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Le magasin de l'habitation Loyola : approche archéologique sur les identités et les interactions culturelles au XVIIIe siècle en Guyane française

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Academic year: 2021

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(1)

© Antoine Loyer Rousselle, 2018

Le magasin de l'habitation Loyola: approche

archéologique sur les identités et les interactions

culturelles au XVIIIe siècle en Guyane française

Mémoire

Antoine Loyer Rousselle

Maîtrise en archéologie - avec mémoire

Maître ès arts (M.A.)

(2)

Le magasin de l'habitation Loyola

Approche sur les identités et les interactions culturelles en

Guyane française au XVIII

e

siècle

Mémoire de maîtrise

Antoine Loyer Rousselle

Sous la direction de :

Réginald Auger, directeur de recherche

Yannick Le Roux, codirecteur de recherche

(3)

iii

Résumé

Cette recherche en archéologie de la période moderne porte sur le magasin de l'habitation Loyola, un ancien établissement agricole de Guyane administré par des missionnaires jésuites entre 1668 et 1768. L'objectif premier consiste à documenter le magasin de l'habitation d'un point de vue fonctionnel et chronologique à partir de l'étude exhaustive de la culture matérielle et des vestiges architecturaux. Cette recherche concerne l'époque coloniale qui a vu l'arrivée massive d'esclaves africains en Guyane et a conduit à l'interaction entre trois groupes culturels : les colons européens, les populations amérindiennes et les membres de la diaspora africaine. Dans cette optique, un second objectif consiste à documenter les manifestations des identités culturelles et la dynamique sociale résultant de l'interaction quotidienne entre ces groupes sous l'Ancien Régime.

Les données de ce mémoire sont issues d'interventions archéologiques conduites entre 2011 et 2015, qui ont permis de témoigner de multiples phases d'occupation à l'intérieur et aux abords du magasin. Le riche assemblage de mobilier archéologique issu des fouilles a fait l'objet d'analyses fonctionnelles et spatiales et les résultats ont permis d'identifier une partie des objets entreposés à l'intérieur du magasin, en l'occurrence des outils artisanaux, des instruments agricoles et des fragments de bouteilles destinés à la conservation des alcools. Au sud du bâtiment, un important dépôt d'objets domestiques a été répertorié. En ciblant certains éléments du mobilier et à l'aide de données historiques et ethno-historiques, certaines catégories d'objets ont été mis en relation avec les groupes culturels attestés sur le site. L'originalité de cette recherche réside dans le fait qu'il s'agit d'une première étude exhaustive visant à documenter un magasin d'habitation agricole en Guyane. Enfin, la mise en lumière des phénomènes de métissage culturel contribue à l'avancement des connaissances sur les développements de la société créole en Guyane française.

Mots clés : Archéologie; colonialisme; magasin; culture matérielle; architecture; interactions culturelles; créolisation; diaspora africaine; Ancien Régime; Guyane.

(4)

iv

Abstract

This research in historical archaeology focusses on the storehouse of the habitation Loyola, an agricultural establishment located in French Guiana and administered by Jesuit missionaries between 1668 and 1768. The primary objective is to document the storehouse of the habitation using a functional and chronological perspective based on an exhaustive study of the material culture and the architectural remains. This research seeks to explore the colonial era which saw the arrival of African slaves in Guiana and later led to the interaction between three major cultural groups: European settlers, Amerindian peoples and members of the African diaspora. A second objective is to document the material expression of cultural identities and social dynamics resulting from the interaction between these groups under the Ancien Régime.

The data for this master's thesis are based on archaeological investigations carried out between 2011 and 2015, which revealed multiple phases of occupation inside and outside the storehouse. The rich collection of archaeological materials from the excavations are the object of functional and spatial analyse and the results allowed us to identify a part of the objects stored inside the storehouse, in this case craft tools, agricultural instruments and fragments of bottles intended for the preservation of alcohols. South of the building, an important deposit of domestic remains associated with kitchen activities was documented. Moreover, by targeting certain elements of the furniture and assemblages and ethno-historical data, certain categories of objects have been associated with specific cultural groups present on site. The originality of this research lies in the fact that this is the first exhaustive study aimed at documenting a storehouse in context of an agricultural establishment in French Guiana. Finally, highlighting the phenomena of

metissage contributes to the advancement of knowledge on the developments of the Creole society

in French Guiana.

Key Words: Archaeology; Colonialism; Storehouse; Material culture; Architecture; Cultural Interactions; Creolization; African diaspora; Ancien Régime; French Guiana.

(5)

v

Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... iv

Table des matières... v

Liste des figures ... ix

Liste des tableaux ... xi

Liste des planches (annexe I) ... xii

Liste des plans ... xiii

Remerciements ... xiv

Introduction ... 1

1.1 Contexte de la recherche ... 5

1.1.1 Archéologie des sites de plantation ... 5

1.1.2 Archéologie des habitations dans les Antilles françaises et la Guyane ... 8

1.2 Cadre théorique ... 11

1.2.1 Acculturation et assimilation ... 12

1.2.2 Identité et métissage culturel ... 13

1.3 Problématique et hypothèse de recherche ... 19

1.4 Approche méthodologique ... 22

1.5 Plan de rédaction ... 23

Chapitre 2. Méthodologie de la recherche ... 25

2.1 Stratégies et méthodes de fouille ... 25

2.2 Analyse stratigraphique et chronologique ... 26

2.3 Analyse architecturale ... 28

2.4 Analyse du mobilier archéologique ... 30

2.5 Présentation des sources ... 32

Chapitre 3. Contexte géographique et historique de la Guyane française ... 37

3.1 Cadre physique et environnemental ... 37

3.2 Histoire sommaire ... 38

3.2.1 Époque pré-colombienne ... 38

3.2.2 1499 - 1676, explorations européennes et premières tentatives de colonisation 39 3.2.3 1676 - 1794, la colonie de Cayenne ... 39

3.2.4 1794 - 1848, période révolutionnaire et abolition de l'esclavage ... 40

3.2.5 1848 - 1946, le bagne et le cycle de l'or jusqu'à la départementalisation ... 41

3.2.6 1946 - à aujourd'hui, la Guyane, département français ... 41

3.3 Le système d'habitation agricole ... 42

(6)

vi

3.4.1 Évolution démographique ... 44

3.4.2 Les populations amérindiennes ... 46

3.4.3 Les populations d'origine européenne ... 50

3.4.4 Les populations d'origine africaine ... 52

3.4.5 Interactions culturelles entre Européens, Amérindiens et Africains : Une relation complexe ... 68

3.4.6 Identités coloniales, aux origines de la société créole ... 76

Chapitre 4. L'habitation Loyola et son magasin ... 79

4.1 Historique de l'habitation Loyola (1668-1768) ... 79

4.2 L'habitation Loyola et de ses secteurs ... 81

4.3 Le magasin dans la colonie ... 87

4.3.1 Définitions et fonctions d'un magasin ... 87

4.3.2 Le rôle du magasin dans une habitation agricole... 89

4.3.3 Le magasin, d'après les recherches archéologiques ... 90

4.3.4 Le magasin de l'habitation Loyola d'après l'analyse des sources historiques .... 92

4.4 Présentation des résultats de l'intervention archéologique sur le magasin de l'habitation Loyola ... 94

4.4.1 Description des niveaux archéologiques ... 94

4.4.2 Description des vestiges architecturaux ... 110

4.4.3 Description et analyse du mobilier archéologique ... 127

4.4.4 Sommaire des résultats et interprétation des niveaux archéologiques ... 162

Chapitre 5. Discussion ... 171

Analyse de la trame événementielle ... 171

5.1.1 Sol naturel stérile ... 173

5.1.2 Événement 1 : Mise en place du mur 2M100 et du sol d'occupation en brique 2A2 ... 173

5.1.3 Événement 2 : Rehaussement du terrain et mise en place des semelles de fondation des murs 1M100, 1M200 et 1M300 ... 174

5.1.4 Événement 3 : Creusement et comblement de la tranchée d'aménagement du mur 1M900 ... 175

5.1.5 Événement 4 : Dépôts associés associé à l'occupation d'une première forge et possiblement d'un premier magasin... 176

5.1.6 Événement 5 : Recouvrement d'une première forge et d'un possible premier magasin ... 176

5.1.7 Événement 6 : Rehaussement, nivellement et mise en place des murs extérieurs du magasin. ... 177

5.1.8 Événement 7 : Mise en place des murs intérieurs et du pavage de brique ... 178

5.1.9 Événement 8 : Creusement et comblement de la tranchée de drainage au sud du magasin et imperméabilisation du mur sud (1M100). ... 179

