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La santé des Roms en France : entre besoins humanitaires et responsabilité des institutions

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Academic year: 2021

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HAL Id: dumas-00808231

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-00808231

Submitted on 5 Apr 2013

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La santé des Roms en France : entre besoins

humanitaires et responsabilité des institutions

Alice Bouvier d’Yvoire

To cite this version:

Alice Bouvier d’Yvoire. La santé des Roms en France : entre besoins humanitaires et responsabilité des institutions. Science politique. 2011. �dumas-00808231�

(2)

Vous allez consulter un mémoire réalisé par un étudiant dans le cadre de sa scolarité à

Sciences Po Grenoble. L’établissement ne pourra être tenu pour responsable des propos

contenus dans ce travail.

Afin de respecter la législation sur le droit d’auteur, ce mémoire est diffusé sur Internet en

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SCIENCES PO GRENOBLE

1030 avenue Centrale – 38040 GRENOBLE

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MÉMOIRE

La Santé des Roms en France :

entre besoins humanitaires

et responsabilité des institutions

Alice BOUVIER D’YVOIRE

Grenoble

2011

Travail soumis pour l’obtention du Master Spécialisé « Organisation Internationale, OIG, ONG » Institut d’Études Politiques de Grenoble – B.P 48 – 38040 Grenoble cedex 9

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MÉMOIRE

La Santé des Roms en France :

entre besoins humanitaires

et responsabilité des institutions

Alice BOUVIER D’YVOIRE

Grenoble

2011

Travail soumis pour l’obtention du Master Spécialisé « Organisation Internationale, OIG, ONG » Institut d’Études Politiques de Grenoble – B.P 48 – 38040 Grenoble cedex 9

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2

Ce travail a été effectué durant un stage au Comité d’Aide Médicale

sous la direction du tuteur professionnel, Solène EDOUARD, directrice

générale, et de Pierre MICHETTI, directeur de mémoire, Professeur associé à

l’IEPG.

The analysis has been undertaken during an internship at the Comité

d’Aide Médicale, under the direction of the internship supervisor: Solène

EDOUARD, General Manager, and Pierre MICHETTI, thesis supervisor, IEPG.

Cette analyse ne représente que l’opinion personnelle de son auteur et

ne peut en aucun cas être attribuée au Comité d’Aide Médicale.

The analysis expresses the personnel opinion of its author and cannot

be attributed to the organisation Comité d’Aide Médicale where the

internship took place.

(7)
(8)

4

R

EMERCIEMENTS

… A toute l’équipe du Comité d’Aide Médicale pour m’avoir fait confiance pendant ce stage et permis de participer à l’ensemble des projets menés. Un clin d’œil particulier à l’équipe France qui conduit un travail formidable auprès des Roms, qui m’a permis de découvrir ce peuple et m’a donné l’envie de réaliser ce mémoire.

… A Pierre Micheletti pour m’avoir encadré dans ce mémoire, mais aussi toute l’équipe de l’Institut d’Etudes Politiques de Grenoble pour la formation offerte pendant ces cinq années d’études.

… A Edouard Rey.

(9)

5

R

ESUME

Ce mémoire étudie les réponses apportées aux besoins humanitaires en matière de santé qu’ont les Roms migrants d’origine roumaine et bulgare, vivant en France dans des conditions de vie très précaires. Le niveau de vie des Roms et leur état de santé sont largement en dessous des moyennes françaises. Une réponse urgente est nécessaire et doit s’attaquer à tous les déterminants de la santé (partie I). Les premiers acteurs ayant une responsabilité d’intervenir sont des acteurs étatiques, du niveau local au niveau européen. Or, leur positionnement est ambigu, et malgré les possibilités d’agir, la plupart des acteurs se désengagent de – voire contribuent à – la dynamique d’exclusion des Roms (partie II). Face à une situation qui perdure, les acteurs de l’aide humanitaire et sociale s’engagent pour favoriser l’accès aux soins. Nous étudierons cet engagement et ses limites face aux institutions (partie III).

A

BSTRACT

This research paper studies the migrant Roma population living in France in precarious living conditions and originating from Romania and Bulgaria and how their humanitarian needs in the health area are handled. The Roma’s standards of living and their overall health are largely below French standards. An emergency response is necessary and needs to deal with all health factors (I). The first actors with a responsibility to react are state actors, from the local level to the European level. Yet, their positioning is ambiguous and despite the possibilities to react, most actors are disengaging or even contributing to the exclusion of Roma people dynamic (II). Facing a long lasting situation, humanitarian and social help actors are committed to favor their access to care. We will study this commitment and its limits regarding the institutional context (III).

(10)

6

T

ABLE DES MATIERES

Table des illustrations : ... 8

Introduction : ... 11

I. Une situation dramatique appelant des interventions d’urgence ... 17

A. Etat des lieux de la santé des Roms en France ... 18

1. Principales pathologies et vulnérabilités ... 18

2. Exclusion du système de santé de droit commun ... 21

B. Facteurs d’explication... 26

1. Un cadre juridique français et européen discriminant... 27

2. Conditions et mode de vie des Roms : pour une approche intégrée des problèmes des Roms ………30

3. Les préjugés raciaux comme facteur aggravant les inégalites ... 34

II. Cacophonie des réponses institutionnelles : soutiens ou adversaires de l’intégration des Roms ? ……….. ... 37

A. Des actions en faveur de la santé publique... 38

1. Les rôle des structures de santé régionales et locales ... 38

2. Des politiques volontaristes d’amélioration de l’accueil des Roms ... 40

3. le financement des programmes associatifs pour la santé des Roms ... 42

B. Des blocages persistants à l’encontre des Roms ... 43

1. Un accueil différencié dans les structures de santé ... 43

2. Des politiques nationales discriminantes ... 44

3. L’impact des expulsions sur la santé ... 45

C. Un cadre européen en faveur de l’intégration des Roms non contraignant ... 48

1. L’Union européenne promotrice de bonnes pratiques ... 49

2. L’orientation politique de l’Union européenne : stratégie européenne d’intégration des Roms et financements ... 51

III. L’aide humanitaire et sociale face aux paradoxes des institutions ... 55

(11)

7

1. Des dispositifs axés sur la santé ... 56

2. Tentatives d’approche intégrée de la question Roms, l’exemple des villages d’insertion …….. ... 60

B. Les limites du travail humanitaire et social ... 63

1. La dépendance du travail associatif à la volonté de l’Etat ... 63

2. L’aide humanitaire favorise-t-elle le désengagement de l’Etat ? ... 65

Conclusion ... 69

Bibliographie ... 71

Annexes ... 74

Annexe 1 : Présentation du stage : structure et contenu ... 74

Annexe 2 : Du choix des mots, de Michèle Mézard, avec la participation d’Olivier Legros et Martin Olivera. ... 77

Annexe 3 : Lettre envoyée à l'Agence Régionale de Santé ... 80

(12)

8

T

ABLE DES ILLUSTRATIONS

:

Figure 1: Pays avec la plus haute proportion de Roms dans la population totale (% de la pop) (Conseil de l’Europe, division Roms et voyageurs, Juillet 2008) ... 12 Figure 2 : Estimation de la population Rom en Europe (Conseil de l’Europe, Division Roms et voyageurs, Juillet 2008) ... 13 Figure 3: Justificatifs exigés dans le cas des roms migrants en France en fonction de leur situatn administrative (source : Romeurope 2010) ... 24 Figure 4: Bidonville en seine Saint denis, Steven Wassenaar ... 31 Figure 5: Village d'insertion à Aubervilliers (source : iledefrance.fr) ... 61

(13)

