Fonction L p-adique d'une forme modulaire
Mémoire
Cédric Dion
Maîtrise en mathématiques - avec mémoire
Maître ès sciences (M. Sc.)
Résumé
L'objectif de ce mémoire est de donner la construction de la fonction L p-adique associée à une forme modulaire en suivant l'exposition de [MTT86] et d'étudier les coecients du développement en série de puissances de cette fonction. Dans le chapitre 1, nous introduisons les nombres p-adiques. Le corps des nombres p-adiques est déni de manière arithmétique et est un outil important en théorie des nombres. Nous étudierons également les fonctions dont le domaine est les p-adiques et les distributions p-adiques. Ensuite, nous verrons les notions de base sur les formes modulaires et nous présenterons leur fonction L complexe. Dans le chapitre 2, nous construirons une distribution p-adique µf attachée à une forme modulaire
f avec la propriété que cette dernière interpole les valeurs de la fonction L complexe de f. Par la suite, nous dérivons l'équation fonctionnelle pour la fonction L p-adique obtenue par la distribution µf. Finalement, dans le chapitre 3, nous démontrerons des conséquences de
l'équation fonctionnelle. Certains résultats de ce chapitre sont nouveaux et ont été publiés dans [DS19].
Table des matières
Résumé ii
Table des matières iii
Remerciements iv Introduction 1 1 Notions préliminaires 3 1.1 Analyse p-adique . . . 3 1.1.1 Nombres p-adiques . . . 3 1.1.2 Extensions de Qp . . . 7
1.1.3 Fonctions et distributions p-adiques . . . 9
1.2 Formes modulaires . . . 12 1.2.1 Dénitions . . . 13 1.2.2 Opérateurs de Hecke . . . 15 1.3 Caractères de Dirichlet . . . 19 1.4 Fonctions L complexes . . . 23 2 Fonctions L p-adiques 25 2.1 Symboles modulaires . . . 25 2.1.1 Dénition . . . 25
2.1.2 Action des opérateurs de Hecke . . . 28
2.1.3 Convolutions . . . 30
2.2 Construction de Lpf,s . . . 32
2.3 Équation fonctionnelle . . . 38
2.4 Périodes et valeurs d'interpolation . . . 41
2.5 Le cas pSap . . . 44
3 Conséquences de l'équation fonctionnelle 50 3.1 Coecients directeurs et sous-directeurs . . . 51
3.2 Invariants d'Iwasawa . . . 56
Conclusion 59
Remerciements
Je tiens d'abord à remercier mon superviseur Antonio Lei pour son encadrement, ses précieux conseils et sa passion pour les mathématiques. Sans lui, ce mémoire n'aurait pas pu être complété. Je remercie également Florian Sprung d'avoir accepté de collaborer au projet qui a mené à l'écriture de l'article [DS19]. Je remercie Cassandra De Blois pour son support continu. Je remercie le département de mathématiques et de statistique de l'Université Laval pour avoir fourni un environnement propice à l'écriture de ce mémoire. Finalement, je remercie les fonds de recherche nature et technologie du Québec ainsi que le conseil de recherche en sciences naturelles et génie du Canada pour le support nancier accordé lors de ma maîtrise.
Introduction
La conjecture de Birch et Swinnerton-Dyer est un important problème ouvert en mathéma-tiques. Cette conjecture prédit que le premier coecient non nul du développement de Taylor de la fonction L complexe associée à une courbe elliptique peut être exprimé en fonction d'in-variants arithmétiques de la même courbe elliptique. Les travaux d'Amice et Vélu [AV75] en 1975 ont montré qu'il est possible de construire un analogue p-adique de la fonction L complexe d'une courbe elliptique ou, plus généralement, de la fonction L complexe d'une forme modu-laire. Par la suite, en utilisant la fonction d'Amice-Vélu, Mazur,Tate et Teitelbaum [MTT86] ont formulé une version p-adique de la conjecture de Birch et Swinnerton-Dyer. Celle-ci relie plutôt le premier terme non nul de la fonction L p-adique à la valuation p-adique de certains invariants d'une courbe elliptique.
Soit H z x iy > C y A 0 le demi-plan supérieur de Poincaré. Une forme modulaire f de poids k pour le groupe SL2Z est une fonction holomorphe f H C respectant une
condition de croissance et une propriété d'invariance par rapport à SL2Z. Pour une forme
modulaire f xée, il est possible de dénir des symboles modulaires par la formule λfP ; a,m 2πi S
a~m
ª fzP mz adz
où P est un polynôme de degré plus petit ou égal à k 2. La fonction L p-adique que nous voulons construire est en fait une distribution (une mesure non bornée) sur le groupe des entiers p-adiques Zp. Les ensembles ouverts et compacts de Zp étant de la forme a pvZp, une
approche naïve pour construire une telle distribution serait de poser µa pvZp λf0; a,pv 2πi S
a pv
ª fzdz.
Or, déni ainsi, µ n'est pas une distribution. En particulier, si l'ensemble U est la réunion disjointe d'ensembles Vi, µU x P µVi. Nous verrons dans le chapitre 2 comment modier
la dénition de µ an d'obtenir une distribution. Nous montrons qu'à partir de µ, il est pos-sible de dénir une fonction p-adique analytique Lpf,s en intégrant les caractères de Zp par
La fonction L p-adique interpole certaines valeurs spéciales des convolutions de la fonction L complexe par des caractères de Dirichlet. Par exemple,
Lpf,1 ep Lf,1
où ep est un facteur d'interpolation explicite. Cette propriété donne un lien entre la théorie
complexe et la théorie p-adique. De plus, en imposant certaines conditions sur f, la fonction L p-adique satisfait une équation fonctionnelle de la forme
Lpf,s gsLpf,2 s.
La symétrie de la fonction Lpf,s autour de l'axe s 1 donne lieu à plusieurs phénomènes
intéressants. Par exemple, en utilisant l'équation fonctionnelle, il est possible de montrer que le premier coecient non nul dans le développement de Taylor de Lpf,s est un multiple du
deuxième coecient non nul. Plus précisésment, en écrivant
Lpf,s ams 1m am1s 1m1
où m est l'odre d'annulation de Lpf,s en s 1, on obtient
am1
1
2logp`Qe am.
Il s'agit du théorème 3.1.4 démontré par Bianchi [Bia19]. Au théorème 3.1.6, nous adaptons la démonstration de Bianchi au cas des fonctions L p-adiques plus et moins dénies par Pollack [Pol03]. Finalement, nous montrons que le µ-invariant et le λ-invariant de Lpf,ψ,s sont
Chapitre 1
Notions préliminaires
1.1 Analyse p-adique
Cette section présente un bref résumé des notions d'analyse p-adique qui nous seront néces-saires. Nous rappellerons la dénition des nombres p-adiques et nous verrons quelques proprié-tés des fonctions p-adiques et des distributions p-adiques.
1.1.1 Nombres p-adiques
Pour motiver cette sous-section, nous rappelons la construction des nombres réels. On considère la norme Y Y induite par la valeur absolue classique sur les nombres rationnels. C'est-à-dire, pour x > Q, YxY SxS. L'espace des nombres rationnels muni de la métrique induite par Y Y n'étant pas complet, on peut le compléter on considérant l'ensemble des suites de Cauchy modulo la relation d'équivalence an bn si et seulement si San bnS 0 lorsque n tend
vers l'inni. La complétion de Q par cette procédure donne l'ensemble des nombres réels R. Les nombres p-adiques sont construits de façon similaire, mais en complétant Q par rapport à une autre norme.
Dénition 1.1.1. Soit p un nombre premier. Pour n > Z0, on dénit la valuation p-adique de n par la relation n pvpnm où p Ñ m. On pose v
p0 ª.
La valuation p-adique de n est donnée par la plus grande puissance de p divisant n. On étend la dénition de vp aux nombres rationnels a~b > Q où a et b sont des entiers copremiers en
laissant vpa~b vpa vpb.
Dénition 1.1.2. On dénit une norme sur Q par SxSp pvpx si x x 0 et SxSp 0 si x 0.
Proposition 1.1.3. S Sp est bel et bien une norme et satisfait l'inégalité ultramétrique
avec Sx ySp maxSxSp,SySp si SxSpx SySp.
Démonstration. La preuve est donnée dans [Kob84, page 2]. Ì Une norme qui satisfait l'inégalité ultramétrique s'appelle une norme non archimédienne. Lemme 1.1.4. Soit xn b Q une suite. Alors, xn est une suite de Cauchy par rapport à
la norme p-adique si Sxn1 xnSp 0 lorsque n ª.
Démonstration. Soit ε A 0. Alors il existe N tel que Sxn1 xnSp @ ε pour tout n C N. Soit
N @ n @ m. Alors,
Sxm xnSp Sxm xm1 xm1 xm2 xn1 xnSp
B maxSxm xm1Sp,Sxm1 xm2Sp, . . . ,Sxn1 xnSp
@ ε
par l'inégalité ultramétrique. Ì
Comme c'était le cas pour la valeur absolue S S, Q muni de la métrique induite par S Sp n'est
pas complet. En eet, supposons que p x 2,3 et considérons la suite xn ap
n
où 1 @ a @ p 1 est xé. Alors, xn1 xn ap
n1
apn
apnapnp1 1. Or, par le petit théorème de Fermat, apnp1 1 mod pn1. Ainsi, Sapnp1 1Sp B pn1 et la suite xn est donc une suite de
Cauchy. Supposons que xn x> Q. On remarque que xp x par la dénition de notre suite
xn. Il suit que x 1 ou 0. Puisque SxnSp 1 pour tout n, il suit que x ne peut pas être
égal à 0. De plus, comme apn
a mod p et que a ~ 1 mod p, car 1 @ a @ p 1, il suit que xn 1 ~ 0 mod p. Donc, x x 1. On conclut que x ¶ Q. Cet argument peut être adapté aux
cas où p 2 et p 3.
