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Le comportement communicationnel des politiciens à Tout le monde en parle

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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LE COMPORTEMENT COMMUNICATIONNEL DES

POLITICIENS À TOUT LE MONDE EN PARLE

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval

dans le cadre du programme de maîtrise en communication publique

pour l'obtention du grade de maître es arts (M.A.)

DEPARTEMENT D'INFORMATION ET DE COMMUNICATION

FACULTÉ DES LETTRES

UNIVERSITÉ LAVAL

QUÉBEC

2011

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Les émissions d'infodivertissement sont devenues une nouvelle opportunité de communication médiatique pour les personnalités politiques désireuses de promouvoir leurs idées et leur image en raison du grand nombre de téléspectateurs qui les écoutent. Cette coexistence de l'information et du divertissement dans une même émission impose des contraintes particulières aux invités et requiert une certaine adaptation de leur part. De fait, dans le cadre d'une situation de communication comme celle-ci, il est attendu qu'un politicien soit flexible et qu'il satisfasse autant les contraintes du divertissement que celles de l'information, comme l'impose le genre hybride.

D'après l'analyse discursive d'entrevues de politiciens à l'émission québécoise Tout le monde en parle, le comportement du politicien est mis en lumière en fonction des contenus thématiques et des structures interactionnelles des entrevues correspondant au genre infodivertissement. Les thèmes et la structure interactionnelle permettent de distinguer ce qui se rapporte à la dimension information et à la dimension divertissement de l'émission. Les résultats tendent à démontrer que les sujets associés au divertissement sont beaucoup moins présents que ce que semble laisser croire la croyance populaire. L'étude montre également qu'en contexte d'infodivertissement, la performance du politicien est liée à sa capacité à maintenir son identité professionnelle et à s'adapter spontanément à un mode interactionnel plus près de son identité personnelle.

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Abstract

Infotainment programs have presented a new media communication opportunity to politicians who wish to promote their ideas and their image, thanks to the large number of television viewers watching these types of broadcasts. This combination of information and entertainment within one program imposes specific constraints on the guests and requires a certain adaptation on their part. In this kind of communication situation, a politician is expected to be flexible and to satisfy the dictates of both entertainment and information required by this hybrid format.

According to the discursive analysis of interviews with politicians on the Québec program Tout le monde en parle, the behaviour of politicians is examined on the basis of the thematic content and the interaction structures of interviews reflecting the infotainment genre. The themes and the interaction structure allow us to distinguish the elements that deal with the information aspect from those that deal with the entertainment aspect. The results suggest that the topics associated with entertainment come up much less frequently than what common belief would have us think. This study also shows that, in a context of infotainment, a politician's performance is related to the ability to maintain his/her professional identity and to adapt spontaneously to an interaction mode closer to his/her personal identity.

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Avant-propos

Enfin. Après plusieurs années, je peux affirmer avec fierté que mon mémoire est terminé. Ce défi que je me suis lancé en septembre 2006 prend fin. Au cours de cette aventure intellectuelle, j'ai surmonté plusieurs obstacles et développé des compétences qui me seront à toujours nécessaires en plus d'y avoir rencontré des personnes importantes. Certaines personnes m'ont guidée, soutenue et encouragée. Je leur en suis reconnaissante et je tiens à les remercier d'avoir cru en moi.

J'aimerais tout d'abord remercier ma directrice, Guylaine Martel. Elle a su me motiver tout au long de cette aventure et m'encourager dans les moments de doute. Je suis particulièrement reconnaissante de sa très grande disponibilité, et ce, malgré la distance. Je désire aussi souligner sa patience à mon égard qui s'est traduite par les nombreuses corrections et révisions qu'elle a réalisées ainsi que les judicieux conseils dont elle m'a fait part.

Depuis le début de la rédaction, j'ai pu compter sur la présence de mon conjoint Nicolas. Je le remercie pour nos dialogues inspirants et pour ses réflexions spontanées. D'avoir partagé mes joies et angoisses intellectuelles avec lui a été fort réconfortant et sécurisant. Je remercie également mon petit frère Hubert de s'être intéressé à ce que je fais et de s'être ouvert à mon monde malgré nos intérêts divergents.

En plus d'avoir été un soutien financier des plus importants, mes parents ont été un soutien moral indéfectible. Merci énormément de ne jamais avoir douté de moi. Avec conviction, je peux affirmer que sans vous rien de tout cela n'aurait été possible.

Merci aussi à mes merveilleux amis qui m'ont écoutée et qui m'ont divertie lorsqu'il le fallait, spécialement Amélie et Claudia qui ont été près de moi tout au long de ce parcours. À ceux et celles qui, après plusieurs années, ont continué de m'encourager. Enfin, un merci à mon employeur et surtout à ma supérieure, Julie Courville, qui m'a permis de terminer ce que j'avais entrepris bien avant d'être embauchée en me donnant accès à des conditions favorables pour la rédaction. Ce soutien a été pour moi des plus déterminants.

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Table des matières

Résumé i Abstract ii Avant-propos iii Table des matières iv Liste des tableaux et des figures vi

Introduction 7 CHAPITRE I : Problématique, état de la question et objectif de la recherche 10

1.1 Problématique et état de la question 10 1.1.1 Les points de vue négatifs 11 1.1.2 Les points de vue positifs 13

1.2 Objectif de la recherche 18 CHAPITRE II : Cadre théorique 20 2.1 Le talk-show : un genre hybride 20 2.2 L'interaction médiatique 22 2.3 L'analyse du discours et l'entrevue dans le talk-show 25

CHAPITRE III : Méthodologie 28

3.1 Corpus 28 3.1.1 Description du corpus 28

3.1.2 Choix des entrevues 34 3.2 Préparation du corpus 36

3.2.1 Transcription 36 3.2.2 Découpage de la structure interactionnelle 37

3.2.2.1 L'échange 38 3.2.2.2 L'intervention 38 3.3 Démarche méthodologique 39 3.3.1 Le contenu thématique 40 a) La vie publique 40 b) La vie privée 42 3.3.2 La structure interactionnelle 43

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b) La structure interactionnelle de type conversation 45

CHAPITRE IV : L'analyse 47

4.1 Le contenu thématique des entrevues 47

4.1.1 Le contenu thématique relatif à la vie publique 53

4.1.2 Le contenu thématique relatif à la vie privée 57

4.2 La structure interactionnelle 63

4.2.1 L'organisation des interventions des participants 63

4.2.2 L'organisation des échanges dans les entrevues 69

CHAPITRE V : Interprétation des résultats 74

Conclusion 79

Bibliographie 85

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Liste des tableaux et des figures

Tableau I. Répartition du contenu thématique 48 Tableau II. Répartition du contenu thématique. Entrevues qui s'inscrivent dans la

tendance générale 49 Tableau III. Répartition du contenu thématique. Entrevues qui dépassent la tendance

générale 51 Tableau IV. Répartition du contenu thématique. Entrevues qui vont à l'encontre de la

tendance générale 52 Tableau V. Répartition des sous-thèmes relatifs à la vie publique 54

Tableau VI. Répartition des sous-thèmes relatifs à la vie publique. Remarques sur

quelques entrevues 55 Tableau VII. Répartition des sous-thèmes relatifs à la vie privée 58

Tableau VIII. Répartition des sous-thèmes relatifs à la vie privée. Remarques sur les

entrevues 59 Tableau IX. Répartition des interventions initiatives 64

Tableau X. Répartition des interventions initiatives. Remarques sur les entrevues 66

Tableau XI. Répartition des interventions réactives 68 Tableau XII. Répartition des échanges coordonnés et subordonnés 69

Tableau XIII. Répartition des échanges coordonnés et subordonnés. Remarques sur les

entrevues 70

Dispositif I. Plateau de Tout le monde en parle 32

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«passer à la télé est devenu le passage obligé, le préalable, pour vendre, mais surtout pour exister sur la place publique » (Petrowski, 2 février 2008: Arts Spectacles 3).

Un grand nombre de journalistes et d'intellectuels discréditent les politiciens qui se présentent à des émissions d'infodivertissement. Tout le monde en parle, talk-show diffusé à Radio-Canada et qui allie information et divertissement, est souvent pointé du doigt par plusieurs comme étant un lieu privilégié de spectacularisation de l'information au Québec. Cette situation de communication médiatique différente et nouvelle dans le paysage télévisuel québécois, provoque le mécontentement des critiques les plus conservatrices, lesquelles dénoncent la dégradation du discours politique, le manque de rigueur journalistique ou encore la primauté des anecdotes personnelles à l'encontre des vrais

débats et des enjeux de société. Pendant ce temps, les téléspectateurs-citoyens en redemandent.

