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Au-delà du travailleur! : un examen de l'objet et du champ d'application de la Loi sur la santé et la sécurité du travail

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(1)

Au-delà du travailleur !

Un examen de l’objet et du champ d’application de la

Loi sur la santé et la sécurité du travail

Mémoire

Julian Samson

Maîtrise en droit

Maître en droit (LL.M.)

Québec, Canada

© Julian Samson, 2017

(2)

Au-delà du travailleur !

Un examen de l’objet et du champ d’application de la

Loi sur la santé et la sécurité du travail

Mémoire

Julian Samson

Sous la direction de :

(3)

RÉSUMÉ

Ce mémoire s’intéresse à l’objet et au champ d’application de la Loi sur la santé et la

sécurité du travail (LSST). Ce mémoire soutient que cette loi québécoise vise à protéger,

non seulement les travailleurs, mais également : 1) d’autres personnes qui sont au travail et 2) les personnes autres que celles qui sont au travail, c’est-à-dire le public en général. En ce sens, la déclaration d’objet de la LSST, énoncée à son article 2, est incomplète et n’embrasse pas l’ensemble de son dispositif.

De plus, ce mémoire reconsidère les limites du champ d’application de la LSST. Au sujet de sa dimension personnelle, est mise à mal l’idée que la présence de travailleurs est essentielle à l’application de cette loi. Au sujet de sa dimension territoriale, est réitérée l’idée que la LSST déborde du strict lieu de l’établissement et s’étend à tout lieu de travail. Enfin, émerge de la loi une dimension circonstancielle inédite reposant sur l’activité de travail. Cette dimension transcende les dimensions territoriale et personnelle, mais n’est pas bien définie et n’est pas pleinement concrétisée dans la loi. Elle parait néanmoins favoriser davantage la réalisation de l’objet de la LSST.

Ces constats sur l’objet et le champ d’application émergent d’abord d’un examen de l’ensemble du texte de la LSST et de ses règlements. Ils s’expliquent également par les origines et l’historique des lois relatives à la santé et à la sécurité du travail. Malgré qu’ils soient confortés par les droits fondamentaux contenus dans les documents nationaux et internationaux en droit du travail et plus largement en matière de droit à la vie ainsi qu’à la sureté, à l’intégrité de la personne, ces constats se heurtent néanmoins au libellé de plusieurs dispositions de la LSST qui réfèrent strictement au « travailleur ». Les règles d’interprétation et les principes de droit administratif ne peuvent redresser pleinement cette situation.

En définitive, ce mémoire invite le législateur à modifier la LSST afin d’améliorer la protection de la santé, de la sécurité et de l’intégrité physique de toute personne dans la réalisation d’activités de travail : l’objet fondamental de cette loi.

(4)

SUMMARY

This thesis focuses on the object and scope of application of the Act respecting

occupational health and safety (AOHS). It maintains that the purpose of this Quebec

legislation is to protect not only workers, but also: 1) other persons at work and 2) persons other than those at work, namely the public at large. In this sense, the stated object of the AOHS, as worded in section 2, is incomplete and does not encompass its entire purpose.

Moreover, this thesis re-examines the limits of the scope of application of the AOHS. With regard to the individual dimension of the Act, this thesis challenges the idea that the presence of workers is essential to its application. As for its territorial dimension, this thesis reiterates the idea that the AOHS goes beyond the strictly defined workplace itself and extends to any place where work is carried out. Finally, from the Act there emerges a new circumstantial dimension – based on work activity – that transcends the territorial and individual dimensions, but is not well defined and not fully reflected in the Act. However, this dimension would appear to further foster the achievement of the objectives of the AOHS.

These findings regarding the object and scope of application are based, first of all, on an examination of the entire text of the Act and its attendant regulations. They are also explained by the origins and history of laws relating to occupational health and safety. Although these findings are supported by the fundamental rights stated in national and international labour law instruments and, more broadly, in legislation relating to the right to life and to personal security and inviolability, they nevertheless clash with the wording of many of the provisions of the AOHS, which refer strictly to “workers.” The rules of interpretation and the principles of administrative law cannot fully remedy this situation.

Ultimately, this thesis invites the legislator to amend the AOHS to improve the protection of the health, safety and physical well-being of all individuals in the achievement of work activities, which is the fundamental object of this Act.

(5)

TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ... iii  

TABLE DES MATIÈRES ... v  

ABRÉVIATIONS ... ix  

NOTE AU LECTEUR ... xiii  

REMERCIEMENTS ... xv   AVANT-PROPOS ... xvi   INTRODUCTION ... 1   §1 - Mise en contexte ... 1   §2 - Problème ... 3   2.1 - À l’exclusion du public ? ... 3  

2.2 - Pas uniquement les travailleurs ! ... 7  

§3 - Questions de recherche ... 10  

§4 - Thèse ... 12  

§5 - Cadre conceptuel et méthodologie ... 13  

§6 - Plan ... 14  

PREMIÈRE PARTIE

PORTÉE DE LA LSST : L’EXAMEN DU TEXTE ... 15

 

CHAPITRE 1 OBJET DE LA LSST : LA PRIMAUTÉ DU DISPOSITIF SUR LA DÉCLARATION D’OBJET ... 16  

§1 - Travailleur : l’insuffisante vedette ... 16  

1.1 - Dispositions législatives ... 16  

1.2 - Dispositions règlementaires ... 21  

1.3 - Autres législatures provinciales et Parlement fédéral ... 33  

Conclusion ... 37  

§2. - Au-delà des déclarations d’objet : les assises légales et doctrinales ... 38  

2.1 - Caractéristiques, usages et limites des déclarations d’objet ... 38  

2.2 - Objet, but et finalité d’une loi ... 41  

2.3 - Cessante ratione legis, cessat lex ipsa ... 45  

(6)

CHAPITRE 2 CHAMP D’APPLICATION DE LA LSST :

ENTRE DIMENSION PERSONNELLE ET DIMENSION TERRITORIALE ... 53  

§1 - Application universelle présumée ... 54  

1.1 - Champ d’application : définitions et dimensions ... 55  

1.2 - CHAPITREII de la LSST : confusion issue du titre ... 59  

1.3 - Exemptions règlementaires et universalisme pénal ... 65  

Conclusion ... 68  

§2 - Affaiblissement de la dimension personnelle ... 69  

2.1 - Pas uniquement en fonction de la relation employeur-travailleur ... 69  

2.2 - Sur les lieux de travail, même en l’absence de travailleur ... 75  

Conclusion ... 78  

§ 3 - Prolongement de la dimension territoriale ... 78  

3.1 - Application à tout établissement ... 78  

3.2 - Application à tout chantier ... 94  

3.3 - Application à un « lieu de travail » non autrement qualifié ... 97  

Conclusion ... 99  

§ 4 - Décèlement d’une troisième dimension : l’activité de travail ... 99  

4.1 - Références au travail et à l’activité de travail dans la LSST ... 99  

4.2 - Difficile définition de l’activité de travail ... 102  

Conclusion ... 107  

CONCLUSIONS PREMIÈRES ... 108  

DEUXIÈME PARTIE

CONTEXTE GLOBAL DE LA LSST :

L’EXAMEN HISTORIQUE ET SYSTÉMIQUE ... 110

 

CHAPITRE 3 ORIGINE ET ÉVOLUTION DE LA LSST : LA SÉCURITÉ DE TOUS EN FILIGRANE ... 111  

§1 - Au temps des « Factory Acts » : les origines anglaises du droit québécois (1788 - 1885) ... 111  

1.1 - Naissance et élargissement progressif du droit anglais ... 112  

1.2 - Importation du droit anglais en droits canadien et québécois ... 115  

Conclusion ... 117  

§2 - Au « temps mort » de la législation québécoise (1885 - 1960) ... 118  

2.1 - Premiers pas de la législation québécoise : mise en place de l’inspection et élargissement des lieux couverts ... 118  