Nous supposerons dès maintenant que p est toujours un nombre premier impair xé. Cela aura pour eet de simplier l'exposition puisque, lorsque p 2, l'énoncé de plusieurs théorèmes doit être modié.
Dénition 1.1.5. On dénit le corps des nombres p-adiques Qp comme étant le complété de
Q par rapport à la norme p-adique. C'est-à-dire
Qp xn xn> Q et xn est une suite de Cauchy par rappport à S Sp~
où xn yn si et seulement si Sxn ynSp 0.
Le fait que Qp est un corps peut être montré en utilisant les propriétés générales du complété
d'un corps normé. Il existe une inclusion naturelle de Q dans Qpdonnée par x ( x,x,x,x, . . ..
On étend la norme à Qp en posant SxnSp limn ªSxnSp. Cette limite existe et ne dépend
Dénition 1.1.6. L'anneau des entiers p-adiques est Zp x > Qp SxSp B 1 et les unités
p-adiques sont les éléments de l'ensemble Zp x > Zp SxSp 1.
Comme il n'est pas toujours évident de travailler avec cette dénition des nombres p-adiques, la proposition suivante nous donne une manière plus concrète de visualiser ces nombres. Proposition 1.1.7. Il existe une bijection entre Qp et l'ensemble
Qª
i m
aipi ai> 0,1, . . . ,p 1, m > Z¡ .
Sous cette bijection, les entiers p-adiques correspondent à Qª
i 0
aipi ai> 0,1, . . . ,p 1¡ .
Démonstration. Voir [Kob84, page 11, Theorem 2] et la discussion qui s'ensuit. Ì
À partir de maintenant, nous verrons donc un élément x > Qp comme étant donné par une
somme en base p innie. Si x Pª
i maipi, alors la valuation de x est simplement donnée
par le premier indice non nul. Par exemple, pour x 4 53 2 54 56 dans Z
5, on a que
v5x 3. Pour x,y > Zp, on écrira x y mod pnsi xy > pnZp. Si x et y sont des entiers, cette
dénition correspond à la notion habituelle de congruence dans Z. De plus, Z
p est donné par
l'ensemble des entiers p-adiques avec a0x 0. Nous avons également l'application Zp Z~pnZ
de réduction modulo pn pour tout n en envoyant Pª
i 0aipi sur la somme partielle Pni 01aipi.
Le but du reste de cette sous-section sera d'examiner plus en détail la structure de l'anneau Zp. Pour y arriver, nous allons avoir besoin du lemme de Hensel. Ce résultat permet de trouver
des solutions aux équations polynomiales dans Zp en cherchant plutôt des solutions dans un
corps ni Fp.
Lemme 1.1.8 (de Hensel). Soit fx c0 c1x cnxn un polynôme dans Zp x et soit
fx c1 2c2x n 1cnxn1 sa dérivée formelle. Supposons qu'il existe a0 un entier
p-adique tel que fa0 0 mod p, mais que fa0 ~ 0 mod p. Alors, il existe un unique entier
p-adique a tel que fa 0 et a a0 mod p.
Démonstration. Il s'agit d'un argument similaire à la démonstration de l'algorithme de Newton
et est donné dans [Kob84, page 16, Theorem 3]. Ì
Un corollaire de ce lemme est que Zp contient les p 1-ième racines de l'unité. En eet, soit
fx xp1 1. Par le petit théorème de Fermat, pour a > 1,2, . . . ,p 1, on a que fa 0 mod p. Aussi, fa p1ap2 ~ 0 mod p. Par le lemme de Hensel, il existe un unique entier
p-adique satisfaisant xp1 1et étant congru à a. Comme on avait p1 choix possibles pour
a, on conclut que toutes les p 1-ième racines de l'unité sont dans Zp. On note par µp1
l'ensemble des p 1-ième racines de l'unité.
On dénit le relèvement de Teichmüller Z~pZ µ
p1 ` Zp par l'application qui envoie
a> Z~pZà l'unique racine p 1-ième congrue à a modulo p. On dénit aussi le caractère de Teichmüller ω Zp µp1` Zpcomme étant la composition de l'application de réduction
modulo p avec le relèvement de Teichmüller. C'est-à-dire, si a > Z
p, on réduit a modulo p pour
obtenir un élément de Z~pZ puis on applique le relèvement. Pour toute unité p-adique a,
ωa est donc l'unique racine p 1-ième de l'unité avec la propriété que a ωa mod p. Finalement, on dénit l'application ` e Z
p 1 pZp par `ae ωaa .
Proposition 1.1.9. Les applications ω et ` e sont des homomorphismes de groupes et induisent l'isomorphisme
Zp Z~pZ 1 pZp
a( a, a~ωa, où a est la réduction de a modulo p.
Démonstration. Nous montrons d'abord que ω est un homomorphisme. Soit a,b > Z
p. Alors,
ωab est l'unique élément de µp1 congru à ab modulo p. ωa et ωb sont respectivement
les racines congrues à a et b modulo p. Ainsi, ωaωb ab mod p ce qui implique que ωaωb ωab mod p. Or, il y a une seule racine p 1-ième par classe de congruence modulo p par le lemme de Hensel. On conclut que ωab ωaωb.
Le fait que ` e soit un homomorphisme suit directement du fait que ω l'est. Supposons maintenant que a ( 1,1. Cela implique que a 1 et a
ωa 1. La première égalité
nous dit que ωa 1 et donc a 1 par la deuxième égalité. Ainsi, l'application considérée est injective. Pour la surjectivité, considérons l'élément a,b > Z~pZ 1 pZp. Nous
armons que ωab est une préimage pour cet élément. En eet, ωab a, car b 1 mod p et ωab
ωωab
ωab ωωaωb
ωab
ωa b. Donc, l'application est un isomorphisme. Ì
Dénition 1.1.10. Un groupe topologique G est dit topologiquement cyclique s'il existe γ > G tel que la fermeture du sous-groupe engendré par γ est G. Un tel γ s'appelle un générateur topologique de G.
Proposition 1.1.11. Le groupe des entiers p-adiques Zp, est topologiquement cyclique.
Démonstration. Nous montrons que 1 est un générateur topologique de Zp. D'abord, nous
avons que `1e Z. Pour montrer le résultat, il sut de montrer que Z est dense dans Zp.
Soit donc x Pª
i 0aipi> Zp. Alors, la suite d'entiers Pi 0N aipiN>N tend vers x et le résultat
Il existe aussi une construction plus algébrique des nombres p-adiques que nous détaillons ci-bas. Considérons le système dirigé Z~pnZ muni des applications de transition Z~pnZ
Z~pn1Zdonnées par la réduction modulo pn1. Alors, les entiers p-adiques Zp sont obtenus en
prenant la limite inverse limÐZ~pnZ. Sous cette construction, Z
p limÐZ~pnZ. Finalement,
Qp est donné par le corps de fractions de Zp. Un groupe donné par une limite inverse de
groupes nis s'appelle un groupe proni.
1.1.2 Extensions de Qp
Dans les prochaines sections, nous allons nous intéresser à des solutions de certaines équations polynomiales. Par exemple, nous allons considérer les racines du polynôme de Hecke fX X2 apX pk1 qui sera déni dans la section sur les symboles modulaires. Or, Qp n'est pas
algébriquement clos. Pour s'en convaincre, considérons le polynôme pX X2 n où n est
un entier tel que 0 @ n @ p et n n'est pas un carré modulo p. Un zéro de ce polynôme est une racine carrée de n. Supposons qu'une telle racine existe. Nous pouvons supposer que cette racine est dans Zp par le lemme de Gauss. Donc, n pm u2 pour un certain u > Zp et m C 0.
On remarque immédiatement que m 0, car sinon n 0 mod p ce qui contredit que 0 @ n @ p. Donc,
n u2 a0 a1p a2p2 . . .2> a20 pZp.
La réduction modulo p donne n a2
0mod p ce qui contredit le fait que n n'est pas un carré
modulo p. On conlut que les racines de pX ne sont pas dans Qp. Cela nous amène vers
l'étude des extensions de Qp.
Proposition 1.1.12. Soit L~Qp une extension nie. Alors, il existe une unique norme non
archimédienne S S sur L qui étend la norme S Sp de Qp. De plus, pour α > L, celle-ci est donnée
par
SαS SNL~QpαS
LQp1
p .
Démonstration. Il s'agit de [Kob84, page 61]. Ì
Cela nous donne du même coup une valuation v sur L qui étend celle de Qp en posant
vα logpSαS. Ici, logp est le logarithme en base p à ne pas confondre avec le logarithme
p-adique de la prochaine section. Notons par n le degré de L~Qp. L'image de L sous v est
contenue dans 1
nZ. Comme l'image de v est un sous-groupe additif non trivial de 1
nZ, l'image
est de la forme 1
eZpour un certain entier e qui divise n. Ce e est appelé l'indice de ramication
de L~Qp. Un élément π > L qui satisfait vπ 1e est appelé un uniformisant de L. L'anneau
des entiers de L est l'ensemble
et le corps résiduel de L est OL~π.
