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Sur l'approximation de fonctions additives par des fonctions multiplicatives

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

Sur l’approximation de fonctions additives par des

fonctions multiplicatives

Thèse

François Laniel

Doctorat en mathématiques

Philosophiæ doctor (Ph. D.)

Québec, Canada

(2)

Sur l’approximation de fonctions additives par des

fonctions multiplicatives

Thèse

François Laniel

Sous la direction de:

Jean-Marie De Koninck, directeur de recherche Nicolas Doyon, codirecteur de recherche

(3)

Résumé

Pour une fonction additive f et une fonction multiplicative g, soit E(f, g; x) := #{n ≤ x :

f (n) = g(n)}. Dans cette thèse, nous améliorons le résultat de De Koninck, Doyon et Letendre

relatif à l’ordre de grandeur de E(ω, g; x) et E(Ω, g; x).

Nous obtenons aussi des résultats généralisant l’inégalité d’Hardy-Ramanujan et le théorème de Landau. De plus, nous appliquons la méthode de Selberg-Delange de façon à obtenir une formule relative à la fréquence des fonctions ω(n) et Ω(n) en progression arithmétique. Finalement, nous trouvons une condition suffisante pour qu’une fonction arithmétique quel-conque possède une fonction de répartition et obtenons une version quantitative du théorème d’Erdős-Wintner.

(4)

Abstract

For an additive function f and a multiplicative function g, let E(f, g; x) := #{n ≤ x : f (n) =

g(n)}. In this thesis, we improve the result of De Koninck, Doyon and Letendre regarding

the order of magnitude of E(ω, g; x) and E(Ω, g; x).

We also obtain results which generalise the Hardy-Ramanujan inequalities and the Landau theorem. Moreover, we use the Selberg-Delange method in order to obtain a formula on the frequency of the fonctions ω(n) and Ω(n) in arithmetic progression.

Finaly, we find a sufficient condition for an arithmetical function to possess a distribution function and obtain a quantitative version of the Erdős-Wintner theorem.

(5)

Table des matières

Résumé iii

Abstract iv

Table des matières v

Liste des figures vii

Remerciements x

Introduction 1

1 Notation et résultats utiles 2

1.1 Notation . . . 2

1.2 Résultats élémentaires utiles . . . 4

2 Ordre normal 8 3 Comportement local 19 3.1 Les théorèmes de Hardy-Ramanujan et de Landau . . . 19

3.2 La méthode de Selberg-Delange . . . 31

3.3 Applications de la méthode au comportement local de certaines fonctions arithmétiques . . . 41

4 Égalité locale entre fonctions additives et fonctions multiplicatives 52 4.1 Résultats connus . . . 52

4.2 Borne supérieure . . . 56

4.3 Amélioration des résultats . . . 57

5 Méthodes probabilistes 63 5.1 Probabilité en théorie des nombres . . . 63

5.2 Fonction de répartition . . . 64

5.3 Fonction caractéristique . . . 66

5.4 Surjectivité des suites . . . 69

5.5 Fonctions caractéristiques des fonctions additives et multiplicatives . . . 70

5.6 Nouvelles contributions . . . 72

(6)
(7)

Liste des figures

3.1 La région décrite en (3.21) . . . 34 3.2 Un contour de Hankel H de rayon r . . . 35 5.1 La fonction de répartition Φ(x) . . . . 71

(8)

À mes parents, Benoit Laniel et Lise Gagnon

(9)

L’ignorance n’a jamais fait de mal ; l’erreur seule est funeste, on ne s’égare point car on ne sait pas, mais parce qu’on croit savoir.

(10)

Remerciements

Un vieux proverbe chinois dit :

« En buvant l’eau du puits, n’oubliez pas ceux qui l’ont creusé. »

Un proverbe israélite dit quant à lui : « Ceux qui donnent ne doivent pas se rappeler, mais ceux qui reçoivent ne doivent jamais l’oublier. »

À l’image de ces citations, on constate que la gratitude est historiquement enracinée dans l’âme de toute culture. Malheureusement, la société actuelle semble parfois l’oublier en délaissant cette valeur fondamentale au profit d’idéaux individualistes, comme si la réussite personnelle ne dépendait que de soi. Appartenant plutôt à l’école de ceux qui croient fermement en l’importance de la reconnaissance, cette section revêt ainsi une importance particulière à mes yeux.

Le professeur Jean-Marie De Koninck fut évidemment un acteur clé dans la réalisation de cette thèse. Moi qui peinait à la seule idée du doctorat, je le voyais impliqué dans plus de projets une fois à la retraite que moi dans la fleur de l’âge ! J’ai en réalité peu de mots pour décrire mon respect envers celui-ci. Il m’a impressionné et m’impressionnera toujours. Je tiens spécialement à remercier le professeur Nicolas Doyon pour sa disponibilité, ses encou-ragements et son intelligence. Je crois sincèrement que son apport a fait toute la différence. Ayant étudié au baccalauréat, à la maîtrise et au doctorat à l’Université Laval, j’en suis venu à connaître la plupart des membres du département. C’est donc avec un peu de nostalgie que je voudrais remercier tous les professeurs m’ayant enseigné ou avec qui j’ai eu la chance de travailler. J’aimerais aussi remercier Emanuelle Reny-Nolin que j’ai cotoyée sur une base régulière durant les sept dernières années et qui m’a toujours fait confiance dans l’attribution des diverses tâches d’auxilliaire. J’ai par le fait même eu l’occasion de travailler à maintes reprises avec Jérôme Soucy et une amitié s’est formée avec les années au travers du travail, mais aussi des sports communs que l’on pratique. J’aimerais remercier Frédéric Morneau-Guérin pour les riches discussions et ce plaisir renouvelé à chaque fois que je le croise.

(11)

Je veux remercier ma famille qui m’a toujours supportée vis-à-vis mes choix personnels. Je sais qu’ils pensent souvent à moi et ces pensées sont réciproques.

Je veux aussi souligner l’apport de mes amis qui constituent une partie intégrante de cette dite famille. La vie ne serait pas pareil sans eux.

Ces remerciements seraient certainement incomplets si je n’y faisais pas une place de choix à mes parents. On ne peut atteindre les plus hauts sommets sans une fondation des plus solide. Sous cette perspective, je ne serais probablement jamais parvenu à ce niveau mathé-matique sans l’apport exemplaire qu’ils ont joué dans mon éducation. Cette thèse fait foi de ce dévouement à ma réussite et je tiens donc à partager le fruit de ces efforts avec eux. Plus particulièrement, je veux remercier mon père, Benoit Laniel, pour m’avoir toujour poussé à dépasser mes limites et ma mère, Lise Gagnon, pour son amour inconditionnel et son support de chaque instant.

En terminant, le théologien Eckhart von Hochheim écrivit un jour : « Si la seule prière que vous aviez fait de toute votre vie était « Merci », cela suffirait. » À qui de droit je dis donc bien humblement, merci.

(12)

Introduction

Pour une fonction additive f et une fonction multiplicative g, soit E(f, g; x) := #{n ≤ x :

f (n) = g(n)}. De Koninck, Doyon et Letendre [10] ont démontré que si f est à valeurs

entières et telle que A(x) := X pk≤x f (pk) pk  1 −1 p  et D(x) :=   X pk≤x |f (pk)|2 pk   1/2 satisfont les conditions (i) ϕ(x) = ϕf(x) := D(x) A(x) → 0 lorsque x → ∞, (ii) max z∈N #{n ≤ x : f (n) = z} = O  x H(x)  , où H(x) = Hf(x) → ∞ lorsque x → ∞,

alors pour chaque fonction multiplicative g, on a E(f, g; x) = o(x) lorsque x → ∞. Dans cette thèse, nous améliorons ce résultat dans le cas où f (n) = ω(n) := P

p|n1 et

f (n) = Ω(n) :=P

knα. Avant d’y arriver, nous étudions au chapitre 2 l’ordre normal de la

fonction ω ainsi qu’une inégalité qui sera cruciale dans la démonstration de notre amélioration. Dans le chapitre 3, nous obtenons des résultats intéressants sur la fréquence des fonctions ω et Ω en généralisant deux résultats bien connus et en appliquant la méthode de Selberg-Delange aux fonctions ω et Ω en progression arithmétique.

Dans le chapitre 4, nous démontrons l’amélioration promise en utilisant les outils développés à cette fin.

