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L'approche intégrée du genre dans l'élaboration des politiques socio-économiques

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L'approche intégrée du genre dans l'élaboration des politiques

socio-économiques

Annie CORNET, professeure

Unité de recherches EGiD - Etudes sur le Genre et la Diversité en Gestion

HEC-Ecole de gestion de l'UL

UER Management, service GRH et mangement des organisations

B31, boîte 48, Sart Tilman, 4000 Liège Tel : +32 4 366 27 95

Fax: +32 4 366 27 67 annie.cornet@ulg.ac.b

egid@ulg.ac.be

www.egid.hec.ulg.ac.be

Cet article de synthèse vise à aborder les changements que l’approche intégrée selon le genre est susceptible de produire dans les processus d'élaboration des politiques socio-économiques et dans l’analyse de leurs impacts. Nous parlerons des politiques publiques mais aussi des politiques de gestion des entreprises tant privées que publiques ou encore issues du secteur non-marchand.

Certaines et certains peuvent avoir l’impression que le débat sur l’égalité entre les femmes et les hommes est dépassé, que nous sommes dans une société où l’égalité est acquise et que, si des différences subsistent, elles relèvent de choix personnels. Des progrès importants ont été réalisés, nous sommes dans une société d’égalité des droits, mais de nombreuses études montrent que, malgré tout, des situations d’inégalités demeurent. Elles sont générées le plus souvent par des discriminations systémiques et indirectes, donc « invisibles ». Ces inégalités sont notamment le résultat de politiques qui ont été pensées comme neutres alors qu’elles affectent de manière différenciée et inégalitaire l’un et l’autre sexe. C’est au travers de ses décisions et de ses structures que la société reproduit les inégalités entre les sexes, comme celles qui affectent d’autres groupes sociaux.

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Avant de rentrer dans le cœur du débat, il paraît important de prendre le temps de poser quelques concepts-clés qui seront structurants pour comprendre la suite du propos.

1. Comprendre les termes du débat

1.1 Le genre et le sexe : deux termes à différencier

On a souvent tendance à confondre genre et sexe, ou plus précisément analyse différenciée selon les sexes (analyse qui utilise le sexe comme variable indépendante) et analyse intégrée selon le genre.

Le sexe (H, F) renvoie aux différences biologiques entre les hommes et les femmes. Ces différences sont universelles et intemporelles. Elles ne changent pas dans l’espace (différents pays) et dans le temps (différentes époques). C’est le sexe qui va expliquer pourquoi un employeur qui introduit de la mixité dans ses équipes masculines va devoir gérer un nouveau défi de GRH, à savoir le congé de maternité ! Seules les femmes peuvent être enceintes, il est donc inévitable que ce soit elles qui bénéficient du congé de maternité et du repos d’accouchement. Partant de ce principe, le mamentrepreneuriat est un sujet exclusivement féminin (Andria & Richomme-Huet, 2012) qui vise à étudier le lien entre la maternité et le processus de création de son entreprise. L’analyse différenciée selon les sexes consiste ainsi à utiliser la variable sexe (Homme/ Femme) comme variable indépendante pour mettre en évidence des différences entre les hommes et les femmes. On met en évidence, par exemple, que les femmes constituent 30% des entrepreneurs, que 80% des travailleurs à temps partiel sont des femmes ou que le taux de décrochage scolaire des garçons est plus élevé que celui des filles. On va tenter de cerner l’entrepreneuriat féminin, en le différenciant de l’entrepreneuriat masculin et en s’intéressant au profil des femmes entrepreneurs, au profil de leurs entreprises, à leur accès au financement, etc. On pointe donc ici des différences liées à la variable sexe (positionnée comme variable indépendante) et on réalise une analyse comparative selon les sexes.

Le genre, par contre, renvoie à des constructions sociales et culturelles du féminin et du masculin. Ces constructions sociales se sont construites autour des différences biologiques entre les femmes et les hommes (le sexe biologique). Ainsi, la maternité va influencer la

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construction de la place des femmes dans la société avec des attentes sur le temps qu’elles consacrent à la prise en charge des enfants. Les différences de genre sont, à l’inverse du sexe, contextuelles : elles changent selon les pays, les cultures et les groupes sociaux. Elles sont aussi temporelles : elles varient selon les époques. Ainsi, dans certains pays, et à certaines époques plus que d’autres, on va concevoir qu’il est « naturel » que ce soit les femmes qui prennent en charge la majorité des soins aux enfants en bas âge, en lien avec une vision traditionnelle des rôles familiaux. Dans le même ordre d’idée, la plupart des sociétés acceptent, de plus en plus, que les femmes prennent une place dans la sphère économique et politique (St-Onge & Magnan, 2013). On encourage de plus en plus les hommes à investir plus de temps dans la vie domestique et parentale (Orse, 2013), il y a une évolution dans les rôles assignés à l’un et l’autre sexe. Toutefois, il existe encore des pays et des groupes sociaux dans lesquels les femmes ne peuvent prendre certaines places dans la sphère sociale et économique et sont cantonnées à des rôles familiaux et domestiques.