Ces observations, souvent impressionnistes et peu étayées, m'ont poussée à porter une attention particulière au comportement des personnalités politiques dans la situation de communication médiatique de type talk-show et au format de ce genre. Analysant très finement les entrevues, mon intérêt envers les politiciens dans les talk-shows s'est précisé et m'a conduite à apprécier la capacité d'adaptation des politiciens à l'égard du genre infodivertissement et à vouloir rendre compte de leur compétence à satisfaire les contraintes contradictoires du talk-show. C'est ainsi que m'est venu le désir, sinon le besoin de me plonger dans une étude systématique des entrevues de politiciens à Tout le monde en parle.

En première partie du chapitre I, je pose la problématique et je fais l'état de la question (1.1). Je présente d'abord les positions critiques, positives (1.1.1) et négatives (1.1.2), quant à la présence de politiciens aux émissions d'infodivertissement. À partir de ce bilan, j'aboutis au constat suivant : les politiciens ne peuvent ignorer les émissions du genre

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infodivertissement conformément à la popularité de ces productions télévisuelles et de par le pouvoir que les téléspectateurs-citoyens possèdent dans la démocratie actuelle. L'objectif de mon mémoire, présenté au point 1.2, réside donc dans l'analyse d'entrevues de politiciens à Tout le monde en parle en fonction des contenus et de l'organisation des entrevues correspondant au genre médiatique infodivertissement, de manière à révéler les éléments relatifs à l'information politique et au divertissement. Ce faisant, de façon plus secondaire, j'espère pouvoir rendre compte de la compétence des politiciens quant à leur capacité d'adaptation à ce genre hybride. Précisons que cette recherche se réalise sous l'angle de la production discursive des acteurs médiatiques, plutôt que sous celui de la réception.

Au chapitre II, j'établis le cadre de ma recherche selon une approche interactionniste de la communication. L'échange produit entre le politicien, l'animateur et les autres participants de l'entrevue est à la base de mon analyse. Je définis d'abord le concept de talk-show et ses principales caractéristiques (2.1). J'explique ensuite comment se réalise l'interaction médiatique à partir d'une émission de talk-show (2.2.). Au point 2.3, je révèle comment le processus discursif de l'entrevue permet d'accéder à une meilleure compréhension du comportement des politiciens dans cette situation particulière de communication.

Au cours du chapitre III, j'explicite la méthodologie utilisée pour effectuer mon analyse. Je débute par la présentation du corpus sur lequel repose la recherche (3.1), soit l'émission québécoise Tout le monde en parle, que je décris au point 3.1.1. J'explique ensuite le choix des entrevues (3.1.2). Au point 3.2, je décris les deux étapes que j'ai accomplies pour préparer mon corpus à l'analyse : la transcription des entrevues (3.2.1) et le découpage de la structure interactionnelle (3.2.2). Le dernier point (3.3) est consacré à la démarche méthodologique ainsi qu'à la définition des indicateurs : le contenu thématique (3.3.1) et la structure interactionnelle des entrevues (3.3.2).

Pour comprendre comment les personnalités politiques se comportent dans le cadre du talk-show Tout le monde en parle, j'analyse, au chapitre IV, huit entrevues de politiciens en

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contenus thématiques discutés dans les entrevues que je répartis en deux principaux domaines, ce qui relève du public (information politique) (4.1.1) et ce qui relève du privé (4.1.2). La section 4.2 porte sur l'analyse de la structure interactionnelle, soit l'organisation des interventions des participants (4.2.1) et l'organisation des échanges dans les entrevues (4.2.2). Les analyses réalisées au cours du chapitre IV permettent de distinguer ce qui se rapporte à la dimension information et à la dimension divertissement du talk-show.

Ces analyses révèlent que les politiciens s'adaptent au modèle hybride de l'émission en fonction de différentes stratégies communicationnelles. À la lumière de l'analyse quantitative, je propose alors l'interprétation des résultats au chapitre V. Deux modèles se précisent : un modèle plutôt formel, dont la structure et le contenu rappellent l'entrevue d'information, et un autre plus souple, dont l'organisation interactionnelle et le contenu thématique personnel s'apparentent à la conversation ordinaire.

Au terme de cette étude, je suis en mesure d'affirmer que mes résultats invalident en grande partie certaines impressions sur les politiciens qui se commettent dans les émissions d'infodivertissement.

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CHAPITRE I

Problématique, état de la question et objectif de la

recherche

Les émissions diffusées à la télévision aux heures de grande écoute sont un canal privilégié permettant aux politiciens de se mettre en valeur auprès des citoyens. Les productions télévisuelles d'infodivertissement connaissent une popularité sans pareil auprès du public. Elles deviennent ainsi une nouvelle opportunité de communication médiatique pour les personnalités politiques désireuses de promouvoir leurs idées et leur image devant le plus grand nombre d'électeurs. Les modalités de la diffusion du discours politique ayant changé (Bastien, 2007), les politiciens sont de plus en plus contraints de diffuser leurs messages dans différentes situations de communication médiatique. Liesbet van Zoonen (2005) explique le contexte dans lequel se retrouvent les personnalités politiques aujourd'hui :

Television and its many genres are the main source from which the majority of people learn about politics, with talk shows ranking high when it comes to influencing voting decisions. This has to do with the fact that politicians get to speak much longer in talk shows than the sound bites allowed to them in regular news and current affairs programs (van Zoonen, 2005 : 78).

La concurrence pour attirer l'attention des citoyens est féroce et si les politiciens veulent gagner en visibilité, il est primordial que ces derniers apprennent à utiliser le genre d'émission infodivertissement, lequel jouit d'une popularité grandissante, à leur avantage. « Par son pouvoir d'élire ou non tel ou tel gouvernement et par son pouvoir encore d'exprimer diversement ses vues, [le public] demeure le juge ultime de tout discours et de toute action politiques » (Nguyên-Duy et Cotte, 2005 : 161).

1.1 Problématique et état de la question

Alors que de plus en plus de chercheurs tentent de débroussailler le terrain et d'analyser ce mariage des genres télévisuels en communication politique, les émissions d'infodivertissement inspirent de fortes critiques et controverses. La représentation de l'affaiblissement du politique, de la dégradation de la vie politique à la télévision et de la dépolitisation perdurent dans les études, mais aussi dans l'opinion publique.

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La présente section est consacrée aux recherches qui ont pour visée de décrire, comprendre et expliquer la présence de politiciens dans le cadre de situations de communication médiatique nouvelles, soit les émissions d'infodivertissement.

1.1.1 Les points de vue négatifs

Andrew Toison (2001) constate qu'un bon nombre de critiques adressées aux émissions d'infodivertissement sont liées à l'embrouillage de la délimitation des frontières : « they [talk shows] encourage a "blurring of boundaries", of categories that were fundamental to traditional forms of social order; distinctions between normal and deviant, public and private, real and fictional » (2001 : 9). Dans la même lignée, Cornelia Hie souligne que la nature «non-homogeneous» des talk-shows alimente les commentaires négatifs (2001 : 216).

Critiquant le mélange des genres et la politique, Anne-Marie Gingras (2008) identifie les défauts et les dérives des émissions de nouvelles et d'affaires publiques à Radio-Canada, dont « le mélange information-divertissement mène à la peopolisation de la politique » (2008 : 27). Selon la politologue, « la fascination et l'engouement pour la connaissance, bref le plaisir intellectuel » ne fait pas partie des shows sociopolitiques diffusés à la télévision (2008 : 29). Elle dénombre trois types d'inconvénients de l'hybridation des genres.