Proposition 1.1.13 (Lemme de Hensel généralisé). Soit fX > OL X et supposons qu'il
existe k > OL~π tel que fk 0 mod π, mais fk x 0 mod π. Alors, il existe a > OLtel que
fa 0 et a k mod π.
Démonstration. Voir [Lan94, page 42 proposition 2]. Ì
Soit Qpune clôture algébrique de Qp. Comme Qp est l'union de toutes les extensions nies de
Qp, on a une unique norme sur Qp qui étend celle de Qp. Pour α > Qp, celle-ci est donnée par
SαS SNQpα~QpαS
QpαQp1
p .
Cependant, il est possible de montrer que Qp n'est pas complet.
Proposition 1.1.14. Le corps normé Qp n'est pas complet.
Démonstration. Soit α Pª
n 1anpn où an 1si pSn et an ζnune racine n-ième primitive de
l'unité si p Ñ n. Alors,
SanpnS SpnS pn,
car SζnSn 1 implique que SζnS 1 puisque S S est à valeurs dans Q. Donc, anpn 0 lorsque
n ª. Supposons que Qp est complet. Alors, α converge vers un élément de Qp (ce résultat est démontré dans le lemme 1.1.15 de la section suivante). En particulier, α > L, une extension nie de Qp. Soit π un uniformisant de L. On montre par récurrence que an> L pour tout n.
D'abord, a1 ζ1 1> L, donc le cas de base est vérié. Supposons maintenant que an> L pour
tout n @ m. Sans perte de généralité, on suppose que p Ñ m, car sinon am 1 est clairement
dans L. On aura donc que
β pmα
m1
Q
n 1
anpn > L.
Mais, β amPnAmanpnm. Donc, am ζm β mod pOL. Cela implique que βm 1 mod πOL.
Autrement dit, β mod π satisfait le polynôme fX Xm 1 mod π. De plus, fβ mod π
mβm1mod πx 0 mod π, car p Ñ m, donc π Ñ m. Par le lemme de Hensel généralisé, toutes les racines de Xm 1 sont dans O
L. Ainsi, ζm am > L. Par récurrence, an > L pour tout
n. C'est une contradiction, car si q est un nombre premier, le polynôme minimal de ζq est le
polynôme d'Eisenstein Xq1 Xq2 . . . X 1 et Q
pζq est une extension de degré q 1.
Ainsi, pÑnQpζn est une extension de degré inni, mais L est de degré ni. On conclut que
Comme nous avons passé de Q à Qp, nous pouvons compléter Qp pour obtenir Cp, le corps des
nombres complexes p-adiques. Heureusement, il s'agit d'un corps algébriquement clos [Kob84, page 72 theorem 13]. Si x xn > Cp, la norme de x est donnée par SxS limn ªSxnS. On note
OCp x > Cp SxS B 1 l'anneau des entiers de Cp.
1.1.3 Fonctions et distributions p-adiques
Nous présentons d'abord deux lemmes qui nous serviront à étudier les fonctions d'une variable p-adique.
Lemme 1.1.15. Soit an une suite dans Qp, ou plus généralement, dans un corps
ultramé-trique complet. Supposons que an 0. Alors, la série Pªn 0an converge.
Démonstration. Par dénition de la convergence de séries, nous devons montrer que la suite des sommes partielles converge. Soit N A M. Par l'inégalité ultramétrique,
WQN n 0 an M Q n 0 anW p B maxSaNSp,SaN1Sp, . . . ,SaM1Sp 0,
car an 0. Ainsi, la série converge. Ì
Lemme 1.1.16. La valuation p-adique de n! est Pª k 1pnk.
Démonstration. Il s'agit de compter tous les multiples de p entre 1 et n. On remarque également
que la somme est en fait une somme nie. Ì
Dénition 1.1.17. Le logarithme p-adique est déni par la série de puissances logp1 x ª Q n 1 1n1xn n .
Remarque 1.1.18. Attention de ne pas confondre logp avec le logarithme en base p. À partir
de maintenant, logp fera toujours référence au logarithme p-adique.
Proposition 1.1.19. logp1 x converge sur x > Zp SxSp@ 1.
Démonstration. Soit x > Zp tel que SxSp@ 1. Donc, x est de la forme pa pour un certain a > Zp.
La valuation des termes de la suite est égale à vp1
n1pan
n n1 vpa vpn. Or, vpn croît comme logn ce qui nous donne que vp1
n1pan
n tend vers l'inni. Par le
Dénition 1.1.20. L'exponentielle p-adique est la série de puissances exppx ª Q n 0 xn n!. Proposition 1.1.21. exppx converge sur x > Zp SxSp@ 1.
Démonstration. Soit x tel que dans l'énoncé, c'est-à-dire, x pa pour un certain a > Zp. Nous
avons vppan~n! n1 vpa ª Q k 1 n~pk C n n 1 p 1 p2 n n p 1.
Par le lemme 1.1.15, expp converge sur l'ensemble voulu. Ì
Comme dans le cas réel, logp est l'inverse de expp et ces deux fonctions satisfont les propriétés
standards logpxy logpxlogpy et exppxy exppx exppy. De plus, ces fonctions
induisent un isomorphisme Zp, 1 pZp,. Pour a > 1 pZp, soit ax exppx logpa la
fonction puissance.
L'espace métrique Qp possède une base d'ensembles ouverts de la forme a pnZp x > Qp
Sx aSp B 1~pn pour a > Qp et n > Z [Kob84, page 30]. Ces ensembles sont aussi fermés, car
leur complément est aa pnZp où a parcourt les éléments de Qp tels que a¶ a pnZp.
Proposition 1.1.22. Zp est compact.
Démonstration. Comme nous travaillons dans un espace métrique, il sut de montrer que toute suite de Zp possède une sous-suite convergente. Soit xn ` Zp avec
x1 ª Q n 0 a1,npn, x2 ª Q n 0 a2,npn, x3 ª Q n 0 a3,npn, . . .
Puisque ai,1 > 0,1, . . . ,p 1, il y a une valeur dans cet ensemble qui apparaîtra pour une
innité de ai,1, disons que cette valeur est a0. On choisit donc la sous-suite des éléments dont
le développement p-adique commence par a0. Par le même raisonnement, le deuxième terme
des membres de cette sous-suite ai,2 prendra une innité de fois la même valeur, disons a1. On
en extrait tous les termes qui prennent la valeur a2 au deuxième terme de leur développement
p-adique pour construire une sous-sous-suite. On construit ainsi par récurrence une sous-suite de la suite originale qui converge vers l'entier p-adique a0 a1p . . .. Ì
On déduit que les ensembles de la forme a pnZ
p sont compacts, car les applications de
translation x ( a x et de multiplication x ( pnx sont continues. Finalement, toute réunion
Dénition 1.1.23. Une fonction f Zp Qp est dite localement constante si pour tout point
x > Zp, il existe un voisinage U de x tel que fU est un singleton. On note par LCZp
l'ensemble des fonctions localement constantes sur Zp.
Les fonctions localement constantes joueront les mêmes rôles que le fonctions étagées pour dénir l'intégration p-adique.
Dénition 1.1.24. Pour n C 0 et a > Zp, la fonction caractéristique de a pnZp est
l'appli-cation χapnZ p Zp 0,1 donnée par χapnZpx 0 si x ¶ a p nZ p et χapnZ px 1 si x> a pnZp.
Proposition 1.1.25. Soit f Zp Qp une fonction localement constante. Alors, f est une
combinaison nie Qp-linéaire de fonctions caractéristiques.
Démonstration. Soit x > Zp. Puisque f est localement constante, il existe un voisinage apnZp
de x tel que pour tout y > a pnZ
p, fy 1 c χapnZ
py c pour une certaine constante
c> Qp. Considérons maintenant le recouvrement ouvert Vi ai pniZp de Zp où, pour
chaque xi > Zp, Vi est un voisinage de xi où f prend la valeur constante ci. Comme Zp est
compact, il existe un sous-recouvrement ni de ce recouvrement, disons UiNi 1. Donc,
fx α1χU1x α2χU2x αNχUNx
pour certaines constantes α1,α2, . . . αN. Ì
Dénition 1.1.26. Une distribution p-adique sur Zp est un homomorphisme Qp-linéaire de
l'espace LCZp vers Qp. Si f > LCZp et µ est une distribution p-adique, alors on écrit R fµ
pour la valeur de µ évalué en f.
De manière équivalente, on peut dénir une distribution p-adique µ comme étant une appli-cation additive de l'ensemble des ensembles ouverts et compacts de Zp vers Qp. La propriété
d'être additive veut dire que si U est l'union disjointe de U1,U2, . . . Un, alors µU Pnk 1µUk.
Étant donnée une distribution µ selon la première dénition, on obtient une application ad-ditive en posant µU R χUµ. Réciproquement, étant donnée une application additive µ, on
obtient un homomorphisme Qp-linéaire sur LCZp en posant R χUµ µU.