Au dernier chapitre, nous changeons de point de vue et étudions, à l’aide entre autres de la notion de fonctions caractéristiques, le comportement global des fonctions additives et multiplicatives. Nous obtenons par exemple deux résultats nouveaux en lien avec le théorème d’Erdős-Wintner.

(13)

Chapitre 1

Notation et résultats utiles

1.1

Notation

Nous dénoterons l’ensemble des entiers positifs par N = {1, 2, 3, . . .}. L’expression (a, b) désignera le plus grand commun diviseur de a et b.

La lettre ℘ désignera l’ensemble des nombres premiers alors que les lettres p et q représenteront toujours des nombres premiers. En particulier, lorsque l’on rencontrera l’expression p ≤ x en indice d’une somme, cela signifiera que l’on somme sur les nombres premiers plus petits ou égaux à x.

Nous utiliserons l’expression «log» pour désigner le log en base e. Lorsque le contexte deman-dera d’alléger la notation, on écrira log2x pour signifier max(1, log log x).

Soit f et g deux fonctions arithmétiques définies sur [a, ∞) pour a un nombre réel positif avec

g(x) > 0.

On écrira que f (x) = O(g(x)) lorsque x → ∞ s’il existe une constante M > 0 et un nombre réel x0 tels que |f (x)| ≤ M g(x) pour tout x ≥ x0. Selon la situation, on emploiera aussi la notation équivalente f (x)  g(x). Nous utiliserons généralement la notation O lorsque le membre de droite comportera plus d’un terme, et ce pour mettre une emphase particulière sur un terme d’erreur ou sur le fait que la constante implicite ne multiplie qu’un seul des termes. La notation  sera quant à elle utilisée lorsque la constante implicite multipliera tout le membre de droite. Par exemple, on écrira le plus souvent Li(x) :=Rx

2 log tdt = x log x+ O  x (log x)2 

et x5  ex, mais il serait tout à fait convenable d’écrire Li(x) − x

log x 

x

(log x)2 et x5= O(ex). On écrira que f (x) = o(g(x)) lorsque x → ∞ si pour chaque  > 0, il existe un x0 tel que |f (x)| < g(x) pour chaque x ≥ x0. Comme g(x) > 0, cette définition est équivalente au fait

que |f (x)|g(x) → 0 lorsque x → ∞.

(14)

que

A1g(x) ≤ f (x) ≤ A2g(x)

pour tout x ≥ x0. La notation f (x) . g(x) signifiera quant à elle qu’il existe un y0 et une

constante positive A3 telle que

f (x) ≤ A3g(x)

pour tout x ≥ y0.

Finalement, pour deux fonctions à valeurs réelles, on dira que f (x) ∼ g(x) lorsque x → ∞ si f (x)

g(x) → 1 lorsque x → ∞.

Définition 1.1.1. On définit la constante d’Euler γ par

γ = 1 −

Z ∞

1

t − btc t2 dt.

On peut facilement montrer (voir [11]) que cette définition de γ est équivalente à la suivante :

γ = lim N →∞ N X n=1 1 n− log N ! .

De plus, la valeur numérique de γ est approximativement de 0.57721 . . .

Pour terminer, voici quelques fonctions qui seront abordées au cours du présent ouvrage :

π(x) = X

p≤x

1, le nombre de nombres premiers p ≤ x,

π(x; k, `) = X

p≤x p≡` mod k

1, le nombre de nombres premiers p ≤ x, p ≡ ` mod k,

φ(n) = X

m≤n

(m,n)=1

1, le nombre de nombres copremiers et inférieurs à n,

ω(n) = X

kn

1, le nombre de diviseurs premiers de n,

Ω(n) = X kn

α, le nombre de diviseurs premiers de n en comptant leur multiplicité et la fonction de Möbius µ(n) =        1 si n = 1,

0 p2|n pour un nombre premier p, (−1)ω(n) sinon.

(15)

On dira que f est une fonction additive si pour tous entiers a et b avec (a, b) = 1 on a

f (ab) = f (a) + f (b). On dira que f est fortement additive si f (pα) = f (p) pour chaque nombre premier p et α ∈ N. On notera par A (respectivement A∗) l’ensemble des fonctions additives (respectivement fortement additives).

De même, on dira que g est une fonction multiplicative si pour tous entiers a et b avec (a, b) = 1 on a g(ab) = g(a) · g(b). On dira que g est fortement multiplicative si g(pα) = g(p) pour chaque nombre premier p et α ∈ N. On notera par M (respectivement M∗) l’ensemble des fonctions multiplicatives (respectivement fortement multiplicatives).

1.2

Résultats élémentaires utiles

Dans cette section, nous présentons sans démonstration les résultats suivants qui nous seront utiles dans cette thèse.

Théorème 1.2.1 (Formule sommatoire d’Abel). Soit (an)n≥1une suite de nombres complexes

et f : [1, +∞) −→ C une fonction ayant une dérivée continue. En posant pour chaque x ≥ 1 A(x) = X n≤x an, on a X n≤x anf (n) = A(x)f (x) − Z x 1 A(t)f0(t) dt. (1.1)

Lemme 1.2.2. Des formules classiques

X k≥0 rk = 1 1 − r, X k≥1 krk = r (1 − r)2 et X k≥1 k2rk= r(r + 1) (1 − r)3

valides si |r| < 1, on a que les formules

X k≥2 rk = r 2 1 − r, (1.2) X k≥2 krk = r 2(2 − r) (1 − r)2 (1.3) et X k≥2 k2rk = r 2(r2− 3r + 4) (1 − r)3 (1.4)

(16)

Théorème 1.2.3 (Inégalité de Cauchy-Schwarz). Soit w1, . . . , wk et z1, . . . , zk des nombres

complexes. Alors on a l’inégalité

n X i=1 wizi 2 ≤ n X i=1 |wi|2 ! n X i=1 |zi|2 ! . (1.5)

Théorème 1.2.4 (Théorème de Tchebychev). Il existe des constantes positives c1 et c2 telles

que c1 x log x ≤ π(x) ≤ c2 x log x (1.6)

pour tout x ≥ 2. En particulier, on peut prendre c1= 3 log 28 et c2 = 6 log 2.

Remarque 1.2.5. Notons que Tchebychev a montré que les constantes c1 = log

2123 1 35 1 5 30301 ! ≈ 0.921292 . . . et c2= 6c1

5 ≈ 1.1055 . . . faisaient l’affaire pour autant que x ≥ 10.

On retrouve dans [6] une version forte de l’inégalité de Stirling que nous présentons ici.

Théorème 1.2.6 (Inégalité et formule de Stirling). L’inégalité

2πn n e n ≤ n! ≤2πn n e n e12n1 (1.7)

est valide pour chaque entier positif n. En particulier, on a n! ∼ n e n2πn (1.8) lorsque n → ∞.

Théorème 1.2.7. La relation asymptotique

X

p≤x log p

p = log x + O(1) (1.9)

est valable lorsque x → ∞. En particulier, il existe une constante absolue H telle que

X

p≤x log p

p < H log x (1.10) pour tout x ≥ 2.

Théorème 1.2.8 (Formules de Mertens). Lorsque x → ∞, on a

X p≤x 1 p = log log x + β + O  1 log x  , (1.11) où β = γ +P p  log1 −1p+1p≈ 0.26149 . . .. De plus, on a Y p≤x  1 +1 p  = 6e γ π2 log x + O(1). (1.12)

(17)

Théorème 1.2.9 (Théorème des nombres premiers). On a

π(x) ∼ x

log x (x → ∞). (1.13)

Théorème 1.2.10 (Rosser et Schoenfeld). L’inégalité

π(x) > x

log x (1.14)

est valide dès que x ≥ 11.

Théorème 1.2.11 (Théorème des nombres premiers en progression arithmétique). Si a et b

sont des entiers positifs copremiers, alors

π(x; b, a) = (1 + o(1))π(x)

φ(b) (x → ∞). (1.15)

Théorème 1.2.12. En notant pa,b le plus petit nombre premier congru à a modulo b , on a

que l’égalité X p≤x p≡a mod b 1 p = log log x φ(b) + 1 pa,b + O log(2b) φ(b)  (1.16)

est valable pour 1 ≤ a < b avec (a, b) = 1. En particulier, si A > 0 est une constante fixée et b ≤ (log x)A, alors on a X p≤x p≡a mod b 1 p  A log log x φ(b) (1.17)

et si b est fixé, alors on a

X p≤x p≡a mod b 1 p = log log x φ(b) + Ob(1). (1.18) Soit maintenant F (s) = ∞ X n=1 an ns

une série de Dirichlet et σcson abscisse de convergence. Posons

ax = ( an si x = n, 0 si x ∈ R \ N, A(x) := X n<x an+ 1 2ax et A(x) := X n≤x an.