2.2 - Évolution d’un régime d’indemnisation indépendant de la prévention ... 119  

(7)

§ 3 - Au temps des réformes :

la place du public dans le droit anglais et québécois (1964 - 1980) ... 124  

3.1 - Victime de tragédies industrielles : le public anglais au cœur des réflexions et de la législation ... 125  

3.2 - Épargné des tragédies industrielles : le public québécois négligé par le législateur .. 134  

Conclusion ... 149  

CHAPITRE 4 DROITS FONDAMENTAUX, INTERPRÉTATION DES LOIS ET DROIT ADMINISTRATIF : DÉPASSER LE TEXTE DE LA LSST ... 151  

§1 - Généralité et ambivalence : la non mise en œuvre d’un droit économique et social ... 151  

1.1 - Charte québécoise : des « conditions de travail justes et raisonnables » pour « toute personne qui travaille » ... 152  

1.2 - Conventions de l’OIT en matière de santé et du travail : une définition large du « travailleur » ... 155  

Conclusion ... 163  

§2 - Cohérence et absurdité : les limites à l’interprétation des lois ... 164  

2.1 - Vers un élargissement des notions de « travailleur » et d’« employeur » ... 165  

2.2 - Arrêt des travaux pour la protection du public : correction d’une lacune ... 180  

2.3 - Alternative à l’élargissement de la notion de travailleur et d’employeur ... 188  

Conclusion ... 192  

§3 - Primauté du droit et Charte : les limites à l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire ... 194  

3.1 - Arrêt des travaux : quelle discrétion pour l’inspecteur? ... 194  

3.2 - Primauté du droit, Charte et autres facteurs à prendre en compte ... 196  

Conclusion ... 200  

CONCLUSIONS SECONDES ... 202  

CONCLUSION GÉNÉRALE ... 204  

§1 - Questions de recherche ... 204  

§2 - Pour une réforme du droit de la santé et de la sécurité du travail ... 207  

Mot de la fin ... 210  

(8)

ANNEXES ... 235

  ANNEXE 1 : Entrée en vigueur des articles de la LSST ... 236   ANNEXE 2 : Articles de journaux évoquant l’intervention

d’inspecteurs de la CSST au sujet de la sécurité du public ... 237   ANNEXE 3 : Rapport d’enquête d’inspecteur de la CSST

pour des situations relatives à la sécurité du public ... 241   ANNEXE 4 : Dispositions des lois canadiennes en matière de santé et

de sécurité du travail pouvant consacrer une protection

à des personnes autres que des travailleurs ... 245 ANNEXE 5 : Dispositions des lois d’interprétation canadienne relatives

à l’objet des lois ... 260   ANNEXE 6 : Dispositions des lois canadiennes en matière de santé et

de sécurité du travail définissant un concept similaire à celui de

maitre d’œuvre défini à la LSST ... 262   ANNEXE 7 : Act for the preservation of the Health and Morals of

Apprentices and others employed in Cotton and other Mills, and Cotton and other Factories, 1802 (R.-U.) 42 Geo III c. 73 ... 265   ANNEXE 8 : Articles de journaux d’accidents industriels

des années 60 et 70 au Québec ... 269  

LISTE DES FIGURES

FIGURE 1 : « Crane Collapses on Bus », 1 juin 1964. ... 125   FIGURE 2 : « A sea of Sludge upon Green Aberfan » ... 128   FIGURE 3 : « 100 ans d’actualité » : article du 6 mars 1958

reproduit dans la presse du 5 mars 1984 ... 269   FIGURE 4 : « 100 ans d’actualité » : article du 8 septembre 1958

(9)

ABRÉVIATIONS

A.C. Arrêté en conseil

AC Appeal Cases

AD Appeal Division

A.G. Assemblée générale

Alb. Alberta

Art. Article

AZ Azimut

BIT Bureau international du Travail

BNQ Bureau de normalisation du Québec

B.Q.D.C. Bulletin québécois de droit constitutionnel

B.R. Rapports judiciaires de Québec. Cour du Banc de la Reine (en appel)

BRP Bureau de révision paritaire

c. Chapitre

C. de D. Cahiers de droits

CA Cour d’appel du Québec

CALP Commission d’appel en matière de lésions professionnelles; ou

C.A.L.P. Décisions de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles C.c.B.-C. Code civil du Bas-Canada

C.c.Q. Code civil du Québec

CCQ Commission de la construction du Québec

CCSM Continuing Consolidation of the Statutes of Manitoba

Ch. Chapitre

CIC Commission de l’industrie de la construction

CLP Commission des lésions professionnelles

C.L.P. Décisions de la Commission des lésions professionnelles CEE-ONU Commission Economique des Nations Unies

CF Cour fédérale

CFA Cour fédérale d’appel

CJ Court of justice

C.J.E.P.S. Canadian Journal of Economics and Political Science C.L.P.E. Commission des lésions professionnelles express

Cmnd Command Paper, (UK) Fifth series 1956-1986

Co Litt. Institutes of the Lawes of England or, a Commentarie upon Littleton, Co Rep. Coke’s King’s Bench Reports 1572-1616

Cornell L.Q. Cornell Law Quarterly

CQ Cour du Québec

CRTC Canadian Railway and Transport Cases 1939-1966

CS Cour supérieure

(10)

CSR Code de la sécurité routière

CSTC Code de sécurité pour les travaux de construction CSST Commission de la santé et de la sécurité́ du travail

CNESST Commission de l’équité salariale, la Commission des normes du travail

D. Décret

dir. Sous la direction

DLR (4e) Dominion Law Reports, Fourth Series (Can)1984-

Doc. Document

D.T.E. Droit du travail express

East East’s Term Reports, King’s Bench 1801-1812

E & B Ellis and Blackburn’s Queen’s Bench Reports 1852-1858

Eliz. Elizabeth

ÉPI Équipement de protection individuel

ER English Reports 1220-1865

Ex Law Reports, Exchequer Reports 1847-1880

G.O. Gazette officiel

Geo. Georges

HC House of Common

HL House of Lord

HMSO Her Majesty’s Stationary Office

Id. Idem

Jur (NS) Jurist Reports (New Series) 1855-1867

KB King Bench

LAA Loi sur l’assurance automobile du Québec

LATMP Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles LEIC Loi des établissements industriels et commerciaux

Légis. Législation

LJ Ex Law Journal Reports, Exchequer, New Series 1831-1875 LJQB Law Journal Reports, New Series, Queen’s Bench 1831-1946

LN Law Notes (England & Wales) 1885-1994

LN-B Lois du Nouveau-Brunswick

Lofft’s Lofft’s King’s Bench Reports 1772-1774

L.Q. Lois du Québec

LRC Lois révisées du Canada

LRQ. Lois refondues du Québec

LSST Loi sur la santé et la sécurité du travail

LT Law Times Reports 1859-1947

LTOS Law Times Reports, Old Series 1843-1859

McGill L.J. McGill Law Journal

N.U. Nations-Unies

(11)

OCQ Office de la construction du Québec

OHS Occupational Health and Safety

OIT Organisation internationale du travail

OLRB Ontario Labour Relation Board

ORCC Office de révision du Code civil

par. Paragraphe

Parl. Parliament / parlement

PEISC Prince-Edward-Island Supreme Court

Qc Québec

QB Queen’s Bench Reports (Adolphus and Ellis, New Series) 1841-1852 Q.L.S.J. Queensland Law Society Journal

RCS Recueil de la Cour suprême du Canada

R. du B. can. Revue du Barreau canadien.

R.D.U.S. Revue de droit de l’Université de Sherbrooke

REIC Règlement sur les établissements industriels et commerciaux

Rés. Résolution

Rév. Révision

RIPC Règlement sur l’information sur les produits contrôlés

RIPD Règlement sur l’information concernant les produits dangereux

RJQ Recueils de jurisprudence du Québec

R.J.T. Revue juridique Thémis

RJDT Recueil de jurisprudence en droit du travail RLRQ Recueil des lois et des règlements du Québec

RPBMD Règlement sur les pompes à béton et les mâts de distribution RQMT Règlement sur la qualité du milieu de travail

RRA Recueil en responsabilité et assurance

RRS Revised Rules of Saskatchewan

RSA Revised Statutes of Alberta

RSBC Revised Statutes of British Columbia RSPEI Revised Statutes of Prince-Edward-Island

RSHTF Règlement sur la sécurité et l’hygiène dans les travaux de fonderie RSNL Revised Statutes of Newfoundland and Labrador

RSNWT Revised Statutes of the Northwest Territories

RSO Revised Statutes of Ontario

RSSM Règlement sur la santé et la sécurité du travail dans les mines RSST Règlement sur la santé et la sécurité du travail

RSSTAF Règlement sur la santé et la sécurité des travaux forestiers

RSSTMC Règlement sur la salubrité et la sécurité du travail dans les mines et carrières

RSY Revised Statutes of Yukon

RTF Règlement sur les travaux forestiers RTNU. Recueil des traités des Nations-Unis.