Proposition 1.1.27. Toute application µ de l'ensemble des compacts ouverts de X ` Zp vers
Qp qui satisfait la propriété
µa pnZp p1 Q b 0 µa bpn pn1Zp pour tout a pnZ
Démonstration. Voir [Kob84, page 32]. Ì Dénition 1.1.28. Une distribution p-adique µ sur X est une mesure s'il existe une constante B> R telle que SµUSpB B pour tout ensemble ouvert et compact U ` X.
L'avantage d'avoir une mesure est que l'intégrale d'une fonction continue peut être dénie à l'aide des sommes de Riemann. Cela n'est pas toujours le cas pour les distributions p-adiques. Soit f une fonction continue (la dénition de la continuité est par rapport à la norme p-adique) et soit Sn,xa,n Q 0BaBpn apnZp S fxa,nχapnZ pxa,nµ,
où xa,n est choisi dans l'ensemble a pnZp.
Théorème 1.1.29. Les sommes de Riemann Sn,xa,n convergent vers une limite dans Qp qui
ne dépend pas des choix de xa,n.
Démonstration. Voir [Kob84, page 40]. Ì
Ce théorème motive la dénition suivante.
Dénition 1.1.30. Si f Zp Qp est une fonction continue et µ est une mesure, on dénit
R fµ comme la limite des sommes de Riemann Sn,xa,n.
Dénition 1.1.31. Soit U b Zp un ensemble ouvert. Une fonction f U Cp est dite
localement analytique s'il existe un recouvrement de U par des compacts ouverts Ui aipviZp
tel que, sur chaque Ui, f est donnée par une série de puissances convergente
fx Q
nC0
bnx ain
à coecients dans Cp.
Par exemple, les fonctions localement constantes, la fonction logp et la fonction expp sont
localement analytiques. Nous verrons plus tard que les homomorphismes continus de Z p dans
Cp sont aussi des fonctions localement analytiques.
1.2 Formes modulaires
Dans cette section, nous résumons les résultats importants concernant les formes modulaires en suivant le livre de Diamond-Shurman [DSS05]. Les formes modulaires sont des fonctions du demi-plan complexe supérieur satisfaisant des propriétés d'invariances par rapport à un sous-groupe de transformations matricielles.
1.2.1 Dénitions
Dénition 1.2.1. On dénit le groupe modulaire SL2Z comme étant le groupe des matrices
2 2 à coecients dans Z dont le déterminant est 1 : SL2Z ¢¨¨¦¨¨ ¤ <@ @@ @> a b c d =A AA A? a,b,c,d > Z, ad bc 1 £¨¨ §¨¨ ¥ .
Dénition 1.2.2. On notera le demi-plan complexe supérieur par H z > C Imz A 0.
On dénit maintenant une action de SL2Z sur H par γz azczdb où γ
<@ @@ @> a b c d =A AA A?> SL2Z et z> H. Il est possible de montrer que pour de tels z et γ, γz > H et l'action ainsi dénie est une action de groupes.
Dénition 1.2.3. Soit k un nombre naturel. On dira qu'une fonction méromorphe f H C est faiblement modulaire de poids k si
fγz cz dkfz pour γ <@@@ @> a b c d =A AA A?> SL2Z et z > H.
En particulier, comme la matrice <@@@ @> 1 1 0 1 =A AA A? est un élément de SL2Z, on a fz 1 fz pour toute fonction f faiblement modulaire de n'importe quel poids. Ainsi, f possède un développement de Fourier de la forme fz Pn>Zanqn où q e2πiz. Remarquons également
qu'il n'existe pas de fonction faiblement modulaire non nulle de poids impair. En eet, on a fz 1kfz en considérant la matrice<@@@ @> 1 0 0 1 =A AA A?> SL2Z.
Dénition 1.2.4. On dira d'une fonction faiblement modulaire qu'elle est holomorphe à l'in-ni si elle possède un développement de Fourier de la forme fz Pª
n 0anqn ou, de manière
équivalente, si limImz ªfz existe (voir [DSS05, page 3]).
Dénition 1.2.5. Soit k un nombre naturel. Une fonction f H Cest une forme modulaire de poids k si
(1) f est holomorphe sur H,
(2) f est faiblement modulaire de poids k, (3) f est holomorphe à l'inni.
Dénition 1.2.6. Une forme parabolique de poids k est une forme modulaire de poids k dont le premier coecient de son développement de Fourier est nul :
fz
ª
Q
n 1
anqn.
L'ensemble des formes paraboliques de poids k par rapport à SL2Z est noté SkSL2Z.
L'espace vectoriel SkSL2Z est un sous-espace vectoriel de MkSL2Z.
Il peut être intéressant de considérer des fonctions qui sont faiblement modulaires par rapport à un sous-groupe Γ de SL2Z. Comme Γ est inclu dans SL2Z, la condition d'être faiblement
modulaire par rapport à Γ est moins restrictive que la condition d'être faiblement modulaire pour SL2Z. Ainsi, on aura plus de formes modulaires pour Γ. On donne maintenant la
dénition précise de cette idée.
Dénition 1.2.7. Soit N un nombre naturel. Le sous-groupe de congruence principal de niveau N est ΓN ¢¨¨¦¨¨ ¤ <@ @@ @> a b c d =A AA A?> SL2Z <@ @@ @> a b c d =A AA A? <@ @@ @> 1 0 0 1 =A AA A? mod N £¨¨ §¨¨ ¥ où les congruences sont considérées entrée par entrée.
Dénition 1.2.8. Un sous-groupe Γ de SL2Z est un sous-groupe de congruence si ΓN b Γ
pour un certain N > N. Dans ce cas, on dit que Γ est un sous-groupe de niveau N.
Voici deux types de sous-groupes de congruence que nous allons rencontrer par la suite :
Γ0N ¢¨¨¦¨¨ ¤ <@ @@ @> a b c d =A AA A?> SL2Z <@ @@ @> a b c d =A AA A? <@ @@ @> 0 =A AA A? mod N £¨¨ §¨¨ ¥ , Γ1N ¢¨¨¦¨¨ ¤ <@ @@ @> a b c d =A AA A?> SL2Z <@ @@ @> a b c d =A AA A? <@ @@ @> 1 0 1 =A AA A? mod N £¨¨ §¨¨ ¥ , où désigne des entiers quelconques.
Dénition 1.2.9. Pour γ > SL2Z et n'importe quel entier k, on dénit l'opérateur de poids
ksur les fonctions f H Cpar
f γkz cz dkfγz, z > H.
Soit Γ un sous-groupe de congruence. Une fonction méromorphe f H Cest donc faiblement modulaire de poids k par rapport à Γ si f γk f pour tout γ > Γ.
Dénition 1.2.10. Soit Γ un sous-groupe de congruence et k un entier. Une fontion f H C est une forme modulaire de poids k par rapport à Γ si
(1) f est holomorphe sur H,
(2) f est faiblement modulaire de poids k par rapport à Γ, (3) f αk est holomorphe à l'inni pour tout α > SL2Z.
Si de plus a0 0dans le développement de Fourier de f αk pour tout α > SL2Z, alors f est
une forme parabolique par rapport à Γ.
On note l'ensemble des forme modulaires de poids k par rapport à Γ par MkΓ et l'ensemble
des formes modulaires paraboliques de poids k par rapport à Γ par SkΓ.
1.2.2 Opérateurs de Hecke
Nous allons maintenant dénir des opérateurs qui agiront sur l'espace vectoriel MkΓ1N.
Le groupe Γ0N agit sur MkΓ1N via l'opérateur de poids k et son sous-groupe Γ1N
agit de façon triviale. On a donc une action de Γ0N~Γ1N Z~NZ sur MkΓ1N.
L'isomorphisme est induit par l'application surjective Γ0N Z~NZ,
<@ @@ @> a b c d =A AA A?( d mod N avec noyau Γ1N. Cette action nous donne une première famille d'opérateurs sur MkΓ1N.
Dénition 1.2.11. Soit d > Z~NZ. L'opérateur diamant
`de MkΓ1N MkΓ1N
est donné par `def f αk pour α
<@ @@ @> a b c δ =A AA A?> Γ0N avec δ d mod N.
Il est possible de montrer que la dénition de `de ne dépend pas du choix de α. Pour plus de détails sur la dénition de l'opérateur diamant et les dénitions qui vont suivre, voir [DSS05, section 5.2].
Soit ε un caractère de Dirichlet, c'est-à-dire, un homomorphisme de groupes ε Z~NZ
C.
Dénition 1.2.12. On note par MkΓ1N,ε le ε-espace propre pour les opérateurs diamant,
MkΓ1N,ε f > MkΓ1N `def εdf ¦d > Z~NZ.
Nous pouvons montrer que l'espace MkΓ1N admet la décomposition
MkΓ1N ? ε
MkΓ1N,ε
lorsque ε parcourt tous les caractères de Dirichlet modulo N. Pour une forme modulaire f de l'espace MkΓ1N,ε, l'action de α <@ @@ @> a b c d =A AA
dénition du ε-espace propre et de la dénition de l'opérateur diamant. C'est pourquoi une telle forme est parfois appelée forme pour Γ0N avec caractère ε en raison qu'elle satisfait
la propriété d'invariance pour Γ0N à ε près,
fαz εdcz dkfz.
L'ensemble des ces formes modulaires est parfois noté MkΓ0N,ε.
