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ARTheque - STEF - ENS Cachan | École et médias face au SIDA : quel risque pour l'élève ?

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Academic year: 2021

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ÉCOLE ET MÉDIAS FACE AU SIDA :

QUEL RISQUE POUR L’ÉLÈVE ?

Andrée THOUMY, Paula ABOU TAYEH Université Libanaise, Faculté de Pédagogie

MOTS-CLÉS : SIDA - COLLÈGE - CONCEPTIONS

RÉSUMÉ : Nous étudions l’impact d’une campagne de prévention médiatique non ciblée contre le Sida sur des élèves libanais du niveau du collège (13 ans). Nous nous intéressons au décodage préférentiel de publicités, conduisant à une conversion de ce thème en celui de la reproduction. Nous estimons que le véritable risque se situe pour les élèves dans les réactions de répression des directions scolaires qui semblent partager avec leurs élèves le même type de décodage.

SUMMARY : This research aims to study the impact of a non focalized mediatic campaign to prevent Aids on Lebanese pupils 13 years old, and is specially concerned by the mode of decoding the mediatic messages leading to their conversion from Aids to Reproduction. It is assumed that the real risk stands in the hostile repressive reactions of the school headmasterships who seem to share with their pupils the same mode of decoding.

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1. INTRODUCTION

La situation complexe envisagée s’inscrit dans la problématique générale du traitement de l’information, défini « comme étant la manière dont l’être humain recueille, emmagasine, modifie et interprète l’information de l’environnement ou l’information accumulée à l’intérieur de l’individu... » (Lachman et al., 1979, cité par Dubé, 1986). Nous nous intéressons à l’impact d’une campagne médiatique non ciblée de prévention contre le Sida sur des élèves libanais du cycle moyen dans une société conservatrice où école traditionnelle et famille sont empêtrées dans le tabou sexuel (Thoumy, 1989). Les premiers cas de Sida déclarés au Liban entre 1984 et 1988 (Mokhbat et al., 1985 ; Komboz, 1989) vont entraîner la diffusion de brochures d’information sur le Sida et sa prévention par divers organismes concernés sans atteindre des tranches importantes de la population.

En même temps, et contrairement aux divers supports éducatifs de prévention contre le Sida utilisés auprès des adolescents - bandes dessinées (Girault, 1991), films (Girault et Adler, 1992) - des campagnes publicitaires non ciblées essentiellement télévisées ont été lancées. Cependant, une enquête sur les connaissances, les attitudes, les croyances et les pratiques d’élèves libanais du niveau secondaire (16-18 ans) à propos du Sida (O.M.S., 1993) montre que ceux-ci considèrent le préservatif comme une mesure préventive contre cette maladie et autres M.S.T. plus que comme un contraceptif (87%), résultat attribué à une campagne médiatique ayant précédé l’enquête.

Des préservatifs trouvés dans la poche d’élèves du niveau du collège (13 ans) entraînant des comportements répressifs de la part des directions scolaires, nous nous interrogeons sur l’effet des campagnes non ciblées sur ces élèves et où se situe le véritable risque pour eux. Nous faisons l’hypothèse qu’en l’absence d’informations scientifiques, avec ce groupe non concerné par la maladie, bien qu’une étude montre que 16% de la fraction sexuellement active de l’échantillon reconnaît avoir eu le premier rapport sexuel entre 11 et 15 ans (LNACP, 1996), les élèves feront un décodage préférentiel des messages des publicités, banalisant ces messages, et convertissant le thème du Sida en celui de la reproduction. Pour tester notre hypothèse, une comparaison entre le contenu des publicités et les conceptions des élèves à propos de la nature de la maladie, ses modes de transmission et de prévention, sera effectuée (questionnaire de type papier/crayon).

2. LA COMPARAISON PUBLICITÉS - CONCEPTIONS

2.1 Les publicités : les deux messages

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est présentée dans le tableau 1 : elle montre que le terme de « préservatif » peu utilisé l’est moins que celui de « Sida », et on ne note pas l’emploi simultané des deux termes, de sorte que le préservatif n’est pas proposé ici comme un moyen de protection contre le Sida. Dans les panneaux, la mention explicite des termes « préservatif » et « Sida » est absente, et le mot « sexuelle» n’apparaît jamais après « relation » contrairement aux termes d’affection et de valorisation masculine. Les sujets sont donc exposés aux publicités sans que leur message soit explicité, et il reste ésotérique dans la plupart d’entre elles.