Si une analyse différenciée selon les sexes se contente de pointer les différences entre le groupe des femmes et celui des hommes, l’analyse selon le genre veut aller plus loin pour interroger :

A. les stéréotypes féminins et masculins ; B. les rôles sexués ;

C. l’inégalité des femmes et des hommes ; D. la hiérarchisation du féminin et du masculin.

1.2 Les stéréotypes

Il s’agit, premièrement, de voir en quoi des politiques sont susceptibles de renforcer des stéréotypes associés à l’un et l’autre sexe (Scharnitzky, 2012). Ainsi, il est perçu comme « naturel » que les femmes et les filles crééent leur entreprise dans le secteur du commerce, de la restauration et des soins aux personnes, par contre, beaucoup moins, qu’elles se lancent dans les nouvelles technologies (NTIC), le secteur de la construction ou du développement durable (Dufour, 2014). Il est perçu comme « normal », car en lien avec leurs compétences dites « naturelles », que les garçons s’intéressent aux filères d’étude des sciences appliquées et peu aux métiers centrés sur les relations avec les autres tels que la communication et les ressources humaines (Legault & Ross, 2008; Mosconi & Stevanovic, 2007) et que les hommes occupent les fonctions à responsabilités dans les entreprises (Laufer & Pochic,

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2004). Penser une politique selon l’impact genré, c’est donc réfléchir à la façon dont cette politique va renforcer ou non des stéréotypes sexués. Un tel renforcement peut se jouer dans les campagnes d’affichage et les photos choisies pour illustrer cette dernière (Institut pour l'égalité des femmes et des hommes, 2013). Par exemple, une campagne destinée à annoncer des politiques pour favoriser la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale où il n’y aurait que des images de femmes avec des enfants. La reproduction des stéréotypes se fait aussi à travers les images qui sont véhiculées dans les médias. Nous avons mis en évidence la prévalence des hommes comme personnes de références et comme experts dans la presse économique et d’affaires (Cornet & Dubois, 2014). Si on s’intéresse au secteur social, on peut remarquer que les personnes victimes de violence sexuelle sont traditionnellement perçues comme étant des femmes. Ceci a pour effet, d’une part, que les hommes hésitent davantage à déposer plainte s’ils sont victimes de violence et, d’autre part, que s’ils déposent plainte, leur témoignage est moins pris au sérieux.

1.3 Les rôles sexués

De plus, chaque culture et chaque société définit des rôles féminins et masculins, associés souvent aux différences biologiques entre les hommes et les femmes, mais aussi aux rapports sociaux et de pouvoir entre les sexes. Autour de ces rôles, se construisent des images et des représentations des comportements attendus de l’un et l’autre sexe, de ses (in)compétences, de ses rôles et de ses sphères d’activité. Ceci déterminera notamment les comportements et les attitudes perçus comme « normaux » et « naturels » pour les hommes et pour les femmes (Olivier, 2010).

Ainsi, il est perçu comme « naturel » que ce soit les femmes qui prennent des congés pour s’occuper des enfants et donc qui demandent des aménagements d’horaire pour avoir leur mercredi après-midi libre ou pour pouvoir aller conduire et rechercher les enfants à l’école. Par contre, bon nombre de patrons et de responsables hiérarchiques ont encore du mal à entendre et à accepter qu’un homme doive composer avec ces contraintes, par nécessité mais aussi par choix, pour pouvoir être acteur à part entière de sa vie familiale et parentale (ORSE, 2008). Des rôles et des tâches restent perçus comme naturellement masculins ou féminins, cela se marque notamment dans les titres et les fonctions. On parlera d’un patron, d’une assistante/secrétaire, d’une sage-femme, d’un professeur, de Madame le Ministre (Belghiti-Mahut & Lafont, 2009; Laufer, 1982).

