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La mise en scène de l'écrit en petite section de maternelle. Le cas de la lecture d'album

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Submitted on 16 Sep 2013

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La mise en scène de l’écrit en petite section de

maternelle. Le cas de la lecture d’album

Marine Ogez

To cite this version:

Marine Ogez. La mise en scène de l’écrit en petite section de maternelle. Le cas de la lecture d’album. Education. 2013. �dumas-00861841�

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LA MISE EN SCENE DE L’ECRIT EN

PETITE SECTION DE MATERNELLE

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La mise en scène de l’écrit en Petite Section de Maternelle : le cas de la lecture d’albums

Sommaire

I. Evolution du sujet : d’une thématique à une problématique ... 1

1.1 Thématique de recherche et raisons du choix ... 1

1.2 Premières démarches de recherche et évolution de la question de départ ... 2

1.3 Problématisation : vers l’étude des pratiques orales de l’enseignant et des élèves autour de l’objet écrit...3

II. Pistes de recherche et mise en perspective d’observations ... 8

III. Mise en place du dispositif de recueil de données ... 15

3.1 Evolution des choix de la forme du recueil ... 15

3.2 Construction de la grille d'observations ... 17

IV. Description et analyse des observations menées...19

4.1.Description et analyse de la première série d'observations...19

4.2.Comparaison des deux premières observations...21

4.3. Description et analyse de la deuxième série d'observations...25

4.4.Bilan des observations...28

Conclusion générale...30

Bibliographie ... 31

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I. Evolution du sujet : d’une thématique à une problématique

1.1. Thématique de recherche et raisons du choix

La thématique de ma recherche est issue d’une observation personnelle : je me suis rendue compte que quand je lisais des histoires à ma filleule d’un an, elle était davantage captivée par les illustrations des albums, plutôt que par mon doigt qui souligne le texte que je suis en train de lui lire. C'est à partir de ce constat que je me suis demandé pourquoi l'on montrait de l'écrit à des enfants qui ne savent ni lire ni écrire. En effet, dans le cadre de l'album, le texte est utile à l'adulte qui n'a plus qu'à lire, mais en classe de Petite Section de Maternelle, je me demandais pourquoi tant d'affichages et de supports d'écrits alors que les enfants ne savent ni lire ni écrire? Question à laquelle répond le document d’accompagnement Le Langage à l’école Maternelle : « Pour le petit enfant, l’écrit existe

comme objet visuel du monde. L’école maternelle favorise la compréhension de sa nature spécifique ; elle provoque la rencontre avec des « supports d’écrits » variés, avec des textes qui ont des finalités et des formes différentes.»

En Maternelle, la première approche de l’écrit répond ainsi à un critère de société : la familiarisation avec l’écrit est indispensable le plus tôt possible chez l’enfant pour qu’il intègre ces usages sociaux qu’il rencontre au quotidien : le document d’accompagnement définit à ce titre trois types d’écrits : les écrits littéraires, documentaires et fonctionnels. D’autre part, la spécificité de l’école est qu’elle utilise cette pratique comme introduction à l’apprentissage de la lecture/écriture. Pour cela il est nécessaire que les jeunes enfants aient une connaissance suffisante de l’écrit, qu’ils se repèrent dans les différents supports, dans les différentes fonctions.

Les auteurs de l’ouvrage collectif, Didactique du français, enseigner à l'école

élémentaire (1998), évoquaient déjà l’idée de culture de l’écrit et justifient la pédagogie de

la lecture/écriture par son souhait d’être le reflet de la société dans laquelle nous vivons tout en proposant l’évasion qu’offre la lecture. Ils approfondissent cette idée en soulignant que la lecture scolaire assure toujours une fonction éducative mais qu’elle est aussi devenue davantage un acte de plaisir. Les auteurs donnent l’exemple du fameux Tour de la

France par deux enfants, à l’époque référence principale à l’école, qui a laissé place

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Selon eux, cette évolution est due à un argument pédagogique au profit d’un argument commercial.

Pour ce mémoire, j’ai choisi de m’intéresser au rapport à l’écrit des jeunes enfants à l’école maternelle et plus précisément au cas de l’exploitation de l’album, qui fait donc partie des nombreux supports de l’écrit utilisés à l’école.

1.2. Premières démarches de recherche et évolution de la question de départ

Ma première idée, qui s’est vite avérée trop ambitieuse et irréalisable aurait été de travailler sur la corrélation entre la fréquentation de l’écrit et les répercussions sur le langage oral.

Mais cette question était impossible à traiter puisque d’une part cette observation aurait dû se faire sur le long terme, et d’autre part, suite aux lectures que j'ai faites et aux recherches que j’ai menées, j'ai appris qu'il y avait bien un intérêt culturel (« culture de l'écrit »), et linguistique (mais seulement sur le long terme, sur le langage des enfants) à cette fréquentation régulière de l'écrit pour des enfants de maternelle.

On insiste aussi beaucoup sur l’influence du langage oral sur la future maîtrise de l’écrit : Agnès Florin (1999), par exemple, montre les répercussions de la maîtrise de la langue orale dans les résultats de lecture et d'écriture en primaire. Ses observations et tests montrent une forte corrélation entre le niveau de participation orale en Grande Section de Maternelle et l’acquisition de l’écrit en CP. Son article « Maîtrise de l'oral en grande section de maternelle et conceptualisation de la langue écrite en début de cours préparatoire », insiste aussi sur la place essentielle de la maîtrise de l’oral et donc sur le rôle de la Maternelle - sans en faire une condition suffisante - car elle favorise la maîtrise de l’écrit. L’expérience confirme que l’enfant apprend à parler en parlant, mais au delà, il apprend aussi à écrire et corollairement à penser.

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Cette recherche de 1999 annonce les programmes de 2008, puisque selon Le langage à l’école maternelle, « les activités d’expression à l’oral [...] préparent les élèves à

aborder l’apprentissage de la lecture et de l’écriture.»

En effet, même si je souhaite m’intéresser plutôt à l’écrit, il est important de voir dans quelles formes de l’oral l’enseignant peut le présenter : si l’écrit est parfois un prétexte à l’interaction orale, il doit cependant être traité et présenté aux enfants d’une façon qui le caractérise, ce qui m’amène à me demander ce qui entre en jeu dans cette présentation orale de l’objet écrit. Cette interrogation établit alors ma question de départ qu’il m’a ensuite fallu problématiser.

L’enseignant est nécessairement un médiateur entre les jeunes enfants qui, pour la plupart entament leur première année de scolarisation puisque je m’intéresse à des élèves de Petite Section de Maternelle, et l’écrit. C’est donc forcément à l’oral qu’il va les amener à s’intéresser à de l’écrit, à l’identifier peu à peu en tant que tel, avec ses spécificités.

1.3. Problématisation : vers l’étude des pratiques orales de l’enseignant et des

élèves autour de l’objet écrit.

Mes lectures et recherches m’ont permis tout d’abord de définir la chose écrite :

« L'écrit renvoie à la « chose écrite », il est ce que l'on peut percevoir par les sens, et qui peut être porteur d'un message. Concrètement, l'écrit réfère à l'ensemble des productions écrites allant de la simple lettre de l'alphabet au roman le plus sophistiqué. De façon plus abstraite, le concept d’écrit réfère donc à la chose écrite dans tout ce qui la différencie de la chose orale. L'écrit est donc constitué de signes visibles, de supports matériels sur lesquels les signes sont reproduits matériellement perceptibles ainsi que les pratiques qui les entraînent. » (G. Boisvert et J. Gagnon (2005). Éveiller les enfants à l’écrit : de la naissance à l’école p.26).