(12)

R.-U. Royaume-Uni

sess. Session

S.F.P.B.Q. Service de la formation permanente, Barreau du Québec

SGH Système général harmonisé de classification et d’étiquetage des produits chimiques

S.Q. Statuts du Québec

SS Statutes of Saskatchewan

SNS Statutes of Nova Scotia

S.R.Q. Statuts refondus du Québec

S.t.c.u.m. Commission des transports de la Communauté urbaine de Montréal S.c.f.p. Syndicat canadien de la fonction publique

TT Tribunal du travail

TAT Tribunal administratif du travail

U.S. United States of America

Vict. Victoria

Vol. Volume

Will. William

WR Weekly Reporter 1853-1906

WWR Western Weekly Reports (Can) 1911-1950; 1955-

Y.L.J. Yale law journal

(13)

À Hubert, Sylvestre et Hortense

Il faut que tu saches […] S’il vaut mieux trouver des réponses ou poser des questions […] Si tu sais toujours pas Crois comme moi qui cherche à croire Que l’important c’tait pas d’savoir mais d’jamais oublier d’chercher pour ceux qui viendront après toi Pour ceux qui viendront après toi Fred Pellerin

(14)

NOTE AU LECTEUR

La présente recherche est à jour au 31 décembre 2015. Le 1er janvier 2016 est entrée en vigueur la Loi regroupant la Commission de l’équité salariale, la Commission des normes

du travail et la Commission de la santé et de la sécurité du travail et instituant le Tribunal administratif du travail (L.Q., c. 15, 2015). Cette loi institue le Tribunal administratif du

travail (TAT) qui assume dorénavant les compétences de la Commission des lésions professionnelles (CLP) en plus de celles de la Commission des relations du travail. Cette loi entraine également le regroupement des activités de la Commission de la santé et de la sécurité́ du travail (CSST) avec celles de la Commission de l’équité́ salariale et celles de la Commission des normes du travail. L’organisme ainsi regroupé porte maintenant le nom de Commission des normes, de l’équité́, de la santé et de la sécurité́ du travail (CNESST).

Comme les principales dispositions législatives étudiées dans ce mémoire n’abordent pas le fonctionnement des entités chargées de l’application de la Loi sur la santé et la sécurité du

travail (LSST) et comme la jurisprudence citée ne réfère qu’à la CSST et à la CLP, il a été

préféré de maintenir les références à ces deux organismes dans le présent mémoire.

Enfin, à moins d’une indication contraire, les soulignements dans les extraits cités sont ceux de l’auteur du présent mémoire.

(15)

REMERCIEMENTS

Je dois d’emblée remercier ma directrice de recherche, Anne-Marie Laflamme. Depuis mon premier cours en droit de la santé et de la sécurité du travail en 2004, jusqu’à la direction de ce mémoire, elle a été une grande source d’inspiration. Je la remercie de m’avoir suivi et appuyé dans ce sujet un peu baroque qu’est la sécurité du public dans la LSST. Merci pour l’écoute et les encouragements, mais surtout pour les nombreux commentaires qui ont donné corps à ce mémoire.

Je dois ensuite remercier mon patron, Guy Tremblay. Je le remercie de m’avoir recruté comme inspecteur et ensuite comme chef d’équipe. Merci pour l’exemple, pour la confiance témoignée et surtout pour l’accommodement. Sans cela, il ne m’aurait pas été possible de combiner études et travail.

Je dois aussi remercier les avocats que j’ai eu la chance de côtoyer dans le cadre de mon travail. Je pense, entre autres, à Me Claude Lanctot, mon premier « avocat régional », et surtout à Me Stéphane Larouche. Sincère merci de m’avoir fait découvrir la pratique du droit et donné le gout de m’y consacrer.

Je remercie également mes collègues de la Direction régionale de la Chaudière-Appalaches de la CSST. Merci pour votre camaraderie et vos encouragements. Une pensée particulière à mes collègues inspecteurs dont le travail est la source d’inspiration première de ce mémoire. Merci de m’avoir écouté plus d’une fois vous exposer ma théorie et d’en avoir débattu avec moi.

Sur le plan personnel, je remercie famille et amis. Merci à mes parents pour leur soutien indéfectible. Merci à ma grande sœur et à ses enfants de me permettre de décrocher lors de merveilleux weekends. Merci à mes amies Datiane et Katherine-Ann.

(16)

AVANT-PROPOS

L’auteur du présent mémoire est inspecteur à la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) depuis 2007. Les propos qui sont tenus dans ce texte n’engagent toutefois que l’auteur. Ils ne doivent pas être considérés comme étant la position de la CNESST sur les questions qui y sont soulevées.

Ces questions émergent tout de même d’expériences vécues à titre d’inspecteur. Elles sont nées bien avant l’intervention d’un collègue sur un chantier de construction, intervention qui a mené aux différents jugements dans l’affaire Éric Nadeau1. Dans cette affaire, il s'agissait de déterminer si les administrateurs d'une compagnie étaient assujettis aux obligations de la LSST malgré le fait qu'il ne s'agissait pas de « travailleurs » au sens de cette loi. La Cour d’appel du Québec y a confirmé l’existence, dans la Loi sur la santé et la

sécurité du travail (LSST), de droits et d’obligations pour des catégories de personnes qui

travaillent, mais qui ne sont pas des travailleurs. Si l’arrêt de la Cour d’appel et les décisions des tribunaux inférieurs dans cette affaire vont dans le sens de nos conclusions, tous les arguments n’ont pas été avancés devant la Cour. Il est notamment souhaité que ce mémoire contribue à convaincre de la justesse des conclusions des tribunaux sur la protection des autres personnes qui travaillent et à élargir la portée des conclusions à d’autres articles de la LSST.

Par ailleurs, les questions soulevées par l’affaire Éric Nadeau ne constituent que la pointe de l’iceberg. En effet, la question beaucoup plus vaste de la sécurité du public anime particulièrement le présent examen de la LSST. La jurisprudence en cette matière demeure, à ce jour, équivoque.

En définitive, ces questions sont devenues les motifs d’un examen des fondements et de la structure de la LSST. Les réflexions présentées sont en mesure d’influencer l’interprétation et l’application de la LSST à l’égard des travailleurs. Ces derniers sont, certes et toujours, les sujets premiers de la LSST, mais jamais les uniques titulaires des droits qui y sont promus. C’est ce qui est défendu ici.

(17)

INTRODUCTION

§1 - Mise en contexte

Au Québec, la Loi sur la santé et la sécurité du travail2 (LSST) est la principale loi

encadrant la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Lors de son entrée en vigueur en 19803, la LSST remplaçait la Loi des établissements industriels et

commerciaux4 (LEIC), loi qui avait elle-même remplacé l’Acte des manufactures de

Québec5 de 1885. Au-delà des questions de santé et de sécurité, cet acte est reconnu comme la première loi québécoise visant la protection des travailleurs6.

