• Aucun résultat trouvé

Les facteurs psychosociaux reliés à la dysmorphie musculaire

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Les facteurs psychosociaux reliés à la dysmorphie musculaire"

Copied!
76
0
0

Texte intégral

(1)

Les facteurs psychosociaux reliés à la dysmorphie

musculaire

Mémoire doctoral

Olivier Turcotte

Doctorat en psychologie

Docteur en psychologie (D.Psy.)

Québec, Canada

(2)

Les facteurs psychosociaux reliés à la dysmorphie

musculaire

Mémoire doctoral

Olivier Turcotte

Sous la direction de :

(3)

iii

RÉSUMÉ

Les hommes sont de plus en plus exposés à une pression sociale les incitant à présenter une silhouette mésomorphique, ce qui semble contribuer à les rendre plus insatisfaits de leur musculature. Cette insatisfaction peut mener au développement d’une dysmorphie musculaire (DM). Malgré que la DM soit classifiée comme un spécificateur du trouble de dysmorphie corporelle dans le DSM-V, plusieurs auteurs persistent à croire qu’il s’apparenterait davantage aux troubles des conduites alimentaires (TCA). La présente étude vise à approfondir les processus sous-jacents menant à la DM en appliquant le modèle socioculturel de Stice (1994), conçu pour les TCA, à la DM. Le modèle testé, adapté pour rendre compte des spécificités de la DM, propose que les influences socioculturelles mènent au désir d’être plus musclé, qui, lui, mène aux symptômes de la DM directement et indirectement par deux voies, la voie des affects négatifs et la voie comportementale. Trois cent quatre-vingt-six hommes ont été recrutés parmi les étudiants et employés de l’Université Laval et ont rempli des questionnaires en ligne. Le modèle a été testé à l’aide d’analyses acheminatoires. Bien que le modèle initial fasse preuve d’un bon ajustement, la voie des affects négatifs n’est un médiateur valide de la relation entre le désir d’être musclé et la DM que lorsque le lien entre le désir d’être plus musclé et les affects négatifs est modéré par le narcissisme vulnérable. Les résultats indiquent que l’internalisation du corps idéal influence le désir d’être plus musclé. Ce désir d’être plus musclé pousserait les hommes à développer des symptômes de la DM via deux processus, soit l’adoption de comportements visant à augmenter la musculature, et la présence d’affects négatifs, mais seulement chez des hommes présentant une vulnérabilité narcissique. Ceci fait ressortir la pertinence d’un modèle conçu pour les TCA afin d’expliquer les symptômes de la DM.

(4)

Table des matières

RÉSUMÉ ... III TABLE DES MATIÈRES ... IV LISTE DES TABLEAUX ... VI LISTE DES FIGURES ... VII REMERCIEMENTS ... VIII AVANT-PROPOS... X

INTRODUCTION GÉNÉRALE ... 1

L’INSATISFACTION CORPORELLE, UN PHÉNOMÈNE QUI TOUCHE AUSSI LES HOMMES ... 1

IMAGE CORPORELLE DES HOMMES :LES PRESSIONS SOCIOCULTURELLES D’ATTEINDRE UN IDÉAL ... 2

LES CONSÉQUENCES DE L’INSATISFACTION CORPORELLE ... 6

Conséquences psychologiques. ... 6

Conséquences comportementales et physiques. ... 7

DYSMORPHIE MUSCULAIRE : CONTINUUM DE L’INSATISFACTION CORPORELLE... 8

De la préoccupation non pathologique à pathologique. ... 8

La DM. ... 8

MODÈLES ÉTIOLOGIQUES DE LA DM ... 13

Les modèles biopsychosociaux. ... 14

Le modèle étiologique de Grieve. ... 16

LA PERSONNALITÉ : UN NOUVEAU CHAMP D’INTÉRÊT. ... 17

OBJECTIF GÉNÉRAL ... 18

LES FACTEURS PSYCHOSOCIAUX RELIÉS À LA DYSMORPHIE MUSCULAIRE ... 20

RÉSUMÉ ... 21

INTRODUCTION ... 22

MÉTHODOLOGIE ... 25

(5)

v Instruments de mesure ... 26 Analyses statistiques ... 29 RÉSULTATS ... 30 DISCUSSION ... 34 CONCLUSION... 36 CONCLUSION GÉNÉRALE ... 38 BIBLIOGRAPHIE ... 46 ANNEXE A ... 59

(6)

Liste des tableaux

Tableau 1 Critères de la DM proposés par Pope en 1997 ... 12 Tableau 2 Moyennes et écart-types des variables du modèle ... 31 Tableau 3 Corrélations entre les variables du modèle ... 32

(7)

vii

Liste des figures

Figure 1. Modèle étiologique des comportements du développement musculaire à risque de Cafri et al. (2005)... 15 Figure 2. Modèle étiologique de la DM de Grieve (2007) ... 16 Figure 3. Modèle socioculturel de Stice (2002). ... 24 Figure 4. Modèle de Stice modifié visant à prédire la DM avec les coefficients standardisés. .... 33

(8)

Remerciements

Le périple du doctoral tirant à sa fin, je peux enfin prendre le temps de constater les efforts, le temps et toute l’aide que j’ai reçue pour enfin mettre un « check » sur cette partie de ma vie. Un doctorat, ça ne se fait pas seul, mais avec le soutien de tous les gens autour de soi et je tiens à le souligner!

Je voudrais tout d’abord remercier énormément ma superviseure de recherche et de clinique, Catherine Bégin. Je te lève mon chapeau pour ta présence exceptionnelle, et surtout dans les derniers droits. J’ai grandement apprécié ta patience, ton énergie et ta capacité à dire les choses comme elles sont, sans trop de détour, mais toujours d’une façon à me faire avancer. Je n’aurais pas pu demander meilleur encadrement que celui que j’ai reçu. Tu as bien su me laisser l’autonomie dont j’avais besoin et je sentais la confiance que tu avais envers moi. Tu sais être là pour tes étudiants et nous inspirer. Je ne peux pas passer sous silence ton apport, Marie-Pierre Gagnon-Girouard. Même si tu n’as pas pu être là pour la dernière partie, ta présence dans les débuts m’a tellement été précieuse. Tu m’as permis de m’aider à établir de bonnes bases comme chercheur, mais aussi comme clinicien. Je ne vous remercierai jamais assez toi et Catherine de m’avoir donné toutes ces opportunités et d’avoir su cultiver mon intérêt pour la recherche. Grâce à vous, j’ai pu apprendre à mieux me connaître et grandir à travers ce processus. J’aimerais aussi remercier tout le monde au labo. Nous sommes une merveilleuse équipe et je souhaite une bonne continuité à toutes celles et à celui à qui il reste encore un bout de chemin à faire. Un merci particulier à Marilou, Katrine, Isabelle et Anne-Sophie pour votre accueil et votre rôle de quasi-grandes sœurs. Merci également à Mélodie avec qui j’ai pu échanger à chacune des étapes.

Je remercie aussi énormément Monsieur Stéphane Sabourin pour avoir siéger sur mon comité d’encadrement. Par vos commentaires et vos idées, vous m’avez donné confiance en moi et en mon projet et vous avez su enrichir mes réflexions.

Tu finis quand? Ce n’est pas fini encore? Combien de fois vous me l’avez demandé. Je crois que ça montre à quel point vous aviez hâte pour moi que je devienne enfin psychologue. Le moment est enfin arrivé et je ne serais comment remercier tous mes amis qui ont été là tout au long de mon parcours. François, Philippe, Pier-Olivier et Simon, merci

(9)

ix

de faire un doctorat. Merci aussi à Stéphane, Stéphanie, Tonathiú et Véronica qui avez aussi été là quand j’avais besoin de ventiler ou de tout simplement décrocher. Tout est plus agréable et passe plus vite quand on est bien entouré. C’est pourquoi je n’oublie pas non plus mes « partners » de travail François et Christopher. Grâce à votre présence, j’ai pu avoir la chance de ne pas travailler dans la solitude. Malgré que l’efficacité en ait pris un coup, vous m’avez motivé à être assidu et j’ai pu apprécier le travail sur mon mémoire.