D'abord, elle considère que l'on convie des personnalités à commenter l'actualité et, si on décide d'inviter un expert, on lui demande de résumer plutôt que d'expliquer (2008 : 30). Gingras reproche aussi aux émissions hybrides de ne pas recourir à des animateurs ayant une culture politique assez solide pour poser des questions difficiles aux personnalités politiques, ce qui constitue une carte blanche pour celles-ci « puisque l'animateur n'a pas d'intérêt à leur poser des questions difficiles - là n'est pas son objectif - et qu'en plus il en serait bien incapable » (2008 : 31). Pareillement, Erik Neveu (2003) montre que le « degré de mise en danger » est assez faible dans les émissions d'infodivertissement pour les

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politiciens. Dans certains cas, il y a une « volonté d'instituer une relation confortable et bienveillante » entre l'animateur et l'invité politique qui peut se traduire par l'utilisation d'une « rhétorique constante de l'acquiescement » de la part de l'animateur menant alors les entrevues de façon complaisante (2003 : 110). Finalement, selon Gingras « le mélange des genres induit de la confusion chez les individus qui ne jouissent pas du capital culturel nécessaire pour situer l'information dans un système de références bien charpenté et abstrait» (2008: 31).

La recherche du sensationnalisme et la spectacularisation de la politique suscitent d'autres critiques formulées à l'endroit de la présence de politiciens dans les émissions populaires d'infodivertissement. L'idéologie en place, selon Philippe Breton et Serge Proulx (2002), repose dorénavant sur « le spectacle médiatique et le style personnel des politiciens » et nuit à l'information politique qui se résumerait aux « contenus des programmes politiques et [aux] compétences des acteurs politiques à gérer les affaires publiques » (2002 : 199).

Erik Neveu critique aussi le fait que la personnalité des politiciens soit mise de l'avant. Selon lui, puisque l'authenticité est au premier plan dans les émissions de talk-show, il « paraît empiriquement assez difficile de leur associer [aux émissions] un apport d'information très significatif sur les règles, enjeux, logiques sociales propres à l'univers de la politique » (Neveu, 2003 : 130).

Certains chroniqueurs et journalistes condamnent également le format et le contenu des émissions d'infodivertissement surtout lorsque des politiciens y sont invités. Comme plusieurs, Gilbert Lavoie du journal Le Soleil reproche aux réalisateurs de l'émission radio-canadienne Tout le monde en parle de faire le montage des entrevues afin de diffuser seulement ce qui donne dans le sensationnel {Le Soleil, 2008 : 15). Le journaliste Michel Venne regrette que Tout le monde en parle soit d'abord « un carrefour d'émotions où l'on échange ses impressions, ses indignations et ses coups de cœur, mais assez peu ses analyses et ses solutions » {Le Devoir, 2006 : A7).

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La vedettarisation de la politique est également dénoncée comme étant le résultat de l'apparition de personnalités politiques dans le cadre d'émissions d'infodivertissement. On félicite le nouveau maire de la ville de Québec, Régis Labeaume, un des seuls de sa lignée à ne pas avoir accepté l'invitation que Tout le monde en parle lui a faite au lendemain de son élection en 2008 (Petrowski, La Presse, 2008 : Arts Spectacles 3). Jean-Simon Gagné souligne dans Le Soleil : « Il a ainsi refusé une invitation à l'émission Tout le monde en parle, ce qui démontre sa volonté de ne pas devenir un animal de cirque » {Le Soleil, 2008 : 5)1. Lorsque Guy A. Lepage, animateur de l'émission, a demandé à la chef du Parti

québécois, Pauline Marois, de se prêter au jeu d'une entrevue en anglais, certains ont trouvé qu'elle aurait dû refuser et qu'elle était allée trop loin. Catherine Delisle affirme : « Guy A. lui a fait passer un petit test d'anglais 101. Comment a-t-elle pu se prêter à ce jeu, alors que tout le Québec sait qu'elle baragouine la langue de Shakespeare? » {Progrès-Dimanche, 2008 : 10).

La personnalisation du discours politique, découlant de la vedettarisation, est aussi dénoncée. Fabien Loszach développe l'un des principaux reproches adressés aux talk-shows dans un article d'opinion publié dans Le Devoir. Il considère que les émissions du même genre que Tout le monde en parle fonctionnent sur l'idéal de l'authenticité, ce qui veut dire que les questions ne portent pas tant sur le programme politique d'un politicien que sur sa vie privée et son intimité. Dorénavant, nous assistons à la privatisation de la vie publique.

La privatisation du public réduit les questions politiques à des révélations sur l'intimité de ses représentants. Par ailleurs, la publicisation du privé invite désormais à entreprendre les rapports humains sur le mode obligé de l'aveu : la conversation devient une confession (Loszach, Le Devoir, 2006 : B6).

1.1.2 Les points de vue positifs

À l'opposé de ce qui précède, Kees Brants (2003) défend l'idée selon laquelle la personnalisation de la politique n'est pas néfaste à une participation citoyenne de qualité. Citant les travaux de Dolf Zillmann et de ses coauteurs (1994), Brants affirme que les soft

1 Le maire de Québec a finalement accepté les invitations que Tout le monde en parle lui a faites. Il a participé aux émissions spéciales du 31 décembre 2008 et du 31 décembre 2009 ainsi qu'à celle du 3 mai 2009.

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news ou les informations « tranche de vie » aideraient à faire passer les informations hard news qui sont plus abstraites et les rendraient ainsi plus attrayantes (2003 : 161). Matthew A. Baum (2005, 2006) soutient que même si certaines émissions consacrent plus de temps à la personnalité des candidats qu'à leur programme politique, il n'y a pas de raison de croire que l'information politique dans ces productions télévisuelles n'est pas exacte ou précise. D'après une analyse de contenu menée aux Etats-Unis sur les apparitions des candidats à la présidence dans les émissions de E-talk {Oprah Winfrey, Rosie O'Donnell, Live with Regis and Kelly, Queen Latifah, Jay Leno et David Letterman) et les émissions traditionnelles de politique incluant les nouvelles, Baum conclut que : « For better or worse, millions of voters make their decisions about candidates based on personal characteristics [...] rather than public policy issues » (2005 : 231 ).

Astrid Schiitz (1995) remarque aussi que l'identité personnelle des politiciens est un sujet qui intéresse les téléspectateurs. Elle soutient que les « politiciens modernes » ne doivent pas mettre de l'avant les connaissances qu'ils ont sur la politique s'ils veulent être populaires. Us devraient plutôt se présenter comme des personnalités sympathiques et agréables (1995 : 212). Dans l'article Entertainers, Experts, or Public Servants? Politician's Self-Presentation on Television Talk Show, l'auteure cherche à prouver ce qui est particulier dans la façon d'agir des politiciens dans les talk-shows télévisés. Grâce à l'analyse de contenu, elle compare les performances de trois groupes d'acteurs, les politiciens, les experts et les célébrités du milieu artistique, dans le cadre de talk-shows diffusés sur les ondes de la télévision publique allemande. Elle conclut que les politiciens doivent mettre de l'avant des valeurs morales louables et dignes lors d'entrevues dans les talk-shows ainsi que des savoirs reliés aux succès passés et à des idées novatrices s'ils veulent convaincre les citoyens de voter pour eux.

Dans son ouvrage Entertaining Politics, Jeffrey P. Jones (2005) confirme la présence de la confession dans la communication médiatique politique : « new political television expresses a measure of truth, honesty, or realness that is missing from more formulaic political coverage » (2005 : 6). Cet auteur aborde le rapprochement entre la culture populaire et la culture politique. Il cite en exemple l'acteur Arnold Schwarzenegger qui a

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annoncé sa candidature pour le poste de gouverneur de l'État de la Californie en 2003 à l'émission The Tonight Show with Jay Leno, alors que le sénateur John Edwards a annoncé sa candidature à la présidence des États-Unis à The Daily Show with John Stewart (2005 : 5).

À l'opposé de plusieurs chercheurs, Jones ne méprise pas ce type d'émission et il est conscient qu'il comble un besoin chez les téléspectateurs. Il s'interroge sur ce type d'émission et cherche à savoir pourquoi ces productions sont produites, ce qu'elles symbolisent, pourquoi le public est attiré par elles et ce qu'elles représentent pour la démocratie américaine.

Pour Andrew Toison (2001), l'hostilité et l'ambivalence de plusieurs auteurs concernant les émissions d'infodivertissement proviendraient de leur rapprochement avec la culture populaire. « Talk shows are an embodiment of the worst excesses of the commercialization of popular culture » (2001 : 9).

