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La dignité en fin de vie : application du construit chez une population en perte d'autonomie fonctionnelle

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La dignité en fin de vie

Application du construit chez une population en perte d’autonomie fonctionnelle

Mémoire doctoral

Marie-Christine Laplante

Doctorat en psychologie Docteure en psychologie (D.Psy.)

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Résumé

Au Québec, le changement démographique en cours mène à l’augmentation du nombre de personnes âgées en perte d’autonomie fonctionnelle (PPAF). La relation du niveau de bien-être psychologique et de l’état de santé physique étant bien documentée, une considération pour la détresse d’ordres psychologique et spirituelle se manifeste dans la littérature et dans les milieux cliniques.

Dans le modèle de la dignité, Chochinov et coll. (2006) ont proposé une série de variables qui affectent le sentiment de dignité des personnes en fin de vie. La présente étude vise à évaluer si les PPAF qui résident toujours à domicile souffrent également d’une diminution du sentiment de dignité et si les facteurs qui l’influencent s’apparentent ou se distinguent de ceux impliqués dans le sentiment de dignité des personnes en fin de vie.

Les résultats obtenus n’indiquent aucune corrélation de forte intensité entre les variables indépendantes et le sentiment de dignité chez les 60 participants recrutés. Enfin, les résultats de la régression linéaire multiple révèlent que seule la variable de l'âge est statistiquement significative à un seuil de p≤=0.05 (p=0.029), à un Beta=0.446.

Ces résultats indiquent que les variables typiquement associées au sentiment de dignité chez des personnes en fin de vie ne sont que très faiblement corrélées au sentiment de dignité des participants de la présente étude. Il serait intéressant d’explorer davantage les raisons de cette différence dans le cadre d’études ultérieures, notamment vis-à-vis l’impact du milieu de vie et de l’intensité de la perte d’autonomie.

La présente étude comporte plusieurs limites, notamment en ce qui concerne la petite taille de l’échantillon, ce qui a grandement limité la portée des analyses statistiques.

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Table des matières

RÉSUMÉ ... iii

TABLE DES MATIÈRES ... v

LISTE DES TABLEAUX ... ix

LISTE DES SIGLES ET ABBRÉVIATIONS ... xi

AVANT-PROPOS ... xiii

REMERCIEMENTS ... xv

CHAPITRE1 :INTRODUCTION GÉNÉRALE ………...…1

INTRODUCTION ... 2

PROBLEMATIQUE ... 3

LE CONTEXTE DU SYSTEME DE SANTE QUEBECOIS ... 3

CHANGEMENT DEMOGRAPHIQUE ... 4

SANTE MENTALE ET SANTE PHYSIQUE : UNE INFLUENCE RECIPROQUE ... 5

BIEN-ETRE PSYCHOLOGIQUE ... 6

DETRESSE PSYCHOLOGIQUE ... 6

PERTE D’AUTONOMIE ... 7

AJUSTEMENT PSYCHOSOCIAL ... 9

BIEN-ETRE SPIRITUEL ... 9

ÉMERGENCE DANS LE CONTEXTE DES PERSONNES EN FIN DE VIE ... 9

BIEN-ETRE SPIRITUEL ET BIEN-ETRE PSYCHOLOGIQUE ... 10

SPIRITUALITE, RELIGION ET SPIRITUALITE LAÏQUE ... 11

QUETE DE SENS ... 13

QUETE DE SENS ET BIEN-ETRE PSYCHOLOGIQUE ... 13

ET LE SENTIMENT DE DIGNITE ? ... 14

DIGNITE ... 14

MOURIR DANS LA DIGNITE ... 15

DEUX CONCEPTIONS MODERNES DE LA DIGNITE ... 16

LA DIGNITE DANS LA DEPENDANCE DE L’AUTRE ... 17

LA DIGNITE DANS L’INDEPENDANCE ... 18

MODELE DE LA DIGNITE ... 19

CHAPITRE 2 : MÉTHODOLOGIE ... 23

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RESIDENCES LES JARDINS DE LA NOBLESSE ... 25

PERSONNES VIVANT UNE PERTE D’AUTONOMIE RESIDANT A LEUR DOMICILE ... 26

DEROULEMENT ... 26

ÉLIGIBILITE ... 26

COLLECTE DE DONNEES ... 27

INSTRUMENTS DE MESURE ... 27

EXAMEN DE FOLSTEIN SUR L’ETAT MENTAL (MMSE) ... 27

PRISMA7 ... 28

QUESTIONNAIRE SOCIODEMOGRAPHIQUE ... 28

ÉCHELLE DE SATISFACTION DE VIE (ESV) ... 28

WHOQOL26 ... 29

ÉCHELLE DE DEPRESSION ET D’ANXIETE EN MILIEU HOSPITALIER (HADS) ... 29

FACIT-SP ... 30

INVENTAIRE DE LA DIGNITE EN SOINS PALLIATIFS ... 30

INVENTORY OF DESIRABLE RESPONDING (BIDR) ... 31

ANALYSES STATISTIQUES ... 31

COEFFICIENT DE PEARSON ... 31

V DE CRAMER ... 32

REGRESSION LINEAIRE MULTIPLE ... 32

PREPARATION DES DONNEES ... 33

INSTRUMENTS DE MESURE ... 33

QUESTIONNAIRE SOCIODEMOGRAPHIQUE ... 33

FACIT-SP ... 33

CODAGE DES VARIABLES ... 33

CHAPITRE 3 : RÉSULTATS ET DISCUSSION ... 35

RESULTATS ... 36 SEXE ... 36 TABLEAU 1 ... 36 ÂGE ... 36 TABLEAU 2 ... 37 SCOLARITE ... 37 TABLEAU 3 ... 38

BIEN-ETRE COGNITIF ET AFFECTIF ... 38

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TABLEAU 5 ... 39

NIVEAUX DE DEPRESSION ET D’ANXIETE ... 39

TABLEAU 6 ... 40

TABLEAU 7 ... 40

BIEN-ETRE SPIRITUEL ... 41

TABLEAU 8 ... 41 DESIRABILITE SOCIALE ... 41 AUTODUPERIE ... 41 TABLEAU 9 ... 42 HETERODUPERIE ... 42 TABLEAU 10 ... 42 STATUT CIVIL ... 43 TABLEAU 11 ... 43