9

L

ISTE DES ABREVIATIONS

AME Aide Médicale d’Etat

APRF Arrêté Préfectoral de Reconduite à la Frontière

ARH Agences Régionales de l’Hospitalisation

ARS Agence Régionale de Santé

CAF Caisse d’Allocation Familiale

CAM Comité d’Aide Médicale

CASO Centre d’Accueil de Soin et d’Orientation

CCAS Centre Communal d’Action Sociale

CIAS Centre Intercommunaux d’Action Sociale

CMU Couverture Maladie Universelle

CPAM Caisse Primaire d’Assurance Maladie

DDASS Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales DRASS Direction Régionale des Affaires Sanitaires et Sociales

ERRC European Roma Rights Centre

FEDER Fonds Européen de Développement Economique Régional

FNASAT- Gens du voyage Fédération Nationale des Associations Solidaires avec les Tsiganes et Gens du voyage

FSE Fonds Social Européen

GISTI Groupe d’Information et de Soutien des Immigrés

GRSP Groupement Régionaux de Santé Publique

IAP Instrument d’Aide de Préadhésion

IVG Interruption Volontaire de Grossesse

LDH Ligue des Droits de l’Homme

MDM Médecins Du Monde

MRS Missions Régionales de Santé

OFII Office français de l’Immigration et de l’Intégration

OMS Organisation Mondiale de la Santé

ONG Organisation Non-Gouvernementale

OQTF Obligation de Quitter le Territoire Français

PCF Parti Communiste Français

PMI Protection Maternelle et Infantile

PNUD Programme des Nations Unies pour le Développement

UE Union Européenne

UMP Union pour un Mouvement Populaire

(14)

10

On reconnaît le niveau de démocratie d’un peuple à la façon dont il traite les Roms.

(15)

11

I

NTRODUCTION

:

Le 19 mai 2011, à Pantin en Seine Saint-Denis, un bidonville habité par des populations Roms1 et ciblé par une campagne de vaccination prévue de longue date est expulsé. Cette expulsion a été menée par la Préfecture avec l’aide des forces de police. Ce jour-là devait également avoir lieu le suivi par du personnel médical de deux personnes atteintes de tuberculose. L’intervention sanitaire devait être menée conjointement par les principales Organisations Non-Gouvernementales (ONG) médicales travaillant auprès des populations Roms d’Ile-de-France : Médecins du Monde (MDM) et le Comité d’Aide Médicale2 (CAM), avec les soutiens du Conseil Général et des Services

Santé de la ville. Les conséquences d’un tel évènement sont d’abord des risques pour la santé publique : le risque d’épidémie de rougeole et de tuberculose est grandement accru. Il est de fait difficile de retrouver les personnes ciblées par ces campagnes et qui risquent de contaminer des lieux de vie qui ne l’étaient pas. La seconde conséquence visible de cet évènement est la mise en avant des contradictions entre les différents niveaux institutionnels, le manque de coordination entre les projets et l’absence de ligne politique claire face aux enjeux de santé publique liés à la population Rom.

Ce mémoire a pour objet de mettre en lumière ces contradictions, en prenant comme exemple celui des Roms migrants en France, vivant dans des conditions de vie déplorables, souvent aux portes des grandes villes.

Qui sont les Roms ?

Les Roms seraient arrivés pour la première fois en Europe, en provenance du nord de l'Inde, au IXe siècle. Leur présence est attestée dans la plupart des pays européens depuis le XIVe siècle. Environ 70 % des Roms d'Europe vivent en Europe Centrale et Orientale, où ils représentent entre 5 et 10 % de la population. Il existe également des minorités importantes de Roms en Europe de

1 Le terme de « Rom » a été adopté par l'Union Romani Internationale lors du premier Congrès

international des Roms (Londres, 1971) qui a revendiqué le droit légitime de ce peuple à être reconnu en tant que tel. Il officialisa la dénomination « Roms ». L’orthographe « Rrom » ne sera pas utilisée dans ce mémoire en raison des connotations politiques qui y sont associées. Pour plus d’informations à ce sujet, consulter l’annexe 2.

2

Le Comité d’Aide Médicale est l’ONG dans laquelle s’est déroulé mon stage : pour plus d’informations à ce sujet, consulter les annexes.

(16)

12 l'Ouest, en particulier en Espagne (entre 600 000 et 800 000 personnes), ainsi qu'en France et au Royaume-Uni (jusqu’à 300 000 Roms et Gens du voyage3 dans chacun de ces pays).

FIGURE 1 : PAYS AVEC LA PLUS HAUTE PROPORTION DE ROMS DANS LA POPULATION TOTALE (% DE LA POP) (CONSEIL DE L’EUROPE, DIVISION ROMS ET VOYAGEURS, JUILLET 2008)

La majorité des Roms d'Europe Centrale et Orientale sont aujourd'hui sédentaires. Le processus de sédentarisation a commencé au XIXesiècle et s'est accéléré à l'ère communiste en raison d'une politique officielle qui allait en ce sens. En Europe de l'Ouest, beaucoup de Roms (plus communément appelés gitans ou manouches), mais toujours une minorité, ont conservé un style de vie nomade ou semi-nomade, mais tendent aussi à se sédentariser. Sous les régimes communistes, les Roms bénéficiaient d’emplois, même s’ils étaient parmi les moins prisés : ramassage des ordures, nettoyage des villes, manutention pénible, emplois dans les coopératives agricoles et les usines. Les enfants allaient plus à l’école qu’aujourd’hui. La chute de ces régimes et le passage à une économie de marché ont provoqué pour beaucoup d’entre eux la perte de ces emplois, une dégradation des

3

En France, les minorités ethniques ne sont pas reconnues et il n’y a donc pas de statistiques officielles sur les Roms. Il existe cependant une catégorie administrative appelée « gens du voyage », rassemblant les groupes ayant un mode de vie itinérant. Cette appellation regroupe une population majoritairement d’origine française et au mode de vie nomade, auxquels ne s’identifient pas les Roms dont nous allons traiter ici.

(17)

13 conditions de vie et, pour les plus jeunes, l’absence de perspective d’avenir. Elle a aussi réactivé à l’est les rancœurs et la discrimination envers cette minorité, qui, en Roumanie par exemple, a été maintenue en esclavage jusqu’au XIXe siècle. Certains Roms ont alors choisi d’émigrer vers les pays d’Europe de l’Ouest, où ils continuent néanmoins à être victimes d'une marginalisation extrême et de violations de leurs droits humains. Dans ce mémoire, nous adopterons une définition stricte du terme « Rom », désignant uniquement les Roms d’Europe de l’Est qui migrent depuis les années 90 vers l’Europe de l’Ouest, et notamment en France. Ce sont principalement des Roms d’origines roumaine et bulgare. Les Roms français – les plus nombreux en France – sont exclus de ce travail de recherche, parce qu’ils n’ont pas le même statut et ne rencontrent donc pas les mêmes difficultés que les Roms migrants européens.

D’après les estimations faites par les ONG, il y aurait en France environs 15 000 Roms migrants d’Europe de l’Est. Cette estimation est stable depuis de nombreuses années, malgré les expulsions en augmentation depuis 2002 d’une part, et l’adhésion des pays d’Europe de l’Est à l’Union européenne en 2007 d’autre part, alors même que de nombreuses personnes craignaient l’arrivée massive d’immigrés en provenance de Roumanie et de Bulgarie. Cette population est faible non seulement en volume, mais aussi en part de la population Rom dans la population globale en France. Ceci est en effet à mettre en perspective avec les données européennes, sachant qu’il y aurait en Europe entre 10 et 12 millions de Roms, habitant principalement en Europe de l’Est (probablement 90 % venant de Roumanie, mais aussi Bulgarie, Macédoine, République Tchèque).

