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Le Value Gap ou la question du partage de la valeur générée par la consommation d'œuvres musicales sur Internet

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Le Value Gap ou la question du partage de la valeur

générée par la consommation d'oeuvres musicales sur

internet

Mémoire

Joséphine Fremont

Maîtrise en droit - avec mémoire

Maître en droit (LL. M.)

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Résumé

Au cours des vingt dernières années les modes de consommation d'œuvres musicales ont été bouleversés par la révolution numérique. En effet, suite à la crise du disque et à la démocratisation des plateformes de téléchargement, les ayants droits d'œuvres musicales ont dû faire face à l'apparition de nouvelles plateformes. Il s'agit des plateformes de streaming dites UGC pour user generated content, sur lesquelles les internautes télé-versent eux même le contenu qu'ils souhaitent, ce dernier devenant ainsi instantanément accessible par tous. Ce contenu, télé-versé sur des plateformes telles que YouTube, est souvent constitué d'œuvres protégées par le droit d'auteur, et les autorisations nécessaires à sa mise à disposition sont rarement réunies. Pour autant, ce contenu mis en ligne génère par la suite une valeur importante, notamment grâce à la publicité. De cette forte valeur créée par la mise à disposition d'œuvres protégées, les ayants droits de ces dernières ne perçoivent qu'une faible partie. Effectivement, les plateformes UGC sont mises à l'abri par le droit européen en ce qu'elles bénéficient de la qualité d'hébergeur au sens de la Directive 2000/31, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur. Les plateformes ne sont donc pas responsables du contenu dont elles permettent l'accès à moins d'avoir été notifiées de la présence dudit contenu, et de ne pas avoir agi promptement pour en empêcher l'accès. Pour autant, après chaque notification et retrait d'une œuvre protégée, cette même œuvre réapparait à nouveau librement sur internet, et les interprétations souvent contradictoires de la Directive ont conduit à une très ample exonération des plateformes quant à leur responsabilité en matière de mise à disposition de musique protégée. Cela a eu pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les revenus que les plateformes génèrent du fait de la mise à disposition de musique, et les revenus reversés aux créateurs de ces œuvres, il s'agit du Value Gap. Afin de remédier à ce déséquilibre dans le partage de la valeur une proposition de Directive européenne pour le droit d'auteur dans le marché unique numérique est débattue depuis 2016. Celle-ci a pour objectif d'améliorer la rémunération des ayants droits notamment en encourageant la collaboration entre ces derniers et les plateformes qui diffusent leurs œuvres. Cette proposition de Directive fait débat en ce qu’elle repose entre autres sur l’instauration de mesures techniques de reconnaissance de contenus afin de faire respecter les accords préconisés entre les plateformes et les ayants droits.

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Table des matières

Résumé ... ii

Table des matières ... iii

Remerciements ... v

Avant-propos ... vi

Introduction ...1

Chapitre 1 : Présentation des acteurs qui permettent le partage de musique sur internet et la création de la valeur. ...14

A. Présentation des acteurs de la société de l’information qui permettent le partage de musique sur internet ...15

1. Les acteurs en lien avec l’œuvre musicale ...15

a) L’auteur de l’œuvre musicale ...15

b) Les sociétés de gestion collective ...16

2. Les acteurs qui permettent la diffusion de l’œuvre sur internet ...18

a) Les plateformes UGC ...18

b) Comparaison entre les plateformes UGC et les plateformes de streaming ...20

B. Rémunération des auteurs d’œuvres musicales sur internet ...22

1. La rémunération de la plateforme : captation de la valeur ...22

a) Revenus publicitaires ...22

b) Valorisation boursière et traitement des données personnelles des utilisateurs 23 2. La rémunération : l’auteur écarté de la valeur...24

a) Les contrats liant les sociétés de gestion collective aux plateformes UGC ...24

b) Ad block ...26

Chapitre 2 : Présentation du modèle juridique permettant un partage si peu équitable de la valeur ...29

C. La responsabilité allégée de la directive commerce électronique 2000/31 ...30

1. Les intermédiaires techniques de l’internet ...30

a) Présentation des trois intermédiaires techniques...30

b) Histoire et enjeux de l’adoption de la directive commerce électronique ...31

c) Rôle des intermédiaires techniques dans la contrefaçon sur internet ...33

2. Absence d’obligation générale de surveillance ...35

3. Le safe harbour : savoir-pouvoir-inertie ...36

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b) Absence de « notice and stay down »...39

D. Le statut d’hébergeur ...42

1. Évolution jurisprudentielle du statut d’hébergeur ...42

2. Qualification des plateformes UGC et conséquences de la qualification des plateformes ...45

Chapitre 3 : Les solutions législatives envisageables pour corriger le Value Gap ...52

E. La proposition de Directive sur le droit d'auteur dans le marché unique numérique de 2016 ...53

1. Présentation de la proposition de Directive ...53

2. Présentation de l’article 13 de la proposition de Directive ...54

a) Licences avec les titulaires de droits ...54

b) Mesures appropriées et proportionnées ...56

3. Application de l’article 13 de la proposition de Directive aux plateformes UGC ...58

a) L’obligation de conclure des contrats de licences avec les ayants droits, un rôle accru pour les sociétés de gestion collective ...58

b) Mesure appropriées et proportionnées : logiciels de reconnaissance ...59

F. Enjeux, risques et alternatives à la proposition de Directive de 2016 ...63

1. Arguments contre la proposition de Directive ...63

a) Risque de censure et obligation générale de surveillance ...63

b) Risque de perdre le bénéfice des exceptions du droit d'auteur ...65

2. Quelles autres solutions pour un meilleur partage de la valeur ? ...65

a) Relativisation des risques de la proposition de Directive ...66

b) Lobbying et solutions envisageables pour améliorer le sort des auteurs ...68

Conclusion générale : ...72

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Remerciements

Je tiens à remercier mes directeurs de recherche, Madame Julie Groffe de l’Université Paris-Sud et Monsieur Georges Azzaria de l’Université Laval. Ils ont su m’accorder leur temps et leur patience pour me transmettre une infime partie de leur savoir. Je les remercie d’avoir remarqué la pertinence de mon sujet et de m’avoir guidé à travers leurs précieux conseils et corrections.

Je souhaite également remercie Madame Alexandra Bensamoun, directrice de la formation bi-diplômante Master II – LLM. Propriété intellectuelle fondamentale et technologies numériques, qui m’a permis d’intégrer ce double diplôme. Vos cours, Madame, m’ont particulièrement passionnée et vous m’avez permis d’acquérir la rigueur et l’esprit critique nécessaire à la découverte d’une tradition juridique étrangère.

J’aimerais remercier la Sacem, où j’ai effectué mon premier stage juridique en 2016. Celui-ci m’a conforté dans mon choix de poursuivre mes études dans le domaine de la propriété littéraire et artistique, et a éveillé ma curiosité en matière de gestion collective. Je tiens particulièrement à remercier Madame Caroline Bonin, directrice juridique pour ses précieux conseils tout au long de mon travail de recherche.

Mille mercis à mes parents, Christine et Jean-François, pour m’avoir permis de réaliser les études que je souhaitais, pour m’avoir toujours soutenue dans mes projets, encouragée et rassuré. Et à ma grand-mère Michèle pour son soutien et ses nombreuses relectures.

Enfin merci à Clément, pour ses corrections mais surtout pour son soutien inconditionnel lors de l’accident et aujourd’hui encore, dans le long parcours de la rééducation.

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Avant-propos

Au XXIe siècle, notre société a connu en peu de temps des bouleversements profonds. L’avancée rapide des technologies a révolutionné les modes d’écoute de musique. Nous sommes entrés dans une société de l’information, la musique est désormais entrée dans la chaine de consommation. L’internaute, consommateur insatiable de musique, accède instantanément, en quelques clics, au plus gros catalogue au monde de musique.