(18)

Théorème 1.2.13 (Formules de Perron). Suivant les notations précédentes, si κ > max(0, σc) et x ≥ 1, alors on a A(x) = 1 2πi Z κ+i∞ κ−i∞ F (s)x s s ds et Z x 0 A(t) dt = 1 2πi Z κ+i∞ κ−i∞ F (s) x s+1 s(s + 1)ds. (1.19)

Finalement, nous supposons le lecteur familier avec les théorèmes classiques d’analyse com-plexe, e.g. le théorème des résidus, la formule de Cauchy, le théorème de Liouville, etc. Le livre de Conway [7] est une excellente référence sur le sujet.

(19)

Chapitre 2

Ordre normal

L’étude de l’ordre normal comme outil de compréhension du comportement des fonctions arithmétiques remonte au travaux précurseurs de Hardy et Ramanujan [23] en lien avec les fonctions additives ω(n) et Ω(n). Par la suite, Turán [41] et Kubilius [26; 27] ont étendu les idées fécondes de leurs prédécesseurs en simplifiant la démonstration originale via une inégalité qui porte maintenant leur nom. Vint ensuite Elliott [13] qui généralisa ces idées de manière à caractériser complètement les fonctions additives possédant un ordre normal. Finalement, Birch [4] caractérisa à son tour les fonctions multiplicatives ayant un ordre normal via un résultat pour le moins surprenant.

Ce chapitre se veut avant tout une introduction au concept d’ordre normal et permet de poser les premières différences majeures entre le comportement des fonctions additives et celui des fonctions multiplicatives. Commençons d’abord par définir ce que l’on entend par

ordre normal.

Définition 2.0.1. On dira d’une fonction arithmétique f (n) qu’elle possède un ordre normal

s’il existe une fonction croissante ρ(n) telle que, pour tout  > 0, on a 1

x# {n ≤ x : |f (n) − ρ(n)| < |ρ(n)|} = 1 + o(1) (2.1)

lorsque x → ∞. Nous dirons alors que ρ est un ordre normal pour f ou que f (n) = (1 +

o(1))ρ(n) presque partout, cette dernière expression signifiant que f est asymptotiquement

égale à ρ sur les entiers positifs n, à l’exception possible d’un sous-ensemble de densité nulle.

Remarquons que pour tout  > 0, on a

# {n ≤ x : |f (n) − ρ(n)| < |ρ(n)|} + # {n ≤ x : |f (n) − ρ(n)| ≥ |ρ(n)|} = bxc, ce qui implique que lorsque x → ∞,

(20)

1 x# {n ≤ x : |f (n) − ρ(n)| < |ρ(n)|} = bxc x − 1 x# {n ≤ x : |f (n) − ρ(n)| ≥ |ρ(n)|} = 1 + o(1) −1 x# {n ≤ x : |f (n) − ρ(n)| ≥ |ρ(n)|} .

Ceci montre que ρ est un ordre normal pour f si et seulement si 1

x# {n ≤ x : |f (n) − ρ(n)| ≥ |ρ(n)|} = o(1) (x → ∞). (2.2)

Le prochain lemme nous permet d’établir que sous certaines conditions sur la fonction ρ(n), on peut montrer qu’elle est un ordre normal pour f si (2.1) tient pour chaque entier positif

x = N en remplaçant ρ(n) par ρ(N ). Plus explicitement, on a le résultat suivant :

Lemme 2.0.2. Soit f une fonction arithmétique et ρ une fonction positive. Supposons que

pour chaque entier n ≤ N , on a ρ(n) = (1 + o(1))ρ(N ) à l’exception d’au plus o(N ) entiers et que pour tout  > 0, on a

1

N# {n ≤ N : |f (n) − ρ(N )| < |ρ(N )|} = 1 + o(1) (N → ∞). Sous ces conditions, ρ est un ordre normal pour f .

Démonstration. Soit  > 0 arbitrairement petit. Posons 1 := +2 . Remarquons que nous avons défini 1 de telle sorte que  = 1−211.

Posons

AN,δ:= {n ≤ N : |ρ(N ) − ρ(n)| < δρ(n)} ,

BN,δ := {n ≤ N : |f (n) − ρ(N )| < δρ(N )} et

CN,δ := {n ≤ N : |f (n) − ρ(n)| < δρ(n)} .

Le lemme sera démontré si l’on prouve que #CN, = (1 + o(1))N lorsque N → ∞.

Montrons d’abord qu’il existe N tel que AN,1 ∩ BN,1 ⊂ CN,. Soit donc n ∈ AN,1 ∩ BN,1. L’entier n est tel que |f (n) − ρ(N )| ≤ 1ρ(N ) et |ρ(N ) − ρ(n)| ≤ 1ρ(N ). En particulier, on a

ρ(N ) − ρ(n) ≤ 1ρ(N ), et comme 1< 12 < 1, il suit que ρ(N ) ≤ 1−ρ(n)1. On a par le fait même

(21)

|f (n) − ρ(n)| = |f (n) − ρ(N ) + ρ(N ) − ρ(n)| ≤ |f (n) − ρ(N )| + |ρ(N ) − ρ(n)| ≤ 1ρ(N ) + 1ρ(N ) = 21ρ(N )21 1 − 1 ρ(n) = ρ(n).

Comme ρ(n) = (1 + o(1))ρ(N ) à l’exception d’au plus o(N ) entiers, cela signifie que #AN,1 =

N + o(N ) lorsque N → ∞. De plus, on a par hypothèse que #BN,1 = N + o(N ). Il suit donc que

#CN, ≥ #(AN,1 ∩ BN,1)

= #AN,1 + #BN,1 − #(AN,1 ∪ BN,1) ≥ #AN,1 + #BN,1 − N = N (1 + o(1)),

démontrant du même coup le lemme.

Posons maintenant A(x) = X pk≤x f (pk) pk  1 −1 p  , B(x) = X pk≤x f (pk) pk , C(x) = X p≤x f (p) p , D(x) =   X pk≤x |f (pk)|2 pk   1/2 et E(x) =   X p≤x |f (p)|2 p   1/2 .

Suivant cette notation, nous présentons ici plusieurs versions de l’inégalité de Turán-Kubilius. Les démonstrations sont disponibles entre autres dans [12], [31] et [39].

(22)

Théorème 2.0.3 (Inégalités de Turán-Kubilius). Il existe des constantes absolues C0, C1 et

C2 positives telles que pour toute fonction arithmétique additive complexe f on a

X n≤x |f (n) − A(x)|2≤ C0xD(x)2, (2.3) X n≤x |f (n) − B(x)|2 ≤ C1xD(x)2 (2.4) et X n≤x |f (n) − C(x)|2 ≤ C2xD(x)2. (2.5)

Corollaire 2.0.4. Pour une fonction fortement additive complexe f , l’inégalité

X

n≤x

|f (n) − C(x)|2≤ C

3xE(x)2 (2.6)

tient pour une constante absolue C3 ne dépendant pas de f .

Démonstration. On remarque facilement que lorsque f est fortement additive, on a D2(x) = X pk≤x |f (pk)|2 pk = X pk≤x |f (p)|2 pk ≤X p≤x |f (p)|2 p  1 +1 p + 1 p2 + · · ·  ≤  1 +1 2+ 1 22 + · · ·  X p≤x |f (p)|2 p = 2E2(x),

ce qui, combiné avec la troisième version de l’inégalité de Turán-Kubilius, démontre le résultat.

Remarque 2.0.5. Elliott [12, pp.151-153] a montré que les constantes C0, C1 et C3 sont

au plus 32, 45 et 16 respectivement. On retrouve aussi dans le livre de Tenenbaum [39] une version de l’inégalité (2.3) où l’on remplace la constante absolue C0 par 2 + (x), où (x) est

une fonction indépendante de f qui tend vers 0 lorsque x tend vers l’infini. On peut en fait montrer que la fonction

(x) := 4 x     X pµqν≤x p6=q pµqν     1/2 + 4 x     X pµ≤x 6=x     1/2 fait l’affaire.