Alors que la LSST porte essentiellement sur la prévention, la Loi sur les accidents du

travail et les maladies professionnelles7 (LATMP) porte, quant à elle, sur l’indemnisation

et la réadaptation des travailleurs victimes de lésions professionnelles. Conjointement, ces deux lois viseraient, au Québec, plus de 3,7 millions de travailleurs8. Ces derniers sont

collectivement à l’emploi de près de 226 000 employeurs9.

À l’instar des lois qui l’ont précédé, la LSST prévoit la nomination d’inspecteurs, afin d’assurer son application. Ceux-ci sont nommés suivant la Loi sur la fonction publique10 et

2 L.Q. 1979, c. 63, RLRQ, c. S-2.1.

3 Adoptée en troisième lecture le 20 décembre 1979 (QUEBEC,ASSEMBLEE NATIONALE, Journal des débats. 4e

sess., 31e légis., vol. 21 – n°85, p. 4843) puis sanctionnée le 21 décembre 1979 l’article 337 de la LSST prévoyait son entrée en vigueur « à la date qui sera fixée par la proclamation du gouvernement » et la possibilité d’en exclure des articles à entrer en vigueur « en tout ou en partie, à toute date ultérieure qui

pourra être fixée par proclamation du gouvernement. ». La proclamation du 10 janvier 1980 porta sur quinze

articles seulement. Des décrets subséquents ont vu l’entrée en vigueur progressive de l’essentiel de la LSST (ANNEXE 1, infra p. 237). Les dispositions concernant le « comité de chantier » (art. 204 à 208) et le

« représentant à la prévention » (art. 209 à 215) ne sont pas pas encore en vigueur.

4 Loi des établissements industriels et commerciaux, S.Q. 1934, 24 Geo.V, c. 55. Depuis la refonte de 1977,

elle est connue sous L.R.Q, c. E-15 (abrogée). Avant 1934, elle portait le nom de Loi des établissements

industriels de Québec, S.Q. 1894, 57 Vict., c. 30.

5 Acte des manufactures de Québec, S.Q. 1885, 48 Vict., c. 32.

6 Christian DESILET, Histoire des normes du travail au Québec de 1885 à 2005 : de l’Acte des manufactures à

la Loi sur les normes du travail, Québec, Publications du Québec, 2006, p. 27 et s.

7 Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, RLRQ, c. A-3.001 (ci-après « LATMP »). 8 CSST, Rapport annuel, 2014, p. 10 : « 3 754 690 : Nombre de travailleurs couverts ». <http://www.cnesst.

gouv.qc.ca/Publications/400/Documents/DC-400-2032-8web.pdf> (consulté le 1er mai 2016)

9 Id. : « 225 926 : Nombre d’employeurs inscrits ». 10 RLRQ, c. F-3.1.1.

(18)

ils sont des fonctionnaires de la CSST11. Dans l’arrêt Domtar inc., la juge Rousseau-Houle souligne justement que « c’est la loi elle-même qui confère à l’inspecteur des pouvoirs

considérables. En d’autres termes, il ne tient pas ces pouvoirs par délégation. »12

Les inspecteurs de la CSST disposent de larges pouvoirs. La juge Rousseau-Houle de poursuivre : « Comme il a été observé précédemment, [leurs] fonctions ne se bornent pas à

vérifier si les règlements sont respectés. »13 Ainsi, leurs pouvoirs sont d’enquête14, mais également de contrainte. Les inspecteurs peuvent notamment émettre15 des avis de correction « enjoignant [à] une personne de se conformer à la [LSST ou à ses]

règlements »16, suspendre les travaux ou ordonner la fermeture d’un lieu de travail

« lorsqu’il[s] juge[nt] qu’il y a danger pour la santé, la sécurité ou l’intégrité physique des travailleurs ».17

Près de 300 inspecteurs de la CSST effectuent annuellement près de 36 000 visites de lieux de travail18. En 2013, ces visites ont mené à l’émission de 72 000 avis de correction pour des manquements à la LSST ou à ses règlements et entrainé 4900 décisions d’arrêt des travaux, appositions de scellés ou fermetures des lieux de travail.

Ces interventions ont mené à l’émission de plus de 4600 constats d’infraction.19 La capacité

d’intenter de telles poursuites pénales est accordée à la CSST20. La LSST contient

principalement deux dispositions créatrices d’infractions :

11 LSST, art. 177.

12 Domtar inc c. Québec (Commission d’appel en matière de lésions professionnelles), [1990] RJQ 2190 (CA)

(ci-après « Domtar »).

13 Id.

14 Voir notamment les articles 179 et 180 de la LSST.

15 Afin de respecter le texte de l’article 182 de la LSST, l’expression « émettre un avis de correction » est

utilisée dans ce mémoire. Les légistes invitent maintenant à « [é]viter le verbe émettre, auquel on prête à tort

la même extension que le verbe anglais to issue » QUEBEC, COMMISSION DE TERMINOLOGIE JURIDIQUE,

Termes juridiques – Vocabulaire anglais-français, 3e éd., Québec, Ministère de la Justice, 2007

<http://www.justice.gouv.qc.ca/francais/publications/generale/termes/delivrer.htm> (consulté le 1er décembre

2016).

16 LSST, art. 182. Voir également l’art. 217. 17 LSST, art. 186. Voir également l’art. 218. 18 CSST, Rapport annuel, 2014, préc., note 8, p. 10. 19 Id., p. 110.

(19)

En outre de l’article 235 [LSST] relatif aux fausses déclarations et au défaut de fournir les informations requises, seuls deux autres articles de la [LSST] sont créateurs d’infraction, soit les articles 236 et 237. Alors que l’article 237 [LSST] constitue une infraction autonome, l’article 236, pour sa part, doit être associé à une contravention à la loi ou à un règlement pour devenir créateur d’infraction. […]

La lecture du libellé de ces deux dispositions, ainsi que le montant des peines qui y sont rattachées, nous permet de constater une gradation dans le niveau de gravité associée à ces infractions, celle prévue à l’article 236 étant de gravité moindre que celle prévue à l’article. [REFERENCES OMISES]21

§2 - Problème

Suivant le premier paragraphe de la déclaration d’objet de la LSST, les travailleurs sont assurément des personnes protégées par cette loi : « La présente loi a pour objet

l’élimination à la source même des dangers pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs. »22 Mais est-ce que la loi vise uniquement ces personnes?

2.1 - À l’exclusion du public ?

Sans toujours faire référence à la déclaration d’objet de la LSST, certaines décisions des tribunaux administratifs23 et judiciaires24 indiquent que cette loi ne vise pas le public en général ou ne vise qu’à protéger les travailleurs seulement.

En 1988, le juge Beetz, dans l’arrêt Bell Canada, mentionne : « Je ne pense donc pas que la

[LSST] vise à protéger la santé et la sécurité des personnes en général dans la province. »25. En 1992, le juge Jean-Jacques Croteau de la Cour supérieure va dans le

21 Tatiana Santos DE AGUILAR et Dominique TRUDEL,« Prévention des lésions professionnelles : une loi et

deux tribunaux pour l’interpréter », dans S.F.P.B.Q., vol. 346, Développements récents en droit de la santé et

sécurité au travail, (2012), Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2012, p. 92.

22 LSST, art. 2.

23 De 1985 à 1998, la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (CALP) disposait, en

dernière instance, des contestations déposées à l’encontre de décisions de la CSST ou de ses inspecteurs relativement à la prévention-inspection. Entre 1998 et 2016, c’est la Commission des lésions professionnelles (CLP), à titre de tribunal administratif, qui joue ce rôle. Les décisions des inspecteurs doivent d’abord faire l’objet d’une révision administrative de la part de la CSST avant de pouvoir être soumises à la CLP.

24 Depuis l’abolition, en 2002, du Tribunal du Travail (TT), c’est la Cour du Québec – Chambre criminelle et

pénale qui agit comme tribunal de première instance pour les poursuites pénales prises en vertu de la LSST. Voir la Loi sur les tribunaux judiciaires, RLRQ, c. T-16, art. 106, al 3, par. 13.