Dénition 1.2.13. Soit f > MkΓ1N,ε et soit p un nombre premier. Le p-ième opérateur
de Hecke Tp est déni par la formule suivante :
Tpfz ª Q n 0 anpfqn εppk1 ª Q n 0 anfqnp.
Théorème 1.2.14. Les opérateurs Tp préserve l'espace MkΓ1N,ε. De plus, Tp envoie les
formes paraboliques sur des formes paraboliques.
Démonstration. Voir [DSS05, section 5.2] Ì
Proposition 1.2.15. Soit d,e > Z~NZ et p,q des nombres premiers. Alors,
1. Tp`de `deTp,
2. `de`ee `ee`de `dee,
3. TpTq TqTp.
Démonstration. [DSS05, Proposition 5.2.4] Ì
Nous allons maintenant étendre les dénitions de `de et Tp pour tout n naturel. On pose
`ne `de où d n mod N et `ne 0 si NSn. Pour dénir Tn, on pose T1 1 et on dénit
récursivement
Tpr TpTpr1 pk1`peTpr2
pour les puissances de premiers. Finalement, si n L pei
i , on laisse Tn L Tpeii . Par dénition,
les nouveaux opérateurs Tnet `ne satisfont aussi la proposition 1.2.15.
Notre prochaine tâche est de décomposer l'espace des formes paraboliques SkΓ1N. Nous
y parviendrons en dénissant un produit scalaire sur cet espace.
Dénition 1.2.16. On dénit la mesure hyperbolique sur H par dµz dxdy
Soit D z > H Rez B 1~2, SzS C 1 8 ª. Le domaine D est appelé domaine fondamental pour SL2Z. Soit αj des représentants du groupe quotient SL2Z~IΓ1N où I
dé-note la matrice identité. En d'autres mots, SL2Z jIΓ1Nαj. Posons XΓ1N
jαjD. La notation XΓ1N provient du fait que jαjD peut être identié avec la
courbe modulaire XΓ1N, mais nous n'enterons pas plus dans les détails.
Dénition 1.2.17. Le produit scalaire de Petersson, `, e SkΓ1N SkΓ1N C, est
donné par la formule
`f,ge 1 VΓ1N
SXΓ
1N
fzgzImzkdµz, où la quantité VΓ1N est donnée par RXΓ1Ndµz.
Nous résumons quelques propriétés de ce produit scalaire dans la proposition suivante : Proposition 1.2.18. L'intégrale dénissant le produit scalaire de Petersson converge et est bien dénie. De plus, `, e est un produit scalaire hermitien.
Démonstration. Cela suit de la discussion de [DSS05, Section 5.4]. Ì
Si MSN, il n'est pas dicile de voir que SkΓ1M ` SkΓ1N. Une autre façon de voir
SkΓ1M comme inclu dans SkΓ1N est par l'application de multiplication par d où d
est un facteur de N~M. Pour un tel d, on laisse
αd <@ @@ @> d 0 0 1 =A AA A?.
Il est possible de montrer que l'application αdk est injective et envoie SkΓ1M sur un
sous-ensemble de SkΓ1N.
Dénition 1.2.19. Pour tout diviseur d de N, soit id l'application
id SkΓ1Nd12 SkΓ1N
donnée par f,g ( f g αdk. L'ensemble des formes non primitives de niveau N est donné
par
SkΓ1Nold Q pSN
ipSkΓ1Nd12
où la somme est prise sur les diviseurs premiers de N.
L'espace des formes non primitives correspond aux formes de niveau N provenant de formes de niveaux inférieurs.
Dénition 1.2.20. L'espace des formes primitives de niveau N est le complément orthogonal des formes non primitives par rapport au produit scalaire de Petersson,
SkΓ1Nnew SkΓ1NoldÙ.
Dénition 1.2.21. Une forme modulaire non nulle f > MkΓ1N qui est une forme propre
pour les opérateurs de Hecke Tn et `ne pour tout n > Z est appelée une forme propre. Une
forme propre f > SkΓ1N est dite normalisée si a1f 1. Une forme primitive est une
forme propre normalisée dans SkΓ1Nnew.
Théorème 1.2.22. L'espace SkΓ1Nnew possède une base orthogonale de formes
primi-tives. Toute telle forme primitive est dans un sous-espace propre SkΓ1n,ε et satisfait
Tnf anff pour tout n > Z.
Démonstration. Il s'agit de [DSS05, Theorem 5.8.2]. Ì
L'existence de formes propres pour tous les opérateurs de Hecke peut paraître surprenante, mais le théorème précédent montre que l'espace des formes primitives possède en fait une base de formes modulaires qui sont simultanément des formes propres pour tous les opérateurs de Hecke.
Soit f Pªn 1anfqn une forme propre normalisée. On considère l'extension Qanf~Q
engendrée par les coecients de Fourier de f.
Théorème 1.2.23. Soit f > SkΓ1N une forme propre normalisée pour les opérateurs de
Hecke. Alors, les valeurs propres anf sont des entiers algébriques. De plus, Qanf est
une extension nie de Q.
Démonstration. Voir les notes de Milne sur les formes modulaires [Mil, Proposition 5.27]. Ì Il est même possible d'en dire un peu plus sur les coecients de Fourier des éléments de S2Γ1N.
Théorème 1.2.24. L'espace S2Γ1N admet une base de formes modulaires à coecients
entiers.
Démonstration. Voir [DSS05, Corollary 6.5.6]. Ì
Nous venons de voir que les coecients anf d'une forme propre normalisée de poids k pour
Γ1N se trouvent dans l'anneau des entiers OKf du corps de nombres Kf Qanf. Kf
est appelé le corps de nombres associé à f. L'algébricité des coecients permet de dénir la notion de congruence entre deux formes modulaires.
Dénition 1.2.25. Soit f Pª
n 1anfqn et g Pªn 1angqn deux formes propres
normali-sées de SkΓ1N. Soit K le plus petit corps de nombres contenant les coecients de f et g
et soit p un idéal de OK. Alors, f est congrue à g modulo p si anf ang > p pour tout n.
Dans ce cas, on écrit f g mod p.
1.3 Caractères de Dirichlet
Nous avons déjà déni un caractère de Dirichlet comme étant un homomorphisme de groupes multiplicatifs Z~NZ C. Dans cette sous-section, nous allons étudier plus en détail les
propriétés de ces caractères en suivant l'exposition du chapitre 4 des notes de cours d'Evertse [Eve16].
Si χ est un caractère modulo N, c'est-à-dire χ Z~NZ C, alors χ induit un caractère
modulo M pour tout NSM. En eet, χ Z~MZ C déni par la composition de χ avec
la projection naturelle Z~MZ Z~NZ est un caractère modulo M.
Pour un caractère χ, on notera par χa le conjugué complexe de χa > C. De manière équivalente, χa χa1.
Dénition 1.3.1. Soit χ un caractère de Dirichlet. Le N minimal tel que χ est déni modulo N est appelé le conducteur de χ et est noté condχ. Si χ est un caractère modulo N avec condχ N, alors χ est dit un caractère primitif modulo N.
Un caractère primitif est un caractère qui n'est pas induit par un autre caractère de modulo inférieur.
Lemme 1.3.2. Soit χ un caractère modulo N et d un diviseur de N. Alors les énoncés suivants sont équivalents :
1. χc 1 pour tout c > Z avec c 1 mod d et pgcdc,N 1,
2. χ est induit par un caractère modulo d.
Démonstration. La preuve peut être consultée dans [Eve16, Chapter 4, Lemma 4.15]. Ì Dénition 1.3.3. Soit χ un caractère de Dirichlet modulo N. Les sommes de Gauss sont dénies par τχ,m Pa mod Nχae2πima~N pour m > Z. On pose τχ τχ,1.
Proposition 1.3.4. Soit χ un caractère de Dirichlet modulo N avec N C 2. Soit b > Z. Alors, 1. τχ,b χbτχ,1 si b,N 1,
2. si pgcdb,N A 1 et χ est primitif, alors τχ,b χbτχ,1 0.
Démonstration. Nous suivons [Eve16, chapter 4, theorem 4.21].
1. On remarque d'abord que l'hypothèse b,N 1 implique que lorsque a parcourt un système complet de résidus modulo N, ab parcourt également un système complet de résidus modulo N. Posons y ab. Alors, χa χbχy et on calcule que
τχ,b Q
a mod N
χae2πiba~N Q
y mod N
χbχye2πiy~N χbτχ,1.
2. Par le lemme 1.3.2, pour tout q1 diviseur de N, il existe un c > Z tel que c 1 mod q1,
pgcdc,N 1 et χc x 1. Si ce n'était pas le cas, cela contredirait le fait que χ est primitif. Soit d pgcdb,N, b1 b~d et q1 N~d. On choisit un c respectant les propriétés provenant
du lemme 1.3.2 par rapport au diviseur q1. Alors,
χcτχ,b Q
x mod N
χcxe2πibx~N.
On remarque que y cx parcourt également un système complet de résidus modulo N. Puisque c 1 mod q1,
e2πixb~N e2πixb1~q1 e2πicxb1~q1 e2πiyb~N.
Il suit que
χcτχ,b Q
y mod N
χye2πiyb~N τχ,b.
Or, χc x 1 d'où il suit que τχ,b 0. Ì
Proposition 1.3.5. Soit χ un caractère primitif de conducteur N C 2. Alors, τχτχ N.
