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L'encadrement juridique du mandat de protection au Québec : perspective historique et comparée

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L'encadrement juridique du mandat de protection au

Québec: perspective historique et comparée

Mémoire

Caroline Lepage

Maîtrise en droit - avec mémoire

Maître en droit (LL. M.)

(2)

Résumé

Le mandat de protection a vu le jour au Québec en 1989. Il permet principalement de déterminer l’identité du représentant légal en cas de survenance de l’inaptitude. Le présent mémoire démystifie la genèse du mandat de protection ainsi que son évolution.

La doctrine et la jurisprudence révèlent que cet outil, bien que très populaire auprès de la population, présente des lacunes et pourrait être amélioré. Des solutions envisagées tant par les juges que par les auteurs ont été retenues par le législateur dans un projet de loi récemment adopté. Toutefois, certaines difficultés ne seront toujours pas corrigées conséquemment à l’entrée en vigueur de la loi. Une synthèse de ces principales difficultés et des solutions qui ont été proposées pour y remédier est effectuée dans le cadre du présent travail.

En étudiant l’institution à la lumière de l’intention initiale du législateur et d’un exercice de droit comparé avec les régimes juridiques encadrant les institutions analogues en France, en Suisse et en Belgique, ce mémoire apporte un éclairage original sur le mandat de protection québécois.

Comme les professionnels du droit font partie de la solution globale à la problématique visée par cette étude, des mesures concrètes que ceux-ci peuvent mettre en œuvre afin d’améliorer la protection juridique du mandant dont l’inaptitude est survenue sont également proposées.

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Abstract

Protection mandate was created in Quebec in 1989. It mainly allows a person to identify a legal representative in anticipation of their incapacity. This Master’s thesis debunks the genesis and evolution of the protection mandate.

Legal doctrine and jurisprudence reveal that this tool, although very popular amongst the population, has some flaws and could be perfected. Solutions suggested by judges and authors were retained by the legislator in a recently adopted bill. However, some problems will remain unfixed consequently to its coming into force. The present study carries out a synthesis of its main difficulties and of solutions proposed to remedy them.

This Master’s thesis brings a new perspective on the protection mandate in Quebec by studying it in light of the original intent of the legislator and of a comparative law exercise with French, Swiss and Belgian legislations.

Since legal professionals are part of the global solution to the problematic studied, concrete measures that can be enforced by them to improve the legal protection of the incapacitated mandator are also suggested.

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Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ... iii

Table des matières ... iv

Liste des abréviations, sigles, acronymes ... vi

Remerciements ... x

Introduction ... 1

Chapitre 1 : Le mandat de protection, d’hier à aujourd’hui ... 14

Section 1 : L’introduction des mécanismes contractuels de protection des personnes majeures inaptes au Québec, en France, en Suisse et en Belgique ... 14

a) La genèse québécoise d’une nouvelle institution : le mandat donné en prévision de l’inaptitude ... 15

b) Le passage du mandat donné en prévision de l’inaptitude au mandat de protection ... 23

c) Le dialogue entre le droit québécois, les droits français, suisse et belge et le droit international public ... 29

Section 2 : Le portrait contemporain de l’encadrement juridique du mandat de protection et ses équivalents fonctionnels ... 43

a) Les dispositions législatives québécoises relatives au mandat de protection : examen sélectif ... 43

b) L’environnement dans lequel s’inscrit le mandat de protection québécois ... 53

c) La perspective québécoise du mandat de protection : comparaison aux visions française, suisse et belge ... 56

Conclusion du chapitre 1 ... 62

Chapitre 2 : L’adaptation du mandat de protection québécois à la société de demain... 64

Section 1 : L’appartenance fondamentale de la protection contractuelle du majeur inapte au droit des personnes ... 64

a) L’emplacement des dispositions relatives au mandat de protection dans le Code civil du Québec ... 65

b) La surveillance de l’exécution du mandat par le mandataire ... 70

c) Les pouvoirs d’intervention du tribunal ... 79

Section 2 : L’adéquation de l’encadrement juridique du mandat de protection au contexte de sa mise en œuvre ... 81

a) Les zones grises relatives à certaines conditions de forme et de fond du mandat de protection ... 82

(5)

b) La période périlleuse entre la survenance de l’inaptitude et la demande

d’homologation ... 86

c) La boîte de Pandore du mandat de protection : le processus d’homologation ... 91

d) L’apport d’un soutien au mandataire de l’homologation à l’extinction du mandat de protection ... 108 Conclusion du chapitre 2 ... 110 Conclusion ... 113 Bibliographie ... 117 Table de la jurisprudence ... 126 Table de la législation ... 128

(6)

Liste des abréviations, sigles, acronymes

Doc. Document

Et suiv. Et suivants

Sess. Session

Légis. Législature

Abréviations et acronymes relatifs à la législation, la réglementation et les sources du droit international

A.G. Assemblée générale

al. Alinéa(s)

art. Article(s)

c. Chapitre

C.c. belge Code civil belge C.c.fr. Code civil français C.c. suisse Code civil suisse C.c.Q. Code civil du Québec

C.p.c. Code de procédure civile (Québec) C.p.c. fr. Code de procédure civile (France) Doc. off. Document officiel

G.O. Gazette officielle J.O. Journal officiel (France)

L.C. Lois du Canada

L.Q. Lois du Québec

M.B. Moniteur belge (Belgique)

(7)

R.-U. Royaume-Uni

R.T.N.U. Recueil des traités des Nations Unies

Rés. Résolution

RLRQ Recueil des lois et des règlements du Québec RO Recueil officiel (Suisse)

S.T.E Série des traités européens

Supp. Suppléments

Abréviations et acronymes relatifs à la jurisprudence

c. Contre

CSC Cour suprême du Canada J.E. Jurisprudence Express QCCA Cour d’appel du Québec QCCS Cour supérieure du Québec

QCTDP Tribunal des droits de la personne du Québec R.C.S. Recueil des arrêts de la Cour suprême du Canada R.R.A. Recueil en responsabilité et assurance

Abréviations et acronymes relatifs à la doctrine et aux autres sources utilisées C.P. du N. Cours de perfectionnement du notariat

Collab. Collaboration

Dir. Direction

FNAT Fédération nationale des associations tutélaires (France) L.J. Law Journal (États-Unis)

LPA Les petites affiches (France) P.U.L. Presses de l’Université Laval

(8)

R.D./N.S. Répertoire de droit/Nouvelle série R.D.S.M. Revue de droit et santé de McGill

R.D.U.S. Revue de droit de l’Université de Sherbrooke R.G.D. Revue générale de droit

R.n.b. Revue du notariat belge (Belgique) R.T.D.F. Revue trimestrielle de droit familial R. du B. Revue du Barreau

R. du N. Revue du notariat

RNRF Revue Suisse du notariat et du registre foncier RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil (France)

S.F.C.B.Q. Service de formation continue du Barreau du Québec S.F.P.B.Q. Service de formation permanente du Barreau du Québec UNAF Union nationale des associations familiales

(9)
(10)

Remerciements

La rédaction du présent mémoire n’aurait pas été possible sans le soutien financier de la Chambre des notaires du Québec, à qui j’exprime toute ma gratitude. Je remercie également la Chaire de recherche Antoine-Turmel sur la protection juridique des aînés, la Faculté de droit de l’Université Laval et le consortium de recherche Accès au droit et à la justice (ADÀJ) pour les bourses qui m’ont été attribuées en début de parcours et en fin de rédaction, me permettant de m’y consacrer plus intensivement. Pour les discussions très enrichissantes sur le droit français et suisse, je remercie la professeure Muriel Rebourg et le doctorant Jean-Damien Meyer. Les encouragements de la coordonnatrice de la Chaire de recherche Antoine-Turmel, Me Katherine Champagne, ont été une source de motivation tout au

long de mon parcours. Dans le même ordre d’idée, je me dois également de remercier mes parents pour leur support et mon conjoint pour son écoute, sa patience et sa compréhension. Mes derniers remerciements vont à ma directrice de recherche, Me Christine Morin, notaire émérite et professeure titulaire, pour le

précieux accompagnement qu’elle m’a offert depuis le moment où j’ai manifesté l’intention de réaliser une maîtrise avec mémoire sous sa direction.