(23)

Les inégalités précédentes sont d’une grande utilité pour l’étude de l’ordre normal de fonctions additives. Elles permettent par exemple de démontrer le lemme suivant, lequel nous permettra de déduire la nature de l’ordre normal de la fonction ω(n).

Lemme 2.0.6. Soit f une fonction additive à valeurs complexes. Pour toutes fonctions F :

R → C, on a

|F (x)|2

x #{n ≤ x : |f (n) − A(x)| ≥ F (x)}  D(x)

2. (2.7)

De plus, si L : R → C est une fonction telle que A(x) = L(x) + O(1), alors

|F (x)|2

x #{n ≤ x : |f (n) − L(x)| ≥ F (x)}  D(x)

2. (2.8)

Le résultat est tout aussi vrai si l’on remplace A(x) par B(x) ou C(x). Finalement, si f est une fonction fortement additive et si l’on remplace A(x) par C(x), alors on peut aussi remplacer D(x) par E(x).

Démonstration. On a |F (x)|2 x #{n ≤ x : |f (n) − A(x)| ≥ |F (x)|} = 1 x X n≤x |f (n)−A(x)|≥|F (x)| |F (x)|2 ≤ 1 x X n≤x |f (n) − A(x)|2  D(x)2,

où la dernière inégalité est justifiée par l’inégalité de Turán-Kubilius (2.3).

Supposons maintenant que A(x) = L(x) + O(1) pour une certaine fonction L et posons

R(x) = A(x) − L(x). Par hypothèse, on a que |R(x)| = O(1). Ainsi,

X n≤x |f (n) − L(x)|2= X n≤x |(f (n) − A(x) + R(x))2| = X n≤x |(f (n) − A(x))2+ 2(f (n) − A(x))R(x) + R(x)2| ≤ X n≤x  |f (n) − A(x)|2+ 2|R(x)||f (n) − A(x)| + |R(x)|2 ≤ 2X n≤x  |f (n) − A(x)|2+ |R(x)|2 = 2X n≤x |f (n) − A(x)|2+ O(x),

où la quatrième ligne provient de l’inégalité x2 + 2Rx + R2 ≤ 2x2+ 2R2 valable pour tout

(24)

équivalente à l’inégalité triviale 0 ≤ x2− 2Rx + R2 = (x − R)2. Ainsi, on trouve de la même manière |F (x)|2 x #{n ≤ x : |f (n) − L(x)| ≥ |F (x)|} = 1 x X n≤x |f (n)−L(x)|≥|F (x)| |F (x)|2 ≤ 2 x X n≤x |f (n) − A(x)|2+ O(1)  D(x)2.

Finalement, il est clair que le résultat tient toujours si l’on remplace A(x) par B(x) ou C(x), la démonstration ne différant que dans l’utilisation des inégalités (2.4) et (2.5) au lieu de (2.3). Si f est fortement additive et si l’on remplace A(x) par C(x), alors l’utilisation de l’inégalité (2.6) est similairement suffisante.

Pour la fonction ω(n), on a par (1.11) que C(x) = E2(x) = log2x + O(1). Ainsi, pour tout  > 0, on a par le lemme précédent et en posant F (x) =  log2x que

1 x#{n ≤ x : |ω(n) − log2x| ≥  log2x|}  1 2log 2x .

Ainsi, par (2.2) et le lemme 2.0.2, on a que log log n est l’ordre normal de la fonction ω. On observe que C(x) = Cω(x) + O(1) et que

D2(x) = X ≤x |Ω(pν)|2 =X ν≥1 X ≤x ν2 ≤X p≤x 1 p + X p X ν≥2 ν2 =X p≤x 1 p + X p 4p2− 3p + 1 p(p − 1)3 = log2x + O(1),

où l’on a posé r = 1p dans (1.4) à l’avant-dernière ligne. On conclut ainsi de la même façon que log log n est l’ordre normal de la fonction Ω(n).

On peut aussi établir, en utilisant cette fois F (x) = ψ(x)p

log2x où ψ(x) est une fonction

quelconque, que 1 x#{n ≤ x : |ω(n) − log2x| ≥ ψ(x) q log2x}  1 ψ2(x), (2.9)

(25)

On rencontre souvent ce résultat dans la littérature avec la spécificité que ψ(x) tend vers +∞, mais ce n’est ici nécessaire que si l’on veut montrer du même coup que log2n est un ordre

normal pour ω(n), le lemme 2.0.6 n’imposant pas une telle restriction. Dès que ψ(x) → ∞, on peut alors en déduire que presque tout nombre naturel n ≤ x est divisible par un nombre de facteurs premiers distincts compris entre log2x − ψ(x)p

log2x et log2x + ψ(x)p

log2x.

Nous pouvons dès à présent étendre ces idées aux fonctions additives pour lesquelles D(N ) =

o(A(N )). On a en fait le théorème suivant :

Théorème 2.0.7. Soit f une fonction additive à valeurs complexes telle que

D(N ) = o(A(N )) (2.10)

lorsque N → ∞. Alors A(n) est un ordre normal pour f (n).

Démonstration. À la lumière du théorème 2.0.2 et de (2.2), si l’on montre que A(n) = (1 + o(1))A(N ) pour tout n ≤ N à l’exception d’au plus o(N ) entiers, alors il suffira de montrer

que pour chaque  > 0, on a 1

N# {n ≤ x : |f (n) − A(N )| > |A(N )|} = o(1) (N → ∞). (2.11)

Pour chaque entier n tel queN < n ≤ N , on a

|A(N ) − A(n)| ≤ X √ N <pν≤N f (pν) ≤   X √ N <pν≤N 1 X √ N <pν≤N |f (pν)|2   1/2 (par Cauchy-Schwarz) ≤   X √ N <pν≤N 1 X ≤N |f (pν)|2   1/2  D(N ) = o(A(N )) (par 2.10).

Ainsi, on a bien que A(n) = (1 + o(1))A(N ) sur un ensemble de densité égale à 1. Soit  > 0. Par le lemme 2.0.6 avec F (N ) = A(N ) et l’hypothèse (2.10), on a

1 N#{n ≤ N : |f (n) − A(N )| > |A(N )|}  D(N ) A(N ) 2 = o(1), (2.12)

ce qui démontre (2.11) et le théorème.

Soit maintenant E ⊂ ℘, un sous-ensemble de l’ensemble des nombres premiers. Posons

ωE(n) := X p|n p∈E 1 ΩE(n) := X |n p∈E ν et TE(x) := X p≤x p∈E 1 p.

(26)

On déduit facilement des formules (1.2), (1.3) et (1.4) que AωE(x) = X ≤x ωE(pν)  1 −1 p  =X ν≥1 X ≤x p∈E 1  1 −1 p  ≤ X p≤x p∈E 1 p  1 −1 p  +X p∈E X ν≥2 1  1 −1 p  = X p≤x p∈E 1 p− X p≤x p∈E 1 p2 + X p∈E 1 p(p − 1) − X p∈E 1 p2(p − 1) = TE(x) + O(1), Dω2E(x) = X ≤x E(pk)|2 = X ν≥1 X pν≤x p∈E 1 ≤ X p≤x p∈E 1 p+ X p∈E X ν≥2 1 = X ≤x p∈E 1 p + X p∈E 1 p(p − 1) = TE(x) + O(1), AE(x) = X ≤xE(pν)  1 −1 p  =X ν≥1 X ≤x p∈E ν  1 −1 p  ≤ X p≤x p∈E 1 p  1 −1 p  +X p∈E X ν≥2 ν  1 −1 p  = X p≤x p∈E 1 p − X p≤x p∈E 1 p2 + X p∈E 2p − 1 p(p − 1)2 − X p∈E 2p − 1 p2(p − 1)2 = TE(x) + O(1) et D2E(x) = X ≤x |ωE(pν)|2 = X ν≥1 X ≤x p∈E ν2 ≤ X p≤x p∈E 1 p+ X p∈E X ν≥2 ν2 = X ≤x p∈E 1 p + X p∈E 4p2− 3p + 1 p(p − 1)3 = TE(x) + O(1).

(27)

Ainsi, si TE(n) tend vers l’infini avec n, on a pour ωE et ΩE que D(N ) = o(AN) et le théorème 2.0.7 nous confirme alors que TE(n) est un ordre normal pour ωE(n) et pour ΩE(n).

