume (temps, température) influençait aussi le contenu en solides solubles et insolubles de la purée.

En préparation aux travaux présentés dans le présent mémoire, des travaux préliminaires ont porté sur la caractérisation de deux purées de panais préparées en utilisant des modes de cuisson différents, l’une à cuisson rapide (100°C pendant 20 min) et l’autre à cuisson lente (60°C pendant 6 heures). La purée issue d’une cuisson rapide s’est avérée plus attrayante au niveau sensoriel (texture lisse et onctueuse) et ce type de préparation a ainsi été privilégié dans le cadre de ce mémoire.

1.4 Modèle alimentaire d’intérêt : le gel

Dans le but de comprendre le comportement d’aliments complexes, les scientifiques emploient bien souvent des systèmes alimentaires comme modèles. Ces systèmes ont l’avantage d’être généralement bien définis (Morris and Groves, 2013). Ainsi, avant de débuter la formulation de nouveaux produits, l’utilisation de modèles alimentaires (ou modèle de systèmes alimentaires) est d’intérêt pour définir la fonctionnalité des ingrédients

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ainsi que l’interaction entre eux; déterminer les étapes critiques de transformation; optimiser la robustesse d’une formulation et bien plus (Singh, Boland, and Thompson, 2014).

Parmi divers modèles alimentaires, le gel est un système fréquemment retrouvé dans l’alimentation humaine : les desserts de type Jello, la panna cotta, les flans, de même que le yogourt et le fromage sont des exemples d’aliments de type gel. De plus, le gel représente un système modèle simple qui est d’ailleurs très utile pour étudier et comprendre les propriétés mécaniques des aliments (Barrangou, Drake, et al., 2006a). Ils offrent une grande variété de textures. Par exemple, les gels d’agar-agar et de gélatine, issus de deux ingrédients facilement accessibles en industrie et en cuisine, présentent des propriétés distinctes et leur texture en bouche est considérablement différente l’une de l’autre.

1.4.1 Les gels physiques

Le gel est un réseau de macromolécules interreliées et emprisonnant une phase aqueuse. Il existe deux types de gélification : chimique et physique. Le gel chimique est formé grâce à des interactions ponctuelles irréversibles (liens covalents) tandis que le réseau physique est formé par des interactions physiques thermoréversibles. Lors de l’hydratation (température plus élevée), les molécules d’eau se lient aux groupements hydroxyles des chaînes de polymères par l’intermédiaire de liaisons hydrogène. Ces associations de chaînes (2 ou plusieurs chaines) forment les zones de jonction (Saha and Bhattacharya, 2010b). Lors du refroidissement, l’agrégation des zones de jonction emprisonne les molécules d’eau, formant ainsi un système gélifié tridimensionnel (Imeson, 2009). Le solvant (eau) joue un rôle important dans l’intégrité du gel. Il influence la nature et la force des liaisons intermoléculaires qui soutiennent le réseau, qui à son tour retient l’eau (Oakenfull and Glicksman, 1987).

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1.4.2 L’agar-agar

Composition

L’agar-agar est un additif alimentaire fréquemment utilisé dans l’industrie alimentaire pour ses propriétés épaississantes, gélifiantes et son origine végétale. Les principales caractéristiques de ce polysaccharide sont présentées dans le tableau 1.2.

Tableau 1.2 : Caractéristiques de l’agar-agar et propriétés du gel. Agar-agar

Sources Algues rouges : espèces Gelidium et Gracilaria

Gamme de pH 4.5 à 9

Température d’hydratation 90 - 95°C

Température de gélification 30 - 40°C

Température de fusion 85 - 95°C

Type de gel Thermoréversible, cassant, opaque, brumeux.

Applications alimentaires Desserts gélifiés, aspics, bonbons et confiseries gélifiées, flan, glaçage et viande cannée.

Informations tirées de Armisén and Galatas (2009), Imeson (2009), Myhrvold et al. (2011) et Nussinovitch and Hirashima (2013a).

Cet hydrocolloïde extrait de la paroi cellulaire d’algues rouges (famille des Rhodophyceae) est composé de plusieurs polysaccharides, dont l’agarose, un polysaccharide linéaire neutre responsable de la gélification, et l’agaropectine, un polysaccharide non gélifiant (Armisén and Galatas, 2009; Imeson, 2009; Nussinovitch and Hirashima, 2013a; Stanley, 2006). Leur proportion est variable et dépendra de l’espèce d’algue et du procédé d’extraction employé (Armisén and Galatas, 2009). En contexte commercial, l’agaropectine est parfois éliminée puisqu’elle ne possède aucune propriété gélifiante (Nussinovitch and Hirashima, 2013a). L’agar-agar a la particularité de former un gel ferme à des concentrations aussi basses que

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0,5%, en plus d’avoir une hystérèse thermique élevée (40 à 60°C), c.-à-d. un grand écart de température entre le point de fusion et le point de gélification (Imeson, 2009; Nussinovitch and Hirashima, 2013a).