TV1 TV2 TV3 P1 P2 Total -4 4 -8 2 -2 3 -3 1 -1 1 3 -2 4 -6 -6 -1 7

SIDA PRÉSERVATIF Sauver Protection

la vie

Utilisation des termes Objectif Information Conseil de comportement

Tableau 1 : Analyse des publicités

Cependant, tant par le discours que par l’image, un couple, présumé sain, implicite ou explicite imprègne les deux types de publicités. Par ailleurs, des informations relatives aux gestes qui ne transmettent pas la maladie et aux actes qui en favorisent la transmission (relation sans protection, transfusion sanguine, seringues non stérilisées) sont fournies par les publicités dont les profils apparaissent différents (portée plutôt morale et sociale ou contenu objectif). Leur message reste cependant ambigu pour l’échantillon car il est clair qu’elles s’adressent à des adultes, indiquant par là que les médias n’échappent que partiellement au tabou sexuel.

Deux types de messages émergent des médias : l’un explicite à 2 volets : « le Sida est une maladie

dangereuse qui peut être transmise de différentes manières dont, en premier lieu, la relation sans protection », et, de manière disjointe : « Utilisez un préservatif ». L’autre, implicite à connotation

sexuelle dit : « Il y a un couple, et donc probablement une relation sexuelle nécessitant l’utilisation

d’un préservatif. ».

2.2 Les conceptions des élèves : la conversion du message

Sur le plan cognitif, on note des pourcentages très élevés pour la transmission de la maladie par les relations sexuelles (84,3%) et pour l’utilisation du préservatif comme moyen de prévention (94,4%), les autres catégories ayant des pourcentages très faibles (2,3% pour la déficience immunitaire ; 15,7% pour les instruments souillés ; 10,1% pour la transmission de la mère au fœtus

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et 2,3% pour les tests diagnostiques pour les deux sexes) (Abou Tayeh, 1996). La présence massive des mots « sexe » et « relation sexuelle » dans les réponses malgré leur absence dans les publicités signale un décodage préférentiel chez les élèves et une conversion possible du message des médias. Le message des élèves - « Le Sida est une maladie mortelle provenant d’un virus. Elle est transmise

par les relations sexuelles. On peut s’en protéger en utilisant un préservatif » - occulte les autres

modes de transmission soulevés par les médias et exacerbe le message implicite qui aurait par conséquent été décodé. C’est donc le couple (verbal ou iconique) qui aurait fait le pont entre les 2 volets du message explicite des médias. L’identification des sources d’informations révèle une prédominance de la télévision (85,4%), alors que les panneaux publicitaires n’intéressent que 12,4%. Cependant, d’autres catégories non attendues apparaissent : les parents avec 22,5%, les amis et voisins, ainsi que les revues, avec chacun 15,8%. Enfin, les enseignants, avec un effectif de 5 sujets (5,7%), se situent au même niveau que la radio. Par ailleurs, 89,5% affirment avoir vu des publicités, la catégorie la plus représentée étant la télévision avec un pourcentage de 82,35 (Abou Tayeh, 1996).

3. DISCUSSION

Deux types de faits émergent de cette analyse : une ambiguïté du message des médias et une exacerbation par les sujets de l’aspect sexuel de la maladie. Ainsi, les publicités, particulièrement les panneaux, auraient joué un rôle de « boîte noire » où les sujets non visés mettent les thèmes qui les préoccupent. Cette absence d’explicitation des messages en éveillant ou en sollicitant l’imagination des élèves encore peu informés de manière objective sur le Sida et en suggérant des idées à connotation sexuelle aurait agi comme « activateur » du tabou sexuel. À l’opposé, le décalage informationnel entre les publicités et les réponses des élèves autorise à dire que celles-ci ont joué un rôle d’« activateur » cognitif amenant certains sujets à s’informer auprès d’autres sources sans que cet intérêt débouche sur un questionnement ; les élèves sont restés dans le quotidien et leur attitude calquée sur celle des médias. La télévision, venant au premier rang à la fois des sources d’information et de la vision des publicités, aurait eu l’impact le plus puissant sur les élèves. Devant cette pression et en l’absence d’un cadre conceptuel servant de contexte au message et d’une méthode de gestion de l’information, certains sujets se sont soumis à son injonction, s’identifiant avec les héros imaginaires ou réels de ces publicités, soumission se traduisant par l’acquisition de préservatifs. Ce comportement s’insère dans le débat sur le problème de l’influence des médias sur la personnalité et sur la résistance médiatique de la personnalité (Iljuk, 1998).