Démonstration. On calcule directement que τχτχ Q a mod N χae2πia~Nτχ Q a mod N e2πia~Nτχ,a Q a mod N e2πia~N y mod NQ χye2πiay~N Q a mod N y mod NQ
χye2πiay1~N Q y mod N χy Q a mod N e2πiay1~N .
La deuxième égalité suit de la proposition 1.3.4. Si y 1 mod N, e2πiay1~N 1 et donc Py mod N1 N. Si y ~ 1 mod N, Q a mod N e2πiay1~N e 2πiy1 1 e2πiay1~N 1 0.
Ainsi, τχτχ χ1N ce qui montre le résultat. Ì
Ces résultats sur les caractères de Dirichlet nous seront utiles par la suite lorsque nous étudie-rons les propriétés d'interpolation des fonctions L p-adiques. En eet, les sommes de Gauss apparaissent dans les formules reliant la fonction L p-adique à la fonction L complexe. Nous tournons maintenant notre attention sur la manière d'exprimer la fonction caractéristique χapnZ
p comme une somme de caractères.
Lemme 1.3.6. Soit ψ Z~pnZ C un caractère de Dirichlet. Pour tout x > Z~pnZ,
ψx est une racine p 1pn1 ième de l'unité.
Démonstration. Comme SZ~pnZS p 1pn1, xp1pn1 1 pour tout x > Z~pnZ.
Puisque ψ est un homomorphisme, on doit avoir ψxp1pn1
1. Ì
Notons par Xn l'ensemble des caractères modulo pn.
Lemme 1.3.7. Le cardinal de Xn est p 1pn1.
Démonstration. Le groupe Z~pnZ est cyclique. Soit donc g un générateur. Alors, ψ > X n
est entièrement déterminé par la valeur ψg. Il y a p 1pn1 choix de racines de l'unité
possible pour l'image de g sous ψ. Chaque choix correspond à un caractère diérent. Ì Lemme 1.3.8. Si x > Z~pnZtel que x x 1, alors il existe ψ > X
n avec la propriété ψx x 1.
Démonstration. Comme dans la preuve du dernier lemme, soit g un générateur de Z~pnZ.
Alors, x gn pour un certain 0 @ n B p 1pn1 1. Choisissons ζ une racine primitive p1pn1-ième de l'unité et considérons le caractère ψ déterminé par ψg ζ. Alors, ψx
ψgn ζnx 1, car 0 @ n B p 1pn1 1 et ζ est primitive. Ì L'ensemble Xn forme un groupe sous l'opération ψχx ψxχx. L'inverse d'un caractère
est donné par son conjugué complexe et l'élément neutre est le caractère trivial déni par ψtrivx 1 pour tout x.
Proposition 1.3.9. Soit x > Z~pnZ. Alors, Q ψ>Xn ψx ¢¨¨¨¦¨¨ ¨¤ p 1pn1 si x 1, 0 sinon. Démonstration. Si x 1, Pψ>Xnψ1 p 1p
n1, car il y a p 1pn1 caractère modulo pn
par le lemme 1.3.7. Si x x 1, soit ψ0 > Xn tel que ψ0x x 1. Ce caractère existe par le lemme
1.3.8. Lorsque ψ parcourt l'ensemble des caractères modulo pn, ψ
0ψ aussi. Ainsi, ψ0x Q ψ>Xn ψx Q ψ>Xn ψ0xψx Q ψ>Xn ψ0ψx Q ψ>Xn ψx.
Il suit que Pψ>Xnψx 0, car ψ0x x 1. Ì
Soit ψ un caractère modulo pn. Après avoir xé un plongement Q 0 C
p, celui-ci induit un
homomorphisme Z
p Cp de la façon suivante :
Zp Z~pnZ C0 Cp.
La première èche est l'application de réduction modulo pn et la deuxième est l'application
donnée par ψ.
Proposition 1.3.10. Pour a,p 1, la fonction caractéristique de a pnZ
p est donnée par
χapnZ px 1 p 1pn1 Q ψ>Xn ψa1ψx. Démonstration. Supposons d'abord que x > a pnZ
p. Alors, ψx ψa pour tout ψ > Xn et
Q
ψ>Xn
ψa1ψa Q
ψ>Xn
ψ1 p 1pn1 par la proposition 1.3.9. Supposons maintenant que x ¶ a pnZ
p. Alors, a1x¶ 1 pnZp et il
suit que la projection de a1x dans Z~pnZ n'est pas 1. La proposition 1.3.9 donne
Q ψ>Xn ψa1ψx Q ψ>Xn ψa1x 0. Ì
1.4 Fonctions L complexes
Soit f une forme modulaire de MkΓ1N que nous écrivons selon son développement de
Fourier fz Pªn 0anqn. Pour un caractère de Dirichlet χ, la convolution de f par χ, notée
fχ, est fχ Pªn 0χnanqn. La fonction fχ ainsi dénie est une forme modulaire de même
poids que f [Shi71, Proposition 3.64].
Dénition 1.4.1. Soit s une variable complexe et χ un caractère de Dirichlet. La fonction L associée à la convolution de f par χ est
Lf,χ,s Lfχ,s ª Q n 0 χnan ns .
Proposition 1.4.2. La somme dénissant Lf,χ,s converge absolument pour Res A k. Si f est une forme parabolique, alors Lf,χ,s converge absolument pour Res A k~2 1.
Démonstration. Voir [DSS05, Proposition 5.9.1]. Ì
Comme pour la fonction zêta de Riemann, la fonction L de f possède un produit d'Euler dans son domaine de convergence si f est une forme propre normalisée.
Théorème 1.4.3. Soit f > MkΓ1N,ε. La forme modulaire f est une forme propre
nor-malisée si et seulement si Lf,s admet un développement en produit d'Euler Lf,s M
p
1 apfps εppk12s1
où le produit est pris sur tous les nombres premiers.
Démonstration. Il s'agit du théorème [DSS05, Theorem 5.9.2]. Ì Dénition 1.4.4. La fonction L complétée associée à f est donnée par
Λf,s º N 2π s ΓsLf,s où N est le niveau de f et Γs est la fonction gamma.
Théorème 1.4.5. Soit f > SkΓ1N. Alors, Λf,s admet un prolongement holomorphe à
tout le plan complexe.
Lorsque f est une forme parabolique, la fonction L de f peut aussi être dénie par la trans-formée de Mellin de f Lf,s 2π s Γs S ª 0 fitt sdt t .
Il est possible de montrer que cette dénition est en fait équivalente à la dénition précédente [DSS05, proposition 5.10.1].
Chapitre 2
Fonctions L p-adiques
Le but de ce chapitre est de donner un aperçu de la construction de la fonction L p-adique associée à une forme modulaire et de donner quelques propriétés importantes de cette fonction. La fonction L p-adique Lpf,s attachée à une forme modulaire f de poids k est une fonction
p-adique analytique en s > Zp caractérisée par la propriété qu'elle interpole les valeurs Lf,χ,m
lorsque χ est un caractère de Dirichlet et m est un entier critique (nous donnerons un sens précis à cette armation plus loin dans le texte). Elle a d'abord été construite par Amice-Vélu [AV75] et Vi²ik [Vi²76] comme solution à un problème d'interpolation p-adique. Dans ce mémoire, nous suivrons l'exposition de Mazur, Tate et Teitelbaum [MTT86] pour dénir Lpf,s. L'objectif
est de construire une distribution µf sur Zp qui, lorsque évaluée sur une classe appropriée de
fonctions p-adiques, interpole les valeurs Lf,χ,m pour tout χ et 1 B m B k 2.
2.1 Symboles modulaires
2.1.1 Dénition
La première étape consiste à dénir les symboles modulaires. Pour ce faire, soit GL2R le
sous-groupe des matrices avec déterminant positif de GL2R. Si A
<@ @@ @> a b c d =A AA A?> GL2R, on pose
ρA detA
1~2
cz d .
Tout comme SL2Z, GL2R agit sur la sphère de Riemann par Az azczdb et Aª a~c.
Fixons k C 2 un entier. Pour N un entier plus grand ou égal à 1 et ε un caractère de Dirichlet sur Z~NZ, on considère l'espace de toutes les formes paraboliques de poids k pour Γ
1N pour un certain N Sk Q N,ε SkΓ0N,ε Q N SkΓ1N.
On note PkC C ` Cz ` . . . ` Czk2 l'espace des polynômes de degré plus petit ou égal à
k 2 avec coecients complexes. On dénit des actions de GL2R sur Sk et PkC de la
façon suivante :
fSAz ρAkfAz pour f > S k,
P SAz ρA2kPAz pour P > P kC.
Soit P1Q Q 8 ª le plan projectif rationnel.
Dénition 2.1.1. On dénit une application
φ Sk PkC P1Q C par la formule φf,P,r 2πi S r ª fzP zdz ¢¨¨¨ ¦¨¨ ¨¤ 2πR0ªfr itP r itdt si r > Q, 0 si r ª.
L'application φ est appelée une intégrale modulaire.
Les intégrales modulaires satisfont les deux propriétés suivantes : a) φf,P,r est C-bilinéaire en f et P pour r xé,
b) φfSA,P SA,r φf,P,Ar φf,P,Aª.