(11)

Introduction

Les droits fondamentaux connaissent un essor depuis le milieu du XXe siècle. Il est

possible de constater une sensibilisation accrue au sujet de ces derniers dans le droit national avec l’avènement de la Charte canadienne des droits et libertés1 et de

la Charte des droits et libertés de la personne2. À l’international, on peut penser à

divers instruments, dont la Déclaration universelle des droits de l’homme3 et la Convention européenne des droits de l’homme4.

Sous l’impulsion de cette évolution, le droit des personnes physiques connaît également une transformation au cours de ce même siècle5. En matière de

protection des majeurs inaptes au Québec, le passage du régime légal de l’interdiction à ceux de la curatelle et de la tutelle matérialise un important changement de paradigme6.

Après plus d’un siècle de quasi-immobilisme, le droit concernant les majeurs inaptes a connu en 1989 un bouleversement impliquant des changements non seulement dans les règles et les mécanismes de protection, mais également dans les principes fondamentaux qui les sous-tendent.7

Le mandat de protection est intégré au paysage juridique québécois dans le cadre de cette réforme de 1989. Le législateur québécois définit le mandat de protection comme étant « celui donné par une personne majeure en prévision de son inaptitude

1 Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe B de

la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c. 11 (R.-U.)]

2 Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12 (ci-après « Charte québécoise ») 3Déclaration universelle des droits de l’homme, Rés. 217 A (III), Doc. off., A.G. N.U., 3e sess., suppl.

n°13, p. 17, Doc. N.U. A/810 (1948)

4Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 4 novembre 1950,

S.T.E. n°5 (entrée en vigueur le 3 septembre 1953) [Convention européenne des droits de l’homme]

5 Monique OUELLETTE, « La loi sur le curateur public et la protection des incapables », (1989) 3 C.P. du N. 1, 10 (n°4)

6 Loi sur le Curateur public et modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives, L.Q. 1989,

c. 54, entrée en vigueur le 15 avril 1990 (décret), (1990) 13 G.O. II, 939, à l’exception de l’article 155, non en vigueur, art. 85

7 Édith DELEURY et Dominique GOUBAU, Le droit des personnes physiques, 6e éd. par D. GOUBAU,

(12)

à prendre soin d’elle-même ou à administrer ses biens »8. Il s’agit, en son essence,

d’un acte d’anticipation de l’inaptitude.

Une trentaine d’années plus tard, cet instrument de protection juridique des majeurs dont l’inaptitude est survenue est au cœur de l’actualité juridique. Il fait aussi partie du quotidien des notaires québécois, signe de sa popularité9. S’il apparaît

difficilement contestable que les Québécois perçoivent les avantages de conclure un mandat de protection, celui-ci n’est pas à l’abri de toute critique10.

Malgré le fait que des outils comparables existaient dans certaines juridictions de

common law avant l’arrivée du mandat de protection11, le Québec a été un pionnier

en matière d’anticipation de l’inaptitude12. En conséquence, le législateur ne

bénéficiait ni d’expérience pratique ni de doctrine civiliste sur lesquelles fonder ses réflexions afin d’encadrer ce nouvel outil.

La question du droit à l’autodétermination d’une personne en prévision de la survenance de son inaptitude concerne à la fois l’administration de son patrimoine, la protection de sa personne et la prise de décisions quant à ses soins. L’état du droit en la matière continue à se développer depuis la réforme de 1989. Les tribunaux s’y sont intéressés dans la foulée de l’évolution jurisprudentielle depuis les

8 Art. 2166 al. 1 C.c.Q.

9 Le rapport annuel 2018-2019 de la Chambre des notaires indique que le nombre total d’inscriptions

au registre des actes de mandats de protection était de 3 008 876 à la fin de l’exercice 2018-2019, avec 140 816 nouvelles inscriptions pendant l’exercice. CHAMBRE DES NOTAIRES DU QUÉBEC, Veiller

au mieux-être de la collectivité. Rapport annuel 2018-2019, 2019, en ligne : <https://www.cnq.org/DATA/TEXTEDOC/2018-2019-CNQ-Rapport-annuel.pdf > ; Gérard GUAY, Le

mandat de protection, 3e éd., dans Chambre des notaires du Québec, Répertoire de droit/Nouvelle

série, « Mandat », Doctrine – Document n°1, Montréal, 2016, n°2, p. 1

10 Claude FABIEN, « Le mandat de protection en cas d’inaptitude du mandant : une institution à

parfaire », (2007) 1 C.P. du N. 405, 409 ; Claude FABIEN, « Mandat de protection : dilemme du juge, dilemme du législateur », (2009) 111 R. du N. 255, 257

11 Gérard GUAY, « Problématiques et nouveautés quant à la protection des personnes vulnérables »,

(2012) C.P. du N. 155, 163 ; G. GUAY, préc., note 9, n°3, p. 2

12 Voir notamment Claude FABIEN, « Passage du mandat ordinaire au mandat de protection », dans

S.F.P.B.Q., vol. 146, Les mandats en cas d'inaptitude : une panacée? (2001), Cowansville, Éditions Yvon Blais, p. 105 à la p. 108 ; C. FABIEN, « Mandat de protection: dilemme du juge, dilemme du législateur », préc., note 10, 257 ; G. GUAY, préc., note 9, n°3, p. 2

(13)

arrêts Rodriguez13 et Carter14 rendus par la Cour suprême du Canada

respectivement en 1993 et 2015. Dans ces affaires, les enjeux sont ceux du droit à la dignité et à l’autodétermination15 en matière de soins de santé; du droit de choisir

de continuer à vivre ou non16. Ces décisions ont un retentissement important dans

la population. Elles interpellent également le législateur fédéral, qui décriminalise l’aide médicale à mourir ou l’assistance au suicide dans certaines conditions strictement encadrées17. La nature exacte des critères à rencontrer pour avoir accès

à ces soins fera l’objet de développements dans les prochains mois, notamment pour donner suite au jugement rendu par la Cour supérieure sous la plume de la juge Beaudoin en septembre 201918.

Le législateur provincial se penche aussi sur cette question. L’entrée en vigueur de la Loi concernant les soins de fin de vie19 en témoigne. Cette loi permet et encadre

le recours à l’aide médicale à mourir. Elle apporte également des changements significatifs en matière de consentement anticipé aux soins. C’est par cette loi que le législateur autorise la rédaction de directives médicales anticipées20. La

conclusion de ces directives permet aux personnes qui sont majeures et aptes à consentir à des soins21 d’accepter ou de refuser à l’avance certains soins dans

l’éventualité où elles devaient se retrouver dans des situations précisées dans la loi22. Il est à noter qu’actuellement, l’aide médicale à mourir ne fait pas partie des

soins auxquels il est possible de donner ou refuser son consentement à l’avance.