Aussi, je crois que toutes ces études et ces accomplissements n’auraient pas pu se faire sans ma famille. Je voudrais prendre le temps de remercier ma mère, mon beau-père et ma grand-mère. Vos encouragements, votre support et votre intérêt constant par rapport à ce que je fais ont su me garder motivé et fier de moi. Grâce à vous, j’ai eu l’impression que mon chemin a été facile, chaque embuche n’était qu’un défi, et ce, parce que vous avez su me donner les moyens pour aller aussi loin. Je vous remercie d’avoir cru en moi et m’avoir toujours donné l’impression que j’avais les capacités d’atteindre mes rêves. Maman ton bébé a enfin réussi et il est heureux, en grande partie grâce à toi. Je voudrais aussi souligner l’intérêt, la présence et les encouragements de mes beaux-parents. Ça fait beaucoup de bien de sentir qu’on croit en nous dès les premiers instants. Vous avez tout fait pour que je réussisse, même jusqu’à obliger votre fille à me laisser tranquille parce que je travaillais.

Ce qui m’amène au fait que je ne peux pas passer à côté des remerciements pour mon amoureuse. Barbara tu es à mes côtés depuis le tout début et je crois que ta rencontre à elle seule vaut la peine de mettre lancé en psychologie. Mais bon…tant qu’à avoir commencé vaut mieux continuer jusqu’au bout. Jour après jour, tu m’as donné le goût de me dépasser et tu m’as rendu la vie plus belle. Je t’ai senti au diapason avec moi, à vivre ensemblecette grande aventure. Je te sentais aussi impliquée dans ma réussite et mon bien-être que je l’étais moi-même. Tu as su partager et souligner avec moi toutes les joies et les déceptions que m’a amené mon parcours en psychologie. Merci d’avoir accepté mon indisponibilité par moment et le fait que je n’aille pas été aussi présent que j’aurais dû. Grâce à toi, j’ai pu garder un équilibre et tu fais partie intégrante de cette réussite.

(10)

Avant-propos

La conception du projet de mémoire doctoral, l’écriture du document, les analyses statistiques, ainsi que l’interprétation des analyses ont été réalisées par Olivier Turcotte, candidat au doctorat en psychologie D.Psy. Il est à noter que soixante-trois participants de l’échantillon total ont été recrutés dans le cadre du recrutement pour le mémoire d’Isabelle Labrecque (2014). Le projet a été fait en étroite collaboration avec Catherine Bégin, Ph.D., directrice du présent mémoire et professeur titulaire de l’École de psychologie de l’Université Laval, ainsi qu’avec la collaboration de Marie-Pierre Gagnon-Girouard, Ph.D. Hélène Paradis a d’ailleurs contribué à la réalisation des analyses statistiques. Finalement, l’article inséré à l’intérieur de ce mémoire n’est toujours pas en processus de publication, mais le sera suite au dépôt final.

(11)

1

Introduction générale

L’exposition grandissante à des modèles masculins de plus en plus musclés contribuerait à faire en sorte que les jeunes hommes sont de plus en plus préoccupés par leur image corporelle, et particulièrement par leur muscularité. Cette préoccupation par rapport à leur corps pourrait être associée chez certains à une faible estime de soi et à l’adoption de comportements néfastes visant à modifier l’apparence physique (Barlett, Vowels, & Saucier, 2008). Ultimement, la préoccupation par rapport à la musculature peut mener à une pathologie encore peu étudiée : la dysmorphie musculaire (DM; Pope, Gruber, Choi, Olivardia, & Phillips, 1997). Chez les hommes souffrant de cette pathologie, le désir d’être plus musclé prend toute la place et s’accompagne d’un lot de conséquences négatives. Le parallèle entre la DM et les troubles des conduites alimentaires (TCA) quant à leur symptomatologie et leurs caractéristiques a été proposé par plusieurs auteurs. Plusieurs facteurs étiologiques retrouvés chez les TCA ont été identifiés pour expliquer le développement de la DM (Grieve, 2007; Olivardia, 2001). La présente étude vise donc à approfondir l’étude des déterminants de la DM en vérifiant la validité empirique d’un modèle des TCA pour expliquer cette pathologie.

L’insatisfaction corporelle, un phénomène qui touche aussi les hommes

Il est établi que l’insatisfaction corporelle constitue un des facteurs centraux reliés au développement d’une pathologie alimentaire (Stice, 2002). Les problèmes liés à l’image corporelle chez les femmes ont été amplement documentés au cours des 40 dernières années (Cash & Pruzinski, 2002; Thompson & Cafri, 2007). Toutefois, l’étude de l’image corporelle des hommes a reçu beaucoup moins d’attention de la part de la communauté scientifique. Ce n’est que récemment que les chercheurs se sont attardés à la préoccupation des hommes par rapport à leur corps. Des études suggèrent que les hommes pourraient être aussi préoccupés par rapport à leur corps que les femmes (Frederick et al., 2007; Neighbors & Sobal, 2007; Olivardia, Pope, Borowieki, & Cochrane, 2004; Ricciardelli & McCabe, 2004). Par exemple, Frederick et al. (2007) rapportent qu’aux États-Unis, entre 90 et 95 % des hommes universitaires seraient insatisfaits de leur corps et désireraient être plus musclés. Ce rapprochement entre les hommes et les femmes par rapport à l’insatisfaction corporelle est également présent au Québec. En fait, une enquête sociale et de santé

(12)

effectuée par le gouvernement du Québec relève un désir de changer de poids chez 41,7 % des hommes de 15 ans et plus comparativement à 55,8 % pour les femmes (Ledoux & Rivard, 2000). En considérant que cette enquête a été effectuée il y a 15 ans et que cette étude ne ciblait pas la musculature comme une source d’insatisfaction, il serait même possible que ce pourcentage soit présentement plus élevé si on se fie aux résultats de nos homologues américains qui ont observé une augmentation de l’insatisfaction corporelle chez les jeunes hommes adultes, au cours des dernières années (McCabe & Ricciardelli, 2004, Neighbors & Sobal, 2007). Cependant, contrairement aux femmes qui cherchent à atteindre un idéal de minceur, les hommes sont principalement préoccupés par leur musculature. Cet idéal de beauté masculin se traduit par une silhouette mésomorphique, c’est-à-dire caractérisée par une masse musculaire importante, peu ou pas de tissus adipeux et des épaules plus larges que le bassin (McCreary & Sasse, 2000). Les hommes aspireraient donc à développer une forte musculature, tout en restant minces pour améliorer la définition des muscles et être plus athlétiques.

Image corporelle des hommes : Les pressions socioculturelles d’atteindre un idéal

La prévalence grandissante de l’insatisfaction des hommes par rapport à leur musculature semble être en partie en lien avec un idéal de beauté masculin de plus en plus musclé mis en valeur par l’environnement socioculturel. En effet, on observe une augmentation au cours des dernières années de la musculature des figurines pour les jeunes garçons et des modèles masculins présentés dans les revues et dans les films (Frederick, Fessler, Haselton, 2005; Pope, Olivardia, Gruber, & Boroweicki, 1999; Ricciardelli, Clow, & White, 2010). À cet effet, Pope et al. (1999) ont étudié l’évolution des dimensions des figurines pour enfants. En comparant les dimensions des figurines de personnages humains les plus populaires de 1970 à 1990, ces auteurs ont observé une augmentation significative des mesures de leur torse et de leur biceps, mais une absence de changement au niveau de leur tour de taille. Le même phénomène semble se produire chez les modèles masculins présentés dans les médias. Par exemple, au cours des 25 dernières années, la revue Playgirl a présenté des hommes présentant un IMC plus élevé sur sa page centrale et propose maintenant des modèles masculins très musclés (Leit, Pope, & Gray, 2001). Les modèles masculins minces et musclés sont maintenant devenus la norme à travers les divers types de

(13)

3

revues. En effet, l’étude de Ricciardelli, Clow et White (2010) montre qu’à travers huit revues populaires dont les hommes sont le lecteur cible (par ex., Gentlemen’s Quaterly et Men’s Health), les modèles masculins présentent tous des corps minces et sculptés. On remarque le même phénomène dans les télé-réalités. Le corps des hommes est de plus en plus dévoilé dans les émissions de téléréalité et ceux ayant un corps idéalisé sont les plus souvent montrés (Flynn, Park, Morin, & Stana, 2015). Les médias renvoient donc le message que le corps mésomorphique est un symbole de bonheur, de désirabilité et de succès et qu’il est impératif pour les hommes d’atteindre cet idéal (Tiggemann, 2011).