FIGURE 2 : ESTIMATION DE LA POPULATION ROM EN EUROPE (CONSEIL DE L’EUROPE, DIVISION ROMS ET VOYAGEURS, JUILLET 2008)

(18)

14 Dans un rapport du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) publié en 2006, les Roms sont décrits comme le groupe le plus touché par la pauvreté en Europe. Ils sont victimes de discriminations dans les domaines de l’éducation, de l’accès à l’emploi, de la sécurité physique (ils sont victimes de violences), de l’accès au logement et de la santé4. Toujours selon le PNUD, le « sous-développement » des Roms en Europe de l’Est est comparable à celui des habitants de certains pays africains. Plus d’un Rom d’Europe de l’Est sur deux affirme souffrir de la faim. Seul un tiers a terminé l’école primaire et 1 % a suivi un enseignement supérieur. Partout en Europe les Roms souffrent par ailleurs de fortes discriminations raciales et de xénophobie, y compris dans les pays où ils sont établis de très longue date comme en Europe de l’Est.

Ce contexte défavorable incite les Roms à quitter leur pays d’origine pour tenter de s’établir dans des pays plus riches, où plus d’opportunités s’offrent à eux. La chute du régime communiste ainsi que l’élargissement de l’Union européenne5 facilitent la circulation de ces personnes sur le continent, sans pour autant éradiquer toutes les barrières à leur inclusion sociale. En quête d’une vie meilleure en France, les Roms font face à un accueil déplorable et sont contraints de se débrouiller pour survivre au mieux : ils s’installent sur des terrains désaffectés aux lisières des villes, subissent l’hostilité du voisinage et ne bénéficient pas de protection sociale.

Le mauvais état de santé global des Roms reflète non seulement les conditions de vie dans leurs pays d’origine, mais aussi leur situation en France. En effet, leur niveau d’accès aux soins et leurs conditions de vie ne permettent pas une véritable amélioration de leur état de santé. Si leur arrivée en France peut être, entre autres, motivée par l’existence d’un meilleur système de protection sociale, lorsque les Roms sont en grande situation de précarité, prendre soin d’eux-mêmes n’est pas leur priorité. Dans l’urgence, d’autres domaines prennent le pas : le logement, la nourriture, le travail, tous nécessaires à leur subsistance immédiate.

Pour rappel, la santé, telle que définie par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), est « un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité »6. Nous adopterons donc ici une définition large de la santé, englobant ses différents aspects.

4

PNUD, At Risk: Roma and the Displaced in Southeast Europe, Bratislava, 2006.

5

La Roumanie et la Bulgarie ont rejoint l’Union européenne le 1er janvier 2007.

(19)

15 Problématique :

Nous choisissons ici d’étudier la question des inégalités de santé entre Roms et non-Roms pour montrer les incohérences et les insuffisances des institutions rendant nécessaires les interventions de type humanitaire par les associations, et ce, dans le domaine de la santé. L’aide humanitaire est une forme de solidarité destinée aux populations pauvres, sinistrées ou confrontées à une guerre. Elle cherche à répondre à des besoins divers (santé, faim, reconstruction, etc.). L’aide humanitaire peut prendre soit la forme d’une « aide d’urgence », soit la forme d’une « aide au développement ». Le choix de traiter ce sujet découle aussi du mandat de l’ONG dans laquelle s’est déroulé mon stage. La discrimination envers les Roms est cependant bien plus large et est visible dans des domaines aussi variés que l’emploi, l’éducation ou le logement. Ces aspects étant intrinsèquement liés, nous ferons occasionnellement des détours pour aborder ces questions et voir comment ils peuvent influencer la santé.

Les personnes morales et physiques qui se rencontrent sur la problématique des Roms sont de nature multiple : les migrants eux-mêmes, la société civile et les institutions. (1) Les quelques 15 000 Roms migrants, présents en France depuis plus ou moins longtemps, mais qui constituent une myriade de groupes sans représentant7 (leader politique ou porte-parole) et donc bien souvent silencieux. (2) Les représentants de la société civile, c’est-à-dire des associations, des ONG (dont le Comité d’Aide Médicale, Médecins du Monde8, le Collectif Romeurope, le Secours Catholique, etc.), des comités de soutiens et la Fondation Abbé Pierre. Ils jouent d’une part un rôle opérationnel d’accompagnement des Roms vers le système de droit commun, et d’autre part, un rôle de plaidoyer auprès des institutions pour rendre visible le problème Rom. Enfin, (3) dans le groupe des institutions on rencontre les différents niveaux, du municipal à l’européen en passant par les départements, les régions et l’Etat français. Ces acteurs sont tout à la fois les bailleurs des associations et les financeurs des infrastructures publiques d’une part mais ils sont également les décideurs politiques : ceux qui décident de l’orientation générale des projets, qu’ils soient inclusifs ou exclusifs. Les intérêts des différentes institutions ne sont pas les mêmes selon leur niveau.

7

A l’exception peut-être de la FNASAT-Gens du voyage (Fédération Nationale des Associations Solidaires avec les Tsiganes et les Gens du Voyage), crée en 2004, qui tend à se structurer et à devenir la voix des Roms auprès des institutions.

8

Notre étude se fonde en priorité sur ces deux associations (CAM et MDM), en raison de la disponibilité des sources d’informations et la pertinence reconnue de leur action en matière de santé des Roms.

(20)

16 - Au niveau européen, il s’agit de coordonner entre les différents pays membres de l’Union la gestion d’une minorité qui n’a pas de patrie et qui n’est la bienvenue nulle part.

- Au niveau national, la question Rom pose la question de l’immigration, légale ou illégale, et est souvent associée à la question de la sécurité, mais aussi à celle de l’emploi. L’orientation générale des politiques en France est décidée à ce niveau. - Les plus petits échelons institutionnels sont confrontés à la complexité des relations

de voisinage mais aussi à la responsabilité de mettre en œuvre les politiques sociales.

La santé des Roms en France est si préoccupante qu’elle est l’enjeu de programmes d’organisations humanitaires à vocation internationale intervenant en France. Dès lors, nous souhaitons poser les questions suivantes dans ce mémoire : en quoi le positionnement des différents acteurs de la santé des Roms favorise-t-il ou entrave-t-il une amélioration des conditions sanitaires des Roms ? En quoi la coexistence de mesures sociales avec des mesures visant à réduire la population Rom en France et à l’exclure du système est-elle cohérente ? Quelle est la place des activités non-gouvernementales dans ce contexte politique et social ?

Dans un premier temps, nous reviendrons sur la situation humanitaire et sociale des Roms en France. Nous chercherons à comprendre les facteurs déterminant leur état de santé et ce afin de comprendre en quoi un mode d’intervention de type urgentiste est justifié pour les acteurs de l’humanitaire. Dans la deuxième partie seront mises en exergue les contradictions des institutions locales, nationales et européennes en ce qu’elles oscillent entre soutiens et tentatives d’intégration, d’une part, et marginalisation, d’autre part, en entravant un certain nombre de projets inclusifs. En dernier lieu, nous essaierons de comprendre quelle est la place de l’aide humanitaire dans ce contexte institutionnel et les limites de leur intervention.

(21)

17

I.

U

NE SITUATION DRAMATIQUE APPELANT DES INTERVENTIONS D

URGENCE

L’état de santé d’une population donnée est affecté par de nombreux facteurs autres que biologiques et purement liés à l’individu. Ces influences sont appelées « déterminants de la santé ». Au sens large, les « déterminants sociaux de la santé sont les circonstances dans lesquelles les individus naissent, grandissent, vivent, travaillent et vieillissent, ainsi que les systèmes mis en place pour faire face à la maladie, ces circonstances étant déterminées par plusieurs forces: l’économie, les politiques sociales et la politique » (Organisation mondiale de la santé, 2011). On distingue six principaux déterminants de la santé (Tissot & Delomez, 2008) :

1. Les déterminants sanitaires : ils concernent à la fois ce qui se rapporte au système de santé lui-même, l'organisation du système de soins, l'état de ses connaissances médicales, les possibilités d'application (personnel et équipements), l'accès aux soins et ce qui concerne l'individu lui-même, en termes de facteurs biologiques, tels que les facteurs génétiques, physiologiques, physiques et psychiques.

2. Les déterminants politiques : il s'agit de la planification économique et sociale, de la législation

sanitaire, des aides internationales par exemple.

