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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Science et art, partenaires pour une éducation scientifique de qualité au Brésil

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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A. GIORDAN, J.-L. MARTINAND et D. RAICHVARG, Actes JIES XXV, 2003

SCIENCE ET ART : PARTENAIRES POUR L’ÉDUCATION

SCIENTIFIQUE DE QUALITÉ AU BRÉSIL

Tania C. ARAÚJO-JORGE(1), Luiz Edmundo V. AGUIAR(2)

(1) Secteur d'Innovations Educatives - Institut Oswaldo Cruz, Fiocruz, Brasil (2) CEFET - Química de Nilópolis, Brasil

MOTS-CLÉS : SCIENCE

ART

EDUCATION SCIENTIFIQUE

RÉSUMÉ : Nous discutons des raisons par lesquelles un scientifique peut, et doit, s'engager dans ce que nous appelons “les rencontres de la science avec l’art”, une approche qui assure les chemins vers l’innovation et la créativité. Si l'on réussit à éliminer les frontières entre les disciplines, on peut traiter de façon intégrale les thèmes qui stimulent la curiosité humaine, tel comme on en fait dans des cours de science et art à Fiocruz, à tous les niveaux de l’enseignement.

ABSTRACT : We discuss the rational for a scientist to engage on what we call “meetings of science and art”, an approach that leads to innovation and creativity. Breaking the barriers among different disciplines, we can work integrally on subjects which instigate human curiosity, as is the experience in courses of science and art at Fiocruz, at all the educational levels.

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“L'imagination est plus importante que la connaissance.” Albert Einstein “Je sais que l’art est la sœur de la science Toutes les deux, les filles d’un Dieu fugace Qui fait et dans le même moment, défait.” Quanta - Gilberto Gil 1. UNE HISTOIRE DE RENCONTRES EN SCIENCE ET ART

Pour tous ceux qui travaillent ou étudient à la Fondacion Oswaldo Cruz (Fiocruz), Science et Art sont très liés, car le château mauresque (Fig. 1), symbole institutionnel, est, en soi, une œuvre d'art, patrimoine historique brésilien, témoin de l'idée d'Oswaldo Cruz : construire une école de médecine expérimentale dans un château des mille et une nuits. Dès les années 80, la Fiocruz légitime la collaboration de ses chercheurs avec l'ONG “Espace pour une Science Vivante” qui associe science et art dans ses activités de popularisation et d'éducation scientifique. Scientifiques et artistes partaient ensemble pour emmener la science aux favelas et places publiques de Rio et d'autres villes. La participation de la troupe de théâtre “Tá na Rua” (À la Rue, Fig. 2) a permis la mise en scène sur les places publiques de sketches sur l'astronomie, la biologie etc., toujours associés à des activités scientifiques interactives, où les gens pouvaient regarder le ciel à travers une lunette comme celle de Galilée ou observer la fécondation comme un biologiste le fait avec un microscope. Et pour enregistrer les observations des participants, des scientifiques-artistes se faisaient “hommes et femmes-sandwiches” (Fig. 3), pour faciliter l'expression libre de leurs impressions.

L'inspiration venait de l'Exploratorium de San Francisco. Selon le physicien Frank Oppenheimer : "(…) les artistes, autant que les scientifiques, aident le public à noter et apprécier les choses de la nature que nous avons appris à ignorer, ou que nous n'avons jamais appris à voir. L’art et la science sont nécessaires pour une compréhension complète de la nature et de ses effets sur les personnes."

Pour nous cela signifie la remise en place des liens entre la science et l'art, perdus depuis le XVIe siècle. Et il est très probable que la tendance artistique du nord de l'Italie au XVIIe a influencé la façon de penser des scientifiques qui ont fondé la science occidentale moderne. Par exemple, il est significatif que les dessins de la lune faits par Galilée en 1610 (Fig. 4a et 4b) montraient des cratères avec des ombres à droite ou à gauche selon la position du soleil, ce qui lui permettait d'interpréter ses données selon l'aspect des corps célestes imparfaits, tabou pour l'Église catholique.