(7)

vii

5.1.10 Événement 9 : Occupation finale du magasin, abandon et effondrement des

structures en élévation. ... 179

5.2 Séquences d'occupation sur le secteur du magasin ... 181

5.2.1 Occupation amérindienne précolombienne ?... 184

5.2.2 Une première construction en contrebas du magasin ... 185

5.2.3 Atelier de forge et premier magasin ... 188

5.2.4 Agrandissement et état final du magasin de Loyola ... 196

5.2.5 Abandon du magasin ... 211

5.3 Identités, interactions culturelles et métissages ... 212

5.3.1 Identité culturelle et statut social ... 213

5.3.2 Modes de pouvoir et de résistances ... 223

5.3.3 Interactions culturelles, métissages et processus de créolisation ... 226

Conclusion ... 229

Bibliographie ... 235

Communications ... 235

Documents cartographiques ... 235

Documents manuscrits et électroniques ... 235

Annexe I : Planches photos ... 265

Matériaux ... 267

Planche 1 : Poteries amérindiennes ... 267

Planche 2 : Faïences françaises ... 270

Planche 3 : Faïences autres ... 270

Planche 4 : Porcelaine fine ... 272

Planche 5 : Terre cuite commune locale ... 274

Planche 6 : Terre cuite fine argileuse locale ... 276

Planche 7 : Terre cuite commmune importée. ... 277

Planche 8 : Grès grossier, grès fin, terre cuite fine et tcf argileuse blanche. ... 279

Planche 9 : Verre de couleur ... 282

Planche 10 : Verre incolore. ... 282

Planche 11 : Perles de verre. ... 282

Planche 12 : Matière lithique. ... 283

Fonctions ... 284

Planche 13 : Matériaux de construction. ... 284

Planche 14 : Quincaillerie d'architecture. ... 285

Planche 15 : Domestique. ... 286

Planche 16 : Socio et idéo-technique. ... 287

(8)

viii

Planche 18 : Armes à feu et artillerie. ... 289

Planche 19 : Travail sur la matière... 291

Planche 20 : Production agricole, pêche et élevage. ... 293

Annexe II : Plans et relevés ... 295

(9)

ix

Liste des figures

Figure 1 Vue ancienne du secteur résidentiel de l'habitation Loyola. Carte du Gouvernement de

l'île et terre ferme et colonie de Cayenne, par Gérard Hébert, 1730, SHAT, Vincennes, 7F62.

... 21

Figure 2 Les principes du diagramme de Harris (adapté de Demoule et al. 2005: 72). ... 28

Figure 3 Esclaves africains déportés dans les Caraïbes françaises entre 1646 et 1831. ... 54

Figure 4 Exemple de superposition de la carte de Dessingy (1771) en arrière fond, et de l'emprise de l'ancien quartier des esclaves de Loyola. Reproduit avec l'autorisation de Matthieu Hildebrand (Hildebrand 2016: 50) ... 61

Figure 5 Plan des faits archéologiques dans le quartier servile de Loyola. Reproduit avec l'autorisation de Matthieu Hildebrand (Hildebrand 2016: 36). ... 62

Figure 6 Schéma simplifié représentant les sphères d'interactions entre les jésuites (Européens), les esclaves africains et les Amérindiens. ... 73

Figure 7 Photo zénithale de la cour intérieure de Loyola, après restauration, le nord arbitraire est à droite de la photo (© Guyanes environnement 2011) ... 85

Figure 8 Concentrations de briques contre le parement nord du mur sud (1M100) dans le niveau 1 du secteur central. ... 96

Figure 9 Photo en plan du niveau 4 dans les s.-op. 1S à 1X. ... 100

Figure 10 Niveau 5 du secteur central, surface du lot Loy15-1L4. ... 101

Figure 11 Photo de la paroi est de la s.-op. 1M. Le niveau 8 est visible sous forme d'une tranchée, au bas à droite contre le parement nord du mur 1M900. ... 104

Figure 12 Photo de la mini pelle hydraulique en cours d'excavation dans le secteur ouest du magasin, vue vers le nord. ... 106

Figure 13 Photo du secteur est, Loy12-1F6, vue vers l'ouest. ... 107

Figure 14 Secteur sud du magasin, Loy12-1F6 en avant-plan, vue vers l'ouest. ... 110

Figure 15 Vue générale du magasin, orientée vers le nord-ouest. ... 113

Figure 16 Détails sur le coin sud-est du magasin, où des pierres piquées en cuirasse latéritique forment une chaîne d'angle disposé en « besace », vue vers le nord-ouest. ... 114

Figure 17 Fragments de terre cuite (tuiles plates et briques) disposés au sommet du mur 1M800. ... 114

Figure 18 Parement est du mur 1M500. ... 115

Figure 19 Parement intérieur (sud) du mur nord (1M300) dans la s.-op. 1L, à l'ouest du magasin. ... 115

Figure 20 Parement intérieur (nord) du mur sud (1M100) dans la s.-op. 1J, à l'ouest du magasin. ... 115

Figure 21 Semelle de fondation du mur ouest (1M200) dans la s.-op. 2A, vue vers l'est. ... 116

Figure 22 Parement extérieur du mur sud (1M100), vue vers le nord. ... 116

Figure 23 Jonction entre le mur intérieur (1M500) et le mur sud (1M100). ... 116

Figure 24 Jonction entre le mur 1M500 et le mur nord (1M300). ... 116

Figure 25 Massif de pierre à la jonction des murs intérieurs 1M600 et 1M700, support d'un poteau de soutènement, vue vers l'est. ... 116

Figure 26 Jonction entre le mur 1M800 qui surmonte le mur 1M900, dans la s.-op. 1R, vue vers l'ouest. ... 116

Figure 27 Section bien préservée du mur de soutènement de la terrasse nord, à l'extrémité ouest du magasin, vue vers le sud. ... 117

Figure 28 Palier d'accès de la terrasse nord (à gauche) et section du pavage de brique (à droite). ... 118

Figure 29 Palier d'accès à l'est de la terrasse nord du magasin, vue vers le sud-ouest. ... 118

(10)

x

Figure 31 Section du mur 1M900 dans les s.-op. 1M et 1N. ... 120

Figure 32 Recouvrement de sol de brique (2A2) et mur 2M100, du secteur ouest ... 121

Figure 33 Mur 2M100 (à gauche) et mur 1M200 (en arrière-plan). ... 122

Figure 34 Détails de la jonction entre le pavage de brique dans la s.-op. 2A et la semelle de fondation du mur ouest (1M200), vue vers l'ouest. ... 123

Figure 35 Mur 2M100 et revêtement de sol en brique dans la s.-op. 1I, vue vers l'ouest. Possible jambage ouest de l'ouverture aménagée dans le mur. ... 124

Figure 36 Mur 2M100, jambage est de l'ouverture. ... 124

Figure 37 Ouverture centrale aménagée sur le mur nord (1M300), vue vers le nord. ... 125

Figure 38 Détails sur le jambage et le pas de l'ouverture nord-ouest dans la s.-op. 1B, vue vers le nord. ... 126

Figure 39 Ouverture nord-ouest dans la s.-op. 1B, vue vers l'est. ... 126

Figure 40 Seuil de porte extérieur de l'ouverture sud du magasin, vue vers le nord. ... 126

Figure 41 Ouverture sud du magasin, vue vers le nord. ... 126

Figure 42 Matériaux de l'assemblage du magasin, comptabilisés en nombre de fragments ... 129

Figure 43 Matériaux de l'assemblage du magasin, comptabilisés en nombre d'objets estimés. .. 129

Figure 44 Lingots de fer en barre retrouvés dans le magasin, XVIIIe siècle. Pièce du haut : Loy11-1D3-973090004656, pièce du bas : Loy11-1E1-973090004701. ... 141

Figure 45 Catégories de fonctions de l'assemblage du magasin, comptabilisés en nombre minimum d’objets. ... 146

Figure 46 Catégories fonctionnelles de l'assemblage archéologique retrouvé à l'intérieur du magasin (secteur central, niveau 1), comptabilisé par quantités d’objets estimés ou complets. ... 151

Figure 47 Déchets métalliques ferreux, Loy15-1Q2. ... 155

Figure 48 Déchets métalliques cuivreux et rivets en alliage cuivreux, Loy15-1Q2. ... 155

Figure 49 Charbons de bois du lot 1B8c au microscope. ... 155

Figure 50 Catégories fonctionnelles du mobilier archéologique retrouvé au sud du magasin, comptabilisés par nombre d’objets estimés ou complets. ... 160

Figure 51 Matrice événementielle du secteur archéologique du magasin ... 172

Figure 52 Vue en plan du niveau 7, à la jonction entre les murs ouest (1M200) et nord (1M300), lots 1L5 et 1L6. ... 174