L’environnement proximal des hommes met aussi de la pression pour que ces deniers soient plus minces et musclés. Une étude sur des adolescents à travers différentes cultures montre que les jeunes hommes subissent la pression de la part de leurs parents et de leurs pairs (McCabe et al., 2015). Cette influence aurait non seulement des répercussions sur la perception qu’ont les jeunes hommes d’eux-mêmes, mais aussi sur leurs habitudes. La pression perçue d’être plus musclé, les commentaires des parents et les comportements du père prédisent à la fois le désir d’être plus musclé et l’adoption de stratégies pour augmenter la musculature chez les jeunes garçons et les hommes universitaires (Galioto, Karazsia, & Crowther, 2012; Rodgers, Paxton, & Chabrol, 2009; Smolak, Murnen, & Thompson, 2005). Les pairs ont plusieurs façons d’influencer les jeunes hommes par rapport à leur musculature et leur perception d’eux-mêmes. En effet, Webb et Zimmer-Gembeck (2013) proposent une revue de littérature du rôle des pairs en vue d’expliquer l’insatisfaction corporelle des adolescents. Que ce soit par un processus d’apprentissage social ou par un processus de conformité au groupe d’appartenance, les pairs semblent prendre une place importante quant à l’insatisfaction corporelle des jeunes hommes. Cette revue fait état d’une association constante entre les taquineries, la comparaison par rapport à l’apparence et les conversations à propos de l’apparence et l’insatisfaction corporelle. De plus, les jeunes hommes seraient davantage insatisfaits de leur corps en contexte où ils ont été rejetés par leurs pairs.

Dans ce contexte, il est possible de constater une augmentation de l’investissement des hommes face à leur corps depuis les dernières années. Les jeunes hommes cherchent à se rapprocher du modèle de l’homme promu dans les revues et valorisé dans leur entourage

(14)

dans le but de se démarquer, mais aussi dans le but de plaire à une éventuelle partenaire amoureuse. En effet, en plus de faire la promotion de cet idéal musclé, les médias semblent également suggérer aux hommes que les femmes apprécient et recherchent davantage des hommes qui correspondent à cette silhouette idéale. En effet, il ressort des quelques études dans le domaine que les femmes, lorsqu’elles comparent le corps actuel des hommes en général à celui d’un corps idéal, préfèrent le corps plus musclé et imposant, mais que l’évaluation faite par les femmes quant au corps des hommes est moins sévère que celle que les hommes s’imposent à eux-mêmes (Grossbard, Neighbors, & Larimer, 2011; Murnen et al., 2015). Les hommes semblent surestimer le corps que les femmes désirent pour un partenaire, puisqu’il existe un écart entre ce que les hommes pensent que les femmes souhaiteraient et ce que ces dernières souhaitent réellement. Lorsque questionnées sur leurs préférences par rapport au corps d’un partenaire sexuel, les femmes rapportent un corps idéal significativement moins musclé que celui que les hommes estimaient être désiré par les femmes (Grossbard, Neighbors, & Larimer, 2011; Frederick & Haselton, 2003). Par ailleurs, les hommes semblent exposés à un idéal corporel masculin plus musclé que le modèle masculin auquel les femmes sont elles-mêmes exposées. Frederick et al. (2005) ont comparé le corps des modèles masculins entre 2001 à 2004 dans les revues pour hommes (Men’s Health, Men’s Fitness, Muscle & Fitness) et pour femmes (Cosmopolitan). Les représentations du corps masculin idéal dans les magazines pour hommes se sont avérées significativement plus musclées que celles présentes dans le magazine des femmes. Il est difficile de déterminer si ces trois revues pour hommes sont représentatives de l’ensemble des revues qui ciblent le lectorat masculin, puisqu’elles se concentrent sur l’entrainement et la nutrition, et donc pourraient proposer des modèles plus musclés que dans les revues pour les hommes en général. Toutefois, ces revues sont parmi les plus lues par les hommes, ce qui fait en sorte que beaucoup d’hommes sont exposés aux modèles masculins présentés par celles-ci. En outre, même en ne tenant pas compte du magazine spécialisé sur le culturisme (Muscle & Fitness), les modèles masculins restent significativement plus musclés que dans la revue pour femme. Frederick et al. (2005) ont aussi comparé l’idéal masculin des hommes et des femmes selon les représentations du corps masculin promues par les revues. L’idéal des femmes du corps masculin avait tendance à se rapprocher des représentations présentées dans la revue s’adressant aux femmes, tandis que l’idéal des

(15)

5

hommes se rapprochait de celui des représentations présentées dans les revues s’adressant aux hommes. Ces résultats suggèrent que les hommes et les femmes ne sont pas exposés au même idéal de beauté masculin et que cela favoriserait chez les hommes, l’impression que pour intéresser le sexe opposé, il est nécessaire d’être plus musclé qu’en réalité.

Cette exposition à des modèles masculins de plus en plus musclés est associée à plusieurs conséquences pour les hommes. À cet effet, plusieurs études ont évalué les effets d’une exposition à des publicités (Barlett, Vowels, & Saucier, 2008; Farquhar & Wasylkiw, 2007; Galioto & Crowther, 2013). Il en ressort un impact direct sur la satisfaction corporelle et l’estime de soi des hommes, et plus particulièrement chez les jeunes hommes. Après avoir été exposés à des publicités représentant des hommes musclés, les participants disaient être moins satisfaits de leur corps et rapportaient une moins bonne estime de soi qu’avant l’exposition. Peu importe si le modèle présenté montrait une musculature extrême ou s’il était simplement athlétique, l’effet négatif sur la perception du corps restait le même (Barlett, Vowels & Saucier, 2008). Ceci suggère donc que cet impact négatif ne serait pas spécifique aux modèles ayant une forte musculature, mais s’appliquerait également à l’exposition au modèle musclé et athlétique en général. Ainsi, une grande partie des publicités affichant le corps masculin musclé pourrait avoir un impact sur les hommes.

Qui plus est, il est possible d’observer une évolution dans la conceptualisation du corps masculin. Franzoi (1995) propose que le corps puisse être conçu selon deux visions : comme un objet ou un processus dynamique. Lorsque le corps est conceptualisé comme un objet, il est évalué par son esthétisme, tandis que lorsqu’il est conceptualisé comme un instrument ou un processus, il est évalué par rapport à ses capacités. Or, le corps masculin aurait subi un processus d’objectification, c’est-à-dire, que le corps est davantage conceptualisé comme un objet, plutôt que d’être reconnu pour ses capacités (Morrisson et al., 2003), et que donc, les muscles deviennent de plus en plus un symbole de beauté plutôt qu’un symbole de force physique. Ainsi, en plus d’une augmentation de la musculature au sens des représentations masculines dans les magazines, l’emphase semble être de plus en plus mise sur les attributs esthétiques que sur les performances. Par exemple, dans la revue Sports Illustrated, on observe une augmentation de la nudité et de la fréquence de poses dans les publicités comparativement à des images qui soulignent la participation à une

(16)

activité ou l’utilisation de produits que la publicité tente de vendre (Farquhar & Wasylkiw, 2007). Cette étude fait aussi ressortir l’impact sur l’image corporelle de l’exposition à des publicités mettant l’esthétisme du corps masculin à l’avant-plan. Elle démontre que les hommes seraient moins satisfaits de leur corps après avoir été exposés à des publicités et des slogans mettant l’accent sur les parties du corps et la beauté plutôt que sur l’énergie et les performances. Les hommes seraient donc de plus en plus vulnérables aux images véhiculées par les médias.

Les conséquences de l’insatisfaction corporelle

L’idéal de beauté masculin mésomorphique est très difficile à atteindre et la poursuite de cet idéal peut être associée à plusieurs conséquences sur différents plans de la vie de certains hommes.