Si le numérique a permis à certains auteurs d’œuvres musicales de connaitre un succès rapide et mondial1, pour une grande partie d’entre eux la révolution numérique s’est traduite par une baisse de leur rémunération et une difficulté accrue à faire valoir leurs droits sur la toile. Si certains prônent un internet plus libre, où les contraintes territoriales et les règles de droit d’auteur ne devraient pas trouver à s’appliquer, je pense au contraire que la protection des auteurs sur internet est plus importante que jamais. Car, c’est seulement en les encourageant, les récompensant et leur permettant de vivre de leur création, que l’on sera capable de pérenniser la création. Contrairement aux idées reçues, encourager les auteurs à créer davantage en protégeant le fruit de leur travail bénéficie également au public. Ce dernier a alors accès à une plus grande quantité de contenus car les auteurs sont en capacité de créer davantage. Mon travail de recherche s’inscrit alors dans ce contexte du tout numérique, dans lequel les intérêts des auteurs se heurtent à des préoccupations nouvelles.

1 Au 25 juillet 2018, le clip musical de la chanson « Despacito » de Luis Fonsi et Daddy Yankee a été visionné

5,352,014,700 fois sur la plateforme YouTube, cela représente plus des deux tiers de la population mondiale. YouTube Statistics of "Luis Fonsi - Despacito ft. Daddy Yankee" Video, en ligne :

https://www.vidsbomb.com/youtube/statistics/video/Luis-Fonsi-Despacito-ft-Daddy-Yankee-stats-kJQP7kiw5Fk.html

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Introduction

Internet nait dans le courant des années 1960 dans un contexte de guerre froide, et à des fins sécuritaires. Repris ensuite par les universitaires aux États-Unis, le potentiel de partage du réseau a rapidement été décelé. Avec la création du fichier MP3, les œuvres musicales sont entrées dans ce réseau de partage. S’affranchissant des contraintes matérielles et territoriales, Internet a cependant été pensé initialement comme un espace libre de droit, comme un lieu d’échange de connaissances où les différentes lois des États ne trouvaient pas application. Difficile dès lors d’y appliquer et faire respecter les nombreuses règles du droit d’auteur et de mettre la main sur les diverses pratiques de partages d’œuvres protégées.

Internet a, depuis sa création, connu de nombreuses évolutions et les partages s’y sont multipliés. Grâce à l’avancée des technologies ainsi qu’à la réduction des coûts, Internet s’est massivement démocratisé, entrant dans nos maisons puis nos poches. Nous assistons depuis les années 1990 à une « révolution numérique », permettant de stocker sur de nouveaux supports des signes, sons et images, et de les partager avec le monde entier2. Internet est alors devenu communautaire, les utilisateurs, ou internautes contribuent eux-mêmes à l’augmentation du contenu disponible en ligne.

Le contenu consulté est aujourd’hui principalement constitué de divertissements. En effet, sur les 4h48 que passent chaque jour les français sur la toile, 3h03 sont consacrées au visionnage de vidéos issues de la télévision, du streaming ou encore de la vidéo à la demande. Et 34 minutes sont dédiées à l’écoute de musique en streaming3.

Cette masse de contenu culturel est essentiellement constituée d’œuvres protégées par le droit d’auteur. C’est-à-dire que ces dernières font l’objet d’un monopole, au profit de leurs auteurs, et pour une durée limitée4. Ce monopole, accordé à l’auteur dès la création de son

2 André LUCAS, Henri-Jacques LUCAS, Carine BERNAULT et Agnès LUCAS-SCHLOETTER, Traité de la propriété littéraire et

artistique, 5e éd., LexisNexis, 2017, p. 49.

3 We Are Social & Hootsuite, Le digital en France en 2018, Rapport digital français, 2018.

4 En France, les œuvres sont protégées par le droit d’auteur pendant une durée de 70 ans après la mort de leur

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œuvre, a pour objectif de conserver le lien entre l’auteur et son œuvre. Au-delà de l’idée de rémunérer les auteurs pour le travail de créativité fourni, il s’agit principalement, selon la philosophie française personnaliste du droit d’auteur, d’inciter à la création. L’idée est alors qu’en récompensant les auteurs, en leur garantissant une maitrise de leur œuvre, ces derniers vont être encouragés à créer davantage. Et c’est en cela que la protection des créateurs par le droit d'auteur est fondamentalement nécessaire.

Le partage des œuvres protégées sur internet nécessite donc, à priori, une autorisation de la part des titulaires de droits sur l’œuvre en question, et une rémunération pour l’exploitation de celle-ci. En principe, l’internaute qui souhaite partager une œuvre protégée par le droit d'auteur sur internet devra donc recueillir l’autorisation des titulaires de droit et régler les droits selon l’utilisation qui en est faite.

En pratique, l’autorisation sera récoltée auprès des sociétés de gestion collective de droits afférentes. Ces sociétés, également appelées sociétés d’auteurs, permettent aux auteurs d’exercer leurs droits de manière collective. Leur rôle consiste à « négocier avec des utilisateurs

éventuels, à leur accorder moyennant paiement d’une redevance appropriée, des autorisations en les assortissant des conditions voulues, à percevoir des redevances et à les répartir entre les titulaires de droits »5. Ainsi les auteurs concluent des contrats de cessions auprès de ces sociétés, qui les représentent dans l’exercice de leurs droits. Ces dernières sont chargées de la perception des droits auprès des divers canaux de diffusion de l’œuvre, puis de répartir les droits perçus aux auteurs, de la manière la plus représentative possible de la consommation effective de l’œuvre. En France, en matière de musique, la société de gestion de droits musicaux est la Sacem : la Société des Auteurs Compositeurs et Éditeurs de Musique. Fondée en 1851 elle a rôle non négligeable dans l’exercice des droits d’auteur sur internet6.

Avec 4 milliards d’internautes, soit plus de la moitié de la population mondiale, il n’est pas aisé de faire respecter le droit d’auteur dans cet espace virtuel où chaque individu partage, contribue à l’augmentation du contenu, et constitue un potentiel contrefacteur. S’opère alors un jeu du chat et de la souris entre d’un côté les sociétés de gestion collective qui cherchent à recueillir les droits et de l’autre, certains internautes et acteurs de la société de l’information

5 Rapport du bureau international de l'OMPI, Gestion collective des droits d'auteurs et des droits voisins, n°15,

1989, p. 227 à 272.

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peu scrupuleux qui souhaitent s’affranchir des règles contraignantes du droit d'auteur afin de pouvoir partager librement des œuvres protégées.

Si en principe chaque partage d’œuvre protégée nécessite une autorisation préalable et une rémunération, en pratique, la fin des années 1990 a vu naitre de nouveaux modes de consommation d’œuvres, principalement musicales, et avec cela de nouvelles pratiques portant atteinte aux droits des auteurs. C’est en effet à partir de cette période que l’utilisation de divertissement sur la toile connait une augmentation exponentielle. Les titulaires de droits assistent alors, au partage de leurs œuvres sans autorisation, ni rémunération. C’est l’avènement des plateformes de téléchargement dites de pair à pair, ou Peer to Peer (P2P). Le pair à pair est une « technologie permettant l’échange de données entre ordinateurs reliés à internet, sans

passer par un serveur central »7. Il s’agit donc d’une technique permettant le partage de fichiers entre ordinateurs. Popularisée par les grandes plateformes Emule et BitTorrent, cette technologie a été massivement utilisée pour le partage de contenus protégés, principalement de la musique et des œuvres audiovisuelles. Ces modes de partages illégaux d’œuvres protégés connaissent leur âge d’or au début des années 2000, c’est la naissance de la « génération

Napster » du nom d’une grande plateforme de téléchargement8.

