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La gestion des risques : la perception des risques des agriculteurs québécois

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Academic year: 2021

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La gestion des risques

La perception des risques des agriculteurs québécois

Mémoire

Étienne Lafrance

Maîtrise en agroéconomie

Maître ès sciences (M.Sc.)

Québec, Canada

© Étienne Lafrance, 2015

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(3)

Résumé

Le sujet de cette recherche est le risque agricole. L’objectif est de déterminer quels sont les risques perçus par les agriculteurs et les stratégies de gestion de risques mises en place. L’étude est dite qualitative exploratoire et la méthode de collecte de données retenue est l’entrevue semi-dirigée dont les indicateurs sont les risques, les effets, les enjeux et les stratégies. La méthode d’analyse est appelée de contenu. Vingt-deux producteurs ont été interrogés répartis dans les productions ovines, porcines et de grandes cultures. Les résultats montrent que les agriculteurs perçoivent l’ensemble des risques, mais à des degrés différents et que les risques de production et de marché sont les plus importants pour les agriculteurs. De plus, certains aspects indépendants des productions agricoles ont pu être tirés, aboutissant ainsi à une proposition de modèle de la gestion des risques.

(4)

T

ABLE DES MATIERES

RÉSUMÉ ... III

 

LISTE DES TABLEAUX ... VI

 

LISTE DES FIGURES ... VII

 

LES REMERCIEMENTS ... VIII

 

CHAPITRE 1 : LA MISE EN CONTEXTE ... 1

 

1.1

 

LA PROBLÉMATIQUE ... 3

 

1.2

 

L’OBJECTIF ... 5

 

1.3

 

LES QUESTIONS DE RECHERCHE ... 6

 

1.4

 

LA DIVISION DE TRAVAIL ... 6

 

CHAPITRE 2 : LA TERMINOLOGIE DU RISQUE AGRICOLE ... 7

 

2.1

 

LE RISQUE ... 7

 

2.1.1

 

LA DÉFINITION DU RISQUE ... 7

 

2.1.2

 

LA DÉFINITION DE LA PERCEPTION ... 9

 

2.1.3

 

LES THÉORIES DU RISQUE ... 10

 

2.1.4

 

LES CARACTÉRISTIQUES DU RISQUE AGRICOLE ... 10

 

2.1.5

 

LA TYPOLOGIE DU RISQUE AGRICOLE ... 13

 

2.2

 

LA GESTION DU RISQUE ... 16

 

2.2.1

 

LA DÉFINITION DE LA GESTION DU RISQUE ... 16

 

2.2.2

 

LES THÉORIES SUR LA GESTION DU RISQUE ... 17

 

2.2.3

 

L’ATTITUDE FACE AU RISQUE ... 17

 

2.2.4

 

LE PROCESSUS DE LA PRISE DE DÉCISION ... 19

 

2.2.5

 

LA TYPOLOGIE DES STRATÉGIES DE GESTION DES RISQUES ... 28

 

CHAPITRE 3 : LA MÉTHODOLOGIE ... 39

 

3.1

 

LES DIFFÉRENTES MÉTHODOLOGIES DE COLLECTE DE L’INFORMATION ... 39

 

3.1.1

 

LES QUESTIONNAIRES AVEC ÉCHELLE DE LIKERT ... 39

 

3.1.2

 

LES ENTREVUES FACE À FACE ASSISTÉES PAR ORDINATEUR ... 41

 

3.1.3

 

LES ENTREVUES SEMI-DIRIGÉES ... 42

 

3.2

 

LA MÉTHODOLOGIE RETENUE ... 45

 

3.2.1

 

LA MÉTHODE DE COLLECTE DE DONNÉES ... 45

 

3.2.2

 

LES ÉLÉMENTS OBSERVABLES ... 48

 

3.2.3

 

LES SUJETS ... 55

 

3.3

 

L’ANALYSE DES DONNÉES ... 59

 

(5)

3.3.2

 

EN PRATIQUE ... 61

 

CHAPITRE 4 : L’ANALYSE DES RÉSULTATS ... 65

 

4.1

 

LE BILAN DE LA COLLECTE DE DONNÉES ... 65

 

4.2

 

L’ANALYSE DES RÉSULTATS DES PRODUCTIONS ... 65

 

4.2.1

 

LA PRODUCTION OVINE ... 66

 

4.2.2

 

LA PRODUCTION PORCINE ... 70

 

4.2.3

 

LA PRODUCTION DE GRANDES CULTURES ... 72

 

4.2.4

 

ANALYSE COMPARATIVE ENTRE CHACUNE DES PRODUCTIONS ... 76

 

4.3

 

LES CONSTATS SUR LE RISQUE AGRICOLE ... 79

 

4.3.1

 

LES RISQUES AGRICOLES ... 79

 

4.3.2

 

LES EFFETS ET LES CONSÉQUENCES ... 86

 

4.3.3

 

LES STRATÉGIES DE GESTION DES RISQUES ... 86

 

4.3.4

 

LA PROPOSITION D’UN MODÈLE DE GESTION DES RISQUES ... 89

 

CHAPITRE 5 : LES LIMITES ET LES CONCLUSIONS ... 99

 

5.1

 

LES LIMITES ... 99

 

5.2

 

LES CONCLUSIONS ... 101

 

BIBLIOGRAPHIE ... I

 

(6)

Liste des tableaux

Tableau 1 La présentation de certains risques en agriculture selon le type et leur caractère idiosyncrasique ou

systémique ... 16

 

Tableau 2 La classification des stratégies de gestion des risques selon les types de stratégies et des portées d’actions ... 29

 

Tableau 3 Les risques évoqués selon leur importance et la phase de l’entretien ... 46

 

Tableau 4 Les risques selon les types de risques et selon leur porte d’action ... 50

 

Tableau 5 Les conséquences classées selon leur type ... 52

 

Tableau 6 Les stratégies classées selon les stratégies génériques et leur portée d’actions ... 53

 

Tableau 7 La répartition de la population admissible au CECPA par strate de taille (brebis) ... 56

 

Tableau 8 La répartition des entreprises naisseurs-finisseurs de la population cible de 2011 ... 57

 

Tableau 9 La répartition des producteurs de grandes cultures par catégories de superficie en hectare de la population de base de 2008 ... 58

 

(7)

Liste des figures

Figure 1 Les différents risques selon leur caractère indépendant ou systémique ... 12

 

Figure 2 Le processus de décision en gestion des risques selon Hardaker et al. ... 20

 

Figure 3 Le processus de décision de Flaten et al. ... 20

 

Figure 4 Le processus de prise de décision selon Meuwissen et al. ... 22

 

Figure 5 Le processus de décision de Winsen et al. ... 23

 

Figure 6 La représentation de la chaine simple et du réseau d’interrelations du risque ... 24

 

Figure 7 Les trois systèmes cognitifs de Kahneman ... 26

 

Figure 8 Modèle de prise de décision stratégique de Gocsik et al. ... 27

 

Figure 9 La structure typique d’une recherche cyclique ... 43

 

Figure 10 Le déroulement de l’entrevue concernant le risque agricole ... 46

 

Figure 11 Les résultats de la perception des risques selon les trois productions ... 76

 

Figure 12 Le modèle de la gestion des risques ... 89

 

Figure 13 Les caractéristiques du monde extérieur et leurs impacts sur les actions ... 90

 

Figure 14 Les caractéristiques propres à l’agriculteur influençant les actions ... 91

 

(8)

Remerciements

La maitrise est une épreuve intense de lecture et d’écriture, deux éléments dans lesquels j’avais des lacunes et je me suis inscrit à la maitrise, afin d’améliorer mes compétences et de me dépasser. Ce fut un exercice ardu, semé d’embuches et de doutes. Pourtant certaines personnes m’ont encouragé, qu’elles l’aient fait de leur plein gré ou à leur insu. Je voudrais particulièrement remercier le Centre d’expertise en gestion agricole (CEGA) et le Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) pour leur appui financier, ainsi que les différents intervenants qui m’ont aidé à contacter les différents producteurs, car sans vous, jamais cette maitrise n’aurait été possible. Finalement, j’ai une pensée particulière aux gens qui m’ont amené à me surpasser, vous avez été une source de détermination inépuisable.