Conséquences psychologiques. L’insatisfaction par rapport aux muscles joue un

rôle important dans la façon dont les hommes évaluent leur valeur et leur état émotionnel. En effet, plusieurs études ont montré, chez les hommes, une forte association entre une insatisfaction par rapport aux muscles et une moins bonne estime de soi et une plus grande présence de symptômes dépressifs et d’affects négatifs (Cafri, Strauss, & Thompson, 2002; Olivardia et al., 2004; Nowell & Ricciardelli, 2008). Plus spécifiquement, Olivardia et al. (2004) font la distinction entre l’insatisfaction par rapport aux muscles et par rapport à la masse adipeuse. Le sentiment d’être trop petit et insuffisamment musclé est lié à l’estime de soi, à la dépression et à six des sous-échelles de l’inventaire des troubles alimentaires (Eating disorder inventory; EDI; désir d’être mince, boulimie, insatisfaction corporelle, inefficacité, méfiance interpersonnelle), de même qu’à l’échelle totale, tandis que le sentiment d’être trop gras n’est associé qu’à la sous-échelle « désir d’être plus mince ». Ceci suggère donc que, chez les hommes, le concept de soi et l’évaluation de soi reposeraient davantage sur l’évaluation de la musculature plutôt que sur l’impression d’être trop gras. La poursuite de la muscularité, aussi associée à une plus grande comparaison de son corps à celui des autres, peut générer de l’anxiété sociale par rapport à son physique (McCreary & Saucier, 2009; Smolak & Stein, 2006). Cette forme d’anxiété sociale est caractérisée par de l’anxiété et de l’inconfort associé à l'exposition de son corps en public, l’impression que son corps est évalué par les autres et conséquemment que la personne sera

(17)

7

évaluée négativement (Hart, Leary, & Rejeski, 1989). Plusieurs études suggèrent une forte association entre l’insatisfaction par rapport à ses muscles et l’anxiété sociale par rapport à son physique (Duggan & McCreary, 2004; McCreary & Saucier, 2009; Brunet, Sabiston, Dorsch, & McCreary, 2010).

Conséquences comportementales et physiques. Les recherches suggèrent que

dans le but de pallier à leur impression d’être trop petits et insuffisamment musclés, certains hommes adopteraient des comportements délétères aux plans physique et psychologique (Bahrke & Yesalis, 2002). L’insatisfaction par rapport à la musculature de certains hommes est ainsi associée à la pratique de diètes restrictives ou à des patrons d’alimentation rigides et envahissants (Neumark-Stainer, Wall, Haines, Story, Eisenberg, 2007; Mikkilä et al., 2007). Ultimement, ces pratiques alimentaires augmentent les risques de développer un trouble du comportement alimentaire (Goldschmidt, Wall, Loth, Le Grange, & Neumark-Stainer, 2012). Aussi, le désir d’être plus musclé peut mener certains hommes à s’adonner à des séances d’entrainement intenses et sur une longue période sans une récupération adéquate (Olivardia, 2001). Ceci les met donc à risque de plusieurs blessures au niveau des os, des ligaments et des articulations. Ces manifestations font partie du syndrome de surentrainement qui se caractérise comme un épuisement physique suite à une grande quantité d’entrainement sans récupération adéquate (Halson & Jeukendrup, 2004; Parent, 2013). En plus du risque élevé de blessure, ces hommes qui s'entrainent à outrance risquent de vivre une baisse de leur performance, de leur système immunitaire et une altération de leur humeur (Halson & Jeukendrup, 2004).

Par ailleurs, l’utilisation de substances illicites ou non permettant d’améliorer les performances physiques présente un risque important pour la santé de ceux qui les utilisent. Parmi les substances les plus utilisées pour améliorer l’apparence, les stéroïdes anabolisants, ainsi que ses dérivés sont les plus connus (Cafri, Thompson, Ricciardelli, McCabe, Smolak, & Yesalis, 2005). Les stéroïdes anabolisants sont utilisés pour améliorer les performances sportives, mais aussi principalement pour améliorer l’apparence. À ce sujet, un sondage mené auprès de 500 utilisateurs de stéroïdes anabolisants montre que près de quatre utilisateurs sur cinq (78,4 %) ne s’entraînent que de façon récréative et utilisent les stéroïdes uniquement d’un point de vue esthétique (Parkinson & Evans, 2006).

(18)

Dysmorphie musculaire : continuum de l’insatisfaction corporelle

De la préoccupation non pathologique à pathologique. Il n’existe présentement

pas de données sur l’existence d’un continuum sur les conséquences comportementales de la préoccupation par rapport à la muscularité comme c’est le cas pour la préoccupation par rapport à la minceur allant d’une alimentation normale à un trouble des conduites alimentaires (TCA; Ackard, Fulkerson, & Neumark-Sztainer, 2011; Shisslak, Crago, & Estes, 1995), bien qu’il soit fort probable que ce phénomène soit présent aussi chez les hommes (Ricciardelli & McCabe, 2004). En effet, l’insatisfaction musculaire est présente chez une majorité des hommes, mais à des degrés différents. L’insatisfaction musculaire peut pousser les hommes à adopter des stratégies pour augmenter la musculature, ces dernières pouvant, à un certain point, faire partie d’un mode de vie sain, notamment, la participation à des activités sportives et l’adoption d’une saine alimentation. Toutefois, l’insatisfaction par rapport à la musculature est également un important facteur de risque de l’adoption de conduites alimentaires problématiques et de l’utilisation de substances visant à augmenter la musculature (Cafri et al., 2006; Grossbard, Atkins, Geisner, & Larimer, 2013; Litt & Dodge, 2008). Les hommes qui recherchent à améliorer leur apparence adopteraient davantage de conduites alimentaires problématiques que ceux qui recherchent à améliorer leur performance (Skemp, Mikat, Schenck, & Kramer, 2013). Dans ce contexte, la préoccupation par rapport à la musculature serait un agent de changement qui inciterait les hommes à s'investir dans des méthodes dites plus dommageables pour atteindre l’idéal mésomorphique, telles que l’adoption de patrons alimentaires problématiques, l’utilisation des suppléments de protéines ou bien l’utilisation de créatine. Notamment, l’étude de Karazsia, Crowther et Galioto (2013) dresse un portrait de l’utilisation des substances qui se veut progressif. En effet, les protéines semblent être le supplément d’initiation qui prédit ensuite l’utilisation subséquente de la créatine qui mènerait ensuite à l’utilisation de stéroïdes anabolisants, ces derniers représentant les substances les plus nocives pour la santé. Les utilisateurs de stéroïdes anabolisants auraient un historique de consommation de créatine et de protéines ede 84,6 % et 96,2 % respectivement.

La DM. La DM a tout d’abord été appelée « anorexie inverse » de par ses

(19)

9

Hudson, 1993). Comme pour l’anorexie mentale, les hommes souffrants de DM ont une perturbation de leur image corporelle accompagnée de comportements dysfonctionnels visant à diminuer cette insatisfaction corporelle (Pope et al., 1997). Toutefois, dans le cas de la DM, les préoccupations sont tournées vers l’impression d’être insuffisamment mince et musclé, ce qui concorde avec l’idéal promu par les médias. Les hommes souffrant de DM présenteraient une distorsion de l’image corporelle qui se traduirait par l’impression envahissante d’être frêles et faibles, et ce, malgré la prise de masse musculaire (Olivardia, 2001; Pope et al., 1997). Une étude ayant catégorisé les hommes selon quatre niveaux de préoccupation par rapport à leur musculature montre que les hommes ayant les caractéristiques de la DM avait un indice de masse corporel (IMC) ajusté à la musculature plus grand que les autres hommes, mais qu’ils se percevaient moins attirant physiquement, moins fort et moins bon dans les sports que les autres hommes (Gonzáles-Martí, Fernándes Bustos, Hernándes-Martínez, & Contreras Jordàn, 2014). Pour atteindre leur objectif d’augmenter leur musculature tout en réduisant leur pourcentage de gras corporel, les hommes présentant une DM se tourneraient vers des diètes et régimes rigides, ainsi que vers la pratique d’exercice excessif. Certains vont porter des vêtements amples ou éviter des situations afin de cacher leur corps ou vont vivre beaucoup d’anxiété s’ils ne peuvent pas se cacher. Ces hommes vivraient une forte culpabilité et anxiété lorsqu’ils dérogent de leurs habitudes et utilisent des comportements compensatoires afin de contrôler le poids. L’étude de Thomas, Tod et Lavallé (2011), montre une variabilité dans les symptômes de la DM selon l’horaire d’entrainement des hommes. En effet, ces derniers rapportaient des symptômes plus élevés lors d’un jour de repos comparativement à un jour d’entrainement. Ceci suggère que l’entrainement semble avoir un effet de réguler les affects générés par les obsessions liées à l’apparence et aux habitudes alimentaires et d’activité physique. La préoccupation par rapport à la musculature devient à ce point important qu’elle mène à un dysfonctionnement social, professionnel ou récréatif, par exemple refuser d’invitations sociales pour s’entrainer ou pour éviter d’exposer son corps perçu comme inadéquat, ou à sentiment de détresse (Olivardia, Pope, & Hudson, 2000). La DM est d’ailleurs associée à une plus faible qualité de vie (Lopez et al., 2015).