REGRESSION LINEAIRE MULTIPLE ... 43

DISCUSSION ... 44 CONCLUSION ... 49 RÉFÉRENCES ... 53 APPENDICES ………..63 APPENDICE 1 ... 63 APPENDICE 2 ... 65 APPENDICE 3 ... 67 APPENDICE 4 ... 69 APPENDICE 5 ... 71 APPENDICE 6 ... 73 APPENDICE 7 ... 75 APPENDICE 8 ... 79 APPENDICE 9 ... 81 APPENDICE 10 ... 83 APPENDICE 11 ... 85

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Liste des tableaux Chapitre 3

Tableau 1 : Sentiment de dignité en fonction du sexe. Tableau 2 : Sentiment de dignité en fonction de l’âge.

Tableau 3 : Sentiment de dignité en fonction du niveau de scolarité. Tableau 4 : Sentiment de dignité en fonction du bien-être cognitif. Tableau 5 : Sentiment de dignité en fonction du bien-être affectif. Tableau 6 : Sentiment de dignité en fonction du niveau de dépression. Tableau 7 : Sentiment de dignité en fonction du niveau d’anxiété. Tableau 8 : Sentiment de dignité en fonction du bien-être spirituel. Tableau 9 : Sentiment de dignité en fonction de l’autoduperie. Tableau 10 : Sentiment de dignité en fonction de l’hétéroduperie. Tableau 11 : Sentiment de dignité en fonction du statut civil.

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Liste de sigles et abréviations Chapitre 1

CSSS : Centres de santé et de services sociaux

FACIT-Sp : Functional Assessment of Chronic Illness Therapy- Spiritual Well-Being

MSSS : Ministère de la santé et des services sociaux OMS : Organisation mondiale de la santé

PALV : Programme perte d’autonomie liée au vieillissement PPAF : Personnes âgées en perte d’autonomie fonctionnelle Chapitre 2

AVQ : Activités de la vie quotidienne

BIDR : Balanced Inventory of Desirable Responding

CÉRUL : Comité d’Éthique de la recherche de l’Université Laval CLSC : Centre local de services communautaires

ESV : Échelle de satisfaction de vie

HADS : Échelle de dépression et d’anxiété en milieu hospitalier MMSE : Examen de Folstein sur l’état mental

ODQ : Other Deception Questionnaire

PRISMA 7 : Programme de recherche sur l’intégration des services de maintien de l’autonomie

SDQ : Self Deception Questionnaire

SMAF : Système de mesure de l’autonomie fonctionnelle SPSS : Statistical Package for the Social Sciences

WHOQOL : World Health Organisation Quality of Life Chapitre 3

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Avant-Propos

Mon mémoire doctoral correspond aux exigences du programme de doctorat (D.Psy.) de l'École de psychologie de l'Université Laval. Monsieur Michel Pépin, Ph.D, a passé du rôle de co-directeur au titre de directeur de recherche suite au décès de Monsieur Aurèle St-Yves, directeur initial de mon projet. La présentation de l'article est rédigée selon les normes de l'American Psychological Association, conformément aux règles de l'École de psychologie de l'Université Laval.

Ma position comme première auteure de ce mémoire doctoral m’a octroyé les responsabilités d’effectuer la recension de la littérature, d’exposer la problématique et le contexte théorique, d’élaborer la méthode, de procéder au recrutement et à la cueillette de données auprès des participants, de compiler les données, d’analyser les résultats et de rédiger le mémoire sous la supervision de Monsieur Michel Pépin qui m’a offert cadre et conseils au fil du processus. Précédemment, Monsieur Aurèle St-Yves a agi à titre de guide et de mentor dans l’élaboration du projet de mémoire doctoral; sa contribution dans la réalisation de ce mémoire est sans équivoque. Par ailleurs, j’ai bénéficié du soutien de Monsieur Guy Jobin, Ph.D, qui a su enrichir et stimuler mes réflexions à de nombreuses reprises.

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Remerciements

Au terme de cette étape importante de mon cheminement universitaire et personnel, je tiens à remercier ces personnes qui ont partagé une partie de mon expérience, de près ou de loin, pour le meilleur et pour le pire.

Je remercie d’abord l’équipe de professeurs qui m’a supervisé et guidé depuis 2007 dans la réalisation de ce mémoire doctoral. Merci à Aurèle St-Yves pour sa confiance, son implication et sa bienveillance ; Merci à Michel Pépin pour ses conseils, sa confiance et sa compétence ; Merci à Guy Jobin pour sa disponibilité, son intérêt et ces longues

conversations, sources d’inspiration.

Je remercie également ma famille et mes amis, qui se sont intéressés à mon mémoire : Papa, Maman; Sonia, Debbie, David, Daniel, Yannick, Ronald et Francine, Jacques D., Renée, Andrée-Anne et Lyne. Merci aussi à Marie L. et Jacques L. pour avoir gardé William pendant mes séminaires ! Un merci particulier à toi Odette pour ton amitié, ta confiance, ton soutien et ta compréhension précieuse de mes besoins et de mes

vulnérabilités.

Merci à mon fils William, qui instille l’envie de donner le meilleur de moi-même, et qui est une vraie petite boule d’amour. Une pensée également pour Julien qui, sans le savoir, aura fait partie des derniers miles de mon parcours universitaire!