3. Les déterminants socio-économiques : ils concernent l'habitat, l'urbanisation et l'aménagement

rural, les modes de vie, la situation de l'emploi, les modes de consommation, les loisirs etc.

4. Les déterminants psycho-culturels : au nombre desquels on peut citer la scolarisation, la

mentalité des populations devant les problèmes sanitaires, les coutumes, croyances et traditions en matière de santé.

5. Les déterminants démographiques : dont la répartition des populations par âge, la politique

gouvernementale de planification familiale, la concentration urbaine et la dissémination rurale, les migrations etc.

6. Les déterminants environnementaux : la qualité de l’eau, de l’air, le mode de fabrication des

bâtiments, etc.

Chez les populations Roms migrantes en France, plusieurs de ces déterminants sont dégradés et ont un impact négatif sur la santé de cette population. Nous allons ici essayer d’évaluer cet état de santé en le mettant en perspective non seulement avec les déterminants de la santé mais aussi avec

(22)

18 les inégalités observées au niveau national. Nous soutenons que cet écart entre l’état de santé de la population moyenne en France et celle de cette population migrante justifie une aide de type humanitaire en faveur des Roms, dans le sens où il est urgent d’intervenir et de façon massive et que le simple recours aux soins de droit commun n’est pas suffisant dans un premier temps.

A.

E

TAT DES LIEUX DE LA SANTE DES

R

OMS EN

F

RANCE

Pour comprendre à quel point il est prioritaire de se soucier aux niveaux politique, administratif et associatif de l’état de santé des Roms migrants en France, il est nécessaire de commencer par dresser un état des lieux de la santé de cette population.

1.

P

RINCIPALES PATHOLOGIES ET VULNERABILITES

Les informations disponibles sur l’état de santé des Roms en France ont été collectées grâce au travail des associations œuvrant directement auprès d’eux, sur les différents lieux de vie ou lors des différentes interventions menées (cliniques mobiles, accompagnement en milieu hospitalier

etc.). Les interventions sur le terrain révèlent également que peu de Roms détiennent un carnet de

santé à jours (moins de 40% selon une enquête de Médecins du Monde), ce qui entrave le suivi vaccinal des populations. Si elles sont à prendre avec précaution, leur relative stabilité et les recoupages possibles avec diverses sources (statistiques dans les pays d’origine notamment) permettent de considérer ces données fiables.

Ces données sanitaires montrent une espérance de vie évaluée entre 50 et 60 ans9. Les enfants sont particulièrement vulnérables, avec un taux de mortalité infantile cinq fois supérieur à la moyenne nationale et une mortalité néonatale huit fois supérieure. Les taux de couverture vaccinale sont très faibles, avec par exemple une couverture des enfants inférieure à 20% et une couverture globale de l’ordre de 8 à 12%. Le risque épidémique est très important chez les Roms qui sont, plus souvent que les autres, atteints de tuberculose, coqueluche, grippe, parasitoses intestinales, rougeole etc. Lors d'une enquête réalisée en Seine-Saint-Denis, les intervenants de Médecins du monde ont constaté auprès de 281 Roms que 90 % des Roms du département – 71 % pour les moins

9

A titre de comparaison, l’espérance de vie de Sans Domiciles Fixes en France est estimée entre 44 ans pour les femmes et 56 ans pour les hommes par Médecins du Monde.

(23)

19 de 2 ans – étaient vaccinés contre la diphtérie, le tétanos et la polio, alors que le DTP est obligatoire en France et que 99 % où population est vaccinée. Pourtant, le travail des métaux, fréquent dans de nombreuses communautés Roms augmente les risques d’exposition au tétanos, ce qui témoigne d’un important déterminant environnemental. La campagne de vaccination contre la grippe A en 2009 montre bien l’éloignement de cette population des circuits de vaccination puisque les Roms auraient dû faire partie des publics prioritaires mais leur prise en charge a été très hétérogène.

Toujours selon Médecins du Monde, 42 % des Roms seulement étaient vaccinés contre la tuberculose, vaccin fortement recommandé pour les migrants et les précaires. De fait, l’incidence de la tuberculose est évaluée à 250 cas pour 100 000 individus quand elle est de 9 cas pour 100 000 au niveau national. A titre de comparaison au niveau international, l’Organisation mondiale pour la santé estime que le taux d’incidence par habitant s’élève en Afrique subsaharienne à près de 350 cas pour 100 000 habitants (140/100 000 au niveau mondial). Le risque pour les Roms migrants en France d’être touché par la tuberculose est donc très proche du risque rencontré dans des pays en voie de développement où les conditions sanitaires sont déplorables et la couverture vaccinale est faible. La tuberculose est une maladie contagieuse. Comme un rhume banal, elle se propage par voie aérienne. Seules les personnes dont les poumons sont atteints peuvent transmettre l’infection. Lorsqu’elles toussent, éternuent, parlent ou crachent, elles projettent dans l’air les germes de la maladie, appelés bacilles tuberculeux. Il suffit d’en inhaler quelques-uns pour être infecté. En l’absence de traitement, une personne atteinte de tuberculose évolutive peut infecter en moyenne dix à quinze autres personnes en l’espace d’une année. Cependant, les sujets infectés ne font pas nécessairement une tuberculose. 5 à 10% des sujets infectés (non infectés par le VIH) développent la maladie ou deviennent contagieux au cours de leur existence. Pour rappel, l’objectif du millénaire pour le développement n°6 vise à « combattre le VIH/sida, le paludisme et d’autres maladies », y compris la tuberculose. La prévalence de cette maladie chez les Roms est non seulement un enjeu important de santé au sein de cette population, mais aussi en termes de santé publique au niveau national, en ceci que les risques de contagion sont très importants.

Les maladies infectieuses sont fréquentes et il s’agit dans « 35% des cas d’infections des voies respiratoires, dans 25% des cas d’infections gastro-intestinales et dans 14% des cas d’affections cutanées ». (Collectif Romeurope, 2010). Les problèmes cardio-vasculaires sont très fréquents et sont la première cause de décès en Roumanie, avant les cancers. Les problèmes respiratoires, eux, s’expliquent par les conditions de vie des patients.

Les conditions de logement insalubre et leur mode de vie les exposent à des intoxications, généralement liées à des facteurs environnementaux. Il s’agit en premier lieu du saturnisme, une

(24)

20 intoxication liée au plomb présent dans des peintures ou de la ferraille et qui touche particulièrement les enfants et les femmes enceintes. Cette maladie sans symptôme est difficile à détecter et a des répercussions en particulier sur le développement de l’enfant. Il semblerait que la proportion d’enfants ayant une plombémie élevée parmi ceux ayant bénéficié d’un dépistage soit en baisse depuis 1995, mais le risque demeure important du fait des professions à risque des parents. « Vivre proche d’environnements dangereux pour la santé tels que usines polluantes, déchèteries, usines de recyclages, et autoroutes empiète sur la santé » (European Roma Rights Centre, 2005). Les accidents domestiques sont par ailleurs fréquents : brûlures, intoxications au monoxyde de carbone liées au chauffage, chutes et blessures diverses. Par manque de recours aux premiers soins, et au vu de l’insalubrité, les plaies ont tendance à s’infecter. Les problèmes dentaires sont fréquents et, faute de traitement, tendent à se chroniciser. Il est courant de rencontrer des enfants et adultes à qui il manque une ou plusieurs dents ou dont les gencives sont noirâtres et douloureuses.

Les problèmes psychologiques sont particulièrement difficiles à mesurer. Cependant, les Roms subissent discrimination et racisme dans leurs pays d’origine où il est fréquent qu’ils subissent des violences et des pressions diverses. La fuite de leur pays d’origine constitue un traumatisme, ainsi que l’éloignement de leurs familles. En France, la peur des expulsions et des contrôles de police engendre un stress important.