La DM a été associé à plusieurs pathologies et présente plusieurs comorbidités. Les hommes souffrants de DM seraient plus à risque de présenter une dépendance à l’exercice,

(20)

une anxiété par rapport à l’apparence, une utilisation de substances illicites (Hildebrandt, Schlundt, Langenbucher, & Chung, 2006; Lopez et al., 2015; Murray et al., 2012; Tod & Edwards, 2014). La DM présente une forte comorbidité avec les troubles anxieux (29-43 %), les troubles de l’humeur (58-74 %) et les TCA (4-29 %) (Cafri, Olivardia, & Thompson, 2008; Olivardia, Pope, & Hudson, 2000).

On estime à 10 % la présence de la DM chez les « body-builders » (Pope, Katz, & Hudson, 1993) et l’âge d’apparition du trouble serait aux alentours de 19 ans (Olivardia et al., 2001). Aucune prévalence de ce trouble dans la population générale n’est connue. Toutefois, certains chercheurs estiment la prévalence de la DM en utilisant celle des utilisateurs de stéroïdes (Parent, 2013), puisqu’elle est à la fois un indicateur d’un fort désir d’augmenter sa musculature et un comportement très répandu chez les hommes souffrant de DM. L’utilisation de stéroïdes par les hommes universitaires se situerait entre 1 % et 1,9 % (Johnson, O’Malley, Bachman, Schulenberg, 2010; McCabe, Brower, West, Nelson, & Wechsler, 2007). Bien que de plus en plus d’hommes demanderaient de l’aide psychologique pour des problématiques liées à une insatisfaction par rapport à leur musculature (Davey & Bishop, 2006; Morgan, 2002), très peu consultent spécifiquement pour une DM (Olivardia, Pope, & Hudson, 2000). Cette population reste difficile à rejoindre de par leur ambivalence entre continuer à s’approcher de leur idéal et nier les conséquences inhérentes à leur condition et chercher de l’aide pour réduire leurs préoccupations et leurs comportements dangereux impliquant toutefois de s’éloigner de leur idéal corporel (Addis & Mahalik, 2003; Olivardia, 2001). En ce sens, cette problématique semble égosyntonique au même titre que les TCA, ce qui peut rendre difficile la reconnaissance d’une souffrance et d’une altération fonctionnelle. D’ailleurs plus le nombre de symptômes de TCA ou de DM est élevé, plus le niveau de croyance positive par rapport aux TCA ou à la DM est élevé (Griffiths, Mond, Murray, & Touyz, 2015). Il est important aussi de considérer que les hommes présentant des conduites alimentaires problématiques ne souffrent généralement pas de maigreur et ont plutôt un poids normal comparativement aux femmes. Leurs problématiques alimentaires et leurs préoccupations par rapport à l’apparence sont donc moins visibles et moins stigmatisantes. En effet, les hommes qui présentent des conduites alimentaires problématiques subissent moins de

(21)

11

discrimination et leur condition est plus souvent vu positivement comparativement à des femmes souffrant d’un TCA (Star, Hay, Quirk, & Mond, 2015).

Bien qu’il existe encore une certaine controverse par rapport à la conceptualisation de la DM (Murray, Rieger, Touyz, & De la Garza Garcia, 2010), cette dernière a été officiellement catégorisée comme un spécificateur de la dysmorphie corporelle dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 5ème édition (DSM-5), qui se retrouve désormais dans la catégorie des troubles obsessionnels compulsifs (American Psychiatric Association, 2013). Cette association entre la DM et le trouble de dysmorphie corporelle a été appuyé par plusieurs auteurs (Chandler, Derryberry, Grieve, & Pegg, 2009; Maida & Armstrong, 2005; Olivardia, 2001; Pope et al., 1997). Ces derniers décrivent davantage la DM comme une préoccupation par rapport à un aspect spécifique du corps (Olivardia, 2001). En effet, les muscles seraient l’objet d’une obsession menant à de l’entrainement excessif et à des conduites alimentaires problématiques dans l’optique d’augmenter la musculature. Les conduites alimentaires dysfonctionnelles ne seraient pas au cœur du trouble, mais plutôt une conséquence de la DM. Pope et ses collaborateurs (1997), qui ont formulé des critères diagnostiques (voir tableau 1), adhèrent davantage à cette conceptualisation.

La classification de la DM dans les troubles de dysmorphie corporelle est bien appuyée. La DM a une comorbidité importante avec le trouble de dysmorphie corporelle et les troubles obsessionnels compulsifs (Maida & Armstrong, 2005; Olivardia, Pope, & Hudson, 2000). Les hommes souffrant de DM, présentent des comportements compulsifs comme les rituels de diètes, de l’exercice excessif et compulsif. De plus, la DM est associée à une recherche importante de réassurance par rapport à la musculature. Les hommes présentant cette problématique vérifient en moyenne jusqu’à dix fois par jour leur reflet dans les miroirs et vont penser à leur musculature trois heures quotidiennement (Olivardia, Pope, & Hudson, 2000). Toutefois, une étude de Pope et al. (2005) compare les caractéristiques cliniques des hommes souffrant de DM et les hommes souffrant d’un trouble de dysmorphie corporelle sans DM. Il en ressort que le portrait clinique des hommes souffrant de DM est plus sévère que celui des hommes souffrant d’un trouble de dysmorphie corporelle sans DM. En effet, hommes souffrant d’un trouble de dysmorphie

(22)

corporelle avec DM sont préoccupés par un plus grand nombre de parties de leur corps, ont une moins bonne qualité de vie, font plus de tentatives de suicide et consomment plus de substances que les autres troubles de dysmorphie corporelle. Récemment, une étude de Nieuwoudt, Zhou,Coutts et Booker (2015) montre, chez des hommes universitaires, une forte association entre les symptômes de la DM, de la dysmorphie corporelle et des TCA. De plus, les participants à risque de présenter une DM étaient fréquemment à risque de présenter une de ces deux pathologies. En effet, 5,6 % des participants présentait à la fois une DM et une dysmorphie corporelle, tandis que 9,3 % des participants présentait une DM et un TCA. Il existe donc une similarité des symptômes et une comorbidité tant avec le trouble de dysmorphie corporelle qu’avec les TCA.

Tableau 1

Critères de la DM proposés par Pope en 1997

A. La préoccupation par rapport à l’idée que son corps est insuffisamment mince et musclé. Les comportements caractéristiques associés à cette préoccupation inclus de longues heures à lever des poids et une attention excessive à une diète.

B. La préoccupation est accompagnée d’au moins deux des manifestations suivantes : 1. L’individu rate ou abandonne fréquemment d’importantes activités

sociales, occupationnelles ou récréatives pour répondre à un besoin compulsif de maintenir son horaire d’entrainement ou sa diète.

2. L’individu évite les situations dans lesquelles sont corps serait exposé aux autres ou s’il ne les évite pas, ces situations sont vécues avec une détresse marquée ou de l’anxiété intense.

3. La préoccupation par rapport à la musculature cause une souffrance ou un dysfonctionnement cliniquement significatif dans au moins l’une des sphères importantes de sa vie

4. l’individu continu de s’entrainer, de suivre sa diète ou d’utiliser des substances pour augmenter ses performances malgré la connaissance des effets néfastes physiques et psychologiques.

C. L’accent premier de la préoccupation et des comportements doit être par rapport à la peur d’être trop petit ou de ne pas être assez musclé, qu’on distingue de la peur d’être trop gros, comme pour l’anorexie, ou de la préoccupation par rapport un autre aspect du corps, comme un trouble de dysmorphie corporel.