Merci enfin, et surtout, à mon partenaire de vie, mon amoureux Bruno-Pier, qui, par sa présence et son soutien, m’a transmis la persévérance d’accomplir mon parcours doctoral au travers de tout ce que la vie nous a apporté.

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Introduction

En 2008, environ 19 % des personnes âgées de 65 ans et plus rapportaient un haut niveau de détresse psychologique (Cazale et Bernèche, 2012). Considérant que cette tranche d’âge prendra de l’ampleur dans le cadre du changement démographique que vit actuellement le Québec, et compte tenu que la détresse psychologique augmente avec l’accumulation des pertes, des maladies et des handicaps, il apparaît important de bien comprendre la souffrance particulière de cette population afin de l’approcher de façon appropriée.

L’introduction par Cicely Saunders du concept de souffrance globale dans les années 1950 s’inscrit dans une distinction entre souffrance et douleur. Si la douleur peut être

ponctuelle et localisée, la souffrance réfère à l’individu entier et s’étale sur une période de temps. En alliant les douleurs physique, morale, spirituelle et psychosociale sous un même terme, Saunders a inauguré le mouvement des soins palliatifs qui poursuit l’objectif de prise en charge globale des patients en fin de vie (Saunders et Baines, 1986). Cette approche globale vise le soulagement de la souffrance tant physique que psychologique, sociale et spirituelle (Byrne, 2002). Le mouvement des soins palliatifs prend, depuis, une ampleur considérable au Canada et au Québec. La considération pour la souffrance globale dans un contexte de fin de vie devient de plus en plus répandue. Citons notamment la Direction de la lutte contre le cancer qui, en 2011, présente dans le rapport du comité d’oncologie psychosociale six déterminants de la détresse chez les patients souffrant de cancer. Il s’agit des difficultés émotionnelles,

pratiques, informationnelles et sociales, des symptômes physiques ainsi que des préoccupations spirituelles (Direction de la lutte contre le cancer, 2011, p.9).

Dans son modèle de la dignité, Chochinov, Kristjanson, Hack, Hassard, McClement et Harlos (2006) rassemblent ces différents types de souffrance et en dégagent des facteurs associés à un sentiment de dignité préservé ou amoindri chez des personnes en fin de vie. Le développement d’une thérapie de la dignité connaît depuis sa mise en œuvre une efficacité notable dans la diminution significative de plusieurs symptômes de détresse psychologique (p= .023), notamment les symptômes dépressifs (Chochinov, Hack, Hassard, Kristjanson,

McClement, et Harlos, 2005). Par ailleurs, selon une étude récente menée à la Maison Michel-Sarrazin à Québec, la thérapie de la dignité aurait pour effet d’augmenter

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considérablement le sentiment de dignité, le sentiment d’utilité et le sens à la vie (Gagnon, Chochinov, Cochrane, Le Moignan Moreau, Fontaine, et Croteau, 2010).

Le présent mémoire doctoral s’intéresse à évaluer le sentiment de dignité tel que conceptualisé par Chochinov auprès de personnes en fin de vie au sein d’une population en perte d’autonomie fonctionnelle. L’objectif est de vérifier si les personnes âgées en perte d’autonomie (PPAF) souffrent d’une diminution du sentiment de dignité, et si cette souffrance se distingue de celle vécue par les personnes en fin de vie.

Parmi les auteurs qui se sont intéressés à la réalité des PPAF, mentionnons notamment

Danhauer, Carlson et Andrykowski (2005) qui se sont intéressés à évaluer les liens qui existent entre les stratégies de quête de sens et le bien-être psychologique chez des personnes âgées semi-autonomes ou non autonomes vivant en résidence. De leur côté, la récente démarche de Chochinov et coll. (2012) a démontré l’efficacité de la thérapie de la dignité pour améliorer le bien-être des PPAF résidant dans des établissements de soins longue-durée au Manitoba. Se penchant plus particulièrement sur un échantillon de PPAF résidant toujours à domicile, l’originalité de ce mémoire doctoral se situe donc dans une poursuite d’exploration cohérente avec la littérature récente.

Problématique Le contexte du système de santé québécois

Le système de santé québécois fait face à une surcharge importante. Depuis 2010, près de la moitié du budget de la province a été attribuée aux dépenses en santé (Ministère des Finances, 2012; Ministère des Finances, 2010, p.3). Dû à l’inadéquation entre les ressources disponibles et les demandes de soins, il était estimé que la proportion du budget alloué aux dépenses en santé grimperait de 45 % à environ 66 % du budget annuel

(Ministère des Finances, 2010). Ayant fait de la santé sa première priorité, le

gouvernement du Québec a effectivement maintenu cet investissement en 2011-2012, et en 2012-2013 (Ministère des Finances, 2012, p. A.20). Si cette tendance se maintient, « [les

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soins de santé en raison des changements démographiques. » (Ministère des Finances, 2010, p.III). Toutefois, les données du Ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) montrent que la croissance des ressources du système sociosanitaire ne s’est pas adaptée à la demande croissante de soins (Institut de la statistique du Québec, 2011).

Changement démographique. Il faut dire que l’amélioration des conditions de vie et le développement des technologies médicales ont contribué à repousser l’âge moyen de mortalité. Depuis le début des années 1990, l’espérance de vie a subit une hausse de 5.9 ans chez les hommes et de 2.8 ans chez les femmes au Québec (Payeur, 2011). Il est estimé que la population de personnes âgées de 65 ans et plus passera de 11% en 2011 à 26% de la population totale en 2031, soit une personne sur quatre (Girard, 2010, p. 11; Institut de la statistique du Québec, 2009, p. 3).Or, l’espérance de vie en bonne santé ne suit pas la tendance dans la mesure où, au-delà de 55 ans, le nombre de maladies et d’incapacités se multiplient, tout comme la dépendance de ces personnes au réseau des soins (Philibert, Pampalon, et Choinière, 2007; Grignon, 2003; Vézina, Cappeliez, et Landreville, 2007). En effet, les problèmes de santé physique se manifestent par une dépendance accrue envers d’autres personnes et par l’accroissement de l’utilisation des ressources de santé (Vézina et coll., 2007).