En choisissant E = ℘, on a que TE(n) = log2n + O(1) et donc log2n est un ordre normal

pour ω et Ω, confirmant ce qu’on avait déjà montré.

Si l’on prend deux entiers positifs a et b tels que (a, b) = 1 et E := {p premier : p ≡ a mod b}, alors par (1.18) on a TE(n) = log log nφ(b) + O(1) et donc log2n

φ(b) est un ordre normal pour ωE(n). On conclut facilement des lemmes 2.0.2 et 2.0.6 que

1 x#  n ≤ x : |ωE(n) − TE(n)| ≤ ξ(n) q TE(n)  = 1 + o(1) (x → ∞), bref que ωE(n) = TE(n) + O(ξ(n)p

TE(n)) presque partout. Évidemment, si ξ(n) ≥

p

TE(n), alors la borne d’erreur est plus grande que le terme principal et donc la relation asymptotique précédente n’est que de peu d’utilité. Remarquons aussi qu’on ne peut conclure que cette égalité tient presque partout si TE(n) ne tend pas vers +∞.

En fait, il est relativement facile de voir que si TE(n) converge, alors les fonctions ωE(n) et ΩE(n) ne possèdent pas d’ordre normal. En effet, si TE(n) converge, il suit que δ :=

Y p∈E  1 −1 p 

converge aussi avec 0 < δ < 1. La densité des nombres naturels n’étant divisibles par aucun des nombres premiers dans E étant égale à δ > 0, il suit que ωE(n) et ΩE(n) sont nuls sur un ensemble de densité positive. L’ordre normal ne pouvant alors qu’être égal à 0, le fait que ces deux fonctions soient strictement plus grandes que 0 sur un second ensemble de densité positive confirme l’impossibilité pour ces fonctions de posséder un ordre normal. Nous avons réalisé tout au long de cette section que les inégalités de Turán-Kubilius forment un outil important quant à l’étude de l’ordre normal des fonctions additives. En effet, elles nous ont entre autre permis de trouver une condition suffisante pour garantir l’existence de celui-ci et ce grâce au théorème 2.0.7. Cependant, ce théorème ne permet que de détecter les ordres normaux qui sont égaux à A(n), ce qui n’est pas toujours le cas.

En effet, en prenant par exemple le sous-ensemble de nombres premiers E = {p4k2 : k ∈ N} où pi dénote le ième nombre premier et en définissant la fonction fortement additive f sur les nombres premiers p par

f (p) =

(

p + log p si p ∈ E,

log p sinon

on peut montrer (voir [13] p.119) que log n est un ordre normal pour f , mais que A(n) n’est pas de cet ordre.

De plus, il est possible que ce théorème ne soit pas suffisant même lorsque l’ordre normal existe et est égal à A(n). Il est heureusement possible d’aller un peu plus loin dans cette étude et

(28)

d’établir des conditions équivalentes à l’existence d’un ordre normal pour f , mais ceci aux dépens de la relative simplicité de la condition du théorème 2.0.7. Le théorème suivant en fait foi.

Théorème 2.0.8 (Elliott). Pour qu’une fonction additive réelle f possède un ordre normal,

il est à la fois nécessaire et suffisant qu’il existe une fonction g(x) positive et croissante pour x suffisament grand telle que, lorsque x → ∞,

(i) il existe une décomposition de g(x) de la forme g(x) = u(x) + v(x) telle que pour chaque y > 0 fixe on a

u(xy) = yu(x) + o(g(x)) et v(xy) = v(x) + o(g(x)) ;

(ii) pour chaque  > 0, la fonction

h(p, x) = f (p) − u(x) log xlog p satisfait X p≤x |h(p,x)|>g(x) 1 p → 0 et 1 g2(x) X p≤x |h(p,x)|≤g(x) h2(p, x) p → 0 ; (iii) l’égalité g(x) = u(x) + X p≤x |h(p,x)|≤g(x) h(p, x) p + o(g(x)) est satisfaite.

Lorsque ces trois conditions sont satisfaites, g(n) est un ordre normal pour la fonction f .

Pour une lecture plus approfondie, le lecteur intéressé peut se référer au chapitre 15 du livre d’Elliott [13]. Il contient entre autres la démonstration du théorème précédent et nous permet de montrer d’une manière alternative que la fonction log log n est l’ordre normal de ω(n). Bien que nous ne l’expliciterons pas ici, notons qu’on y trouve aussi un théorème [13, théo-rème 15.5] nous donnant des conditions nécessaires et suffisantes afin que la méthode de Turán-Kubilius (i.e. le théorème 2.0.7) puisse détecter l’ordre normal d’une fonction forte-ment additive f . On y remarque par exemple que la fonction forteforte-ment additive f (n) définie sur les nombres premiers par f (p) = log p log2p passe sous le radar de cette technique. En

(29)

aussi montrer à l’aide du théorème 2.0.8 que son ordre normal est effectivement de l’ordre de

A(n) = log2n + o(1).

Jusqu’à présent, nous avons investi la majorité de nos efforts sur la possible existence de l’ordre normal d’une fonction additive donnée. Une question naturelle est donc de se demander s’il est possible d’étendre notre travail aux fonctions multiplicatives, bref de trouver des conditions nécessaires ou suffisantes en lien avec leur existence. Birch a répondu catégoriquement à la question en 1967 dans son article [4].

Théorème 2.0.9 (Birch). Les seules fonctions multiplicatives qui possèdent un ordre normal

sont les puissances de n.

Il est relativement facile [13, p.100] de montrer le théorème de Birch via le théorème d’Erdős suivant, lui-même n’étant pas des plus costauds à démontrer [13, p.99].

Théorème 2.0.10 (Erdős). Toute fonction additive croissante h(n) est de la forme h(n) =

c log n.

De façon à démontrer le théorème de Birch, on montre que si f est une fonction multiplica-tive possédant un ordre normal, alors elle doit être croissante et strictement posimultiplica-tive. Il suit alors que la fonction additive log f (n) est bien définie et croissante. Par le théorème d’Erdős précédent, on conclut qu’il existe une constante c ≥ 0 tel que log f (n) = c log n, bref que

f (n) = nc.

Ce théorème nous permet par exemple de montrer que la fonction multiplicative τ (n) définie par τ (pα) = α + 1 et représentant le nombre total de diviseurs naturels d’un nombre ne possède pas d’ordre normal, bien qu’on puisse démontrer que la fonction additive log τ (n) en possède un. En effet, on remarque facilement que

2ω(n)≤ τ (n) ≤ 2Ω(n) de sorte que

log 2 · ω(n) ≤ log τ (n) ≤ log 2 · Ω(n).

Il suit ainsi que l’ordre normal de log τ (n) est log 2 log2n, ce qui nous permet de conclure que

l’exponentiation ne conserve pas la propriété de posséder un ordre normal.

Nous venons tout juste de mettre le doigt sur une première disparité remarquable entre les fonctions additives possédant un ordre normal et les fonctions multiplicatives. En particulier, nous verrons plus en détail cette disparité faire surface lorsque nous tenterons d’approximer la fonction ω(n) par des fonctions multiplicatives.

(30)

Chapitre 3

Comportement local

3.1

Les théorèmes de Hardy-Ramanujan et de Landau

Dans cette section, nous abordons certaines généralisations des inégalités de Hardy-Ramanujan et du théorème de Landau. Nous posons ainsi, suivant la notation originale de Hardy et Ra-manujan [23], πE,k(x) = #{n ≤ x : ωE(n) = ΩE(n) = k}, $E,k(x) = #{n ≤ x : ωE(n) = k} et ΠE,k(x) = #{n ≤ x : ΩE(n) = k} où, rappelons-le, E ⊂ ℘.

Notons que dans leur article, les auteurs ne considéraient que les fonctions ω(n) et Ω(n), bref, sous notre notation, que le cas E = ℘. Avant de présenter ces inégalités, montrons un lemme qui nous sera utile par la suite.

Lemme 3.1.1. Pour chaque λ > 12, il existe une constante Cλ telle que

(j + 1)X p

1

pj < Cλλ

j (3.1)

pour tout entier j ≥ 2.