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Cette répartition des rôles sexués est une construction sociale qui évolue dans le temps (les pères investissent de plus en plus les rôles parentaux) et qui varie aussi d’un groupe social à l’autre. Il est perçu, dans nos sociétés, de plus en plus comme « normal » qu’un homme demande des aménagements de son temps de travail pour des raisons familiales (garde partagée, etc.) mais cela est loin d’être vrai dans tous les pays du monde.

1.4 Les inégalités

L’analyse de genre vise aussi à débusquer les inégalités qui sont le résultat de ces constructions sociales. Ce ne sont pas les différences qui sont un problème (au contraire, la différence peut être une source de valeur ajoutée et de créativité) mais bien les situations d’inégalités et de dépendance qui sont construites autour de ces différences. Les femmes et les hommes, de par la répartition des rôles et en raison des stéréotypes sur leurs compétences et incompétences, subissent des inégalités en termes de représentations, de répartition et d’accès aux ressources, et d’exercice du pouvoir (3R1).

L’investissement des femmes dans la sphère familiale les pénalise au niveau de leurs droits à la sécurité sociale (droits dérivés) et du montant de leur pension. Plusieurs femmes étrangères bénéficient du statut de réfugié en regard de leur situation de dépendance par rapport à leur conjoint, une séparation risquerait donc d’entraîner leur renvoi dans le pays d’origine (Ouali, 2007). Elles n’ont, en Belgique, par ailleurs, pas le droit de travailler dans leur pays d’accueil et n’ont pas droit à un permis de travail, ce qui renforce leur dépendance économique à l’égard de leur conjoint.

Les inégalités concernent également les hommes, pris dans ce système de stéréotypes et de rôles sociaux assignés à l’un ou l’autre sexe. Ainsi, les hommes éprouvent encore parfois des difficultés à obtenir et demander un congé parental, à être situés sur un pied d’égalité en termes de garde des enfants. Certains s’estiment pénalisés par le calcul des pensions alimentaires qui ne prend pas en compte leurs jours de garde. Le taux de décrochage scolaire

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des garçons est trois fois plus élevé que celui des filles, les garçons seraient plus vite sanctionnés en cas de comportements déviants que les filles.

1.5 Dévalorisation du féminin

Globalement, la société s’est construite autour d’une dévalorisation des caractéristiques dites féminines et d’une survalorisation des caractéristiques perçues comme masculines. On remarque une survalorisation des secteurs d’activité et des métiers où les hommes sont majoritaires (informatique, finances, etc.).

Ceci a un impact sur les salaires. La démarche d’équité salariale vise justement à réévaluer les critères qui ont été utilisés pour classer l’importance et la valeur des métiers majoritairement féminins (secrétaire, puéricultrice, enseignante maternelle, infirmières, etc.) (Chicha, 2000; Meulders & O’Dorchai, 2006). L’équité salariale suppose de rémunérer de la même manière les emplois de valeur égale, que ceux-ci soient occupés majoritairement par des hommes ou par des femmes. La notion d'équité salariale dépasse donc celle d'égalité salariale en ce sens qu’elle suppose de reconsidérer la manière dont sont évaluées les fonctions d'une entreprise ou d’une organisation. L’équité salariale va au-delà d’un salaire égal pour les mêmes emplois et requiert que le salaire soit attribué de manière égale aux emplois de même valeur (Chicha, 2000).

Ce processus de dévalorisation peut être aussi observé dans la reconnaissance de l’impact des conditions de travail sur la santé des travailleurs. On constate que les maladies professionnelles dues à des métiers occupés majoritairement par des femmes (ex : stress lié au travail avec de jeunes enfants ou avec des malades et des personnes âgées, tendinites et maladies articulaires liées au travail régulier sur ordinateur) restent sous-évaluées et peu reconnues. Ceci est renforcé par la fait que l’identification des maladies professionnelles a été réalisée initialement à partir de secteurs d’activité et des métiers où les hommes étaient majoritaires (Chappert & al.., 2009).

2. Mainstreaming de genre – un autre paradigme ?

Plusieurs politiques ont été menées pour réduire les inégalités entre les femmes et les hommes : affirmation de l’égalité de droit, actions en faveur de l’égalité des chances et

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actions et discriminations positives (Martiniello & Rea, 2004). Ces politiques, même si elles ont eu des effets positifs, s’avèrent insuffisantes pour supprimer les inégalités car elles s’inscrivent dans une logique réparatrice, sans pour autant introduire des changements majeurs dans les structures et les représentations qui produisent les inégalités. Le « gendermainstreaming » ou approche intégrée selon le genre, élaboré par les experts de l’Union Européenne (Directorate-General for Employment, 2008) et de l’aide au développement, vise à dépasser cet ajustement aux systèmes existants pour revoir les règles du jeu et changer les systèmes de reproduction induits par les structures et les outils mis en place. Il s’agit aussi de réduire les inégalités en analysant, au moment de la formulation d’une politique son impact sur l’un et l’autre sexe (approche préventive et plus curative) (Jacquot, 2013). L’ambition est de lutter contre les discriminations indirectes ou systémiques qui ne sont ni explicites, ni volontaires, ni même conscientes ou intentionnelles (Legault & Ross, 2008, p. 34).