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Hors des influences de l'école artistique toscane et de ses études sur la perspective et l'ombre, le dessin de la lune fait par l'anglais Christoph Scheiner (Fig. 5), à partir d'images faites au télescope, montrait une autre vision, sans ombres, qui n'aidait pas à la construction de l'idée de cratères. Et l'on a demandé à un artiste, le français Claude Mellan, de dessiner la première carte lunaire (Fig. 6). La spécialisation croissante des disciplines a éloigné science et art, comme l'a noté C. P. Snow, qui a parlé des “Deux Cultures : humanisme et technologie” (De Meis et al. 1993a). Des motivations politiques et idéologiques sont à l'origine de la division des cultures humaniste et scientifique. Dans les Académies, Sciences, Arts et Humanités n'étaient jamais réunies, conséquence de la séparation corps-esprit du cartésianisme. Aujourd'hui, au niveau des gouvernements, il y a des séparations nettes entre ministères de science, d'éducation et de culture, comme si ceux-ci n'étaient pas les bases de la même créativité humaine.

2. RECHERCHE AVEC SCIENCE ET ART

Nous avons étudié les conceptions d'étudiants sur les scientifiques, les artistes et les professeurs (Aguiar & Araujo-Jorge 1999). (Fig. 3-6). Les dessins d'élèves de l'enseignement technique ont confirmé le stéréotype de l'alchimiste, car 70 % des dessins présentaient le scientifique seul au milieu de ses verreries, comme d'autres auteurs l'avaient déjà montré, indépendamment du pays ou de l'âge étudié (De Meis et al., 1993b). L'image du “scientifique fou” était également forte (54 % des dessins), et le professeur de science apparaissait comme “plus fou encore”, ou “apprenti fou”. Des élèves de l'enseignement traditionnel dans des écoles de province faisaient aussi des dessins du scientifique-alchimiste (42 %), 88 % hommes, mais seulement 10 % stéréotypés comme fous. Peu de femmes (35 %) se présentaient aussi dans les dessins d'artistes, avec des métiers plus diversifiés (48 % arts plastiques, 34 % musique et danse, 17 % théâtre-cirque). D'autres études ont aussi conduit au rapprochement science et art, en particulier le projet “Chimie et art : motiver pour éduquer”(Aguiar, 2000).

Ces expériences nous ont rapprochés d'autres scientifiques qui ont aussi essayé de lier science et art ces vingt dernières années : Leopoldo de Meis, du Département de Biochimie Medicale (UFRJ, Rio) et João Cândido Portinari, du Projet Portinari (PUC-Rio). Ces deux groupes et les matériaux éducatifs qui en sont sortis nous ont profondément influencés. De même les musées et centres de sciences bénéficient de l'intégration science et art. À la Maison de la Science à Rio, dès 1999, une série nommée "Science pour les Poètes", organise des cycles de débats sur la physique, la chimie, les mathématiques, la littérature, etc., en rapprochant scientifiques, artistes et le public. Ceci est une tendance internationale des médiateurs scientifiques : intégrer l'art pour mieux communiquer la

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science ; et des artistes : percevoir la science pour s'en inspirer. Tous les ans depuis 1998, à New York, l'événement ArtSci présente les influences mutuelles entre science et art aux États-Unis. Des mouvements artistiques inspirés par la science biomédicale sont nés plus récemment, tels que “bio-art” ou “gene“bio-art”.

3. SCIENCE ET ART : DIFFERENTS OU SEMBLABLES ?

L'idée que science et art appartiennent à des champs opposés est présente dans la culture des sociétés occidentales contemporaines. De Meis (1993a) ont montré que, indépendamment du pays ou du champ d'action, la plupart des étudiants auxquels ils ont demandé “qu'est-ce que c'est que penser scientifiquement ?”, associent l'artiste à des concepts abstraits et subjectifs et le scientifique à des concepts concrets et objectifs. Ainsi ces étudiants se forment une vision négative de la science, où il n'y a pas d'espace pour l'imagination, la créativité et l'intuition. "L'artiste est quelqu'un dont l'action se base sur l'émotion, le scientifique sur la raison", répond un étudiant d'art ou de médecine ; et moins de 20 % pensent qu'il n'y a pas de différence entre science et art ("Il n'y a pas de différence, tous deux ont besoin d'inspiration, de créativité et d'intelligence.").