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Chapitre 1 : La mise en contexte

Dans les pays développés, le domaine agricole est une activité économique unique en son genre, possédant des caractéristiques singulières (Bonnen et Schweikhardt, 1998, p. 9). La première de celles-ci est une instabilité récurrente des prix et des revenus. La seconde est un faible retour sur les actifs dû à une faible capacité à s’adapter aux changements de la demande. La troisième est une vulnérabilité grandissante quant aux événements macroéconomiques, lorsque ce secteur devient de plus en plus commercial, ainsi qu’aux marchés internationaux, dus à la mondialisation des marchés et au commerce international. Finalement, le secteur agricole est qualifié par le développement d’externalités – une action indirecte d’un agent économique par son activité de consommation ou de production affectant autrui sans qu’il n’y ait échange monétaire (Laffont cité dans Berta, 2008) —, comme la pollution de l’eau ou la beauté d’un paysage. Les aspects uniques à l’agriculture ont légitimé les interventions étatiques dans ce secteur économique depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu’aux années 80 approximativement, en stabilisant les prix des denrées agricoles et ainsi les revenus de la classe agricole.

Ce paradigme a perdu de sa popularité dans les années 80 avec la venue d’un courant de pensée prévalant le laisser-faire de l’État en économie. Durant le cycle de négociations de l’Uruguay Round à l’intérieur de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce — mieux connu sous son abréviation anglaise, le GATT —, les pays membres se sont engagés à diminuer leurs barrières tarifaires afin de minimiser les distorsions du marché que créent les interventions étatiques en économie. L’Organisation mondiale du commerce (OMC) a été créée et les négociations sont parvenues à un consensus que le secteur agricole ne peut pas obéir qu’aux simples lois du libre marché et ainsi les interventions étatiques sont permises, à la condition que celles-ci minimisent les distorsions de marché. Les programmes dits découplés ou déliés de la production font alors leur apparition. Le leitmotiv de ces programmes est que toutes interventions de l’État ne doivent pas altérer les quantités de biens agricoles produits (OCDE, 2001, p. 7). Les programmes de soutien des prix sont délaissés au profit de programmes minimisant les distorsions de marché. Alors, afin de

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respecter ces nouvelles exigences, les agriculteurs1 de l’ensemble des pays membres de l’OMC ont dû composer avec des prix qui n’étaient plus soutenus et donc, qui fluctuaient davantage.

Tout comme certains pays membres de l’OMC, le Canada avait des programmes de soutien des prix, notamment lors du « The Agricultural Stabilisation Act » de 1958, où grâce à un programme de soutien des prix, les producteurs de grains et de bétail ont reçu des paiements de l’État lorsque les prix reçus du bien agricole produit ont été en dessous de 90 % de la moyenne des cinq dernières années (Schmitz, 2008, p. 372). Avec les récentes négociations à l’OMC, le Canada a adapté ses programmes en agriculture afin qu’ils aient une vision plus globale de l’entreprise. Parmi ces programmes, il y a le programme Agri-stabilité, ayant pour objectif de stabiliser les revenus en fonction des cinq années antérieures et de diminuer les influences sur les décisions de production (Antón, Kimura, et Martini, 2011, p. 36). Outre Agri-stabilité, le gouvernement canadien dispose de trois autres principaux programmes pour la gestion des risques de l’entreprise agricole : Agri-investissement, Agri-protection et Agri-relance (L. Miller, 2012, p. 35). Ainsi, le Canada a plusieurs programmes de gestion des risques conformes à la nouvelle vision de l’OMC quant aux subventions en agriculture, afin que les agriculteurs canadiens soient plus sensibles aux fluctuations des prix mondiaux et minimisant ainsi les impacts des programmes gouvernementaux sur les choix de production de l’agriculteur.

Au Québec, les changements apportés par le gouvernement fédéral se sont exprimés différemment, car celle-ci est l’unique province à détenir un programme de gestion des risques en agriculture (Antón et al., 2011, p. 27), dénommé l’Assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA) et administré par l’organisme étatique qu’est La Financière agricole du Québec (FADQ). Ce programme est très important pour La Financière agricole, étant la principale source de dépenses (FADQ, 2012, p. 19). Selon le texte de loi de l’ASRA (FADQ, 2013, p. 3 et 5), les différentes productions couvertes sont : les agneaux, les bouvillons et les bovins d’abattage, les veaux de grain, les veaux d’embouche, les veaux de lait, les porcelets, les porcs, l’avoine, le blé d’alimentation animale et humaine, le canola, le maïs-grain, l’orge, le soya, les pommes et les pommes de terre. Malgré son nom

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d’assurance stabilisation des revenus, l’ASRA est essentiellement un programme de soutien des prix, car celui-ci défraie la différence entre le prix local et le prix cible; le prix local étant le reflet des prix mondiaux plus ou moins la base, qui est « l’état de l’offre et de la demande locale sur le marché comptant (déficit ou surplus), les frais de transport reliés à la distance entre Chicago et le marché local » (Morin, 2010, p. 54), alors que le prix cible est un prix basé selon les coûts de production (Cantin et Lafrance, 2003, p. 20). La répartition de la différence entre le prix local et le prix cible est assumée aux deux tiers par la FADQ et le tiers restant par l’agriculteur, qui les paie par le biais de ses cotisations au programme (FADQ, 2013, p. 25). Pour les productions couvertes par le programme de l’ASRA, la FADQ redirige les fonds provenant des programmes fédéraux alloués au Québec et les transfère dans son programme de gestion des risques (CAAAQ, 2008, p. 48). En supplément à l’ASRA, le Québec possède d’autres programmes de gestion des risques tels que l’Agri-Québec et l’Assurance-récolte (FADQ, 2012, p. 4). Les producteurs québécois ont donc accès à des programmes de gestion des risques québécois et canadiens, ayant chacun une vision divergente. Il y a donc fort à parier que les agriculteurs québécois dans une production couverte par l’ASRA réagissent moins aux fluctuations des prix internationaux que leurs homologues canadiens.

1.1 La

problématique

Ce mémoire porte sur la gestion des risques agricole au Québec et la problématique est qu’un changement dans les programmes de gestion des risques agricoles est envisageable. Les raisons sont que l’ASRA est de plus en plus contestée et que dans ses récentes politiques agricoles, le Québec semble vouloir que ses agriculteurs assument davantage de risques.

Un programme contesté

L’ASRA est un programme couplé à la production, c’est-à-dire que les paiements du programme se font en fonction du nombre d’unités produites, apportant son lot de critiques, notamment par le rapport de la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois (CAAAQ). La CAAAQsouligne que durant les années 1986 à 2006, les productions de l’agneau, du maïs-grain et du vache-veau ont eu une croissance plus forte au Québec qu’en Ontario malgré la présence de redevances par l’ASRA (2008, p. 58). Le rapport signale que le programme de l’ASRA masque les signaux des marchés

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et que les producteurs ontariens sont plus sensibles à l’évolution des prix comparativement aux producteurs québécois. Cette critique sur l’ASRA trouve également écho dans le domaine universitaire où Gouin mentionne que les unités assurables sont en croissance dans la plupart des productions malgré un prix de marché inférieur aux attentes et que certaines productions ont toujours été déficitaires dans ce programme d’assurance (Gouin cité dans Fontaine, 2010). Ce programme oriente donc les choix de la production agricole vers les productions assurées, malgré les signaux du marché dissuasifs.

Il n’y a pas que sur la quantité d’unités agricoles produites que l’ASRA est contestée, elle a eu aussi des impacts dommageables dans les finances publiques. La Financière agricole assume une grande partie de l’écart entre les prix reçus par les producteurs et le prix cible, et les années 2005-2006 jusqu’aux années 2008-2009 ont été catastrophiques créant ainsi un déficit important. Durant cette dernière année, le déficit annuel a atteint 359 millions de dollars (FADQ, 2012, p. 25), élevant le déficit accumulé à total d’un milliard de dollars (CAAAQ, 2008, p. 48). Le gouvernement du Québec a réagi en épongeant la dette, mais en contrepartie l’enveloppe budgétaire accordée à la Financière a été plafonnée. Malgré ce retour à l’équilibre, ce déficit a remis en question la pertinence de l’ASRA.