Les progrès de la médecine ont également permis de diminuer considérablement le risque de mortalité associé aux maladies aiguës. Toutefois, en augmentant l’espérance de vie, ils ont également augmenté « la vulnérabilité à diverses affections chroniques telles que l’arthrose, le diabète, le cancer, l’hypertension et les maladies cardiaques » (Vézina et coll., 2007, p. 119). De fait, un lien direct existe entre le recours aux services et aux

professionnels de la santé et le nombre de maladies chroniques que présente une personne (Cazale et Dumitru, 2008).

En somme, l’augmentation de la proportion de personnes âgées, et incidemment l’augmentation de la prévalence des maladies, fait en sorte que davantage de personnes sont aux prises avec une perte d’autonomie fonctionnelle.

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Santé mentale et santé physique : une influence réciproque

Selon l’Enquête de 2005 sur la santé dans les collectivités canadiennes (Statistiques Canada, 2005), il existe un lien entre une mauvaise autoévaluation de sa santé générale et de sa santé mentale et le fait d’être en détresse psychologique. Se décrire comme insatisfait quant à sa vie est également corrélé à la détresse psychologique (Camirand et Nanhou, 2008). L'interdépendance du niveau de bien-être psychologique et de l’état de santé physique est certainement bien documentée. Ainsi, l’augmentation de la prévalence des maladies a des conséquences au niveau de la santé mentale. En effet, la maladie physique menace l’intégrité de la personne ainsi que son bien-être psychologique. Plusieurs auteurs font remarquer que les personnes qui ont un problème de santé physique présentent une prévalence accrue de troubles affectifs (Katon et Ciechanowski, 2002), de troubles anxieux (Harter, Conway, et Merikangas, 2003) et de troubles de santé mentale en général (Vézina et coll., 2007). Inversement, des sentiments tels que l’anxiété, l’insomnie, la colère, ou la tristesse semblent exacerber la souffrance physique de la personne, possiblement en diminuant son seuil douloureux (Echard, 2006).

Par ailleurs, Frankl (1963) avait remarqué que les personnes qui souffrent

physiquement se retrouvent habitées, après quelques jours, de souffrance affective, puis de préoccupations spirituelles. Plus récemment, le lien entre la souffrance physique,

psychologique et spirituelle s’est enrichi d’autres appuis empiriques. D’une part, Rosenfeld, Gibson, Kramer, et Breitbart (2004) ont observé que la détresse psychologique et la

souffrance spirituelle (vécue en tant que diminution du sentiment de dignité, de perte de sens ou de perte d’espoir) affectent la résilience des patients. Ces deux types de souffrance auraient également pour effet de diminuer le seuil douloureux des patients (Echard, 2006).

Dans le présent document, l’expression « souffrance globale » réfère à la conjugaison des douleurs physique, morale, spirituelle et psychologique, tel que suggéré par Saunders (Saunders et Baines, 1986). Notons toutefois que, malgré la diffusion du concept, le débat reste ouvert vis-à-vis la distinction entre souffrance et douleur (Le Breton, 2006).

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Bien-être psychologique. Le même concept de bien-être psychologique a été évoqué sous plusieurs termes différents au cours des années, par exemple le bonheur et la satisfaction de vie (Veenhoven, 1997). Sans constituer des synonymes, ceux-ci reflètent différentes facettes du concept du bien-être psychologique et leurs distinctions ne seront pas détaillées ici. Mentionnons seulement le passage au fils des ans entre une perspective davantage objective vers une perspective subjective du bien-être psychologique. Dans son compte-rendu des connaissances sur le bonheur, Veenhoven (1997) utilise notamment les données du World Database of Happiness, qui comprend une bibliographie de 2475 études contemporaines sur le bonheur et ses corrélats, afin d’éclaircir les différentes définitions utilisées dans la littérature. Il mentionne que jusqu’au XVIIe siècle a prévalu une vision objective du bonheur. Une synthèse effectuée en 1976 relève quatre sens différents du bonheur, soit un état temporaire de joie intense, une satisfaction de sa vie en général, une grande chance et une quantité de biens possédés (Tatarkiewicz, 1976). Une conception plus large du bien-être, alors compris comme étant subjectif, se répand par la suite. À l’opposé d’une définition objective, on s’intéresse désormais à l’appréciation personnelle de notre vie en général (Veenhoven, 1997).

Le bien-être subjectif désigne l’appréciation subjective et stable qu’a un individu de sa vie (Veenhoven, 1997). Le concept se distingue donc des émotions passagères et réfère plutôt au jugement que fait la personne de la qualité totale de sa vie. D’autres auteurs définissent le bien-être subjectif comme étant l’évaluation d’une personne de sa propre vie (Diener, Scollon, et Lucas, 2004). Il s’agit d’un concept multidimensionnel qui présente une composante cognitive, soit la satisfaction de la personne envers sa vie en général, et des composantes affectives qui réfèrent à la fréquence et l’intensité des émotions positives ressenties par rapport aux émotions négatives (Vézina et coll., 2007). Le terme de bien-être subjectif sera retenu dans le cadre du ce mémoire, et compris comme étant défini par une composante cognitive et une composante affective.