Cette plateforme permettait le partage grâce à un logiciel gratuit, de fichiers musicaux. Chaque ordinateur connecté au réseau constituait un nœud de partage, sans qu’aucun fichier ne soit stocké sur Napster, et la plateforme se rémunérait grâce à la publicité. L’affaire Napster, aux États-Unis, a été la première affaire judiciaire d’envergure concernant les plateformes de P2P. La Cour d’appel9 a reconnu la complicité de Napster à la contrefaçon ainsi qu’une responsabilité du fait d’autrui dans la violation du Copyright. La Cour d’appel américaine a ainsi écarté le fair use, et retenu l’idée qu’un individu qui, en connaissance de l’activité contrefaisante, encourage ou aide matériellement cette activité, peut être tenu pour responsable de complicité de contrefaçon10. Ce procès a eu de grandes conséquences sur la perception du rôle des plateformes de P2P dans la chute des industries culturelles. En effet, la décision est

7 Éditions LAROUSSE, Définitions : peer to peer, en ligne :

<https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/peer_to_peer/10910428> (consulté le 22 mai 2018).

8 Sophian FANEN, Boulevard du stream: du MP3 à Deezer, la musique libérée, coll. Castor music, Bègles, Castor

astral, 2017.

9 US Court of Appeals, A&M Records, Inc. v. Napster, Inc., 239 F.3d 1004 (9th Cir. 2001).

10 Giovanni B. RAMELLO, Napster et la musique en ligne, n° 110-6 Réseaux 132-154, DOI :10.3917/res.110.0132.

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allée jusqu’à soulever l’incidence de la plateforme dans la chute des ventes de disques « Regarding the market effect, plaintiffs introduced sufficient evidence to show that Napster

caused a reduction in audio CD sales and hindered plaintiffs’ ability to enter the digital sales market. »11

Les conséquences de ces nouveaux modes de consommation musicale ont ainsi été immédiates sur le marché de la musique, puisque dès 1999, soit un an après la création de

Napster, le chiffre d’affaires de l’industrie musicale va progressivement décroître, passant de

25,2 milliards de dollars américains en 1999, à 14,2 milliards en 201412 : c’est la crise du disque. Les sociétés de gestion collective vont dès lors devoir lutter pour faire valoir les intérêts de leurs auteurs en ligne. Plusieurs mesures législatives sont rapidement adoptées pour lutter contre le pair à pair et tenter de faire respecter le droit d’auteur sur le net. Mais si une étude semble montrer pour la première fois en 2016 une baisse de la population pirate en France13, la guerre contre le partage illicite d’œuvres protégées n’est pas gagnée. Il ne s’agit en réalité que du recul des techniques de pair à pair face aux nouveaux modes de consommation d’œuvres. Cependant cette légifération du pair à pair est encore aujourd’hui au cœur de la rémunération des auteurs d’œuvres musicales pour l’exploitation de leurs œuvres sur le net.

La véritable révolution depuis l’avènement de Napster consiste en la manière de consommer l’œuvre musicale sur internet. Du téléchargement, c’est-à-dire du « chargement ou

rapatriement depuis un serveur ou un ordinateur distant de fichiers informatiques à l'aide d'une connexion via une ligne de télécommunication »14 nous sommes passés au streaming ou lecture sans téléchargement. En matière musicale, il en existe essentiellement deux types. Il s’agit du streaming audio et du streaming vidéo. La distinction rendue aisée par l’opposition de Spotify et YouTube.

En réalité, ce sont aujourd’hui les plateformes de partage de vidéos telles que YouTube et Dailymotion qui constituent le principal mode d’accès aux œuvres musicales protégées, bien

11 A&M Records, Inc. v. Napster, Inc., 239 F.3d 1004 (9th Cir. 2001).

12 Fédération internationale de l'industrie phonographique, Global Music Report 2018, p. 9, 2018.

13 Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle, Médiamétrie & Centre national du cinéma et de l’image

animée, La consommation illégale de vidéos en France, évolution 2009-2016, Étude pirate internet, en ligne : http://www.alpa.paris/wp-content/uploads/2016/05/Etude-ALPA-CNC-Mediametrie-2016.pdf 2017.

14Éditions LAROUSSE, Définitions : téléchargement, en ligne :

https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/t%C3%A9l%C3%A9chargement/77035 (consulté le 14 juin 2018).

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au-delà des sites illégaux et des services de streaming audio. Ces plateformes sont dites plateformes UGC, pour User Generated Content, voire parfois UUC pour User Uploaded

Content. Ces plateformes, dont le modèle d’affaires repose sur le partage de contenus culturels,

permettent aux internautes de diffuser des vidéos. L’essentiel du contenu uploadé15 ou télé-versé, est protégé par le droit d'auteur : en effet il est intéressant de rappeler que les 10 vidéos les plus vues sur YouTube sont toutes des clips musicaux16. Impossible dès lors de nier l’influence de ce géant d’internet en matière de consommation musicale. Cependant, les autorisations nécessaires sont rarement recueillies. Or, de manière générale, si l’on sort du contexte des plateformes UGC, la mise à disposition non autorisée d’une œuvre protégée constitue indiscutablement un acte de contrefaçon17. Le partage d’œuvres protégées par le biais de ces plateformes a un impact considérable sur la rémunération des auteurs puisque le streaming vidéo compte aujourd’hui 1,8 milliards d’utilisateurs18. De plus, YouTube, enfant de

Google19, est en tête des plateformes les plus utilisées en France20.

Ces plateformes qui permettent le partage massif de musique protégée tirent de nombreux profits de celle-ci. En effet, l’on estime de chiffre d’affaires de YouTube a plusieurs milliards d’euros. Cette forte valeur est notamment générée par la publicité. Ainsi en 2014 les revenus publicitaires nets dépassaient déjà le milliard d’euros21, mais la publicité n’est pas la seule source de valeur. En effet, la valorisation boursière de la société et le traitement des données personnelles contribuent également à la création d’une impressionnante valeur.

Pourtant, seule une part minoritaire de cette valeur est redistribuée aux titulaires de droits. En effet ces plateformes de streaming vidéo captent l’essentiel de la valeur pour ne reverser qu’une faible part de celle-ci à ceux dont les œuvres constituent pourtant l’essentiel du

15 L’upload désigne le téléchargement ascendant d’un internaute vers la plateforme

16 IFPI, The value gap - the missing beat at the heart of our industry, 2016, en ligne :

<http://www.ifpi.org/news/The-value-gap-the-missing-beat-at-the-heart-of-our-industry> (consulté le 9 février 2018).

17 A. LUCAS, H.-J. LUCAS, C. BERNAULT et A. LUCAS-SCHLOETTER, préc., note 2, p. 974.

18 Official YouTube Blog, Highlights from the Brandcast stage: New YouTube Originals and advertiser offerings,

en ligne : <https://youtube.googleblog.com/2018/05/highlights-from-brandcast-stage-new.html> (consulté le 14 juin 2018).

19 YouTube a été racheté par l’entreprise Google en 2006 pour 1,65 milliards de dollars américains. 20 We Are Social & Hootsuite, Le digital en France en 2018, Rapport digital français, 2018.

21 Séverine DUSOLLIER, « Intermédiaires et plateformes de l’Internet, cet éléphant dans le salon du droit

d’auteur », dans Alexandra BENSAMOUN, La réforme du droit d’auteur dans la société de l’information, Mare &

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trafic de la plateforme. Il y a alors un paradoxe à se nourrir, à faire du « commerce aux clicks »22 par le biais de la publicité, sur des vidéos pour lesquelles le consentement des créateurs n’a pas été recueilli. Les plateformes génèrent donc d’importants bénéfices sur le visionnage de vidéos qui ne profitera pas à leurs créateurs.