13 Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 14 Carter c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 5

15 Id., par. 59

16 Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), préc., note 13

17 Loi modifiant le Code criminel et apportant des modifications connexes à d’autres lois (aide médicale à mourir, L.C. 2016, c. 3

18 Truchon c. Procureur général du Canada, 2019 QCCS 3792. Voir Truchon c. Procureur général du Canada, 2020 QCCS 2019, qui « proroge la suspension de la prise d’effet de la déclaration d’invalidité de l’alinéa 241.2(2)d) du Code criminel jusqu’au 18 décembre 2020 » (par. 27).

19 Loi concernant les soins de fin de vie, RLRQ, c. S-32.0001 20 Id., titre III

21 Id., art. 51

22 Katherine CHAMPAGNE, « L’avènement des directives médicales anticipées: le testament biologique

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Plus récemment, le législateur québécois a adopté23 une loi visant à réformer les

régimes et mesures de protection des personnes intitulée Loi modifiant le Code civil,

le Code de procédure civile, la Loi sur le curateur public et diverses dispositions en matière de protection des personnes (ci-après « Loi en matière de protection des

personnes (2020) »)24. L’adoption du projet de loi le 2 juin 2020 laisse présager

l’entrée en vigueur d’une réforme d’envergure en droit des personnes au Québec dans les prochains mois25.

Cette réforme vise notamment l’encadrement juridique du mandat de protection, qui demeure perfectible. Le professeur Claude Fabien constate, dès 2007, que « [le législateur] a créé un système qui rend le mandant vulnérable face à un mandataire de mauvaise foi qui décide de l’exploiter »26. La maltraitance des personnes en

situation de vulnérabilité est une problématique sociale à laquelle le législateur québécois s’intéresse depuis plusieurs années, particulièrement depuis l’adoption de la Charte québécoise. Une disposition au caractère particulier parmi les droits économiques et sociaux27, l’article 48, traite spécifiquement de la protection des

personnes handicapées et âgées contre l’exploitation. L’adoption de plusieurs dispositions législatives et de la Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les

aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité28 découle d’une

volonté de poursuivre dans cette voie29. La question est suffisamment préoccupante

23 Débats de l’Assemblée nationale du Québec, 1re sess., 42e légis., 10 avril 2019, « Présentations

de projet de loi – Projet de loi n°18 », p. 2185 (M. Mathieu Lacombe)

24 Loi modifiant le Code civil, le Code de procédure civile, la Loi sur le curateur public et diverses dispositions en matière de protection des personnes, L.Q. 2020, c. 11, ci-après « Loi en matière de

protection des personnes (2020) » dans le corps du texte. Compte tenu du court délai entre l’adoption de la loi et le dépôt du présent mémoire, nous évoquerons les modifications qu’elle apporte au corpus législatif dans la mesure du possible, sans toujours pouvoir nous prononcer sur l’interprétation qui sera faite des nouvelles dispositions.

25 Le délai anticipé est de 18 à 24 mois : Débats de l’Assemblée nationale du Québec, 1re sess., 42e

légis., 2 juin 2020, p. 7969 (M. Mathieu Lacombe)

26 C. FABIEN, « Le mandat de protection en cas d’inaptitude du mandant : une institution à parfaire »,

préc., note 10, 424

27 Marie-Hélène DUFOUR, « Définitions et manifestations du phénomène de l’exploitation financière

des personnes âgées », (2014) 44-2 R.G.D. 235, 239 et 240

28 RLRQ, c. L-6.3

29 Christine MORIN et Katherine CHAMPAGNE, « Quelques exemples de modifications législatives

récentes visant à favoriser la protection des droits des personnes aînées », Repères, Juin 2017, EYB2017REP2233 (PDF) (La référence)

(15)

pour qu’il existe un plan d’action gouvernemental30 comprenant des actions

concrètes afin de réagir adéquatement à la situation. Nous commençons à peine à mesurer collectivement l’ampleur des défis sociaux, juridiques, médicaux et éthiques qu’entraîneront les phénomènes démographiques que sont le vieillissement de la population et l’augmentation considérable de l’espérance de vie. La documentation existant sur ces phénomènes et leurs conséquences est abondante31.

L’existence de lacunes dans l’encadrement juridique du mandat de protection est établie par la littérature32. Ce constat nécessite que lui soit porté une attention

particulière dans un contexte de grande popularité de cet outil et de prise de conscience d’une lutte nécessaire contre la maltraitance des personnes majeures en situation de vulnérabilité. La nécessité d’offrir un mécanisme qui permette un plus grand respect de l’autodétermination tout en évitant que ce dernier facilite des comportements répréhensibles découle de l’importance croissante accordée au respect de l’autonomie dans l’ensemble de la population. Nos réflexions à ce sujet nous ont menée à nous poser la question qui est au fondement de ce mémoire : considérant les lacunes existantes dans l’encadrement juridique du mandat de protection québécois, quelles sont les pistes de solutions susceptibles d’améliorer la protection juridique du mandant dont l’inaptitude est survenue? Notre démarche vise l’atteinte d’objectifs complémentaires variés.

La littérature révèle déjà de nombreuses solutions envisageables pour combler ces lacunes, mais elles sont dispersées parmi plusieurs textes et ne sont pas harmonisées. Une synthèse contextualisée confrontant les enseignements des principaux auteurs et étudiant la jurisprudence récente en la matière reste à faire33.

30 SECRÉTARIAT AUX AÎNÉS, Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2017-2022, 2017, en ligne : <http://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/2939938> 31 D. GOUBAU, préc., note 7, n°718, p. 740 et 741

32 Québec (Curateur public) c. D.S., 2006 QCCA 83, par. 38 ; C. FABIEN, « Le mandat de protection

en cas d’inaptitude du mandant : une institution à parfaire », préc., note 10 ; G. GUAY, préc., note 11 ; Lucie LAFLAMME, « Variations sur des thèmes connus : le mandat en prévision de l’inaptitude et la

procuration générale » (2002) 2 C.P. du N. 103

33 Nous avons pris connaissance du mémoire suivant : Sabrina BOISSELLE, Intérêt et attentes légitimes : Le mandat de protection, un contrat de choix, mémoire de maîtrise, Montréal, Faculté de

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L’un de nos objectifs est de colliger et d’analyser les principales critiques dirigées à l’endroit de l’encadrement juridique du mandat de protection et les diverses solutions qui ont été suggérées pour améliorer cette institution.

Nous espérons également apporter une contribution originale à la discussion au sujet du mandat de protection grâce à la méthode comparative. Peu d’exercices de droit comparé ont été effectués en matière de régimes juridiques encadrant les mécanismes contractuels de protection des personnes majeures inaptes. Nous n’avons repéré aucun texte comparant le mandat de protection du Québec à ceux des juridictions choisies pour ce projet.

Notre étude est également l’une des premières à discuter de l’évolution du mandat de protection à la lumière de l’adoption de la Loi en matière de protection des personnes (2020). Elle permettra d’aborder le futur du mandat de protection en bénéficiant d’indications précises sur la nature des développements qui doivent survenir dans un avenir rapproché.