Un changement de vision dans les politiques agricoles

Au cours des vingt dernières années, les agriculteurs ont dû composer avec une évolution de la vision des programmes en matière de gestion des risques, à la fois au fédéral qu’au provincial. Cela se traduit autant par des changements dans les lois que dans l’octroi de subventions. Dans un texte de Jean-Marc Lafrance, il est dit qu’en 1994, lors des changements des politiques agricoles canadiennes, les intervenants du gouvernement fédéral et provincial en sont venus à la conclusion « […] qu’il était nécessaire d’assurer la pérennité des entreprises agricoles par des outils financiers renouvelés, engageant davantage la responsabilité des exploitants agricoles dans la gestion de leurs risques d’entreprise » (Cantin et al., 2003, p. 17). Plus récemment, le Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) a agi en ce sens en 2009 par l’adoption d’un plan de redressement des interventions en gestion des risques agricoles où celui-ci précise l’importance des décisions de l’agriculteur par rapport aux signaux de marché et à l’amélioration de ses performances (MAPAQ, 2011, p. 29). Il n’est donc pas étonnant de

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un chapitre intitulé « renforcer notre capacité concurrentielle » dont le premier objectif est de miser sur des entreprises rentables et efficaces. Pour y arriver, le MAPAQ énonce plusieurs moyens, dont l’intégration de la maitrise des risques d’affaires. Ce moyen se perpétue dans « La politique de souveraineté alimentaire » déposée en mai 2013 par le MAPAQ, où celle-ci stipule que les agriculteurs ainsi que le gouvernement doivent miser sur une gestion des risques efficace pour accomplir des objectifs de stabilisation et de développement. En outre, le MAPAQ veut changer les programmes de gestion des risques pour qu’ils soient adaptés aux impondérables du marché. Il a démontré que, depuis les dernières années, il y a un désir politique constant à ce que les programmes de gestion des risques soient plus efficaces, à diminuer les contributions gouvernementales dans ces programmes, et à ce que les producteurs s’adaptent davantage aux marchés.

1.2 L’objectif

Dans une perspective où les programmes de gestion des risques sont sensibles à d’éventuels changements, où les producteurs agricoles assumeront davantage de risque, il est nécessaire de bien comprendre le portrait global des risques agricoles au Québec, leurs conséquences sur l’entreprise agricole, sur l’exploitant et les stratégies de ce dernier pour gérer ses risques. Pour bien analyser les effets du risque sur l’entreprise agricole et sur l’exploitant, il faut comprendre le point de vue de l’agriculteur par rapport au risque. En d’autres mots, les sujets de cette recherche sont d’une part la perception du risque agricole par le producteur, et d’autre part, ses réactions pour gérer le risque.

Alors, l’objectif de cette recherche est d’établir une base dans la compréhension du risque agricole au Québec en analysant la perception du risque des agriculteurs ainsi que les stratégies qu’ils adoptent pour gérer les risques. Ce type de recherche apparait comme une nécessité puisque plusieurs auteurs relèvent le besoin de faire plus d’études sur ces sujets (Egelkraut, Garcia, Pennings, et Sherrick, 2006, p. 2; Flaten et al., 2005, p. 11; OCDE, 2009, p. 190), notamment à cause de la mondialisation des marchés et des derniers changements à l’OMC. En plus d’avoir une pertinence scientifique, le sujet est intéressant socialement, car il est crucial pour les politiciens de comprendre comment les agriculteurs perçoivent le risque dans le cas d’un changement de législation.

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1.3 Les questions de recherche

Afin de mener à bien l’objectif mentionné dans le sous-chapitre précédent, une question de recherche s’impose afin de bien limiter le champ d’intérêt. Dans le cas présent, l’idéal serait plutôt d’avoir deux questions, étant donné qu’il y a deux sujets à cette présente recherche, qui sont la perception du risque de l’agriculteur et les stratégies de gestions des risques. Alors, les questions de recherche sont les suivantes :

 Quels sont les risques perçus par les agriculteurs?

 Quelles sont les stratégies de gestion des risques que les agriculteurs utilisent?

1.4 La division de travail

Le travail est divisé en cinq chapitres dont celui-ci, portant sur la mise en contexte, est le tout premier. Le deuxième chapitre comporte la revue de littérature avec les différentes théories concernant le risque et les stratégies de gestion des risques, afin de bien comprendre l’ensemble des connaissances sur ces sujets. Il présente également les cadres théoriques utilisés lors de cette recherche. Par la suite, le troisième chapitre présente les différentes méthodologies et les méthodes d’analyse des données employées dans les recherches similaires. Ensuite, il y a une présentation et une description de la méthodologie ainsi que la méthode d’analyse utilisées pour cette recherche, permettant ainsi sa reproduction. Le quatrième chapitre est le fruit de cette recherche, où les données recueillies sont analysées et les résultats sont présentés. Finalement, le dernier chapitre présente les limites ainsi que les conclusions de cette étude.

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Chapitre 2 : La terminologie du risque agricole

2.1 Le

risque

2.1.1 La définition du risque

« Le risque est comme l’amour. Nous savons bien ce que c’est, mais nous ne pouvons pas le définir avec précision. » Joseph Stiglitz (Brossier, 1989, p. 25)

Cette citation de Stiglitz illustre la difficulté de bien définir le risque, car il n’a pas d’apparence physique, mais il est une conception de notre esprit, tout comme l’amour peut l’être. Reformuler autrement, une image ne peut pas représenter le risque, mais tout le monde a sa propre façon de concevoir le risque. Il n’est donc pas étonnant de concevoir que les différentes définitions ne font pas toute l’unanimité. Cependant, quelques points communs ressortent des différentes définitions, encadrant ainsi le choix pour la définition du risque agricole lors de ce mémoire.

La définition du terme risque commence par l’ouvrage de Frank Knight (1964, p. 19) « Risk, Uncertainty and Profit » publié pour la première fois en 1921 qui est la pierre d’assise en matière de risque où l’auteur apporte la différence entre le risque et l’incertitude. Selon cet auteur, le risque survient lorsque la probabilité d’apparition des événements est estimable, mesurable ou quantifiable, tandis que l’incertitude est lorsque la probabilité d’apparition d’un événement n’est pas accessible (Anaman, 1985, p. 8; Brossier, 1989, p. 29; Hardaker, Huirne, Anderson, et Lien, 2004, p. 5; Langlois et Cosgel, 1993, p. 457). Il est important de noter que pour Knight, le profit est le résultat de l’incertitude, car il est la récompense pour assumer une part de risque — une vision étant toujours d’actualité dans le monde de la finance (Cordier, Erhel, Pindard, et Courleux, 2008, p. 38) et dans l’univers de l’économie (Hardaker et al., 2004, p. 5). Depuis, plusieurs définitions de l’incertitude et du risque ont été proposées, mais dans la foulée, le point de convergence semble être l’information, et plus particulièrement le manque de celui-ci. Pour Hardaker et al. (2004, p. 5), l’incertitude est l’information imparfaite, tandis que le risque est l’exposition à des conséquences

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économiques non favorables incertaines. Selon Harwood et al. (1999, p. 2), le risque est une incertitude à laquelle l’agent économique accorde de l’importance et ayant une incidence sur son bien-être individuel, alors que l’incertitude est une situation dans laquelle une personne ne connait pas ce qu’il va arriver. Donc, le risque est nécessairement une incertitude, mais celle-ci n’est pas nécessairement un risque. Pour Moschini et Hennessy (2001, p. 89), l’incertitude représente plusieurs possibilités de revenu associées à une action choisie, tandis que le risque est le résultat d’une décision prise en situation d’incertitude, car toutes les conséquences ne sont pas également désirées. Selon Winsen et al. (2011), le risque est : le résultat d’un manque d’information; il est objectif et calculable; et il peut être négatif ou positif. En regroupant les idées de ces auteurs, il est possible de conclure que l’incertitude est liée à un manque d’information par rapport aux conséquences d’un événement, alors que le risque est le résultat d’une incertitude pouvant être mesurée.

