Pour une phonothèque en Région Centre

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Pour une phonothèque en Région Centre

Gabriel Bergounioux

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Gabriel Bergounioux. Pour une phonothèque en Région Centre. Sonorités - Le Bulletin de l’AFAS, 1988. �halshs-01820549�

Pour une phonothèque en Région Centre

Gabriel Bergounioux

Il y a, au Château de la Source, siège de l'Université d'Orléans, un salon où Voltaire a lu à son hôte, il y a bien longtemps, la Henriade qu'il composait à ce moment-là. Le 15 octobre 1987, des représentants de l'UFR Lettres et du CNRS, des Archives régionales et de la Phonothèque nationale, de la Direction Régionale des Affaires Culturelles et des associations d'arts et traditions populaires ont pu évoquer, dans le même lieu, ce lointain précédent en proposant la création d'une phonothèque régionale qui perpétuerait la mémoire sonore de la région.

La journée fut consacrée à la "collecte et conservation des parlers contemporains" le matin et l'après-midi à l'"exploitation et diffusion des archives sonores", avant de se conclure par la signature d'une convention de dépôt d'archives entre l'université et la région.

Unité et diversité de la région Centre

Constituée de six département (Eure, Eure-et-Loir, Indre, Indre-et-Loire, Loir-et-Cher, Loiret), la région Centre représente un vaste regroupement administratif de "pays" que l'histoire ne fédéra jamais sous une dénomination unique. Juxtaposition de terroirs contrastés, elle ne trouve d'unité que dans la permanence d'échanges et d'interactions économiques, culturels et linguistiques. Confrontée à la force d'attraction parisienne, elle paraît excentrée, son identité, toujours problématique, ne pouvant se cristalliser autour d'une capitale incontestée, d'une mémoire collective ou simplement d'une image spectaculaire, mer ou massif montagneux.

Une mémoire sonore

Dans ce contexte, la conservation de la mémoire sonore semble nécessaire pour enraciner une région dans sa vie même, à l'intersection des préoccupations de l'ethnologue, de l'historien et du linguiste. Si des possibilités existent, comme l'ont montré les interventions des participants à cette journée, il est apparu que le relais attendu des collectivités locales n'était pas acquis et qu'en dépit de la présence de Jean-Pierre Sueur, député du Loiret, il restait à poursuivre un important travail de sensibilisation.

Collecte et conservation

En l'absence du recteur Gérald Antoine qui avait bien voulu patronner cette journée in

absentia, ce fut à Madame Calas, directrice de la Phonothèque nationale et secrétaire générale

de l'AFAS que revint l'honneur de commencer la série des interventions en examinant les différents problèmes posés par la conservation des archives sonores : sélection et description du document, problèmes juridiques et techniques de l'exploitation… Soulignant l'écart croissant entre la prolifération des centres de diffusion sonore et les difficultés rencontrées pour le stockage et l'accès, Madame Calas soulignait l'intérêt d'une phonothèque régionale qui rapprocherait le collecteur de ses sources et le chercheur de son matériel.

Un exemple concret de ressource est donné par M. Baraduc, de l'université d'Orléans, qui rappelle le travail accompli autour de l'"Enquête Socio-Linguistique à Orléans" par des universitaires anglais de l'Essex : trois cents heures d'enregistrement, quatre millions cinq cent

mille mots, deux mille cinq cents pages de transcription… Ne serait-il pas temps de rapatrier ce morceau de la mémoire sonore de la région ?

Monsieur Charnier, directeur des services d'archives de la région, et Monsieur Séron, des affaires culturelles, signalent qu'il existe déjà un centre de conservation des archives sonores à Orléans, avant que Madame Simoni-Aurembou, présidente de l'AFAS, intervenant aussi comme responsable de l'Atlas linguistique de l'Orléanais au C.N.R.S., ne s'attache à redéfinir les problèmes posés par la constitution du document : qualité technique de l'enregistrement, choix du témoin mais aussi témoignage sur le travail de l'enquêteur. Madame Dubuisson, dialectologue de la région Centre au C.N.R.S., illustrait, en se référant à sa pratique du terrain, une partie des propos qui conduisaient à une discussion sur les limites historiques et les sollicitations scientifiques en conflit dans l'usage des archives sonores.

Diffusion et exploitation

Trois éclairages ont ensuite été donnés sur certains des usages possibles des archives sonores :

- pédagogique : par Madame Lapeyre, chercheur au CREDIF, autour de la constitution d'un corpus de référence pour la didactique du français langue étrangère, et par Madame Lansari, de l'Ecole Normale d'Orléans, qui réinscrit l'étude de l'oral dans une approche globale de la langue française à l'école.

- linguistique : par M. Bergounioux qui présente quel parti tirera d'une phonothèque le laboratoire de phonétique en cours d'installation à l'université d'Orléans autour d'un appareil à transformées rapides de Fourier unique en France dans les applications de ce type.

- ethnographique : par M. Chenault, de l'Union pour la promotion des arts et traditions populaires en région Centre, qui relie l'oralité à la mémoire légendaire et musicale, au lexique et à la parémiologie, à tous les discours qui accompagnent les techniques et les savoirs traditionnels.

Et maintenant ?

A présent que les besoins sont cernés, que les problèmes ont été situés à leur juste dimension, il semble possible, à court terme, de procéder à l'installation d'une phonothèque qui ne requiert plus qu'un financement, somme toute modeste, de la région et des départements pour défendre et illustrer, dans ces pays de la Loire moyenne, une parole vivante où ils prétendent exceller, mieux qu'à Paris même, et pour inscrire, dans la perspective scientifique qui s'impose, la conservation et l'exploitation de la mémoire du présent.

Sonorités n° 19, juin 1988, p. 12-14

"bulletin de l'Association Française des détenteurs de documents Audiovisuels et sonores / AFAS"