25 Bell Canada c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail), [1988] 1 RCS 749, par. 165

(ci-après « Bell Canada ») un arrêt rendu parallèlement avec les décisions Compagnie des chemins de fer

(20)

même sens : « la [LSST] a pour fondement de protéger les travailleurs seulement. »26 Des propos similaires ont aussi été tenus par des commissaires de la Commission des lésions professionnelles (CLP) : « [L]a volonté du gouvernement était d’assurer la sécurité des

travailleurs et non celle du public en général. »27 et « [La commission d’appel] n’a pas à

décider, dans le cas présent, de la santé ou de la sécurité du public voyageur. »28

Or, une simple lecture de la LSST permet d’identifier des dispositions s’intéressant expressément à la sécurité de personnes n’ayant pas nécessairement de lien d’emploi, ni même de lien contractuel avec les acteurs du milieu de travail29. Qu’elles aient été adoptées en vertu de la LSST, ou maintenues en vigueur lors de son adoption, des dispositions règlementaires sont de même nature30.

Compensation Board), [1988] 1 RCS 897. La question générale soulevée dans ces affaires est résumée ainsi

par le juge Beetz, dans Bell Canada : « une loi provinciale qui réglemente les conditions de santé et de

sécurité du travail, comme les lois en litige, est-elle constitutionnellement applicable à une entreprise fédérale? » (par. 2). Plus précisément, dans l’affaire Bell Canada, la Cour devait déterminer si les dispositions

de la LSST « relati[ve]s au retrait préventif de la travailleuse enceinte, sont constitutionnellement

applicables à l’intimée Bell Canada, une autre entreprise fédérale. » (par. 5).

26 Hydro-Québec c. Brassard (3 septembre 1992), Montréal 500-05-019919-917 (CS). Il s’agit d’une requête

en évocation par Hydro-Québec à l’encontre d’une décision rendue par le commissaire Réal Brassard de la CALP. Ce jugement origine de décisions rendues par un inspecteur de la CSST à la suite d’une plainte d’un syndicat d’employés d’Hydro-Québec concernant le travail de ses membres à proximité de parafoudres et demandant leur débranchement. L’un des motifs au soutien de la requête en évocation est que le commissaire Brassard avait erronément « voul[u] protéger le public en général par l’élimination de tout risque. ». La Cour supérieure a conclu que le commissaire « a erronément adjugé pour le public » et a accueilli la requête.

27 Général International et Rona inc. 2009 QCCLP 1250 par. 49. Cette décision origine de décisions rendues

par un inspecteur de la CSST à l’endroit de Rona inc. lui enjoignant de cesser de vendre certains modèles de bancs de scie et de perceuses à colonne fabriqués pour elle par Général International. Bien que le fabriquant entendait démontrer que les équipements étaient sécuritaires, les requérants demandèrent à la CLP d’annuler les décisions de l’inspecteur parce que les équipements s’adressaient au public et donc que les décisions avaient été rendues hors du champ de compétence de la CSST. La CLP accueillit ce moyen préliminaire.

28 Fraternité des chauffeurs d’autobus et Opérateur de Métro c. S.T.C.U.M (28 janvier 1992), Montréal

21387-60-9009 (CALP). Cette décision origine d’un avis de correction émis par un inspecteur de la CSST concernant l’absence d’un dispositif permettant à l’opérateur d’une rame de métro de connaître la situation sur les quais après avoir franchi l’aplomb du miroir convexe. Alors que pour l’inspecteur : « […] l’’absence de

dispositif à cet effet renda[it] la conduite des rames de métro plus stressante », la CALP annula l’avis de

correction estimant que la situation « ne met[tait] pas en danger la santé, la sécurité ou l’intégrité physique

des opérateurs de métro. »

29 Ces dispositions sont présentées au CHAPITRE 1 - §2 de ce mémoire.

30 À l’adoption de la LSST, les règlements adoptés en vertu d’autres lois ont été maintenus en vigueur. Il

s’agissait, notamment de ceux adoptés en vertu de la LEIC, par l’article 286 LSST (infra, note 87) et de certains règlements adoptés en vertu de la Loi sur les mines, L.R.Q., c. M-13, par l’article 294 LSST (infra, note 107).

(21)

Certaines décisions administratives et judiciaires ont donné plein effet à ces dispositions31. D’autres décisions ont aussi soutenu, de manière plus générale, que les employeurs avaient des obligations à l’égard de quiconque pour les situations et les lieux sous leur autorité, d’abord dans les mines :

[L]es obligations de santé et de sécurité au travail de la Mine Niobec, en tant que propriétaire et employeur, s’appliquent à tous les travailleurs œuvrant dans la mine et également, à tous les visiteurs qui s’y rendent.32

Un employeur a le devoir de protéger les travailleurs ainsi que les visiteurs qui se rendent à l’intérieur de la mine.33

Cette même conclusion a été reprise, à l’égard des chantiers de construction :

[I]l est certain que le Tribunal sera exigeant dans les mesures de supervision appliquées pour assurer la sécurité des travailleurs ou tout citoyen qui déciderait de circuler dans l’aire de travail de l’opérateur.34

Les citoyens à qui on permet l’accès au chantier sont également sous la responsabilité et la supervision du maître d’œuvre.35

31 Par exemple, la CLP a reconnu que le maître d’œuvre d’un chantier avait « la responsabilité d’assurer la

sécurité du public conformément aux articles 2.4.2.(a) et 2.4.4. du CSTC. » Construction Socam ltée et CSD-Construction (1er juin 2006), Laval 275851-61-0511 (CLP), par. 34.

32 Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Services minéraux industriels inc. (Mine Niobec),

2006 QCCS 3345, par. 47 (ci-après « Mine Niobec »). Ce jugement origine d’un accident survenu en 2001, lorsqu’une porte, située à l’entrée d’une mine, s’est refermée sur un tracteur, écrasant mortellement le foreur qui le conduisait. Bien que le foreur était à l’emploi d’un de ses sous-traitants, la compagnie Mine Niobec fut poursuivie en vertu de l’article 237 LSST en tant qu’employeur pour avoir « compromis directement et

sérieusement la santé, la sécurité et l’intégrité physique d’un travailleur ». En appel de l’acquittement

prononcé par la Cour du Québec, le juge Beaulieu de la Cour supérieure se rendit aux arguments de la CSST et il conclut que le juge Yergeault avait « commis une erreur en concluant que Mine Niobec […] ne pouvait

être déclarée coupable en raison de l’absence de lien contractuel avec la victime ». L’acquittement fut

toutefois maintenu en raison de la preuve de diligence raisonnable faite par la compagnie.

33 Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Century Mining Corporation, 2007 QCCQ 8660.

Ce jugement origine d’un sautage raté d’une mine à ciel ouvert. Des projections de roches avaient notamment atteint des commerces, dont un concessionnaire automobile où se trouvaient des travailleurs. L’opérateur de la mine, Century Mining Corporation, fut poursuivi et condamné en vertu de l’article 237 LSST en tant qu’employeur pour avoir « agi de manière à compromettre directement et sérieusement la santé, la sécurité

ou l’intégrité physique d’un travailleur ».

34 Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Giroux & Lessard ltée, 2009 QCCQ 8612.

Ce jugement origine d’un accident survenu sur un chantier où un travailleur de la défenderesse se trouva coincé par le contrepoids d’une pelle hydraulique (par. 22). L’employeur, Giroux & Lessard inc., fut poursuivi et condamné en vertu de l’article 237 LSST pour avoir « compromis directement et sérieusement la

santé, la sécurité ou l’intégrité physique d’un travailleur lors de l’exécution de travaux de nettoyage d’un tuyau à proximité d’une pelle mécanique. ».

