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ARTheque - STEF - ENS Cachan | École, risque quotidien et « monde vécu » : pour une pédagogie active face aux risques de contamination

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Academic year: 2021

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ÉCOLE, RISQUE QUOTIDIEN ET « MONDE VÉCU » :

POUR UNE PÉDAGOGIE ACTIVE

FACE AUX RISQUES DE LA CONTAMINATION

Alfredo PENA-VEGA

Centre d’Études Transdisciplinaires Sociologie, Anthropologie, Histoire, E.H.E.S.S./C.N.R.S.

MOTS-CLÉS : RISQUES NUCLÉAIRES - INCERTITUDE - ÉCOLE

REPRÉSENTATION DU RISQUE

RÉSUMÉ : Cette étude traite les incertitudes liées aux problèmes de la contamination radioactive

survenue après l’accident de Tchernobyl dans une école de la république de la Biélorussie.

SUMMARY : This study deals with uncertainties linked to radioactive contamination problems

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1. INTRODUCTION

L’objectif de cette réflexion est d’enrichir la compréhension du problème de la contamination radioactive et susciter des discussions dans un domaine de la pédagogie du risque, où les réponses restent encore insuffisantes. La question de fond qui se pose, aujourd’hui, au-delà de nos observations, est : N’y a t-il pas une contradiction entre la pédagogie enseignée et le monde vécu (sous-entendu : le monde de la contamination) ? Cette contradiction ne poserait-elle pas un problème de nature éthique : la prise de conscience de la responsabilité des générations futures ? Peut-on sortir des logiques d’interdiction qui sont responsables d’une indifférence de la part des jeunes ? Ces résultats sont le produit d’un recueil et d’un traitement de données aussi ouvert, systématique et honnête que possible. Cela ne les empêche pas de stimuler la réflexion sur la réalité sociale des territoires contaminés en proposant de nouveaux schémas de compréhension, de nouvelles « problématiques du risque » ou de nouvelles visions d’un champ d’action face au diagnostic du danger et du péril de la contamination radioactive. Cela nécessite quelques exigences méthodologiques : lisibilité, implication et retour sur l’expérience. Notons, enfin, que le choix méthodologique que nous proposons n’a pour prétention ni d’avancer une quelconque rupture pédagogique, ni de proposer un enseignement qui se substituerait à la logique d’interdiction et de restriction qui prévaut dans les manuels scolaires.

2. LA PERCEPTION D’ENFANTS ADOLESCENTS FACE AU « MONDE VÉCU » DE LA CONTAMINATION

La contextualisation de la réalité radiologique de l’école d’un village biélorusse contaminé par la catastrophe de Tchernobyl nous a permis de nous interroger sur les perceptions d’enfants-adolescents face au risque. Pour cela, nous avons demandé aux scolaires entre 11 et 16 ans de préparer une composition décrivant le village leur vie, leurs activités, et préoccupations. Des quatre-vingt-dix-huit compositions, quatre-vingts ont fait l’objet d’une analyse synthétique et dix sept compositions ont été finalement traduites, donnant lieu à une analyse qui confirme l’hypothèse d’une contradiction entre la pédagogie enseignée et le monde vécu.

L’ensemble des compositions montre que la contamination et ses multiples conséquences sont au cœur des perceptions et des préoccupations des enfants et adolescents scolarisés. Le « drame de la contamination » est au centre de toutes les constellations signifiantes. Ce drame organise ou marque de son empreinte tous les registres de la vie individuelle, familiale et sociale : alimentation, loisirs,

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santé, sentiments, éthique et esthétiques, etc.). Dans ce sens, la contamination apparaît dans ces compositions comme une chose vécue, comme un état de fait.

Quels enseignements peut-on retenir des compositions ? La perception de la situation radiologique du village et de ses environs est « réduite » à une prise de conscience plus ou moins claire de la contamination et ses corollaires. En vérité, cette perception est surtout engendrée par la « culture de l’interdiction et/ou restriction » transmise par les autorités. Mais, paradoxalement, rien n’indique dans ces compositions un climat de stress ou d’angoisse. La contamination omniprésente dans la vie quotidienne et psychique des enfants n’est pas décrite comme un drame, mais bien plutôt comme une gêne frustrante. Enfin, ces compositions montrent d’une manière générale un désordre dans les repères éthico-esthétiques. Ces confusions et ces contradictions risquent d’entraîner à court et long terme, désarroi, scepticisme et passivité.