Figure 53 Sol d'occupation de brique intérieur dans la portion ouest du magasin. Il présente une forte inclinaison vers l'ouest. ... 180

Figure 54 Pavage de brique et du mur 2M100, vue vers l'est. ... 186

Figure 55 Bande métallique ferreuse identifiée en tant que bande de roues de cabrouet. Loy11-1G1-973090004719. ... 188

Figure 56 Jonction entre le mur 1M600 et 1M400, vue vers le nord. ... 191

Figure 57 Vue rapprochée des « magazins » avec mesures réelles de la cuisine et mesures estimées du magasin. Carte du Gouvernement de l'île et terre ferme et colonie de Cayenne, par Gérard Hébert, 1730, SHAT, Vincennes, 7F62. ... 192

Figure 58 Plan schématique de la boutique de forgeron du fort Saint-Joseph, dans la province actuelle de l'Ontario au Canada, utilisé entre 1796 et 1812 (Light et Unglik 1984: 7). ... 195

Figure 59 Esclaves se rendant au travail, Guyane française (1831). Pierre Jacques Benoit (1782 - 1854) reproduit avec l'autorisation de Bibliothèque Mazarine 2007. ... 220

Figure 60 (À gauche) Possible fragment d'une grage à manioc, récupéré sur une plaque de laiton. (À droite) Fragment de marmite en métal cuivreux portant les stigmates d'une découpe, ce qui atteste d'une récupération. ... 223

Figure 61 (En haut) Entrave de jambe retrouvée à l'intérieur du magasin sur le site de l'habitation Loyola. (En bas) Entrave retrouvée hors contexte sur un site associé à l'esclavagisme à Haïti (communication personnelle Geneviève Treyvaud, mai 2013). ... 225

(11)

xi

Liste des tableaux

Tableau 1 Évolution démographique de la Guyane de 1600 à 1788 (Sources : Hurault 1972; Losier

2012; Polderman 2004) ... 46

Tableau 2 Chronologie sommaire de Loyola ... 81

Tableau 3 Quantification des types de tuiles de recouvrement pour les niveaux associés à l'abandon du magasin. ... 127

Tableau 4 Styles faïenciers de l'assemblage du magasin de Loyola. ... 133

Tableau 5 Identification des charbons de bois de Loy12-1B8c (Beauchêne 2013)... 156

Tableau 6 Tableau synthèse des interprétations des niveaux archéologiques du magasin. ... 162

Tableau 7 Séquence événementielle du secteur archéologique du magasin de Loyola. ... 171

Tableau 8 Périodes d'occupations sur le secteur du magasin de Loyola. ... 183

Tableau 9 Distribution de la céramique amérindienne par niveaux archéologiques. ... 185

Tableau 10 Principaux outils ayant été retrouvés dans les niveaux d'abandon (niv. 1) du secteur du magasin, avec fonction et activités associées. ... 200

Tableau 11 Dénombrement des types et couleur des décors des faïences et porcelaines décorées de l'assemblage du Magasin. ... 214

Tableau 12 Historique des interventions archéologiques, mises en valeur, diffusion des connaissances et intervenants sur les vestiges de l'ensemble archéologique de Loyola. ... 315

Tableau 13 Dénomination des objets de l'assemblage archéologique du magasin. ... 317

Tableau 14 Catégories générales et spécifiques de matériaux... 320

Tableau 15 Matériaux et fonctions. ... 322

Tableau 16 Faïences : styles, motifs décoratifs et couleur. ... 324

Tableau 17 Porcelaine fine, types de décor ... 326

Tableau 18 Catégorie générale et spécifique de fonction ... 327

Tableau 19 Fonctions et matériaux ... 329

Tableau 20 Organisation spatiale, niveaux archéologiques, fonctions, objets et matériaux. ... 331

Tableau 21 Datation relative des niveaux archéologiques. ... 354

Tableau 22 Distributions spatiale pour le magasin des déchets métalliques, préformes d'objets et scories. ... 356

(12)

xii

Liste des planches (annexe I)

Planche 1 Poterie amérindienne. ... 267

Planche 2 Faïence française... 268

Planche 3 Faïences anglaises et hollandaises. ... 269

Planche 4 Porcelaine fine. ... 272

Planche 5 Terre cuite commune locale. ... 273

Planche 6 Pipes à fumer en terre cuite fine argileuse locale... 275

Planche 7 Terre cuite commune importée ... 277

Planche 8 Grès grossier, grès fin, terre cuite fine et tcf argileuse ... 279

Planche 9 Verre de couleur vert-fonçé et verre régululier bleu-vert français ... 280

Planche 10 Verre incolore et teinté régulier. ... 281

Planche 11 Perles de verre ... 281

Planche 12 Matières lithiques. ... 283

Planche 13 Matériaux de construction ... 284

Planche 14 Quincaillerie d'architecture ... 285

Planche 15 Domestique (alimentation, service et consommation) ... 286

Planche 16 Socio et idéo-technique ... 287

Planche 17 Pièces de monnaie. ... 288

Planche 18 Armes à feu et artillerie. ... 289

Planche 19 Travail sur la matière ... 290

(13)

xiii

Liste des plans

Plan 1 Localisation de Loyola sur le territoire actuel de la Guyane française, (SRA-DRAC 1997,

adapté par Antoine Loyer Rousselle 2016). ... 83

Plan 2 L'habitation Loyola et ses différents secteurs (tiré de Le Roux et al. 2009: 162-163). ... 84

Plan 3 Opérations et sous-opérations de 2011, 2012 et 2015 ... 95

Plan 4 Secteurs spatiaux du magasin. ... 95

Plan 5 Répartition du niveau 1 des secteurs central et nord. ... 97

Plan 6 Répartition du niveau 2 des secteurs central et nord. ... 98

Plan 7 Répartition des niveaux 3 et 4 des secteurs central et nord. ... 99

Plan 8 Répartition des niveaux 5 et 6 des secteurs central et nord. ... 102

Plan 9 Répartition du niveau 7 des secteurs central et nord. ... 103

Plan 10 Répartition du niveau 8 des secteurs central et nord. ... 104

Plan 11 Répartition du niveau 9 des secteurs central et nord. ... 105

Plan 12 Répartition du niveau 1 du secteur est. ... 108

Plan 13 Répartition des niveaux 2 et 3 du secteur est. ... 109

Plan 14 vestiges d'architecture du secteur du magasin. ... 112

Plan 15 Mur 1M900 localisé sous le magasin de Loyola. ... 120

Plan 16 Portions documentés des semelles des murs 1M100, 1M200 et 1M300 et mur 1M900 175 Plan 17 Vestiges du secteur ouest du magasin ... 187

Plan 18 Limites présumées de la première forge et du premier magasin. ... 189

Plan 19 Semelles des murs du magasin, le mur 1M900 et les niveaux 5 et 6. ... 194

Plan 20 Vestiges archéologiques associés à la phase finale d'aménagement du magasin. ... 198

Plan 21 Relevé en plan du magasin, Loyola 2010, 2011, 2012 et 2015 ... 297

Plan 22 Coupes longitudinales et transversales du magasin ... 298

Plan 23 Relevés en plan et en coupe de l'habitation Loyola. ... 299

Plan 24 Relevé en élévation de l'extrémité ouest du parement sud du mur 1M300. ... 300

Plan 25 Stratigraphie de la paroi est des sous-opération Loy-15 1M et 1N ... 301

Plan 26 Stratigraphie de la paroi nord de la sous-opération Loy15-1J ... 302

Plan 27 Stratigraphie de la paroi nord de la sous-opération Loy15-1K ... 303

Plan 28 Stratigraphie de la paroi sud de la sous-opération Loy15-1L ... 304

Plan 29 Stratigraphie de la paroi est de la sous-opération Loy15-1P ... 305

Plan 30 Stratigraphie des parois ouest, nord et est de la sous-opération Loy15-1Q... 306

Plan 31 Relevé du parement nord du mur 1M300 dans la sous-opération Loy15-1Q ... 307

Plan 32 Stratigraphie de la paroi ouest du sondage Loy12-1B8, à l’intérieur du magasin. ... 308

Plan 33 Stratigraphie Loy-11 1D2, paroi ouest. ... 309

Plan 34 Relevé en plan du sol en brique et du mur 1M200, secteur ouest, opération 2. ... 310

(14)

xiv

Remerciements

Pour toute la confiance et les responsabilités qu'il m'a accordées tout au long de mon cheminement académique, je tiens particulièrement à remercier Réginald Auger, directeur de ce mémoire de maîtrise. Je voudrais aussi souligner le soutien, la patience et le respect qu'il a toujours portés à mon égard.