Les professeurs qui ont suivi nos cours et ateliers de Science et Art ont, eux aussi, exprimé cette dichotomie : “La science utilise une méthodologie avec des pas, ordonnée, où l'on crée des choses se servant de la logique. L'art peut être spontané, il peut naître d'un sentiment, et peut aussi utiliser des techniques, mais il provient en général de l'imagination”. Mais nous avons aussi retrouvé des opinions conciliantes entre science et art : “Il n'y a pas de différence. La science comme l'art sont motivés par la passion, et reflètent les inquiétudes du scientifique et de l'artiste. La façon de s'exprimer est un peu différente, car la science doit être exprimée de façon objective tandis que l'art peut l'être subjectivement.” Pour aller plus loin dans cette discussion, on peut emprunter aussi des idées d'artistes et de scientifiques sur la science et l'art.

Par la musique “A ciência em si” (“La science en soi”), Gilberto Gil et Arnaldo Antunes parlent et chantent les défis de la science. Nous la présentons au début de nos cours, car elle nous aide à motiver des débats sur la science, son rôle, son processus, ses mythes, ses peurs, ses méthodes, ses mystères, ses limitations. Elle transmet un message très clair sur la science dans le language de l'art : la science on ne peut pas l'enseigner : ou on expérimente le processus de la science, ou elle reste inconnue ; seulement le “faire la science” permet d'introduire la science dans les personnes.

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A ciência em si

G. Gil & A. Antunes, 1999, Álbum Quanta

Se toda coincidência, tende a que se entenda E toda lenda, quer chegar aqui

A ciência não se aprende, a ciência apreende A ciência em si

Se toda estrela cadente, cai pra fazer sentido, E todo mito, quer ter carne aqui

A ciência não se ensina, a ciência insemina A ciência em si

Se o que se pode ver, ouvir, pegar, medir, pesar Do avião a jato ao jaboti

Desperta o que ainda não, não se pôde pensar Do sono eterno ao eterno devir

Como a órbita da terra abraça o vácuo devagar Para alcançar o que já estava aqui

Se a crença quer se materializar

Tanto quanto a experiência quer se abstrair

A ciência não avança, A ciência alcança A ciência em si

(traduction française)

Si toute coïncidence, fait que l’on comprend Et toute légende, veut arriver ici

La science on n’en apprend, la science prend La science en soi

Si toute étoile filante, le fait pour en faire du sens Et tout mythe, veut se concrétiser ici

La science on ne l’enseigne pas, la science insémine La science en soi

Si tout ce qu’on peut voir, entendre, toucher, mesurer, peser, De l’avion à jet à la tortue Réveille ce qu’on n’a pas encore pu penser De l’éternel sommeil à l’éternel devenir Comme l’orbite de la Terre, embrasse le vide lentement, Pour toucher ce qui était déjà ici Si toute croyance veut se matérialiser Aussi que l'expérience veut s’abstraire

La science n’avance pas, La science atteind La science en soi

Einstein disait que la science et l'art appartiennent au même domaine, mais s'expriment par des languages différents : "Nous entrons dans le domaine de la science et de l'art, là où le monde arrête d'être la scène de nos espoirs et désirs personnels, où l'on peut le voir comme des êtres libres, admirant, se posant des questions, observant. Si l'on montre ce qu'on voit et expérimente avec le langage de la logique, nous sommes engagés en science. Si l'on montre des formes dont les connexions ne sont pas accessibles à l'esprit conscient mais sont intuitivement reconnues comme importantes, nous sommes donc engagés dans l'art. Le point commun à tous les deux c'est la dévotion amoureuse qui dépasse les soucis personnels…" Pour Max Planck, “les scientifiques doivent avoir une imagination vivace et intuitive, car les nouvelles idées ne sont pas générées par déduction mais par une imagination artistique et créative.” Et le neurohistologiste Ramon-y-Cajal disait que “le jardin de la neurologie fournit au chercheur des spectacles captivants et des émotions artistiques incomparables. Là, mes instincts esthétiques rencontrent, enfin, totale satisfaction”. Dans “Sparks of genius”, Robert et Michelle Root-Bernstein (1999) a publié une étude décisive sur la question : “Qu'est-ce que l'imagination créative ?” Ils ont réuni et étudié les histoires racontées par des artistes et des scientifiques éminents, et ont retrouvé, par exemple, une énorme fréquence de vocations artistiques parmi 73 scientifiques étudiés : 25 musiciens et compositeurs, 29 peintres, sculpteurs, graveurs, dessinateurs, 17 poètes, écrivains et dramaturges. Ils considèrent que cela n'est