La pertinence de différencier le risque de l’incertitude n’est pas unanime chez les auteurs en économie. Selon Savage (1961, p. 576), Moschini et Hennessy (2001) ainsi qu’Anaman (1985, p. 8), la différence entre ces deux concepts n’est pas appropriée, car les probabilités sont rarement connues et toute information est subjectivement perçue, mesurée et interprétée de sorte que la différence entre les deux termes est ambiguë. L’interprétation des probabilités entre l’objectivité et la relativité des données statistiques est donc intimement liée à la définition et à la théorie entourant le risque. Dans le domaine des probabilités, il y a un débat entre les fréquentistes et les personnalistes : les tenants des probabilités objectives appelés les fréquentistes perçoivent les probabilités d’événements comme étant objectives et capables de répétition, alors que les tenants des probabilités subjectives appelés les personnalistes laissent plus de place à l’interprétation personnelle du preneur de décision (Brossier, 1989, p. 30-31; Savage, 1961, p. 575-576).

La conséquence du risque peut être positive, car pour les gens de la finance, le risque se rémunère, mais elle peut être aussi négative, représentant une perte. Certains auteurs orientent même leur définition du risque vers les conséquences néfastes, et ainsi, le définissent comme étant une variabilité du revenu dont l’accent est mis sur la perte. Pour A. Miller et al. (2004, p. 1), le risque peut être une perte potentielle, mais il peut être une source

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« oser ». Selon Székely et Pálinkás (2009, p. 55), le risque est une variabilité entre le revenu espéré et le revenu réel résultant d’une décision économique où la perte a le plus d’importance. Par une analyse du risque en finance et en assurance, Cordier (2008) arrive à définir le risque comme étant une conséquence néfaste d’un événement aléatoire. Le risque est donc indissociable des événements néfastes qu’il peut engendrer.

En résumé, les points communs aux différentes définitions sont : que le risque est intimement lié au manque d’information; qu’il y a une distinction entre risque et incertitude, mais elle n’est pas tout à fait pertinente; et que le risque engendre à la fois un gain et une perte, mais dont l’accent est mis sur cette dernière. Grâce à ces éléments, la définition retenue, dans le cadre de cette étude, est celle d’Hardaker et al. (2004, p. 5), qui est une conséquence incertaine non désirée. En plus d’être très inclusive, cette définition a été retenue pour sa grande influence auprès des auteurs dans le domaine du risque agricole.

2.1.2 La définition de la perception

La perception en soi n’est pas bien définie en économie contrairement à la discipline de la psychologie. Selon Joffe (2005, p. 124), la perception est articulée à des savoirs sensoriels ainsi qu’à l’environnement social. Parallèlement, Mucchielli (2006, p. 6) définit la perception comme l’étape où les organes sensoriels recueillent, classent et organisent l’information en catégorie, selon une sorte de grille discriminante, dont le résultat se traduit par un comportement. Cette définition est tout à fait à propos dans le contexte où l’un des sujets de cette étude est d’identifier les stratégies de gestion des risques, qui sont un comportement économique.

Winsen et al. (2011) — des auteurs qui ne proviennent pas de la discipline de la psychologie — ont mené à bien un projet portant sur la perception du risque en y incluant des notions de psychologie. Ces derniers ont défini la perception du risque comme étant une information imparfaite du risque réel. Selon ces auteurs, le risque réel est le risque se mesurant objectivement — ce qui n’est pas sans rappeler le débat portant sur l’interprétation des probabilités — alors que la perception du risque est une lecture imparfaite du risque réel. Chaque personne perçoit la réalité différemment en fonction de l’environnement social,

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culturel et de l’histoire personnelle de l’individu. Alors, la définition retenue de la perception du risque est l’étape de réception par les sens ainsi que de classement des informations où celle-ci est influencée par l’environnement social, culturel et l’histoire personnelle de l’individu.

2.1.3 Les théories du risque

En économie, il y a un certain consensus sur le cadre théorique pour analyser le risque : l’utilité espérée. Il met en relation l’utilité des preneurs de décision et leur aversion face au risque pour expliquer leurs comportements économiques. Certains auteurs mettent en doute les faiblesses de la théorie et d’autres ont tenté de trouver une alternative à ce paradigme, mais encore à ce jour, l’utilité espérée est toujours le cadre théorique dominant en économie. Ce cadre théorique a deux approches : l’approche positive et l’approche normative (Moschini et al., 2001, p. 142). L’approche positive se concentre sur l’individu et elle tente d’expliquer les raisons poussant ce dernier à prendre ses décisions (Flaten et al., 2005, p. 12). Elle analyse donc la perception du risque de l’agriculteur et ses stratégies de gestion du risque par rapport à ses variables socioéconomiques.

L’approche normative est une méthode d’analyse rationnelle du risque dont les postulats sont que l’agriculteur perçoit toujours le risque, qu’il en est pleinement conscient, qu’il connait bien les probabilités d’apparition du risque ainsi que ces conséquences économiques. Cette méthode s’applique de manière générale à travers des modèles mathématiques de même qu’à des théorèmes économiques (Flaten et al., 2005, p. 11). Grâce à cette approche, la courbe d’utilité du preneur de décision peut être révélée (Hardaker et al., 2004, p. 93). Il est important de noter que les deux approches ne sont pas opposées et qu’elles sont complémentaires. Dans le cadre de cette étude, l’approche positive a été sélectionnée.

2.1.4 Les caractéristiques du risque agricole

Les caractéristiques générales du risque

Le risque comporte certaines caractéristiques générales permettant de mieux comprendre l’univers du risque. À ce sujet, Newberry et Stiglitz (cité dans OCDE, 2009, p.124) avancent

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le caractère systématique au risque. Ce caractère signifie que le risque peut se répéter et que ses probabilités d’occurrence peuvent être analysées, le tout afin de le prédire; ce n’est pas sans rappeler l’objectivité des probabilités lors du débat sur l’interprétation de celles-ci. En contrepartie, un risque dit non systématique est un risque arrivant peu souvent ou étant imparfaitement enregistré, de sorte qu’il est difficile à prédire. Par exemple, le risque de fluctuation des prix est un risque systématique, car il peut être prédit et qu’il est répété, alors que le risque de grêle est un risque dit non systématique, car sa survenance est faible et qu’il est très difficile à prévoir.

Cordier et al. (2008, p. 39) et l’OCDE (2009, p. 22) apportent la notion de risque systémique et indépendant. Le risque systématique signifie qu’il affecte plus d’une personne dans une même région. Il a donc un fort degré corrélation entre les individus d’une même région ou d’un même pays. De plus, il peut être positif ou négatif. Dans le secteur agricole, le risque catastrophique est souvent perçu comme un risque systémique (OCDE, 2009, p. 22), car il affecte plus d’une personne à la fois, comme la sécheresse. À l’inverse, le risque, le risque dit idiosyncrasique ou indépendant a un faible taux de corrélation entre les individus. Dans un cadre agricole, ce risque ne touche qu’un agriculteur et il se situe à l’échelle de l’entreprise (OCDE, 2009, p. 24). La figure 1 illustre certains exemples de risques agricoles selon leur degré de corrélation.

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Figure 1

Les différents risques selon leur caractère indépendant ou systémique

Source : Cordier et al., 2008, p.38

Le risque à la baisse

Selon Hardaker et al. (2004, p. 8), le risque à la baisse est un risque dont le résultat est inférieur à ce qui est espéré, lorsque les conditions ne sont pas identiques à celles attendues. Le risque à la baisse est représenté par une distribution des résultats d’un choix risqué inégale, c’est-à-dire que le mode est supérieur à la moyenne. Le risque à la baisse s’obtient également lorsqu’il y a une interaction non linéaire entre plusieurs variables. L’interaction non linéaire signifie qu’une valeur se situant aux extrémités de la distribution obtient le même résultat, c’est-à-dire, qu’un excès ou un manque dans une variable équivaut au même résultat; comme le dit l’expression québécoise « trop, c’est comme pas assez ». Pour mieux illustrer cette notion, Hardaker et al. (2004, p. 9) prennent pour exemple les rendements de culture. Lors d’une saison dite normale, les rendements dépendent de plusieurs variables telles que les précipitations, où peu de précipitations nuisent aux rendements des cultures tout comme la surabondance de pluie. Une saison est dite normale lorsque toutes les variables obtiennent des résultats près de leur valeur espérée et dans ce cas-ci, la saison normale survient peu de fois. Alors, les rendements sont régulièrement inférieurs à ceux attendus, et les résultats des bonnes saisons ne comblent pas les résultats des mauvaises (Hardaker et al., 2004, p. 9).