35 Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Constructions Infrabec inc., 2009 QCCQ 14459,

par. 30. Ce jugement origine de la constatation, par un inspecteur de la CSST, de la circulation de véhicules à moins de 3 mètres du sommet de la paroi d’une excavation ainsi que d’autres dérogations au Code de sécurité

(22)

Par ailleurs, une décision de la CLP indique que la question de la sécurité du public doit être prise en compte dans l’application de la LSST : « il y a lieu de minimiser les risques

causés au public »36.

Enfin, une décision d’un bureau de révision de la CSST évoquant indirectement la sécurité du public soulève une autre question. À la suite d’une décision rendue par un inspecteur en vertu de l’article 186 de la LSST « de cesser d’opérer [une] grue à tour au-dessus du

trottoir. », un réviseur, tout en concluant que l’inspecteur avait, au surplus et à bon droit : « émis une dérogation ordonnant à l’employeur de corriger la situation dans un très court délai », annule la décision de l’inspecteur au motif suivant :

Ce n’est donc pas la seule non conformité aux normes qui doit motiver l’inspecteur à ordonner la suspension des travaux, mais bien un danger pour la sécurité, la santé et à l’intégrité physique. Le non-respect d’un règlement ou la présence d’un simple risque n’implique pas nécessairement qu’un scellé doit être apposé.37

Bien qu’il ait préalablement mentionné l’article 186 dans son ensemble, le réviseur omet, dans la citation précédente, les mots « des travailleurs ». Est-ce donc à dire qu’en présence d’un réel danger pour le public, il aurait maintenu la décision d’arrêt des travaux ?

Enfin, les journaux font régulièrement état d’interventions de la part d’inspecteurs de la CSST pour des situations qui impliquent spécifiquement la sécurité du public (ANNEXE 2) notamment des évènements entrainant des projections de roches lors de travaux de sautage en carrière ou sur des chantiers de construction. La CSST a également rendu publics des rapports d’enquête rédigés par ses inspecteurs à la suite du décès de personnes qui n’étaient pas des travailleurs, mais dont le décès était liées à l’exercice d’une activité de travail (ANNEXE 3).

pour les travaux de construction (CSTC). L’inspecteur ordonna l’arrêt des travaux et l’employeur fut

subséquemment poursuivi et condamné en vertu de l’article 236 de la LSST.

36 S.C.F.P. (Local 1983) et S.T.C.U.M. (24 novembre 1999), Montréal 110010-71-9901 (CLP). Cette décision

origine de l’exercice du droit de refus de chauffeurs d’autobus concernant le déclenchement intempestif d’un système de sécurité provoquant l’arrêt du véhicule. À la suite du déclenchement du système, un chauffeur se fait invectiver par la clientèle et estime sa sécurité compromise. L’inspecteur de la CSST conclut qu’il n’existait pas de danger justifiant le refus de travail des chauffeurs. En révision, la CLP arrive aux mêmes conclusions et rejette le droit de refus au motif que le « danger invoqué par le travailleur relève plus de

l’appréhension d’une agression future possible que d’un danger éminent. ». Le commissaire invite toutefois

l’employeur à mettre en place des mesures pour « limiter l’agressivité des passagers envers les chauffeurs. ».

37 Entreprises Ornatus inc. et Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (Construction), (1995)

(23)

2.2 - Pas uniquement les travailleurs !

Certaines dispositions de la LSST énoncent des droits et d’autres formulent des obligations pour d’autres personnes, acteurs des milieux de travail, qui ne sont pas des travailleurs afin d’assurer notamment la protection physique de leur personne. Celles-ci sont présentées au CHAPITRE 1 §1 de ce mémoire.

Concrètement, l’article 1 de la loi exclut d’abord de la définition de travailleur certaines personnes. Il s’agit, d’une part, de « la personne employée à titre de gérant, surintendant,

contremaitre ou représentant de l’employeur dans ses relations avec les travailleurs » et,

d’autre part, de l’ « administrateur ou [du] dirigeant d’une personne morale ». Dans ce mémoire, ces personnes sont dites « expressément exclues de la définition de travailleur ».

Ensuite, l’article 7 de la LSST assujettit la « personne physique faisant affaires pour son propre compte » aux obligations de la LSST lorsqu’elle « exécute, pour autrui et sans

l’aide de travailleurs, des travaux sur un lieu de travail où se trouvent des travailleurs. »

L’article 8 assujettit les personnes expressément exclues de la définition de travailleur aux mêmes obligations que la « personne physique faisant affaires pour son propre compte » sans toutefois reprendre l’expression « où se trouvent des travailleurs ». Enfin, l’article 11 de la LSST accorde aux personnes expressément exclues de la définition de travailleur certains des droits du travailleur dont celui de l’article 9, à savoir le « droit à des conditions

de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et son intégrité physique ».

Les tribunaux ont eu à se prononcer sur l’application de la LSST à l’égard de ces personnes qui ne sont pas des travailleurs et ce dès les premières années suivant l’adoption de la LSST :

À mon avis le but de l’article 8 est simplement d’assujettir les cadres et administrateurs aux obligations de la loi; ce n’est pas en plus leur rendre applicable la condition spécifique de l’article 7, soit la présence de travailleurs.38

38 CSST c. Leclerc (26 octobre 1988), Montréal 500-29-000341-881 (TT), p. 11, tel que cité dans Éric Nadeau

(24)

[S]eule une "personne physique faisant affaire pour son propre compte" pourra échapper à l’application de la loi en autant cependant qu’elle exécute son travail, en la présence sur les lieux d’autres travailleurs.39

Le débat a toutefois repris, vingt ans plus tard, avec deux affaires impliquant les administrateurs d’une même compagnie. La conclusion des tribunaux demeure toujours la même :

La seule interprétation de l’article 8, eu égard à l’article 7 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail veut dire, selon le Tribunal, que l’administrateur, lorsqu’il travaille sur un chantier, est obligé de respecter les obligations imposées à un travailleur en vertu de la présente loi et des règlements.40

[L]’article 11 [de la LSST] accorde à l’administrateur, qui agit à titre de travailleur, le droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et son intégrité physique.41

39 CSST c. Leclerc (12 avril 1991), Montréal 500-29-000737-906 (TT). À l’instar de l’affaire précédente

(supra, note 38), ce jugement origine de l’intervention de deux inspecteurs qui ont observé le défendeur à tirer des joints sur des échasses en contravention de l’article 3.19.1 du CSTC. Le défendeur fut poursuivi en sa qualité d’administrateur d’une compagnie. Bien qu’une copie du « registre des raisons sociales » (aujourd’hui Registraire des entreprises du Québec) ait été produite en preuve, un témoin appelé à la barre par le défendeur déclara qu’une autre entreprise qui avait obtenu le contrat et que cette dernière avait obtenu les services du défendeur « pour tirer les joints en tant que travailleur autonome agissant à son compte personnel, […]

personnellement engagé à ce titre par contrat verbal, pour lequel travail il était payé par chèque. » p. 2.

N’ayant « aucune raison pour mettre de côté ce témoignage » (p. 6), le juge Saint-Arnaud du Tribunal du Travail acquitta le défendeur, en prenant le soin d’ajouter :

Il est fort possible que le défendeur, après sa condamnation à la même accusation, ait senti le besoin, pour se mettre à l’abri de toute autre poursuite, de changer sa façon d’opérer et, cessant de procéder au compte de [sa corporation] lors de l’exécution de tels contrats, ait choisi de procéder à son propre compte. (p. 6)

40 Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Les Structures S.Y.M.M. inc. (25 novembre 2004),

Joliette 500-63-006297-029 (TT) par. 20 (ci-après « S.Y.M.M. »). Ce jugement origine de l’intervention d’un inspecteur de la CSST qui constate la présence de monteurs affectés à l’érection de structures d’acier. Le tout en étant exposés à une chute d’environ 5 mètres sans être protégés. La compagnie fut poursuivie en vertu de l’article 237 LSST en tant qu’employeur, pour avoir « compromis directement et sérieusement la santé, la

sécurité et l’intégrité physique d’un travailleur ». Or, les quatre monteurs en danger sont administrateurs de

cette compagnie. Bien qu’il reconnaisse les obligations des administrateurs à l’égard de leur propre sécurité, le juge Paul Yergeau conclut que la compagnie ne peut être reconnue comme l’employeur d’un de ses administrateurs et il l’acquitte.