(23)

13

D’ailleurs, plusieurs auteurs persistent à conceptualiser la DM comme un TCA (Grieve, 2007; Grieve, Truba, & Bowersox, 2009; Lamanna, Grieve, Derryberry, & Hackman, 2010; Murray, Rieger, Touyz, & De la Garza García, 2010). Cette proposition est aussi bien appuyée. Tout comme les TCA, la problématique de la DM se développe à l’adolescence et l’objet de la préoccupation est conforme aux idéaux véhiculés dans l’environnement socioculturel (Olivardia, 2001). Il existe une surreprésentation des femmes dans les TCA étant donné que l’environnement socioculturel fait la promotion de la minceur, alors qu’il y a une surreprésentation des hommes dans la DM compte tenu que l’environnement socioculturel promeut la muscularité. Comme les TCA, la DM est centrée sur un entrainement excessif et une diète rigide. Plusieurs études montrent que la DM présente des symptômes similaires concernant l’alimentation et l’activité physique (Lopez, Polak, Gonzales, Pona, & Lundgren, 2015; Murray et al., 2012; Tod & Edwards, 2014). Une étude comparant des hommes souffrant d’anorexie et des hommes souffrant de DM montre que ceux-ci présentent des niveaux de psychopathologie alimentaire et d’activité physique similaires (Murray et al., 2012). En effet, ceux-ci ne se différenciaient pas par rapport à la restriction alimentaire, aux préoccupations par rapport au poids et à la silhouette et à l’exercice compulsif. D’ailleurs, une étude de Murray, Rieger, Karlov et Touyz (2013) a exploré l’application du modèle transdiagnostique des TCA (Fairburn, Cooper, & Shafran, 2003; Fairburn, 2008) à la DM. Ce modèle propose que tous les TCA présentent le même « cœur pathologique », c’est-à-dire l’intolérance à la détresse, la faible estime de soi, le perfectionnisme et les problèmes interpersonnels. Il en ressort que la DM partage tous les facteurs centraux et communs des TCA à l’exception des problèmes interpersonnels. Considérant qu’il y a une migration assez fréquente des diagnostics de TCA au cours de la vie, (Ackard, Fulkerson, & Neumark-Sztainer, 2011; Peterson et al., 2012), il est ainsi possible que la DM, qui présente aussi ce même « cœur pathologique » soit une des formes vers laquelle le TCA puisse évoluer. D’ailleurs, afin de mieux comprendre les processus sous-jacent, plusieurs modèles étiologiques de la DM ont été inspirés de ceux faits pour les TCA.

(24)

Les modèles biopsychosociaux. La première conceptualisation étiologique de la

DM a été proposée par Olivardia (2001) qui suggérait que l’interrelation entre les prédispositions génétiques, les facteurs biologiques (IMC et puberté), les facteurs psychologiques (estime de soi et insatisfaction corporelle) et l’idéal de beauté véhiculé par l’environnement socioculturel (médias, la famille et les pairs) expliqueraient le développement de la DM. Ces facteurs étiologiques n’ont toutefois pas été représentés sous la forme d’un modèle et consistaient en une liste de facteurs impliqués dans le développement de la pathologie. D’autres auteurs se sont toutefois intéressés à certaines de ces variables, prises isolément, en lien avec la DM. Pour ce qui est des facteurs biologiques (IMC et puberté), par exemple, les études semblent démontrer que ces variables ont un rôle restreint par rapport à l’insatisfaction corporelle des hommes et le développement de la DM (Cafri et al., 2005; Leone et al., 2014). Au niveau génétique, une étude de jumeaux menée dans le cadre de l’étude FinnTwin16 et portant sur 319 paires de jumeaux monozygotes/dizygotes montre l’influence possible des gènes sur l’insatisfaction par rapport aux muscles (Raevuori, Keski-Rahkonen, Rose, Rissanen, & Kaprio, 2006). Les facteurs génétiques expliqueraient 40 % de la variance de l’insatisfaction musculaire comparativement à 60 % pour l’environnement unique. L’environnement, quant à lui, jouerait donc un rôle plus important que la génétique sur l’insatisfaction par rapport à la musculature et, éventuellement, sur la DM. Par rapport à l’aspect psychologique, plusieurs études ont établi que l’insatisfaction par rapport à la musculature et l’estime de soi sont des prédicteurs des symptômes de DM chez les hommes (Ebbeck et al., 2009; Grieve & Helmick, 2008; Lamanna et al., 2010). Enfin, plusieurs études appuient l’influence de l’environnement socioculturel. En effet, les encouragements à devenir plus musclé et à adopter des comportements pour atteindre cet objectif de la part des membres de l’entourage (parents, pairs) et des médias sont associés à l’insatisfaction musculaire (Karazsia & Crowther, 2009, Karazsia & Crowther, 2010; Tylka, 2011).

Suite aux travaux d’Olivardia et ses collaborateurs, Cafri et al. (2005) ont proposé un modèle intégratif (voir figure 1) différent de celui d’Olivardia, surtout par la promotion de variables relatives à l’environnement social de l’homme. Ce modèle propose que les facteurs biologiques aient une influence sur des facteurs sociaux (l’influence des médias, des parents et des pairs), ces derniers mèneraient à une insatisfaction corporelle en passant

(25)

15

par un processus de comparaison sociale du corps qui favoriserait au final l’adoption de comportements à risque pour augmenter sa musculature. De plus, le fonctionnement psychologique, défini dans le modèle par l’estime de soi et les affects négatifs, aurait une relation bidirectionnelle avec les comportements à risque pour augmenter la musculature. Il importe toutefois de souligner que ce modèle vise à prédire l’adoption de comportements à risque associés à la DM (l’utilisation d’épinéphrine, de stéroïdes ou ses précurseurs et des diètes pour prendre de la masse musculaire ou perdre de la masse adipeuse) et non la DM elle-même.

Cafri, van den Berg et Thompson (2006) ont évalué les différentes variables de leur modèle à l’aide d’une série de régressions. Les affects négatifs, l’influence des médias et la participation à des sports ressortent comme les meilleurs prédicteurs de l’adoption de comportements à risque associés à la DM. Ceci suggère donc que ces variables soient les plus signifiantes chez les adolescents. Toutefois, les résultats de l’étude de Cafri et al. (2006) ne permettent pas de déterminer si le modèle de Cafri et al. (2005) est adéquat, puisque Cafri et al. (2006) n’ont pas fait d’analyses qui tiennent compte de l’ensemble des variables simultanément afin de valider le modèle dans son ensemble, mais plutôt une série d’analyses pour vérifier chacun des liens pris isolément.

Figure 1. Modèle étiologique des comportements du développement musculaire à risque de Cafri et al. (2005)

(26)

Le modèle étiologique de Grieve. Grieve (2007) a proposé un modèle qui s’inspire

de celui de Cafri et al. (2005), mais visant à expliquer le développement de la DM plutôt que ses manifestations, telles que l’utilisation de substances pour améliorer la musculature et de diètes (voir figure 2). Cette troisième conceptualisation étiologique incorpore plusieurs variables impliquées dans le développement des TCA comme l’internalisation du modèle de beauté, l’estime de soi et le perfectionnisme, compte tenu de la ressemblance entre les manifestations des TCA et la DM (Lamanna et al., 2010; Murray et al., 2010). Grieve propose que l’interaction entre l’IMC et la participation à des sports influencerait l’internalisation des idéaux de beauté qui, en retour, serait associée à l’estime de soi et à l’insatisfaction corporelle. L’insatisfaction corporelle mènerait directement à la DM, mais aussi en passant par les affects négatifs et le perfectionnisme. La faible estime de soi mènerait aussi à la DM en passant par les affects négatifs. Certains auteurs ont postulé que les conduites alimentaires et d’activité physique pourraient être des moyens de gérer et d’exprimer des émotions négatives (Chandler et al., 2009; Ebbeck et al., 2009; Leone et al., 2014).

Figure 2. Modèle étiologique de la DM de Grieve (2007)

Plusieurs études récentes ont évalué les diverses composantes du modèle de Grieve (Grammas & Schwartz, 2009; Lamanna, et al., 2010; Petrie, Greenleaf, & Martin, 2010).

(27)

17

universitaires à l’intérieur d’un modèle interrelié (Lamanna, et al., 2010). Cette étude a effectué des analyses acheminatoires et supporte partiellement le modèle de Grieve. Plus spécifiquement, les résultats de ces études confirment que l’internalisation de l’information socioculturelle serait significativement associée à l’estime de soi et à l’insatisfaction corporelle, qui serait à son tour un prédicteur de la DM. Le rôle médiateur des affects négatifs sur la relation entre l’insatisfaction corporelle n’a pas été obtenu contrairement à ce qui est observé pour les femmes (Grossbard, Atkins, Geisner, & Larimer, 2013; Stice, 2002). De plus, contrairement au modèle original, le perfectionnisme ne semble pas avoir une position claire dans le modèle. Ce trait de personnalité serait lié à la DM par son influence sur le désir d’être plus musclé. Ces résultats proposent d’ailleurs que la DM et les TCA partagent une étiologie commune et des processus sous-jacents communs.

La personnalité : un nouveau champ d’intérêt.