Un grand merci à Yannick Le Roux, co-directeur de ce mémoire, pour ses nombreux conseils, son érudition et la transmission de ses connaissances « encyclopédiques » sur l'archéologie des habitations guyanaises et la culture matérielle d'époque coloniale. Je souligne particulièrement l'accueil chaleureux qu'ils m'ont toujours réservé, lui et sa compagne Martine Perrier lors de nos rencontres en Guyane.

Je veux également souligner la contribution de Catherine Losier, qui a agi en tant que mentor et m'a transmis ses nombreuses connaissances sur la culture matérielle. Catherine a été très présente dans les débuts de ma maîtrise et je me suis souvent tourné vers elle pour des conseils ou un avis éclairé.

J'aimerais aussi remercier Allison Bain, pour son soutien, ses conseils et corrections sur la version de pré-lecture du mémoire.

Parmi les organismes ayant contribué à cette recherche, l’Association pour l’archéologie en Guyane (APPAAG) a été essentielle pour son soutien matériel et financier.

Je remercie le Service régional de l'archéologie, son personnel administratif et les deux conservateurs de l'archéologie qui étaient en fonction durant mes séjours en Guyane, MM. Gérald Migeon et Nicolas Payraud, pour leur soutien financier et matériel.

Le Conservatoire du Littoral, propriétaire des terrains où se trouve l'habitation Loyola, pour nous avoir autorisé l’accès au site et pour l’intérêt bienveillant manifesté pour nos recherches de sa responsable en Guyane Mme. Catherine Corlay et du chargé de mission M. Nathan Berthelemy.

Pour leurs soutiens matériels ou leurs contributions financières à ce projet, je souhaite remercier les organismes suivants : Le Fonds de recherche du Québec - Société et culture, le Groupe de recherche en archéométrie de l'Université Laval et le Centre interuniversitaire d’études sur les lettres, les arts et les traditions (CÉLAT), Les Offices jeunesses internationaux du Québec (LOJIQ) et la Fondation J Douglas Ferguson pour l'octroi de la Bourse Rév. Dr. Bernard-J.-O’Connor.

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xv

Les correcteurs du comité des Commissions interrégionales de la recherche archéologique (CIRA, aujourd'hui CTRA), pour leurs commentaires constructifs et l'attention particulière qu'ils ont porté à chacun de nos rapports de fouille.

Pour leurs conseils et leur amitié, j'aimerais également souligner la contribution essentielle de certaines personnes, dont Olivier Roy, Mélanie Rousseau, Zocha Houle-Wierzbicki, Stéphane Noël, Elizabeth Clay et Antoine Suarez.

J'ai aussi une pensée envers mes amis de Guyane, qui m'ont toujours offert leur aide, faisant montre d'une grande générosité. Je remercie donc particulièrement Françoise Armanville, Benoit Marchiset, Gérald Migeon, Nathalie Cazelles, Éric Gassies, Michelle Hamblin, Guy Dauphin, Michel le Poittevin, Colette Bajean, Madeleine Merlet, Pascale et Jacques Carbasse, Georges Grepin et la famille Palardy (Prune, Bulles et Zoé).

Pour leurs participations aux travaux de terrain, je tiens à remercier les étudiants de l'Université Laval et les bénévoles recrutés localement qui ont pris part aux chantiers archéologiques en tant que fouilleurs ou qui ont participé aux étapes post-fouilles. À cet effet, je souhaite souligner particulièrement la contribution de Raphaëlle Lussier-Piette et Agnès Gelé à l'infographie des plans.

Je remercie mes parents qui m'ont toujours encouragé à poursuivre mes études en archéologie.

Pour son soutien infaillible, ses conseils et son amour, je remercie ma compagne, Sophie Crevecoeur.

Enfin, je veux remercier tous les gens, amis, collègues et employeurs que je n'ai pas pu nommer, mais qui m'ont soutenu tout au long de mon cheminement académique, professionnel et personnel et qui ont contribué à diversifier mes connaissances en archéologie et à m'aider à m'épanouir

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1

Introduction

L'habitation Loyola est un établissement agricole situé en Guyane qui a été fondé et administré par des missionnaires jésuites entre 1668 et 1768. Cette habitation était destinée selon les époques, à la production de sucre, d’indigo, de café, de cacao et de coton. Les profits générés par la vente de ces denrées permettaient aux jésuites de financer des missions d’évangélisation chez les groupes amérindiens d'Amérique du Sud. Afin de rendre leurs productions économiquement viables en Guyane, les missionnaires ont fait appel à une importante main-d’œuvre composée d’esclaves africains. L'habitation Loyola comporte de nombreux vestiges dispersés en différents secteurs sur l’île de Cayenne dans la commune de Rémire-Montjoly.

Les recherches menées sur le vaste ensemble archéologique que constitue l'habitation Loyola s'échelonnent sur plus de vingt ans, les vestiges associés à cet établissement font l'objet de fouilles programmées depuis 1994 (cf. tableau 12, Annexe III). Le secteur résidentiel de

l'habitation, qui correspond au site archéologique de Loyola (no de site 973 09 004) a été redécouvert en 1987 par Patrick Huard et est inscrit sur la liste des monuments historiques de France depuis 1994. Les recherches effectuées sur ce site sont le fruit de nombreuses collaborations de recherches menées sous l'égide de Yannick Le Roux, actuel président de l'APPAAG0 F

1, qui s'est entre autres associé aux professeurs Claude Lorren de l'Université de Caen, entre 1995 et 1997 ainsi qu'avec le professeur Réginald Auger de l'Université Laval, à partir de 1996.

La première phase des recherches archéologiques menées sur l'habitation Loyola, entre 1995 et 1999, s’est surtout concentrée sur le secteur résidentiel et l'évaluation des vestiges de la chapelle, du cimetière, de la forge et du bâtiment de la cuisine et de l'hôpital (Bernier 1999; Chouinard 1997; Croteau 1998, 1999a; Le Roux 1995b, 1998, 1999a, 1999b; Le Roux et Joignerez 1994; Le Roux et al. 1996). En 2000, à la suite d'un refus d'autorisation de fouilles par les propriétaires du site, les activités de recherche ont été transférées sur d'autres secteurs rattachés au complexe de l'habitation. De 2000 à 2001, c'est le site de la source et l'aqueduc ainsi que la poterie des Jésuites (no de site 97 309 078) qui ont été investigués (Croteau 2001; Le Roux 2000; Le Roux et Auger 2001). La poterie des Jésuites a fait l'objet de recherches supplémentaires en 2013 et 2014 (Losier et Coutet 2014b, 2015).

1 Association pour la Protection du Patrimoine Archéologique et Architectural de la Guyane. OSBL créée en 1992 par Guy Mazière, Marlène Mazière et Yannick Le Roux, afin de gérer les fouilles programmées des sites précolombiens et coloniaux (Cazelles 2009 : 4).

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2

Entre 2002 et 2009, c'est le secteur de la colline du moulin à vent (no de site 97 309 008) a fait l'objet des principales recherches. Ce secteur industriel occupé pendant les XVIIIe et XIXe siècles comprend les vestiges du moulin à vent, de la sucrerie, de la vinaigrerie, de la rhumerie, et de séchoirs à café ou à cacao (Auger 2004; Auger et Le Roux 2003; Cazelles 2004, 2005, 2006, 2010). En 2007, l'indigoterie, située sur le littoral près de la route des Plages, a été étudiée (Cazelles 2007). En 2008, des prospections ont été menées en contrebas de la maison des jésuites à l'habitation Loyola et ont permis la découverte des vestiges de ce qui a été identifié comme l'ancienne habitation des jésuites, dite Quincy (no de site 97 309 0170), occupée brièvement vers la fin du XVIIe siècle (Le Roux et al. 2008). L'habitation Quincy a été de nouveau sondée en 2012 (Losier et Coutet 2013a).

En 2010, les questions de propriétés foncières ont été en partie résolues par l'achat du terrain du secteur haut et d'une partie de l'habitation Loyola par le Conservatoire du littoral. Les recherches se sont alors poursuivies sur le secteur résidentiel, avec l'étude de l'arrivée de l'aqueduc à la cuisine et de certains vestiges (cuisine, hôpital, escaliers et terrasses) destinés à être restaurés (Le Roux et Auger 2011). Entre 2011 et 2015, a été réalisé l'étude du magasin et du cimetière (Houle-Wierzbicki et Le Roux 2014, 2015; Loyer Rousselle et Le Roux 2016; Loyer Rousselle et

al. 2013; Loyer Rousselle et al. 2012). En 2016, un diagnostic archéologique a été mené par

l'INRAP sur un secteur marqué sur la carte de 1771 par Dessingy et que nous identifions comme étant le quartier où résidaient les esclaves de l'habitation2. En 2017, ce sont les terrasses et chemins d'accès situés à l'entrée du secteur haut de Loyola, qui ont été investigués (Auger et al. 2018).