Les solutions que nous proposerons et les lacunes que nous identifierons permettront d’alimenter la discussion sur le droit à l’autodétermination des personnes et, plus généralement, de contribuer à la réflexion collective et à la littérature sur le mandat de protection.

Le présent projet de recherche vise également à sensibiliser les professionnels du droit aux difficultés soulevées par le mandat de protection de sa rédaction à son exécution. En particulier, il s’agit de leur faire prendre conscience des risques concrets d’exploitation financière de leurs clients au moyen d’un outil pourtant, à l’origine, destiné à assurer leur protection. Les notaires et les avocats sont susceptibles de constituer un lectorat attentif, ceux-ci pouvant être intéressés par les pistes d’amélioration du droit qui concernent un champ de pratique dont

le dépôt de ce mémoire ainsi que notre méthodologie distingue notre mémoire de celui de madame Boisselle.

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l’importance relative continuera vraisemblablement de croître dans les prochaines années. Il est souhaité que la lecture de ce mémoire ou d’extraits de celui-ci permette une réflexion critique sur les pratiques actuelles et serve de point de départ à des discussions enrichissantes entre confrères et consœurs leur permettant d’adopter de nouveaux réflexes ou d’en améliorer certains parmi ceux qu’ils adoptent au quotidien.

Comme la cohérence doit régner entre les objectifs d’une recherche et la méthodologie retenue, le droit positif fera l’objet d’une analyse combinant l’usage de deux méthodes : la méthode exégétique et doctrinale classiquement employée en recherche juridique et la méthode comparative34. Le recours à l’étude doctrinale

classique présente l’avantage de favoriser la persuasion d’un lectorat composé d’étudiants, de professeurs ou de praticiens du droit. L’emploi d’une méthodologie à laquelle ce lectorat est familiarisé devrait avoir pour effet de contribuer à une réception favorable de cette étude par la communauté juridique.

La perspective retenue sera par ailleurs teintée des valeurs animant le courant émergent connu sous diverses appellations dont droit gérontologique, droit des aînés et Elder Law 35. Considérant les objectifs précédemment mentionnés, il aurait

été inapproprié d’étudier l’encadrement juridique du mandat de protection sans présenter ses failles d’une façon qui soit critique, employant à l’occasion un vocabulaire connoté.

34Mentionnons qu’une approche pluridisciplinaire aurait impliqué une acquisition de compétences

impossible sans un investissement significatif de ressources et que l’étude empirique qui aurait été requise aux fins d’un projet retenant une telle approche ou une approche relevant du pluralisme juridique est apparue beaucoup trop ambitieuse à la lumière des objectifs poursuivis. Il sera toutefois fait référence à divers textes de doctrine qui se sont inspirés de leur expérience concrète de professionnels du droit.

35 Christine MORIN, « Réflexions sur la lutte contre la maltraitance envers les aînés et le rôle des

conseillers juridiques », (2017) 76 R. du B. 505, 507 ; Christine MORIN (dir.), Droit des aînés, Montréal, Éditions Yvon Blais/Thomson Reuters, 2020

(18)

Quant à elle, la méthode comparative est reconnue pour permettre une analyse critique d’un droit national tout en demeurant dans une démarche intradisciplinaire36.

Puisque les législateurs de la France, de la Suisse et de la Belgique se sont parfois inspirés directement ou indirectement du Québec sans en reproduire intégralement le régime, plusieurs différences peuvent être soulevées sans qu’elles ne soient ni en nombre trop important pour être traitées dans un mémoire, ni en nombre insuffisant pour alimenter une réflexion soutenue. Les particularités des mécanismes contractuels de protection des majeurs inaptes qui ont été adoptés dans ces trois pays se révèlent être, sur divers aspects, des modèles dont le législateur québécois devrait s’inspirer. Le présent mémoire montrera précisément sur quels aspects la comparaison avec ces régimes offrent de nouvelles pistes de solutions. Nous constaterons également que certaines solutions avancées par la littérature et la jurisprudence québécoises afin de pallier les lacunes de l’encadrement juridique du mandat de protection correspondent à l’état du droit dans ces pays. Le choix de ces juridictions a été fait en considération de divers facteurs, dont la possibilité d’accéder à des sources en français ou en anglais en quantité suffisante37.

Une comparaison entre le mandat de protection québécois et ses équivalents fonctionnels dans l’ensemble des provinces canadiennes et des États américains a été envisagée en raison du lien de proximité qui unit le Québec à ces différentes juridictions. Toutefois, nous croyons que les solutions retenues par une juridiction civiliste sont susceptibles de s’harmoniser plus facilement à un corpus appartenant à la même tradition juridique38. D’ailleurs, une telle recherche aurait

36 Kristin BARTENSTEIN et Christelle LANDHEER-CIESLAK, « Pour la recherche en droit: quel(s) cadre(s)

théoriques? », dans Alexandre FLÜCKIGER et Thierry TANQUEREL, L’évaluation de la recherche en

droit : enjeux et méthodes, Bruxelles, Bruylant, 2015, p. 83 à la p. 111

37 Pour des raisons pratiques, nous avons dû exclure les textes rédigés en allemand provenant de la

Suisse. Néanmoins, la doctrine francophone existante permet une étude suffisamment approfondie du régime pour les fins visées.

38 Au sujet du rôle du droit comparé en droit québécois et de place que la tradition civiliste y occupe,

voir Marie-Ève ARBOUR, Fragments de droit québécois et canadien. Histoire, mixité, mutations, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2012, p. 221 et suiv. De plus, comme la Belgique a été influencée par le Royaume-Uni, cela permet indirectement de faire une certaine comparaison avec les solutions retenues dans une juridiction de common law. Le droit des personnes de plusieurs autres juridictions où le phénomène du vieillissement de la population est particulièrement présent aurait été tout aussi intéressant à étudier.

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vraisemblablement mené à des développements d’une envergure qui excède celle envisagée dans le cadre du présent projet de recherche. Cependant, il était nécessaire de discriminer afin de ne retenir qu’un nombre restreint de juridictions pour permettre une étude suffisamment approfondie du droit de chacune d’entre elles.

Malgré le caractère ambitieux de ce projet de recherche et sa méthodologie originale, il est important d’en reconnaître les limites. Afin de bien circonscrire l’objet étudié, certains choix ont dû être faits outre ceux précédemment exposés39. Nous

avons arrêté notre choix sur le mandat de protection, car il porte à réfléchir non seulement à la représentation des personnes majeures inaptes, mais également à la question de l’autonomie de la volonté et de ses limites, qui est au cœur de nos préoccupations. De plus, nous considérons qu’une étude du mandat de protection présente un potentiel d’avancement des connaissances plus pertinent pour les conseillers juridiques faisant partie du lectorat ciblé. Leur rôle dans la rédaction de l’instrument de protection leur accorde la possibilité d’intervenir et d’améliorer la protection juridique du mandant, ce que nous démontrerons40.

Les différentes facettes des enjeux liés à la protection juridique du mandant devenu inapte, sans égard au fait que le mandat ait été homologué ou non, seront étudiées. D’ailleurs, les problématiques mises en exergue ont trait tant aux dispositions législatives en soi qu’à d’autres facteurs, relevant plutôt de la pratique des juristes. Les solutions suggérées prendront une forme pouvant répondre adéquatement au type de problème soulevé, soit l’adoption ou la modification de dispositions législatives et des recommandations formulées pour les praticiens du droit.