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pas surprenant, car c'est à travers l'art que les scientifiques trouvent les outils pour rendre explicite la beauté, dans l'art ou dans la science. Ils citent le mathématicien G. H. Hardy : "un scientifique, tel un peintre ou un poète, fabrique et découvre des modèles. Et les modèles du scientifique, comme ceux du peintre ou du poète doivent être beaux ; les idées, comme les couleurs, les mots ou les notes, doivent rester ensemble d'une façon harmonieuse. La beauté est le premier test en science et en art : il n'y a pas de place pour la science laide ou non inspirée." Ils y discutent les “outils mentaux” communs et révélateurs de la pensée créative, qui révèlent des connexions surprenantes entre les sciences, les arts, les humanités, les technologies, car au niveau de l'imagination créative tous pensent de la même façon. La liste de ces outils, qui selon les auteurs devraient se présenter dans l'éducation à tous les niveaux : éduquer l'imagination, évoquer des images, abstraire, reconnaître et former des modèles, établir des analogies, penser avec le corps, avoir de l'empathie, penser de façon dimensionnelle, jouer, transformer, synthétiser.

4. SCIENCE ET ART DANS LA PROGRAMMATION SCIENTIFIQUE ET EDUCATIVE D'UN INSTITUT DE RECHERCHE

Cette perspective est développée à l'Institut Oswaldo Cruz, car le défi de la formation de scientifiques et d'éducateurs engagés nécessite une vision de la Science comme élément de la culture. Les activités ci-dessous sont régulièrement pratiquées à l'Instituto Oswaldo Cruz :

 Cours de Science et Art : tous les deux ans, pour des professeurs et des scientifiques en formation, en valorisant plutôt le format “atelier” que les exposés théoriques. A la fin des ateliers, chaque participant ou groupe de participants doit présenter le produit de son travail. On exploite les antagonismes et convergences entre science et art, la compréhension du faire et du jouir artistiques comme des processus cognitifs, les interfaces entre science et art, la découverte de l'art dans la chimie, la physique, la biologie, les maths, la découverte de la science dans la littérature, la poésie, les tableaux ; le théâtre, la vidéo, le cinéma, pour communiquer la science ; la fiction et la réalité scientifiques, la liaison entre science, culture et société.

 Séminaires de Science, Culture et Art, mensuels, avec des artistes et scientifiques qui transitent dans les deux champs, pour développer ce débat entre les scientifiques, fonctionnaires et étudiants de l'Institut.

Symposiums de Science et Art, tous les deux ans, pour l'échange d'expériences de scientifiques et d'artistes et débattre sur des propositions éducatives.

Nous considérons que le mélange de science et art peut motiver l’apprentissage à différents niveaux d’enseignement et présente l’avantage de rassembler des partenaires d’équipes de scientifiques et

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d’artistes qui associent ces deux champs du savoir humain. L'art et la science sont deux aspects de la même voie, qui se complètent pour augmenter notre capacité à décrire et comprendre la nature.

Artiste

RÉALITÉ IMPRESSIONS

Scientifique

BIBLIOGRAPHIE

AGUIAR L.E.V. (2000). Risques liés à la corrosion : l’art comme moyen de motivation pour l’enseignement de la corrosion dans un cours de chimie. In A. Giordan, J.-L. Martinand et D. Raichvarg (Éds), Actes des XXIIes Journées Internationales sur l’Éducation Scientifique, 441-446. AGUIAR L.E., ARAUJO-JORGE T.C. (1999). Le regard des étudiants sur les professeurs, les professeurs de science, les chercheurs et sur leur espace d’apprentissage. In A. Giordan, J.-L. Martinand et D. Raichvarg (Éds), Actes des XXIes Journées Internationales sur l’Éducation Scientifique, 513-517.

DE MEIS L., BRAGA A., M. RUMJANEK V. & BARRAL, F. (1993a). Science and Art : Concepts and Misconceptions. Biochemical Education 21, 195-196.

DE MEIS L., MACHADO R.C.P., LUSTOSA P., SOARES V.R., CALSEIRA, M.T. & FONSECA L. (1993b). The stereotyped image of the scientist among students of different countries : evoking the alchemist ? Biochemical Education 21, 75-81.

ROOT-BERNSTEIN R., ROOT-BERNSTEIN M. (1999). Sparks of Genius : The Thirteen Thinking Tools of the World's Most Creative People. Houghton Miffling Co, Ney York.

Références

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