La propriété b) peut être déduite en intégrant l'identité
fSAzP SAzdz fAzP AzdAz
de ª à r et en utilisant le théorème de Cauchy sur le triangle de sommets ª,Aª,Ar. Pour χ un caractère de Dirichlet, notons par Z χ le sous-anneau de C généré par les valeurs de χ. Pour f > SkΓ0N,ε xé, l'image de PkZ P1Q sous l'application φ est un Z
ε-module. Nous décrirons ici sa structure. Soit Aj > SL2Z un ensemble de représentants pour
les classes d'équivalence modulo Γ0N,
SL2Z + j>R
Γ0N Aj
où R est un ensemble ni d'indices. La nitude de R découle du fait que l'indice de Γ0N
dans SL2Z est ni [DSS05, Exercise 1.2.3(e)]. Soit Lf le Z-module généré par l'image de
PkZ P1Q sous l'application φ.
Proposition 2.1.2. Lf est le Z ε-module généré par les éléments
Démonstration. Pour A <@@@ @> a b c d =A AA
A?> Γ0N, on pose εA εd. Alors, fSA εAf puisque f est une forme modulaire pour Γ0N avec caractère ε. Par la C-bilinéarité de φ et par la
propriété b) des intégrales modulaires,
εAφf,P,r φf,P SA1,Ar φf,P SA1,Aª.
Puisque le degré de P est d'au plus k 2, P SA1 cz ak2Pczadzb est aussi un élément de PkZ. De là, il suit que Lf est un Z ε-module où l'action de εd est donnée par
mul-tiplication de εA comme ci-haut. Soit maintenant L0
f b Lf le Z ε-module généré par les
valeurs (2.1). Soit a,m > Z avec m C 0 et a relativement premier à m. Le but est de montrer que φf,P,a~m > L0
f par induction sur m an d'obtenir l'inclusion Lf b L0f. Si m 0, alors
φf,P,a~m 0 > L0f par dénition. Supposons donc que m A 0. Soit ml'entier tel que am 1 mod met 0 B m@ m. Posons a am 1~m et A <@@@
@> a a m m =A AA
A?> SL2Z. Comme les classes d'équivalence de Γ0N partitionnent SL2Z, il existe B > Γ0N et j > R tels que A B Aj.
Alors,
φf,P,a~m φf,P,a~m φf,P,Aª φf,P,A0 φf,P,BAjª φf,P,BAj0
εB φf,P SB, Ajª φf,P SB, Aj0 .
Donc, φf,P,a~m > L0
f, car φf,P,a~m > L0f par induction. Ì
Dénition 2.1.3. Pour a,m > Q avec m A 0, on dénit le symbole modulaire λ par λf,P ; a,m φ f,P mz a, a
m .
Il est immédiat que, pour f xé, λf,P ; a,m prend ses valeurs dans Lf.
Proposition 2.1.4. Nous avons les égalités
λf,P ; a,m1mk21φ f,PW <@ @@ @> m a 0 1 =A AA A?, a m 2 mk21φ fW <@ @@ @> 1 a 0 m =A AA A?,P,0 .
Démonstration. Commençons par montrer l'égalité (1). Notons par A la matrice <@@@ @> m a 0 1 =A AA A?. Alors,
Cela implique que φf,P mz a, a m m
k
21φf,P SA, a
m par la linéarité de φ. Pour
montrer l'égalité (2), on note par B la matrice <@@@ @>
1 a
0 m
=A AA
A? et on utilise la propriété b) des intégrales modulaires pour obtenir
φfSB,P,0 φf,P SA, A10 φf,P SA,A1ª
φf,P SA, a~m φf,P SA,ª.
Mais φf,P SA,ª 0, ce qui montre le résultat. Ì
Remarque 2.1.5. Pour f et P xés, la valeur de λf,P ; a,m ne dépend que de a modulo m. En eet, puisque fW<@@@ @> 1 1 0 1 =A AA A? f et <@ @@ @> 1 1 0 1 =A AA A? n <@ @@ @> 1 a 0 m =A AA A? <@ @@ @> 1 a mn 0 m =A AA A?, la proposition précédente montre que λf,P ; a,m λf,P ; a mn,m pour tout n > Z.
Les symboles modulaires sont reliés aux valeurs de la fonction L de f via la transformée de Mellin de f par la formule
λf,zn; 0,1 2πi S iª
0 fzz
ndz in n!
2πnLf,n 1
pour 0 B n B k 2. Une première tentative pour construire la distribution µf associée à f serait
de dénir
µfzn, a pnZp λf,zn; a,pn
où λf,zn; a,pn est vu comme un élément d'un C
p-espace vectoriel après avoir choisi un
plongement C 0 Cp. De cette façon, on aurait la propriété d'interpolation voulue RZpµf
in2πn!nLf,n 1. Le problème est que µf n'est pas une distribution. En eet, elle ne respecte
pas la propriété d'additivité
µfzn, a pnZp p1
Q
b 0
µfzn, a bpn pn1Zp.
Il faudra donc modier µf. Cela sera possible en prenant en compte l'action des opérateurs
de Hecke sur f.
2.1.2 Action des opérateurs de Hecke
Puisque nous considérons des actions de matrices sur des formes paraboliques, il est plus facile de travailler avec une dénition alternative des opérateurs de Hecke.
Dénition 2.1.6 (Opérateurs de Hecke, prise 2). Soit f > SkΓ0N,ε. Pour tout nombre
premier l, le l-ième opérateur de Hecke est déni par Tlf l k 21 l1 Q u 0 fW<@@@ @> 1 u 0 l =A AA A? εlfW <@ @@ @> l 0 0 1 =A AA A? .
La démonstration que les deux dénitions que nous avons données pour les opérateurs de Hecke sont équivalentes peut être trouvée dans [DSS05, Proposition 5.2.1 et proposition 5.2.2]. Proposition 2.1.7. La propriété de transformation des symboles modulaires sous f ( Tlf est
donnée par λTlf,P ; a,m l1 Q u 0 λf,P ; a um,lm εllk2λf,P ; a,m~l. Démonstration. Par la proposition 2.1.4, on obtient que
λTlf,P ; a,m m k 21φ TlfW <@ @@ @> 1 a 0 m =A AA A?,P,0 .
Le reste de la démonstration s'obtient en appliquant les dénitions et la C-linéarité de φ comme suit : λTlf,P ; a,m m k 21φ l k 21 l1 Q u 0 fW<@@@ @> 1 a um 0 lm =A AA A? εlfW <@ @@ @> l al 0 m =A AA A? ,P,0 lmk 21 l1 Q u 0 φ fW <@ @@ @> 1 a um 0 lm =A AA A?,P,0 lm k 21εlφ fW <@ @@ @> l al 0 m =A AA A?,P,0 l1 Q u 0 λf,P ; a um,lm m~lk21lk2εlφ fW <@ @@ @> l 0 0 l =A AA A? <@ @@ @> 1 a 0 m~l =A AA A?,P,0 l1 Q u 0 λf,P ; a um,lm lk2εlλf,P ; a,m~l
où la dernière égalité est obtenue en remarquant que fW<@@@ @> l 0 0 l =A AA A? f. Ì
La proposition implique que LTlf b Lf.
On introduit un nouvel opérateur wQ, appelé opérateur d'Atkin-Lehner, qui agit sur les formes
modulaires. Ce dernier sera utilisé pour déduire l'équation fonctionnelle de Lpf,s. Rappelons
que l'entier positif N dénote le niveau de f. Choisissons une factorisation N QQoù Q et Q
sont relativement premiers. Le théorème des restes chinois permet de décomposer le caractère εen ε εQ εQ où εQ (resp. εQ) est un caractère modulo Q (resp. Q). Si f > SkΓ0N,ε et
x,y,z,t> Z sont tels que QxtQyz 1, alors l'action de wQsur f est wQf εQyεQxfSWQ
où WQ <@ @@ @> Qx y N z Qt =A AA
A?. Pour plus de détails sur l'opérateur wQ, en particulier sur le fait que wQf est une forme parabolique de niveau N et caractère ε1QεQ, le lecteur peut consulter
[AL78, proposition 1.1]. Dans loc. cit., il est également montré que wQne dépend pas du choix
Proposition 2.1.8. Soit a et m relativement premiers tels que m A 0, m,Q 1 et QSm.
Soit a un entier tel que aaQ 1 mod m. Alors, l'équation fonctionnelle pour λ est
λf,P ; a,m εQmε1Qaλ wQf,PW <@ @@ @> 0 1 Q 0 =A AA A?; a,m pour tout P > PkC.
Démonstration. On pose b Qaa 1~m de telle sorte que Qaa mb 1. Alors, ε1 Qb εQm et on pose WQ <@ @@ @> Qa b Qm Qa =A AA
A?. Le côté droit de l'équation à montrer est donc donné en utilisant la dénition de wQf et la proposition 2.1.4 par
λ fSWQ, PW <@ @@ @> 0 1 Q 0 =A AA A?; a,m m k 21φ fSWQ <@ @@ @> 1 a 0 m =A AA A?,PW <@ @@ @> 0 1 Q 0 =A AA A?,0 .