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Pour aller plus loin, Marceline Laparra, enseignant-chercheur, linguiste et maître de conférences à l'université de Metz, s'appuie sur les recherches de Jack Goody et distingue quatre points spécifiques à l’écrit, à savoir : le jeune enfant élevé par des adultes appartenant à la culture de l'écrit est lui-même influencé sur les plans culturel et cognitif ; le regard qu’ont les élèves sur les supports écrits présents en classe : sont-ils tous dans le même rapport à l'écrit et à son apprentissage ? ; la conception de l'écrit : prendre en comte l'écrit même quand il n'est pas porteur d’un message (ex : jours de la semaine, recette...) ; et enfin, les changements de modes de communication et leurs effets sur les pratiques langagières ; cognitives et culturelles.

En effet, l’école est touchée par une diffusion de plus en plus large de l'écrit, il faut donc en modifier l'approche et les modes d'apprentissages. On passe à du matériel qui favorise l'activité graphique et non plus seulement l'écriture (papier sans marge, sans ligne), ce qui marque le signe d'une adaptation à la manipulation de la part du jeune enfant et de l’abondance des supports écrits et graphiques en général qui modifie les pratiques de la maternelle. Un point qui m’a semblé intéressant dans l’article de Laparra est qu’elle présente la maternelle « comme lieu où l'on fabrique l'écrit » : cependant, elle remarque que les activités manuelles des enfants consistant à découper, gommer, copier dessiner prennent le pas sur l’activité intellectuelle de l'écrit, ce qui a pour conséquence que les enfants soient davantage dans le « faire » et se concentrent plus sur la tâche que sur son résultat. Ainsi, par exemple, les élèves « font la date ». A partir de ce constat, comment faire pour donner davantage de sens aux activités liées à l’écrit ? Il me semble que la question doit se poser plus tôt, dès la Petite Section et que l’approche de l’écrit déterminera par la suite ce lien qu’auront les élèves avec l’écrit.

Je vais donc ici m’intéresser à la question de la fréquentation des genres d’écrit et de la compréhension des fonctions de l’écrit à l’école Maternelle.

A partir de cette question, j’ai dressé une vue d’ensemble de la mise en place des supports écrits à l’école Maternelle et de leurs intérêts. Si l’objet écrit est depuis longtemps présent à l’école Maternelle (F. Marchand, 1998), un point d’honneur est porté à son attention avec les programmes de 2002 (Chapitre Se familiariser avec le français écrit et construire une première culture littéraire, p.21) : « La plupart des enfants sont attentifs aux

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5 construisent des hypothèses intelligentes, même inexactes, sur les relations entre les écritures et la réalité orale du langage qu’ils connaissent bien. [...] Avant même de savoir lire, l’enfant peut et doit se familiariser avec les principales fonctions de l’écrit en jouant avec les supports les plus fréquents de celui-ci, de la signalisation aux affiches et aux livres, en passant par la presse ou les supports informatiques. [...] Cette exploration commence lorsque l’adulte explicite les usages quotidiens qu’il fait de l’écrit. » Il s’agit

donc de familiariser l’élève avec la richesse considérable qu’offrent les différents types de supports écrits.

En lisant les textes officiels, en faisant le panorama de l’arrivée des écrits en Maternelle, et en m’attachant aux articles que j’avais déjà lus, je me suis rendu compte de l’importance que semblent avoir la première approche de l’écrit et l’installation d’une « familiarisation » de l’écrit.

Comme le notent Boisvert et Gagnon (2005) dans Eveiller les enfants à l’écrit : de

la naissance à l’école, on a longtemps pensé que les enfants apprenaient à lire et à écrire au

moment où ils entraient à l'école : l’écrit et la lecture ne faisaient pas l’objet d’activités préparatoires spécifiques, elles étaient confondues avec celles du développement général. L’ouvrage souligne le lien fait tardivement entre la lecture, que l'on recommandait de faire par les parents au soir, et les expériences précoces de l’écrit et de la lecture. Or aujourd’hui, on envisage un concept d'éveil à l'écrit qui commencerait dès la naissance, et qui se présente donc comme un besoin inscrit au cœur de l'éducation, et des institutions liées à la petite enfance : c’est ce nouveau concept qui justifie la place importante du support écrit en Maternelle, voire la principale après celle de l’oral. Cette considération m’a été confirmée par l’étude des programmes d’enseignement depuis 1991.

En outre, Frank Marchand (1998) et son équipe rappellent que dès la Maternelle, on s’efforce de faire prendre un comportement de lecteur aux élèves, d’où la découverte précoce des supports écrits. « L’élève visé ne sait pas écrire mais il s’agit de le conduire

par une réelle pratiquer de l’écrit dans le monde de l’écrit, en acteur ou « écriveur », non en spectateur ou observateur. Pour ce faire, il est nécessaire de lui faire utiliser une

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6 écriture plus rudimentaire que celle des adulte et plus motivante parce qu’affective.»

(p.21). Il ne s’agit donc pas d’enseigner la lecture en maternelle mais de conduire l’élève à s’intéresser à l’écrit, à se l’approprier.

De plus, l’extrait cité ci-dessus des programmes de 2002 (p.4) met en avant non seulement la familiarisation de l’écrit par la fréquentation de l’objet écrit, mais aussi la mise en scène de cet objet par l’enseignant : il « explicite les usages » de l’écrit, cela suggère une présentation orale aux élèves de l’objet écrit : c’est donc sur cette piste que j’ai décidé de me pencher plus longuement, notamment en ce qui concerne le Cycle 1 et plus précisément la Petite Section de Maternelle.

Ces recherches, soulignant toute l’importance d’habituer les enfants à la fréquentation de l’écrit, m’ont confortée dans la thématique de mon mémoire, mais il m’a ensuite fallu faire un choix quant à la perspective à traiter.

D’ailleurs, il ne m’était pas possible et il n’aurait pas été pertinent d’une part de traiter de tous les supports écrits présents en Maternelle, d’autre part d’étudier les trois éléments structurants de l’apprentissage.

En effet, Reuter (2010) définit trois pôles inhérents à la notion de tâche que l’on retrouve dans le système didactique : l’élève, le savoir et l’enseignant. Bien que ces trois pôles soient interdépendants et liés entre eux par des relations nécessaires, c’est du point de vue de l’enseignant que j’ai décidé de centrer mon sujet sur les premiers écrits présentés dans la classe en Petite Section et leurs mises en valeur : Comment, avec quels mots, quel langage, l’enseignant met-il en valeur les premiers écrits présents dans sa classe ? Lesquels ? A quels moments ?

Nonobstant, après deux stages en Maternelle, il m’a semblé que la tendance des enseignants de Maternelle serait de ne pas lire mot à mot les albums ou affichages: mon hypothèse serait alors que plus que l’écrit, ce qui les soucie en Petite Section est davantage la compréhension des élèves que la fidélité au texte, aux mots, ce qui entraînerait une tendance à « traduire », reformuler ce qui est réellement écrit dans une optique de compréhension et au mépris peut-être parfois de la cohérence entre ce qui est réellement écrit, et qui relève des choix lexicaux et syntaxiques de l’auteur par exemple, et ce qui

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est raconté par le professeur des écoles, qui lui peut-être sélectionnerait des informations, des mots au détriment de ce qui est réellement écrit.

Or, une étude (F. Calame-Gippet, 1997) en Moyenne Section de Maternelle a montré que la relecture d’un texte voire d’un passage non compris ou qui a fait l’objet d’un contre-sens peut parfois suffire à rectifier la compréhension d’un récit : en ce sens c’est donc une forme d’étayage car elle facilite la reformulation par les élèves du récit qui vient de leur être lu. Il n’est donc pas indispensable pour l’enseignant qu’il raconte ou reformule les passages non compris puisque parfois la seule relecture permet à l’enfant de saisir ce qui lui avait échappé précédemment. De plus, ne pas reformuler les descriptions complexes souvent liées au style de l’auteur permet de placer cette activité à la limite de la zone proximale de développement de l’élève et ainsi de le stimuler au maximum.