Cet écart, ou « gap » en anglais, dans la rémunération des auteurs pour l’utilisation de musique sur internet, a été identifié depuis quelques années, et est généralement désigné par l’expression « Value Gap », qui signifie écart dans la valeur. Il a été permis par les différents statuts juridiques dont se prévalent les plateformes depuis plusieurs années. Il est alors question de la qualification juridique des intermédiaires techniques de l’internet.

Le 8 juin 2000, le Parlement européen et le Conseil adoptent une Directive 2000/31 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur, dite Directive commerce électronique. Cette Directive confère un régime de responsabilité spécifique en faveur des prestataires d’activités techniques nécessaires à la bonne circulation de contenus sur internet, elle a été transposée, plutôt fidèlement en France par la Loi pour la Confiance dans l’Économie Numérique dite LCEN de 200423. De manière générale le terme d’intermédiaires techniques désigne les prestataires techniques qui garantissent la mise en œuvre matérielle du réseau. Ces derniers fournissent un service permettant de publier un contenu sur ce réseau ou d’y accéder. À l’adoption de la Directive, on distingue trois acteurs de la société de l’information dont les rôles peuvent se superposer, il s’agit des fournisseurs d’accès internet, des fournisseurs de cache et des fournisseurs d’hébergement ou hébergeurs.

Nous nous intéresserons à ces derniers car c’est du statut d’hébergeur dont les plateformes de streaming vidéo telles que YouTube se prévalent afin d’échapper aux règles du droit d'auteur. L’hébergeur se définit par sa fonction qui est « la fourniture d’un service de la

société de l’information consistant à stocker des informations fournies par un destinataire du service »24. Les hébergeurs mettent donc à disposition un espace sur leur système afin que leurs clients puissent y installer un site, auquel des tiers peuvent accéder. Les contours de la définition

22 Expression utilisée par le parlementaire Européen Jean-Marie Cavada à l’occasion du Midem 2017, en ligne :

https://www.youtube.com/watch?v=J4zUTxir2xY&t=1079s

23 Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, 2004.

24 Article 14, Directive 2000/31 du 8 juin 2008, relative à certains aspects juridiques des services de la société de

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d'hébergeur ont fait l'objet d'une longue évolution jurisprudentielle qui a conduit à accorder très largement le statut d’hébergeur aux différents acteurs de l’internet. Pour le reste, le fournisseur d’hébergement se distingue principalement au travers de la responsabilité spécifique qui lui est accordée.

Si un traitement de faveur a été accordé aux intermédiaires techniques de l’internet, sous certaines conditions, c’est qu’à la fin des années 1990, le législateur européen a reconnu la nécessité de permettre le déploiement des structures nécessaires au bon développement de l’internet. L’objectif sous-jacent était l’établissement des pratiques de commerce électronique et par conséquent l’épanouissement du marché européen. La directive de 2000 a donc créé un régime de responsabilité aménagée, sur-mesure, aux trois types d’acteurs de l’internet qu’il était alors possible d’identifier25. L’idée était alors de ne pas soumettre ces nouveaux acteurs de l’internet à des obligations trop lourdes qui entraveraient leur bon développement.

Le régime établi par la Directive prévoit les circonstances dans lesquelles les intermédiaires techniques ne sont pas responsables du contenu ou des comportements qu’ils permettent par le biais de leur activité sur le réseau. À certaines conditions, les hébergeurs ne peuvent donc pas voir leur responsabilité directe ou indirecte engagée pour le contenu mis en ligne par des tiers. Ainsi, en vertu de l’article 14 de la Directive, le fournisseur d’hébergement n’est pas responsable s’il n’a pas effectivement connaissance de l’activité ou de l’information illicite, ou si, dès qu’il en a eu connaissance, il a agi promptement pour la retirer ou en rendre l’accès impossible. Ainsi dès lors qu’il n’a pas connaissance des activités contrefaisantes, ou qu’il prend action pour contrer celles-ci, l’hébergeur ne verra pas sa responsabilité engagée du fait du contenu qu’il héberge. Outre cette responsabilité aménagée, la Directive, pour des raisons de sécurité juridique et de liberté d’expression, interdit de leur imposer une obligation générale de surveillance sur les contenus qu’ils hébergent26. Impossible dès lors d’obliger la plateforme YouTube à surveiller le contenu qui y est télé-versé par les internautes.

En effet l’enjeu est d’autant plus important que les plateformes UGC de type YouTube ont revendiqué ce régime avantageux de responsabilité. Et après plusieurs années d’une

25 Séverine DUSOLLIER, « Intermédiaires et plateformes de l’Internet, cet éléphant dans le salon du droit

d’auteur », dans Alexandra BENSAMOUN, La réforme du droit d’auteur dans la société de l’information, Mare &

Martin, p. 168, 2018.

26 Article 15, Directive 2000/31 du 8 juin 2008, relative à certains aspects juridiques des services de la société de

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jurisprudence mouvementée, elles ont pu en bénéficier. La revendication du statut d’hébergeur a permis à la plateforme d’être mise à l’abri, puisqu’elle n’est responsable du contenu qu’elle héberge que si elle est notifiée par les titulaires de droits, de la présence de contenu contrefaisant et si elle n’agit pas promptement pour le faire disparaitre. Ainsi cette triple condition de savoir, pouvoir et d’inertie a permis à YouTube de réaliser d’importants bénéfices sur le dos de contenu protégé. En effet, les vidéos contenant une œuvre musicale protégée, lorsqu’elles échappent à la surveillance du robot Content ID27, doivent être manuellement notifiées à la plateforme par les titulaires de droits c’est le système du « notice and action ». Néanmoins, avec les 400 heures de vidéos uploadées toutes les minutes sur YouTube, et en l’absence de « notice and stay

down », c’est-à-dire d’obligation pour la plateforme d’empêcher l’apparition à nouveau du

même contenu protégé, l’efficacité de ce régime appliqué à YouTube est donc relative. C’est ce que souligne le Professeur Marino :

« Ping, les internautes postent des vidéos protégées par des droits d’auteur sans autorisation des ayants droit ; les sociétés d’auteur adressent alors des notifications à l’hébergeur, lequel retire les vidéos. Pong, les internautes repostent. Ping, les sociétés d’auteur re-notifient et l’hébergeur retire à nouveau les vidéos. Pong, les internautes re-postent... »28

Parallèlement aux plateformes UGC, mauvais élèves qui profitent du statut d’hébergeur pour s’accaparer la valeur tout en étant protégés par un régime de responsabilité spécifique, il existe d’autres modes de consommation d’œuvres musicales sur internet qui respectent les droits des auteurs et les rémunèrent. Il s’agit ici du streaming musical tel que proposé par Spotify et Deezer.

Le streaming audio est le plus souvent constitué d’abonnements payants de streaming qui offrent la possibilité d’accéder, de manière instantanée et illimitée, à un catalogue de plusieurs millions d’œuvres. Il existe également des abonnements gratuits, financés par la publicité. Contrairement au streaming vidéo, où YouTube est en position d’ultra domination du marché, en matière de streaming audio, plusieurs grandes plateformes sont en concurrence. Le leader du marché mondial est incontestablement la plateforme suédoise Spotify avec plus de 75

27 Le Content ID, est une technologie de détection d’œuvres protégées, mise en place par YouTube afin de

protéger les droits intellectuels des créateurs. Le contenu télé-versé sur la plateforme est scanné par le robot afin de vérifier qu’il ne contient pas d’œuvre protégée.

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millions d’abonnements payants en avril 201829, contre presque 40 millions pour la plateforme

Apple Music. À côté de cela, une plateforme fait la fierté de la France, il s’agit de Deezer.