Détresse psychologique. La détresse se définit comme une expérience émotionnelle désagréable et une difficulté d'adaptation psychologique; elle entraîne des symptômes de

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dépression, d'anxiété, de colère et d'hostilité (Holland, Anderson, Breitbart, Dabrowski, Dudley, Fleishman et coll., 2006; Ridner, 2004). D’autres auteurs la définissent comme « le résultat d’un ensemble d’émotions négatives ressenties par les individus qui, lorsqu’elles se présentent avec persistance, peuvent donner lieu à des syndromes de dépression et d’anxiété » (Camirand et Nanhou, 2008, p. 1). Concept opposé au bien-être psychologique, il est le plus souvent mesuré par le questionnement des symptômes et des émotions négatives, alors que le bien-être psychologique s’évalue par une appréciation subjective de l’individu.

Sachant que près d’un Québécois sur cinq souffre de détresse psychologique et qu’il existe un lien étroit entre les troubles de santé mentale et les idéations suicidaires, la

vigilance est de mise chez les professionnels de la santé physique et mentale. Dans le même ordre d’idées, les résultats de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (Statistiques Canada, 2005) révèlent que les idéations suicidaires et les tentatives de suicide sont plus fréquentes chez les personnes dont l’état de santé est moins favorable, surtout lorsque la personne a vécu un problème spécifique en santé mentale (par exemple un épisode dépressif, une détresse psychologique élevée ou une autoévaluation négative de sa santé mentale) (Institut de la statistique du Québec, 2010). L’annonce d’une maladie, tout comme son évolution vers une phase terminale, est une source de bouleversements, et entraîne un sentiment de désespoir et des idéations suicidaires (Mystakidou, Tsilika, Prapa, Smyrnioti, Pagoropoulou, et Lambros, 2008). Confrontée à la maladie, la personne est contrainte à une élaboration de sens : « [La maladie somatique] modifie le rapport que [celle-ci] entretient avec son organisme et avec l’image de son corps et [la] pousse à donner du sens à l’événement ‘maladie’ » (Echard, 2006, p. 203). Une étude new-yorkaise a

d’ailleurs révélé que les patients atteints de cancers en phase terminale souffrant d’une dépression majeure avaient quatre fois plus d’idéations suicidaires que les non dépressifs (Breitbart, Rosenfeld, et Pessin, 2000). D’autres estiment que 35 à 45% d des personnes atteintes de cancer présentent un niveau élevé de détresse qui pourrait nécessiter une intervention spécialisée (Bultz et Holland, 2006).

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Perte d’autonomie. L’avancement en âge est fortement associé aux limitations d’activités, à la perte d’autonomie, à l’apparition de maladies chroniques et au placement dans un établissement de santé (Martel, Bélanger, et Berthelot, 2002). Selon La

Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé produite par l’OMS, un handicap résulte d’une interaction entre un problème de nature physique et l’environnement de la personne (OMS, 2000). Il a été démontré que l’incapacité et la dépression sont associées chez les personnes âgées (Oldehinkel, Bouhuys, Brilman, et Ormel, 2001). Par ailleurs, l’indépendance physique, le niveau d’occupation possible et la mobilité constituent des éléments de définition du niveau d’autonomie de la personne (Wilkins, Rochon, et Lafontaine, 1995). Selon d’autres auteurs, la perte d’autonomie fonctionnelle est liée aux trois dimensions suivantes, elles-mêmes divisées en facteurs. Il s’agit de l’indépendance physique (hébergement en institution; dépendance pour les soins personnels, dépendance pour les activités instrumentales), de l’occupation (avoir des limitations dans nos activités principales et secondaires, avoir des journées d’incapacité, soit d’alitement ou d’incapacité légère à modérée) et de la mobilité (ne pas pouvoir sortir à l’extérieur, devoir être couché ou assis la majeure partie de la journée) (Wilkins et coll., 1995).

Cela dit, il semblerait que les enjeux d’indépendance, de contrôle sur sa vie et de réalisation de ses rôles importants sont présents dans un contexte de perte d’autonomie. Les personnes âgées qui vivent en institution, et qui incidemment sont en partie privées du contrôle de leur propre vie, sont en effet plus susceptibles d’être en moins bonne santé et d’avoir un moral très bas (Myers, 1997). D’autre part, les personnes âgées résidant toujours à domicile, mais vivant tout de même une perte d’autonomie peuvent présenter des besoins psychosociaux similaires. Celles-ci sont actuellement prises en charge par le Programme perte d’autonomie liée au vieillissement (PALV) dans les Centres de santé et de services sociaux (CSSS) au Québec. Les services offerts dans le cadre du PALV visent à soutenir les personnes âgées dans leur perte d’autonomie en raison de leur avancement en âge (ex. limitations fonctionnelles, problèmes cognitifs ou maladies chroniques (MSSS, 2004), mais n’est pas conçu pour aborder les besoins psychosociaux (Kareen, Hébert, Lavoie, Dallaire, Wallach, Moscovizt, et coll., 2013). Pourtant, les atteintes à l’autonomie d’une personne

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peuvent effectivement entraîner une grande détresse, notamment le désespoir et l’atteinte à l’identité (Burt, 2002; Cassel, 1982; Murata, 2003).

Ajustement psychosocial. La maladie physique possède une grande valeur de changement dans la vie, c’est-à-dire qu’elle nécessite une réadaptation sociale majeure (Vézina et coll., 2007). Selon Échard (2006), l’ajustement psychosocial à la maladie est influencé par la stabilité émotionnelle du patient, le soutien social, et le niveau de contrôle de la douleur physique. D’autres auteurs mentionnent que le nombre et l’intensité des changements physiologiques, la douleur et le niveau d’incapacité influencent également l’adaptation de la personne à la maladie physique (Vézina et coll., 2007). Sur le plan de la douleur, il a été rapporté que près de la moitié des personnes âgées de 65 ans et plus ressentent de la douleur (Jakobsson, Klevsgard, Westergren, et Hallberg, 2003); les personnes qui résident en centre d’hébergement ou dans un établissement de soins de longue durée souffrent encore davantage, le taux variant de 49 % à 83 % dans cette population (Fox, Raina, et Jadad, 1999).