Cette étude tend à montrer que les enfants n’ont pas un besoin si urgent ni indispensable que tout leur soit toujours reformulé et qu’une simple relecture d’un même passage, d’un même récit peut déjà en favoriser la compréhension, notamment grâce au rôle de la lecture magistrale qui guide la compréhension à travers la mise en valeur de la syntaxe et par des intonations appuyées.

Cependant, cette étude concerne des élèves de Moyenne Section et il aurait été sûrement intéressant de voir les différences de pratiques chez des élèves de Petite Section et chez des élèves de Moyenne Section, mais ici j’ai choisi de m’intéresser tout particulièrement à la Petite Section de Maternelle car l’écrit est présenté aux élèves dès leur première année de scolarisation et c’est vraiment ce premier rapport à l’objet écrit qui m’intéresse. Certes, certains élèves qui auront fait une année de Toute Petite Section auront sûrement déjà découvert différentes formes de supports écrits mais pour des raisons pratiques, j’ai choisi la PS car les classes de TPS sont parfois rares et il m’était donc plus aisé d’aller observer des pratiques dans les classes de PS et de trouver des enseignants qui ont bien voulu m’accueillir et accepté mes questions et observations.

A partir de toute ces réflexions, je me suis donc demandé comment trouver ce juste milieu, entre reformulation et fidélité au texte écrit, entre prise en considération du fond et de la forme, du contenant et du contenu, en observant d’abord comment les enseignants mettent en place cette approche de l’écrit. Est-elle issue d’un étayage autour de

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ce qu’en disent les enfants ? Dans quelle mesure les frontières avec la langue orale sont-elles mises en évidence ?

Par rapport à la définition de l’écrit, on a vu que la chose écrite nécessite certains codes, un langage écrit, qui se différencie lui même de celui de l'oral, mais quel langage oral utilise-t-on pour présenter de l'écrit ?

Comment le met-on en place ? Ma réflexion a abouti à cette question plus précise et qui me semble importante puisque l’éveil à l’écrit pour l’élève correspond au temps de la construction de son rapport à l’écrit.

II. Pistes de recherche et mise en perspective d’observations

Il me fallait donc observer quelle approche de l’écrit les enseignants mettent en place avec leurs élèves, si cela correspond bien à ce qui est proposé dans les Instructions Officielles, les Documents d’Accompagnement, et autres prescriptions, que ce soient des travaux de chercheurs ou de vulgarisation. Pour cela, j’ai relevé les attentes des Programmes depuis 1991 (date à laquelle la Maternelle est prise en compte dans les Programmes).

J’ai alors remarqué que les programmes de 1991 citent ceux de 1985 en ce qui concerne l’activité écrite en Maternelle « Pour le récit au cycle 1, les orientations pour

l'école maternelle de 1986 indiquent, au chapitre Activités de communication et d'expression orales et écrites : « ... l'enfant est dans la classe, il participe à un atelier, il effectue une enquête, il demande une autorisation, commente une affiche, regarde un livre, écoute un récit... » » et ne développent que très peu les modalités de cet apprentissage : « L'enfant doit pouvoir : - identifier et savoir pourquoi on utilise différents supports

d'écrits [...] ; reconnaître l'organisation d'une page, [...] ; utiliser une bibliothèque [...] ; identifier des mots familiers [...] ; - prendre conscience de la correspondance entre l'oral

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9 et l'écrit [...] ». A aucun moment il n’est question de l’introduction de l’objet écrit ou de sa

présentation aux élèves.

En revanche, l’objet écrit devient très présent dans les programmes de 1995 et est décrit à la fois comme support à la lecture, mais aussi, pour la première fois, comme objet d’étude. « C'est l'occasion, pour l'enfant, de se doter d'instruments efficaces lui offrant la

possibilité de travailler sur son langage, d'en mieux comprendre le fonctionnement et de se préparer à l'articuler avec celui de la langue écrite.

L'initiation à la culture écrite vient compléter ces acquisitions importantes. Elle est conduite, d'une part, dans des activités d'interprétation des imprimés divers, et plus particulièrement des textes, et, d'autre part, dans des activités de production, avec l'aide d'un adulte secrétaire ou en situation autonome, de ces mêmes écrits. »

Le Document d’Accompagnement du langage à l’école maternelle (2011) met en avant ces deux conceptions quant à la familiarisation de l’écrit : « Que le maître dise ce qui

est écrit, ou qu’il écrive pour laisser la trace de ce qui a été dit, les enfants comprennent d’abord qu’un va-et-vient est possible entre l’oral et l’écrit. Cette prise de conscience s’effectue en général entre 3 et 4 ans, dans ce qui correspond à la section des petits. Les enfants ayant préalablement accédé à la fonction symbolique, ils peuvent admettre que quelque chose est un équivalent d’autre chose sans comprendre. » p.8. Il s’agit d’une part,

d’une conception d’un objet qui se construit chez l’élève qui est renforcée par l’intervention de l’enseignant : « Dès la petite section, le maître, en montrant de la main

les mots d’un texte qu’il lit à haute voix, renforce la liaison entre les mots écrits et les unités correspondantes de la chaîne orale. » p.82, d’autre part, d’une fonction plus

concrète, plus utile qui est celle de reconnaître son prénom : « En fin d’année scolaire, les

élèves de petite section doivent pouvoir reconnaître leur prénom écrit en capitales d’imprimerie, et éventuellement reconnaître et nommer quelques lettres. [...]

Les élèves ne sont pas tenus à l’écart de la langue écrite. Il s’avère indispensable de mettre en place des situations visant à développer en priorité chez eux une culture de l’écrit pour les conduire : ils rencontrent des écrits sous différentes formes, manipulent des albums, ils écoutent des histoires lues, [...]. » p. 196

En 1998, Laurence Lentin, chercheuse en linguistique, spécialiste de l'acquisition du langage, allait déjà plus loin sur ce sujet : elle insistait sur le besoin de fréquentation des

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textes écrits par les enfants et précisait « Si l’éducateur prend la précaution de prévenir

l’enfant lorsqu’il lit ou lorsqu’il raconte, la pratique nous montre que très tôt, dès 2 ans et parfois avant, le petit enfant différencie à l’écoute narration et lecture. ». (p.62) En

complément, elle ajoute « Il s’agit du domaine du livre et du rôle qu’il jour très

précocement dans l’intervention de l’adulte auprès de l’enfant pour lui apprendre à parler. » (p.121)

En somme, tous se rejoignent pour dire que la fréquentation des textes très tôt et régulière est une condition sine qua non à une entrée efficace dans le monde de l’écrit, et insistent sur le comportement à la fois rigoureux et ouvert du maître dans la présentation de l’écrit.

Dès lors, et ce fut pour moi une première orientation de mon questionnement, je me suis demandé ce qu’il en est en réalité : les enseignants se contentent-ils de l’écrit comme support à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture (c’est-à-dire pour la reconnaissance de lettres, pour la compréhension des textes lus...) ou est-il réellement un objet d’étude et d’apprentissage à part entière? C’est-à-dire, dans la pratique, quels sont les comportements pédagogiques mis en œuvre par rapport à la présentation du support écrit ? L’enseignant ne fait-il que lire de l’écrit ou parle-t-il de l’écrit ? S’il en parle, comment le fait-il ? Quels mots sont utilisés pour parler de l’écrit ?