41 Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Structures SYMM inc., 2009 QCCQ 1265 (ci-après

« SYMM »). La situation dénoncée est la même que dans la précédente affaire (supra, note 40). Toujours

poursuivie en tant qu’employeur et en vertu de l’article 237, la compagnie est cette fois poursuivie par le truchement de l’article 194 LSST. Cette disposition spécifique aux chantiers de construction renvoie à la Loi

sur les relations de travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction, RLRQ, c. R-20 (ci-après « R-20 »). Cette disposition prévoit que lorsque plusieurs

administrateurs d’une même compagnie sont à l’œuvre sur un chantier de construction, seul l’un d’entre eux est considéré employeur au sens de la loi R-20 et les autres sont considérés des travailleurs de la construction. La juge Sylvie Marcotte, de la Cour du Québec, rejette cette manœuvre de la poursuite, mais écarte aussi les conclusions précédentes du juge Yergault. Pour la juge, bien qu’elle se refuse à la considérer comme

(25)

Ces affaires sont respectivement demeurées au niveau du Tribunal du travail et de la Cour du Québec. L’affaire Éric Nadeau42 a toutefois été entendue jusqu’à la Cour d’appel du Québec. En présence d’une doctrine équivoque43, la juge de première instance s’est ralliée à la jurisprudence précitée :

En résumé, avec respect pour l’opinion contraire, je suis d’avis que l’administrateur d’une personne morale qui exécute un travail sur un lieu de travail est tenu aux obligations prévues à l’article 49 LSST et ce, malgré l’absence d’autres travailleurs.44

La Cour supérieure, bien que maladroitement45, et la Cour d’appel du Québec, plus clairement, ont toutes deux maintenu cette conclusion46.

Malgré cette « unanimité » de la jurisprudence quant à l’assujettissement et à la protection de certaines personnes exclues de la définition de « travailleur », et la confirmation de cette interprétation par la Cour d’appel, de telles situations ne sont pas sans soulever certains

employeur : « il est possible de trouver la compagnie coupable en vertu de l’article 237 de la LSST, par le

biais de l’article 11 de la LSST. » (par. 102). La juge réfère à l’article 209 du Code de procédure pénale

(RLRQ c. C-25.1) pour indiquer qu’elle ne peut, de son propre chef, procéder à la modification du chef d’accusation pour le faire correspondre à sa conclusion, en y substituant « en tant qu’employeur » pour « en

tant que compagnie ». Elle se dit donc contrainte d’acquitter la compagnie défenderesse.

42 Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Nadeau, 2013 QCCQ 5578 (ci-après « Éric Nadeau

(CQ) »). Ce jugement origine de l’intervention d’un inspecteur de la CSST qui constate la présence de deux individus travaillant à la pose de bardeaux sur la toiture d’un bâtiment. Constatant qu’ils sont sans mesure de protection, l’inspecteur ordonne l’arrêt des travaux. Les deux individus (MM Nadeau et Richard) sont administrateurs de leur compagnie respective et, au moment où l’inspecteur constate l’infraction, il n’y a pas d’autres individus sur le chantier. Tous deux poursuivis en vertu des articles 49(2) et 236 LSST pour ne pas avoir « protégé [leur] santé, [leur] sécurité ou [leur] intégrité physique lors de l’exécution de travaux en

hauteur » (par. 1), seul Éric Nadeau contesta l’infraction. Dans son jugement, la juge conclut que « l’administrateur d’une personne morale qui exécute un travail sur un lieu de travail est tenu aux obligations prévues à l’article 49 LSST et ce, malgré l’absence d’autres travailleurs » et condamna M. Nadeau.

43 Id., par. 25 à 29. 44 Id., par. 49.

45 Nadeau c. Commission de la santé et de la sécurité du travail, 2013 QCCS 5314 (ci-après « Éric Nadeau

(CS) »). Bien qu’elle maintienne le jugement de première instance, la juge Michelle Lacroix écrit dans ses motifs : « Il n’est pas nécessaire pour le législateur d’ajouter les mots « où se trouvent des travailleurs »,

puisqu’ils sont implicitement inclus par l’indication que « le premier alinéa de l’article 7 s’applique également » dans l’article 8 de la Loi. » (par. 13). Or, il s’agit précisément de la position de la défenderesse.

La juge ajoute toutefois que « [l]’intention du législateur ne pouvait être de permettre à un administrateur

certains droits des travailleurs tout en lui permettant de ne pas prendre de précaution pour protéger sa sécurité lorsqu’il est seul. » (par. 14). Ce dernier paragraphe correspond à la position de la poursuite et de la

juge de première instance. Il faut présumer que ce dernier paragraphe représentait davantage sa pensée, puisqu’elle rejeta l’appel.

46 Nadeau c. Commission de la santé et de la sécurité du travail, 2014 QCCA 1333 (ci-après « Éric Nadeau

(26)

problèmes à l’égard de la mise en œuvre de ces droits et de ces obligations, comme l’ont montré les acquittements prononcés dans les affaires S.Y.M.M.47 et SYMM 48.

Ces personnes nommément exclues de la définition de travailleur ont manifestement des droits et des obligations à l’égard d’eux-mêmes et des autres personnes, mais est-ce que la personne morale, la « compagnie », le véhicule corporatif par lequel ces individus sont à l’œuvre sur un chantier, est tenu à des obligations envers eux ? Par ailleurs, si les tribunaux ont tour à tour conclu à la culpabilité d’Éric Nadeau, administrateur d’une personne morale, à l’infraction de ne pas avoir protégé sa propre santé et sécurité, ils sont muets sur la validité administrative de la décision d’arrêt des travaux qu’avait rendue l’inspecteur sur le chantier49. La problématique précédemment soulevée à l’égard du public est donc la même à l’égard des personnes exclues de la définition de travail. Suivant l’article 182, une telle décision peut être rendue : « lorsqu[e l’inspecteur] juge qu’il y a danger pour la santé, la

sécurité ou l’intégrité physique des travailleurs. » Or, ni M. Nadeau, ni son acolyte,

M. Richard n’étaient travailleurs.

§3 - Questions de recherche

En somme, compte tenu d’une jurisprudence divergente et des interventions des inspecteurs de la CSST à l’égard de la protection des personnes qui ne sont pas au travail — qu’ils soient visiteurs d’un lieu où s’effectue du travail, ou simples passants se trouvant à proximité — les questions suivantes se posent :

1) Est-ce que le public en général est titulaire de droits et est tenu à des obligations en vertu de la LSST ?50

47 Supra, note 40. 48 Supra, note 41.

49 Éric Nadeau (CQ), préc., note 42 : « [L’] inspecteur de la Commission de la santé et de la sécurité du

travail, a constaté que messieurs Richard et Nadeau travaillaient sans mesure de protection et leurs a ordonné de descendre de la toiture, ce qu’ils ont fait. » (par. 6).

50 Suivant les travaux du professeur Hohfeld, les notions de « droit » et « obligation » doivent être entendu au

sens donné par le professeur Corbin :

Droit (« right ») : « An enforceable claim to performance (action or forbearance) by

another. It is the legal relation of A to B when society commands action or forebearance by B and will at the instance of A in some manner penalize disobedience. »

(27)

2) Est-ce les personnes nommément visées par la LSST sont tenues, en vertu de cette loi, à des obligations envers le public en général ?

Par ailleurs, compte tenu des difficultés à sanctionner le non-respect de droits reconnus à l’égard des personnes exclues de la définition de « travailleur » et du silence des tribunaux à l’égard des sanctions administratives pour ces mêmes personnes :

3) Qui est tenu au respect des droits garantis aux personnes nommément exclues de la définition de « travailleur » ?