Le mainstreaming de genre vise tous les domaines de l’action politique et toutes les étapes du processus de décision et d’action politique : du diagnostic à l’évaluation, en passant par l’élaboration de plans stratégiques et par la mise en œuvre (Cornet, 2002). L’enjeu est l’implication de toutes les parties prenantes des politiques (les fonctionnaires, les mandataires politiques, la société civile et le monde économique) dans une action collective, transversale et préventive sur l’ensemble du processus. Son but est d’atteindre l’égalité entre les deux sexes au niveau des conditions d’accès (égalité de droit) mais aussi au niveau des résultats (égalité de fait).

Quelques exemples permettent de mettre en lumière le processus et ses implications :

 Penser une politique de soutien à l’entrepreneuriat en mettant en avant des entrepreneurs hommes mais aussi des femmes impliquées dans tous les secteurs d’activité, y compris ceux et celles qui sont dans des secteurs fortement féminins ou masculins.

 Penser une politique de conciliation entre la vie privée et la vie professionnelle en considérant les réalités des femmes mais aussi des hommes : pères de famille et/ou en charge de personnes dépendantes.

 Mettre en place une politique de réduction des allocations de chômage qui ne pénalise pas les personnes (majoritairement des femmes) qui ont fait le choix d’être au foyer

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pendant quelques années de leur vie et/ou de prester un temps partiel pour prendre en charge les personnes dépendantes.

 Mettre en place une politique de maintien à domicile qui tienne compte des difficultés que rencontrent les hommes âgés mais aussi les femmes âgées : le problème de ces dernières n’est pas de se préparer un repas mais bien de se déplacer, car ce sont souvent leurs conjoints qui conduisaient la voiture et qu’elles n’ont pas de permis.  Mettre en place une gestion des carrières qui intègre la période de retrait d’activités

liée à la maternité et à des congés parentaux.

 Penser un programme de formation en étant attentif au contenu global mais aussi au sexe des formateurs, au contenu des études de cas, au sexe des experts et des invités. Cela concerne tant l’étape de formulation d’une politique que sa mise en œuvre. La question des moyens est centrale pour cette étape. Cette question des moyens mobilisés a été déclinée sous le concept de « gender budgeting »2 qui s’intéresse à l’analyse des moyens financiers mobilisés pour les actions en faveur de l’égalité.

Enfin, vient l’analyse d’impacts ou l’évaluation des résultats d’une politique. Il existe de nombreuses grilles pour réaliser l’évaluation sous l’angle du genre d’une politique, de plans d’actions et/ou de programmes, diffusées par l’Union Européenne (Jacquot, 2006), le Commonwealth et l’Unifem. On les retrouve généralement sous le nom de « gender impact assessment ».

Nous avons réalisé une check-list des questions à se poser pour réaliser une analyse d’impact des politiques selon le genre

Check-list 1: Evaluation et analyse d’impacts selon le genre 1. Dispose-t-on de données sur les bénéficiaires réels, différenciées selon les sexes ?

2. La variable sexe est-elle mobilisée comme variable indépendante en vue de dégager les résultats selon les sexes?

3. Ces données sur la répartition sexuée des bénéficiaires sont-elles mises en lien avec les objectifs généraux et spécifiques de la politique, du programme ou du plan d’action pour les femmes et pour les hommes ?

4. Des données qualitatives relatives aux objectifs d’égalité ont-elles été collectées ?

5. Les actions décrites ont-elles permis de réduire des inégalités entre les femmes et les hommes ? si oui ? lesquelles ?

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http://www.unwomen.org/~/media/Headquarters/Media/Publications/UNIFEM/UNIFEMWorkgrbovervie w.pdf

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6. Les actions décrites ont-elles permis de réduire les stéréotypes sur l’un et l’autre sexe ?

7. Les actions menées ont-elles pris en compte les contraintes mais aussi les ressources et les opportunités spécifiques à l’un ou l’autre sexe ?

