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FIGURE 4: BIDONVILLE EN SEINE SAINT DENIS, STEVEN WASSENAAR

A. D ES ACTIONS EN FAVEUR DE LA SANTE PUBLIQUE

Aux niveaux national et local, les actions positives en faveur de la santé des Roms répondent en grande partie de l’existence même d’un service publique de santé, mais également des activités volontaires des collectivités pour améliorer les conditions d’accueil des Roms ainsi que pour financer des programmes en leur faveur via des associations.

1.

L

ES ROLE DES STRUCTURES DE SANTE REGIONALES ET LOCALES

L’organisation décentralisée20 du système de santé français confère aux échelons régionaux et départementaux des compétences et des responsabilités en matière de santé publique. La situation sanitaire des Roms étant particulièrement urgente, elle est de fait inclue dans un certain nombre de politiques publiques de santé destinées aux plus marginaux de la société.

Les principaux acteurs institutionnels de la santé au niveau régional et local intervenant sur la question des Roms sont : les Agences Régionales de Santé (ARS) et les Protection Maternelles et Infantiles (PMI)

Les compétences régionales en matière sociale concernaient originellement le handicap. Face à l’augmentation des inégalités sociales, notamment au niveau du territoire, les régions ont, sur une base volontaire, accru leurs domaines d’interventions à de nouveaux publics, notamment aux plus exclus, dont font partie les Roms. Selon le site internet du Conseil Régional d’Ile-de-France, « Le lien étroit entre inégalités sociales et de santé a amené la collectivité à se préoccuper également du secteur sanitaire ». Les priorités régionales en matière de développement social et de santé s’organisent autour de quatre axes (Conseil régional d'Ile-de-France, 2008) :

- La prévention des comportements à risques, - La lutte contre les exclusions,

- L’hébergement,

- L’autonomie des personnes âgées ou en situation de handicap.

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La décentralisation est le transfert de compétences de l’Etat aux collectivités territoriales, qui bénéficient d’une certaine autonomie de décision et de maitrise de leur budget.

39 On le voit bien, les trois premiers axes concernent directement les Roms, qui sont donc des bénéficiaires éligibles aux programmes soutenus. Ce rapport précise aussi que la sélection des programmes mis en œuvre grâce aux régions doit répondre à trois critères : « environnementaux », « territoriaux » et « d’insertion ». Ces deux derniers critères correspondent bien avec la problématique des Roms puisque leur errance et leur sédentarisation sur des terrains illégaux de différentes communes, mais souvent circoncises à un territoire limité réclame une vision des politiques et programmes d’inclusion à l’échelle de territoires.

Les Agences Régionales de Santé (ARS) sont les organismes opérationnels de cette politique régionale en matière de santé. Créées en avril 2010 pour réunir les différents organismes territoriaux de santé en vue de simplifier le fonctionnement du système français, elles visent à « renforcer l’ancrage territorial des politiques de santé », à « améliorer la répartition territoriale de l’offre de soins » et à « lutter contre les inégalités de santé ». Ce sont des établissements publics administratifs de l'État français chargés de la mise en œuvre de la politique de santé dans la région. Elles sont financées par une subvention de l'État, des contributions de l'assurance maladie et de la Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie, ainsi que, éventuellement, des ressources propres et des versements volontaires de collectivités locales ou d'établissements publics (Agence Régionale de la Santé, 2010).

Les ARS sont notamment les points focaux dans le cas des trente maladies à déclaration obligatoire. Parmi ces maladies on trouve la rougeole, la tuberculose, le saturnisme et le tétanos : autant de pathologies fréquentes chez les Roms. Ce sont donc les ARS, via leur département Veille et Sécurité Sanitaire qui ont pour responsabilité de programmer les campagnes de vaccinations de dépistage et de traitement de ces maladies, y compris dans les bidonvilles et les squats, et ce, malgré l’illégalité de leur situation.