Démonstration. Soit λ > 12 et j0 un entier choisi de telle sorte que 2j+2j+2 < λ pour chaque j ≥ j0. L’existence d’un tel j0 découle du fait que la fonction x 7→ 2x+2x+2 est décroissante sur

R+et tend vers 12 lorsque x → ∞. On se convainc ainsi facilement que l’entier j0 := b2−2λ2λ−1c+1

(31)

Nous montrons le résultat par induction en posant d’abord := max j∈{2,...,j0} (j + 1)P p p1j λj + 1. Par définition de Cλ, on a que (j + 1)P

p p1j < Cλλj pour chaque j ∈ {2, . . . , j0}. Supposons

donc que le résultat tient pour un certain j ≥ j0 et montrons qu’il tient alors aussi pour j + 1. On a en effet (j + 2)X p 1 pj+1 ≤ (j + 2) X p 1 2pj(j + 2) 2 · Cλλj

j + 1 (par l’hypothèse d’induction)

≤ Cλλj+1 (par le choix de j0),

démontrant du même coup le résultat.

Nous sommes maintenant prêts à démontrer l’inégalité qui suit :

Théorème 3.1.2 (Généralisation de la première inégalité de Hardy-Ramanujan). Il existe

des constantes positives D0 et D1 telles que pour chaque entier k ≥ 1, on a

$E,k(x) ≤ D0

x

log x

(TE(x) + D1)k−1

(k − 1)! (x ≥ 2). (3.2)

Démonstration. Il est facile de voir que $E,1(x) = ∞ X k=1 πE(x1/k) = X k≤blog xlog 2c πE(x1/k)  X k≤blog xlog 2c x1/k (1/k) log x  log x log 2 x log 2 (log x)2 = x log x.

Il existe donc une constante D0 > 0 telle que $E,1(x) ≤ D0log xx pour tout x ≥ 2. Ainsi, dans

le cas où k = 1, l’inégalité tient peu importe la constante D1> 0.

Notons que par (1.10) il existe une constante positive H telle que

X p∈E p≤x log p p ≤ X p≤x log p p < H log x (x ≥ 2).

(32)

Posons J := X s≥2 X p s + 1 ps ,

le lemme 3.1.1 nous garantissant la convergence de cette dernière série.

Nous montrons par induction que le résultat tient pour chaque k ≥ 2 et toute constante

D0 ≥ 2H + J .

Pour k ≥ 1 et j ≥ 1, considérons les entiers b = pj· m avec ωE(m) = k et P (m) ≥ p, où P (m) désigne le plus grand diviseur premier de m. Supposons que pour une valeur fixée de j, nous ayons Hj(x) représentations totales de ces entiers. Remarquons que nous avons p ≤ x1/(j+1) puisque x ≥ pjm ≥ pj+1. Ainsi, pour une valeur de j ≥ 1 fixée et pour p ∈ E, il est clair qu’on a Hj(x) ≤ X pj+1≤x p∈E $E,k x pj  .

Comme ces entiers b avec ω(b) = k + 1 peuvent être représentés d’au moins k différentes façons de la forme pj· m (avec p prenant les valeurs des k plus petits p ∈ E divisant n), il est maintenant facile de voir que

k$E,k+1(x) ≤ X j≥1 Hj(x) ≤ X j≥1 X pj+1≤x p∈E $E,k x pj  . (3.3)

Supposons maintenant que l’inégalité (3.2) soit vraie pour n’importe quel entier k fixé. Cette hypothèse implique la validité du résultat pour k + 1. En effet, par (3.3) et l’hypothèse d’induction, on a $E,k+1(x) ≤ 1 k X j≥1 X pj+1≤x p∈E $E,k x pj  ≤X j≥1 X pj+1≤x p∈E D0 x (TE(x/pj) + D1)k−1 pjlog(x/pj)k(k − 1)! ≤ D0 x (TE(x) + D1)k−1 k!      X j≥1 X pj+1≤x p∈E 1 pjlog(x/pj)      . (3.4)

Observons que si log p ≤ 12log x, alors 1 log x − log p = 1 log x + log p log2x  1 +log p log x+ . . .  ≤ 1 log x+ 2 log p log2x

(33)

et donc X p2≤x p∈E 1 p log(x/p) ≤ 1 log x X p2≤x p∈E 1 p + 2 log2x X p2≤x log p pTE(x) + 2H log x , (3.5)

où H est la constante figurant en (1.10). De plus, si pj+1≤ x, on a xj/(j+1) ≥ pj et donc x pj ≥ x 1/(j+1) et log x pjlog x j + 1,

d’où il suit que pour j ≥ 2, l’inégalité

X j≥2 X pj+1≤x p∈E 1 pjlog(x/pj) ≤ X j≥2 j + 1 log x X p 1 pj < J log x

est vérifiée. Ainsi, par (3.5) et la dernière observation, on obtient que

X j≥1 X pj+1≤x p∈E 1 p log(x/pj)TE(x) + 2H + J log xTE(x) + D1 log x (3.6)

si D1 ≥ 2H + J . Le résultat découle alors naturellement de (3.4) et (3.6).

Corollaire 3.1.3. Soit D0 et D1 les constantes du théorème précédent et D > 0 une constante

réelle quelconque. Si k − 1 ≤ D log  1+ D1 TE (x) , alors $E,k(x) ≤ eDD0 x log x (TE(x))k−1 (k − 1)! . (3.7)

En particulier, pour tout nombre réel A > 0, on a $E,k(x) A x log x (TE(x))k−1 (k − 1)! (3.8) uniformément pour k ≤ ATE(x).

(34)

k − 1 ≤ D log1 +D1 u  ⇐⇒  1 +D1 u k−1 ≤ eD ⇐⇒ (u + D1)k−1= uk−1  1 +D1 u k−1 ≤ eDuk−1.

L’inégalité (3.7) suit alors de l’inégalité (3.2).

Pour A > 0 quelconque, posons D = AD1. Il découle de l’inégalité D

log 1+D1u ≥

D

(D1/u) = Au que si k − 1 ≤ Au, alors par (3.7) on a

$E,k(x) ≤ eAD1D0 x log x (TE(x))k−1 (k − 1)! , d’où (3.8).

Il serait naturel de s’attendre à un résultat similaire à celui du théorème 3.1.1 pour la fonction Ω(n). Cependant, on peut facilement voir qu’une telle inégalité ne peut être vraie. En effet, si k est plus grand qu’un multiple de la fonction log x, alors on peut voir par l’inégalité de Stirling (1.7) que la fonction

x

log x

(log log x + D)k−1 (k − 1)!

peut être aussi petite que voulu lorsque x est suffisamment grand. Or, la fonction Πk(x) est à valeurs entières, ce qui suggère que pour ces x elle vaudrait 0. Ainsi, Ω(n) ne pourrait être d’ordre aussi grand que log x pour n plus petit que x, ce qui est faux. Pour le voir, on peut par exemple prendre x = 2k+ 1 et n = 2k et on a alors Ω(n) = k = log(x−1)log 2  log x. L’inégalité devra donc prendre un caractère un peu différent que voici.

Théorème 3.1.4 (Généralisation de la deuxième inégalité de Hardy-Ramanujan). Pour tout

λ > 12, il existe des constantes D2 et D3 telles que pour tout x ≥ 2 on a

ΠE,k(x) ≤ D2x log xC k−1 λ X 0≤ν≤k−1 λν T E(x)+D3 k−1−ν (k − 1 − ν)! (3.9)

uniformément pour chaque entier positif k, où la constante Cλ ne dépend que de λ et est celle du lemme 3.1.1.

Démonstration. La démonstration se fait par récurence sur k. Le cas où k = 1 découle

immé-diatement de l’inégalité de Tchebychev (1.2.4). En effet, on a ΠE,1(x) = πE(x) 

x

(35)

Un argument similaire à celui utilisé lors de la preuve de la première généralisation de l’in-égalité de Hardy-Ramanujan montre que

kΠE,k+1(x) ≤ X j≥1 X pj+1≤x p∈E ΠE,k+1−j x pj  . (3.10)

Pour alléger la notation, posons ξ = TE(x)+D3

. Par l’hypothèse de récurence et (3.10) on

trouve ΠE,k+1(x) ≤ 1 k X j≥1 X pj+1≤x p∈E D2Cλk−j x/pj log(x/pj) X 0≤ν≤k−j λν T E(x/pj)+D3 k−j−ν (k − j − ν)!D2xC k−1 λ k X j≥1 X pj+1≤x p∈E 1 pjlog(x/pj) X 0≤ν≤k−j λν ξ k−j−ν (k − j − ν)!. (3.11)

Comme lors de la démonstration de (3.2), on a

X p2≤x p∈E 1 p log(x/p)Cλξ log x et X j≥2 X pj+1≤x p∈E 1 pjlog(x/pj) ≤ X j≥2 j + 1 log x X p 1 pj. Or, par le lemme 3.1.1, on a

(j + 1)X p 1 pj ≤ Cλλ j. Ainsi, ΠE,k+1(x) ≤ D2xC k−1 λ k X j≥1 X pj+1≤x p∈E 1 pjlog(x/pj) X 0≤ν≤k−j λν ξ k−j−ν (k − j − ν)!D2xC k−1 λ k log x   X 0≤ν≤k−1 λν Cλξ k−ν (k − 1 − ν)!+ X j≥2 Cλλj X 0≤ν≤k−j λν ξ k−j−ν (k − j − ν)!  .