En parallèle à ces nombreuses recherches en archéologie programmée, des projets de maîtrise et de doctorats portant sur divers aspects de la culture matérielle et vestiges de l'habitation Loyola ont été complétés (Barreau 2017; Bernier 2002; Bigot 2004; Chouinard 1999; Croteau 1999b; Ene 2009; Girard 2008; Losier 2012). Ajoutons à cela le projet de doctorat en cours d'Agnès Gelé ainsi que le projet de maîtrise de Raphaëlle Lussier-Piette. Notons également les études complémentaires menées sur la forge en 2006 par des chercheurs de l'Université de Haute Alsace (Duda 2006; Fluck et al. 2007; Martin 2006). De même, un bon nombre d’articles scientifiques et de vulgarisation ont été publiés, en plus de communications et de conférences publiques qui ont été présentées à des forums et colloques internationaux en Europe, en Amérique du Nord, dans les Caraïbes et en Amérique du Sud (Auger et Le Roux 2001; Bain et al. 2011; Croteau 2004; Faucher

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3

et Bain 2014; Losier et Coutet 2011, 2014a; Loyer Rousselle 2014, 2016). En 2015, un site internet1F

3

a été créé pour la diffusion des résultats des recherches et l’information du public.

Ce projet de maîtrise qui porte sur le magasin de l’habitation Loyola s'insère à la suite de vaste projet de recherche collaborative initié dans les années 1990. Tel que mentionné précédemment, celui-ci met en relation divers acteurs issus des milieux académiques, associatifs et administratifs, partagés entre le Québec, la Guyane et la France métropolitaine. Le magasin étudié dans le cadre de cette recherche est situé dans le secteur résidentiel de Loyola à Rémire-Montjoly en Guyane française. Le site, comprend les vestiges de la maison de maître, de l’hôpital, de la cuisine, de la chapelle, du cimetière, de la forge et de la purgerie2F

4 (Le Roux et al. 2009: 59-60). Si l’on en croit la vignette de 1730, le magasin serait la seule construction sur deux niveaux du secteur haut de Loyola. Ce type de bâtiment, souvent mentionné dans les sources historiques, demeure jusqu'à présent peu étudié sur les sites d'habitations coloniales en Guyane et dans les Antilles françaises en général. Bien qu'on connaisse les fonctions générales d'entreposages et de commerce associées aux magasins en plus des objets qui y étaient généralement entreposées, d'autres usages et caractéristiques architecturales de ce type de bâtiment demeurent moins bien documentées. Les interventions archéologiques menées en 2011, 2012 et 2015 ont été les premières à viser l'étude exhaustive d'un magasin d'une habitation coloniale en Guyane française (Loyer Rousselle et Le Roux 2016; Loyer Rousselle et al. 2012; 2013).

Cette recherche vise dans un premier temps à étudier quel était le rôle du magasin au sein de l'habitation Loyola et sa relation avec les autres structures de l'établissement. Un second objectif consiste à reconstituer la séquence chronologique pour le secteur du magasin. Bien que la majorité des vestiges du magasin témoignent de la dernière séquence d'occupation, des niveaux archéologiques localisés sous le sol d'occupation pourraient témoigner d'états antérieurs de construction, voire même d'occupations plus anciennes. L'analyse du bâti, de la stratigraphie et du mobilier archéologique permettent d'explorer la séquence événementielle du magasin et l'évolution structurale du bâtiment.

Outre les considérations techno-fonctionnelles et temporelles, l'archéologie constitue aussi une discipline des sciences sociales dont l'objectif fondamental est d'étudier les comportements humains du passé à travers leurs traces matérielles. C'est dans cette optique qu'un troisième objectif

3http://habitationloyola.org/

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4

de recherche vise à documenter les formes d'interactions culturelles et la dynamique sociale entre les Européens, les Amérindiens et les membres de la diaspora africaine dans le contexte d'une habitation coloniale guyanaise au XVIIIe siècle.

En tant qu'établissement majeur au sein de l'espace colonial français de la Guyane, l'habitation Loyola constitue un témoin essentiel permettant l'étude des interactions culturelles sous l'Ancien Régime et plus spécifiquement de la relation qu'ont entretenue les jésuites avec les Amérindiens et les esclaves africains. Les populations d'esclaves africains qui étaient démographiquement majoritaires sur les habitations coloniales, se retrouvent souvent sous-documentés par les sources historiques et difficiles à appréhender par l'archéologie. Malgré les contributions essentielles de ces populations au développement de la colonie, leurs modes de vie et leurs témoignages matériels demeurent plutôt méconnus au sein des aires de travail, d'entreposage et des secteurs artisanaux, sur lesquels ils consacraient, bien malgré eux, une partie importante de leur existence. Ajoutons enfin, le rôle essentiel des groupes amérindiens dans de nombreux aspects des modes de vie coloniaux, surtout dans les premiers temps de la colonie.

Pour en arriver à documenter ces différents aspects de la vie coloniale, notre analyse de la culture matérielle repose sur une approche contextuelle basée sur un ensemble de données géographiques, archéologiques, ethnographiques et historiques permettant d'explorer le contexte interculturel en Guyane sous l'Ancien Régime. Notre cadre théorique permet de considérer sur le plan matériel et symbolique les relations de pouvoir et la nature des transferts culturels issus des interactions entre populations européennes (jésuites), groupes amérindiens et esclaves africains. Pour explorer les questions de recherche, nous limitons notre étude à l'assemblage du magasin, qui constitue un échantillon représentatif des diverses formes d'activités; domestiques, artisanales, religieuses, agricoles pratiquées par l'ensemble des occupants de l'habitation Loyola.

Dans ce chapitre d'introduction, considérons d'abord le contexte dans lequel s'insère cette recherche dans l'étude archéologique des sites de plantations et d'habitations agricoles dans les Caraïbes et en Guyane française. Une seconde section approfondit le cadre théorique, dont les approches conceptuelles priorisées pour l'étude des identités et interactions culturelles en contexte colonial. Nous présentons ensuite en détail notre problématique, qui se divise en trois objectifs et hypothèses de recherche interreliés. Finalement, le chapitre d'introduction se termine par une brève présentation de l'approche méthodologique retenue dans cette recherche, qui repose sur l'archéologie contextuelle.

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5

1.1

Contexte de la recherche

Cette recherche s’inscrit dans le contexte de l’archéologie des habitations coloniales des Caraïbes et de la Guyane française, puis de façon plus globale au sein de l'archéologie des plantations (plantation archaeology), un thème de recherche bien ancré en archéologie historique depuis le milieu des années 1970 aux États-Unis et dans les Caraïbes (Singleton 1985). L'intérêt pour la période moderne en archéologie est apparu plus tardivement en contexte académique français. Ce développement plus récent implique l'adoption et l'adaptation progressive d'approches et de problématiques spécifiques à l'archéologie historique pour les sites d'anciennes habitation agricoles françaises. Cette section vise à présenter le contexte dans lequel s'insère notre étude, en faisant état de l'évolution des thèmes de recherches explorées sur les sites de plantation et d'habitations agricoles au sein des contextes académiques anglo-saxons et francophones.

1.1.1 Archéologie des sites de plantation

En archéologie historique, les approches théoriques et thèmes de recherches abordés dans le cadre de l'étude des sites de plantations ont grandement évolué au fil des changements de mentalités associés aux mouvements des droits civiques aux États-Unis. Au début du XXe siècle, les interventions archéologiques visaient principalement à récolter des artéfacts et documenter la culture matérielle et le patrimoine bâti associé à l’univers matériel des planteurs. Il fallut attendre le début des années 1970 pour que les archéologues s'intéressent plus activement au mode de vie des esclaves et visent une meilleure compréhension du système esclavagiste dans son ensemble (Brandon 2009: 2; Singleton 1995). Cette diversification des approches théoriques et conceptuelles, s'inséra aux États-Unis, dans le contexte des revendications politiques et sociales des Afro-Américains (black activism) et donna suite à l’instauration de la National Historic Preservation Act (NHPA) en 1966. De ces mouvements sociaux, découlèrent ainsi des actions visant la mise en valeur des sites d’importance nationale tels que Williamsburg, Jamestown, etc. Il en résultera également un intérêt croissant pour l'étude archéologique des groupes ethniques américains (Brandon 2009; Singleton 1995: 120). Les premières recherches archéologiques à aborder le mode de vie et les conditions de vie des esclaves des sites de plantation furent initiées par John S. Otto (1975) dont la thèse de doctorat porta sur les sites d'esclaves de la Cannon's Point Plantation en Georgie et par Charles H. Fairbanks qui orienta ses recherches sur une cabine d'esclave de la Kingsley plantation à Fort George Island en Floride (Ashley et Fairbanks 1971).