Cependant, avec la décentralisation, ce sont les départements qui bénéficient le plus de transferts de compétences en matière d’action sociale. Ils ont la charge de l’ensemble des prestations d’aide sociale, à l’exception de quelques-unes restant à la charge de l’État et précisément énumérées par la loi (ex : certaines aides en matière de logement, hébergement et réinsertion). « Le département définit et met en œuvre la politique d’action sociale " et il coordonne les actions menées sur son territoire. Dans le domaine sanitaire, les départements sont notamment responsables de la protection sanitaire de la famille et de l’enfance. Depuis 2004, ils peuvent exercer des activités en matière de vaccination, de lutte contre la tuberculose, la lèpre, le sida et les infections sexuellement transmissibles (comme le font les ARS).

40 Les PMI (Protection Maternelle et Infantile) sont les organes opérationnels des départements, chargés « d’assurer la protection sanitaire de la famille et de l’enfant », en proposant notamment des « consultations et des actions de prévention médico-sociale en faveur des femmes enceintes et des enfants de moins de 6 ans. » (Service-Public.fr, 2011). Les femmes et les enfants Roms étant ceux avec le plus de problèmes de santé, la possibilité pour les Roms de bénéficier de l’action des PMI est essentielle.

Enfin, le rôle des communes en matière d’action sociale relative aux Roms migrants dépend non seulement de la possibilité pour elles aussi de mener des campagnes de vaccination et de prévention, y compris pour la tuberculose mais également dans leur rôle dans les demandes d’aides sociales. En effet, comme expliqué plus haut, elles sont compétentes en matière d’attribution des aides sociales et des domiciliations via les Centres Communaux d’Action Sociale (CCAS) et les Centres Intercommunaux d’Action Sociale (CIAS) (Vie-publique.fr, 2009). Ces centres sont des établissements publics communaux intervenant principalement dans les domaines de l’aide sociale légale, de l’aide sociale facultative (déterminée par les élus locaux) et de l’animation sociale.

On le voit, les collectivités territoriales, en tant qu’administrations, ont un grand rôle à jouer en matière de protection de la santé. Cependant une part non négligeable de ce rôle tel qu’il peut être mis en œuvre en faveur des Roms n’est pas obligatoire et relève des prérogatives facultatives et dépendent des élus locaux.

2.

D

ES POLITIQUES VOLONTARISTES D

AMELIORATION DE L

ACCUEIL DES

R

OMS

Dans certains territoires on peut constater qu’il y a des politiques volontaires visant à améliorer l’accueil des Roms, qui restent cependant cantonnées aux domaines dans lesquels ces collectivités sont compétentes.

Les communes sont compétentes en matière d’aménagement et d’entretien de la voirie communale. A ce titre, les petits aménagements nécessaires en termes de salubrité des lieux de vie des Roms dépendent de leur volonté. En effet, ceci inclut l’assainissement et la collecte des déchets. Elles peuvent donc mettre en place des toilettes publiques à proximité des terrains habités par les Roms, effectuer le raccordement à l’eau et à l’électricité de ces lieux, positionner des bennes à ordures et assurer leur ramassage régulier. Toutes ces mesures permettent de travailler sur les déterminants environnementaux de la santé des Roms. Si elles étaient prises de manière systématiques dans les lieux de vie des Roms, cela permettrait une amélioration notable de leur santé - sans pour autant suffire à rattraper les moyennes nationales.

41 Il est important de noter ici que les Roms migrants ne faisant pas partie des Gens du voyage, de par leur situation illégale, ils ne peuvent bénéficier de l’accès aux aires d’accueil des Gens du voyage prévues par la loi Besson du 5 juillet 2000. Ces aires d’accueil, aménagées pour permettre l’installation temporaire de voyageurs se déplaçant notamment en caravane sont sous la gestion administrative des communes et intercommunalités. Elles ne sont pas en assez grand nombre sur le territoire français : il n’y a de toute façon pas assez de volonté politique pour mettre à disposition partout des terrains. Ce manque de volontarisme dans l’accueil des personnes en situation légale est forcément encore plus marqué dans le cas des personnes en situation illégale (Rigaux, 2010). L’installation des Roms sur des terrains illégaux n’est donc pas un choix, mais bien le résultat d’une contrainte, liée à l’inaccessibilité pour eux à des emplacements réglementés.