En regroupant les termes qui multiplient un ξk−`, on obtient que ce terme est

D2xCλk−1 k log x λ`Cλ((k − `) + (` − 1)) (k − `)! < D2x log x Cλkλ` (k − `)!, ce qui complète la démonstration.

(36)

Corollaire 3.1.5. Soit  > 0. Uniformément pour k ≤ (2 − )(TE(x)+D3) , on a ΠE,k(x)  x log x (TE(x))k−1 (k − 1)! (x ≥ 2). (3.12) Démonstration. Posons λ = 12+ 4 et u := (TE(x)+D3) . D’abord, on a k X ν=1 λν−1 u k−ν (k − ν)!uk−1 (k − 1)! + 1 (k − 1)! k−1 X ν=1 (λk)νuk−1−νu k−1 (k − 1)! k−1 X ν=0 (λ(2 − ))ν = u k−1 (k − 1)! k−1 X ν=0 1 − 2 4 !ν = 4(1 − (1 − 2 4) k) 2 uk−1 (k − 1)!.

On peut de la même façon qu’au corollaire 3.1.3 se débarasser de la constante D3. Combiné

à l’inégalité (3.9), ceci montre le résultat.

Remarque 3.1.6. Il est possible de se débarasser de la constante Cλ dans le théorème à un certain coût, soit celui de perdre en généralité ou en marge de manoeuvre avec la constante

λ. En effet, on peut vérifier de la même manière qu’au lemme 3.1.1 que la constante λ = 109

est telle que 3X p 1 p2 < λ j, 4X p 1 p3 < λ j et pour j ≥ 4, (j + 1)X p 1 pj < λ j. On a ainsi que C9/10 ≤ 1.

En supposant λ ≥ 109 et en reprenant la démonstration du théorème 3.1.4, la somme des termes devant ξk−` deviendrait D2x

(k−`)! log x. Cependant, en supposant alors λ ≥ 9

10, le corollaire

précédent ne s’appliquerait alors que pour k ≤ (10/9−)(TE(x)+D3). Dans le cas où E = ℘ on

peut montrer, en passant par une autre méthode et en utilisant plutôt l’inégalité de récurrence (k + 1)Πk+1(x) ≤X

ν≥1

X

≤x

νΠk+1−ν(x/pν),

que le résultat tient effectivement sans la constante Cλpour λ > 12. Cependant, la technique ne semble pas se généraliser pas car elle repose sur des estimations précises d’intégrales impliquant la fonction T℘(x) = log2x + O(1).

Du dernier théorème appliqué à E = ℘, on peut déduire (voir [39]) le joli corollaire suivant :

Corollaire 3.1.7. Uniformément pour 0 ≤ ξ(x) ≤p

log2x, on a #  n ≤ x : |ω(n) − log2x| > ξ(x)qlog2x   x ξ(x)2.

(37)

Il est à noter que ce résultat est plus fort que l’inégalité (2.9). Nous utiliserons d’ailleurs ce résultat plus loin dans cette thèse.

Nous généraliserons maintenant un théorème dû à Landau qui généralise lui-même le théorème des nombres premiers. Avant cela, posons θE(x) :=Pp≤x

p∈E log p.

Théorème 3.1.8 (Généralisation du théorème de Landau). Soit k un entier positif et E un

ensemble de nombres premiers ayant la propriété que TE(x) diverge lorsque x → ∞. Supposons

de plus que θE(x)  x et que pour v ≥ 2, on a θE(u) ∼ θE(uv)

v lorsque u → ∞. Nous avons

alors que πE,k(x) ∼ ΠE,k(x) ∼ 1 (k − 1)!πE(x)(TE(x)) k−1 (3.13) lorsque x → ∞.

Démonstration. Nous généraliserons essentiellement la démarche présentée dans le livre de

De Koninck et Luca [11], elle-même étant une adaptation de l’article de Wright [42]. À la manière de ces derniers auteurs, nous introduisons les fonctions

Lk(x) = X∗ p1···pk≤x 1 p1· · · pk , Pk(x) = X∗ p1···pk≤x 1 et Θk(x) = X∗ p1···pk≤x log(p1· · · pk),

où∗ signifie que la somme est prise sur tous les k-tuples (p1, . . . , pk) de nombres premiers dans

E tels que p1· · · pk≤ x. Remarquons que différents k-tuples peuvent engendrer des produits

p1· · · pk similaires.

Pour chaque entier n, désignons par cn= c(k)n le nombre de k-tuples dans Ektels que p1· · · pk =

n. Évidemment, on a que cn = 0 si n n’est pas égal au produit de k nombres premiers dans

E. De plus, lorsque ωE(n) = k, on a que cn = k! si n est un entier libre de carrés et cn< k! s’il ne l’est pas. Ainsi, puisque Pk(x) =P

n≤xcn, on trouve aisément la double inégalité

k!πE,k(x) ≤ Pk(x) ≤ k!ΠE,k(x). (3.14) À partir de maintenant et jusqu’à la fin de la démonstration, nous supposerons afin d’alléger la notation que les nombres premiers en indice de sommation sont tous dans E.

Pour k ≥ 2, remarquons que l’expression ΠE,k(x) − πE,k(x) est égale au nombre d’entiers positifs n ≤ x divisibles par un carré ayant leurs facteurs dans E et tels que ΩE(n) = k.

(38)

Ainsi, on a

ΠE,k(x) − πE,k(x) ≤ X p1···pk≤x

pi=pj pour au moins un i6=j

1 ≤ k 2 ! X p1···pk−1≤x 1 ≤ k 2 ! Pk−1(x). (3.15)

Le reste de la démonstration se fait en deux parties. Premièrement, nous allons montrer que l’énoncé

Θk(x) ∼ kπE(x) log xLk−1(x) pour k ∈ N (3.16) implique le théorème. La deuxième partie consistera donc à démontrer cet énoncé.

Par la formule sommatoire d’Abel appliquée à f (t) = log t, on a Θk(x) = X n≤x cnlog n = Pk(x) log x − Z x 1 Pk(t) t dt. Comme par (3.14) on a Pk(x) ≤ k!ΠE,k(x) ≤ k!x,

il suit en particulier que Pk(t) = O(t) et donc que Θk(x) = Pk(x) log x+O(x). Ainsi, l’assertion (3.16) implique que

Pk(x) ∼ kπE(x)Lk−1(x). (3.17)

De plus, remarquons que

Lk(x) ∼ (TE(x))k. En effet, on a d’abord que

  X p≤x1/k 1 p   k ≤ Lk(x) ≤   X p≤x 1 p   k . (3.18)

Il faut donc montrer que TE



x1/k∼ (TE(x))k. Or, on a par la formule de Mertens (1.11) que

TE(x) − TE(x1/k) ≤ T℘(x) − T℘(x1/k) = log2(x) − log2(x1/k) + O  1 log x  < C, disons.

La dernière équation montre que

1 ≥  TE(x1/k) k (TE(x))k ≥  1 − C TE(x) k → 1

(39)

lorsque x → ∞, démontrant notre énoncé. On a ainsi que

Pk(x) ∼ kπE(x)(TE(x))k−1. (3.19) L’équation (3.15) montre alors que

ΠE,k(x) − πE,k(x) = o (Pk(x))

ce qui, combinée aux relations (3.14) et (3.19) montre conditionnellement le théorème. Il suffit donc maintenant de montrer qu’on a bel et bien

Θk(x) ∼ kπE(x) log x(TE(x))k−1 (x → ∞), ce que nous montrons par induction sur k.