39 Supra, p. 8. L’un de ces choix a été d’écarter l’analyse des régimes légaux de protection du majeur

telles la tutelle et la curatelle. Nous avons envisagé leur étude, car elle aurait mené à des réflexions au sujet de problématiques auxquelles le présent projet de recherche s’intéresse, la maltraitance des majeurs en situation de vulnérabilité se trouvant au premier plan parmi celles-ci.

40 De plus, la faisabilité d’un mémoire portant sur les régimes de protection aurait possiblement été

compromise en cours de route par l’ampleur des modifications qu’ils subissent dans le cadre de la réforme entraînée par la Loi en matière de protection des personnes (2020), justifiant plutôt un travail de l’envergure d’une thèse de doctorat. Il aurait été difficile d’aborder l’ensemble des fondements des régimes légaux de protection qui sont ébranlés par la réforme et de présenter une prospection suffisamment riche de ce que sera l’état du droit au lendemain de celle-ci dans le cadre d’un mémoire.

(20)

Nonobstant la présence inévitable de limites au présent projet de recherche, nous croyons en sa pertinence sociale et scientifique. Son intérêt sociologique découle notamment du constat du vieillissement de la population. L’inaptitude provoquée par une altération des facultés est susceptible de survenir pour des causes variées touchant l’ensemble de la population. Il est toutefois indéniable que le vieillissement peut être à la source de certaines d’entre elles. Le Code civil du Québec reconnaît expressément, dans la liste non exhaustive des causes de la survenance de l’inaptitude, que l’affaiblissement dû à l’âge doit être reconnu comme une source de risques potentiels41. Puisque les statistiques indiquent que la proportion de la

population faisant partie de ce groupe augmentera à court terme, le nombre de mandats de protection homologués suivra vraisemblablement cette tendance42.

L’éventualité de la survenance de l’inaptitude semble de plus en plus facilement envisageable par une personne au fil du temps, ce qui pourrait expliquer pourquoi les personnes aînées sont plus enclines à prévoir leur protection future43. Le moment

apparaît donc bien choisi pour revoir l’encadrement juridique du mandat de protection, notamment afin de limiter les risques de situations de maltraitance et d’exploitation, particulièrement lorsqu’on considère que « le vieillissement de la population québécoise accentue le risque que se multiplient les situations de maltraitance envers les personnes aînées au cours des prochaines années »44. La

concentration de capitaux entre les mains de ces personnes peut exacerber ce risque45. Or, le mandat de protection peut devenir l’instrument par lequel une

personne exploite une personne âgée ou en situation de vulnérabilité46.

41 Art. 258 C.c.Q.

42 Pour des références récentes sur le vieillissement de la population, voir D. GOUBAU, préc., note 7,

n°718, p. 741 et INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUÉBEC, Perspectives démographiques du Québec et

des régions, 2016-2066, Édition 2019, 2019, en ligne : < https://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/population-demographie/perspectives/perspectives-2016-2066.pdf>, p. 8

43 CURATEUR PUBLIC, Sondage sur la notoriété et l’utilisation faite des mandats donnés en prévision de l’inaptitude. Rapport d’analyse des résultats, 2016, en ligne : <https://www.curateur.gouv.qc.ca/cura/publications/sond_mand_2016_rapp.pdf>, p. 14

44 Christine MORIN et Robert SIMARD, « Dialogue sur le rôle social du notaire dans la protection des

aînés en situation de vulnérabilité », (2018) 1 C.P. du N. 1, 32

45 C. MORIN, « Réflexions sur la lutte contre la maltraitance envers les aînés et le rôle des conseillers

juridiques », préc., note 35, 592

(21)

L’intérêt scientifique de ce mémoire tient, quant à lui, à une conjoncture favorable. Puisque le mandat de protection québécois n’existe que depuis une trentaine d’années, le législateur ne s’était pas encore penché de façon concluante sur les améliorations qu’il devait apporter à l’institution jusqu’à récemment. Toutefois, l’expérience pratique a révélé certains problèmes qui n’avaient pas été anticipés lors de son adoption. Le législateur a envisagé à deux reprises d’apporter des modifications à l’encadrement juridique du mandat de protection tel qu’on le connaît en 201247 et en 201648, sans toutefois que les projets de loi présentés, tous deux

intitulés Loi modifiant le Code civil, le Code de procédure civile et la Loi sur le

curateur public en matière de protection des personnes, ne soient adoptés.

L’absence de modifications récentes à la législation en matière de mandat de protection n’est donc pas une conséquence de l’absence de tentatives en ce sens. La Loi en matière de protection des personnes (2020) matérialise finalement l’intention du législateur de réformer ce domaine du droit et témoigne de la nécessité sociale de revoir, parmi d’autres aspects, l’encadrement juridique de la protection des majeurs inaptes. Elle est également à l’origine du prochain changement de paradigme en droit des personnes, soit un passage de la prise en compte de l’intérêt du majeur inapte vers la considération de ses préférences49. La portée de ce

bouleversement sur l’interprétation législative et la pratique en droit des personnes reste entièrement à découvrir.

Dans le but d’atteindre les objectifs précédemment exposés, nous aborderons l’encadrement juridique dans une approche qui progressera de la rétrospection à l’introspection pour passer à la prospection. Nous commencerons par situer le mandat de protection dans le temps en étudiant son évolution de sa genèse jusqu’à 47 Loi modifiant le Code civil, le Code de procédure civile et la Loi sur le curateur public en matière de protection des personnes, projet de loi n°45, (présentation – 29 février 2012), 2e sess., 39e légis.

Qc (ci-après « Projet de loi 45 – 2012 » dans le corps du texte)

48 Loi modifiant le Code civil, le Code de procédure civile et la Loi sur le curateur public en matière de protection des personnes, projet de loi n°96, (présentation – 7 juin 2016), 1re sess., 41e légis. Qc.

(ci-après « Projet de loi 96 – 2016 » dans le corps du texte)

49 Loi modifiant le Code civil, le Code de procédure civile, la Loi sur le curateur public et diverses dispositions en matière de protection des personnes, préc., note 24, art.19 et 84

(22)

son encadrement juridique actuel. Nous positionnerons l’institution québécoise par rapport à celles adoptées dans les autres juridictions à l’étude et au reste du corpus législatif pertinent en matière de protection des personnes inaptes ou en situation de vulnérabilité (Chapitre 1). Considérant que l’évolution du mandat de protection a été assez peu étudiée en soi, notre analyse permettra de rassembler les informations et de mieux comprendre la finalité de l’institution, favorisant une meilleure sensibilisation du lectorat aux problématiques que nous identifierons par la suite.

La mise en contexte proposée dans le premier chapitre ouvrira la voie à une critique constructive. Nous analyserons les lacunes de l’encadrement juridique du mandat de protection québécois soulevées par la doctrine et la jurisprudence à la lumière des fondements de l’institution et du contexte dans lequel il est appelé à s’appliquer (Chapitre 2). Tout au long de notre analyse, nous confronterons les enseignements des auteurs et des juges québécois entre eux, mais également avec certains aspects des régimes français, suisse et belge ainsi qu’avec l’état du droit projeté conséquemment à l’entrée en vigueur de la Loi en matière de protection des personnes (2020). Nous dresserons le portait des connaissances en matière de mandat de protection tout en nous intéressant à son avenir.