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Le risque catastrophique

Le risque catastrophique est un risque ayant suscité beaucoup d’intérêt en agriculture, notamment celui occasionné par les aléas climatiques (Boussard, Gérard, et Piketty, 2005, p. 52-53). Celui-ci a peu de chance de survenir et les conséquences sont désastreuses d’un point de vue économique. Il est également associé à un événement engendrant des pertes importantes à toute une région, une communauté ou un pays (OCDE, 2009, p. 22). Dans ce cas, ce risque est à la fois un risque catastrophique et systémique, augmentant ainsi les probabilités d’une défaillance de marché (OCDE, 2009, p. 8). De plus, Cordier et al. (2008, p. 39) qualifient le risque catastrophique de « risque sauvage ». Pour ces auteurs, la production porcine est plus sujette à des « risques sauvages », car elle est plus exposée à des risques ayant peu de chance de survenir, et dont les pertes peuvent être catastrophiques tels qu’une épizootie. Un exemple de risque catastrophique pour la production végétale est une sécheresse.

Le risque catastrophique en agriculture a attiré l’attention des économistes, car il est difficilement assurable et qu’il a légitimé l’intervention de l’État. Toujours selon Cordier et al. (2008, p. 39), un risque assurable est indépendant ou idiosyncrasique, et il doit y avoir la loi des grands nombres. Skee et Barnette (1999, p. 425-426) élaborent davantage. Le risque doit être idiosyncrasique, sa distribution doit être calculée, l’information sur celui-ci doit être accessible et la probabilité doit être bien distribuée. Cependant, très peu de risques agricoles respectent l’ensemble de ces conditions, car il est jugé comme étant systémique, potentiellement très coûteux pour les assureurs et très difficile à réassurer (OCDE, 2009, p. 39). De plus, selon Miranda et Glauber (1997, p. 209), le risque dans les cultures est dix fois plus corrélé que les secteurs d’assurance d’actifs privés conventionnels tels que le risque d’accident automobile ou d’incendie. Cette imperfection de marché légitime l’intervention de l’État selon certains auteurs (Miranda et Gaubler, 1997; Skees et Barnett, 1999; OCDE, 2009).

2.1.5 La typologie du risque agricole

Plusieurs auteurs se sont prononcés sur la classification du risque et chacun d’eux apporte une façon différente de classifier le risque, sans oublier certains auteurs tels que Moschini et al. (2001) qui utilisent le terme incertitude plutôt que risque. Certains les classifient en

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deux catégories (Antón et al., 2011; Bauer et Bushe, 1994; A. Miller et al., 2004), en les discriminant par les risques de production et les risques de marché, ou les risques d’entreprise et les risques financiers, ou les risques reliés à la ferme et ceux reliés au monde extérieur à celle-ci. D’autres vont jusqu’à les classer en sept catégories (Holzmann et Jorgensen, 2001). Néanmoins, tout comme la définition du risque agricole, plusieurs points communs ressortent quant à la façon de classifier le risque agricole.

Le risque de production est un risque lié aux rendements, aux conditions météorologiques, aux ravageurs et aux maladies. Certains auteurs incluent d’autres notions à l’intérieur du risque de production, dont Moschini et al. (2001) et Cordier et al. (2008) avec la notion de la qualité du produit. Pour Cordier, le risque de production s’appelle le risque climatique et sanitaire, tandis que pour Cantin et al. (2003), ce sont les risques dits naturels.

Le risque de marché est le risque lié à la fluctuation des prix des extrants ainsi que des intrants agricoles (Cordier et al., 2008, p. 38; Hardaker et al., 2004, p. 6; OCDE, 2009, p. 23-24). Ce type de risque n’est pas toujours nommé de cette façon, où parfois il est appelé risque de commercialisation par Musser et Patrick ainsi que Baquet et al. (cité dans OCDE, 2009, p.23), ou incertitude des prix par Moschini et al. (2001, p. 90).

Le risque financier est un risque lié à la capacité d’emprunt des exploitants et à leur capacité à honorer les intérêts. Une augmentation des taux d’intérêt ou une augmentation du taux d’endettement augmente donc le risque financier de l’entreprise. Pour Hardaker et al. (2004) et Cordier (2008), la demande de remboursement de crédit imprévue, la variation du taux de change et la possibilité d’emprunt affectent également le risque financier. Musser et Patrick ainsi que Baquet et al. (cité dans OCDE, 2009, p.23) évoquent des aspects beaucoup plus négatifs du risque financier, tel que l’impossibilité de payer ses factures, avoir accès à des liquidités et éviter la faillite.

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Le risque institutionnel et juridique est le risque lié aux pouvoirs publics. Des auteurs tels que Hardaker et al. (2004, p. 6) et Moschini et al. (2001, p. 90) énoncent les notions de paiements de l’État, de subventions et de fiscalité, tandis que des auteurs, tels que Musser et Patrick ainsi que Baquet et al. (cités dans OCDE, 2009, p.23), parlent plutôt de risques juridiques et environnementaux liés à des poursuites judiciaires. Hardaker et al. (2004, p. 6) stipulent que le risque institutionnel imbrique plusieurs autres types de risque, dont le risque politique dit « souverain ». Celui-ci est le risque que certains gouvernements extérieurs ne respectent pas leurs ententes commerciales. Il y a également le risque de relation d’affaires, en lien avec un partenaire d’affaires ou à une organisation. Cordier et al. (2008, p. 38) insistent plutôt sur le risque lié aux changements de politiques ou de régulations agricoles. Pour Cantin et al. (2003, p. 5), ce risque est dit structurel en nommant les différents paliers de politiques agricoles, de l’international au national jusqu’au local.

Le risque humain est lié à tout ce qui touche de près ou de loin aux individus et à la vie sociale de ceux-ci. Il n’est mentionné que par quelques auteurs. Hardaker et al. (2004, p. 6-7) mettent l’accent sur les événements néfastes tels que le décès, le divorce et les maladies. Musser et Patrick ainsi que Baquet et al. (cités dans OCDE, 2009, p.23) évoquent plutôt le risque des ressources humaines ,qui sont les événements liés à la main d’œuvre familiale ou extérieure les empêchant de travailler. Cordier et al. (2008, p. 38) élargissent la définition de ce risque en y incluant des événements néfastes de nature humaine comme le bris, le vol et la destruction d’équipements.

À la suite de l’énumération des différents points communs aux types de risques, la typologie retenue dans le cadre de ce mémoire provient en partie du travail de l’OCDE (2009) « Gestion des risques : une approche holistique » avec une seule modification. Celle-ci prend en compte les différents regroupements des risques agricoles (classé par ligne), tout en les classant selon les personnes touchées par le risque (classé par colonne). L’OCDE (2009, p.24-25) indique qu’il est important pour l’agriculteur de prendre en compte la corrélation des risques, c’est-à-dire si celui-ci touche plus d’un individu à la fois, afin que sa stratégie de gestion des risques soit optimale. Cependant, l’OCDE ne prend en compte que les quatre premiers types de risque et intègre le risque humain parmi les autres. Dans la version ci-dessous, le risque humain est identifié comme étant un risque à part entière.

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Tableau 1

La présentation de certains risques en agriculture selon le type et leur caractère idiosyncrasique ou systémique

Source : Adapté d’OCDE, 2009, p.25

2.2 La gestion du risque

2.2.1 La définition de la gestion du risque

Définir la gestion du risque est aussi ardu que de définir le risque. Harwood et al. (1999, p. 2) définissent la gestion des risques comme étant l’action de choisir parmi les alternatives offertes pour réduire l’effet du risque, pour réduire l’apparition du risque, pour transférer le risque à l’extérieur de la ferme ou pour augmenter la capacité à encaisser le risque, dont la finalité est d’améliorer le bien-être de l’agriculteur. De plus, « la gestion des risques implique une combinaison préférée d’activités avec des résultats incertains ainsi qu’une variance dans le niveau du retour attendu ». À l’instar d’Hardaker et al. (2004, p. 4), les auteurs rapportent que ces stratégies n’impliquent pas nécessairement d’éviter le risque à tout prix, mais d’avoir une combinaison jugée optimale par le preneur de décision entre les différentes combinaisons de risque et de retour sur investissement, le tout selon sa capacité à pouvoir

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encaisser une variation des résultats. Toujours selon les mêmes auteurs, la gestion des risques nécessite une évaluation du pour et du contre, des retours attendus, de la liberté entrepreneuriale, etc.. Pour l’OCDE (2009, p. 29-31), la réponse optimale dépend du producteur, car c’est à lui qu’incombe de choisir la meilleure combinaison de stratégies de gestion des risques selon son degré d’aversion face au risque, les risques liés à sa production ainsi que les mesures gouvernementales.