Le mariage entre le divertissement et la politique est également défendu par Jonathan Gray (2008). Dans le cas où la majorité des Américains trouvent la politique ennuyeuse et s'en désintéressent de plus en plus, la télévision du divertissement {television entertainment) ne devrait pas être condamnée, puisqu'elle attire un nombre important de téléspectateurs et ainsi apporte « signifiant contributions to citizenship and political education » (2008 : 145). Gray est optimiste et observe que, même si la politique est véhiculée dans les nouvelles satiriques ou les parodies, elle soulève l'intérêt des citoyens pour la politique et non le désintérêt ou le cynisme. Arnaud Mercier (2004) s'exprime en des termes similaires : « On se rend ainsi compte que la présentation qui en est faite [de la politique] dans les démocraties occidentales, si elle ne favorise sans doute pas l'investissement militant et idéologique, fournit cependant aux téléspectateurs des informations utiles et nécessaires pour forger leurs convictions et orienter leur vote » (2004 : 7).

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L'importance des soft news dans l'exercice citoyen a été un cheval de bataille pour Matthew A. Baum, qui a fait plusieurs analyses à ce sujet. Baum (2006) explique que, pour un public qui ne comprend pas ou n'est pas intéressé par la politique, il est déjà bien qu'il consomme des soft news plutôt qu'aucune nouvelle (2006 : 948-949). « Less politically engaged individuals, who extract quality information from different media outlets, like daytime talk shows, [...] maximize their utility as consumers » (2006 : 948). La conclusion de l'enquête de David Niven, S. Robert Lichter et Daniel Amundson (2003) confirme l'importance des late night talk shows aux États-Unis pour la diffusion de l'information politique : « More Americans [say that] they learned something about politics from television comedies than from many traditional sources of news » (2003 : 103-131).

Dans l'article Le discours politique dans les émissions d'information et de variétés : la campagne électorale provinciale de 2003, Véronique Nguyên-Duy et Suzanne Cotte (2005) veulent diminuer le biais normatif dont les émissions d'infodivertissement souffrent. Elles défendent l'idée selon laquelle on ne peut dénoncer les « prétendues dérives du discours politique, dont la spectacularisation est emblématique, sans toutefois effectuer d'études empiriques permettant de valider ces critiques » (2005 : 161). Selon certaines idées reçues, le discours politique dans le cadre d'émissions de talk-show perdrait en légitimité, en sérieux et en contenu. « La valeur d'un discours politique reposerait donc, principalement, sur sa teneur argumentative, à savoir le nombre et le type d'arguments formulés, de même que leur articulation au sein d'un argumentaire » (2005 : 162). Elles comparent ainsi deux types d'interventions publiques des politiciens. Suivant le cadre d'analyse de l'argumentation de Gilles Gauthier (2005), elles se penchent sur la production discursive des politiciens en campagne électorale en confrontant deux types d'intervention : une entrevue lors d'une émission d'information « considérée propice à l'exposé d'un argumentaire rigoureux » et une entrevue dans le cadre d'une émission de divertissement de type talk-show qui est «jugée réfractaire à toute argumentation rigoureuse » (2005 : 162). Les deux auteures démontrent par leur analyse qu'il est possible de développer une argumentation de qualité dans le cadre d'un talk-show, contredisant ainsi l'opinion populaire et celle de plusieurs experts.

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Cherchant aussi à réduire « l'écart entre la vigueur du discours polémiste et l'état d'avancement du discours analytique » (2007 : 6), Frederick Bastien examine dans sa thèse le croisement entre l'information et le divertissement à la télévision francophone au Québec. Il réfléchit sur trois thèmes différents afin de contribuer à la définition du concept d'infodivertissement. Il retrace d'abord l'évolution de la programmation des chaînes de télévision au Québec entre 1956 et 2006. Il constate que l'importance de l'infodivertissement à la télévision québécoise s'est accrue en raison de la concurrence intensifiée au fil des années (2007 : 53). Ensuite, il compare les sujets et les stratégies dialogiques lors des entrevues avec des politiciens dans le cadre d'émissions d'affaires publiques et de talk-shows. Finalement, le dernier thème traité dans sa thèse porte sur l'auditoire rejoint par les émissions d'information et celles d'infodivertissement qu'il a étudiées en comparant le comportement des téléspectateurs à l'aide de données recueillies avec des audiomètres portables. Le chercheur conclut que certaines des critiques envers les émissions d'infodivertissement à la télévision québécoise sont justifiées, alors que d'autres ne le sont pas. Il faut, selon lui, faire preuve de vigilance face à la télévision. Il conseille d'accorder de l'importance à l'information traditionnelle, de veiller à ce que la rigueur journalistique soit adoptée par certains animateurs d'émissions d'infodivertissement et de positionner dans la grille horaire des émissions d'information de façon à ce qu'un grand nombre de téléspectateurs puissent les écouter (Bastien, 2007 : 311A-31 IB).

Bien que Thierry Giasson (2006) n'analyse pas les interventions politiques dans le cadre d'émissions d'infodivertissement dans sa thèse, il souligne toutefois « l'importance du rôle de l'apparence visuelle que projettent les leaders politiques dans les évaluations des électeurs » (2006 : 165). Grâce à une approche pluriméthodologique, il se questionne sur la représentation visuelle des chefs de partis de façon explicitement visuelle. L'attention qu'il porte à l'image du politicien même dans un contexte strictement informatif2 prouve que la

notion d'image n'est pas liée uniquement au divertissement et qu'elle participe, peu importe la situation de communication dans laquelle performe le politicien, à la représentation que les électeurs se font d'une personne. L'image d'une personnalité politique est un « élément central pour les citoyens » (2006 : 3). « L'image du politicien, sa

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personnalité, ses valeurs et même son récit de vie deviennent des véhicules d'information sur les enjeux électoraux débattus en campagne » (2006: 6). Giasson se demande donc dans son enquête quelle est l'image efficace d'un politicien. Sa conclusion générale nous incite à nous interroger sur les stratégies à adopter lorsqu'un politicien se présente dans le cadre d'une émission d'infodivertissement.

Comme je viens de l'exposer, les productions télévisuelles d'infodivertissement conviant des politiciens ne se donnent généralement pas les mêmes objectifs que celles favorisant les apparitions de politiciens dans le cadre d'événements formels. La fonction d'informer le public côtoie celle de les divertir. Les politiciens doivent donc faire preuve d'adaptation aux nouvelles exigences créées par la télévision et les émissions d'infodivertissement. Comme le soulignent Véronique Nguyên-Duy et Suzanne Cotte (2005), les stratégies discursives employées par les politiciens dépendent des lieux médiatiques privilégiés et des types de contenu privilégiés (2005 : 160). Par conséquent, je me questionne sur les comportements adoptés par les politiciens pour satisfaire les deux intentions des émissions d'infodivertissement, informer et divertir.

1.2 Objectif de la recherche

S'inscrivant dans une problématique de science de la communication plutôt que de science politique, l'enjeu de cette recherche concerne le comportement communicationnel des politiciens dans les émissions d'infodivertissement; elle ne s'interroge pas sur la légitimité de leur présence dans ces situations. Comme je l'ai précisé, les politiciens ne peuvent se permettre d'ignorer ce type d'émission conformément à la popularité de ces productions télévisuelles et de par le pouvoir que les téléspectateurs-citoyens possèdent dans la démocratie actuelle. C'est un fait, les personnalités politiques participent aux émissions d'infodivertissement pour atteindre leurs buts. Elles profitent de ce genre d'émissions notamment pour se rapprocher des téléspectateurs-citoyens. Prenons l'exemple du chef du Parti libéral du Canada, Stéphane Dion, qui a manifesté le désir de prendre part à une émission talk-show pour briser l'image d'intellectuel que la population se faisait de lui. Il a donc participé à Tout le monde en parle le 3 février 2008 dans le but de redresser son image et de tendre vers des rapports plus étroits avec la population (Hébert, L'Acadie Nouvelle,

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2008 : 15; Marissal, La Presse, 2008 : A3). Il me semble d'une importance capitale de comprendre comment ces personnalités se comportent dans le cadre de productions de ce genre pour arriver à séduire et convaincre la population. Dans cette étude, je souhaite ainsi analyser les entrevues de politiciens à Tout le monde en parle en fonction des contenus et de l'organisation des entrevues correspondants au genre médiatique infodivertissement, de manière à révéler les éléments relatifs à l'information politique et au divertissement. Ce faisant, de façon plus secondaire, j'espère pouvoir rendre compte de la compétence des politiciens quant à la capacité d'adaptation à ce genre hybride.