Puisque toute lacune à un instrument juridique ne nécessite pas automatiquement une intervention législative, nous nous intéresserons également à l’évolution potentielle des pratiques des notaires et des avocats. Les conseillers juridiques constituant une partie du lectorat visé, ce chapitre permettra de mettre en lumière la façon dont ces derniers peuvent intervenir afin d'améliorer la protection juridique du mandant dont l’inaptitude est survenue en les incitant à prendre certaines actions concrètes.

Ultimement, nous croyons pouvoir démontrer que la protection juridique du mandant devenu inapte sera largement améliorée si la Loi en matière de protection des personnes (2020) entre en vigueur. Un progrès sera aussi réalisé si les conseillers

(23)

juridiques adoptent des pratiques préventives, assistent plus activement le mandataire dans l’exécution du mandat et adaptent immédiatement leur pratique à l’évolution projetée du droit.

(24)

Chapitre 1 :

Le mandat de protection, d’hier à

aujourd’hui

Une mise en contexte s’impose afin de permettre une analyse critique rigoureuse du droit en matière de représentation contractuelle du majeur inapte. Nous devons d’abord démystifier les origines des dispositions en vigueur. Un regard sur le contexte entourant l’adoption des dispositions contribuera à une compréhension plus fine de l’intention du législateur québécois. Nous retracerons également l’évolution de ces dispositions pour mieux identifier les problèmes auxquels le législateur a souhaité apporter une réponse et les tendances qui émergent des modifications effectuées au fil du temps. Notre étude se voudra exhaustive en ce qui concerne le régime québécois, de sa naissance à ses plus récents développements. En ce qui concerne les régimes étrangers, l’approche retenue mettra plutôt en lumière l’influence du droit comparé et du droit international public sur les législateurs (Section 1).

Ce retour sur l’évolution des différents régimes nous amènera à présenter sommairement l’encadrement actuel du mandat de protection au Québec, toujours dans l’objectif de contextualiser notre examen des critiques dirigées à son endroit. Nous le situerons ensuite dans l’environnement juridique québécois pour finalement comparer les conceptions de la protection contractuellement anticipée du majeur inapte des différents législateurs (Section 2).

Section 1 : L’introduction des mécanismes contractuels de protection des personnes majeures inaptes au Québec, en France, en Suisse et en Belgique

Les premières traces de l’idée d’une représentation prévue contractuellement d’un majeur inapte dans les juridictions de tradition civiliste sont récentes, à l’exception d’un extrait tiré d’un ouvrage de Demolombe en 1854. Il s’était alors exprimé ainsi : Il paraît, d’après le témoignage de Meslé, que notre ancienne jurisprudence

française s’était occupée de cette situation, et qu’elle avait avisé à certaines mesures mitigées, si je puis dire ainsi, de demi-interdiction à l’égard de celui qui était débilité de sens par son grand âge (Meslé, part. II. chap. xm, n°27m p.

(25)

470-475). On avisait au moyen de certains accords, qui intervenaient (de l’avis d’un conseiller commissaire de la cour, et sans qu’il fût nécessaire d’obtenir des lettres royaux), entre la personne à laquelle son âge ne permettait plus de conserver le libre gouvernement de son patrimoine et ses parents ou héritiers présomptifs. Ces accords transféraient le gouvernement du patrimoine aux parents, le plus souvent avec défense d’aliéner, et laissaient au vieillard lui-même le droit plus ou moins étendu, suivant les cas, de recevoir tout ou partie de ses revenus.

Nos lois ne renferment rien de semblable; et il n’est pas douteux que la justice ne pourrait pas même homologuer de semblables arrangements.50

(Nos soulignements)

Puisque notre étude se concentre principalement sur le droit québécois, nous commencerons par étudier la genèse (a) et l’évolution du mandat de protection au Québec (b). De leur côté, les régimes juridiques adoptés par les législateurs de la France, la Suisse et la Belgique ont été identifiés comme présentant un potentiel d’inspiration pour le législateur québécois. Il est donc pertinent de s’assurer que les législateurs des quatre juridictions à l’étude cherchaient à répondre à des problématiques communes. Constater que les raisons pour lesquelles les législateurs ont adopté les régimes à l’étude convergent nous permettra de valider la pertinence pour le législateur québécois d’étudier l’opportunité de s’inspirer de ces régimes pour arriver à pallier les lacunes de l’encadrement juridique du mandat de protection. C’est pourquoi nous étudierons le contexte dans lequel ces mécanismes de protection contractuels ont été adoptés, en abordant notamment l’importance du droit comparé et du droit international dans l’élaboration des dispositions et leur évolution (c).

a) La genèse québécoise d’une nouvelle institution : le mandat donné en prévision de l’inaptitude

Au Québec, il suffit de remonter en 1988, dans les débats parlementaires, pour trouver les origines les plus définies du mandat donné en prévision de l’inaptitude.

50 Charles DEMOLOMBE, Cours de droit civil, t. 8 « De la minorité, de la tutelle, et de l’émancipation.

De la majorité, de l’interdiction, et du conseil judiciaire. Des individus placés dans un établissement public ou privé d’aliénés », Paris, Durand, 1854, n°434 ; cf. Jean HAUSER, « Les mesures judiciaires, solutions subsidiaires au mandat de protection future? », dans Gilles RAOUL-CORMEIL, Nouveau droit

(26)

Le Québec a été précurseur en matière de représentation contractuellement prévue par le majeur lui-même en prévision d’une possible survenance de son inaptitude, innovant avec cette institution « créée sans modèle rapproché »51.

C’est lors de la réforme à l’origine du Code civil du Québec que l’idée d’une protection contractuelle du majeur inapte alors qu’il a encore les facultés cognitives pour conclure des actes juridiques a été abordée pour la première fois par le législateur québécois. À ce moment, c’est l’ensemble du Code civil du Bas Canada qui est revu. Ce n’est toutefois pas lors de l’étude du droit des personnes, mais plutôt lors de l’étude du droit des obligations et des contrats nommés que l’idée d’un mandat de protection est proposée52.

Me Jean Lambert, président de la Chambre des notaires à ce moment, se présente

en Sous-commission des institutions dans le cadre de ces travaux. Il relate avoir reçu un document d’un organisme très peu de temps avant son audition53. Ce

document consiste en un plaidoyer en faveur d’un plus grand respect des droits et de l’autonomie des citoyens54. Il vise particulièrement la situation des personnes

aînées, conformément à la mission poursuivie par l’organisme l’ayant produit. Cependant, il rejoint également le souhait de toutes les personnes majeures qui désirent prévoir les conséquences de leur éventuelle inaptitude. L’organisme dénonce un interventionnisme trop soutenu dans la vie privée des personnes majeures inaptes par la curatelle publique.