Mode de gélification et structure

L’agar-agar se solubilise dans une solution aqueuse à des températures élevées, près du point d’ébullition. Le mécanisme de gélification de l’agar-agar est illustré à la figure 1.3. En solution, les chaînes de macromolécules s’hydratent et se réorganisent pour d’abord former des hélices individuelles. Ces hélices simples s’associent par la suite ensemble au moyen de liaisons hydrogène pour former des hélices doubles (Imeson, 2009). Par la suite, la diminution de la température permet l’agrégation des zones de jonction et la formation du réseau gélifié (Armisén and Galatas, 2009; Stanley, 2006).

Figure 1.3 : Mécanisme de formation du réseau d’agar-agar. Figure tirée de Imeson (2009).

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L’agar-agar produit un gel cassant offrant une bonne résistance à la chaleur. Pour obtenir une gélification optimale, le pH de la solution aqueuse doit préférablement être neutre. L’ajout d’une substance acide ou basique (ions) provoquera une diminution de la viscosité et de la fermeté du gel (Nussinovitch and Hirashima, 2013a). L’incorporation de sucre dans un gel d’agar-agar a pour effet d’augmenter la force à la fracture et l’énergie nécessaire pour compresser le gel (Banerjee et al., 2013). Étant donné que les macromolécules d’agarose sont neutres et que la gélification ne nécessite pas de cations, l’agar-agar peut être utilisé avec différents ingrédients tels que des matrices laitières ou à base de fruits. Toutefois, des études ont souligné que la présence significative d’acide tannique, un composé contenu notamment dans les courges, les pommes et les prunes, pouvait inhiber le processus de gélification (Imeson, 2009; Myhrvold et al., 2011; Nussinovitch and Hirashima, 2013a).

1.4.3 La gélatine

Composition

La gélatine est un produit dérivé de l’hydrolyse partielle du collagène contenu dans la peau, les os, les tendons et les tissus conjonctifs (Jiang, 2015; Stevens, 2009). Le collagène utilisé pour la production de gélatine est généralement de source animale. La gélatine est un polymère protéique (86-90%), contenant 18 à 20 acides aminés, dont la glycine (27%), la proline (16%) et l’hydroxyproline (14%) (Stevens, 2009). Selon le mode d’extraction, il existe deux types de gélatine : la gélatine de type A et de type B. Leurs principales caractéristiques sont présentées au tableau 1.3.

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Tableau 1.3 : Caractéristiques des types de gélatine et propriétés du gel.

Gélatine type A Gélatine type B

Sources Volaille, bœuf, porc,

poisson Bœuf, porc

Extraction Acide Alcaline

pH / P.I. 3.8 à 5.5 / 6 à 9.5 5.0 à 7.5 / 4.5 à 5.6

Degré Bloom 50 à 300g

Température d’hydratation Hydratation dans l’eau froide; solubilisation à 60-70°C

Température de gélification 20 - 29°C

Température de fusion 25 - 35°C

Type de gel Thermoréversible, translucide, clair, élastique.

Applications alimentaires Bonbons, desserts aérés, yogourt, dessert laitier, sauce, aspic, produits réduits en matières grasses, viande cannée.

Informations tirées de Myhrvold et al. (2011), Nussinovitch and Hirashima (2013b) et Stevens (2009).

Les gélatines sont généralement caractérisées par leur degré Bloom : indicateur numérique de la forme ou résistance (en gramme) d’un gel de gélatine à la déformation (Nussinovitch and Hirashima, 2013b). La source du collagène et l’hydrolyse modifient les propriétés de la gélatine et donc affectent le degré Bloom mesuré (Nussinovitch and Hirashima, 2013b). Au même degré Bloom, la gélatine de type B présentera une viscosité plus élevée que la gélatine de type A (Stevens, 2009).

Mode de gélification et structure

La gélatine se solubilise facilement dans l’eau froide grâce aux charges ioniques distribuées le long des chaînes d’acides aminés. Pour obtenir une solubilisation optimale, la température doit toutefois atteindre 60°C. En solution, les fragments libres se restructurent d’abord en hélices simples (α). Ces hélices s’associent ensemble pour ensuite former des hélices doubles (β) puis triples (γ). Les chaînes de polypeptides tentent de reprendre la configuration de la structure initiale en triple hélice du collagène (Figure 1.4).

Figure

Figure 1.1 : Comparaison de différents modèles d’innovation et de développement de  nouveaux produits
Figure 1.2 : Représentation schématique de la composition d’une purée végétale.
Tableau 1.1 : Données nutritionnelles pour 100g de panais et de carotte crus.
Tableau 1.3 : Caractéristiques des types de gélatine et propriétés du gel.
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