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Le vrai message de la suédoise

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POLITIQUE 87 | novembre-décembre 2014

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onc, le nouveau Premier ministre Charles Michel n’a pas aimé que les réactions aux propos douteux de quelques-uns de ses ministres vien-nent troubler le « message » du nou-veau gouvernement.

Mais laissons de côté les Francken et les Jambon et intéressons-nous à ce « message ». Quel est-il ? Les deux mesures « phares » du nouveau gouver-nement, celles qui ont été choisies pour donner le ton, sont assez claires : le recul de l’âge d’accès à la pension et un saut d’index pour les salariés. Me-sures destinées à bien faire savoir que l’on aura un gouvernement de droite dont le premier souci va aux entreprises et pas « aux gens », comme dirait le PTB.

Mais au-delà du symbole, quelle est la stratégie derrière ces deux décisions ? Économiquement, elle apparaît plutôt obscure. Un gouvernement qui veut manifester un changement radical d’orientation est supposé prendre quelques premières décisions à ef-fet rapide. On peut être dubitatif : un saut d’in-dex quand l’inflation flirte avec les taux négatifs, cela ne paraît pas d’une urgence extrême. À terme, cela coûtera du pouvoir d’achat aux salariés, bien sûr, mais le timing est tout de même curieux. De la même façon, reculer l’âge de l’accès à la pension, qui plus est à l’horizon 2030, quand aujourd’hui des centaines de milliers de jeunes (y compris des jeunes qualifiés) sont sans emploi, cela ressemble à une logique à contre-temps.

Si l’on veut comprendre le sens de ces deux dé-cisions, il faut lire l’éditorial d’Alain Narinx dans

L’Écho, intitulé « Un gouvernement de droite,

vrai-ment ? ». En conclusion d’une description assez lu-cide de ce qui est occupé à se passer partout en Eu-rope, voici l’analyse du journaliste : « Les économies

du Vieux continent sont aux abois, surendettées et en panne de croissance. Les gouvernements cherchent partout des moyens de sortir de l’ornière. Ils jouent à fond quoi qu’ils en disent, la concurrence fiscale et sociale pour s’en sortir. La droite n’est pas au pouvoir partout. Mais elle a gagné la bataille idéologique ».

C’est bien vu et c’est intéressant que cela vienne d’un journal tel que L’Écho, qu’on peut copnsidérer comme un moniteur des milieux d’affaires.

Si la logique économique des deux mesures ap-paraît au bout du compte assez peu claire, y com-pris du point de vue d’un gouvernement « pro-bu-siness », c’est parce que leur signification n’est pas économique : elle est avant tout symbolique. C’est un message clair envoyé aux salariés de manière

gé-nérale : « vous allez morfler ». Il ne s’agit principa-lement ni d’« améliorer la compétitivité » ni de « ré-duire les déficits » mais de mettre fin à ce qui était pour la droite (d’abord flamande, mais pas seule-ment) un scandale au sens quasi biblique du terme : la Belgique s’en sortait plutôt mieux au plan macro-économique que la majorité des pays d’Europe en appliquant plutôt moins la politique d’austérité pratiquée par la plupart des autres gouvernements.

C

e n’est pas d’aujourd’hui, pour re-prendre les propos d’Alain Narinx, que la droite a « gagné la bataille idéolo-gique ». Elle l’a gagnée au tournant des années 80, comme le montre bien Thomas Piketty2. Mais aujourd’hui,

justement, aux Etats-Unis, comme en Europe, la droite est confrontée à un mouvement inattendu : c’est des experts eux-mêmes que vient la contes-tation de cette inégalité extrême. Ce sont les éco-nomistes les plus en vue (Stiglitz, Krugman, Piket-ty…) qui nous annoncent que l’austérité fera les mêmes dégâts partout. Même un Bruno Colmant commence à revoir son discours et les instances économiques

internatio-nales se mettent à hési-ter. C’est dire.

Le vrai message de la suédoise, il répond à ce flottement idéologique et il vise à « resserrer les boulons » : ne croyez pas, manants, que vous allez

pouvoir échapper au sort commun. Ne croyez pas qu’on va vous laisser relever la tête. Les riches, les vrais, ont gagné. Et maintenant, cela vaut pour la Belgique aussi. Ne vous y trompez pas : l’avenir que vous promet la suédoise, ce n’est pas la Suède. Votre avenir, c’est l’Espagne, le Portugal, la Grèce, l’Italie et la France.

Voilà ce que ce gouvernement veut nous dire.

Marc JacqueMain

1 Alain Narinx, «Un gouvernement de droite, vraiment ? », L’Écho, 10 octobre 2014, consultable en ligne.

2 Le capital au XXIe siècle, Le Seuil, coll. « Les Livres du nouveau

monde », 2013. Voir à ce propos Edgar Szoc, « Piketty pour les nuls », Politique n°86

Le vrai message

de la suédoise

Le trait

De jean-CLauDe saLem

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www.salemi.be

c’est un message clair

envoyé aux salariés de

manière générale : « vous allez

morfler ».

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