51 C. FABIEN, préc., note 12, à la p. 108

52 QUÉBEC, ASSEMBLÉE NATIONALE, Journal des débats. Commissions parlementaires,

Sous-commission des institutions, 2e sess., 33e légis., 8 novembre 1988, « Consultation générale sur

l'avant-projet de loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des obligations (6) », p. SCI-294 (M. Jean Lambert)

53 Jean LAMBERT, « La genèse du mandat de protection et quelques autres considérations » dans

S.F.P.B.Q., vol. 146, Les mandats en cas d'inaptitude : une panacée? (2001), Cowansville, Éditions Yvon Blais, p. 83 à la p. 87

54 LA TABLE DE CONCERTATION DES AÎNÉ-E-S DANJOU, La curatelle et les aîné-e-s, document de travail

transmis à la Chambre des notaires et déposé en sous-commission des institutions, 2e session, 33e

(27)

Ces commentaires s’ajoutent à ceux de nombreux intervenants qui critiquent la gestion par l’État de la situation des personnes dont l’inaptitude est survenue55. Ce

mécontentement est pris en considération dans le processus législatif menant à l’intégration du mandat de protection dans le droit civil québécois. Dès le début de l’étude du projet de loi en commission parlementaire, le ministre Gil Rémillard mentionne les consultations tenues au sujet du projet de loi auprès de divers groupes56. Claude Filion, président de la Commission des institutions, souligne des

craintes et des besoins formulés par les citoyens de son comté57. Les demandes

provenant de la population font donc partie des éléments pertinents du contexte entourant le processus législatif. Les élus désirent répondre à un besoin concret en offrant une alternative contractuelle à l’ouverture d’un régime de protection58. Afin

d’éviter l’implication de la curatelle publique dans leur vie privée59, les citoyens

souhaitent rédiger des procurations pour les utiliser dans l’éventualité de la survenance de leur inaptitude. Or, avant 1989, il existe un débat doctrinal au sujet de la survie des effets du mandat postérieurement à la survenance de l’inaptitude du mandant. À ce sujet, il convient de se référer à l’extrait suivant d’un article de la professeure Christine Morin :

Certains auteurs québécois enseignaient que l’inaptitude du mandant, qui n’était pas suivie d’interdiction, laissait subsister le mandat. Ainsi, selon le professeur Comtois, les personnes faisant affaire avec le mandataire ne devaient pas être tenues de vérifier la capacité juridique du mandant lorsqu’ils transigeaient avec le mandataire. Il soutenait également que ce qui mettait fin à la procuration n’était pas l’inaptitude du mandant, mais l’arrivée d’un nouveau représentant. Cette opinion était, du reste, celle de plusieurs auteurs français selon lesquels l’aliénation mentale qui ne s’est pas traduite par une mesure juridique de protection ne mettait pas fin en elle-même au mandat. Ils estimaient que les tiers devaient pouvoir se fier au mandat puisqu’ils n’étaient pas en mesure de vérifier si le mandant était apte lorsqu’ils transigeaient avec le mandataire.

55 Édith DELEURY et Dominique GOUBAU, Le droit des personnes physiques, 5e éd. par D. GOUBAU,

Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2014, n°683, p. 630 et 631

56 QUÉBEC,ASSEMBLÉE NATIONALE, Journal des débats. Commissions parlementaires, Commission

permanente des institutions, 2e sess., 33e légis., 6 juin 1989, « Étude détaillée du projet de loi 145 —

Loi sur le Curateur public et modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives (1) », p. CI-2472 (M. Rémillard)

57 QUÉBEC,ASSEMBLÉE NATIONALE, Journal des débats. Commissions parlementaires, Commission

permanente des institutions, 2e sess., 33e légis., 7 juin 1989, « Étude détaillée du projet de loi 145 — Loi sur le Curateur public et modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives (2) », p.

CI-2592 et CI-2593 (M. Filion)

58 Id.

(28)

Il n’y avait toutefois pas unanimité sur la question au Québec et en France. En effet, d’autres auteurs affirmaient plutôt que le mandat se terminait lorsque le mandant était atteint d’une maladie qui affectait « gravement » son état, et ce, même s’il n’était pas interdit ni déclaré incapable d’administrer ses biens. Il importait alors de remplacer le représentant conventionnel par un représentant légal « dont les actions sont soumises aux mécanismes de surveillance prévus par la loi en vue de la protection de l’incapable ». Ces auteurs s’inquiétaient de l’absence de surveillance du mandataire par le mandant devenu inapte, absence qu’ils souhaitaient voir combler par un mécanisme destiné à protéger les personnes inaptes. Ils mentionnaient également que l’impossibilité pour le mandant de mettre fin au mandat constituait un problème en soi.60

(Références omises)

En permettant la conclusion d’un mandat dont l’« exécution est subordonnée à la survenance de l’inaptitude »61, le législateur satisfait à cette demande et permet

expressément le recours à une alternative contractuelle. Pour ce faire, le législateur reprend et étudie rapidement la suggestion de Me Lambert. Plus précisément, il

l’intègre à la Loi sur le curateur public et modifiant le Code civil et d'autres

dispositions législatives62. La chronologie des évènements revêt ici un intérêt particulier, puisqu’elle reflète une précipitation qui a été relevée et critiquée par la littérature63. Elle explique potentiellement le fait que certaines questions n’aient pas

été abordées par le législateur dès la création du régime juridique encadrant le mandat de protection.

Le projet de loi est présenté le 15 mai 198964. Son principe est adopté le 31 mai65,

à la suite de quoi il est étudié en Commission permanente des institutions les 666,

60 Christine MORIN, « Le mandat : le point sur les conséquences liées à la survenance de l’inaptitude

du mandant », (2008) 110 R. du N. 241, 245 et 246

61 Art. 2166 al. 2 C.c.Q. 62 Préc., note 6

63 Infra, p. 19

64 Débats de l’Assemblée nationale du Québec, 2e sess., 33e légis., 15 mai 1989, p. 5506 (M. Gil

Rémillard)

65 Débats de l’Assemblée nationale du Québec, 2e sess., 33e légis., 31 mai 1989, p. 6140 66 QUÉBEC,ASSEMBLÉE NATIONALE, préc., note 56

(29)

767 et 868 juin. Il est adopté le 21 juin69 et sanctionné le 22 juin 1989. Son entrée en

vigueur a lieu quelques mois plus tard, le 15 avril 199070. Il s’écoule donc seulement

cinq semaines entre la présentation du projet de loi et la sanction de sa version finale telle qu’adoptée par l’Assemblée nationale. Au total, onze mois séparent la présentation du projet de loi et l’entrée de vigueur de la loi au terme du processus législatif. La réforme qui en résulte est pourtant substantielle.

Quelques années plus tard, Jean Lambert affirme que le processus législatif a eu lieu dans un contexte d’empressement et de confusion71. D’autres auteurs abondent

dans le même sens lorsqu’ils abordent la « gestation législative assez précitée »72

du mandat de protection ou traitent du « comportement […] en apparence erratique »73 du législateur. Nous devons prendre en considération la possibilité que

ce facteur ait eu des impacts indésirables sur la qualité de la réflexion des élus à ce moment.

Les élus se préoccupent de l’accessibilité au nouveau mécanisme dont la mise en place est envisagée74. Il en est question lors de l’étude des avantages et des

inconvénients de la judiciarisation de la mise en œuvre du mandat de protection. Dans le cadre de ce débat, deux objectifs s’opposent. D’une part, il est souhaité que l’alternative contractuelle aux régimes légaux de protection soit un modèle de simplicité et d’efficacité. D’autre part, on cherche à préserver les droits des

67 QUÉBEC,ASSEMBLÉE NATIONALE, préc., note 57

68 QUÉBEC,ASSEMBLÉE NATIONALE, Journal des débats. Commissions parlementaires, Commission

permanente des institutions, 2e sess., 33e légis., 8 juin 1989, « Étude détaillée des projets de loi 145

— Loi sur le Curateur public et modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives (3), 140 - Loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne concernant la Commission et instituant le Tribunal des droits de la personne (1) et 146 - Loi modifiant le Code civil du Québec et d'autres dispositions législatives afin de favoriser l'égalité économique des époux (1) »

69Débats de l’Assemblée nationale du Québec, 2e sess., 33e légis., 21 juin 1989, p. 7018

70 Loi sur le Curateur public et modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives, préc., note

6

71 J. LAMBERT, préc., note 53, à la p. 89

72 Lucie LAFLAMME, Robert P. KOURI et Suzanne PHILIPS-NOOTENS, Le mandat donné en prévision de l’inaptitude. De l’expression de la volonté à sa mise en œuvre, Cowansville, Éditions Yvon Blais,

2008, p. 1

73 M. OUELLETTE, préc., note 5, 10 (n°4)

(30)

personnes inaptes et à assurer des garanties lors d’un processus qui mène à une déclaration d’incapacité.