Lancée en 2007, elle compte plus de 12 millions d’abonnés30. Très populaires, ces services ont comptabilisé 42,5 milliards d’écoutes en 2017, soit 52% de plus qu’en 201631. Il y a aujourd’hui 176 millions d’utilisateurs bénéficiant d’un abonnement payant, soit 64 millions de plus qu’en 201632. Si les abonnés sont de plus en plus nombreux, les revenus du streaming musical sont de plus en plus importants, puisqu’ils ont augmenté de 41% en 2017, et c’est grâce à cela que, pour la troisième année consécutive, le marché de la musique enregistrée connait une croissance globale, après 15 ans de déclin lié à l’avènement du téléchargement33. En effet, les plateformes de streaming audio, contrairement à YouTube, ne conservent qu’une minorité de leurs recettes, environ 30%, selon les plateformes, et redistribuent le gros de leurs recettes entre les maisons de disques et les sociétés de gestion collective. Pour autant, le chiffre d’affaires global de la musique n’atteint que 68% de ce qu’il était en 1999. Si les revenus issus du streaming audio permettent donc au marché musical de croitre, cela n’équivaut donc en rien à un retour de l’âge d’or de la musique.

Il est dès lors possible de constater un déséquilibre significatif entre les plateformes de streaming audio et les plateformes UGC. Pourtant ces dernières constituent les deux principaux moyens d’accès aux œuvres musicales sur internet, en effet, sur la totalité des internautes au monde, 45% utilisent des services de streaming audio, et 75% utilisent des services de streaming vidéo34.

Cependant n’ayant pas connaissance de la présence de contenu protégé sur leurs plateformes, les plateformes de streaming vidéo ne sont donc pas tenues de rémunérer les auteurs dont les œuvres sont communiquées sur leur site. La plateforme YouTube a tout de

29 SPOTIFY.INVERSTORS, Spotify Technology S.A. Announces Financial Results for First Quarter 2018, en ligne :

<https://investors.spotify.com/financials/press-release-details/2018/Spotify-Technology-SA-Announces-Financial-Results-for-First-Quarter-2018/default.aspx> (consulté le 25 mai 2018).

30 Deezer Jobs, We make your kind of music, en ligne : <https://www.deezerjobs.com/en/this-is-deezer/>

(consulté le 26 juillet 2018).

31 SNEP, Le marché de la musique enregistrée en France en une infographie — 2017, 2018, en ligne :

<http://www.snepmusique.com/actualites-du-snep/le-marche-de-la-musique-enregistree-en-france-en-une-infographie-2017/> (consulté le 25 mai 2018).

32 Fédération internationale de l'industrie phonographique, Global Music Report 2018, p. 13, 2018. 33 Fédération internationale de l'industrie phonographique, Global Music Report 2018, p. 8, 2018.

34 Fédération internationale de l'industrie phonographique, Musique connexion : Panorama 2017 de la

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même de manière volontaire signé un accord de rémunération avec la Sacem. Cela permet aux auteurs représentés par la Sacem, d’être rémunérés pour l’utilisation de leurs œuvres, la rémunération se fait par le partage des recettes publicitaires. YouTube paye donc volontairement les droits d’auteur des œuvres musicales partagées, pour autant cette rémunération est nettement inférieure à celle issue du streaming audio. En effet cette rémunération repose sur une asymétrie contractuelle permise par l’actuel cadre législatif, dans laquelle YouTube est naturellement en position de force.

Mis ensemble, les abonnements de streaming audio payants et gratuits, financés par la publicité, regroupent quelque 272 millions d’utilisateurs35. Pourtant avec ses 900 millions d’utilisateurs le service de streaming vidéo YouTube rapporte nettement moins aux auteurs que les services de streaming audio. À partir des dernières données publiques disponibles, l’IFPI :

International Federation of the Phonographic Industry estime que Spotify a reversé aux

maisons de disques 20 US $ par utilisateur en 2015. En revanche, on estime que YouTube a reversé moins de 1 US $ pour chaque utilisateur de musique. Ce même constat a été relevé dans les rapports de 2017 et 201836. Cette concurrence est jugée très dure pour les plateformes de streaming audio, bons élèves de l’industrie, qui reversent une majorité de leurs recettes aux auteurs et artistes du contenu qu’ils exploitent. Alexis de Gemini, CEO de Deezer France, parle de concurrence déloyale et rappelle que YouTube est le premier site de streaming au monde avec 70% des écoutes pour seulement 8% des recettes pour l’industrie de la musique37.

Dès lors, le cadre législatif actuel permet une rémunération des auteurs d’œuvres musicales, qui n’est pas représentative de la consommation réelle de leurs œuvres sur internet. Nous nous demanderons dès lors quelles sont les solutions envisageables pour un partage équitable de la valeur générée par les œuvres musicales sur internet. Il s’agirait en réalité de trouver un meilleur équilibre pour ne pas négliger les intérêts des créateurs au profit des plateformes qui permettent la diffusion de leurs œuvres, sans pour autant imposer des obligations irréalisables à ces dernières, tout cela en prenant en compte l’intérêt des internautes.

35 Fédération internationale de l'industrie phonographique, Global Music Report 2018, p. 21, 2018.

36 Fédération internationale de l'industrie phonographique, Global Music Report 2017 & Global Music Report

2018, 2017 & 2018.

37 Louise WESSBECHER, Comment le français Deezer tient le rythme sur le marché du streaming musical, dans

Mashable avec France 24, 2017. En ligne :

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Fort heureusement pour les auteurs et titulaires de droits musicaux, une prise de conscience s’opère depuis quelques années, en France et particulièrement au niveau européen. Ainsi, un an après la publication d’une étude sur les possibilités de modifications législatives qui permettraient une application effective des droits d’auteur dans l’environnement numérique, notamment sur les plateformes de diffusion de contenus protégés38, une proposition de Directive sur le droit d'auteur dans le marché unique numérique a été déposée en 201639. Cette proposition, dans l’exposé de ses motifs, affirme vouloir s’assurer que les auteurs et titulaires de droits reçoivent une part équitable de la valeur générée par l’utilisation de leurs œuvres et autres objets protégés. Il s’agit donc d’établir un cadre juridique permettant un partage équitable de la valeur créée.

Cette proposition de Directive a pourtant fait l’objet de vives réactions et le 5 juillet 2018, le mandat de négociation de la Directive a fini par être été rejeté par le Parlement européen40. Le nerf de la guerre réside en l’article 13 de la proposition de Directive relatif à « l’utilisation de contenus protégés par des prestataires de services de la société de

l'information qui stockent et donnent accès à un grand nombre d'œuvres et d'autres objets protégés chargés par leurs utilisateurs ». Il prévoit que les prestataires qui stockent un grand

nombre d'œuvres, mettent en place des mesures appropriées et proportionnées destinées à assurer le bon fonctionnement des accords conclus avec les titulaires de droits en ce qui concerne l'utilisation de leurs œuvres. Cet article s’adresse en réalité aux actuels hébergeurs tels que la plateforme YouTube, et son application obligerait cette dernière à conclure des licences avec les titulaires de droits d’auteur, et à mettre en place des mesures appropriées et proportionnées, telles que le recours à des techniques efficaces de reconnaissance des contenus.

Une partie de la doctrine craignait pourtant que l’application de cette mesure aboutisse à un filtrage, voire à une censure de l’internet, bafouant les exceptions au droit d'auteur de l’article 122-5 du Code de la propriété intellectuelle. Puisque la proposition de Directive sur le

38 Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, Mission articulation des directives 2000/31 et 2001/29,

Rapport et propositions, p. 2, 2015.

39 Proposition de directive 2016/0280 du 14 septembre 2016, sur le droit d'auteur dans le marché unique

numérique, 2016.

40 Julien LAUSSON, Directive Copyright : le Parlement européen dit non et reprend la main, dans Numerama, 2018,

en ligne : <https://www.numerama.com/politique/392882-directive-copyright-le-parlement-europeen-desapprouve.html> (consulté le 23 juillet 2018).