8. Les ressources mobilisées (budgets, ressources humaines, matériel, ressources techniques….) étaient-elles suffisantes pour réduire les inégalités des femmes et des hommes ?

9. Chacun des sexes a-t-il été consulté pendant le processus d’évaluation ?

10. Dispose-t-on d’études de satisfaction des bénéficiaires différenciées selon les sexes ?

11. L’évaluation met-elle en évidence les impacts indirects positifs et négatifs sur les conditions de vie des femmes et des hommes ?

12. L’évaluation permet-elle d’identifier de nouvelles priorités et pistes d’action en regard de l’égalité des femmes et des hommes ?

13. Les instances gouvernementales en charge de l’égalité ont-elles été associées à l’évaluation ?

14. Des bénéficiaires des deux sexes et la société civile, via les associations, ont-ils été associés à l’évaluation ?

Cette analyse d’impact suppose qu’on dispose d’indicateurs et de données statistiques différenciées selon les sexes qui permettent d’identifier la situation et les écarts avant et après l’action menée. Ces données chiffrées sont utilement complétées par des données qualitatives qui permettent de donner du sens aux chiffres et de cerner les cas particuliers, souvent très riches pour affiner l’analyse. Certains pays produisent des baromètres de l’égalité qui intègrent des données longitudinales (comparaison dans le temps), ce qui permet de mesurer les progrès et les reculs. L’évaluation devrait pour être complète analyser l’impact des réductions budgétaires (ex : analyse des plans de réduction des coûts du chômage sur les femmes et les hommes), des changements de partenaires ou de majorité.

3. Conclusions

L’approche intégrée selon le genre, si elle est bien comprise et intégrée, comprend les germes d’une révolution structurelle et d’un changement de paradigme (Jacquot, 2013). Le problème est que souvent cet outil est confondu avec les actions positives, ciblant spécifiquement les femmes (Ministère de l'emploi et du travail, 2003).

Trop souvent encore des objectifs d’égalité sont annoncés, des bonnes intentions se mobilisent et tentent d’agir mais les résultats escomptés ne peuvent être atteints à cause du manque de moyens financiers, humains et logistiques. L’analyse des différents rapports nationaux réalisés pour les Nations Unies dans le cadre du suivi du Programme d'action de Beijing témoignent des écarts entre déclaration d’intention et actions réelles.

Réaliser une analyse d’impact, différenciée selon le sexe, est une opération très complexe (Fraisse, 2008), qui nécessite des compétences en genre mais aussi relatives aux différentes

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thématiques qui sont traitées (conciliation vie privée/vie professionnelle, entrepreneuriat, etc.), ce qui augmemte grandement la complexité de l’exercice. Il est évident qu’on trouvera peut-être quelques spécialistes du calcul des rémunérations et du genre, des politiques fiscales et du genre mais le plus souvent, pour réaliser l’exercice, il faudra mettre en place des équipes pluridisciplinaires capables d’échanger et de se comprendre.

L’implémentation du mainstreaming de genre dans les projets d’un service ou d’une organisation peut être favorisée par une série de facteurs. Les principaux sont un engagement fort de la part des responsables politiques et des équipes de direction, des actions de sensibilisation et d’informations et des formations sur l’importance d’intégrer le genre dans ses actions, la mise à disposition d’outils et de ressources disponibles pour travailler dans une perspective de genre, une culture organisationnelle qui évite de reproduire les stéréotypes sexués et l’intégration de la prise en compte du genre dans les politiques de gestion des ressources humaines, notamment dans les objectifs à atteindre, la description des tâches, l’évaluation du personnel (accountability) et, enfin, la mise en réseau des expertises et le partage des connaissances et des compétences.

Il ne faut pas oublier que derrière tout ceci se cachent des rapports de pouvoir, des gagnants et des perdants, des hommes et des femmes qui ont des choses à gagner si les règles du jeu changent, mais aussi parfois des choses à perdre (intérêts financiers, politiques et symboliques). Cela pourrait expliquer les résistances et les blocages (Charbonneau, Martin, Mallon, & Quéniart, 2013).

Un des débats actuels est le risque que le gendermainstreaming ne participe d’une dilution du genre dans la diversité (Dauphin & Sénac-Slawinski, 2008), avec l’égalité des hommes et des femmes perçue comme un enjeu de société du même niveau que l’intégration de groupes minoritaires dans les politiques publiques.

Enfin, n’oublions pas non plus que le genre est contextuel et temporel. Il faut donc pouvoir donner du sens aux actions menées en regard des contextes, des cultures et de l’histoire d’un pays ou d’une région.

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