L’existence d’infrastructures sanitaires sur les terrains illégaux est donc bien une exception qui dépend de la volonté politique des mairies et dont l’installation est généralement réalisée après d’importantes négociations auprès de la Ville. Elle est déterminée par l’orientation politique et sociale de la ville et de son élu.

Les maires jouent également un rôle d’interpellation des plus hautes sphères de l’Etat. En effet, leurs prérogatives ne sont pas assez larges pour répondre efficacement aux problèmes des Roms et les mairies n’ont souvent pas les moyens financiers nécessaires pour mener des politiques sociales. Certains maires ressentent une frustration face au dénuement des Roms s’installant sur le territoire de leur commune et l’expriment par exemple par des communiqués. A titre d’exemple, le maire PCF d’Ivry-sur-Seine (94) a mis à disposition, après un incendie ayant frappé un terrain occupé par les Roms, le gymnase de sa ville en attendant des solutions d’hébergement plus pérennes. Il a interpelé le préfet de sa région à ce sujet le 8 février 2011, rappelant que l’action d’urgence pour ces populations sinistrées « ne peut relever de la seule responsabilité des élus locaux » (Gosnat, 2011) (cf. Annexe 4). Illustrant cet engagement des maires, la tenue le 22 septembre prochain du sommet des Maires sur les Roms à Strasbourg. Cependant, cet engagement auprès des Roms est affaire de sensibilité politique : ce sont essentiellement des maires communistes qui élèvent la voix lors d’expulsions ou autres évènements affectant la vie des Roms. A droite de l’échiquier politique, les maires s’engagent parfois même contre les Roms, soutenant une population riveraine excédée par la présence de Roms sur leur territoire. Par exemple, le Maire UMP de La Madeleine (dans le Nord) a fait traduire deux arrêtés (uniquement) en roumain et en bulgare, l’un sur la mendicité, l’autre sur la fouille des poubelles. Ces deux arrêtés sont applicables depuis le 1e août 2011 et visent directement les 60 Roms vivant dans un sous-bois en bordure de la ville (Fikri, 2011).

42 Des politiques volontaires sont donc possibles mais demeurent l’exception et la plupart des maires perçoivent comme une nuisance l’arrivée de Roms sur leurs communes ou bien adoptent une posture d’indifférence.

3.

LE FINANCEMENT DES PROGRAMMES ASSOCIATIFS POUR LA SANTE DES

R

OMS

Les Conseils régionaux, les Conseils généraux et les mairies, acteurs locaux de la santé publique sont non seulement des institutions vers qui se tourner pour accéder au système de soin mais aussi des bailleurs pour les ONG médicales intervenant en faveur des populations Roms. En effet, au Comité d’Aide Médicale comme à Médecins du Monde, les principaux financements pour les missions en France proviennent de ces organismes.

Les institutions peuvent financer les associations et ONG soit à travers un système de subventions, soit par des appels à projets. Les subventions sont attribuées à des associations porteuses de projet, c’est-à-dire qui définissent elles-mêmes les besoins en matière d’action sociale. Par contre, dans le cadre des appels à projets, ce sont les bailleurs eux-mêmes qui identifient les besoins en matière d’action sociale. Dès lors, la collectivité définit un cadre général d’objectifs à atteindre et les associations proposent des solutions. Les associations concernées deviennent dès lors des sortes de prestataires de service pour les collectivités concernées, qui n’ont plus à s’en occuper directement.

Les collectivités utilisent de plus en plus fréquemment la procédure d’appel à projets, ce qui leur permet de mener indirectement des actions en faveur de publics spécifiques tels que les Roms.

Ainsi, en France existe bel et bien la possibilité pour les pouvoirs publics d’assurer des actions de santé publique, y compris en direction des Roms. La question est maintenant de savoir dans quelle mesure ces opportunités sont saisies et si elles répondent à une politique générale de la France où bien simplement à un volontarisme ponctuel. En effet, la situation des Roms en elle- même, en tant qu’illégale, ne favorise-t-elle pas l’indifférence des politiques publiques, ou pire, l’exclusion et la discrimination ?

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