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droit d'auteur dans le marché unique numérique a été écartée, nous allons nous intéresser aux raisons de ce rejet ainsi qu’aux solutions législatives envisageables afin de permettre un meilleur partage de la valeur générée par la musique sur internet entre d’un côté les auteurs, et de l’autre les acteurs de la société de l’information, qui permettent la diffusion de ce contenu. Car actuellement, le partage qui est fait de la valeur générée par la consommation d’œuvres musicales sur internet se fait en défaveur des auteurs et bénéficie d’avantage aux géants d’internet qui ont su tirer profit de la consommation d’œuvres protégées par leur biais. Nous pensons donc qu’en redéfinissant le statut juridique des acteurs de l’internet qui permettent le partage massif de contenu sur la toile, les plateformes de streaming vidéo, telles que YouTube, seraient d’avantage impliquées. Il s’agirait d’apporter un palliatif au cadre juridique actuel qui aboutit à un partage de la valeur en défaveur des auteurs.

Malgré le rejet du mandat de négociation de la Directive sur le droit d'auteur dans le marché unique numérique41 très récemment par le parlement européen, il est pertinent d’en parler car son rejet traduit l’état d’esprit du législateur européen. En réalité, il ne s’agissait pas pour le législateur européen d’un refus de se préoccuper de la situation des auteurs dont les œuvres sont diffusées sur internet, mais de prioriser d’autres intérêts, jugés plus importants. Aussi, bien que le palliatif à la question du partage de la valeur n’ait pas été apporté par la proposition de Directive, il est peu probable que la situation reste inchangée dans les années à venir. Une nouvelle solution pourrait donc être apportée pour un partage de la valeur d’avantage en faveur des auteurs, il est dès lors nécessaire de tirer les conséquences du rejet du mandat de négociation.

41 Proposition de directive 2016/0280 du 14 septembre 2016, sur le droit d'auteur dans le marché unique

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La question de recherche est donc la suivante :

Quels sont les enjeux du partage de la valeur générée par la consommation d’œuvres musicales protégées sur internet en France, et quelles solutions pour un partage d’avantage équilibré entre d’un côté les auteurs et de l’autre les plateformes qui permettent le partage de leurs œuvres ?

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Chapitre 1 : Présentation des acteurs qui permettent le partage de

musique sur internet et la création de la valeur.

Nous aborderons dans cette première partie l'évolution des modes de consommation d'œuvres musicales. Celle-ci est en grande partie due à l'évolution des technologies qui s'est traduite par l'apparition de nouveaux acteurs de l'industrie culturelle. Ces nouveaux acteurs occupent aujourd'hui une place considérable dans le marché musical et permettent la diffusion massive et instantanée d'œuvres de par le monde. Nous confronterons ces nouveaux acteurs, plus particulièrement les plateformes, aux acteurs traditionnels de l'industrie musicale tels que les organismes de gestion collective de droits d'auteur.

Nous verrons comment sont articulés les droits musicaux sur internet et constaterons un déséquilibre significatif dans la rémunération des auteurs selon les modes de diffusion. Nous nous intéresserons alors à la manière dont les nouveaux acteurs créent une forte valeur sur la mise à disposition d'œuvres musicales et déplorerons le fait que les auteurs de ces dernières sont, le plus souvent, écartés de cette valeur. Effectivement, il est possible de constater que les auteurs ne sont pas assez rémunérés pour l'utilisation de leurs œuvres sur les plateformes par rapport à ces dernières.

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A. Présentation des acteurs de la société de l’information qui permettent le partage de musique sur internet

1. Les acteurs en lien avec l’œuvre musicale

a) L’auteur de l’œuvre musicale

Bien que la loi française ne donne pas de définition de l’auteur, il est communément admis en propriété littéraire et artistique qu’il s’agit du créateur, personne physique42, de l’œuvre il est le premier titulaire des droits sur sa création de l’esprit empreinte d’originalité.

En matière de droits musicaux le Code de la propriété intellectuelle protège les « compositions

musicales avec ou sans paroles »43, on distingue alors deux catégories de personnes contribuant à l’œuvre. D’un côté il y a les personnes en relation avec l’œuvre elle-même, il s’agit ici des auteurs, compositeurs et éditeurs. De l’autre, il y a les personnes dont le travail est lié à l’enregistrement de l’œuvre, il s’agit alors des artistes interprètes et producteurs.

L’auteur en droits musicaux désigne généralement le parolier, le compositeur est la personne qui élabore la mélodie, il s’agit donc de la composition de la partition. L’éditeur musical quant à lui est un professionnel de la gestion des droits d’auteur et du développement de la carrière des créateurs, il fournit des conseils artistiques, juridiques et commerciaux aux auteurs et compositeurs44, il est titulaire de droits par contrats. L’artiste interprète est un musicien, chanteur ou chef d’orchestre, dont le rôle est d’interpréter l’œuvre composée par l’auteur et le compositeur. Enfin le producteur est la personne physique ou morale qui finance l’enregistrement d’une musique.

La première catégorie bénéficie des droits d’auteur, alors que pour la seconde il s’agit de droits voisins. Dans le cadre de cette recherche l’expression auteur désignera ainsi l’ensemble des titulaires de droits qui bénéficient de droits d’auteur.

42 Cass. 1re civ., 17 mars 1982, n°80-14.838.

43 Article L.112-2 Code de la propriété intellectuelle.

44 Apem, Qu’est-ce que l’édition musicale?, en ligne : <https://www.apem.ca/quest-ce-que-ledition-musicale>

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En France, la conception personnaliste du droit d’auteur a eu comme résultat une protection particulièrement forte de ce dernier en comparaison avec d’autres pays. Aussi, cette forte protection se justifie par la nécessité d’inciter les auteurs à créer davantage.

b) Les sociétés de gestion collective

Les sociétés de gestion collective de droits ou sociétés de perception et répartition des droits, sont des sociétés par lesquelles les auteurs exercent ensemble la gestion de leurs droits. Très répandues, en particulier dans le domaine de la musique, les sociétés de gestion collective ont été démocratisées à la fin du 19eme siècle avec la création de la SACD en 1829, et en 1851 nait la société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique : la Sacem45.

Le rôle de ces organisations spécialisées consiste à « négocier avec les utilisateurs éventuels, à

leur accorder moyennant paiement d’une redevance appropriée, des autorisations en les assortissant des conditions voulues, à percevoir les redevances et à les répartir entre les titulaires de droits »46. Le Code de la propriété intellectuelle leur consacre son article L.321-1 qui les définit ainsi « Les organismes de gestion collective sont des personnes morales

constituées sous toute forme juridique dont l'objet principal consiste à gérer le droit d'auteur ou les droits voisins de celui-ci pour le compte de plusieurs titulaires de ces droits ». Ces

sociétés à but non lucratif représentent leurs membres puisqu’elles concluent des contrats de cessions avec leurs sociétaires. Elles ont pour mission de percevoir les droits auprès des multiples canaux de diffusion des œuvres, pour ensuite répartir les droits collectés entre les différents sociétaires, de manière la plus représentative possible de la consommation des œuvres. Elles ont également vocation à promouvoir la culture et à fournir des services sociaux, culturels et éducatifs dans l'intérêt des titulaires de droits qu'ils représentent et du public47.

La gestion collective s’est vite imposée comme une nécessité pour les œuvres musicales, car les auteurs sont impuissants individuellement48. En effet il est difficile pour eux de gérer seuls les demandes d’autorisation des multiples canaux de diffusion par le biais desquels leurs

45 A. LUCAS, H.-J. LUCAS, C. BERNAULT et A. LUCAS-SCHLOETTER, préc., note 2, p. 804.

46 Rapport du bureau international de l'OMPI, Gestion collective des droits d'auteurs et des droits voisins,

p.327-372, n°15, 1989.