Bien-être spirituel

Émergence dans le contexte de personnes en fin de vie. La question du bien-être spirituel et des besoins spirituels des personnes en fin de vie a émergé dans les années 1950. Malgré leur proximité dans les réflexions sur ce thème, le bien-être spirituel se distingue du concept de besoin spirituel. Le contexte de la fin de vie aurait fait surgir des questions existentielles en raison de la rupture de l’identité personnelle entraînée par la maladie (Echard, 2006). Un besoin de se recentrer, d’accepter la mort et de lui donner un sens se fait ressentir chez la personne en fin de vie qui traverse une remise en cause

personnelle caractérisée par une perte de cohérence de son existence. Selon Echard (2006) :

Tout malade en fin de vie est menacé d’une dislocation qui s’immisce par l’intermédiaire de la douleur, l’altération de l’image corporelle, la rupture de

l’équilibre quotidien et la dépendance, l’inquiétude par rapport au devenir, la peur de la mort et de la souffrance. […] La notion de souffrance spirituelle tient à des sentiments d’injustice, de culpabilité, d’inquiétude, d’inachevé, de non-sens, de peur, qui sont mis à jour par le bouleversement de la maladie » (pp. 70-71).

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La définition du bien-être spirituel a été influencée par les publications d’Elizabeth Kübler-Ross, puis de Cicely Saunders qui affirme au sujet des personnes gravement malades : « Croyantes ou non, elles sont à la recherche d’une nourriture de l’esprit, d’une vérité essentielle, d’une espérance, du sens de la vie et de la mort, ou encore désirant transmettre un message au terme de leur vie » (Jomain, 1984, p. 179). La considération de besoins chez les malades qui ne sont ni entièrement psychologiques, ni entièrement physiologiques prend de l’ampleur. Dans son rapport d’oncologie sociale (2011), la Direction de la lutte contre le cancer suggère six déterminants de la détresse chez les patients souffrant de cancer. Il s’agit des difficultés émotionnelles, pratiques,

informationnelles et sociales, des symptômes physiques ainsi que des préoccupations spirituelles (Direction de la lutte contre le cancer, 2011, p.9). Certaines études suggèrent même que les souffrances psychosociales et spirituelles soient plus difficiles à supporter que la douleur et les symptômes physiques (Breitbart, Rosenfeld, et Passik, 1996; Field et Cassel, 1997; Meier, Eammons, Wallenstein, Quill, Morrison, et Cassel, 1998).

Bien-être spirituel et bien-être psychologique. Puisqu’ils sont souvent confondus, il importe de distinguer le bien-être subjectif du bien-être spirituel. Si le bien-être subjectif représente le bonheur d’une personne en lien avec son appréciation de sa vie, le bien-être spirituel renvoie plutôt à la présence d’une vie intérieure satisfaisante, où des

questionnements d’ordres transcendantal et existentiel permettent à la personne de trouver un sens à sa vie et à sa mort (Vachon, Fillion, et Achille, 2009).3

Il a été proposé que le bien-être spirituel agisse en tant que facteur de protection contre le désespoir souvent manifesté en fin de vie (Chochinov et coll., 2006). Plusieurs études ont suggéré que plus une personne ressent un bien-être spirituel élevé, moins elle est susceptible de souffrir de désespoir et d’exprimer des idéations suicidaires. Une attention portée au sentiment de bien-être spirituel et un accompagnement dans la quête de sens semble effectivement permettre d’améliorer significativement la santé psychologique des personnes en fin de vie (Mystakidou et coll., 2008). D’autres auteurs soulignent

l’importance de s’intéresser à la spiritualité des personnes en fin de vie (Breitbart, 2002; Cole et Pargament, 1999; Millison, 1995; Narayanasamy et Owens, 2001), puisque le fait

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de jouir d’un haut niveau de spiritualité serait corrélée à un meilleur bien-être psychologique et à une résilience accrue (Rosenfeld et coll., 2004), soit la capacité

adaptative d’une personne à résister aux chocs de la vie et à rebondir après un échec (Tap, Tarquinio et Sordes-Ader, 2002). Plus récemment, l’équipe de Rodin, Lo, Mikulincer, Donner, Gagliese et Zimmermann (2009) suggère que le lien entre la détresse spirituelle et la détresse psychologique chez des personnes atteintes de cancer métastatiques existe à travers l’influence du désespoir comme variable médiatrice; en effet, ils ont observé qu’un faible sentiment de bien-être spirituel augmentait le sentiment de désespoir, qui à son tour, augmentait la détresse psychologique chez leurs participants (Rodin et coll., 2009).

En somme, il pourrait être avancé que le sentiment de bien-être spirituel en contexte de fin de vie, mais également en situation de maladies et d’accumulation de pertes, s’avère une cible intéressante pour une prise en charge de la souffrance globale d’une personne. Les résultats d’une étude menée auprès de 1610 personnes atteintes du cancer (83 %) ou du SIDA (17 %) inspirent une telle hypothèse. En effet, cette étude a révélé qu’une qualité de vie spirituelle élevée (selon les sous-échelles sens et paix du FACIT-Sp) demeure associée à une meilleure appréciation de la vie, et ce malgré la douleur et la fatigue (Brady,

Peterman, Fitchett, Mo et Cella, 1999).

Spiritualité, religion et spiritualité laïque. Le sentiment de bien-être spirituel évoqué dans le présent mémoire doctoral se distingue des croyances religieuses à

proprement dites. Établir la distinction entre les concepts de spiritualité et de religion est un objectif audacieux, tant dans le langage populaire que dans la littérature. Si plusieurs avancent que leur différence est établie dans la littérature (Astroew, Puchlaski, et Sumalsy, 2001; Kennedy et Cheston, 2003; Rumbold, 2003; Sulmasy, 2002), ce n’est pourtant pas l’avis de certains autres qui les conjuguent différemment. Les différentes positions ne seront pas détaillées ici; le lecteur intéressé à explorer cette discussion est invité à consulter notamment Koenig (2008), Koenig, King, et Carson (2011) et Pargament (2007). Le

contexte du présent document, appuyé sur un cadre théorique précis, s’intéressa davantage à une conceptualisation qui distingue religion et spiritualité.