2.2.2 Les théories sur la gestion du risque

Il existe trois principes de base des stratégies génériques de réduction du risque, qui sont le partage, la mutualisation et la diversification (OCDE, 2009, p. 30). Le partage du risque consiste à impliquer un agent n’étant pas sujet au risque, afin de répartir la possibilité de perte ou de gain. La mutualisation consiste à regrouper différents producteurs ayant un risque similaire avec des probabilités similaires et de partager le résultat. L’avantage est que la variabilité de l’ensemble est plus faible que la variabilité de chacun, dans la mesure où il n’y a pas de corrélation entre eux, c’est-à-dire, que le risque ne les affecte pas tous en même temps. La mutualisation est le principe de base au cœur des compagnies d’assurance. La diversification peut être représentée par le vieil adage qui dit qu’il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Dans la littérature économique, la théorie du portefeuille moderne s’inspire beaucoup de ce principe (Poncet et Portait, 2010, p. 795). Cette théorie consiste à faire une combinaison entre les actifs dits sécuritaires et les actifs risqués afin d’obtenir des gains moyens supérieurs aux actifs sécuritaires et plus stables que les actifs risqués. Dans ce cas, l’agent économique se diversifie par ses activités, ses produits ou sa combinaison d’intrants afin de diminuer la variance seulement si les risques ne sont pas corrélés.

2.2.3 L’attitude face au risque

Les individus ont plusieurs attitudes vis-à-vis du risque, allant d’une aversion, à une indifférence jusqu’à une attirance pour le risque (Hardaker et al., 2004, p. 101). Il est reconnu au travers de la littérature que les individus sont par nature des agents économiques averses aux risques (Hardaker et al., 2004, p. 7). Cette notion est pertinente, car elle influence la prise de décision de l’agriculteur et donc, sa façon de réagir vis-à-vis le risque. L’OCDE (2009, p. 13) élabore davantage en mentionnant que l’application d’une

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stratégie de gestion des risques est fonction de plusieurs facteurs tels que le capital financier, physique et humain, ainsi que l’aversion face au risque.

Dans la théorie de l’utilité espérée, l’aversion face au risque peut être déduite par une courbe d’utilité et lorsque l’incertitude est représentée par une distribution statistique des résultats. Selon Hardaker et al. (2004, p. 100-103), il y a deux types d’aversion face au risque : l’aversion absolue face au risque « ra (w) » et l’aversion relative face au risque « rr (w) ». L’aversion absolue face au risque dépend d’une valeur monétaire et elle ne peut pas être comparable à d’autres aversions, car elles ne sont pas nécessairement toutes exprimées dans la même monnaie. L’aversion relative face au risque corrige cette situation en y neutralisant l’effet de l’unité monétaire, permettant ainsi des comparaisons entre les aversions face au risque des individus. Ces mêmes auteurs ont établi une grille de classification de l’aversion relative face au risque, où un résultat de 0,5 montre que l’agriculteur a une attirance pour le risque, alors qu’un résultat de 1 montre une indifférence face au risque, et un résultat de 4 représente une extrême aversion face au risque. Les aversions absolues et relatives face au risque peuvent être représentées par les équations suivantes, où « w » est la richesse, « U’ (w) » est la dérivée de la fonction d’utilité de la richesse et « U “(w) » en est la dérivée seconde.

" / ′

L’augmentation de la richesse a pour effet de diminuer l’aversion absolue face au risque, tandis que l’effet pour l’aversion relative face au risque n’est pas certain, car les résultats des études diffèrent entre elles (Hardaker et al., 2004, p. 103). Malgré tout, une augmentation de revenu peut diminuer l’aversion face au risque des agriculteurs, si elle s’exprime dans une même monnaie. C’est élément est très pertinent à prendre en compte dans le cadre d’une analyse d’une politique agricole sur la gestion des risques, car cela montre en théorie l’influence d’une politique sur les choix de l’agriculteur, même si celle-ci est dite déliée.

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Une étude récente de Winsen et al. (2011) sur la gestion des risques agricoles a fait ressortir des conclusions différentes quant à l’attitude face au risque. Les auteurs mentionnent que, dans la théorie de l’utilité espérée, l’attitude est perçue comme un trait de caractère stable du preneur de décision. Pourtant, certaines études ont démontré que le contexte économique a une influence sur l’attitude face au risque et Winsen et al. avancent même que la capacité à assumer du risque aurait une influence sur l’attitude face au risque appuyant les affirmations de l’OCDE (2009, p. 13).

2.2.4 Le processus de la prise de décision

Le processus de la prise de décision sur la stratégie optimale explique comment les stratégies de gestion des risques sont sélectionnées par l’agriculteur. Plusieurs auteurs ont leur propre conception du processus de décision comportant plusieurs étapes étant parfois complexes parfois simples.

Le modèle d’Hardaker et al.

Hardaker et al. (2004, p. 14-18) ont conceptualisé une méthode d’opérationnalisation, car ce dernier est une application systématique de procédures afin d’éviter les pertes et de maximiser les opportunités plutôt qu’un modèle reflétant la prise de décision en situation de risque. En d’autres mots, c’est un modèle idéal à appliquer contrairement à un modèle expliquant le raisonnement intuitif de l’agriculteur. Ce modèle comporte sept étapes. La première étape est d’établir le contexte en mettant en lumière la situation de l’entreprise et les objectifs des propriétaires pour leur entreprise. Elle établit aussi le contexte stratégique de l’entreprise et les ressources à sa disposition pour gérer le risque. La deuxième étape identifier les risques fait l’éventail des risques ainsi que leurs conséquences sur l’entreprise. La troisième étape structurer le problème identifie l’ensemble des particularités du risque, tel que la façon dont il survient, les personnes touchées par le risque, les personnes pouvant agir sur le risque, etc. La quatrième étape analyser les options et les conséquences évalue les risques sur leur fréquence de survenir et leur impact sur l’entreprise pour ensuite trouver la meilleure stratégie de gestion des risques. La cinquième étape évaluer et décider juge les options s’offrant aux preneurs de décision en fonction de leur aversion face au risque pour faire le choix optimal. La sixième étape appliquer et gérer met en œuvre la décision et permet de réagir à cette prise de décision, car des événements peuvent changer

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l’environnement et les risques. La dernière étape surveiller et examiner s’exécute tout au long du processus de décision par la vérification de chacune des étapes lorsqu’une nouvelle information s’ajoute tout en étant la recherche constante de nouvelles informations, car le risque est dû principalement à l’imperfection de l’information. L’ensemble des étapes est schématisé dans le graphique suivant :

Figure 2

Le processus de décision en gestion des risques selon Hardaker et al.

Source : Hardaker et al., 2004

Le modèle de Flaten et al.

Le modèle utilisé dans l’étude de Flaten et al. (2005, p. 12-13) est un modèle de prise de décision s’inspirant d’un travail de Van Raaij. Ce modèle explique les liens de rétroaction entre les caractéristiques de la ferme et de son exploitant, ainsi que les perceptions du risque. Le tout se traduisant par un comportement économique, qui sous-entend une stratégie de gestion des risques. Le modèle de prise de décision illustré dans la figure ci-dessous est simple et linéaire. Il n’y a donc aucune rétroaction entre le comportement économique (illustré en B) sur les caractéristiques de la ferme et de son exploitant (illustré en P) ainsi que sur la perception du risque (illustré en E/P). Cependant, le comportement économique doit nécessairement avoir un effet sur les caractéristiques de la ferme et de l’exploitation, car comme il a été expliqué dans la section sur l’aversion face au risque, une augmentation de la richesse — qui est une conséquence positive du comportement économique — provoque un changement de l’attitude face au risque, ce dernier étant une caractéristique de l’agriculteur.