4) Quels sont les pouvoirs de la CSST et de ses inspecteurs d’intervenir administrativement et de sanctionner pénalement le non-respect des droits et obligations prévus à la LSST à l’égard des personnes exclues de la définition de « travailleur » ? 51

Les réponses à ces questions passent par l’examen de l’objet de la LSST. En effet, l’objet sert à la fois à l’interprétation et à l’examen de la validité des textes législatifs et règlementaires, ainsi qu’à l’exercice du pouvoir discrétionnaire. Plus précisément, en matière d’interprétation, l’objet pourra être évoqué pour « rectifier des erreurs matérielles

manifestes »; « lever des incertitudes quant au sens d’une disposition »; « restreindre le sens d’une disposition » ou « étendre le sens d’une disposition »52. En matière de validité

de ces mêmes textes législatifs, eu égard notamment au partage des compétences et aux chartes, l’objet pourra être évoqué quant à leur conformité à la Constitution. Eu égard à

Obligation/devoir (« duty ») : « It is the legal relation of a person, B, who is commanded

by society to act or to forbear for the benefit of another person, A, either immediately or in the future, and who will be penalized by society for disobedience. »

En ce qui concerne le présent mémoire, la personne « A » est une personne du public et « B » est, notamment, et de manière préliminaire, un employeur. Voir : Arthur L. CORBIN. « Legal Analysis and Terminology »,

(1919) 23 Y.L.J. 2. pp. 163-17 ; Wesley N. HOHFELD, « Some Fundamental Legal Conceptions as Applied in

Judicial Reasoning », (1913) 23 Y.L.J. 16; et Wesley N. HOHFELD, « Fundamental Legal Conceptions as Applied in Judicial Reasoning », (1917) 26 Y.L.J. 710.

51 Suivant les travaux du professeur Hohfeld, la notion de « pouvoir » (« power ») doit être entendue au sens

donné par le professeur Corbin. Voici la définition qu’il en fait : « The legal relation of A to B when A’s own

voluntary act will cause new legal relations either between B and A or between B and a third person ». En ce

qui concerne le présent mémoire, la personne « A » est, ici, la CSST ou un de ses inspecteurs et « B » est, notamment, de manière préliminaire, un employeur. Voir A. L. CORBIN, préc., note 50.

52 Pierre-André COTE avec la collaboration de Stéphane BEAULAC et Mathieu DEVINAT, Interprétation des

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l’objet de la loi habilitante, il en est de même de la validité des textes règlementaires53 et de la conformité de l’exercice d’autres pouvoirs discrétionnaires54. Moins théorisée et justifiée par les tribunaux, mais tout autant utilisée, la notion de champ d’application, quant à elle, sert à préciser qui est tenu au respect de la loi.

Objet et champ d’application sont deux notions distinctes, bien que parfois confondues55. Elles vont tout de même de pair. Dans ce mémoire, l’objet d’une loi (son ambition) apparait intimement lié à l’étendue du dispositif : champ d’application, droits, obligations et pouvoirs que cette loi confère (ses moyens). En définitive, ce mémoire vise à déterminer si la LSST a les moyens de ses ambitions et l’ambition de ses moyens.

§4 - Thèse

Il est soutenu dans ce mémoire que la LSST va au-delà de la stricte protection des travailleurs. Cette thèse s’explicite, pour l’objet (A) et le champ d’application (B), par les hypothèses suivantes :

A. Bien que la protection de la santé et la sécurité des travailleurs soit l’objet premier de la LSST, la loi accorde une protection plus large qu’aux seuls travailleurs et acteurs des milieux de travail. Ainsi, c’est toute personne, peu importe son statut, qui est protégée par la LSST.

B. Malgré une évolution des lois portant sur la santé et la sécurité du travail qui a vu la base de leur champ d’application passer de certains lieux où s’effectue le travail vers les statuts de travailleur et d’employeur, la LSST s’applique même en l’absence de travailleurs.

53 Concernant les règlements, la Cour suprême a reconnu que « [p]our contester avec succès la validité d’un

règlement, il faut démontrer qu’il est incompatible avec l’objectif de sa loi habilitante ou encore qu’il déborde le cadre du mandat prévu par la Loi » Katz Group Canada Inc. c. Ontario (Santé et Soins de longue durée), 2013 CSC 64, par. 24.

54 Pour la Cour suprême « [l]’exercice du pouvoir discrétionnaire doit respecter les principes d’application et

l’objet de la Loi » Halifax (Regional Municipality) c. Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux), 2012 CSC 29, par. 43 ; voir également Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 ; Padfield v. Minister of Agriculture, Fisheries and Food, [1968] AC 997

et Roncarelli v. Duplessis, [1959] SCR 121 et S.C.F.P. c. Ontario (Canadian Region), 2003 CSC 29.

(29)

§5 - Cadre conceptuel et méthodologie

Par sa méthodologie56, cette recherche s’inscrit, avant tout, dans une perspective argumentative du droit57 selon laquelle toute position soutenue « en droit » doit chercher à obtenir l’acceptation58, l’adhésion59 des parties à un litige, au premier chef, mais aussi de la société en général. Ici, toutefois, point de juge, point de litige et point d’avocat dont la position s’impose par la défense des intérêts d’une des parties en cause. Une position est néanmoins prise et elle se concrétise dans la formulation d’hypothèses. Elles sont, oui, empreintes de « préjugés »60 et issues de « situation historique, linguistique ou

culturelle »61 mais aussi d’expériences, de valeurs.

À l’instar de la pratique judiciaire, ce mémoire s’inscrit dans une perspective argumentative de la recherche et vise à obtenir l’adhésion aux hypothèses formulées. Pour ce faire, il cherche à « vider le sac » des arguments au soutien de la position défendue62. Qu’ils proviennent de la LSST elle-même, du reste de l’ensemble législatif, de la doctrine, de la jurisprudence ou de la mise en opposition ou en perspective d’une source par rapport à une autre, il s’agit d’identifier ces arguments, de les comprendre, de les expliquer et d’en évaluer le bien-fondé à la lumière des autres sources du droit.

Qu’ils soient « de texte », « de cohérence », « de finalité », « historiques »,

« pragmatiques » ou d’ « autorité »63, ces arguments proviennent inexorablement du texte (sources intrinsèques) ou du contexte (sources extrinsèques). Cette dernière division a été

56 L’essentiel des sources tirées de cette partie provient du texte de Mélanie SAMSON et Michelle CUMYN « La

méthodologie juridique en quête d’identité », (2013) 71 Revue interdisciplinaire d’études juridiques 1.

57 Voir : Luc B. TREMBLAY, L’évolution du concept de droit depuis trente ans : de l’empire du fait au

discours normatif sur le juste et le bien, Sherbrooke, Université de Sherbrooke, GGC éditions, 2003 et

Chaïm PERELMAN, Logique juridique : nouvelle rhétorique, 2e éd., Paris, Dalloz, 1999.

58 Id., C. PERELMAN, p. 173-175.

59 Bjarne MELKEVIK, « Discours d’application des normes en droit : méthodologie juridique et considérations

de philosophie du droit », dans La vie des normes et l’esprit des lois, Lukas K. SOSOE (dir.), Montréal,

L’Harmattan, 1998, p. 78.

60 Jean MOLINO, « Pour une histoire de l’interprétation : les étapes de l’herméneutique (suite) », (1985) 12

Philosophiques 293.

61 Luc B. TREMBLAY, « L’interprétation téléologique des droits constitutionnels », (1995) 29 R.J.T. 459, 486. 62 L’auteur du présent mémoire est toutefois conscient du caractère utopique d’une telle tentative.

63 Suivant la catégorisation retenue par P.-A. COTE avec la collaboration de S. BEAULAC et M. DEVINAT,

Figure

FIGURE 1 : « Crane Collapses on Bus », 1 juin 1964.
FIGURE 2 : « A sea of Sludge upon Green Aberfan »

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