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6

Cependant, au début des années 1990, des critiques émaneront du milieu académique, mettant en garde les archéologues contre les dérives potentielles pouvant découler de leurs recherches. Ces derniers se feront notamment reprocher de ne pas toujours considérer la portée sociale de leurs recherches à l'endroit des populations de descendance africaine (Farnsworth 1993; McKee 1994; Potter 1991). Potter (1991), dans un article marquant, What Is the Use of Plantation

Archaeology?, signalera notamment les effets négatifs que pouvaient créer certaines hypothèses émises par des archéologues travaillant sur des sites de plantation auprès de la population Afro-Américaine. Il ciblait notamment les travaux précurseurs de l'archéologue John S. Otto, qui fut l'un des premiers à discuter de la vie des esclaves, et qui comparait dans sa recherche le statut socio-économique d'esclaves africains à celui de serfs européens de l'époque médiévale (Otto 1975). Potter soulignera que ce type d'interprétation pouvait être mal interprété ou récupéré à des fins politiques par des organisations négationnistes ou racistes dans le but de remettre en cause les rudesses et les conséquences négatives de l'esclavage. Comme piste de solution, Potter (1991: 94-95, 100) préconisera une approche visant à mieux considérer les relations de pouvoir et les conditions de vie, dans l'objectif de générer des questions de recherche et résultats plus socialement significatifs, susceptibles de bénéficier aux intérêts de l'ensemble des groupes concernés par le thème de l'esclavage.

McKee (1994), en accord avec Potter sur le principe de responsabilité sociale, mettra néanmoins en garde les chercheurs quant à l'orientation de leurs résultats de recherches, craignant un éventuel risque de « prédétermination » des résultats et du message devant émaner des études sur l’esclavagisme « I think we would be making a grave mistake in abandoning our intellectual

autonomy in the service of our intended audience. » (McKee 1994: 3). Farnsworth (1993), quant à

lui, imputera le manque d'intérêt du public et des groupes concernés envers la discipline, par le manque de visibilité des recherches portant sur les thèmes de l'esclavage : « […] only plantation

archaeologists read what plantation archaeologists write. » (Farnsworth 1993: 115). Pour

remédier à cette situation, Farnsworth (1993) encouragera les archéologues à multiplier les publications et communications grand public et à orienter les problématiques de recherches vers des questions associées aux thèmes de l'esclavage, afin d'intéresser l'ensemble des milieux académiques (historiens, géographes, anthropologues, etc.) concernés par ces questions. Finalement, dans le contexte du racisme toujours présent aux États-Unis et ailleurs dans le monde, ce débat entourant la responsabilité sociale des recherches menés sur les sites de plantation, consistait surtout à susciter une réflexion auprès des archéologues et de l'ensemble de la population, quant aux héritages de l’esclavagisme (Farnsworth 1993: 115; McKee 1994: 4).

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7

Suite à cette prise de conscience au début des années 1990, les archéologues tendront à mieux considérer, à travers leurs recherches, les réalités socio-économiques actuelles des communautés ayant vécu sous le joug de l’esclavage (Beaudry 2009: 22; Young 2002: 427). À cet effet, l’archéologie publique et collaborative apparaît comme un moyen permettant de susciter des bénéfices et de servir les intérêts des communautés héritières du passé étudié par les archéologues (Colwell-Chanthaphonh et Ferguson 2008: 9). Pour les archéologues, la contribution des populations participantes permet de concevoir des interprétations alternatives et d’atteindre un meilleur niveau de connaissance (Leone et al. 2005; Wilkie 2004). À cet effet, on constate depuis le début du XXIe siècle, un nombre croissant de recherches portant sur des sites associés à l’esclavage issu d'une approche collaborative entre populations locales et chercheurs associés (Cuddy et Leone 2008; McDavid 2002; Pulsipher et Goodwin 2001).

Auparavant, le sud des États-Unis et les Caraïbes anglophones ont été l'objet des principales recherches archéologiques pour l'étude des sites de plantations (cf. Singleton 1985; Young 2002). Toutefois, depuis la fin des années 1990, de nombreuses autres régions des Caraïbes et d'Amérique du Sud se sont ouvertes à l'archéologie historique et aux thèmes de recherche qui lui sont associés, dont l'étude des plantations agricoles (Armstrong et Hauser 2009), notamment la Guadeloupe, la Martinique (Delpuech Kelly 2008b, 2014), la Guyane française (Bain et al. 2011; Cazelles 2016; Le Roux 1997; Losier 2012; Mestre 2005) et le Brésil (Funari et al. 2009; de Souza et Agostini 2012; Singleton et de Souza 2009; Orser 1996: 125-127). La région des Caraïbes anglophones demeure toutefois encore l'un des principaux terrains d'étude, permettant d'aborder diverses thématiques sur les sites de plantation avec des régions telles qu'Antigua (Rebovich 2011), l'archipel des Bahamas (Farnsworth 2001; Wilkie et Farnsworth 1999), la Barbade (Armstrong 2015; Handler et Wallman 2014; Handler 2009), la Dominique (Lenik 2010), la Jamaïque (Armstrong 2011; Armstrong et Hauser 2004; Armstrong et Kelly 2000; Delle 1999; Delle 2001), Saint-Christophe-et-Niévès (Hicks 2007), Montserrat (Petersen et al. 1999; Pulsipher 1991, 1993; Pulsipher et Goodwin 1999), Trinidad et Tobago (Clement 1997), les Antilles hollandaises (Gilmore 2006, 2011, 2016; Haviser 2001; Heath 1999b) et les anciennes Indes occidentales danoises (Armstrong et al. 2014; Armstrong 2003).

Les recherches portant sur les sites de plantation se sont d'abord articulées autour de quatre principaux thèmes concernant les conditions de vie, les différences de statut, les modes de pouvoir et de résistance des esclaves en plus des questions d’identité culturelle (cf. Singleton 1995). Or, depuis les années 1990, les sites de plantation sont aussi considérés sous de nombreux autres axes de recherche incluant les questions d'ethnicité et de classe sociale (Brandon 2009); les genres (Galle

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et Young 2004); l'économie domestique et régionale (Armstrong 2011; Handler et Wallman 2014; Hauser 2008, 2011; Gibson 2009; Pulsipher et Goodwin 2001); la diaspora africaine (Haviser et MacDonald 2006; Kelly 2002a; Singleton et de Souza 2009); les interactions culturelles et la créolisation (Lenik 2009; Losier et Coutet 2014a; Lotfield 2001; Singleton 1998; Trouillot 2002); et l’archéologie américaine (African American Archaeology) ou des communautés afro-descendantes (Wilkie 2004).

Enfin, depuis quelques années, on dénote aussi une volonté de la part des archéologues de la période historique évoluant dans l'espace caribéen, de s'éloigner du champ traditionnel de l'étude des sites de plantation (Curet et Hauser 2011) ou des sites directement associés au développement colonial tel que les forts, les résidences de planteurs, les ports et les quartiers marchands (Armstrong 2013: 527). De nouvelles avenues de recherches sont désormais priorisées sur des thèmes englobants divers aspects de la vie quotidienne tels que l'étude des quartiers d'esclaves et des sites funéraires (Armstrong et Fleischman 2004), des sites associés à des populations de Noirs libres vivant en contexte urbain et rural ainsi que l'archéologie des peuples marrons (Agorsah 2013; Singleton et Souza 2009). D'autres recherches archéologiques mentionnées dans Armstrong (2013: 527) font aussi état de divers sujets de recherche, tels que l'étude de pubs à la Barbade (Smith 2008), de cimetières juifs à Niévès (Terrell 2004) et de productions locales de poteries et du commerce local sur des sites répartis à la Barbade et en Jamaïque (Cook et Rubeinstein-Gottshamer 2011).

1.1.2 Archéologie des habitations dans les Antilles françaises et la Guyane

L'évolution dans les thèmes de recherche pour l'étude des sites de plantations ne s'est pas opérée partout de la même façon (Losier 2012: 20-28). En effet, l’archéologie de la période moderne ne s'est développée que très tardivement dans les milieux scientifiques et académiques des Antilles et de la Guyane française (Delpuech 2001b). Cet intérêt récent pour la période coloniale s’explique en partie parce que les archéologues français se sont d’abord intéressés dans ces régions, aux périodes précolombiennes. L’éloignement des institutions universitaires et le choix des thèmes étudiés par les différents organismes de recherche entrent aussi en cause. Enfin, les archéologues français ont longtemps douté de la contribution de l'archéologie à l'étude de la période moderne, souvent considérée comme étant trop récente (Bellan et Journot 2011: 6-25; Delpuech 2001a: 22-23).