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CHAPITRE II

Cadre théorique

Cette recherche, qui vise à étudier le comportement communicationnel des politiciens lors d'émissions d'infodivertissement, s'inscrit dans le cadre d'une approche interactionniste de la communication. L'échange produit entre le politicien, l'animateur et les autres participants de l'entrevue est à la base de mon étude. Je définirai d'abord le concept de talk-show et ses principales caractéristiques. J'expliquerai ensuite comment se réalise l'interaction médiatique à partir d'une émission de talk-show. Enfin, je montrerai comment le processus discursif de l'entrevue permet d'accéder à une meilleure compréhension du comportement des politiciens dans cette situation particulière de communication.

2.1 Le talk-show : un genre hybride

Le talk-show est un genre télévisuel hétérogène qui met à profit plusieurs intentions. Peter Dahlgren (1995) affirme que : « The television talk show can hardly be called a genre or grasped as a unitary format » (1995 : 62). En effet, les talk-shows sont définis comme étant des émissions hybrides constituées de deux genres communicationnels : l'information et le divertissement. Comme je l'ai mentionné au chapitre précédent, certains s'opposent à cette hybridation des deux genres dans une même émission conviant des politiciens, alors que d'autres la défendent. Patrick Charaudeau et Rodolphe Ghiglione (1997) abordent la question du « mélange » des contenus : « La télévision des années 80-90 [...] a tendance à proposer des émissions qui mêlent les genres (information, enquêtes, variétés, culture) et les contenus thématiques (ceux de la vie privée avec ceux du domaine public, ceux de l'intime avec ceux du social) comme en témoignent les journaux télévisés actuels et les talk shows» (1997: 8).

Il est rare que les émissions d'infodivertissement résultent d'un croisement identique entre l'information et le divertissement. La place accordée à chacune de ces composantes diffère d'une émission à l'autre et même d'un invité à l'autre. Par exemple, certains talk-shows favorisent le côté amusant et décontracté, alors que d'autres se rapprochent d'entrevues diffusées dans les bulletins de nouvelles dans lesquelles l'information concernant des

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enjeux sociaux, politiques et moraux où la confrontation d'opinions et d'idées sont mises de l'avant (IHe, 2001: 211). L'ouvrage dirigé par Glen Creeber (2001) présente une conceptualisation du genre popular entertainment, divisé en plusieurs catégories dont le celebrity talk show (Shattuc, 2001 : 81-84). Certains talk-shows accordent une grande importance à l'aspect marketing et au partage d'informations nouvelles et croustillantes de la vie privée des politiciens. Cette catégorie de talk-show se rapprochant du divertissement est reconnue comme étant l'endroit par excellence pour assurer la promotion de différentes personnalités telles que les politiciens.

Jonathan Gray (2008) explique que les contenus des émissions de talk-show ne peuvent être uniquement rationnels, la dimension émotionnelle doit aussi être mise à contribution puisque, pour divertir, il faut toucher la dimension affective et imaginative du public (2008 : 142). Effectivement, le cadre de ce genre télévisuel demande aux politiciens de parler de politique et de leur vie privée, ce qui montre au public « their rational and emotional capacities » (van Zoonen, 2005 : 79). Même si un talk-show a pour vocation d'être distractif, il n'est pas impossible qu'il soit également informatif ou persuasif (Barnouw et Kirkland, 1989 : 102-104).

Dans le même ordre d'idées, Frederick Bastien (2007) explique que les dimensions information politique et divertissement ne sont pas antinomiques, puisqu'on peut retrouver des composantes informatives et divertissantes dans un même message médiatique. La notion d'infodivertissement qu'il élabore précisément pour étudier le phénomène télévisuel québécois se conceptualise comme étant : « un mode de représentation de la politique qui combine des caractéristiques associées à l'information et au divertissement » (2007 : 19). Il propose un idéal type des dimensions constituant le genre hybride. L'idéal du contenu de l'information politique se résume aux « activités des gouvernements, des partis et des autres acteurs impliqués dans les débats liés aux relations de pouvoir » (2007 : 20). À l'opposé, le contenu lié à la dimension divertissement se rapporte à «des sujets d'intérêt humain, qui mettent en relief la vie privée des personnalités publiques, des événements émotifs et des qualités humaines » (2007 : 58). Ces deux contenus, public et privé, constituent deux

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catégories de thèmes avec lesquels les politiciens jonglent lorsqu'ils sont invités dans les émissions d'infodivertissement.

2.2 L'interaction médiatique

Comme pour les situations de communication plus formelles, les participants3 au talk-show

interagissent afin de produire un message. Dans le cadre de ce genre médiatique, l'interaction se définit dans les termes de Patrick Charaudeau (1991) :

L'interviewer a pour rôle de provoquer son invité à parler (à travers des modes de questionnement qui varient selon le statut de l'interviewé et le motif de son invitation), et l'interviewé a pour rôle de s'exprimer en répondant au questionnement de l'interviewer et, selon les cas, il sera amené à témoigner, expliquer, juger, déclarer (rôles communicationnels). Il faut enfin préciser que le rapport interviewer-interviewé est de complémentarité, voire de complicité, car les deux contribuent à « faire accoucher de la parole » (1991 : 21).

Au-delà de cette relation intervieweur-interviewé, un lien s'établit entre les participants du dispositif médiatique et les téléspectateurs, l'interaction qui se produit devant la caméra étant d'abord et avant tout réalisée pour rejoindre les téléspectateurs (Hutchby, 2005 : 441). L'intervieweur et l'interviewé interagissent l'un et l'autre au profit du public. De ce fait, la télévision permet une certaine proximité entre les participants qu'elle met en scène et un vaste public. « [T]he administration obviously recognized the power and potential benefits in circumventing traditional channels of communication (namely, journalists and news networks) to speak directly to American and global citizens through a variety of entertainment programming » (Jones, 2005 : 7). Pour cette raison et pour la visibilité qu'elle leur donne, les politiciens acceptent généralement avec empressement les invitations aux populaires émissions de talk-shows.

De la même manière que les participants au dispositif médiatique reconnaissent les contraintes du double genre du talk-show et tentent à la fois d'informer et de divertir leur auditoire, les téléspectateurs intègrent ces deux fonctions communicationnelles au fil de

Le terme « participant » est attribué aux personnes physiques qui participent à un échange médiatique. Par exemple, le politicien, l'animateur et les membres de l'auditoire en studio sont considérés comme des participants alors que les téléspectateurs ne le sont pas.

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leurs expériences de communication médiatique et ils attendent des personnalités publiques qu'elles satisfassent les conditions liées à l'une et l'autre des contraintes. Dans les termes de Patrick Charaudeau (1991 : 11-35), ces contraintes, souvent contradictoires dans le cas des émissions hybrides comme le talk-show, pèsent sur le comportement communicationnel des participants et créent des attentes du côté des téléspectateurs, ce qui relèvent du « contrat de communication» (voir aussi Schement, 2002: 472-478 et Lochard, 1998: 11-18). Au cours de l'interaction médiatique, ces contraintes et attentes font l'objet d'une négociation entre les participants et les téléspectateurs, les premiers essayant de se comporter de manière à satisfaire les attentes des seconds.

L'approche interactionniste proposée par Erving Goffman (1981) et Mikhail Bakhtine (1977) postule que les individus sont toujours engagés dans une socialisation et qu'il y a négociation constante entre eux pour coconstruire le message. Marcel Burger (2005) convient que le récepteur influence le discours de l'émetteur par la perception que ce dernier a de son public : « le discours des [participants] est contraint par la manière dont ils imaginent sa réception, d'autant que l'auditoire médiatique qui constitue le destinataire ultime du discours, est le plus souvent absent du lieu [médiatique] » (2005 : 76). Guylaine Martel et Olivier Turbide (2005) repèrent le même phénomène dans les émissions de débats politiques télévisées : « selon ce qu'ils ont vécu et connaissent, [les politiciens] se représentent le comportement communicationnel le plus adéquat en fonction de la situation de communication et le but de leur communication (2005: 193). Ce que Patrick Charaudeau (2005) résume en ces termes :

Toute instance voulant délivrer des messages apprend à construire des cibles abstraites, des catégories de publics qui correspondent moins à des catégories selon leur activité sociale qu'à des catégories d'individus selon des comportements supposés, des attitudes imaginées, des imaginaires supputés [...](2005:48).