47 Article L.321-1 II Code de la propriété intellectuelle.

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musiques sont écoutées. Les sociétés de gestion collective ont la capacité de gérer de très riches répertoires, et permettent une négociation plus équilibrée de la rémunération des auteurs. C’est pour cela que la Sacem compte aujourd’hui 164 840 membres et que plus de 1,6 millions d’œuvres y sont déposées chaque année49.

Hormis les cas où la gestion collective est imposée par la loi50, la gestion collective est par principe facultative puisque les relations entre l’auteur et la société de gestion collective sont contractuelles. En effet l’adhésion à la société de gestion retire à l’auteur une partie de son contrôle sur son œuvre, les cas dans lesquels la gestion collective est imposée à l’auteur sont donc rares51. Une fois que l’auteur a adhéré à la société de gestion collective, l’organisme exerce alors les droits d’auteurs au nom de l’auteur. Il autorise les diffusions des œuvres de son répertoire et reçoit les droits d’auteur en son nom. Ces sommes sont redistribuées après avoir prélevé les frais de fonctionnement et de gestion52.

Afin de pérenniser la création culturelle, l’un des principaux objectifs des sociétés de gestion collective consiste à assurer une répartition des droits la plus fine et représentative possible53. Cela implique donc une collaboration des différents canaux de diffusion d’œuvres pour déterminer quelle œuvre a été diffusée et devant quel public. C’est ce qui permet aux auteurs de bénéficier d’une rémunération représentative et transparente.

Puisque l’auteur cède l’exercice de son droit d'auteur à la société de gestion collective, c’est naturellement cette dernière qui aura la faculté d’agir en contrefaçon pour les œuvres de son répertoire. Elles ont donc en vertu de l’article L.321-2 du Code de la propriété intellectuelle

« qualité pour ester en justice pour la défense des droits dont ils ont statutairement la charge et pour défendre les intérêts matériels et moraux de leurs membres, notamment dans le cadre des accords professionnels les concernant. »

49 Sacem, La Sacem - Société des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique, en ligne :

<https://www.sacem.fr/> (consulté le 6 juillet 2018).

50 Article L.321-1-I Code de la propriété intellectuelle « (…) soit en vertu de dispositions légales, soit en exécution

d'un contrat. »

51 A. LUCAS, H.-J. LUCAS, C. BERNAULT et A. LUCAS-SCHLOETTER, préc., note 2, p. 812. 52 Id., p. 833.

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Le numérique n’a pas marqué la fin de la gestion collective mais l’a forcé à s’adapter aux œuvres et modes d’exploitations54. En effet, avec la multiplication des canaux de diffusion d’œuvres (streaming vidéo, streaming audio, web-radios), les sociétés de gestion collective de droits d'auteur ont dû adapter leurs systèmes de perception au format internet comme nous le verrons ultérieurement.

Enfin, l’œuvre musicale, comme les autres, a vocation à entrer en contact avec son public. Traditionnellement le public accédait à l’œuvre musicale lors d’une représentation publique : un concert ou un spectacle. Puis avec l’évolution des technologies le public a également pu accéder aux enregistrements d’œuvres et à distance, par le biais des radios, des CDs puis de l’internet. Il est donc nécessaire d’intégrer l’intérêt du public dans la question de la diffusion d’œuvres musicales sur internet.

2. Les acteurs qui permettent la diffusion de l’œuvre sur internet

a) Les plateformes UGC

Comme nous l’avons énoncé en introduction, ce sont aujourd’hui les plateformes UGC qui constituent le principal mode d’accès à la musique aujourd’hui. Les plateformes UGC désignent les plateformes communautaires dont le contenu est alimenté par les utilisateurs. Ces plateformes, dont le modèle d’affaires repose sur le partage de contenus mettent en réalité à disposition majoritairement du contenu culturel protégé, cela entre donc en conflit avec le droit d'auteur55.

En effet si le terme consacré est UGC pour User Generated Content, le contenu principalement partagé n’est en rien généré par les internautes. En réalité, bien souvent le contenu est protégé par le droit d'auteur et l’internaute se contente parfois de le télécharger de manière ascendante vers la plateforme, c’est-à-dire à l’uploader sans le modifier. C’est pourquoi le Professeur

54 A. LUCAS, H.-J. LUCAS, C. BERNAULT et A. LUCAS-SCHLOETTER, préc., note 2, p. 806. 55 Id., p. 328.

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Lucas a souligné que l’expression plateformes UUC pour User Uploaded Content serait plus appropriée56 lorsque les internautes ne modifient pas le contenu qu’ils télé-versent.

La plateforme YouTube est de loin la plus démocratisée de toutes les plateformes communautaires. Celle-ci se définit comme un site web d’hébergement et un média social sur lequel les utilisateurs peuvent envoyer, regarder, commenter, évaluer et partager des vidéos57. Les internautes sur la plateforme accèdent donc en streaming, c’est-à-dire en lecture sans téléchargement, à d’innombrables vidéos, dont la plupart contiennent des œuvres protégées, mises à disposition par d’autres internautes. En effet, si la plateforme créée en 2005 a dans un premier temps été utilisée dans le but de partager des vidéos familiales et humoristiques, les problèmes relatifs aux droits sont apparus rapidement. En effet, dès 2006 la NBC demande à

YouTube le retrait de vidéos sur les jeux olympiques, lui appartenant58, peu après la chaine a conclu un accord avec la plateforme. En 2007, c’est au tour de la chaine américaine MTV et de

Paramount de porter plainte contre YouTube pour contrefaçon massive et intentionnelle de

contenu lui appartenant, soit 160 000 vidéos visionnées plus de 1,5 milliard de fois59.

Par la suite, les extraits protégés, particulièrement ceux contenant des œuvres musicales se sont multipliées sur la plateforme. Aujourd’hui les dix vidéos les plus vues sont toutes des clips musicaux60. YouTube s’est rapidement érigé en premier lieu de consommation musicale mondiale puisque 75% des internautes utilisent des moyens de streaming vidéo pour écouter de la musique61. Et pour le seul mois d’aout 2017, 85% des 1,8 milliard d’utilisateurs de YouTube s’en sont servi pour écouter de la musique, soit 1,3 milliard d’internautes. Les droits générés par le partage d’œuvres musicales sur ces plateformes ont donc une importance primordiale pour l’industrie musicale.

Pourtant le rôle des plateformes UGC se cantonne à rendre accessible au public, c’est-à-dire aux internautes, le contenu qui est publié par ses utilisateurs. Autrement dit les plateformes telles que YouTube se contentent d’héberger du contenu sans avoir un quelconque contrôle sur ce dernier. En effet, nous verrons en seconde partie que ces plateformes n’ont pas d’obligation

56 Id., p. 1007.

57Wikipédia, YouTube, en ligne : <https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=YouTube&oldid=150170147>

(consulté le 8 juillet 2018).

58 Adèle PILLON, YouTube : Historique, présentation, chiffres-clés, dans Numerama, en ligne :

<https://www.numerama.com/startup/youtube> (consulté le 8 juillet 2018).

59 Charlotte BOUILLOT, YouTube « broadcast yourself »: le début de la révolution vidéo sur Internet, Bruxelles, 50

Minutes, p. 2010, 2016.

60 IFPI, préc., note 16.

61 Fédération internationale de l'industrie phonographique, Musique connexion : Panorama 2017 de la

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générale de surveillance du contenu qu’elles hébergent. Elles ne génèrent donc pas le contenu protégé mais se contentent de mettre à disposition des internautes un espace de stockage suffisant pour le rendre accessible. Pourtant, les plateformes, comme les internautes qui partagent le contenu contrefaisant, participent à la contrefaçon puisque la mise à disposition non autorisée d’une œuvre protégée, ou upload, constitue un acte de contrefaçon62.

b) Comparaison entre les plateformes UGC et les plateformes de streaming

Afin de démontrer le préjudice que portent les plateformes UGC de type YouTube aux auteurs d’œuvres musicales, nous les comparerons aux plateformes de streaming par abonnements type

Spotify. Il s’agit ici de montrer les différences flagrantes qui existent entre le streaming audio

et vidéo en termes de rémunération d’auteurs musicaux.