Pour k = 1, on doit montrer que θE(x) :=

X

p≤x p∈E

log p ∼ πE(x) log x. Remarquons d’abord que l’hypothèse θE(x)  x est équivalente au fait que πE(x)  log xx . Ceci tient du fait que la formule de sommation d’Abel nous donne l’égalité asymptotique

θE(x) = πE(x) log x + O

 x

log x



(x → ∞).

Pour E = ℘, la relation θE(x) ∼ π(x) log x est classique et souvent utilisé pour démontrer le théorème des nombres premiers. On trouve d’ailleurs une démonstration de ce résultat dans le livre de De Koninck et Luca [11, Théorème 4.2 p.52]. Les seuls outils importants de la démonstration sont les inégalités de Tchebychev 1.2.4, ce que nous compensons par l’hypothèse πE(x)  log xx . En suivant la même approche que dans le livre, on trouve bel et bien que θE(x) ∼ πE(x) log x. Suivant cette dernière observation, nous allons montrer de manière équivalente que

Θk(x) ∼ kθE(x)(TE(x))k−1. (3.20) Supposons donc que (3.20) tient pour k et montrons que cela implique sa véracité pour k + 1. D’abord, on a

kΘk+1(x) =

X∗

p1···pk+1≤x

(log(p2· · · pk+1) + log(p1p3· · · pk+1) + · · · + log(p1· · · pk)) = (k + 1)X∗

p2···pk+1≤x/p1

log(p2· · · pk+1) = (k + 1)X∗

p≤xΘk(x/p).

De plus, en posant L0(x) = 1 et en remarquant que

Lk(x) = X∗ p1···pk≤x 1 p1· · · pk =X p≤x 1 pLk−1 x p  ,

(40)

on trouve en combinant les deux dernières obsevations que k(Θk+1(x) − (k + 1)θE(x)Lk(x)) = (k + 1) X p≤x  Θk x p  −kθE(x) p Lk−1 x p  .

Aussi, par l’hypothèse d’induction, on a

Θk(y) − kθE(y)Lk−1(y) = o(θE(y)Lk−1(y)) lorsque y → ∞.

En prenant ε > 0 quelconque, il existe donc un y0 = y0(ε, k) tel que pour tout y > y0, on a

Θk(y) − kθE(y)Lk−1(y)

≤ εθE(y)Lk−1(y).

De plus, il existe pas hypothèse un u0 tel que pour tout u > u0, on a

θE(u) − θE(uv) v ≤ εθE(u).

En posant x0 = max(y0, u0), on peut naturellement trouver un nombre réel positif c = c(ε, k)

tel que pour chaque y ≤ x0 et u ≤ x0, on a

Θk(y) − kπE(y) log yLk−1(y) ≤ c et θE(u) − θE(uv) v ≤ c

L’hypothèse θE(x)  x assure l’existence de constantes positives c1 > 2c et c2 telles que

θE(x) < c1x et x < c2θE(x) pour x suffisamment grand.

Comme TE(x) diverge, on a aussi que l’inégalité (TE(x))kε > c1c2 tient pour x assez grand.

Finalement, comme (TE(x))k−1∼ Lk−1(x) et (TE(x))k ∼ Lk(x), il existe des constantes c3 et

c4 telles que Lk−1(x) < c3TE(x)k−1 et TE(x)k< c4Lk(x) pour x suffisamment grand. Ainsi, pour de tels x, on trouve

k+1(x) − (k + 1)θE(x)Lk(x)| ≤  1 + 1 k  X p≤x Θk x p  − kθE(x/p)Lk−1 x p  +  1 +1 k  X p≤x Lk−1 x p  kθE(x/p) − k θE(x) p < 2   X x/x0<p<x 2c + X p≤x/x0 εLk−1 x p  θE(x/p)   < 4cx + 2εc1xLk−1(x) X p≤x/x0 1 p < 2c1x + 2εc1xLk−1(x)TE(x)

(41)

< 2c1x + 2εc1c3x(TE(x))k

< 2c1c2θE(x) + 2εc1c2c3c4θE(x)Lk(x)

< 2εθE(x)Lk(x) (1 + c1c2c3c4) .

On a donc bel et bien montré que

Θk+1(x) − (k + 1)θE(x)Lk(x) = o(θE(x)Lk(x)) lorsque x → ∞, complétant ainsi la démonstration du théorème.

En posant E = {p ≤ x : p ≡ a mod b} et en utilisant les estimés connus

π(x; E) ∼π(x) φ(b) et X p≤x p≡a mod b 1 plog log x φ(b) ,

il suit en particulier que E respecte les conditions du théorème, auquel cas

πE,k(x) ∼ ΠE,k(x) ∼ x φ(b)(k − 1)! log x log log x φ(b) k−1 .

Il est important de réaliser que la portée du théorème est limitée au fait que k soit fixé. Cette lacune sera comblée dans les prochaines sections, mais nous devrons sortir du cadre élémentaire établi ici.

(42)

3.2

La méthode de Selberg-Delange

3.2.1 Principe de la méthode

La méthode de Selberg-Delange est d’abord présentée dans l’article de Selberg [34], lequel voulait améliorer les résultats de Sathe [33] concernant les fonctions $k(x). Delange a ensuite amélioré les termes d’erreur fournis par Selberg et appliqué la méthode pour obtenir de nouvelles estimations des fonctions πk(x) et Πk(x).

Nous présentons d’abord les idées sous-jacentes à la méthode. Pour une suite quelconque d’entiers positifs (an)n≥1, supposons que l’on veuille estimer la fonction

Ck(x) := #{n ≤ x : an= k}. Il est pertinent de remarquer que si la relation

zan =

X

k=0

ck(n)zk

est valide pour certains coefficients ck(n) sur un disque ouvert, disons |z| < R, alors ck(n) = 1 si an= k et ck(n) = 0 sinon. On a donc d’une part que Ck(x) =P

n≤xck(n) et d’autre part que ck(n) = 1 2πi Z C zan zk+1dz

pour un cercle C de rayon r < R. Cette dernière relation s’explique facilement par le théorème des résidus puisque pour un entier j quelconque, on a

1 2πi Z C zjdz = ( 1 si j = −1, 0 sinon.

Des deux dernières observations, on déduit que

Ck(x) = X n≤x ck(n) = X n≤x  1 2πi Z C zan zk+1 dz  = 1 2πi Z C P n≤xzan zk+1 dz. Ainsi, en posant Az(x) =Pn≤xzan, on a que

Ck(x) = 1 2πi Z C Az(x) zk+1 dz.

Le problème se réduit donc à l’obtention d’une estimation asymptotique raisonnable de Az(x) et du calcul explicite de l’intégrale en découlant.

Pour z ∈ D, on considère maintenant la série de Dirichlet

F (s; z) = ∞ X n=1 zan ns

(43)

que l’on suppose convergente pour <(s) > 1 et « suffisament régulière ».

Par souci de clarté et de simplicité de la méthode, nous ne discuterons des détails techniques que dans la prochaine section et nous préciserons ce que l’on entend par « suffisament régu-lière ».

Avant cela, nous rappelons la définition d’une des fonctions les plus importante en théorie analytique des nombres, la fonction zêta de Riemann.

Définition 3.2.1. Pour s ∈ C avec <(s) > 1, la fonction zêta de Riemann est définie par la

série ∞ X n=1 1 ns.

Notons que dans son domaine de définition, la série représentant la fonction zêta converge absolument. En effet, pour un entier N ≥ 1 et un nombre complexe s = σ + it, on a

N X n=1 1 ns ≤ ∞ X n=1 1 ns = ∞ X n=1 1 nσ. La convergence de P∞

n=1 n1σ pour σ > 1 entraîne ainsi la convergence absolue de la série.

Posons maintenant G(s; z) = ζ(s)−zF (s; z) = ∞ X n=1 bz(n) ns , ζ(s)z= ∞ X n=1 τz(n) ns et Tz(x) = X n≤x τz(n). Avec cette notation, on déduit que

F (s; z) = G(s; z)ζ(s)z = ∞ X n=1 (bz∗ τz)(n) ns .

Par l’unicité des coefficients des séries de Dirichlet, on a donc que zan = (τ

z∗ bz)(n), ce qui implique que Az(n) = X n≤x (τz∗ bz)(n) = X mn≤x τz(m)bz(n) = X n≤x Tz(x/n)bz(n).

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