Plusieurs auteurs se sont penchés sur les corrélats personnologiques afin de mieux comprendre la DM (Davis, Karvinen, & McCreary, 2005; Kuennen & Waldron, 2007; Grammas & Schwartz, 2009; Gordon & Dombeck, 2010). Ces études se sont principalement inspirées des profils de personnalités des femmes souffrant d’un TCA pour orienter la recherche. Entre autres, Davis et Scott-Robertson (2000) ont comparé des « body-builders » à des femmes souffrant d’anorexie sur différents traits de personnalité. Les « body-builders » présentaient des niveaux comparables aux femmes souffrant d’anorexie et supérieurs à un groupe contrôle quant à la personnalité obsessionnelle compulsive, la personnalité narcissique et le perfectionnisme.

D’autres études se sont intéressées directement aux facteurs de la personnalité en lien avec le désir d’être plus musclé et la DM. Parmi ceux-ci, le névrosisme a été associé au désir d’être plus musclé (Davis, Karvinen, & McCreary, 2005).). Le névrosisme aurait un rôle d’amplificateur émotionnel qui ferait en sorte que les affects négatifs seraient plus intenses et mettraient à risque de développer des comportements plus extrêmes afin de les gérer.

Le perfectionnisme a aussi été étudié en lien avec la DM. Une étude de Murray, Rieger, Karlov, & Touyz (2013) montre que le perfectionnisme est un prédicteur de la DM.

(28)

Toutefois, d’autres études proposent que le perfectionnisme ne prédise pas directement la DM. En effet, l’étude de Kuennen et Waldron (2007) montre que le perfectionnisme est seulement associé au symptôme d’exercice compulsif, tandis que celle de Maida et Armstrong (2005) montre que le perfectionnisme est faiblement associé à la DM et ne contribue pas significativement à la prédiction de la DM. De plus, sa forte association avec le désir d’être plus musclé et l’internalisation de l’idéal musclé suggère plutôt que ce trait soit impliqué dans les facteurs en amont de la DM (Dakanalis et al., 2014; Davis, Karvinen & McCreary, 2005; Grammas & Schwartz, 2009; Lamanna et al., 2010).

Le narcissisme est un autre trait de personnalité qui a été étudié par rapport à la DM. Certaines études n’ont pas trouvé de lien entre le narcissisme et le désir d’être plus musclé et la DM (Davis, Karvinen, & McCreary, 2005; Kuennen & Waldron, 2007). Toutefois, ces études n’ont exploré que la dimension grandiose du narcissisme et ont mis de côté la dimension vulnérable. La dimension grandiose du narcissisme qui correspond à un sentiment de supériorité, une estime de soi élevée et de la dominance (Ronningstam, 2009) est plutôt associée à une plus grande estime de soi et moins de détresse psychologique (Miller et al., 2010; Miller et al., 2011). Quant à la dimension vulnérable, celle-ci correspond à un sentiment sous-jacent de supériorité, une inhibition sociale et une hypersensibilité à la critique (Ronningstam, 2009). Lorsque ces deux dimensions sont prises séparément, différentes associations à la DM ont été observées. En effet, le narcissisme grandiose prédit alors le désir d’être plus musclé, tandis que le narcissisme vulnérable prédit la DM, ainsi que les TCA (Gordon & Dombeck, 2010; Maples, 2011). D’ailleurs, le narcissisme global a été associé à plusieurs des symptômes de la DM, ce qui suggère une conjonction entre ce trouble et le narcissisme (Bruno et al., 2014; Gezer, 2014; Hill, 2015). En effet, l’exercice excessif, l’utilisation de substances et l’anxiété sociale par rapport au physique ont tous été associés au narcissisme.

Objectif général

En résumé, il est de plus en plus clair que les hommes subissent une forte pression d’atteindre un corps idéal, ce qui génère chez plusieurs d’entre eux de l’insatisfaction corporelle reliée à la musculature. Cette insatisfaction par rapport à la musculature peut mener à la DM, cette pathologie étant considérée comme un trouble de dysmorphie

(29)

19

corporelle depuis quelques années (APA, 2013). Toutefois, plusieurs études récentes mettent encore de l’avant la similarité importante entre la DM et les TCA (Lopez et al., 2015; Murray et al., 2012; Tod & Edwards, 2014). Ces études dressent un portrait similaire quant à leur symptomatologie et leurs caractéristiques. Ceci suggère donc que la DM puisse avoir une étiologie similaire aux TCA. Toutefois, aucune étude ne s’est penchée sur l’application d’un modèle étiologique propre aux TCA à la symptomatologie de la DM. L’objectif de ce mémoire est de mieux comprendre les processus sous-jacents à la DM et d’explorer l’applicabilité des facteurs explicatifs des TCA à la DM. Ainsi, ce mémoire explore le rôle des influences socioculturelles sur le désir d’être musclé et les variables impliquées dans le passage d’un désir d’être plus musclé vers l’adoption des symptômes de la DM.

(30)

LES FACTEURS PSYCHOSOCIAUX RELIÉS À LA DYSMORPHIE MUSCULAIRE

(31)

21

Résumé

L’objectif de cette étude consiste à explorer les processus sous-jacents menant à la dysmorphie musculaire (DM). Étant donné que la DM partage plusieurs similarités symptomatologiques avec les troubles des conduites alimentaires (TCA), le modèle socioculturel de Stice (1994), originalement conçu pour expliquer les crises de boulimie, sera appliqué aux symptômes de la DM. Le modèle propose que les influences socioculturelles mènent à l’insatisfaction corporelle (au désir d’être plus musclé) qui mène aux crises de boulimie (dans ce cas-ci à la DM) directement et indirectement en passant par deux voies : la voie des affects négatifs et la voie comportementale. Pour ce faire, trois cent quatre-vingt-six hommes ont été recrutés parmi les étudiants et les employés de l’Université Laval et ont rempli des questionnaires en ligne. Des analyses acheminatoires ont été effectuées pour tester le modèle initial de Stice et un modèle modifié. Les résultats indiquent que le modèle de Stice a un bon ajustement, mais la voie des affects négatifs n’est pas significative. Un modèle proposant le rôle modérateur du narcissisme vulnérable sur le lien entre le désir d’être plus musclé et les affects négatifs présente un bon ajustement et représente un meilleur modèle que l’original. Les influences sociales mènent donc au désir d’être plus musclé qui lui mène directement à la DM. En plus de l’effet direct, le désir d’être plus musclé a des effets indirects en passant par les affects négatifs (lorsque le narcissisme vulnérable est élevé) et les stratégies pour augmenter la musculature. Ceci suggère que la DM partage plusieurs facteurs et processus similaires à ceux des TCA.

(32)

Introduction

Les hommes subissent de plus en plus de pressions sociales afin d’avoir un corps mince et musclé. Ce corps idéal est, entre autres, mis de l’avant par les médias qui en font grandement la promotion (Ricciardelli, Clow, & White, 2010). Il n’est donc pas surprenant, dans ce contexte, que les hommes soient de plus en plus insatisfaits de leur corps, n’atteignant pas les standards promus. D’ailleurs, certaines études montrent que l’insatisfaction des hommes par rapport à leur corps atteindrait des niveaux similaires à ceux des femmes, qui elles, ont été associées à plusieurs reprises à des problématiques liées à l’image corporelle et à l’alimentation (Frederick et al., 2007; Neighbors & Sobal, 2007; Ricciardelli & McCabe, 2004). Ce désir d’être plus musclé peut s’intensifier en sévérité et ainsi, mener au trouble de la dysmorphie musculaire (DM). La DM a été définie par Pope et al. (1997) comme étant une préoccupation excessive par rapport à la musculature et l’adoption de comportements alimentaires et d’exercices physiques associés à la poursuite de la muscularité.

Récemment, la DM a été officiellement catégorisé, dans le manuel diagnostic et statistique des troubles mentaux, 5ème édition, comme un spécificateur de la dysmorphie

corporelle, cette dernière faisant partie du spectre du trouble obsessionnel compulsif (DSM-5; American Psychiatric Association, 2013). D’ailleurs, il existe une forte comorbidité entre la DM et les troubles obsessionnels compulsifs et les troubles de dysmorphie corporelle (Chung, 2001; Maida & Armstrong, 2005; Olivardia, Pope, & Hudson, 2000). La DM serait donc une forme de dysmorphie corporelle dont l’objet de préoccupation est les muscles. En effet, l’une des caractéristiques clés des troubles de dysmorphie corporelle consiste en une obsession envahissante concernant l’apparence physique et des comportements répétitifs en rapport à cette préoccupation. Les muscles seraient l’objet d’une obsession menant à de l’entrainement excessif et à des conduites alimentaires rigides. Les conduites alimentaires dysfonctionnelles ne seraient pas au cœur du trouble, mais plutôt comme une conséquence de la DM et un moyen de réduire l’anxiété associée à l’apparence physique.

