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Lecture d’Elisabeth Pasquier : "Deux générations dans la débine. Enquête dans la pauvreté ouvrière", Jean-François Laé et Numa Murard Bayard, 2011

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Lecture d’Elisabeth Pasquier : ”Deux générations dans

la débine. Enquête dans la pauvreté ouvrière”,

Jean-François Laé et Numa Murard Bayard, 2011

Elisabeth Pasquier-Merlet

To cite this version:

Elisabeth Pasquier-Merlet. Lecture d’Elisabeth Pasquier : ”Deux générations dans la débine. Enquête dans la pauvreté ouvrière”, Jean-François Laé et Numa Murard Bayard, 2011. 2012. �halshs-03139172�

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Lieux communs Numéro 15 (2012) : Comment l'histoire nous traverse Lecture d’Elisabeth Pasquier

Deux générations dans la débine. Enquête dans la pauvreté ouvrière.

Jean-François Laé et Numa Murard Bayard, 2011

Il y a plusieurs raisons importantes pour lire avec attention le dernier ouvrage co-signé par Jean-François Laé et Numa Murard, Deux générations dans la

débine. Il témoigne de deux enquêtes réalisées auprès de la même population

à trente ans d’intervalle, la première dans une cité de transit à Elbeuf en Seine-Maritime à 18 kilomètres de Rouen, la seconde à la recherche des anciens habitants et de leurs enfants après la démolition de la cité, relogés dans le parc HLM ou dans le parc privé le plus souvent dégradé de la ville. En seconde partie du livre, L’archive, (réédition de l’ouvrage L’argent des pauvres, publié en 1980) permet d’avoir une compréhension active de ce que les auteurs nomment une ethnographie de la mémoire. L’intrigue principale tourne

toujours autour du travail et de son absence, elle permet de révéler des formes nouvelles de fragmentations du social. Les auteurs enfin, expérimentent encore plus avant les enjeux de la sociologie narrative au service de ce dévoilement. Les deux chercheurs n’ont pas d’autre protocole au départ que celui de

retrouver les anciens, alors ils arpentent la ville à la recherche des traces des habitants connus dans la cité de transit, ils entrent au PMU, repèrent la place où se regroupent ceux qui ont coulé près du supermarché où la bière est la moins chère. Cette quête leur permet de travailler le fonctionnement de la mémoire habitante qui garde vivante les strates de ce qui a été détruit, on pense au film d’Alain Resnais, Muriel, le temps d’un retour (1963) qui nous révélait que le temps et l’espace ne sont pas des données stables et qu’elles sont toujours l’objet d’une perception singulière (Comment vivre dans la ville reconstruite de Boulogne-sur-mer ?)

C’est à partir de l’axe du travail et du non travail que se racontent les

réputations et les infamies, les valeurs et les pratiques, les aspirations et les satisfactions, les règles et leurs transgressions. L’alcool permet de supporter les

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blessures du travail autant que son absence et le retrait du permis de conduire est devenu une autre forme de perte de statut, les séances au tribunal

devenant des cérémonies de dégradations réussies, privé du permis l’homme

est sans ressort. Ce que l’enquête contemporaine nous apprend c’est la double

peine des classes populaires, le développement de l’insécurité sociale s’accompagne en effet d’innombrables condamnations devenues les

véritables régulateurs de la pauvreté qu’il s’agisse des sanctions de

surendettement, de l’abus du carnet de chèques, des indus, des trop perçus et omissions volontaires… L’épuisement des droits au chômage est une limite décisive, sanction d’une défaillance dans la défaillance qui laissera l’homme

entre les mains de l’assistance. De nouvelles frontières sociales se lèvent à

partir des petites inégalités qui recréent des différences, et l’éparpillement social produit par la société industrielle en décomposition crée une fracture principale qui sépare les gens qui se côtoyaient hier dans le monde populaire et qui n’ont plus rien à faire aujourd’hui les uns avec les autres. Nombre de

chercheurs se questionnent sur les effets des démolitions de logements sociaux dans le cadre des projets de renouvellement urbain, les auteurs redoutaient par dessus tout cette dispersion à la fin de la première enquête, dont ils pensaient qu’elle allait affaiblir les solidarités, ils nuancent aujourd’hui leurs positions. La fin des mitoyennetés a permis à certains d’échapper aux

« extorsions » liées à la communauté de destin imposée par le territoire

partagé mais la perte de cet espace autonome de solidarité a entraîné plus bas certains autres. Le rapport aux institutions s’est pacifié, les parcours scolaires même chaotiques se sont nettement allongés, le RMI et le RSA ont été des progrès et tous accèdent aux services, à Pôle Emploi et aux HLM, à l’hôpital et aux services de psychiatrie, le welfare est à l’œuvre, mais alors qu’hier les habitants de la cité de transit, elle-même héritière des taudis et bidonvilles, étaient marqués par le stigmate de la grande pauvreté, il n’y a plus guère de différence aujourd’hui avec les habitants des cités HLM aujourd’hui dégradées et c’est toute la ville qui semble avoir basculé dans la pauvreté.

Enfin, une fois de plus pour ces auteurs, le plan de coupe dominant est celui de la narration, les récits produits par les personnes rencontrées succèdent ceux produits par les chercheurs qui décrivent ce qu’ils ont vu, entendu et qui pas à pas, proposent des analyses discrètes mais qui comme dans La culture du

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pauvre de Richard Hoggart prennent une force considérable. Laé et Murard

prennent comme Eric Chauvier le risque de la relation, et celui de parfois se perdre et ne plus savoir quoi penser des situations partagées, ainsi du troisième intermède au cimetière, quand les chercheurs n’en peuvent plus d’être là mais restent, comme des gardiens de l’ombre. Ils livrent leurs positions, leurs doutes dans les récits, usent d’écritures différentes, et

racontent le tribunal, la peur de l’expulsion, le rejet de la famille et l’on repense à un de leurs ouvrages précédents, Les récits du malheur (Descartes et Cie, 1995) où ils avaient adopté la nouvelle qui leur permettait, comme ils le défendait alors dans une postface éclairante, « L’enquête, l’enquêteur et la perception», d’être le synthétiseur des raisons pratiques, des idéaux et d’une

forme de dramaturgie de l’existence. Aujourd’hui, ils constatent que si la narration sociologique est peu prisée, c’est qu’elle dérange les grands énoncés qui font système, en introduisant des pièces manquantes, des figures

d’étrangeté, des postures antinomiques, le monde des sensibilités. Ce sont comme des petites pièces, dispersées, discontinues, disjointes avec la pensée discursive, puisqu’on y raconte des histoires sur des histoires, la genèse des sentiments et des expressions. Enfin, le changement le plus significatif qu’ils

mettent à jour, c’est que la pratique de la réflexivité et de l’expressivité est aujourd’hui partagée, l’attention portée aux émissions de télévision traitant d’histoires intimes et familiales, les échanges écrits et oraux démultipliés via internet et le téléphone portable, la demande permanente d’interactions de la part des institutions à qui il faut écrire et se raconter encore et encore, la tenue de journaux personnels, annoncent la fin de « l’écriture de soi » rédigée

par un autre et c’est le métier du sociologue qui s’en trouve bouleversé.

Revenir sur un terrain d’enquête, ce que peu de chercheurs font, c’est permettre aux acteurs de réexaminer eux-mêmes leurs propres histoires. Elisabeth Pasquier

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