Figure 3

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Le modèle de Meuwissen et al.

Meuwissen, Huirne, et Hardaker (1999, p. 28) élaborent un modèle un peu plus complexe que le précédent. Dans celui-ci, les variables socioéconomiques de la ferme et de l’agriculteur influencent l’ensemble des autres variables, comme l’attitude face au risque, les sources du risque et la gestion du risque. L’attitude face au risque influence les sources de risque, conjointement avec les variables socioéconomiques composant ainsi la perception des sources de risques. Les sources de risques, les variables socioéconomiques et l’attitude par rapport au risque influencent la gestion des risques produisant ainsi la perception de la gestion des risques. Le graphique suivant résume bien les relations entre les différentes variables qui ont été décrites.

Figure 4

Le processus de prise de décision selon Meuwissen et al.

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Le modèle de Winsen et al.

Dans leur étude, Winsen et al. (2011) font ressortir le manque d’études intégrant l’ensemble des aspects dans le comportement par rapport au risque et ils ont construit leur propre modèle. Dans celui-ci, il y a le « risque réel » pouvant être objectivement mesuré et il influence le « modèle mental » composé du risque perçu et de l’attitude face au risque, qui s’influencent mutuellement. L’attitude face au risque est déclinée en quatre attitudes-types plutôt que les trois dénominations usuelles, car, comme il a été expliqué dans la section sur l’attitude face au risque, celle-ci est influencée par l’environnement économique. Les quatre attitudes types face au risque sont : les gestionnaires du risque, les « maximizers », les conservateurs et les pragmatiques. Les « maximizers » sont les personnes attirées par le risque, et pour qui l’espérance des gains surpasse l’espérance des pertes possibles, alors que les conservateurs sont à l’opposé. Le gestionnaire du risque, quant à lui, choisit prudemment entre maximiser son profit et minimiser ses pertes. Pour les pragmatiques, l’important est d’avoir le plus d’options possibles tout en étant neutres face au risque. Le modèle mental comporte également le risque perçu, qui est un transfert d’information imparfait du risque réel. Ce transfert imparfait de l’information signifie que chaque personne a sa façon de percevoir la réalité. Autant l’attitude face au risque que la perception du risque sont influencées par les éléments socioculturels de l’agriculteur, tels que son expérience, sa culture, sa personnalité, son contrôle du comportement perçu, ses croyances, ses habitudes et sa motivation. Le modèle mental mène par la suite au comportement face au risque.

Le comportement face au risque est la réponse de l’agriculteur par rapport aux risques perçus et son attitude vis-à-vis du risque. Son comportement se traduit par une utilisation d’une stratégie de gestion des risques, influençant le risque réel et le résultat du risque. Ce dernier agit sur le modèle mental. En d’autres mots, la perception du risque et l’attitude face au risque fournissent de nouvelles informations, permettant de réduire l’écart entre le risque réel et le risque perçu (Winsen et al., 2011, p. 7). Ce phénomène de rétroaction est illustré par l’exemple d’un parieur de course de chevaux corrigeant sa mise suite aux résultats d’une course. La figure suivante schématise bien les concepts avancés par les auteurs.

Figure 5

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Source : Winsen et al., 2011

De plus, ces auteurs ont une approche différente quant à la relation entre les différents éléments composant le risque. Premièrement, ils apportent la notion d’effet et de conséquence. L’effet est l’impact du risque, alors que la conséquence est un effet ayant une importance pour l’agriculteur (Winsen et al., 2013, p. 45). Deuxièmement, la relation entre les sources d’incertitude, les effets et les conséquences est plus compliquée qu’il n’y parait. Dans la figure suivante, les auteurs comparent la vision dite classique dans le côté « A », où le risque n’est qu’une seule chaine d’événement, avec leur vision dans le côté « B », où le risque est un réseau d’événements incertains. Leur vision du risque est donc multidimensionnelle.

Figure 6

La représentation de la chaine simple et du réseau d’interrelations du risque

Source : Winsen et al., 2013, p.47

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Le modèle de Kahneman (2002) est basé sur les théories psychologiques et il se veut être une alternative à l’approche théorique économique de l’utilité espérée. Cet auteur souligne que la psychologie n’a pas la finesse de l’économie à élaborer des règles, ou en d’autres mots, la philosophie de cette discipline croit qu’il est irréaliste d’appliquer des modèles normatifs des choix et des croyances comme le fait l’économie (Kahneman, 2002, p. 1449). Le modèle de cet auteur est un donc un complément aux différentes théories présentes dans le domaine du risque.

Dans son modèle cognitif, Kahneman (2002, p. 1450-1452) explique deux systèmes : l’intuition et le raisonnement; la perception est incluse dans le système de l’intuition. Pour sa part, l’intuition est rapide et sans effort, comme trouver une blague amusante, alors que le raisonnement est lent et sollicite beaucoup d’effort, comme la résolution d’un problème mathématique. De plus, la ligne séparant l’intuition du raisonnement n’est pas une ligne clairement définie. Kahneman (2002, p. 1450-1451) reconnait que la distinction entre les deux termes peut être floue, car l’intuition peut également être puissante et précise. Par exemple lorsqu’un joueur d’échecs expérimenté prédit un échec et mat en trois coups sans aucun effort, démontrant ainsi l’importance de l’expérience dans le domaine de l’intuition.

La perception et l’intuition génèrent des impressions involontaires sur les caractéristiques de l’objet de la perception ainsi que de la pensée et elles n’ont pas besoin d’être formulées verbalement (Kahneman, 2002, p. 1452). Cependant, le système de l’intuition se distingue de son homologue, car il ne dépend pas d’une présente stimulation et il peut référer à des concepts appris. Le raisonnement, quant à lui, génère des jugements volontaires et explicites, qu’ils soient ouvertement émis ou non (Kahneman, 2002, p. 1452). Les jugements peuvent venir des impressions ou d’un raisonnement délibéré. La figure suivante illustre bien le concept de Kahneman.

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Figure 7

Les trois systèmes cognitifs de Kahneman

Source : Kahneman, 2002, p.1451

Le modèle de Goscik et al.

Le modèle de prise de décision tiré du travail de Gocsik, Saatkamp, de Lauwere, et Lansink (2014) ne porte pas directement sur le risque, mais plutôt sur l’adoption d’une pratique liée au bien-être animal. Ces auteurs ont créé deux groupes de facteurs, dont un concernant les forces internes et un autre sur les forces externes. Les forces externes sont l’ensemble des éléments étant au-delà du contrôle de l’agriculteur : l’économie; les considérations environnementales, sociales, culturelles et démographiques; les aspects politiques, légaux et gouvernementaux; et finalement les options technologiques. Cette classification des forces externes n’est pas sans rappeler la typologie du risque utilisée dans ce mémoire; c’est pour cette raison qu’il est présenté dans cette section. Toujours selon les mêmes auteurs, en plus des forces externes, il y a les forces internes composées de l’agriculteur et de la ferme. L’agriculteur comporte les caractéristiques suivantes telles que les traits de personnalités, les buts sociaux et moraux, la perception du risque et l’attitude face au risque, l’âge de l’agriculteur, le cycle de vie de la famille, le niveau de compétence de l’agriculteur et ses capacités à gérer la nouvelle technologie. La ferme est composée des caractéristiques suivantes : la taille de la ferme, la région, la situation financière et le cycle de vie de la ferme.

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Les auteurs utilisent le cadre théorique de la prise de décision à critères multiples appuyé par les théories en psychologie sociale pour identifier les différentes variables influençant la prise de décision stratégique. Plus particulièrement, les théories en psychologie sociale utilisées sont la théorie du comportement planifié, qui apporte la notion différenciant l’intention du comportement, et la théorie de la stimulation des normes, qui ajoute la notion de normes personnelles à la théorie précédente (Gocsik et al., 2014, p. 294-295). Ces théories permettent de concevoir un modèle concernant la prise de décision illustré dans la figure suivante. Les normes personnelles, l’attitude, les normes subjectives et le contrôle du comportement perçu influencent le comportement directement ou indirectement par l’intention d’un comportement. Les normes personnelles sont les codes moraux d’une personne. L’attitude est l’évaluation du comportement comme étant bon ou mauvais, aimé ou pas aimé, favorable ou défavorable. Les normes subjectives sont l’attitude ou l’opinion des autres par rapport au comportement. Le contrôle du comportement perçu est la perception de l’agriculteur sur sa capacité à agir.