La santé des femmes est particulièrement préoccupante : selon des rapports de Médecins du Monde sur les femmes Roms (Médecins du Monde, 2008), l’âge moyen de la première grossesse est de 17 ans. Seules 10% des femmes utilisent un moyen de contraception alors que 95 % des Françaises âgées de 18 à 45 ans utilisent une méthode contraceptive10. De fait, le recours à l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) semble prendre le pas sur tous les modes de contraception. Cette méthode est fréquente et son emploi commence à un très jeune âge : « 43,3% des femmes avaient déjà avorté à seulement 22 ans d’âge moyen. Le nombre moyen d’IVG par femme est de 1,3 et passe à 3,3 pour celles ayant déjà subi au moins une IVG ». L’ensemble des contraintes pesant sur la santé des femmes conduit à ce que « les femmes ont eu en moyenne 4 grossesses dont seule la moitié a abouti à une naissance d’un enfant vivant (risques liés aux grossesses précoces, faibles suivis de grossesses, fausses couches et IVG) » (Médecins du Monde, 2008). Par ailleurs, le suivi de grossesse n’est pas assuré puisque seulement 8 % des femmes rencontrées par les associations en bénéficient. L’absence de suivi après les IVG a des conséquences

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21 graves sur la santé, puisque cela peut favoriser des fausses couches à répétition, la stérilité, des infections ou encore des hémorragies. Aux inégalités liées à l’origine, s’ajoutent donc des inégalités liées au genre.

Les inégalités en matière de santé s’expriment entre les sexes, les catégories sociales et les territoires (incluant lieux de vie et origine). L’écart systématique entre les indicateurs de santé moyen de la population française et de la population Roms n’est pas admissible. Il est estimé, par exemple, que les Roms ont une espérance de vie inférieure de dix ans à celle de l’ensemble de la population (Commission européenne, 2009). Pire, la proximité de ces indicateurs avec les valeurs observées dans les pays en voie de développement est tout à fait préoccupante. La réduction des inégalités constitue dès lors un principe d’action et une priorité.

Ainsi, les problèmes de santé majeurs rapportés par les associations sont : (1) dans le cadre de la santé materno-infantile, les grossesses précoces, non suivies, l’absence de planning familial et l’absence de suivi médical des jeunes enfants ; (2) la forte incidence de la tuberculose ; (3) des pathologies liées aux conditions de vie telles que le saturnisme, les accidents domestiques, les maladies infectieuses, respiratoires, psychologiques ; (4) des problèmes liés aux habitudes de vie (dentaires, maladies métaboliques).

Cependant, il n’y a pas que la santé des Roms stricto sensu qui est moins bonne que celle des non-Roms : pour avoir une véritable vision d’ensemble de l’état des lieux de la santé des Roms, il faut voir dans quelle mesure ils ont accès aux prestations sociales et aux soins.

2.

E

XCLUSION DU SYSTEME DE SANTE DE DROIT COMMUN

Un système de santé, selon l’OMS, « inclut toutes les activités, personnes et actions dont le but essentiel est de promouvoir, restaurer ou entretenir la santé ». Il « suppose l’existence de cadres stratégiques, de règlementations, un encadrement efficace, et une attention particulière à la conception des systèmes et à la transparence » (Organisation mondiale de la santé, 2011). Nous soutenons ici que les Roms n’ont pas accès aux mêmes avantages du système de santé français que les autres. Non seulement les Roms sont plus souvent en mauvais état de santé que les non Roms mais ils n’ont pas accès au même niveau de protection sociale, voire pas accès aux soins. La protection sociale désigne tous les mécanismes de prévoyance collective, permettant aux individus de faire face aux conséquences financières des "risques sociaux". Il s’agit de situations susceptibles

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22 de compromettre la sécurité économique de l’individu ou de sa famille, en provoquant une baisse de ses ressources ou une hausse de ses dépenses (vieillesse, maladie, invalidité, chômage, maternité, charges de famille, etc.). Dans ce mémoire, nous nous focaliserons sur le dispositif de prestation sociale relatif à la santé. Au sein des prestations sociales, on distingue trois logiques : une logique d’assurance (réservée à ceux qui cotisent), une logique d’assistance (qui permet une solidarité avec les plus pauvres) et une logique universelle, ouverte à tous. Etre malade coûte cher ; c’est pour cette raison que la France a instauré un système de solidarité qui permet la mise en commun des ressources afin de soutenir les malades. Cependant, l’appartenance à ce système n’est pas automatique et les migrants en général et les Roms en particulier en sont généralement exclus. En effet, l’ensemble des conditions à remplir et des démarches à effectuer pour bénéficier d’une forme de protection sociale ou d’une autre constitue un obstacle majeur à l’accès aux soins. En France coexistent donc un « système de droit commun » pour les citoyens français qui travaillent et plusieurs autres systèmes à destination de publics particuliers.

Les diverses prestations sociales existant en France sont délivrées par les Caisses d’Allocations Familiales (CAF). Avec l’affiliation au régime général d’assurance maladie, via la Couverture Maladie Universelle (CMU), elles sont soumises à la condition que les personnes soient en séjour régulier11. En 2007, au moment de l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l’Union européenne, certaines Caisses Primaires d’Assurance Maladies ont donné la CMU à ces ressortissants, comme elles le faisaient pour tous membres plus anciens de l’Union Européenne. Mais les mesures transitoires (cf. infra) appliquées aux nouveaux pays entrants ont fini par poser « une inaccessibilité de principe à la CMU de base et à la CMU complémentaire pour les Européens inactifs dépourvus de ressources suffisantes et/ou de couverture maladie » (Collectif Romeurope, 2010).

Or, la majeure partie des Roms en France sont des européens inactifs sans titre de séjours. Ils ne peuvent donc pas bénéficier de la CMU.

Dès lors, la plupart des Roms sont orientés vers l’Aide Médicale de l’Etat (AME). L’AME vise à permettre l’accès aux soins des personnes étrangères résidant en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois, mais qui sont en situation irrégulière (absence de titre de séjour ou de récépissé de demande). La demande d’Aide Médicale est instruite par les caisses d’assurance

11

La CMU de base permet l’accès à l’Assurance Maladie pour toute personne de nationalité française ou étrangère, résidant en France depuis plus de trois mois de manière stable et régulière, avec ou sans domicile fixe et qui n’est pas déjà couverte par un régime de Sécurité sociale.

(27)

23 maladie du régime général. L’Aide Médicale est accordée pour un an sous les mêmes conditions de ressources que la CMU complémentaire. En principe, les soins de maladie et de maternité sont pris en charge à 100 % pour les bénéficiaires de l’AME, de même que le forfait hospitalier. Depuis mars 2011, le droit aux prestations de l'AME est conditionné par le paiement d'un droit annuel de 30€ par bénéficiaire majeur. Plus de 200 000 personnes ont eu accès à l’AME en 2010.

Pour bénéficier de l’AME, il faut pouvoir justifier d’une présence minimale de trois mois en France (sauf pour les mineurs) ce qui crée un délai dans la possibilité de se faire soigner et rend nécessaires pour les migrants en provenance de Roumanie et de Bulgarie de se mettre en position d’illégalité pour pouvoir en bénéficier (European Roma Rights Centre, 2005). Les personnes qui ont droit à l'Aide Médicale de l'Etat et se trouvent sans domicile fixe, doivent, pour bénéficier de cette aide, élire domicile soit auprès d'un organisme agréé à cet effet par le représentant de l'Etat dans le département soit auprès d'un centre communal ou intercommunal d'action sociale. Ceci implique donc pour les Roms de suivre une procédure de domiciliation préalablement à la demande de couverture par l’AME.

La prise en charge des soins urgents (c’est-à-dire mettant en jeu le pronostic vital) par l’Etat est possible, y compris quand le patient n’est pas bénéficiaire de l’AME, dans le cadre du fonds pour les soins urgents et vitaux dont disposent les hôpitaux. Cependant, certains hôpitaux semblent sous-utiliser ce fonds et envoient, malgré tout, les factures aux patients.