Jusqu'aux années 2000, mis à part quelques travaux précurseurs notamment ceux de Le Roux (1986, 1994) en Guyane française, l’archéologie des habitations s’est surtout concentrée sur les bâtiments liés à la production (secteurs industriels) ou sur les maisons de maîtres (Auger et Le

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9

Roux 2001; Bégot 1991) : « Le reste, et notamment tout ce qui a trait à la vie quotidienne, hormis le travail de la plantation et la culture matérielle des esclaves reste inconnue sur un plan archéologique » (Delpuech 2001a: 52). Les synthèses historiques se sont d'ailleurs d'abord penchées sur la période post-esclavagiste ou contemporaine (Le Roux 1997: 163), délaissant les périodes antérieures, à l'exception de travaux réalisés par quelques historiens (Cardoso [1971] 1999; Mam-Lam-Fouck 1982, 2002; Polderman 2004). En outre, certains thèmes de recherche tels que les conditions de vie de l'esclave ne peuvent pas être uniquement considérés par l'étude des sources historiques (Bigot 2004: 148), ce qui rend l'archéologie d'autant plus nécessaire.

Depuis la fin du XXe siècle et le début du XXIe siècle, l’intérêt pour la période moderne s’est toutefois amplifié dans les Antilles françaises et en Guyane, suite à la création des Services régionaux d’archéologie (SRA) dans chaque département français et grâce à l’apport des fouilles effectuées par l’Institut national de recherche en archéologie préventive (INRAP) et celle d'autres intervenants privés (société d'archéologie Hadès dans les Antilles) (Kelly 2008a: 389; Losier 2012: 26). Les études archéologiques réalisées sur les sites d'habitations françaises se rapprochent désormais de ce qui est pratiqué dans le monde anglo-saxon. Les recherches sont orientées sur des thèmes tels que le commerce (Losier 2012), le métissage culturel (Losier et Coutet 2014a), les pratiques culinaires et l’héritage africain (Arcangeli 2014, Brunache 2011), les conditions de vie et la culture matérielle des esclaves (Fanning 2009; Gibson 2007, 2009; Kelly 2002b: 51-53). Des fouilles ont été menées sur des cimetières coloniaux et des cases d’esclaves, notamment sur l’habitation Crève-Coeur en Martinique, la Mahaudière en Guadeloupe et Saint-Régis en Guyane (Barone Visigalli 2007; Courtaud 2013; Courtaud et Romon 2004; Courtaud et al. 1999; Houle-Wierzbicki et Le Roux 2014; Le Roux 1998; Paya 2002). Finalement la tenue de colloques, la publication d'ouvrages et de périodiques sur les thèmes des habitations et de l'esclavage colonial dans les Antilles françaises et en Guyane, contribue à l'intérêt croissant pour cet axe de recherche (Bacot et Zonzon 2011; Bégot 2008; Belrose 2012; Berard et Losier 2014; Burac et Bégot 2011; INRAP 2012).

Malgré un cheminement différent, on peut tout de même tracer des parallèles entre le développement de l'archéologie des habitations agricoles mené en contexte francophone et l'archéologie des plantations issue des contextes anglophones et états-uniens. Au sein de ces deux aires culturelles et académiques, les archéologues se sont d'abord intéressés à la culture et à l’univers matériel des maîtres, pour s'orienter de plus en plus vers les populations serviles. D'autres considérations d'ordre étymologique permettent aussi de souligner certaines différences dans la

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conception du mode d'implantation des habitations agricoles françaises et des plantations dans les anciennes colonies anglaises. Tout d'abord, le terme de « plantation » en anglais réfère avant tout à un établissement économique rattaché à des modes de production industrielle et basés sur un modèle d’agriculture commerciale sans composante sociale (Kelly 2009: 84). Dans le contexte de la « plantation », une grande proportion des « planters » étaient d’abord marchands avant d’être colons (L’Étang 2012: 332-333). Inversement, les mots « habitation » et « habitant » utilisés en français impliquent l’action physique et symbolique de s’établir ailleurs de façon permanente (Le Roux et al. 2009: 38-41).

Pour la période coloniale, la Guyane se distingue des Antilles françaises, par la présence continue de groupes amérindiens (Polderman 2004). L’échange de connaissances et le contact culturel entre Amérindiens, colons européens et Africains s'y sont prolongés sur une longue période de temps, ce qui a généré un métissage culturel original en Amérique du Sud (Le Roux 1997: 163-164). Les Antilles comportaient des terres plus propices à l'agriculture, une population servile plus importante et une réelle stratification sociale. Toutefois, la Guyane présente des conditions climatiques plus stables, caractérisées par l'absence de cataclysmes naturels et une hygrométrie plus importante (Verwimp 2011: 16-17). Un autre point de comparaison déterminant entre les contextes antillais et guyanais réside dans l'état de préservation du matériel archéologique. En Guyane française, la faible urbanisation du territoire permet en général une bonne conservation des sites archéologiques ruraux. Toutefois, les conditions taphonomiques associées à l'acidité des sols entrainent une dégradation rapide des matériaux organiques (ossements, bois, cuir, etc.). C'est ce qui explique pour la Guyane, le faible potentiel des recherches en archéologie environnementale et en anthropologie physique3F

5 (Faucher et Bain 2014).

En somme, l'archéologie coloniale française dans les territoires des Antilles et de la Guyane, malgré des développements récents et encourageants, tend à demeurer principalement descriptive puisque peu d'études à grandes échelles spatiales et chronologiques y ont été produites. Les recherches ont surtout été concentrées sur l'élite coloniale, plutôt que la population servile, bien que cette situation tende progressivement à changer (Losier 2012: 27). Les thèmes de recherche développés sur les sites de plantations et d'habitations coloniales varient également selon la tradition académique auxquels se rattachent les archéologues. En outre, l'archéologie historique dans cette région demeure encore marquée par le manque de communication en partie causé par la

5 Le cimetière de Torcy (XIXe siècle), situé sur les terres basses du fleuve Mahury constitue une exception, puisqu’il comporte de nombreuses sépultures (d'esclaves) comportant des ossements et des matériaux organiques très bien préservés (Rigeade 2012).

(26)

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barrière linguistique entre les archéologues français, hispanophones et anglo-saxons (Kelly 2017). Comme le soulignent Hauser et Curet (2011), cette barrière de la langue est accentuée par des traditions académiques différentes entre les aires culturelles et par une frontière culturelle « artificielle » délimitée par les aires d'influences des anciens empires coloniaux de l'espace des Caraïbes. Ces frontières entre les langues, les traditions académiques et les aires culturelles ne permettent pas d'étudier efficacement sur le plan archéologique les interactions non locales entre les différentes îles et régions continentales jouxtant l'espace des Caraïbes. Les études demeurent le plus souvent confinées à l'échelle des îles ou des régions documentées.

Malgré tout, les travaux effectués sur les sites d’habitations coloniales en contexte académique français, tendent désormais à se rapprocher du type de recherches réalisées sur les sites de plantation en archéologie historique dans la tradition anglo-saxonne, tout en tenant compte des particularités régionales et des contextes de recherche caractéristiques aux Antilles françaises et à la Guyane.

1.2

Cadre théorique

L'archéologie historique s'intéresse à l'émergence du monde moderne, une époque de grands bouleversements socioéconomiques et politiques, qui a contribué à la mise en contact entre différents groupes culturels (Deetz 1996; Orser 1996). Les interactions et bouleversements culturels associés à ces contacts, se sont prolongées bien après la période d’exploration de l’Amérique et l’implantation des premiers comptoirs commerciaux. Comme le soulignent Losier et Couter (2014: 173) ces interactions ont stimulé l'échange de biens matériels, l'adaptation de nouvelles pratiques alimentaires et architecturales, des changements dans les méthodes et techniques de production et le transfert de certains traits culturels (Jordan 2009; Lightfoot 1995; Silliman 2005). De nouvelles identités métissées, créolisées, hybrides ou diasporiques ont émergé au sein de ces nouveaux contextes sociaux et environnementaux, selon les structures de pouvoir du colonialisme (Chambers 2001; Farnsworth 2001; Gosden 2004: 5; Loftfield 2001: 207).