Les plateformes de streaming audio telles que Spotify, Apple Music et Deezer permettent la lecture sans téléchargement d’œuvres musicales. Les abonnés payent une redevance mensuelle ou bénéficient d’un abonnement gratuit financé par la publicité.

Ces plateformes de streaming audio ont un modèle d’affaires bien différent des plateformes de streaming vidéo UGC, en effet elles concluent des licences avec les ayants droits par le biais des sociétés de gestion collective. Ces dernières les autorisent donc à utiliser leur répertoire contre rémunération. Ces contrats conclus entre les organismes de gestion collective et les plateformes ont pour objectif d’assurer une juste rémunération dans l’environnement numérique63.

Cependant, comme nous l’avons vu64, moins d’internautes pratiquent le streaming audio légal que le streaming vidéo puisque seuls 45% des internautes le pratiquent65. Même si le nombre d’internautes pratiquant le streaming audio légal est en constante progression, et que les revenus du streaming ont augmenté de 41% en 201766.

62 A. LUCAS, H.-J. LUCAS, C. BERNAULT et A. LUCAS-SCHLOETTER, préc., note 2, p. 974.

63 Sacem, Innovation, en ligne : <https://societe.sacem.fr/innovation> (consulté le 11 juillet 2018). 64 Note 34.

65 Fédération internationale de l'industrie phonographique, Musique connexion : Panorama 2017 de la

consommation de musique dans le monde, p. 4, 2017.

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Malgré le fait que la majorité de la consommation musicale sur le web se fasse au travers des plateformes UGC de streaming vidéo, les revenus reversés par ces dernières aux titulaires de droits sont estimés à 850 millions de dollars américains en 2017 alors que les plateformes de streaming audio ont reversé près 5,6 milliards pour la même période67. On constate donc que la rémunération actuelle des auteurs d’œuvres musicales sur internet n’est pas représentative de la consommation réelle de ces œuvres.

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B. Rémunération des auteurs d’œuvres musicales sur internet

1. La rémunération de la plateforme : captation de la valeur

a) Revenus publicitaires

Les plateformes UGC, telles que YouTube, génèrent une valeur phénoménale, principalement par le biais de la publicité. En effet avant d’accéder à une vidéo sur la plateforme, l’internaute devra visionner une courte publicité. Les entreprises qui ont recours à la publicité rémunèrent

YouTube pour la visibilité, en échange de quoi YouTube cible le public qui y aura accès, en

fonction du lieu de visionnage mais aussi des intérêts de ce dernier. En effet, grâce à l’historique des vidéos visionnées par l’utilisateur, la plateforme est en mesure de cibler les intérêts de celui-ci, et donc de lui proposer des publicités en rapport avec ces derniers68.

Malgré que Google n’ait jamais voulu révéler le chiffre d’affaires de sa filiale, le chiffre d’affaire de YouTube issu des revenus publicitaires a été estimé à 15 milliards de dollars américains en 201869 par l’analyste Robert W. Baird, alors que Séverine Dusollier parlait de plus de 2,5 milliards en 201770. Ces chiffres, bien qu’il soit impossible de les vérifier, sont considérables et leur importance est primordiale car c’est sur la base de ses recettes publicitaires que YouTube rémunère les créateurs.

En effet, en vertu d’un contrat conclu en 2010 entre la plateforme et la Sacem, renouvelé en 201371, YouTube reverse une partie de ses revenus publicitaires à cette dernière afin qu’elle les répartisse entre ses auteurs72. Une forte publicité a été faite sur cet accord historique, qui marque

68 Publicité YouTube, Campagnes de publicité vidéo en ligne – YouTube Advertising, en ligne :

<https://www.youtube.com/intl/fr_ALL/yt/advertise/> (consulté le 12 juillet 2018).

69 Business Insider France, Google has never revealed YouTube’s revenue — but one analyst who thinks that’s

about to change says it’s a $15 billion business, en ligne :

<http://www.businessinsider.fr/us/google-youtube-revenues-mystery-analyst-change-2018-2/> (consulté le 11 juillet 2018).

70 Séverine DUSOLLIER, « Intermédiaires et plateformes de l’Internet, cet éléphant dans le salon du droit

d’auteur », dans Alexandra BENSAMOUN, La réforme du droit d’auteur dans la société de l’information, Mare &

Martin, p. 165, 2018.

71 note 63.

72 LExpansion.com, Le nouvel accord YouTube-Sacem inclut des futurs services de streaming payant, 2013, en

ligne : <https://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/le-nouvel-accord-youtube-sacem-inclut-des-futurs-services-de-streaming-payant_1346876.html> (consulté le 12 juillet 2018).

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le premier pas de la plateforme vers le respect des droits d'auteur, cependant le contenu de l’accord n’a jamais été rendu public et nous pouvons déduire des chiffres de l’industrie musicale de 201873 rendus publics par l’IFPI74, que le taux de rémunération est relativement bas en comparaison à celui issu des services de streaming audio.

b) Valorisation boursière et traitement des données personnelles des utilisateurs

Bien que la rémunération des auteurs par YouTube ne soit prévue que sur la base de recettes publicitaires, la plateforme génère également de la valeur grâce au traitement des données personnelles de ses utilisateurs et à la valorisation boursière de sa société. En effet, Alphabet A, maison-mère de Google, elle-même maison mère de YouTube, est seconde au rang des plus grandes capitalisations boursières au monde, avec 582 milliards de dollars américains en avril 201775. Le secteur des technologies est devenu le plus important en bourse, dépassant celui de la finance. Et il y a trois ans l'analyste Justin Post chez Bank of America Merryl Lynch avait estimé que la valorisation de YouTube s'élevait alors à plus de 70 milliards de dollars76. Cette valorisation boursière repose sur l’attractivité de la société, et donc indirectement sur le contenu proposé par la plateforme. Il est dès lors possible d’en conclure que la capitalisation boursière de YouTube repose indirectement sur le contenu protégé qu’elle héberge.

Parallèlement, la plateforme, comme la plupart des sites internet aujourd’hui collectent des données personnelles sur ses utilisateurs afin de les traiter et de mettre à profit les informations recueillies. Ce traitement permet entre autres, comme nous l’avons vu, de cibler les annonces publicitaires proposées aux internautes. La communication de la commission au parlement européen, au conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions, relative

73 Fédération internationale de l'industrie phonographique, Global Music Report 2018, p. 21, 2018 :

Les services de streaming vidéo, tels que YouTube, concentrent le plus grand nombre de consommateurs de musique à la demande, estimé à plus de 1,3 milliards d’utilisateurs*. Les revenus reversés aux titulaires de droits par le biais de ces services en 2017 s’élevaient à 856 millions US $. En revanche, une base beaucoup plus petite de 272 millions d’utilisateurs de services d’abonnement audio (payants et financés par la publicité́), qui ont négocié́ des licences à des conditions équitables, ont contribué́ à la hauteur de plus de 5,6 milliards US $.

74 Fédération internationale de l'industrie phonographique.

75 BUSINESS SOLUTIONS, ≡ℕETYSCOM, GAFA, capitalisation boursière des géants de l’internet, décryptage 2017, en

ligne : <https://www.youtube.com/watch?v=r3Xp4WQKHrc> (consulté le 12 juillet 2018).

76 Les Echos, HTC, Nest, YouTube... les 5 plus grosses acquisitions de Google, en ligne :

<https://www.lesechos.fr/21/09/2017/lesechos.fr/030594854925_htc--nest--youtube----les-5-plus-grosses-acquisitions-de-google.htm> (consulté le 12 juillet 2018).

Références

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