Le tableau ci-dessous (Figure 3) récapitule les principaux justificatifs administratifs généralement exigés dans le cadre d’une procédure d’affiliation à la protection sociale (CMU, AME, prestations familiales, minima sociaux et aide juridictionnelle). On y voit bien la lourdeur administrative pour accéder à l’AME dans le cas le plus fréquent. Il faut fournir:

1) une adresse ou une domiciliation. Les centres communaux ou intercommunaux d’action sociale ou les organismes agréés par la préfecture du département sont en charge des domiciliations. La domiciliation doit être motivée par un lien réel avec la commune et son absence peut constituer un motif de refus de la part de l’organisme agrée (Service-public.fr, 2008).

2) une preuve de 3 mois de présence sur le territoire français, ce qui dans le contexte de la crainte d’une expulsion ou d’un éloignement du territoire est problématique.

3) la preuve de l’absence de couverture maladie dans le pays d’origine, sachant qu’il est toujours plus difficile de prouver ce qu’on n’a pas que ce qu’on a.

(28)

24 4) un justificatif de ressources inférieures à un certain plafond. Les Roms vivant

principalement de travail au noir ou de mendicité, les ressources ne sont pas élevées.

FIGURE 3: JUSTIFICATIFS EXIGES DANS LE CAS DES ROMS MIGRANTS EN FRANCE EN FONCTION DE LEUR SITUATN ADMINISTRATIVE (SOURCE : ROMEUROPE 2010)

Selon Médecins du Monde, 90% de la population Rom n’exerce pas son droit à l’AME. Cela crée, pour cette population qui n’a déjà pas les moyens de payer une consultation et les éventuels médicaments prescrits, un frein économique à l’accès aux soins.

(29)

25 Les difficultés d’accès à l’AME s’expliquent de plusieurs manières :

- La méconnaissance de leurs droits par les populations elles-mêmes. - Le manque d’orientation et d’accompagnement dans les démarches.

- Les préoccupations quotidiennes des familles précaires qui n’ont pas pour priorité d’effectuer des démarches administratives. Les démarches sont souvent effectuées au moment où il devient urgent de se soigner alors même que la procédure dure entre trois et six mois.

- L’incapacité des familles à anticiper les différentes échéances (preuve de présence, rendez-vous, etc.)

- Le rapide abandon des démarches en cas de difficultés administratives.

La France fait partie des pays de l’Union européenne « où l’écart est le plus grand entre le nombre de personnes sans papiers qui ont théoriquement droit à une couverture maladie (88%), la part d’entre elles qui est informée d’avoir des droits (76,7%), la part d’entre elles qui a effectivement pu entreprendre ces démarches (54,7%), la part d’entre elles qui a une prise en charge de leurs soins de santé ( 24%) et enfin la part d’entre elles pour lesquels la prise en charge des soins est effective » (Collectif Romeurope, 2010)

(30)

26

B.

F

ACTEURS D

EXPLICATION

Cette situation désastreuse pour la santé des Roms s’explique par un faisceau complexe de problèmes rencontrés quotidiennement par ces groupes. Dans cette partie, nous allons tenter d’en expliquer les principaux aspects, sachant que certains ont déjà été évoqués précédemment.

Ces différents facteurs peuvent être :

- Fonctionnels: c’est-à-dire lié au fonctionnement des structures où il n’y a pas suffisamment de traducteurs, où les droits des migrants sont méconnus, etc.

- Géographiques : l’éloignement des structures de soins par rapport aux lieux de vie des Roms pose problème puisqu’au coût de la consultation s’ajoute le coût du transport, parce qu’elle renforce la méconnaissance du système de santé, parce que certains praticiens peuvent refuser de se rendre directement sur les lieux de vie insalubres et éloignés, etc.

- Culturels : par exemple, dans la culture roms une femme de plus de 17 ans pas encore mariée ou toujours sans enfant sera vite considérée comme trop vieille et ne trouvera pas de mari, ce qui est très mal vu (ceci explique d’ailleurs la déscolarisation précoce des jeunes filles).

- Financiers : les Roms migrants, souvent en situation irrégulière n’ont pas accès à l’emploi salarié et ont souvent recours au travail informel, à la mendicité, voire dans certains cas rares, au vol ou au trafic. Les recours à l’automédication ou les avances de paiement de prestations ne sont donc pas permis par leur budget.

- Psycho-sociaux: liés au stress, à la peur, aux traumatismes liés à leurs conditions de vie, mais aussi à des maladies psychiatriques ou des dépressions.

- Administratifs et légaux : ceci recouvre ici principalement les mesures transitoires qui s’appliquent aux nouveaux pays ressortissants de l’Union européenne dont sont originaires la majorité des Roms.

- Politiques : les enjeux politiques tels que les réélections et les divergences entre les partis politiques influent le type de politiques qui peuvent être mises en œuvre par les institutions (inclusives ou exclusives).

Nous considérons que ces différents facteurs se retrouvent à trois niveaux. Le niveau structurel, constitué du cadre juridique français et européen dans lequel s’inscrit le projet migratoire des Roms. Le niveau individuel qui prend en compte l’environnement direct des Roms en France et

(31)

27 enfin, un niveau plus diffus, relevant de la subjectivité et de la perception des Roms par les non-Roms et qui influe leur insertion dans la société.

1.

U

N CADRE JURIDIQUE FRANÇAIS ET EUROPEEN DISCRIMINANT

Le niveau structurel est constitué du cadre juridique français et européen dans lequel évoluent les Roms en France. Il permet d’expliquer au niveau macro les difficultés rencontrées par les Roms dans l’accès aux soins en France. Il s’agit ici de facteurs administratifs et légaux, d’aspects financiers et d’aspects politiques.

On parle de discrimination raciale « lorsque des personnes ou des groupes sont traités différemment en raison de leur origine ethnique, sans aucune justification objective ». La discrimination peut être directe ou indirecte. Elle est directe quand une loi ou une politique prévoit clairement qu'un groupe particulier doit être traité différemment. Elle est dite indirecte, lorsque des lois ou pratiques apparemment neutres ont pour effet de défavoriser un groupe spécifique. Ces deux formes de discrimination sont interdites par le droit international relatif aux droits humains (Amnesty International, 2010).

Le cadre juridique français et européen dans lequel s’inscrit le projet migratoire des Roms est jugé discriminant par les associations militantes des droits de l’Homme travaillant sur la question Rom. Il s’agit notamment du collectif Romeurope12 et des associations membres, ainsi que des associations non membres telles que Amnesty International et qui dénoncent régulièrement les atteintes faites aux Roms.

L’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l’Union européenne prévue par le traité d’adhésion de Luxembourg du 25 avril 2005 est devenue effective au 1er janvier 2007. Leurs ressortissants ont donc les mêmes droits que les autres communautaires, dont la liberté de circulation, qui constitue une des libertés fondamentales des citoyens de l’Union européenne, mentionnée dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (article 45). Les autres Etats membres ont cependant été autorisés par le traité d’adhésion, durant une période transitoire, à imposer aux ressortissants roumains et bulgares des limitations dans l’accès au marché du travail.

12

Le Collectif Romeurope a été créé en 2000 et » a pour objectif principal de favoriser le respect des droits fondamentaux pour les Roms migrants en France et leur inscription dans le droit commun. Pour cela, il vise à lutter contre toutes les formes de discriminations et le racisme spécifique dont ces personnes sont victimes dans un contexte de migration ». Il réunit plus de 35 associations et collectifs, dont le Comité d’Aide Médicale.

(32)

28 Hormis cette restriction, en tant que citoyens européens, ils ont le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire de l’Union. Il s’agit donc ici d’une discrimination directe.