Malgré que les perturbations alimentaires soient considérées secondaires dans le diagnostic (Olivardia, 2001), encore plusieurs auteurs font le parallèle entre la DM et les TCA (Grieve, 2007; Grieve, Truba, & Bowersox, 2009; Lopez et al., 2015; Mosley, 2009;

(33)

23

Murray et al., 2010; Murray et al., 2012; Murray et al., 2013). Par exemple, l’étude de Murray et al. (2010) dresse un portrait bien similaire entre la DM et les TCA. Cette revue critique de la littérature concernant la catégorisation de la DM soulève que l’âge d’apparition se situe autour de l’adolescence pour les deux troubles et que la surreprésentation d’un genre tant pour les TCA que la DM est directement en fonction de la pression sociale ressentie. En effet, les hommes étant bombardés par un idéal mésomorphique développeraient une pathologie alimentaire et corporelle qui vise à augmenter la musculature alors que les femmes tenteraient de se soumettre à l’idéal de minceur promu.

Plusieurs études font aussi état de symptômes alimentaires chez la DM tels que la restriction alimentaire et les préoccupations par rapport au poids et la silhouette (Grieve, Truba, & Bowersox, 2009; Lopez, Polak, Gonzales, Pona, & Lundgren, 2015; Murray et al., 2012). À cet effet, une étude de Murray et al. (2012) compare des hommes ayant un diagnostic de DM et des hommes ayant un diagnostic d’anorexie mentale sur la symptomatologie alimentaire et l’exercice compulsif. Les hommes souffrant de DM ne se distinguent pas des hommes souffrant d’anorexie mentale par rapport à la restriction alimentaire, aux préoccupations par rapport au poids et à la silhouette et l’exercice compulsif. Ces résultats soulèvent donc que, non seulement les hommes présentant une DM ont des conduites et des préoccupations alimentaires problématiques similaires aux hommes présentant une anorexie mentale, mais aussi que l’exercice physique est aussi problématique pour ces deux troubles.

En plus d’une symptomatologie similaire, la DM partage aussi les facteurs centraux et communs des TCA. Murray, Rieger, Karlov et Touyz (2013) ont vérifié si les composantes du modèle transdiagnostique des TCA (Fairburn, 2003) étaient applicables à la DM. Ce modèle propose des composantes universelles entre les différents TCA. Ces auteurs ont vérifié si ces composantes (les problèmes interpersonnels, l’intolérance à la détresse, la faible estime de soi et le perfectionnisme) pouvaient prédire la symptomatologie de la DM. Il en ressort que la DM est prédit par tous les facteurs centraux et communs des TCA à l’exception de la présence des problèmes interpersonnels. Ces deux pathologies présentent donc un portrait commun.

(34)

Étant donné que la DM et les TCA partagent le même « cœur pathologique », il est probable que les mêmes processus sous-jacents soient impliqués quant à leur étiologie. Un des modèle conceptuel le plus répandu pour expliquer le développement des TCA est le modèle socio-culturel proposé par Stice (1994; 2002; voir figure 3). Ce modèle implique que l’internalisation des pressions sociales demandant d’atteindre un idéal de minceur mène à l’insatisfaction corporelle et subséquemment aux TCA. L’insatisfaction corporelle mène aux TCA en passant par deux voies. La première est la voie affective qui propose qu’il y ait une gestion des affects négatifs par les conduites alimentaires. La seconde voie est comportementale et propose que la restriction alimentaire mène au TCA. Malgré que le modèle de Stice n’ait pas été testé directement sur la DM et les préoccupations par rapport à la musculature, des résultats appuient en partie cette proposition.

Figure 3. Modèle socioculturel de Stice (2002).

Une étude de Lamanna et al. (2010) évalue un modèle qui se rapproche de celui de Stice sur des hommes et des femmes universitaires. Le modèle propose que les influences socio-culturelles mènent à l’insatisfaction corporelle qui, elle, prédit directement ou indirectement par les affects négatifs la DM et les TCA. Tout comme le propose Stice, les résultats de cette étude montrent que les influences socio-culturelles mènent à l’insatisfaction corporelle qui mène ensuite aux symptômes de DM. Toutefois, les affects négatifs n’étaient pas un médiateur significatif de la relation entre l’insatisfaction corporelle et la DM et la voie comportementale, telle que proposée par Stice, n’a pas été explorée dans cette étude. Il serait donc nécessaire de mieux comprendre l’ensemble des facteurs qui relient l’insatisfaction corporelle à la DM. Le modèle de Stice a déjà fait l’objet de

(35)

25

l’insatisfaction corporelle et les affects négatifs (Gagnon-Girouard et al., 2009). Cette étude met en lumière l’effet de modération du névrosisme sur la relation entre l’insatisfaction corporelle et les affects négatifs. L’ajout d’un facteur de la personnalité pourrait donc permettre de mieux comprendre le lien entre l’insatisfaction corporelle, les affects négatifs et la DM. Le narcissisme a été étudié à plusieurs reprises en lien avec la DM. Entre autres, le narcissisme est lié à l’exercice excessif, l’utilisation de substances et différents comportements à risques (Bruno et al., 2014; Hill, 2015). Il semble toutefois que le narcissisme vulnérable soit plus étroitement lié aux affects négatifs (Miller et al., 2010), les hommes affichant un haut niveau de narcissisme vulnérable sembleraient donc prompts à vivre des affects négatifs, ce qui pourrait jouer un rôle modérateur pour la voie passant par les affects négatifs.

La phénoménologie très proche de celle des TCA et les résultats prometteurs par rapport à une étiologie commune entre la DM et les TCA suggèrent l’application d’une compréhension de la DM basée sur les TCA. L’étude a pour objectif de tester l’applicabilité d’un modèle socioculturel de Stice aux symptômes de la DM. Le modèle testé, adapté pour rendre compte des spécificités de la DM, propose que les influences socioculturelles mènent au désir d’être plus musclé, qui lui, mène aux symptômes de la DM directement et indirectement en passant par deux voies, soit la voie des affects négatifs et la voie comportementale. De plus, le rôle de la personnalité dans le modèle explicatif de la DM sera exploré. Plus précisément, le rôle modérateur du narcissisme vulnérable sur la voie des affects négatifs sera exploré. Il est donc attendu que le modèle de Stice présente un bon ajustement et que celui-ci explique de façon adéquate les symptômes de la DM.

Méthodologie

Participants

Trois cent quatre-vingt-six hommes étudiants universitaires et employés de l’Université Laval ont été recrutés. L’âge moyen des participants est de 24,22 ans (ÉT=4,39). Les participants sont principalement caucasiens (91,8 %) et d’origine canadienne (90,0 %). Ils sont étudiants à temps plein (71,3 %) ou travaillent à temps plein (20,9 %) en majorité, tandis que certains travaillent à temps partiel (6,5 %) et 1,1 % sont sans emploi ou en arrêt de travail. L’IMC des participants s’échelonne de 14,92 à 34,09

Figure

Figure 1. Modèle étiologique des comportements du développement musculaire à risque de  Cafri et al
Figure 2. Modèle étiologique de la DM de Grieve (2007)
Figure 3. Modèle socioculturel de Stice (2002).
Figure 4. Modèle de Stice modifié visant à prédire la DM avec les coefficients standardisés

Références

Documents relatifs

✔ Faire la liste des paramètres qui peuvent influer sur le pendule.. ✔ Tester chacun de

✔ Faire la liste des paramètres qui peuvent influer sur le pendule.. ✔ Tester chacun de

Il ne le supporte pas. Il décide de dévorer toutes les histoires qui parlent de grand méchant loup.!. Mais il ne dévore pas que

[r]

L’émergence de nombreuses forêts primaires fournit aux hommes de nouveaux outils, un matériau pour son habitat, un combustible pour fabriquer des poteries et des objets

Etant plus léger (1/4 seulement des élèves résident en zone rurale), résR est plus excentrique que résU. Avec résR, on a, dans la classe J107, les modalités d'absence de

Si ces deux modèles restent, à ce jour, des instruments privilégiés dans l’évaluation des facteurs psychosociaux au travail, une tendance plus récente consiste

Then ,in the third chapter, we ‘ll deal with emphasis on the increasing attendance of the Turkey’s role and activity in different center affairs in the region; that is through