Françoise Boulanger, professeur des écoles s’intéressant à l'acquisition naturelle du langage écrit chez les enfants, propose dans son ouvrage pédagogique Entrer dans l’écrit

en Maternelle, (2009), une démarche innovante mise en place suite à un rapport de

l'OCDE (2007) et qui « estime que « L'école devrait faire en sorte que les enfants

découvrent très jeunes le plaisir de comprendre, se rendant ainsi compte qu'apprendre est une expérience très agréable », j'ai trouvé intéressant et tout à fait en relation avec ma

réflexion que l’auteur se demande alors : « Que peut faire l'école maternelle, sans doute

pas en plus, mais pour agir en amont ? » et souligne le rôle de l'enseignant dans la

présentation de l’écrit en préconisant une attitude et un comportement ouverts et bienveillants - l’enseignant donne des mots écrits de manière adaptée à l'enfant, ainsi doit-il être attentif aux remarques de celui-ci pour favoriser le dialogue, les rapprochements que l'enfant fait entre les mots qu'il connaît par exemple. L’enseignant analyse les erreurs

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d'identification permettant de comprendre les stratégies de l'enfant. Il évite l'enseignement transmissif et fournit à l'enfant des matériaux qui l'incitent à la réflexion. Mais l’ouvrage va plus loin en donnant des consignes précises de déroulement de séances assez détaillées avec, par exemple, la manière de tenir l’album à présenter aux élèves. Cette lecture m'a été très profitable car elle m’a aidée à rédiger mes items d'observation et m'a donné une première idée de ce que je pouvais m'attendre à voir ou non. En effet, la page 17 par exemple donne des gestes précis de manipulation de l’album et des consignes destinées à l’enseignant. Ainsi pour une séance qui pourrait se tenir aussi bien avec une Section de Petits, de Moyens ou de Grands, nous précise le livre, les conseils de présentation de l’album sont les mêmes mais ajustées selon les niveaux :

« Avec les plus jeunes, tenir le livre d'une main, en appui sur l'avant-bras, de façon à pouvoir montrer textes ou images et tourner les pages de l'autre main. Pour les plus grands, lire une page, le livre face à soi. Le retourner ensuite face aux enfants en montrant l'illustration correspondante.

Respecter fidèlement le texte et user d'une excellente diction

Expliquer au fur et à mesure ce qui pourrait être confus pour les enfants afin qu'ils puissent continuer à suivre l'histoire

Reformuler l'histoire en dialoguant avec les enfants après une première lecture afin de s'assurer de la bonne compréhension par tous »

Malgré tout, on voit bien ici que les auteurs insistent davantage sur le souci de compréhension et non pas tellement sur la mise en valeur du livre et des mots en tant qu'écrit et qu’objet possible de travail. Cette manipulation de l’album vise avant tout une compréhension et une appropriation de l’histoire par l’enfant.

La recherche PROG-INRP dirigée par Mireille Brigaudiot enseignant-chercheur en didactique, auparavant enseignante en maternelle (Apprentissages progressifs de l’écrit à

l’école maternelle, PROG-INRP, 2000) ainsi que, comme je l’ai montré ci-dessus de

nombreux chercheurs comme, entre autres Laparra et les chercheurs sur lesquels s’appuient les Instructions Officielles, pointent l’importance d’une certaine attitude permanente du

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maître dans les échanges avec la classe, notamment autour de l’écrit. Pour cela, les auteurs de la recherche PROG mettent en évidence quatre composantes qui entrent en compte dans la construction de représentations des enfants concernant l’acte d’écrire et de lire : « les éléments de la chaîne sonore perçue », « le regard de l’adulte », « la bouche et les mimiques de l’adulte », « le support écrit ». « Les maîtres [...] ont tout intérêt à être

sensible à [la dimension « méta»].» p.21.

J’ai donc trouvé très intéressant que cette recherche mette l’accent sur le langage utilisé par le maître, ce qui m’a aidé à recentrer davantage ma problématique. En effet, selon les auteurs de la recherche PROG, il semble que plus le vocabulaire est précis et adapté, plus il constitue un repère stable pour les enfants. Ainsi par exemple, les auteurs condamnent les paroles d’une maîtresse qui parle d’ « étiquettes » alors qu’elle veut faire traiter des mots à ses élèves (p.56). Ce point m’a d’abord semblé intéressant car il aurait pu me servir comme critère observable, mais ayant finalement choisi de me pencher sur les albums, j’ai dû y renoncer.

Pour citer un autre exemple de préconisation pédagogique du même auteur, Mireille Brigaudiot (2004, p. 81), préconise de mettre des affiches en présence des élèves dès les premiers jours en leur expliquant que ces affichages sont des outils de travail. Elle propose aussi un aménagement des ces affichages :

 au coin regroupement, affichage des repères du temps (emploi du temps, calendrier, anniversaire..) ; listes des enfants de la classe ; tableau des responsabilités ou services

 sur un mur spécifique les mots écrits ou dictés à l'adulte par les enfants

 au coin « découverte du monde », les documents relatifs au travail en cours

Dans les années 1990, F. Marchand semble modérer ce point en mettant en évidence le risque quant à une mise en place de la découverte de l’écrit qui ne s’attarderait pas sur le contenu « La pratique compte plus que le contenu, la démarche importe plus que

l’objet de démarche (cf. la fréquentation d’un centre de documentation, d’une bibliothèque scolaire tend à devenir chose plus important que la lecture réflexive d’un texte ; manipuler du livre prend le pas sur lire de la littérature : ainsi peut-on voir un enseignant-animateur

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13 s’émerveiller du succès rencontré par les albums de « B.D ») » p.19. Ainsi l’enseignant ne

doit ni se contenter de reformuler l’écrit, ni matérialiser les supports écrits à l’extrême.

Il me fallait donc décrire et comprendre le travail de l'enseignant pour analyser les contraintes qui pèsent sur son activité, c’est-à-dire « pour décrire non seulement les

comportement généraux des enseignants mais aussi leurs aspects spécifiquement didactiques liés à telle ou telle situation d'enseignement ou à tels objets de savoir »

(Reuter, 2010, p.217). Je me suis donc attachée à observer et analyser ce que Reuter nomme la « tâche » du point de vue de l’enseignant, c’est-à-dire en ce qu’« elle permet

d'observer comment les objets d'enseignement sont mis en scène dans la classe par l'enseignant [...] » (ibid. p.215)

N’ayant malheureusement pas obtenu le stage que je souhaitais en Maternelle en fin de Master 1, je n’ai pu approfondir mes observations sur le sujet, et n’ai donc su avancer d’autres thèses à ce moment, ce qui a été un obstacle à me réflexion. Jusqu’alors mes questions étaient : l’enseignant a-t-il tendance à avoir une mise en scène exagérée ou non ? Se sert-il de ce que disent les élèves à propos de l’écrit dans sa présentation ? Y a-t-il seulement une présentation de l’écrit comme objet ? Malgré ces premières questions, le questionnement de recherche n'était pas encore assez précis notamment d'un point de vue pratique pour sa faisabilité : quel support d'écrit observer ? J'ai finalement choisi de restreindre ces questions au travail mené autour de l'album et notamment aux gestes et attitudes de l'enseignant qui accompagnent sa lecture.

En effet, ce choix m'a finalement paru évident, d'une part car j’étais sûre que c’est un support sur lequel tous les enseignants travaillent en Petite Section de Maternelle, d'autre part car la lecture de la recherche de Véronique Boiron (2006) m'a permis de définir clairement ma position et ce que je tenais observer. En effet, la recherche de Véronique Boiron porte sur la posture de l'élève en tant qu'interprète et montre que la lecture magistrale de l'enseignant est une aide à cette possibilité d'interprétation notamment par les intonations utilisées lors de la lecture.