Selon le droit européen, pour venir en France, ces ressortissants n’ont donc besoin que d’une pièce d’identité et aucun tampon n’est apposé à la frontière. Ils bénéficient des avantages de l’espace Schengen, aucune limite de temps de séjour n’étant imposée. Cependant, ces directives européennes ne sont pas correctement ou complètement transposées dans le droit français. Plus encore, une semaine avant d’accueillir les deux nouveaux pays entrants, une circulaire du ministère de l’Intérieur est venue préciser les modalités d’admission au séjour et d’éloignement des ressortissants roumains et bulgares à partir du 1e janvier 200713. En 2004, le gouvernement n’avait pas jugé opportun d’en faire autant au moment de l’entrée dans l’Europe de dix nouveaux États. Il s’agit donc clairement en décembre 2006 d’anticiper l’arrivée de ressortissants de ces deux pays et de prévoir les moyens légaux de pouvoir les renvoyer chez eux. Ce texte différencie les situations en fonction de l’ancienneté du séjour, alors même que la date d’entrée ne peut plus être que déclarative puisqu’aucun tampon ne peut être apposé à la frontière.

La première situation concerne les séjours d’une durée inférieure à trois mois, et pose des limites aux droits au séjour dans le cas où les personnes enfreindraient les lois sur le travail, « seraient une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale » ou seraient une menace pour l’ordre public.

Dans le deuxième cas, d’un séjour supérieur à trois mois, le droit au séjour est subordonné à la condition de disposer d’un emploi (salarié ou non salarié), d’être étudiant ou de disposer d’une assurance maladie et de ressources suffisantes. Ce droit au séjour supérieur à trois mois est largement entravé par les limitations à l’accès à l’emploi concernant les travailleurs étrangers. En effet, pour ces personnes il est nécessaire à la fois d’obtenir une autorisation de travail et que leurs employeurs payent une taxe à l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII)14. Les traités d’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l’Union européenne ont autorisé les Etats membres à limiter temporairement l’accès à leur marché du travail pour les ressortissants de ces deux nouveaux Etats membres, durant une période transitoire. Les dispositions transitoires devront cesser de

13

Circulaire NOR/INT/D/06/00115/C du 22 décembre 2006 relative aux modalités d’admission au séjour et d’éloignement des ressortissants roumains et bulgares à partir du 1er janvier 2007.

14

Cette taxe est fixée entre 70 et 300 € pour une embauche en contrat de moins de 1 an et à 60% du salaire mensuel brut à temps plein pour une embauche en contrat de moins de 1 an, soit au minimum 806 € pour une embauche au SMIC.

(33)

29 s’appliquer pour tous les pays, au plus tard le 31 décembre 2013. Ceci constitue un frein à l’emploi et une nouvelle atteinte aux droits. D’après Romeurope, « sur les 25 pays membres de l’Union européenne avant 2007, 15 pays ont aujourd’hui ouvert totalement leur marché du travail et 10 Etats, dont la France, appliquent encore des restrictions à l’égard des travailleurs venant de Bulgarie et de Roumanie » (Collectif Romeurope, 2010)15. Au-delà d’un séjour de trois mois en France, les Roms doivent donc, pour assurer la légalité de leur séjour dans le pays, avoir une autorisation de travail et un contrat de travail condition à une taxe payée par l’employeur.

Le titre de séjour n’étant plus obligatoire pour les citoyens de l’espace Schengen, il devient plus difficile à obtenir pour ceux qui en font la demande auprès des préfectures et cherchent ainsi à s’assurer la stabilité. Par ailleurs, ces ressortissants n’ont plus la possibilité de demander l’asile dans un pays membre de l’Union européenne (Pour plus d’informations à ce sujet, consulter (Collectif Romeurope, 2010)

La complexification du droit au séjour favorise l’usage des APRF (Arrêtés Préfectoraux de Reconduite à la Frontière) et des OQTF (Obligations de Quitter le Territoire Français) sous prétexte d’infraction au droit. Ces dispositifs engendrent beaucoup d’instabilité dans la vie des Roms puisqu’ils permettent à l’Etat de les expulser. L’intéressé a quarante-huit heures dans le cas d’un APRF et un mois dans le cas d’une OQTF pour déposer un recours ou quitter le territoire, ce qu’il peut faire en franchissant n’importe quelle frontière puis revenir en toute légalité. Mais, s’il n’a pas fait l’une de ces démarches, il peut, après un mois, être arrêté, placé en centre de rétention et renvoyé immédiatement.

Si le dispositif sur les modalités d’accès aux séjours mis en place en 2007 s’adresse aussi bien aux Roumains qu’aux Bulgares dans leur ensemble, les associations témoignent que l’immense majorité des mesures d’éloignement effectuées dans ce cadre ont lieu à l’encontre de Roms originaires de ces pays, et c’est dans cette pratique de la loi que ces mesures sont particulièrement discriminantes. Par ailleurs, les associations soulignent que les mesures d’éloignement sont distribuées de façon collective, sans respect de la procédure contradictoire16 et sont généralement soumises à une volonté d’évacuation d’un lieu de vie. Enfin, l’usage du dispositif du « retour

15

Ces pays sont la France, l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas et le Royaume-Uni

16

La procédure contradictoire est l’un des piliers de la justice française et garantit aux parties qu’elles ne seront pas jugées si elles n’ont pas été entendues ou appelées : elle leurs garantit aussi le droit de prendre connaissance des arguments selon lesquelles elles sont jugées.

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30 humanitaire » est dénoncé par les associations comme un moyen détourné de forcer les populations à quitter le territoire français17.

Bien entendu la fermeture de l’accès à l’emploi pour les Roms ainsi que les entraves à la circulation constituent des obstacles pour l’insertion socio-économique des Roms : dans son rapport de novembre 2008, la Commission européenne avait souligné que « l’absence de conditions favorables, dont notamment l’ouverture du marché du travail, permettant aux travailleurs mobiles de s’intégrer dans la société du pays hôte conduit à des difficultés d’ordre social et à la perte des atouts économiques que procure la mobilité ». En effet, quel employeur est prêt à payer une taxe pour embaucher un travailleur Rom ?

Rester plus de trois mois en France signifie donc adopter un comportement illégal alors même qu’il faut justifier d’une présence supérieure à trois mois pour bénéficier de l’AME. Pour bénéficier de la CMU, il faut même pouvoir justifier d’un emploi et d’un justificatif de droit au séjour.

L’interprétation par la France des libertés laissées par l’Union européenne dans la transposition du droit européen et la mise en place des mesures transitoires ont des conséquences catastrophiques pour les Roumains et les Bulgares, dès lors considérés comme des citoyens européens de seconde zone dans une Europe économique qui leur refuse l’accès à l’emploi et la libre circulation. Ceci participe grandement aux entraves à l’amélioration des conditions de vie des Roms en Europe et plus particulièrement en France.

2.

C

ONDITIONS ET MODE DE VIE DES

R

OMS

:

POUR UNE APPROCHE INTEGREE DES PROBLEMES DES

R

OMS

Le niveau individuel, restreint au groupe des Roms, permet de comprendre les blocages internes au mode de vie et aux conditions de vie des Roms permettant d’expliquer les obstacles à l’accès aux soins par les Roms. Nous reprenons ici la distinction couramment utilisée en sociologie entre « mode de vie » et « conditions de vie » : la première expression inclut les éléments appartenant à la culture et aux valeurs des Roms influençant leur manière de vivre, d’être et de penser, comment ils veulent vivre, leurs relations sociales. La seconde traduit les situations dans

17

L’aide au retour humanitaire, versée au moment du départ par les autorités aux immigrés en situation illégale qui décident « volontairement » de rentrer chez eux, s’élève à 300 € par adulte et à 100€ par enfant. Les frais de voyage sont également pris en charge. En 2009, 12 323 personnes en ont bénéficié dont 10 177 Roumains et 863 Bulgares. A partir de septembre, les bénéficiaires devront toutefois laisser leurs empreintes digitales dans un fichier baptisé Oscar,

(35)

31 lesquelles ils vivent, généralement de manière subie. Cela fait référence au niveau de vie, c’est-à-dire à la quantité et à la qualité des biens et services auxquels ils ont accès. A ce niveau nous pouvons en grande partie explorer les facteurs culturels, psychosociaux et géophysiques déterminant la santé des Roms.