La performance communicationnelle résulte de cette négociation. L'évaluation de cette performance varie selon que l'émission requiert des participants qu'ils informent et/ou qu'ils divertissent le public. C'est particulièrement vrai des politiciens qui se présentent dans les talk-shows. Une partie de leur performance est jugée sur la base de leur identité

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professionnelle, principalement liée au milieu politique (domaine public), et une partie relève de leur identité personnelle, mettant en valeur les caractéristiques de la personne humaine (domaine privé) (Martel, 2008; 2010a, 2010b).

L'identité professionnelle renvoie à la fonction sociale, laquelle motive la présence d'un participant sur la scène médiatique. Celle-ci impose certaines contraintes quant à la façon dont le politicien se comporte dans une émission d'infodivertissement. Conformément à son identité professionnelle, il fait preuve de sa compétence en tant que politicien et démontre qu'il prend au sérieux le titre pour lequel il est reconnu par la population. Le politicien rend son dire légitime dans son discours s'il se donne « une position institutionnelle et marque son rapport à un savoir » (Charaudeau et Maingueneau, 2002 : 239).

L'identité personnelle renvoie à la personnalité de l'individu. Les efforts pour mettre en valeur l'identité personnelle des personnalités publiques, particulièrement les politiciens, donnent lieu au phénomène actuel de la personnalisation des discours. Guylaine Martel (2010b) explique que le recours à cette identité peut être une stratégie pour faire oublier leur identité professionnelle qui est perçue négativement (2010b : 89). Selon Erik Neveu (2003), les politiciens se comporteraient de façon à donner l'image d'une personnalité qui plaît et, pour ce faire, ils se serviraient des émissions talk-show pour se rapprocher des citoyens lambda, pour dévoiler leurs passions et émotions, bref pour « valoriser leur humanité » (2003 : 118). Les politiciens qui participent à des talk-shows mettent donc de l'avant ces deux identités, chacune répondant aux contraintes et attentes du genre infodivertissement.

L'incursion du personnel dans le contexte public est généralement appréciée des téléspectateurs, car ils peuvent reconnaître les qualités humaines de la personnalité publique. « TV performers construct identities to engage with the audience » (Toison, 2006: 46). Les téléspectateurs apprécient « rentrer dans la vie privée des notables du monde, car c'est là que se trouveraient l'authenticité et la vérité des grands qui nous gouvernent » (Charaudeau, 2005 : 226). Mais la dimension de la personnalité des

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politiciens va au-delà de la simple curiosité et de l'intérêt des citoyens : l'identité personnelle serait aussi un critère pour évaluer l'homme politique. Jacques Gerstlé a recours aux analyses de Bernard Manin pour illustrer l'idée selon laquelle la dimension personnelle d'un candidat constitue un critère d'évaluation de la performance permettant aux électeurs de faire leur choix : « Au fond, la personnalité du candidat est un "raccourci" qui en vaut un autre pour évaluer la capacité de celui qui va diriger » (Gerstlé, 1999 : 27).

2.3 L'analyse du discours et l'entrevue dans le talk-show

C'est par les ressources théoriques et méthodologiques de l'analyse du discours que je propose de répondre à mon objectif de recherche. À l'intérieur de ce vaste domaine de connaissances (Levinson, 1983; Roulet et al., 1985; van Dijk, 1983; Hutchby et Wooffitt, 1998), le comportement des politiciens qui participent aux émissions de talk-show sera abordé sous deux principaux aspects : l'analyse du contenu thématique et l'analyse conversationnelle (Traverso, 1999 ; Tannen, 2005; Sacks, Schegloff et Jefferson, 1978).

Pour les raisons évoquées précédemment, les thèmes discutés au cours des entrevues de talk-show révèlent une dichotomie entre la sphère publique et la sphère privée. Selon Jurgen Habermas (1978), il existe une pluralité de significations concurrentes des termes « public » et « privé » (1978 : 13), la distinction entre ces deux notions reposant sur la présence de l'expression de sentiments dans la sphère privée, alors que la sphère publique est un lieu où s'y déroulent des débats basés sur des arguments rationnels (Habermas, 1978; 1992). Aujourd'hui, l'expression de sentiments est tolérée dans la sphère publique et la vie publique ne correspond plus uniquement au rationnel, même si certains se questionnent encore sur ces associations (Dahlgren, 1995 : 16-17). En sciences sociales, le concept de sphère publique est généralement entendu comme ce qui concerne les affaires de la vie en société et l'administration des affaires publiques, alors que celui de sphère privée renvoie à l'intimité de la personne.

Plusieurs transformations sociales (industrialisation, urbanisation, immigrations, etc.) ont contribué à l'évolution de la chose publique et favorisent le décloisonnement des frontières.

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Pour certains comme Philippe Breton et Serge Proulx (2002), ce sont principalement les médias de masse, la télévision en tête, qui sont venus brouiller les frontières entre la vie publique et la vie privée. Ceux-ci ont fait naître de nouveaux agencements entre public et privé.

Au chapitre III, consacré à la démarche méthodologique de la recherche, j'expliquerai comment l'analyse du discours permet de saisir le comportement des politiciens (identité professionnelle / identité personnelle) à partir du contenu thématique dont se composent les entrevues.

Outre le contenu discursif proprement dit, l'organisation de l'entrevue, sa structure en termes de tours de parole, permet également de mieux comprendre le comportement des politiciens. L'analyse conversationnelle (Tannen, 2005 ; Roulet et al., 1985) fournit les notions nécessaires à l'analyse de l'interaction pendant les entrevues. En effet, les échanges qui se réalisent entre intervieweur et interviewé dans le cadre du talk-show se présentent sous deux formes principales : ou bien l'entrevue se déroule selon le modèle formel question / réponse, ou bien elle s'apparente au modèle moins formel de la conversation. À partir d'une étude réalisée sur les talk-shows américains Oprah Winfrey Show et Geraldo Riviera Show, Cornelia Hie (2001) explique que les discours tenus dans le cadre de productions télévisuelles de ce genre sont « semi-institutional » (2001 : 219), les talk-shows permettant aux participants d'échanger, ou bien sur le mode « institutional » correspondant à l'entrevue d'information plus classique, ou bien sur le mode de la « casual conversation » convenant mieux au divertissement. (Ilie, 2001 : 249-251). Pour Andrew Toison (2006), l'organisation des structures interactionnelles dans les médias révèle à la fois le caractère institutionnel de la production et le rapprochement à la conversation :

[T]hough it is institutional, because of the way it is obliged to address its audience, media talk is also highly "conversational". It routinely makes use of the speech genres of ordinary conversation, [...] but these are institutionally transformed and strategically manipulated by participants » (2006: 52).

Dans le prochain chapitre, j'emprunterai à l'analyse conversationnelle les concepts liés à l'organisation des tours de parole de manière à montrer que les différentes articulations

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interactionnelles (mode institutionnel / mode conversationnel) sont des indicateurs pertinents pour rendre compte du comportement des politiciens dans les talk-shows.

En résumé et à l'instar de Liesbet van Zoonen (2005), je pose que la performance des politiciens en entrevue dans le cadre de talk-shows se détermine en termes de réponse aux attentes et d'adaptation à la situation de communication, au genre talk-show et aux autres participants de l'échange. On s'attend ainsi à ce qu'un politicien soit flexible et qu'il satisfasse aussi bien les contraintes du divertissement que de l'information, comme l'impose le genre hybride.

The politician appearing in these shows, therefore, must be able to switch easily from his position as a candidate, party leader, or minister to his status as a spouse, parent, or sports or movie fan. He must also master the language of the political field, characterized by an emphasis on relatively abstract social, political, and economic forces, and be able to speak in terms of his private experience and his individual achievements (2005: 78).

La perspective de Patrick Charaudeau (2005 : 66) selon laquelle « l'image des gouvernants est censée correspondre aux attentes des gouvernés » montre clairement que les politiciens doivent s'adapter à leur public. Cette observation, assez unanimement reconnue dans la communauté scientifique, me conforte dans la décision de développer ma recherche dans une approche interactionniste du discours.