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De mon côté, ma réflexion portait davantage sur la façon dont on met en évidence le texte, les mots de l'album, c’est-à-dire sur le fait qu’il s’agit d’ « écrit » et non sur la question de la compréhension : non pas par l'intonation ni la façon dont l'enseignant lit voire raconte le livre, mais bien par les gestes physiques, la façon de tenir l’album, ce qui est montré aux élèves et qui avant le souci de compréhension, assure peut-être de susciter un intérêt pour le livre en tant qu'objet. Cependant, si ma recherche concernait la mise en scène de l’écrit, il m’a aussi fallu prendre en compte lors de mes observations, ce qui relevait de la compréhension autour du texte pour comparer ces axes et définir lequel avait l’ascendant sur l’autre.

Ma question de recherche était donc de me demander si les gestes préconisés par les Instructions Officielles et documents d’accompagnement, s’appuyant eux-mêmes sur les différents travaux des chercheurs, envers le support écrit, notamment dans mon cas précis d'observation, autour de l'album « lu » correspondaient aux pratiques des enseignants dans la réalité.

Ma première hypothèse était que, lors de la lecture d'album, la priorité était donnée à la compréhension du texte et de l'histoire et non pas à la présentation de l’écrit comme objet.

Comme je l'ai dit plus haut, c'est en me rappelant deux stages en Maternelle et parallèlement à ma réflexion que cette hypothèse m'est venue, mais elle a été renforcée par mes lectures, notamment par l'ouvrage de Françoise Boulanger qui donne clairement des consignes de gestes pour faciliter la compréhension via le rapport texte/image, et la plupart des études et recherches citées précédemment et qui portent davantage sur la compréhension du texte que sur l’étude de l’album en tant que support de l’écrit. Si on ne peut évidemment aborder un album sans qu’il y ait échanges sur le contenu, les enseignants prennent-ils aussi en compte le fait que ce soit de l’écrit ? Et le mettent-ils en évidence?

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III. Mise en place du dispositif de recueil de données

3.1. Evolution des choix de la forme du recueil

J’ai donc préparé les observations en m’attachant à regarder comment l’enseignant « met en scène » l’objet écrit. En effet, nous l’avons vu, il est très important d’être précis dans le vocabulaire utilisé pour parler de l’écrit et aussi de montrer à l’enfant cet écrit comme un objet particulier. Or, dans la pratique est-ce le cas ?

Autour de l'album, j’ai donc défini plusieurs observables : quand l’enseignant utilise l’album, parle-t-il d’album (support écrit) ou d’histoire (contenu écrit)? L’histoire est-elle lue ou racontée ? Les Instructions Officielles et Documents d’accompagnement préconisent des gestes précis comme suivre avec le doigt les lignes au fur et à mesure qu’elles sont lues : ces gestes sont-ils appliqués dans la réalité ? L'enseignant utilise-t-il une forme de métalangage autour de l'écrit avec l'emploi de termes comme « titre », « mots », « lettres »... ?

Pour ne pas me restreindre à une seule observation et donc à une seule proposition de réponse à mon hypothèse, j’ai contacté deux enseignantes de Maternelle, avec lesquelles j’avais défini un petit planning. En effet, je voulais les observer chacune deux fois : une première fois vers la fin de l’année (novembre/décembre) et une seconde fois aux environs du printemps vers le mois de mars. Mon but était alors d’analyser si le comportement de l’enseignant vis-à-vis du support écrit avait changé. En effet, une hypothèse secondaire était qu’en première période de l’année l’enseignant aurait plutôt tendance à expliciter le texte de l’album, à le reformuler en vue d’une meilleure compréhension et donc d'une meilleure adhésion à l'album à l’activité de la part des élèves, et qu’en deuxième période l’intérêt des élèves serait davantage porté sur l’objet écrit en tant que tel, et que l’enseignante serait donc plus soucieuse de montrer l’écrit et de lire littéralement le texte tel qu’il est écrit pour familiariser les élèves avec cette forme d’oral qui est celle de la lecture d’un texte écrit, c’est-à-dire avec l’écrit comme média de communication à part entière.

Il me fallait donc observer quelques points plus précis : l’enseignante a-t-elle des gestes professionnels spécifiques ; si oui, lesquels ? Montre-t-elle l’album ? Ne

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montre-t-16

elle que les images comme complément à la compréhension du texte qui est en train d’être lu ou montre-t-elle des mots ; si elle montre des mots, lesquels ? Quel est leur intérêt ? Est-ce parEst-ce qu’on les a déjà rencontrés ou parEst-ce que l’album lui-même les mets en valeur par une typographie spéciale par exemple ? ... était les questions que j’avais tout d’abord envisagé de mettre dans un questionnaire.

Bien qu'il s'agisse d'un petit échantillon, je pensais pouvoir peut-être déjà observer des constantes ou des variantes dans les deux pratiques observées, sans pouvoir toutefois tirer de conclusion générale quant à la pratique des enseignants, puisqu’il ne s’agit ici que d’une recherche exploratoire.

D’autre part, j'aurais d'abord aimé filmer ces séances pour pouvoir ensuite les analyser et le comparer, non seulement entre séances d’un même enseignant mais aussi les unes par rapport aux autres. Cependant il s'est avéré que d'une part, les enseignantes sollicitées se sont montrées trop réticentes à l'idée d'être filmées, et que d'autre part, les contraintes administratives pour le droit à l'image m'ont fait abandonner l'idée de filmer les séances.

En outre, j'avais dans un premier temps prévu de mettre en place un questionnaire que j’aurais envoyé à une dizaine d'enseignants, mais après discussion avec ma directrice de mémoire, il nous a semblé que les questionnaires seraient une charge supplémentaire qui ne serait pas indispensable, voire qui serait inutile puisque les enseignants n'auraient peut-être pas le recul pour analyser leurs gestes au moment des lectures et que ces mêmes questionnaires auraient trop tendance à influencer leurs réponses qui seraient donc sûrement dirigées par une envie de montrer que l'on veut « bien faire ». J'ai donc envisagé de remplacer ce questionnaire par un entretien avec l'enseignant, qui suivrait l'observation de sa séance de lecture et dont les questions dépendraient de ce que j’aurais observé. Ces questions portaient entre autres sur le choix de l’album, la progression de l’utilisation de l’album et le travail fait autour de cet album.

J'ai donc finalement choisi de ne me baser que sur l'observation et non pas sur un questionnaire pour tenter d'apporter un début de réponses à mes hypothèses : en effet, puisqu'il s'agit d'observer une attitude et des gestes de l'enseignant, il était plus pertinent selon moi de recueillir des données de visu.

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Enfin, j’avais aussi prévu, en prolongement de mes observations et dans la mesure du possible, d’observer des élèves de Petite Section à qui j’aurais demandé de faire la lecture à leur tour. Mon objectif était alors de voir la représentation qu’ont certains élèves de la lecture magistrale, et selon les gestes reproduits, d’en déduire leur rapport à l’objet écrit, en l’occurrence à l’album.

3.2. Construction de la grille d'observation

Pour ma grille d’observation, j’ai choisi de la diviser en trois colonnes : une avec les items, une avec la réaction de l’enseignant à noter, et une avec les éventuelles remarques des élèves : il me semblait légitime de dédier une colonne aux réactions des élèves bien que j’observe les gestes de l’enseignant. En effet, je ne pouvais pas seulement observer la pratique de l’enseignant sans considérer quelles en étaient les retombées immédiates sur les élèves, quels étaient les effets engendrés par ces gestes, ces paroles, cette mise en scène de l’album.