FIGURE 4: BIDONVILLE EN SEINE SAINT DENIS, STEVEN WASSENAAR

Contrairement à ce que beaucoup de personnes pensent sur les Roms, le type d’habitat dans lequel vivent les Roms migrants en France ne fait pas partie de leur mode de vie mais est bien une manifestation de leurs conditions de vie dégradées, de la crise du logement et de l’exclusion de ce groupe de l’accès à un logement décent. En effet, sans possibilité d’accès à l’emploi légal en France, il n’est pas possible de louer ou acheter un appartement, ni de bénéficier des différentes aides au logement. Les habitations des Roms, de fait, sont généralement situées dans trois types d’habitats :

- Vieilles caravanes réchappées de la casse, impossible à déplacer et installées sur des terrains illégaux, appartenant aux pouvoirs publics ou à des particuliers

- Habitations bricolées avec des matériaux de récupération (Figure 4) telles que planches, tôles, cartons

- Plus rarement, bâtiments squattés (immeubles d’habitations mais aussi entrepôts, usines désaffectées, etc.)

Les deux premiers types d’habitats peuvent être rencontrés aux mêmes endroits. Les bidonvilles ainsi formés peuvent, selon la taille du groupe présent, héberger entre une dizaine et

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32 quelques centaines de personnes. Ces types de logements sont considérés par la loi Molle18 comme de « l’habitat indigne», expression incluant : «les locaux ou installations utilisés aux fins d'habitation et impropres par nature à cet usage, ainsi que les logements dont l'état, ou celui du bâtiment dans lequel ils sont situés, expose les occupants à des risques manifestes pouvant porter atteinte à leur sécurité physique ou à leur santé ».

L’insalubrité régnant sur les lieux de vie rom ne fait également pas partie du mode de vie des Roms mais de leurs conditions de vie. Ainsi, les Roms s’installent sur des terrains illégaux où l’accès à l’eau et à l’électricité n’est pas assuré. De même le ramassage des déchets par les services communaux ou intercommunaux n’a pas lieu. Certaines communes finissent par raccorder le terrain aux réseaux de distribution d’électricité et d’eau potable, par installer des sanitaires ou par organiser la collecte des déchets (en positionnant une benne par exemple), mais cela dépend des mairies et cela implique toujours un laps de temps important après le moment de l’installation du campement. Par ailleurs, les expulsions et les déplacements de population réduisent à néant tous les progrès effectués en la matière.

La position géographique de ces lieux de vie, éloignés des centres-villes, des hôpitaux et autres structures de santé ou de sécurité sociale renforce les inégalités subies par ce groupe en matière d’accès aux soins. De même, si les Roms ne se lavent pas régulièrement et attrapent des maladies liées au manque d’hygiène, c’est lié à leurs conditions de vie déplorables.

En revanche, la présence de ferraille sur les terrains fait bien partie, elle, du mode de vie des Roms. En effet, l’histoire des Roms montre que parmi les métiers exercés traditionnellement par les Roms on trouve la ferronnerie et aujourd’hui encore, le commerce de la ferraille fait partie de la culture de certains groupes de Roms descendant de ces groupes.

Les facteurs aggravant ou favorisant les maladies infectieuses sont notamment les variations climatiques, le manque d’hygiène, l’amoncellement d’ordures et la proximité fréquente avec des déchets polluants et nocifs : autant de facteurs environnementaux caractérisant les conditions de vie des Roms dans les bidonvilles. (Collectif Romeurope, 2010). Les cas de saturnisme chez les Roms sont liés à la combinaison de ces modes de vie et conditions de vie : le plomb à l’origine de l’intoxication se trouve aussi bien dans les peintures des planches utilisées pour la construction que dans les batteries de voitures utilisées dans le commerce de la ferraille.

18

Loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et de lutte contre l’exclusion (MOLLE) facilitant la lutte contre l’habitat indigne et concourant à la protection des occupants (art.84)

(37)

33 De nombreux enfants Roms ne vont pas ou peu à l’école. Ceci est fortement lié à leurs conditions de vie : éloignement géographique des écoles, risque des expulsions qui crée la peur d’être séparé de son groupe si l’expulsion à lieu pendant les heures de classe etc. Cependant, des aspects culturels expliquent aussi en partie ce phénomène, notamment pour la scolarité des filles. En effet, celles-ci se marient et ont des enfants très jeunes, interrompant leur scolarité. Par ailleurs, la barrière de la langue pose problème à l’école, engendrant des retards dans l’apprentissage et encourageant l’abandon des cours. Les enfants n’allant pas régulièrement à l’école ne bénéficient donc pas de la santé scolaire. La santé scolaire est un dispositif rendant présent dans les établissements scolaires des médecins, infirmiers et assistants sociaux qui interviennent par des actions de prévention et d’éducation à la santé. Leur rôle est notamment d’assurer des visites médicales (bilan de santé, dépistage de troubles spécifiques du langage), des examens médicaux, le contrôle des vaccinations, la surveillance sanitaire et la prévention et l’éducation à la santé, le contrôle médical par rapport aux activités physiques (Service-public.fr, 2008). Par ailleurs, les enfants Roms déscolarisés n’ont pas accès à des cours tels que la biologie où la reproduction est expliquée.

Le faible niveau des connaissances en matière de santé de la femme (contraception, etc.) peut aussi être expliqué par l’argument culturel selon lequel le contrôle des naissances et la contraception étaient interdits en Roumanie pendant l’ensemble de l’ère communiste (Collectif Romeurope, 2010).

Les conditions de vie des Roms jouent également un rôle important dans le fait que la majeure partie de la population n’est pas vaccinée. Selon Médecins du Monde dans leur enquête sur la couverture vaccinale des populations Roms rencontrées par les équipes de MDM, les principales raisons de non vaccination sont : (1) un manque de sensibilisation aux enjeux médicaux : 20 % des personnes interrogées n’ont pas été informées de la nécessité de se faire vacciner ou d’effectuer des rappels. (2) un manque d’informations sur le dispositif : 42 % des Roms rencontrés déclarent ne pas savoir où se faire vacciner. (3) des expulsions répétées qui entrainent l'interruption des campagnes de vaccination, des difficultés pour réaliser les rappels nécessaires et donc l’impossibilité d’obtenir un calendrier vaccinal complet (Médecins du Monde, 2011).

Si l’on prend l’exemple de l’incidence de la tuberculose chez les Roms, qui est dramatiquement élevée, on se rend compte que de nombreux cas pourraient être évités juste en améliorant les conditions de vie des Roms. En effet, les facteurs de risque liés à la tuberculose sont : le fait d’être né à l’étranger, le fait d’être arrivé récemment, le fait de vivre en collectivité, le fait d’être sans domicile fixe, le fait de venir d’un pays à forte endémie (la Roumanie fait partie des pays européens les plus affectés) (Collectif Romeurope, 2010).

Figure

FIGURE 1 : PAYS AVEC LA PLUS HAUTE PROPORTION DE ROMS DANS LA POPULATION TOTALE (% DE LA POP) (CONSEIL DE  L’EUROPE, DIVISION ROMS ET VOYAGEURS, JUILLET 2008)
FIGURE 2 : ESTIMATION DE LA POPULATION ROM EN EUROPE (CONSEIL DE L’EUROPE, DIVISION ROMS ET VOYAGEURS,  JUILLET 2008)
FIGURE 3: JUSTIFICATIFS EXIGES DANS LE CAS DES ROMS MIGRANTS EN FRANCE EN FONCTION DE LEUR SITUATN  ADMINISTRATIVE (SOURCE : ROMEUROPE 2010)
FIGURE 4: BIDONVILLE EN SEINE SAINT DENIS, STEVEN WASSENAAR
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