Autodestruction

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Autodestruction

Geremia Cometti, Jean-Baptiste Eczet

To cite this version:

Geremia Cometti, Jean-Baptiste Eczet. Autodestruction. Sensibilités : histoire, critique & sciences sociales, Anamosa, 2017. �halshs-02197263�

« Autodestruction », Sensibilités. Histoire, critiques et sciences sociales, N°2 : Le sens de la maison. Participation à un dossier du Pôle d’exploration des ressources urbaines (PEROU), pp : 88-91.

Autodestruction

Parfois, il s’agissait de cabanes de bois de quelques mètres carrés, peu décorées et bâchées, trop fournies des affaires personnelles des deux à trois habitants. Des infiltrations à chaque pluie, des sanitaires saturés, des flaques presque étangs et des feux de bois peint qui imprégnait tout le monde d’une odeur de plastique brûlé.

D’autres fois, il s’agissait de chez soi et d’invitations. On entendait même qu’il valait mieux être à la Jungle qu’autre part, qu’ici l’ambiance rappelait le Soudan fraîchement quitté et qu’on pouvait s’y sentir bien.

Le problème était que ces cabanes contenaient tout cela à la fois.

Quand la décision fut prise de détruire la zone sud en avril 2016, les forces de l’ordre rencontrèrent peu de résistances de la part des migrants. Et nous autres observateurs avons été témoins de certaines contributions inattendues : des feux surgissaient ici et là ; d’autres migrants s’activaient à faire disparaître ce qui, quelques minutes plus tôt, était encore leur habitat. Il y avait une sorte d’acharnement non agressif. Non pas une colère impulsive, une colère de tristesse, largement contenue dans le visage, bien peu présente dans ces lancers de barres de fer et de pierres sur ces cabanes. Et tous regardaient longuement, sans trop parler.

Les bulldozers qui s’approchaient poussaient en fait certains migrants a affronter un paradoxe, celui de regretter ce qui n’est pourtant qu’insalubrité. Être réduit à tenir à ce dont on s’est si souvent plaint. Ressentir un sentiment de perte envers quelque chose qu’on aimerait pourtant fuir. Cette fois il s’agissait de leurs cabanes, quelques mois plus tôt c’était leur pays.