Par ailleurs, je considère que la mise en scène de l’écrit ne repose pas seulement sur les gestes mais aussi sur les paroles qui accompagnent ou décrivent ce qui a trait à l’album. C’est pourquoi j’ai prêté attention aux paroles prononcées par l’enseignant : ces paroles, ces interventions relèvent-elles majoritairement de l’histoire et visent-elles à une compréhension assurée des élèves ou à une mise en valeur d’un mot, d’un titre, de l’album objet ?

De plus, j’avais prévu d’observer comment les formes d’écrits (mots, lettres, titre...) étaient éventuellement mises en valeur et pourquoi. Est-ce parce que l’album prête une typographie spécifique à un mot, à plusieurs ? Est-ce parce que tel mot ou lettre a déjà été vu en classe ?

Enfin, j’ai distingué deux formes de gestes selon leur intention : le geste montrant le texte, et qui aurait pour but d’entrer dans l’écrit ou tout au moins d’établir un premier contact avec le support album, c’est-à-dire qu’il relèverait davantage de la forme ; et le

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geste pour illustrer l’histoire, l’accompagner, voire expliciter son sens et qui lui relèverait donc du fond, de la compréhension du récit.

Item d’observation Enseignant Réaction éventuelle des élèves

Intervention / Paroles en rapport avec la compréhension de l’histoire (paroles retranscrites)

Intervention / Paroles autour de l’objet écrit :  Mots  Lettres  Titre  Album  Autre (à préciser)

Gestes en rapport avec la compréhension de l’histoire

 Intonation

 Mimes

 Autre (à préciser)

Gestes en rapport avec le support

 Montrer un titre

 Montrer une lettre

 Suivre du doigt

 Autre (à préciser)

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IV. Description et analyse des observations menées

4.1. Première série d'observations

Il s’est avéré, pendant ma première série d’observations, que la grille était finalementcompliquée à remplir au fur et à mesure du déroulement de la séance de lecture, j’ai donc dû prendre le maximum de notes, puis j’ai rempli les grilles après les séances.

Ma première observation s’est faite dans la classe d’une EMF – que je nommerai enseignante A - avec deux groupes de Petite Section répartis, à l'occasion de la lecture d'album seulement, selon leur niveau. Le premier groupe, le plus à l’aise, a écouté l’histoire de Rêve de Neige, d’Eric Carle. Il s’agit d’un album racontant une histoire de Noël. Le deuxième groupe, moins à l’aise, a eu l’album A qui-est-ce ? qui ne raconte pas d’histoire en tant qu'elle présenterait une trame narrative mais qui est plutôt une juxtaposition de devinettes qui mettent en relation une image et un texte comme « A qui sont-ces chaussures ? » avec des bottes de Père Noël.

Le choix de ces albums a été justifié par la compréhension : le premier groupe est capable de suivre une histoire intégrale, avec une logique narrative, même si certaines choses peuvent leur échapper, alors que pour le deuxième groupe, l’enseignante préfère découper la compréhension en morceaux indépendants.

Pour le premier groupe, j’ai constaté que le texte n’est pas lu exactement, l’enseignante a tendance à le reformuler, à interpeler les élèves pour leur faire deviner la suite de l’histoire. D’autre part, j’ai noté qu’elle leur avait dit sept fois « Regardez ! » pendant la lecture de l’album, attirant ainsi davantage leur attention sur les images que su le texte. (Cf. ANNEXE 1)

Pour le deuxième groupe, la posture de l’enseignante a changé : elle s’est approchée davantage des élèves, s’est assise à terre avec eux. Alors qu’avec le premier groupe elle lisait en même temps qu’elle montrait les images, c’est-à-dire l’album face aux élèves, pour la lecture avec le deuxième groupe, elle lisait d’abord la phrase de la page puis retournait l’album pour leur montrer l’image.

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Pour cette observation, si l’intonation et la prosodie sont beaucoup plus utilisées que pour la première lecture, je n’ai noté aucune intervention extérieure au livre mise à part l’interpellation des élèves : en effet, l’enseignante fait beaucoup toucher l’album et chaque élève un par un a le droit de toucher ou de tourner la page. Les enfants semblent alors beaucoup moins dans la compréhension et plus dans la découverte du matériau « album ».

Après cette première observation, j'ai demandé à l'enseignante si je pouvais prendre un élève du premier groupe isolément pour qu'il me raconte à son tour l'histoire avec l'album. Malheureusement comme l'enseignante avait montré sa réticence à être filmée, je n'avais pas apporté d'appareils d’enregistrement. Or, je pense qu'il aurait été intéressant de filmer cet enfant en train de me raconter l’histoire, car j'aurais pu voir plus précisément certains gestes relevant de l'imitation par rapport à l'enseignante. En effet, j'ai noté que cet élève me montrait les images de l'album tout en me racontant l'histoire, comme le faisait l'enseignante. D'autre part, l'élève m'interpellait souvent avec des « T'as-vu ? » ou « Regarde ! » pour me montrer la corrélation entre ce qu'il raconté et ce que disait l'image. J'ai noté aussi qu'il se corrigeait lui-même quand il voyait qu'il était allé trop loin dans l'histoire par rapport à ce que l'image suivante pouvait lui faire comprendre.

Cette observation a été très intéressante car j'ai tout de suite compris que l'élève était tout à fait dans l'imitation et prenait cette lecture très à cœur : comme la maîtresse, il s'assurait de ma compréhension avec ses interpellations et était très soucieux de me donner le temps de voir les illustrations de l'album.

En ce qui concerne la deuxième observation, elle s’est faite dans la classe d’une enseignante de Maternelle – que je nommerai « enseignante B » - en poste depuis vingt ans dans cette école. Celle-ci a fait la lecture d’un album inconnu des élèves Tchoupi fête Noël qui s’est faite en deux temps : une première lecture magistrale où l’enseignante lit sans montrer les images et les élèves écoutent : pour cela, la maîtresse veille à ce que tous les élèves soient correctement assis et rappelle les règles d’écoute, et une deuxième lecture où elle montre les images et ce sont les élèves qui racontent à nouveau l’histoire d’après ce qu’ils ont compris.

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Les images ont alors pour but de soutenir le langage en donnant aux enfants des choses à dire et à les aider à reformuler.

Le choix de l'album est justifié par le fait que les élèves connaissent Tchoupi, personnage récurrent dans les différents albums qu'ils ont pu rencontrer et par la période de Noël qui approchait, mon observation ayant eu lieu fin novembre.

Lors de la première lecture, l’enseignante lit l’histoire mot à mot : elle n’interrompt pas pour expliquer un mot, mais passe beaucoup par le mime ou le jeu des intonations. (cf.

ANNEXE 2)

Ensuite l’enseignante reprend l’album du début et demande « Alors qu’est-ce que j’ai lu ? Je vais vous montrer les images et vous me racontez l’histoire. » (cf. ANNEXE 3) J'ai ensuite demandé à l'enseignante si je pouvais prendre un de ses élèves pour me raconter l'histoire avec l'album, mais celle-ci n'a pas voulu, me disant que ses élèves n'y parviendraient pas. Or, je pense qu'elle a sous-estimé la capacité des enfants à relater une histoire qu'ils viennent d'entendre car comme le montre ma première observation, l'enfant a tout a fait été capable de prendre la place de la maîtresse, une place active de narrateur et non pas seulement d'auditeur.

4.2.Comparaison des deux premières observations

Il a été très intéressant de comparer ces deux observations car toutes deux se faisaient à partir d'un album jusqu'alors inconnu des enfants. Il s’agissait donc dans les deux cas d'une séance découverte autour du même thème et avec le même objectif : que les élèves comprennent l'album qui leur été lu.