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CHAPITRE III

Méthodologie

Au cours du présent chapitre, j'expliciterai la méthodologie utilisée pour effectuer mon analyse. Je débuterai par la présentation du corpus sur lequel repose la recherche (3.1). Je le décrirai (3.1.1) et j'y expliquerai le choix des entrevues (3.1.2). Suivra la description des deux étapes que j'ai accomplies pour préparer mon corpus à l'analyse (3.2) : la transcription des entrevues (3.2.1) et le découpage de la structure interactionnelle (3.2.2). Enfin, le dernier point (3.3) est consacré à la démarche méthodologique ainsi qu'à la définition des indicateurs.

3.1 Corpus

Dans l'approche interactionniste, les données occupent une position centrale. C'est à partir du corpus qu'il est possible d'analyser les constructions communicationnelles entre les participants d'un échange, d'en comprendre la dynamique. Ainsi, la prochaine section est vouée à la description du corpus et à la justification du choix des entrevues.

3.1.1 Description du corpus

Tout le monde en parle , production télévisuelle présentée par Radio-Canada comme étant une émission de nature à susciter la discussion et le débat, est qualifiée de « grand-messe dominicale » (Petrowski, La Presse : 2008, Arts Spectacles 3). Le caractère sacré que l'on attribue à cette émission repose sans doute sur sa popularité auprès des Québécois : elle attire plus ou moins un million de téléspectateurs par semaine depuis 2003. Diffusée sur la chaîne publique le dimanche de 20h00 à 22h0O5, cette émission, qui offre une tribune entre

six à huit invités, est enregistrée devant public6 le jeudi soir. L'animateur, Guy A. Lepage, a

été pressenti par Radio-Canada pour adapter la production originale de Thierry Ardisson, ex-animateur de TLMEP en France, pour la télévision québécoise. À l'époque, ce rendez-vous français incontournable a fait couler beaucoup d'encre en France et au Québec

4 Dans le texte, désormais TLMEP.

5 II arrive que l'émission dure plus longtemps et qu'elle empiète sur le Téléjournal de dix à quinze minutes. 6 Une centaine de places sont réservées à l'auditoire en studio.

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notamment, parce qu'Ardisson cherchait la provocation et ne se gênait pas pour poser des questions concernant la vie privée de ses invités, même lorsqu'il s'agissait de politiciens.

L'animateur, acteur et humoriste québécois Guy A. Lepage est accompagné d'un coanimateur, l'humoriste Dany Turcotte. Lepage et Turcotte occupent deux rôles distincts dans l'émission : alors que Lepage pose des questions et encourage les révélations des invités sous différentes formes, Turcotte réagit plus spontanément aux interventions des invités, souvent en recourant à l'humour, d'où son surnom de « fou du roi ». Ses interventions ont pour objectif de faire rire le public, parfois au détriment des invités. La délimitation des genres dans le cadre de cette émission n'est pas clairement tracée, mais les interventions de Lepage seraient plus associées au genre information et celles de Turcotte au genre divertissement.

L'émission québécoise est un mélange du celebrity talk show et du confessional talk show (Shattuc, 2001 : 81-87), en plus d'intégrer du contenu informant. D'après les définitions élaborées par Jane Shattuc, certains talk-shows ont pour rôle principal de divertir, grâce à des entrevues avec des célébrités {the celebrity talk show) ou à des confessions et révélations de « citoyens normaux » {the confessional talk show). Effectivement, TLMEP accueille un grand nombre de personnalités québécoises connues, mais aussi quelques citoyens lambda qui ont vécu des expériences hors du commun. L'une des visées des entretiens est d'inciter l'aveu de secrets et de confidences. Les personnalités invitées font généralement l'actualité de la semaine et proviennent de différents milieux tels le sport, la politique, la littérature, l'humour, les sciences, etc. Les invités sont conviés à s'exprimer sur un sujet qui leur est propre ou encore sur les manchettes et l'actualité. Sauf exception, la liste des invités de la semaine n'est pas dévoilée avant le mercredi précédant l'enregistrement de l'émission.

Incarnant la tendance de la télévision québécoise qui se caractérise par la diversification et l'hybridation, TLMEP innove et les animateurs recherchent de nouvelles façons d'interviewer les invités. Les entrevues sont réalisées de façon originale, ce qui permet

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d'aborder des sujets sérieux ou délicats sous un angle divertissant. Par exemple, certains segments des entrevues correspondent à des rubriques particulières. Lors de l'un des passages de Bernard Landry à l'émission, l'ancien premier ministre péquiste s'est fait interviewer « devant des crottes de fromage et une bière pour une entrevue "chummy", sur le ton : "Heille, mon Berny" » (Baillargeon, Le Devoir, 2007 : A7). Ces façons distinctes employées par Guy A. Lepage et Dany Turcotte pour questionner leurs invités sur un contenu de nature politique sont révélatrices de la dimension divertissante à TLMEP.

Lepage ponctue aussi les entrevues d'extraits musicaux en lien avec le sujet discuté; il est aux commandes d'un clavier qui déclenche des bruitages et de la musique. Également, il intègre des anecdotes de sa vie personnelle aux entrevues qu'il dirige, sert du vin à ses invités et parle à ses collègues sur le plateau de l'émission, telle que la fameuse phrase lancée à Manon pour visionner des extraits audiovisuels : « Manon-pèse-su'1-piton! ». À la fin de l'entrevue, Dany Turcotte remet à certains invités des cartes constituées d'un court texte qu'il compose lui-même. Ces textes sont généralement teintés d'humour grinçant.

Ces particularités de l'émission ont pour but de sortir du caractère formel et ainsi de créer une certaine chimie entre les invités et les deux acolytes, Guy A. Lepage et Dany Turcotte. D'ailleurs, entre chaque entrevue, les invités ainsi que l'animateur et le « fou du roi » retournent en coulisses pendant environ cinq minutes où des bouchées et de l'alcool leur sont offerts. Lorsque j'ai assisté à l'enregistrement d'émissions7, l'animateur de foule a fait

savoir aux gens dans l'assistance avant l'enregistrement que, pour plusieurs invités, venir à TLMEP est souvent un événement important dans leur carrière. C'est pourquoi, selon les dires de l'animateur de foule, Lepage et Turcotte profitent de la courte pause entre chaque entretien pour rassurer les invités. Pendant ce temps, l'assistance est prise en charge par l'animateur de foule qui maintient son intérêt avec des jeux et des prix de présence. Une pause plus longue après le quatrième invité est l'occasion pour le public de se rassasier et de boire le même vin proposé aux invités sur le plateau.

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En plus d'être populaire et de mélanger les genres médiatiques information et divertissement, l'émission TLMEP a été retenue parce qu'on y reçoit plusieurs politiciens. En moyenne, pour la saison 2007-2008, 15 % des invités étaient des politiciens, ce qui m'offre la possibilité de choisir parmi un éventail diversifié et ainsi de constituer un corpus pertinent. Certains journalistes considèrent que le passage à TLMEP est devenu une sorte de test pour les personnalités politiques. À ce sujet, dans un article du Soleil publié le 11 novembre 2006, le chroniqueur Gilbert Lavoie énumère le nombre considérable de politiciens à avoir été invités sur le plateau au cours des dernières années. Bernard Derome, alors chef d'antenne au Téléjournal à Radio-Canada, a confirmé la présence incontournable des politiciens à TLMEP lors d'une entrevue accordée à Guy A. Lepage à cette même émission : « C'est devenu un passage obligé. » (En ligne, YouTubef.

Alors que quelques-uns refusent d'aller à TLMEP lorsqu'ils se retrouvent dans des situations délicates, Guy A. Lepage explique dans une entrevue au journal La Presse que peu de gens déclinent l'invitation et que « ça se bouscule au portillon pour passer à l'émission » (Repentigny, La Presse, 2006 : Arts Spectacles 2). Certaines personnalités québécoises redoutent de se présenter à TLMEP, parfois pour des raisons techniques comme le montage d'extraits, et nombreux sont ceux qui se souviennent des invités (Guy Fournier, Raël, Richard Martineau, André Drouin, etc.) qui ont subi un mauvais traitement de la part de l'animateur, du « fou du roi » ou d'un autre invité. Le psychiatre Pierre Mailloux a même temporairement été radié de son ordre professionnel à la suite des propos qu'il a tenus lors de son passage à l'émission en 2006.