En utilisant la propriété b) des intégrales modulaires avec r 0, A <@@@ @> 0 1 Q 0 =A AA A?, f fSWQ <@ @@ @> 0 1 Q 0 =A AA A? et P P SA, on obtient φ fSWQ <@ @@ @> 1 a 0 m =A AA A?A, PSA 2,0 φ fSWQ <@ @@ @> 1 a 0 m =A AA A?, PSA,0 . Or, WQ <@ @@ @> 1 a 0 m =A AA A?A Q <@ @@ @> 1 a 0 m =A AA A? et A 2 Q<@@@ @> 1 0 0 1 =A AA A?. Cela donne φ fSWQ <@ @@ @> 1 a 0 m =A AA A?A, PSA 2,0 φ fW Q <@ @@ @> 1 a 0 m =A AA A?, PW Q <@ @@ @> 1 0 0 1 =A AA A?,0 . Mais fW Q<@@@ @> 1 a 0 m =A AA A? m1~2 kfz a m fW <@ @@ @> 1 a 0 m =A AA A? et P W Q <@ @@ @> 1 0 0 1 =A AA A? P. Finalement, λf,P ; a,m εQmε1Qaλ wQf,PW <@ @@ @> 0 1 Q 0 =A AA A?; a,m comme voulu. Ì 2.1.3 Convolutions
Comme nous nous intéressons à interpoler les convolutions de Lf,s par des caractères de Di-richlet χ, nous aurons besoin de trouver une expression pour la convolution de λ. Comme dans la section 1.4, si f Pª
n 1anqn est une forme parabolique, alors on laisse fχ Pªn 1χnanqn
Lemme 2.1.9 (Lemme de Birch). Supposons que χ est un caractère primitif modulo m. Alors, fχz 1 τχ Qa mod mχaf z a m .
Démonstration. Par la proposition 1.3.4,
fχz ª Q n 1 τχ,n τχ ane 2πinz 1 τχ ª Q n 1 Q a mod m
χae2πina~mane2πinz
1 τχ Qa mod mχa ª Q n 1 ane2πinza~m 1 τχ Qa mod mχaf z a m . Ì
Cela nous donne une expression pour la convolution d'une intégrale modulaire
φfχ,P,r 1 τχ Qa mod mχaφ fW <@ @@ @> 1 a~m 0 1 =A AA A?,P,r 1 τχ Qa mod mχaφ f, PW <@ @@ @> 1 a~m 0 1 =A AA A?, r a m
si χ est un caractère primitif. Toujours sous l'hypothèse que χ est primitif, nous avons pour les symboles modulaires
λfχ, Pmz; b,n φfχ,Pnmz bm, b~n 1 τχ Qa mod mχaφ f,Pnmz bmW <@ @@ @> 1 a~m 0 1 =A AA A?,b~n a~m 1
τχ Qa mod mχaλf, P ; bm an,nm.
Les valeurs spéciales de Lfψ,j pour 0 B j B k 2 sont liées aux symboles modulaires par la formule
j!mj1
2πijτψLfψ,j 1 Q a mod m
ψaλf,zj; a,m, (2.2) voir par exemple [AV75, page 119].
2.2 Construction de L
pf,s
Nous sommes maintenant prêt à donner la dénition de la distribution qui sera utilisée pour dénir la fonction L p-adique de f. On suppose que f > SkΓ0N,ε est une forme propre
pour l'opérateur Tp avec valeur propre ap qui est un entier algébrique par le théorème 1.2.23.
On suppose de plus que le polynôme X2 a
pX εppk1 possède au moins une racine non
nulle α. C'est équivalent à supposer que p Ñ N et ap x 0. On remarque que si α et β sont les
deux racines de X2 a
pX εppk1, alors α β ap et αβ εppk1.
Dénition 2.2.1. Pour a,m > Z avec m A 0, on dénit
µf,αP ; a,m
1
αvpmλf,Pa,m
εppk2
αvpm1λf,Pa,m~p
où λf,Pa,m λf,P ; a,m dénote que f et P sont vus comme constants.
Proposition 2.2.2. Pour a,m > Z avec m A 0, µf,α satisfait la propriété de distribution
µf,αP ; a,m Q
ba mod m b mod pm
µf,αP ; b,pm.
Démonstration. Le côté droit de l'équation est
Q ba mod m b mod pm µf,αP ; b,pm Q ba mod m b mod pm 1 αvppmλf,Pb,mp εppk2 αvppm1λf,Pb,m .
Puisque que λf,Pb,m ne dépend que de b modulo m, on obtient que
Q ba mod m b mod pm εppk2 αvppm1λf,Pb,m p εppk2 αvppm1λf,Pa,m.
On additionne puis soustrait le terme εppk2
αvpm1λf,Pa,m~p pour faire apparaître l'action de
l'opérateur Tp Q ba mod m b mod pm µf,αP ; b,pm 1 αvpm1 ba mod mQ b mod pm λf,Pb,mp εppk2λf,Pa,m~p εppk2λ f,Pa,m~p εppk1 α λf,Pa,m 1 αvpm1λTpf,P ; a,m εpp k2λ f,Pa,m~p εppk1 α λf,Pa,m .
L'hypothèse que f est une forme propre pour Tp avec valeur propre ap et le fait que α2 apα εppk1 0implique que Q ba mod m b mod pm µf,αP ; b,pm 1 αvpm1ap εppk1 α λf,Pa,m εpp k2λ f,Pa,m~p 1 αvpmλf,Pa,m εppk2 αvpm1λf,Pa,m~p µf,αP ; a,m. Ì
Comme pour les symboles modulaires, nous avons une formule pour les convolutions de µ. Proposition 2.2.3. Soit ψ un caractère de Dirichlet de conducteur M relativement premier à p. Alors, pour n copremier à M,
µf
ψ,αψpP Mz; b,n
ψpvpn
τψ a mod MQ ψaµf,αP,Mb na,Mn. Démonstration. Observons d'abord que
Q a mod M ψaψpλf,PMb na~p,Mn~p Q a mod M ψa~pλf,PMb na~p,Mn~p Q y mod M ψyλf,PMb ny,mn~p
en posant y a~p. Comme M,p 1, p est inversible modulo M et a~p parcourt également un système complet de résidus lorsque a parcourt un tel système. Ainsi, en utilisant la formule pour la convolution de λ, on obtient
µf ψ,αψpP Mz; b,n ψpvpn τψ a mod MQ ψa 1 αvpnλf,PMb na,Mn εppk2 αvpn1λf,PMb na,Mn~p ψpvpn
τψ a mod MQ ψaµf,αP ; Mb na,Mn.
Ì Pour M un entier plus grand que 0 et copremier à p, on pose
Zp,M limÐ v Z~pvM Z Z p Z~MZ, Zp,M limÐ v Z~pvM Z Z p Z~MZ.
Zp,M est l'union des disques ouverts Da,v a pvM Zp,M ` Zp,M indicés par les entiers
naturels a relativement premiers à pM et les entiers naturels v plus grands ou égaux à 1. On note par Q une clôture algébrique de Q dans C et on xe un plongement Q Cp. Ce
plongement provient du fait que C Cp en tant que corps puisque les deux ont le même degré
de transcendance sur Q. Notons que Cp n'est pas isomorphe à C comme espaces topologiques,
le premier étant totalement non connexe. Soit v la valuation sur Cp qui étend vp normalisée de
telle sorte que vp 1. Soit Op` Cpl'anneau des entiers de Cpet soit Op x > Cp vx 0
le sous-anneau des unités. On xe une forme modulaire f > SkΓ0N,ε comme dans la
sous-section précédente et on considère le Cp-espace vectoriel de dimension nie Vf Cp@QLfQ
ainsi que le Op-réseau Ωf ` Vf généré par Lf. Nous prenons maintenant quelques lignes pour
expliquer la motivation derrière l'espace Vf. D'abord, on munit Lf de la structure d'un
Q-espace vectoriel en considérant les générateurs de Lf comme une base libre pour cet espace
que l'on note LfQ. On remarque que µf,αP ; a,m prend ses valeurs dans LfQ. Le but étant
de considérer µf,α comme une distribution (une mesure possiblement non bornée) sur Zp,M,
on étend les dénitions de φ, λ et µ pour P > PkCp de telle sorte que µf,αP ; a,m prend
maintenant ses valeurs dans Vf. Le réseau Ωf nous donnera une structure entière pour les
valeurs de µf,α.
Notons par x ( xp la projection de Zp,M sur Zp. Comme pour les fonctions localement
analy-tiques sur Zp, on dénit de manière analogue les fonctions localement analytiques sur Zp,M.
Dénition 2.2.4. Soit U b Zp,M un ensemble ouvert. Une fonction F U Cp est dite
localement analytique s'il existe un recouvrement de U par des disque Dai,vi tels que, sur
chaque disque, F est donnée par une série de puissances convergente Fx Q
nC0
bnx ainp
à coecients dans Cp. On note par LAU l'ensemble des fonctions localement analytiques
sur U.
Puisque la distribution µf,α n'est pas nécessairement bornée, nous ne pouvons pas utiliser
l'approche des sommes de Riemann (voir la dénition 1.1.30) pour intégrer les fonctions loca-lement analytiques contre cette distribution. Le théorème suivant nous permet tout de même de dénir une intégrale à partir de µf,α.
Théorème 2.2.5 ([AV75]). Fixons un entier h tel que 1 B h B k1. Supposons que le polynôme X2 apX εppk1 possède une racine α > Cp telle que vα @ h. Fixons une telle racine α.
Alors, il existe une unique intégrale U LAU Vf,U,F ( RUF qui satisfait les propriétés