Les sites de plantation, en tant que microcosmes du système colonial, permettent de livrer un témoignage privilégié quant à la nature du contact culturel et la contribution des populations amérindiennes, africaines et européennes à la mise en place du monde moderne (Singleton 1998: 173). L’archéologie historique permet également de documenter les groupes subordonnés ou les sociétés non littéraires ayant laissé peu ou pas de traces écrites (Gaimster et Majewski 2009: xvii),

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comme c'est notamment le cas des populations d'esclaves, de la classe paysanne et artisanale ou encore des membres des groupes autochtones des Amériques.

L'identité culturelle, en contexte colonial, se retrouve étroitement liée aux interactions culturelles et à la manière dont les groupes culturels ont su négocier, maintenir et développer leur identité à travers leurs relations avec les autres groupes ethniques. Par identité culturelle, nous entendons le concept d'ethnicité, qui se réfère à l'identification consciente des différences culturelles d'un groupe particulier de personnes par rapport à celles d'un ou de plusieurs autres groupes, dans un contexte d'interaction culturelle (Jones 2007). Les membres d'un même groupe ethnique partagent des traits culturels communs qui incluent notamment la langue, l'habillement et la religion (Heath 1999a: 47). Cette conception de l'identité culturelle s'éloigne des notions basées sur des attributs physiques ou territoriaux tels que la race ou l'identité nationale. Elle délaisse aussi le concept de culture archéologique tel que défini par l'approche historico-culturelle, qui tend à considérer les cultures du passé en tant que groupes homogènes et monolithiques.

1.2.1 Acculturation et assimilation

Les premières recherches archéologiques portant sur l'identité et les interactions culturelles pour les sites de plantation (Adams et Boling 1989; Otto 1975; Wheaton et Garrow 1985), ont d'abord utilisé le modèle théorique de l'acculturation, introduit par l'anthropologue Melville Jean Herskovits (1958 [1941]). Celui-ci a introduit les notions de rétentions culturelles africaines ou « Africanismes », en cherchant à « identifier les origines africaines des pratiques des Noirs nord-américains et à analyser les facteurs historiques de changement culturel, tout en utilisant les données ethnographiques africaines afin de déterminer les « africanismes » qui avaient été préservés » (Capone 2005: 28). D'après Stefania Capone (2005: 28-29), Herskovits souhaitait alors valoriser l'héritage africain chez la population Afro-américaine sous l'influence des mouvements revendicateurs du New Negro et du Harlem Renaissance. Herskovits cherchait à identifier des traits culturels marquant une rétention africaine qui auraient été adaptés et intégrés culturellement au contact entre Européens, Amérindiens et Africains. D'après Capone (2005: 28) : « Les notions de rétention et réinterprétation permettaient d'établir « un continuum acculturatif » entre des pratiques typiquement africaines et des comportements marqués par la culture européenne ».

Le concept d'acculturation aborde ainsi la question des marqueurs ethniques et de la rétention de traits culturels dans le matériel et les pratiques culturelles des esclaves africains ou des groupes amérindiens à l'aide des notions d'africanismes et d'indigénismes (Jordan 2009; Orser 1996: 60-66; Singleton 1998: 174). L'identification de marqueurs ethniques a permis de reconnaître

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les contributions d'un ou plusieurs de ces groupes au mode de vie colonial (Ferguson 1992; Gundaker 2000; Kelly 2008a; Singleton 1998). La notion d'africanisme a aussi entrainé un certain nombre de recherches portant sur divers éléments matériels (formes, décors et techniques de fabrication) et pratiques (culturelles, religieuses et architecturales), incluant notamment des études sur la céramique domestique (Mintz et Price 1992; Petersen et al. 1999), les pipes à fumer (Emerson 1999; Le Roux 1995a; Mestre 2005), les ornements corporels (Heath 1999a; Stine et al. 1996), les objets métalliques (Goucher 2007), l’architecture militaire (Loftfield 2001), l’architecture vernaculaire (Edwards 1994, 2006; Farnsworth 2001; Jones 1985; Maygarden 2006), les outils et les objets réutilisés, les modes d'alimentation, les rites funéraires et les paysages ruraux (Paynter et Allen 1992; Singleton 1995: 130).

Cependant, le concept d'acculturation tend à inhiber les contributions des populations subordonnées (esclaves africains et Amérindiens) et à considérer ces derniers comme subissant de façon passive et unidirectionnelle la dominance culturelle européenne (Gosden 2001: 242; Lightfoot 1995: 206; Mullins et Paynter 2000: 74). Selon cette approche, les sites ou les occupations sans marqueurs ethniques sont considérés comme témoignant de formes d'assimilation ou d'acculturation par les populations occupantes (Singleton 1995: 134).

1.2.2 Identité et métissage culturel

Face aux critiques émises à l'endroit des concepts d'acculturation et d'assimilation, le concept de métissage culturel a été mis de l'avant, afin de mieux considérer les phénomènes d'interactions culturelles, de créativité et de changements découlant de l'établissement des structures coloniales dans les Amériques. Ce concept permet d'évaluer les emprunts, les échanges, les transferts et les réinterprétations d'éléments culturels entre les groupes (Gundaker 2000; Kelly 2008a; Mullins et Paynter 2000; Singleton 1998; Singleton et de Souza 2009; Turgeon et Kerbiriou 2002). De plus, contrairement aux notions d'acculturation ou d'assimilation, le processus de métissage culturel n'opère pas seulement de façon asymétrique et unidirectionnelle, selon le rapport de force d'un groupe dominant envers un groupe dominé. Les colons européens ont également subi des changements culturels découlant de leurs interactions avec d'autres groupes et de leurs adaptations à de nouveaux environnements physiques et sociaux (Wilkie et Farnsworth 1999: 284). Les processus de métissage culturel ont conduit à la création de nouveaux groupes, qui ne correspondent pas à des entités culturelles fixes. La culture ainsi formée résulte plutôt « [...] d'un rapport de force interculturel négocié et renégocié, de traditions continuellement réinterprétées et refaites d'apports extérieurs » (Turgeon 2003: 22).

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14

Les échanges culturels, issus des phénomènes de métissage, sans être asymétriques, ne sont toutefois pas pour autant réciproques et exempts de conflits. Les interactions culturelles et les processus qui en découlent doivent tenir compte des relations de pouvoirs et des inégalités sociales inhérentes aux contextes sociaux du régime colonial et du système esclavagiste prévalant sur les plantations (Farnsworth 2001; Gosden 2004: 5; Hill 1998; Jordan 2009; Loftfield 2001: 207; Silliman 2005). Certains groupes culturels en processus de métissage ont subi diverses formes de dominations matérielles, politiques et culturelles de la part des sociétés européennes, ce qui implique qu'ils ont forgé leurs identités en constante négociation et selon diverses formes de résistances en réaction aux idéologies dominantes des puissances coloniales (Mullins et Paynter 2000: 74).

En somme, d'après l'ethnologue Laurier Turgeon (1996: 14-15), le métissage culturel se compose de transferts, qui correspondent à la mise en relation et à l'échange d'éléments matériels et immatériels (mots, comportements, croyances, etc.) survenant lorsque des univers culturels distincts sont mis en contact. Les transferts culturels, se font par le moyen de passeurs culturels, formés d'individus ou de groupes se trouvant à la frontière entre un ou plusieurs ensembles culturels et qui font office d'intermédiaires, de passeurs ou d'entremetteurs (Gruzinski 2001: 8). Les missionnaires jésuites de Guyane, qui étaient à la fois en contact avec les groupes amérindiens au sein de leurs missions catholiques et les esclaves africains sur les habitations agricoles figurent certainement dans cette catégorie de passeurs culturels.

Malgré l'utilisation croissante de ce concept dans le cadre des recherches en archéologie historique, les effets du métissage ne peuvent pas être généralisés à l'ensemble de l'espace colonial, puisqu'il s'agit de processus particuliers qui se produisent selon des échelles de temps et d'espaces variables (Mullins et Paynter 2000: 74; Trouillot 2002: 189). Les changements résultant des interactions culturelles ont lieu sur des échelles temporelles allant de courtes périodes de contact à des interactions soutenues sur le long terme (Silliman 2005: 58; 2012). De même, les processus historiques et autres facteurs qui influencent l'aspect matériel des plantations peuvent s'être produits à travers les Amériques et Antilles ou s'être limités à une seule région, communauté ou établissement (Lenik 2009: 14). Pour les esclaves, le processus de métissage culturel ou de créolisation a également été affecté par divers facteurs sociaux tels que la mixité ethnique avant la traite (Heath 1999a), les ratios entre les sexes, le contact avec les populations autochtones et les restrictions causées par les conditions d'asservissement (MacDonald et al. 2006: 124). Pour l'ethnologue Stefania Capone (2005: 30-31), l'un des facteurs qui semblent avoir été déterminant pour la rétention de la culture Africaine dans les Amériques est lié au mode d'exploitation

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