Pourtant elles ont été abordés de manière différentes : si l'enseignante A a, à de nombreuses reprises, interrompu le cours de sa lecture pour intervenir en donnant des explications sur des mots, des situations, des logiques de cause à effets dans le but de s'assurer la bonne compréhension des élèves, l'enseignante B a privilégié l'écoute dans un premier temps et a différé l'évaluation de la compréhension dans un deuxième temps, à travers des questions de compréhension et en invitant les élèves à raconter eux-mêmes l’histoire, ce qui leur fait aussi travailler le langage et la capacité à restituer une histoire

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même si ce n'est pas cet objectif qui est alors en jeu. L'enseignante passe beaucoup par le questionnement : elle pose une ou deux questions par page et valide les réponses des élèves avec la lecture, et même si les images ne peuvent pas toujours les aider, les élèves ont su répondre aux questions, ce qui montre leur compréhension.

D'autre part, pour attirer leur attention mais aussi dans un souci de compréhension, l'enseignante B fait par deux fois un rapprochement avec le vécu des élèves. Ainsi, ils peuvent faire le parallèle entre ce qui se passe dans l'histoire et ce qu'ils vivent et cela permet aussi de recentrer l'attention des élèves. On peut d’ailleurs faire ici la corrélation avec l’article de V. Boiron paru dans Le Français d’Aujourd’hui (2012) et les observations qu’elle a menées par rapport à la compréhension du récit de fiction en Petite Section de Maternelle « [...] les élèves de petite section reconnaissent l’expérience évoquée par le

texte [...]. Ce faisant, ils peuvent anticiper, dès le début de la lecture, sur les évènements narratifs à partir de l’expérience vécue ou connue et ils peuvent proposer, sans que le maitre les y invite explicitement, des interprétations, des commentaires de cette histoire ».

C’est effectivement ce qui semble se passer dans la classe de l’enseignante B, puisqu’à aucun moment ses élèves ne l’interrompent pour poser une question, demander des précisions ou faire des hypothèses sur ce qui pourrait motiver le comportement de tel ou tel personnage.

Dans les deux cas, on remarque que les élèves avaient bien écouté et compris l'histoire et étaient capable de répondre correctement aux questions qui leur étaient posées que ce soit pendant ou après la lecture.

En comparant les notes prises lors de ces deux premières observations et surtout en remplissant les tableaux d'observation, j’ai remarqué que les deux enseignantes ont une posture très axée autour de la compréhension qui est l'objectif premier de leur séance de lecture. Aucune n'est intervenue pour montrer un mot précis, une lettre ou quelque chose relevant du support en lui-même, autre que l'image. On peut seulement noter que l'enseignante B a donné le mot « couverture » aux élèves, mais sans s’arrêter sur la signification du mot, tout simplement en la montrant, les élèves associent un mot à une

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chose. Les élèves n'ont d'ailleurs pas été gênés par ce mot, puisqu'ils ont répondu correctement à la question qui leur était posée.

En outre, l’analyse de ces grilles nous montre que chez les deux enseignantes, l’intonation participe à la compréhension. En effet, un sentiment, une atmosphère mis en scène par une intonation, permet à l’élève d’interpréter plus facilement certains moments de l’histoire relevant parfois de l’implicite. Ainsi, l’enseignante B ne précise pas quand les paroles sont celles de Petit Ours Brun, de son Père ou de sa Mère, elle utilise sa voix pour que les élèves puissent comprendre qui parle. Cet outil important qu’est l’intonation a été analysé par Véronique Bourhis (2012) qui met en avant le fait que « l’intonation joue un

rôle fondamental dans la compréhension. Le geste vocal de l’enseignant, se construisant dans les deux dimensions émotionnelle et intentionnelle, permet alors l’« interprétation » du petit élève, entendue comme l’ensemble des processus qui, à partir d’un récit, rendent les évènements narrés intelligibles et aboutissent à une histoire. » (p.96)

D'autre part, j'ai aussi remarqué que l’enseignante B était vraiment précise dans le vocabulaire : elle distingue lire et raconter quand elle s'adresse aux enfants, ce qui montre qu'elle introduit quand même, peut-être inconsciemment, un rapport à l'objet album : raconter un album et le lire sont deux choses différentes. Cette distinction répond aux préconisations des chercheurs comme Laurence Lentin, (1998) qui recommande de faire attention à cette distinction devant les élèves.

Ces deux premières observations semblent donc confirmer mon hypothèse selon laquelle lors d'une séance de lecture d'album, en début d'année au moins, la priorité est donnée à la compréhension du texte et de l'histoire et non pas à la présentation de l’écrit comme objet. Cette compréhension est étayée par l’enseignant autour d’échanges langagiers avec les élèves, corollairement à ce que constate Véronique Boiron dans l’article de la revue Le Français d’Aujourd’hui : en conclusion de ces observations, elle montre que les élèves construisent leur compréhension autour de l’échange langagier avec l’enseignant. « [...] des études montrent qu’à 3 ans l’enfant ne mobilise pas encore

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24 construit très (trop) peu d’expériences pour comprendre de manière autonome un monde non familier [...]. » (p.80)

Elle préconise donc différents ajustements de la pratique des enseignants, que je retrouve effectivement dans mes deux observations : « assurer une progression dans les

choix d’albums afin qu’un certain nombre de leurs caractéristiques soient adaptées aux possibilités des enfants (les expériences convoquées, la syntaxe, la longueur des textes, la lisibilité des images...). Il semble également intéressant de proposer des reformulations et des gloses des récits lus ou racontés, même « simples », afin d’aider les élèves à construire des significations – ce qui permettrait déjà de solliciter un travail complexe de mise en relation des figures – de mettre en œuvre et de solliciter des conduites de verbalisation et des conduites interprétatives et plus encore d’écoute attentive et de compréhension responsive des verbalisations des élèves, afin de comprendre ce sur quoi les élèves s’appuient pour comprendre les histoires. » (p.80 – 81)

En effet, l’analyse de cette première série d’observations montre le point souligné ici par Véronique Boiron autour de l’étayage, des gloses et de la reformulation. Je montrerai dans l’analyse de ma deuxième série d’observation comment le point autour de la progression et des choix des albums est lui aussi impliqué.

Enfin, ces observations m'ont aussi montré d'autres choses auxquelles je n'avais pas pensé avant – puisque mon observations tournait autour de l’enseignant - notamment l'élève capable de raconter à son tour avec l'album et d'avoir très tôt une posture de narrateur. En effet, si je m'attendais à voir l'élève imiter l'enseignante racontant l'histoire, j'ai été surprise de voir avec quelle aisance il l'a fait. D'autre part, l'album en tant qu'objet avait une place primordiale dans ce moment de récit puisqu'il régissait en quelque sorte la narration, car comme je l'ai dit plus haut, l'élève ne faisait pas que me raconter l'histoire, il suivait la trame selon les illustrations et s'appuyait sur elles pour s'assurer de ma compréhension. Ces observations rappellent et illustrent les remarques de Frank Marchand (1998) qui mettait en avant la posture de lecteur de l’élève de Maternelle. L’appropriation de l’écrit ne passe pas seulement par l’attitude de l’auditeur, mais celle aussi du narrateur qui fait partie de la pratique de lecture.

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4.3.Description et analyse de la deuxième série d'observations

Ma deuxième série d'observation a été lésée par le fait l'enseignante A n'a pu m’accueillir dans sa classe, je n'ai donc pu que constater l'évolution du comportement de l'enseignante B entre les mois de novembre et de mars.

En ce qui concerne cette deuxième observation, il s'agissait de la troisième séance autour de l'album Le petit bateau de petit Ours. On remarque déjà que si en début d'année, un album ne constituait qu'une séance de lecture, même s'il restait par la suite à la disposition des enfants, le travail autour de l'album est approfondi au cours de l'année et se travaille généralement autour d'une séquence.