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La religion se définit comme un système organisé de foi, de croyances, d’adoration, de rituels religieux et de relation avec un être divin (Sinclair, Pereira, et Raffin, 2006). Quant à elle, la spiritualité désigne un phénomène plus large qui englobe la religion. Dans une analyse conceptuelle de la spiritualité en fin de vie, l’équipe de Vachon, Fillion et Achille (2009) propose une définition de la spiritualité comme étant un processus développemental conscient caractérisé par deux mouvements. Le mouvement de

transcendance en soi consiste en l’identification de ses valeurs profondes, l’attribution d’un sens et d’un but à sa vie ainsi qu’une foi en soi-même et en les autres qui mène à

l’appréciation de la vraie valeur de la vie. Le deuxième mouvement de transcendance réfère à une relation avec un être ou un pouvoir supérieur qui donne un sens à la vie et à la mort (Vachon et coll., 2009).

L’émergence du concept de spiritualité laïque illustre bien la distinction

conceptuelle entre spiritualité et religion. Dans la littérature, ce concept est exprimé en tant que pratiques utilisées de façon personnelle pour s’améliorer et atteindre une perspective universelle (Hadot, 2002), en tant que vie intérieure (Bataille, 1978; Bologne, 1995). Janne (1999) fournit une description forte utile de cette spiritualité sans rapport à une religion :

La spiritualité, c’est autre chose: elle consiste en une démarche psycho-intellectuelle qui exprime le besoin de l’homme de se situer par rapport au Tout existentiel, de tenter de définir comment il se relie à ce Tout. L’homme pose ainsi le problème central du sens de sa vie et de la vie. Celui qui prend vraiment conscience de cette question et s’efforce d’y élaborer sa réponse (en recourant ou non à des systèmes existants), accède à la spiritualité car, au-delà de la simple connaissance de l’existentiel, il cherche, par son esprit et dans son esprit, en un procès de concentration internalisée (la méditation), le sens de l’être. Il accomplit en cela une démarche spirituelle quelle que soit la nature de ses conclusions, par exemple, spiritualistes ou matérialistes, religieuses ou positivistes (p. 9).

Bergeron (2002) utilise le terme de spiritualité séculière pour désigner cette

spiritualité laïque. En ce sens, elle désigne une spiritualité qui s’est soustraite au contrôle institutionnel de la religion tout en se distinguant de l’athéisme. Ainsi, « la sécularité désigne l’autonomie d’une personne et d’une société qui, cessant de se comprendre en référence aux symboles et aux systèmes religieux, se définissent à partir de leur nature propre, dans le respect des lois ‘internes’ qui les régissent » (Bergeron, 2002, p. 218).

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C’est en effet dans le cadre d’une spiritualité laïque ou séculière qu’est évoqué et évalué le bien-être spirituel des participants dans la présente étude. L’appartenance religieuse ou la nature des croyances des participants ne constituent donc pas des préoccupations problématiques.

Quête de sens

La notion du « sens » peut être définie comme une « perception de

signification » (Park et Folkman, 1997). Il existerait deux dimensions au sens, soit le sens global et le sens situationnel. Le sens global réfère au cadre de référence interne d’une personne, c’est-à-dire comment elle perçoit et comprend le monde en fonction de ses croyances profondes et de ses buts fondamentaux (Park, 2005; Park et

Folkman, 1997). Quant à lui, le sens situationnel désigne le sens attribué par l’individu à une situation particulière. Un écart entre le sens global et le sens attribué à une situation particulière entraîne un sentiment de perte de contrôle, de perte de prévisibilité et une incompréhension du monde (Park, 2005). Par exemple, une personne qui a toujours fait preuve d’un grand leadership et qui a l’habitude de contrôler sa vie (sens global) sera désarçonnée et vivra une grande détresse lorsqu’elle ne pourra plus assumer seule ses soins d’hygiène corporel. Cette perte de sens est aussi nommée syndrome de démoralisation, et est décrite comme un état de désespoir (au sens de l’absence d’espoir), de sentiment d’impuissance, de l’absence de sens et de la détresse existentielle (Kissane, Clarke, et Street, 2001). Si le syndrome de démoralisation est fortement lié à la dépression majeure (Echard, 2006), il est également précurseur d’idéations suicidaires et a des conséquences sérieuses sur la morbidité des personnes en fin de vie lorsqu’il persiste de deux semaines à un mois (Kissane et Kelly, 2000).

Il existe plusieurs stratégies de quête de sens qui visent à changer la perception de la personne de sa situation, soit à lui donner un autre sens. Entre autres, on retrouve la

réinterprétation positive (Park et Folkman, 1997), la pratique religieuse (Park, 2005), la réévaluation des événements quotidiens (Skaggs et Barron, 2006) et la recherche de

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Quête de sens et bien-être psychologique. Il semble que l’attribution d’un sens à tout événement soit essentielle dans la quête spirituelle de la personne en fin de vie

(Tettamanzi, 2004; Morin, 1999). Trouver un sens serait une force de motivation profonde (Frankl, 1992) qui a pour effet de diminuer la détresse, d’améliorer la qualité de vie et le bien-être des personnes (Brady et coll., 1999; Moskowitz, Folkman, Collette, et

Vittinghoff, 1996).