3. ENTRE REGARD PÉDAGOGIQUE ET RISQUE RÉEL : LES RÉSULTATS

La démarche méthodologique que l’on propose n’est pas fortuite. Il ne s’agit pas d’improviser, mais d’orienter les élèves vers des connaissances en interaction avec leur environnement socio-écologique. Le problème de la contamination serait au centre de ce que l’on veut apprendre : l’acceptation sociale du risque et/ou ses limites. Sans quoi, le contenu ne « passera » pas.

La prise de conscience doit, explicitement et implicitement, montrer la réalité objective : sanitaire, alimentaire, écologique, sociale, psychique, à travers le vécu et la quotidienneté de chaque enfant. Les élèves entendent que « c’est dangereux », « c’est interdit », « ce n’est pas bien », etc., mais savent que, s’ils le font, leur comportement serait vécu comme une provocation, une inconscience, et/ou une transgression.

À notre sens, les manuels classiques participent à une certaine compréhension « abstraite » de la genèse de la radioactivité. De même, en ce qui concerne l’apport à une prise de conscience des corollaires dans la vie quotidienne, les manuels n’apportent absolument rien. Reste que, comme l’écrit Olivier Reboul (1997), la méthode à apprendre « n’est vraiment éducative que si l’acteur en comprend la nécessité. S’il ne voit pas le but des exercices de détails, ceux-ci ne sont plus que des corvées qui risquent non seulement de le dégoûter d’apprendre mais plus encore de l’aliéner dans le conformisme ». Bien que le matériel fournisse d’innombrables informations sur les contraintes et les risques dans une situation de radioactivité, il est insuffisant pour que l’élève puisse organiser ou réorganiser convenablement, cognitivement parlant, son comportement. Selon nous, les élèves n’ont pas une idée très claire du résultat qu’il faut atteindre. Il ne s’agit pas d’avoir bien appris les effets potentiels induits par la contamination radioactive, encore faut-il avoir acquis une connaissance

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réelle du monde vécu afin de pouvoir se construire un «imprinting » cognitif d’une éventuelle « acceptation » du risque.

Si l’on examine l’aspect éthique, rien de ce qu’est convenu d’un jugement moral ou immoral n’a de valeur absolue pour les adolescents et encore moins pour les adultes. Et pourtant ! Il est tout à fait possible qu’une partie d’entre eux (comme le montrent les compositions) considèrent comme un mal par exemple, l’activité de la cueillette, qu’eux-mêmes nomment « les dons de la forêt », d’où cette tendance à la « déviance », principalement chez les jeunes ayant terminé leur processus de scolarisation. En grand partie, la dégradation sanitaire que l’on observe chez les enfants-adolescents, peut être imputée aux difficultés qu’éprouvent les autorités à faire passer un message de prise de conscience : une éthique de la responsabilité dans les territoires contaminés. C’est dire qu’une éthique de la responsabilité est nécessaire pour vivre dans les territoires contaminés. Et cette éthique ne peut se construire que si l’on adhère à une pédagogie de la vie.

4. CONCLUSION

Ces résultats mettent en évidence les contradictions rencontrées par les responsables pédagogiques dans la mise en œuvre d’une scolarisation qui intègre le monde réel du risque de la contamination radiologique. Dans cette même perspective, on observe l’absence d’une prise de conscience, un rejet actif, voire la négation de normes de risque présumées trop contraignantes pour être acceptées… sans parler d’une réalité épidémiologique qui joue en faveur des incertitudes d’un monde vécu. Ceci ouvre la voie à des interrogations. Peut-on, par un simple désir pédagogique, éveiller la conscience et la responsabilité des enfants-adolescents ? Est-il possible de construire des savoirs qui s’adaptent à l’environnement par une démarche comportementale du « moi », c’est-à-dire dans un monde perceptif dans lequel ces jeunes se trouvent et s’adaptent ? Il est plus que jamais nécessaire d’aider les enfants, les adolescents et les jeunes à se construire leur monde perceptif de la contamination, afin d’arriver à une meilleure perception du risque et/ou des dangers de ce dernier.

BIBLIOGRAPHIE

Alfredo PENA-VEGA et al. (sous la direction de Hériard-Dubreuil), Chernobyl Post-Accident Management, Health Physics Journal, 1999, 77(4), 361-372.

Olivier REBOUL, Qu’est-ce qu’apprendre ? Pour une philosophie de l’enseignement, Paris : P.U.F., 7e édition, 1997.

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