Lors de l'entretien préalable avec l'enseignante, celle-ci m'a présenté sa progression et a listé ce que les élèves avaient appris depuis le mois novembre, à savoir :

- ils ont pris de conscience de la récurrence des personnages au fil de l’album ;

- ils ont appris à se repérer dans l'organisation du livre en travaillant autour de la couverture, du titre et des personnages ;

- ils ont travaillé sur la prise d'indices iconiques pour anticiper la suite d'un récit.

Pour ce qui est de cette séquence autour de l’album Le petit bateau de petit ours, une première séance a été consacrée à la découverte du vocabulaire présent dans l'album. L'enseignante a affiché au tableau ce vocabulaire illustré par une image. Il est rappelé à la classe en début de chaque séance, avant de relire l’histoire. Ainsi, les élèves peuvent s’imprégner du vocabulaire du récit. L'objectif est ici double : permettre aux élèves une meilleure compréhension par la connaissance du vocabulaire utilisé dans l’album mais aussi enrichir le bagage lexical des élèves de mots qu'ils pourront réemployer par la suite.

Une deuxième séance a permis à la classe de travailler autour du « héros » et de sa récurrence dans l'album. Les élèves se familiarisent ainsi avec le personnage de Petit Ours, mais aussi avec les différents personnages apparaissant tout au long de l'histoire.

Lors de la séance que j'ai pu observer, une première activité a consisté en une reconstitution de couverture : à l'aide d'un modèle imprimé, deux élèves ont dû reconstituer un puzzle de trois morceaux représentant différentes parties de la couverture. Une fois cet

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exercice réussi, la maîtresse affiche la couverture reconstituée au tableau et demande aux élèves à quelle histoire cette couverture correspond. Tous les élèves ont reconnu l'histoire du Petit bateau de petit Ours qu'ils connaissent désormais. La maîtresse valide en pointant du doigt le titre qu'elle lit en même temps.

La maîtresse : « On voit quoi là ? »

Un élève : « Des images avec des lettres »

La maîtresse pointe le titre : « Oui et c'est quoi ces lettres ? » Les élèves « LE TITRE ! »

La maîtresse : « Oui, le titre ! Le titre c'est comment s'appelle l'histoire. Quel est le titre de notre histoire ? »

Un élève « Le petit bateau de petit Ours ! »

Lors d'une deuxième activité, l'enseignante demande à un élève d'aller chercher dans la caisse de livres l'album Le petit bateau de petit ours. Quand l'élève a choisi l'album, l'enseignante demande une validation par le reste de la classe.

Ces activités ont été très intéressantes car l’enthousiasme et l'assurance avec lesquels les enfants ont donné le mot « titre » montrent qu'il y a eu plusieurs travaux au préalable autour de la couverture de l'album et du titre et donc bien de l'album en tant qu'objet support de l'histoire.

En effet, la moitié de la séance (environ dix minutes) a été axée sur ce sujet, et l'autre moitié seulement autour de la lecture à proprement parler et donc de la compréhension de l’histoire.

Une troisième phase a été consacrée à la lecture magistrale de l’album et enfin, la dernière a été consacrée à faire raconter l’histoire par les élèves. En effet, l’enseignante a profité de ma présence comme personne extérieure aux séances et qui ne connaissait pas l’album pour demander aux élèves de venir raconter l’histoire.

Presque tous les élèves (sauf quelques petits parleurs) ont été volontaires pour me faire le récit de l’histoire. L’enseignante a donc choisi trois élèves qui sont venus successivement debout, à côté de la maîtresse et, avec l’album dans les mains, m’ont

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raconté l’histoire. L’enseignante n’a pas désigné de petits parleurs, car, comme elle me l’a expliqué après la séance, elle préfère les faire travailler en petits groupes de langage d’abord et ne voudrait pas que les désigner pour raconter un album devant la classe entière ait un effet inhibiteur pour ces élèves. Elle ajoute qu’au vu des différents ateliers de langage qui ont eu lieu autour de l’album, elle sait qu’ils ont compris l’histoire, même s’ils ne parlent pas beaucoup en grand groupe.

Pour ce qui est des trois élèves qui ont raconté – à moi, mais aussi au reste de la classe – l’histoire, j’ai noté qu’ils faisaient comme la maîtresse, à savoir qu’ils « lisaient » d’abord l’histoire puis montraient ensuite les illustrations à leur public. En effet, de la même manière que l’enseignante avait d’abord l’album face à elle pour lire l’histoire, les élèves avaient l’album face à eux, mais sûrement pour appuyer leur récit sur les images. J’avais quand même l’impression qu’ils lisaient, et eux aussi sûrement, car d’une part, ils connaissaient la plupart des phrases, à force d’avoir entendu l’histoire, et d’autre part, ils étaient aidés par l’enseignante qui complétait ou relançait. Par exemple elle disait « Bon... » et l’élève qui était chargé de la lecture à ce moment continuait « ...jour Madame la Loutre. ». Quand elle prenait des phrases exactes de ce type dans l’album, l’enseignante montrait toujours avec son doigt ce qu’elle était en train de lire, mais aussi ensuite ce que l’élève complétait.

C’est d’ailleurs la seule fois où j’ai pu faire le rapprochement avec le geste prescrit par les Instructions Officielles et Documents d’accompagnement et qui consiste à suivre avec le doigt les lignes au fur et à mesure qu’elles sont lues.

Quand les élèves retournaient l’album pour me le montrer, les élèves (deux sur les trois), reformulait ce qu’ils venaient de « lire » par rapport aux images – par exemple : « Tu vois, il est trop petit le bateau parce qu’il [Petit Ours] est grand maintenant. ». Un seul élève nous montrait les images sans les commenter à l’inverse de ce qu’a l’habitude de faire l’enseignante.

Enfin, j’ai noté aussi que leur intonation changeait, quand ils avaient l’album vers eux et qu’ils pensaient lire, l’intonation était comme artificiellement chantante, comme un

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enfant qui récite une poésie, alors que quand l’album était tourné vers nous et que les élèves reformulaient, leur intonation était beaucoup plus naturelle, comme un enfant s’adresse à quelqu’un. Là encore, les élèves étaient dans l’imitation de la prosodie de l’enseignante, chose que j’ai trouvée très intéressante car peut-être que, sans en avoir conscience mais à force de fréquenter le récit oral, ils ont intégré, du moins ils ressentent que « la prosodie instaure un rapport dialogique avec le texte et avec les autres

lecteurs-écouteurs par l’intermédiaire du sujet lisant [...] ». (Véronique Bourhis, 2012)

Dans cette deuxième observation, j’ai donc relevé que plus que la compréhension, c’est le travail autour de la compétence « se faire comprendre » qui est en jeu.

En effet, l’enseignante m’a appris que lors de la prochaine séance, les élèves auront à utiliser des marionnettes pour mettre en place un dialogue.

Parallèlement, d’autres compétences plus transversales, comme la mémoire et l’anticipation sont travaillées, mais aussi les connaissances autour de l’objet album.

4.4.Bilan des observations

Alors que dans la première série d’observations, une seule compétence est travaillée, la compréhension, au fil de l’année de plus en plus de compétences sont développées simultanément. La compréhension est la base sur laquelle s’appuient l’enseignante mais aussi les enfants pour continuer vers les autres apprentissages autour de l’album.

Par rapport aux questions que je m’étais posées avant les observations, j’ai noté que les enseignantes parlaient d’ « histoire » lorsqu’elles lisaient et que le terme « album » n’apparait seulement devant les enfants que lors de ma deuxième série d’observation avec l’enseignante B. Même s’il est difficile de généraliser ici c’est donc bien dans un premier temps la compréhension qui est l’objectif principal des séances de lecture : dans les deux

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