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Quant à l’exacerbation de l’aspect sexuel de la maladie et à la conversion du message, on peut dire que, bien que, dans les publicités, le lien n’ait pas été établi entre préservatif et Sida, il l’a été par les élèves, induisant l’idée que les sujets ont converti le thème du Sida en celui de la reproduction, essentiellement dans sa composante sexuelle. Par ailleurs, lorsque Girault (1991) estime « les résultats excellents pour la connaissance du préservatif comme mode de protection (100% de bonnes réponses en post-test) », ses résultats étaient accompagnés d’un pourcentage acceptable de bonnes réponses concernant les divers aspects de la maladie, à savoir 57% des sujets savent que le Sida attaque le système immunitaire, ce qui entraîne un affaiblissement de tout l’organisme (29%). Il apparaît dans la même étude que 57% des sujets interrogés savaient qu’un porteur sain est une personne qui a le virus, sans être malade et qui peut le transmettre » (Girault, 1991). Par contre, notre recherche révèle que 2,3% seulement savent qu’il s’agit d’une déficience immunitaire et 2,3% sont au courant de l’utilisation des tests diagnostiques pour le dépistage de la maladie. De ce fait, il est permis de dire qu’en l’absence de connaissances concernant la nature de la maladie, de ses modes de transmission et de prévention, les sujets ne signifient pas le Sida dans leur discours mais la reproduction et particulièrement la sexualité où l’usage du préservatif est connu comme un contraceptif. Contre toute prévision, les élèves se sont sentis concernés par ces publicités, contrairement à la famille et à l’école qui, les ayant également sans doute vues, n’ont pas réagi pour prévenir leur influence sur ces adolescents. Ceci peut être interprété en disant que parents et enseignants ne les ont pas considérés comme concernés par ces messages, ou par ignorance de leur propre rôle. Toutefois, devant la réalité des faits, les directions scolaires, semblant partager avec eux le même type de décodage des publicités, ont manifesté des réactions hostiles et de répression. La modélisation de la conversion du message peut être présentée comme suit :

tabou sexuel (SIDA) Publicités sur le SIDA Méthodes traditionnelles

Port du préservatif Conversion SIDA en reproduction Modèle de la conversion du message

APPRENANTS

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4. CONCLUSION

Le décodage préférentiel par les élèves des messages implicites des médias lors de campagnes de prévention non ciblées sur le Sida suggère à la fois de se pencher sur les modes de lecture des élèves des différentes situations qu’ils rencontrent et de s’engager dans la réalisation de campagnes de prévention ciblées. Les informations qui auraient permis de donner un sens au thème abordé dans les publicités ont, par leur absence, maintenu les propos des apprenants au niveau du slogan ; de là, la nécessité de leur fournir des informations à propos de cette maladie. L’école, n’étant pas hermétique à ce qui se déroule en dehors de ses murs mais plutôt vulnérable à divers impacts en provenance de la société, une ouverture de l’école sur la vie et un effritement du tabou sexuel s’imposent. Faute de ces mesures, le véritable risque, résiderait moins pour les élèves dans l’éventualité de contagion que dans les divers comportements hostiles et répressifs à leur égard.

BIBLIOGRAPHIE

ABOU TAYEH P., Impact de la publicité relative au SIDA sur le comportement d’un échantillon

d’élèves libanais du cycle moyen, Mémoire de D.E.S., Université Libanaise, Faculté de Pédagogie

(sous la direction de A. Thoumy), 1996.

DUBÉ L., Psychologie de l’apprentissage, Presses de l’Université du Québec, 1986.

GIRAULT Y., La bande dessinée peut-elle être un outil de prévention du Sida ? Aster, 1991, 13, Paris, I.N.R.P.

GIRAULT Y., ADLER D., Santé et prévention, in Giordan, Martinand et Raichvarg (éd.), Années

2000 : Enjeux et ressources, Actes des XIVes Journées Internationales sur l’Éducation Scientifique,

1992.

ILJUK B., DOLEJSVA L., Résistance médiatique de la personnalité, in Giordan, Martinand et Raichvarg (Éds.), Formation à la médiation et à l’enseignement, Actes des XXes Journées Internationales sur l’Éducation Scientifique, Paris, 1998.

KOMBOZ R., Sida et infections : les premiers cas au Liban, Université Saint-Joseph, Faculté de Médecine (Mémoire).

LEBANON NATIONAL AIDS CONTROL PROGRAM, National Survey on Knowledge, Attitudes, Beliefs and Practices in Relation to HIV/AIDS, Beyrouth, 1996.

MOKHBAT J. E. et al., The Acquired Immunodeficiency Syndrome (AIDS), Report of the First Case in Lebanon and a Review of the Literature, The Lebanese Medical Journal, 1985, 35, 295-311.

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O.M.S., 1993, Survey on Knowledge, Attitudes, Beliefs and Practices of Lebanese Secondary

School Students in Relation to HIV/AIDS, Beyrouth.

THOUMY A., Conceptions communes d’élèves libanais sur la reproduction, Revue Libanaise de

Figure

Tableau 1 : Analyse des  publicités

Références

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