Le législateur préfère soumettre la mise en œuvre de cette alternative contractuelle à une procédure judiciaire. Il confirme la place privilégiée qu’occupent les tribunaux dans la protection juridique des personnes en situation de vulnérabilité. Les élus jugent que le passage devant le tribunal est incontournable en raison de la gravité du geste de déclarer une personne juridiquement incapable75. En d’autres mots, le

législateur considère comme indissociables la protection juridique et la protection judiciaire du majeur inapte. Le recours au processus judiciaire d’homologation du mandat de protection76 représente une différence significative entre l’idée originale

proposée et le régime juridique retenu par le législateur. Le président de la Chambre des notaires envisageait « une avenue notariale simple […], totalement déjudiciarisée »77.

La question de l’accessibilité est également au cœur des choix à faire en matière de conditions de forme du mandat. Les élus préfèrent offrir le choix entre la forme authentique et celle devant témoins plutôt que de rendre l’acte notarié obligatoire78.

Des conditions formelles minimales sont toutefois imposées, peu importe l’option retenue par le mandant79. La préoccupation au sujet de l’accessibilité est liée à la

nécessité d’engager des frais tant en ce qui concerne la judiciarisation de la mise en œuvre du mandat de protection que les conditions de forme imposées dans le cadre de sa rédaction. Soulignons ici que la principale différence est que les frais en question sont ceux engendrés pour avoir recours au tribunal dans le premier cas et aux services du notaire dans le second.

75 Id., p. CI-2594 M. Rémillard) ; QUÉBEC,ASSEMBLÉE NATIONALE, préc., note 68, p. CI-2602 (M. Filion) 76 Loi sur le Curateur public et modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives, préc., note

6, art. 111

77 J. LAMBERT, préc., note 53, à la p. 88

78 QUÉBEC,ASSEMBLÉE NATIONALE, préc., note 57, p. CI-2594 (M. Filion)

79 Loi sur le Curateur public et modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives, préc., note

(31)

Pour reprendre les propos tenus en commission, le législateur souhaite « protéger les gens qui ont besoin de l'être et cesser de protéger les gens qui n'ont pas besoin de l'être »80. L’objectif est donc non seulement d’offrir un accès à la nouvelle

institution aux citoyens, mais également d’éviter l’ouverture de mesures de protection dans des contextes où elles apparaissent superfétatoires ou inappropriées. Sous l’ancien régime, des personnes ont été déclarées incapables de façon presque automatique, à la simple étude de leur dossier médical81. La

situation préoccupe les élus, qui refusent d’attendre l’entrée en vigueur du Code civil

du Québec pour mettre en œuvre la réforme. L’un des objectifs poursuivis par la

réforme dans laquelle s’est inscrite l’introduction du mandat de protection dans le corpus législatif québécois est d’éviter que ce phénomène se reproduise. Pour reprendre les propos du ministre Gil Rémillard : « Nous devons agir dans cette loi, ne pas attendre la réforme du Code civil qui viendra dans trois ans, justement parce qu'il y a des abus et qu'on veut immédiatement combler ces abus, empêcher ces abus »82. L’empressement du législateur à mettre la réforme en œuvre malgré

l’entrée en vigueur imminente du Code civil du Québec est précisément la raison expliquant l’absence de modification substantielle au régime juridique encadrant la nouvelle institution lorsque celui-ci entre effectivement en vigueur83.

Ces nombreux objectifs du législateur peuvent, au premier regard, sembler se distinguer les uns des autres. Toutefois, ils sont intimement liés lorsque nous les étudions à la lumière des grands principes qui animent les travaux en vue de la réforme. Le respect de la personne et de ses droits est un fil conducteur qui ressort de l’analyse des propos des élus en commission et des dispositions qu’ils ont adoptées. Un exemple concret de l’application de ce principe est le droit de la personne inapte d’être informée84. Ce droit s’applique d’abord dans le cadre du

processus d’ouverture d’un régime de protection ou d’homologation de son mandat

80 QUÉBEC,ASSEMBLÉE NATIONALE, préc., note 68, p. CI-2601 (M. Filion) 81 Id., p. CI-2602 (M. Filion) ; D. GOUBAU, préc., note 7, n°697, p. 711 et 712 82 QUÉBEC,ASSEMBLÉE NATIONALE, préc., note 68, p. CI-2602 (M. Rémillard)

83 C. FABIEN, préc., note 12, à la p. 107 ; D. GOUBAU, préc., note 7, n°687, p. 700 ; L. LAFLAMME, R.

P. KOURI et S. PHILIPS-NOOTENS, préc., note 72, p. 2 ; J. LAMBERT, préc., note 53, à la p. 87

(32)

de protection. Il se traduit, entre autres, par des obligations procédurales visant spécifiquement l’information donnée à la personne concernée au sujet des démarches en cours85. Ce même droit entre également en jeu lorsqu’il est question

des décisions prises par son représentant légal en cours d’administration86.

L’objectif est d’impliquer la personne majeure inapte dans sa prise en charge. Un lien significatif existe entre le principe du respect de la personne et l’évolution des droits de la personne à une époque contemporaine87. Ce principe est indissociable

du respect de l’autonomie de la personne, dont découle l’obligation de tenir compte du degré d’inaptitude de la personne concernée dans le choix du régime de protection88.

Le respect de la volonté et du droit à l’autodétermination représente également l’un des fondements de la réforme. L’avènement du mandat de protection en est d’ailleurs une illustration particulièrement significative89. Jusqu’alors, les régimes de

protection étaient imposés aux citoyens. Le mandat de protection vient précisément leur accorder la possibilité de choisir tant la personne qui s’occupera d’eux que les pouvoirs accordés à cette personne.

L’un des fondements du droit des personnes contemporain, soit la justification de l’ouverture d’un régime de protection par le besoin de la personne concernée90,

émerge des propos tenus lors des commissions parlementaires. Le soin apporté à cette question témoigne du changement de paradigme qui s’effectue dans la seconde partie du siècle dernier. Le besoin de protection autour duquel s’organise la mise en place des régimes de représentation ou d’assistance des personnes inaptes n’est plus celui de la société, mais bien celui de la personne concernée91.

85 Art. 393 C.p.c. 86 Art. 257 al. 2 C.c.Q. 87 D. GOUBAU, préc., note 7, n°692, p. 706 88 Art. 259 C.c.Q. 89 D. GOUBAU, préc., note 7, n°703, p. 717 90 Art. 256 C.c.Q.

91 Michel BEAUCHAMP avec la collab. de Cindy GILBERT, Tutelle, curatelle et mandat de protection,

Références

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