La spécificité de cette émission vient aussi du fait qu'elle favorise l'échange entre les participants. En effet, la disposition des invités sur le plateau de tournage est semblable à celle d'une table ronde. Elle est toutefois différente de celle des autres talk-shows, rapporte Stéphane Laporte9 après son entrevue en 2006 :

Ce qui est déroutant quand on est assis là, c'est comment l'animateur est loin de nous. Normalement les hôtes de talk-show peuvent toucher leurs invités. Ils

* Il est intéressant de noter que Bernard Derome n'accorde lui-même pratiquement jamais d'entrevues. Stéphane Laporte porte plusieurs chapeaux, dont celui de scénariste humoristique, de chroniqueur journalistique, de réalisateur et de directeur artistique québécois.

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sont à côté. À TLMEP, c'est plus comme une cour. Guy, le juge. Dany, l'avocat de la couronne. Le public, le jury. Et l'invité, le témoin, le suspect (Laporte, 2006 : en ligne, Cyberpresse).

Effectivement, la mise en place du plateau est bien différente des autres talk-shows. L'animateur est en retrait des invités, contrairement au « fou du roi » ou aux autres invités qui sont très près les uns des autres. Le siège sur lequel est assis l'animateur est surélevé par rapport aux invités, lesquels sont disposés en demi-cercle autour d'une table juste devant l'auditoire en studio, comme le montrent les dispositifs 1 et 2. On souligne au public lors de son arrivée à l'enregistrement qu'il est « partenaire » de l'émission et qu'il crée l'ambiance, chaque personne contribuant à l'expérience. L'animateur de foule incite les « partenaires » à applaudir et à manifester verbalement leur approbation. Il commande également les moments auxquels ils doivent se lever et s'asseoir. L'auditoire est d'ailleurs souvent pris à parti par les animateurs; par exemple, lorsque Turcotte fait des blagues, il se tourne souvent vers le public derrière lui pour le faire participer et probablement aussi afin de voir sa réaction.

Dispositif 1

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Dispositif 2

Plan rapproché du plateau de Tout le monde en parle

Les invités s'installent sur le plateau au fur et à mesure de leur arrivée. Puisqu'un des objectifs de l'émission est de favoriser la discussion, ceux-ci sont conviés à rester à l'enregistrement complet et à intervenir lors des entrevues des autres personnalités présentes. Par ailleurs, ils peuvent quitter immédiatement après leur entrevue où avant l'entrevue d'une autre personnalité. Il y a environ dix caméras installées sur le plateau de tournage afin de capter les moindres gestes et réactions des invités. Toutefois, j'ai noté lors de mes observations sur le terrain que les caméras sont régulièrement posées sur l'invité et non sur l'animateur lors de l'entrevue, ce qui permet à Guy A. Lepage de lire ses fiches aide-mémoire et ainsi de préparer les prochaines questions qu'il posera. Rappelons que l'émission est le résultat d'un montage d'extraits, l'enregistrement original étant d'une durée d'environ six heures. L'entrevue originale de l'invité dure au minimum trente minutes et au maximum cinquante minutes, alors que l'entrevue diffusée est d'environ quinze minutes.

J'ai préféré Tout le monde en parle à d'autres talk-shows qui font partie du paysage télévisuel québécois actuel tels que Bons Baisers de France, Bazzo.tv, Ça manque à ma

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culture, etc., particulièrement parce que TLMEP reçoit beaucoup de politiciens et que le talk-show se veut à la fois une émission de divertissement et d'affaires publiques (comme je l'ai décrit au chapitre précédent). Le cadre de ce talk-show me permet donc d'analyser le comportement communicationnel des politiciens en entrevue et de vérifier ce qui relève de l'information publique de nature politique et ce qui relève du divertissement.

3.1.2 Choix des entrevues

Le nombre d'émissions de TLMEP est considérable et une sélection s'impose pour effectuer une analyse réaliste et fiable du comportement communicationnel de politiciens à l'émission. Considérant que chacune des entrevues est d'une durée de quinze à vingt minutes, j'ai fait la sélection des huit entrevues10 les plus pertinentes en fonction de la

notoriété du politicien et de son intérêt dans l'actualité.

Certaines entrevues des saisons 2006-2007 et 2007-2008 sont incontournables. Par exemple, en mars 2007, les chefs des principaux partis provinciaux ont été interviewés par Guy A. Lepage dans le cadre de la campagne électorale provinciale. J'ai jugé important de retenir ces trois chefs : Jean Charest qui dirige le Parti libéral du Québec (PLQ), André Boisclair du Parti québécois (PQ) et Mario Dumont de l'Action démocratique du Québec (ADQ). Politicien expérimenté s'il en est un, on ne peut passer outre l'entrevue de Jean Charest, à la tête du gouvernement au cours du dernier mandat. L'entrevue d'André Boisclair est très attendue par les téléspectateurs en raison de la complicité qui est née entre le « fou du roi » et le chef du PQ lors de sa première entrevue à TLMEP diffusée à l'automne 2005 . L'entrevue avec Mario Dumont est tout aussi intéressante, considérant la montée fulgurante du jeune chef et de son nouveau parti, lequel vient bousculer les acquis des deux autres chefs.

Ce qui représente un total de 87 pages de transcription pour les huit entrevues.

" On a même qualifié cette complicité de drague entre les deux hommes homosexuels. Les discussions tenues au cours de cette entrevue ont d'ailleurs encouragé Dany Turcotte à faire son coming out et à avouer son homosexualité la semaine suivante en début d'émission. L'entrevue de Boisclair en 2005 à TLMEP a eu des répercussions jusqu'en 2007, alors que plusieurs invités y ont fait référence lors de leur passage à l'émission. Dans le présent corpus, on note que Béchard et Boucher soulèvent cette « relation » au cours de leur entrevue.

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En février 2008, après moult péripéties au sujet des dernières courses pour la chefferie du PQ (automne 2005 et hiver 2008), Pauline Marois innove en se présentant à TLMEP en tant que femme leader d'un parti politique12. En mars 2008, c'est au tour de Stéphane Dion, chef

du Parti libéral du Canada (PLC), à se présenter à l'émission. Dion est reconnu pour les doutes considérables qu'il a engendrés notamment en ce qui concerne sa compétence à gouverner son parti et éventuellement le pays. L'entrevue de Dion est d'autant plus attendue que ce dernier a annoncé son intention de se faire connaître différemment des électeurs en se présentant dans un environnement moins formel comme les émissions de variétés. L'entrevue de l'ancienne mairesse de la ville de Québec, Andrée P. Boucher, diffusée en novembre 2005 au lendemain de son élection, a également été retenue. Connue pour son style flamboyant et ses opinions tranchées, madame Boucher a voué sa vie à la scène politique municipale.

Les chefs de partis sont bien connus de la population et ont l'habitude d'entrevues dans divers contextes médiatiques, ce qui n'est pas le cas de certains ministres comme Claude Béchard et Lise Thériault, lesquels se trouvent moins souvent sous les feux de la rampe. À l'instar de l'hypothèse de Frederick Bastien (2007)13, il est intéressant pour nous de vérifier

si la fonction influence la performance des politiciens dans les émissions de talk-show. Claude Béchard, ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs du Québec, a été reçu à TLMEP après un mandat tumultueux du gouvernement Charest en matière d'environnement (projet Rabaska, vente du mont Orford, démission de l'ancien ministre Thomas Mulcair, etc.). Lise Thériault, ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles du Québec, a été sélectionnée pour ajouter à la représentation féminine dans le corpus. Cette caractéristique sera mise en corrélation avec le contenu de l'entrevue qui concerne la vie privée des invités, ce contenu pouvant varier en fonction du sexe.

12 Au surplus, Pauline Marois a attisé les commentaires des journalistes dans les médias par des événements qui se sont produits peu de temps avant son entrevue, notamment sa difficulté à maîtriser l'anglais, les résidences qu'elle possède (un petit chalet et une maison de prestige) et son rôle de femme de pouvoir. '" D'après ses analyses, Bastien pose l'hypothèse selon laquelle « une plus grande importance est accordée à la vie personnelle des politiciens lorsque l'interviewé est le chef d'un parti politique que s'il occupe d'autres fonctions » (2007 : 234).

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Tableau II
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Tableau IV
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