Figure 8

Modèle de prise de décision stratégique de Gocsik et al.

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La conclusion

Après l’éventail des divers modèles de prise de décision, le modèle de Winsen et al. est retenu pour ses explications quant à la rétroaction, où le risque est en perpétuel changement. De plus, ces auteurs expliquent que le risque n’a pas des interactions linéaires, mais qu’il est multidimensionnel, à savoir qu’il faut analyser les risques dans leur globalité et non individuellement. Cette approche du risque n’est pas unique à ces auteurs et elle est appuyée par l’OCDE (2009) ayant une approche semblable dite holistique avec leur ouvrage portant sur la gestion du risque agricole.

2.2.5 La typologie des stratégies de gestion des risques

Tout comme les risques, les stratégies sont nombreuses et les façons de les classer également. Dans le cadre de ce mémoire, deux typologies ont été retenues, celle d’Hardaker pour ses descriptions approfondies et celle de l’OCDE pour son approche plus globale. L’OCDE (2009, p. 30-31) s’inspire des stratégies mises de l’avant par Holzmann et al. (2001, p. 17)et elle va plus loin dans sa vision de la gestion des risques que les stratégies génériques de réduction des risques présentées en début de section. Il est possible de retrouver la diversification et la mutualisation (assurances) à l’intérieur du tableau ci-dessous, mais le partage ne s’y trouve pas. Plus précisément, l’OCDE classe les stratégies de gestion des risques selon leur portée d’actions en colonne (ménage, marché et pouvoirs publics), et en ligne selon les trois types de stratégies (réduction, atténuation et ajustement). Selon ces auteurs, la réduction des risques réduit la probabilité de l’occurrence d’un événement néfaste, tandis que l’atténuation des risques minimise l’impact potentiel d’un événement néfaste. Toujours selon ces auteurs, ces deux types de stratégie ont pour objectif de lisser le revenu, alors que l’ajustement au risque est une méthode pour lisser la consommation des ménages agricoles. Le tableau ci-dessous représente bien la typologie utilisée.

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Tableau 2

La classification des stratégies de gestion des risques selon les types de stratégies et des portées d’actions

Source : OCDE, 2009

La typologie de l’OCDE a parmi de classer les différentes stratégies de gestion de risque dans des catégories rassembleuses. La typologie d’Hardaker et al. (2004, p. 265-286) a été retenue pour la description plus détaillée des différentes stratégies. Étant donné le changement de typologie et d’auteurs, les stratégies ci-dessus ne sont pas toutes décrites dans les paragraphes suivants.

Le choix technologique

Les technologies peuvent influencer le rendement, les revenus ainsi que leur variabilité, telles que le choix d’un mode plus intensif en élevage permettant de ne plus être exposé au risque climatique contrairement au pâturage (Hardaker et al., 2004, p. 272-273). D’autres technologies permettent de diminuer l’effet de certains risques telles que l’irrigation pour pallier le manque de précipitation. Le choix de la technologie est donc une stratégie de gestion des risques liée principalement aux risques de production.

Exploitation ou ménage ou

communauté Marché Pouvoirs publics

Politiques macro‐écononomiques Prévention des catastrophes (lutte contre les inondations…) Prévention des maladies des animaux

Contrat à terme et options Assurance

Intégration verticale Contrats de production et de commercialisation

Étalement des ventes Diversification des investissements financiers Activité non agricole Emprunts auprès de voisins et

membres de la famille Vente d'actifs financiers Paiements au titre des calamités Entraide communautaire Épargne et emprunts aurprès des

banques Aide sociale

Revenus non agricole Tous les programmes d'aide à l'agriculture

Réduction des

risques Choix technologiques

Formation à la gestion des risques Atténuation des risques Ajustement au risque Métayage Diversification de la production

Régime fiscal visant à assurer le lissage du revenu

Programmes contracycliques

Mesures aux frontières et autres en cas d'épizootie

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La diversification

La diversification est une stratégie de gestion des risques s’exprimant par une variété de productions, de localisation de production et de sources de revenus (Hardaker et al., 2004, p. 273-274). Cette méthode cible les risques de production, de marché ainsi que financiers, et elle permet d’assurer un flux constant d’argent pour couvrir les coûts de production, les obligations financières et les besoins familiaux (Baquet, Hambleton, Jose, et Eliason, 1997, p. 6). Cependant, cette méthode peut devenir dispendieuse, car le coût d’opportunité pour la diversification est la spécialisation : la maitrise d’actif supérieur technologiquement et les connaissances liées à un seul marché.

La diversification de production permet de limiter les conséquences d’un événement néfaste, telles que les maladies, les ravageurs, etc. (Hardaker et al., 2004, p. 273). En plus de cet avantage, il y a l’amélioration des rendements et une rotation des cultures plus soutenable, un étalement de la demande de travail et de la machinerie ainsi qu’une rémunération plus étalée dans le temps.

La diversification de production ne règle pas tous les problèmes, car il y a des risques positivement corrélés entre les productions, c’est-à-dire, qu’un risque affecte plus d’une production, par exemple, une sécheresse. Pour gérer ces risques, il y a la diversification de localisation (Hardaker et al., 2004, p. 273-274). En plus des risques de production, une diversification de régions administratives, et même de pays, permet de diversifier le risque de changement de politique.

La diversification des sources de revenus consiste à trouver des sources de revenus autres qu’agricoles, comme le travail extérieur (Hardaker et al., 2004, p. 274). C’est une stratégie de gestion des risques demandant très peu de capital et qui devient une réalité grandissante au Québec (Beaudoin, 2011, p. 2-3). L’investissement dans l’éducation des enfants est une méthode efficace sur le long terme et elle est aussi utilisée dans les pays en voie de développement que dans les pays développés afin de diversifier les revenus familiaux.

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Malgré ses nombreux avantages, la diversification a ses limites lorsque l’État intervient dans la gestion des risques avec des programmes de stabilisation des revenus, ce qui est le cas au Canada selon Antón et al. (2011, p. 29). En effet, l’agriculteur spécialisé perçoit un revenu moyen plus élevé que l’agriculteur diversifié, car il profite d’économies d’échelle. En contrepartie, l’agriculteur spécialisé a une plus grande variabilité de ses revenus que son homologue diversifié, car il est plus à risque. Cependant, les paiements étatiques réduisent l’effet négatif de la spécialisation en indemnisant l’agriculteur lors des mauvaises années et ainsi réduire la variabilité des revenus.

Les contrats de vente

Les contrats de vente sont une catégorie de stratégie de gestion des risques plutôt qu’une seule stratégie. Les contrats englobent la vente par une coopérative, la contractualisation d’intrants ou d’extrants, les contrats de couverture souvent mieux connus sous son appellation anglaise « hedging » sur les marchés à terme et les options. Cet ensemble de stratégies de gestion du risque cible le risque de marché.

La première stratégie de gestion des risques de type contrat de vente s’appelle la mise en commun des prix, mieux connue sous la forme anglaise « Price Pooling » (Hardaker et al., 2004, p. 279-280). Les auteurs mentionnent que les coopératives et les agences de vente sont les deux seules méthodes pour y arriver. Le principe consiste à organiser les producteurs sous une seule entité pour obtenir un prix moyen des ventes, afin de lutter contre les fluctuations des prix à court terme. Les avantages sont de se protéger contre les fluctuations des prix à court terme et de profiter d’une économie d’échelle externe (Investopedia, 2013). Cependant, les auteurs mentionnent que les avantages s’atténuent par les coûts administratifs.

La deuxième stratégie de gestion des risques de type contrat de vente s’appelle la contractualisation (Hardaker et al., 2004, p. 280) consistant à passer un contrat entre un vendeur et un acheteur afin de déterminer le prix à l’avance. La contractualisation se fait autant pour les cultures que pour les produits d’élevage. En production végétale, les contractants peuvent s’entendre sur le prix des biens agricoles avant même la récolte, soit

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