Danhauer et coll. (2005) se sont intéressés à évaluer les liens qui existent entre les stratégies de quête de sens et le bien-être psychologique chez des personnes âgées semi-autonomes ou non semi-autonomes vivant en résidence. Les résultats suggèrent qu’une démarche de quête de sens est corrélée avec des valeurs plus élevées de croissance personnelle, d’acceptation de soi, de relations positives et de sentiment de contrôle sur l’environnement. Ces résultats ont été répliqués par d’autres auteurs (Schanowitz et Nicassio, 2006).

Et le sentiment de dignité? Somme toute, il semble que la quête de sens soit une façon de diminuer la détresse liée aux pertes que peuvent vivre les personnes en fin de vie et les PPAF. Selon d’autres auteurs, au bien-être spirituel et au sens à la vie s’ajoute le sentiment de dignité comme facteur qui octroie à la personne une résilience indépendante de la détérioration physique (Chochinov et coll., 2005). Notamment, un sondage mené aux États-Unis dévoile que la diminution du sentiment de dignité et la souffrance reliée à la « perte d’espoir » (soit l’absence de sens pour la vie future) sont les principales raisons qu’évoquent les personnes en fin de vie qui demandent l’euthanasie ou le suicide assisté (Kissane, Street, et Nitschke, 1998; Meier et coll., 1998). D’autres auteurs précisent que les patients atteints de cancer métastatique qui ne ressentent pas de dignité sont ceux qui présentent la détresse psychologique la plus importante, une dépendance accrue à l’entourage et une perte de la volonté de vivre (Chochinov, Hack, Hassard, Kristjanson, McClement, et Harlos, 2002).

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Malgré l’absence de consensus quant à la définition de la dignité, elle est

aujourd’hui discutée, mesurée, et même abordée dans une thérapie de la dignité (Chochinov et coll., 2005; Gagnon et coll., 2010). Une telle initiative pourrait, à tort, donner

l’impression que la dignité a été définie une fois pour toutes. Au contraire, plusieurs conceptions coexistent et sous-tendent différents débats sociaux. Notamment, le débat sur le mourir dans la dignité, qui occupe largement l’espace médiatique et les débats politiques dans plusieurs pays, illustre bien le caractère versatile du concept de la dignité.

Mourir dans la dignité. C’est au cœur d’un débat politique et juridique important que l’Assemblée nationale du Québec créé en 2009 la Commission spéciale sur la question

de mourir dans la dignité. En mars 2012, le rapport de la Commission est déposé, après la

consultation d’une trentaine d’experts de différentes disciplines, le dépôt de plus de 300 mémoires et demandes d’intervention, la tenue d’auditions publiques et l’observation des pratiques actuelles vis-à-vis les soins de fin de vie en France, en Belgique et aux Pays-Bas. En janvier 2013, un groupe de juristes experts formule des recommandations vis-à-vis les questions d’ordre juridique soulevé par la Commission. C’est le 12 juin 2013 qu’est déposé le projet de loi 52 qui s’inscrit dans la lignée des recommandations unanimes du rapport de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité

(http://www.soinsdefindevie.gouv.qc.ca/historique-des-travaux). Enfin, la Loi concernant les soins de fin de vie est adoptée à la majorité des voix parlementaires le 5 juin 2014 :

La présente loi a pour but d’assurer aux personnes en fin de vie des soins respectueux de leur dignité et de leur autonomie. À cette fin, elle précise les droits de ces personnes de même que l’organisation et l’encadrement des soins de fin de vie de façon à ce que toute personne ait accès, tout au long du continuum de soins, à des soins de qualité adaptés à ses besoins, notamment pour prévenir et apaiser ses souffrances. De plus, la présente loi reconnaît la primauté des volontés relatives aux soins exprimées clairement et librement par une personne, notamment par la mise en place du régime des directives médicales anticipées.

(http://www.soinsdefindevie.gouv.qc.ca/la-loi)

D’autres regroupements mettent de l’avant la dignité dans leur argumentation pour le mourir dans la dignité. C’est le cas de l’Association Québécoise pour le Droit de Mourir

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le droit d’avoir une fin de vie conforme aux valeurs de dignité et de liberté qui l’ont toujours animée et pour que soit respectée sa volonté personnelle. ».

(http://www.aqdmd.qc.ca/attachments/File/AQDMD_-_MissionObjectifsActions.pdf).

Pour d’autres, notamment la Maison Michel-Sarrazin à Québec, la dignité est évoquée afin de militer contre la Loi concernant les soins de fin de vie. Dans le mémoire présenté à la Commission spéciale sur la question du mourir dans la dignité, les auteurs soulignent les valeurs propres au mouvement des soins palliatifs et leurs inquiétudes notables vis-à-vis l’impact de cette Loi sur les mœurs et sur les demandes d’aide à mourir (Maison Michel-Sarrazin, 2013). La dignité en tant que caractéristique intrinsèque et immuable de l’être humain se veut au cœur de leur argumentaire dans ce vif débat social :

Pour la Maison Michel-Sarrazin, abréger la vie ne peut être considéré comme un soin de fin de vie ni comme faisant partie des soins palliatifs. C’est pourquoi l’euthanasie, ou aide médicale à mourir, est totalement exclue en ses murs. […] La dignité humaine réfère à la valeur de chaque être humain, du simple fait d’exister. La dégradation physique, la fragilité, la dépendance de la fin de vie n’altèrent en rien la dignité humaine du mourant et ne justifient pas d’abréger cette vie; ce qui constituerait une confirmation que cette personne mourante a un statut inférieur et n’a plus la dignité d’un être humain à part entière. À la Maison Michel Sarrazin, la dignité humaine est une valeur essentielle qui motive toutes les pratiques médicales. (http://michel-sarrazin.ca/maison-michel-sarrazin-mission-et-valeurs/#Questions%20%C3%A9thi

ques%20sur%20la%20fin%20de%20vie)

Tel que mentionné précédemment,l’absence de consensus quant à la définition de la dignité ne semble pas être un frein au déploiement d’opinions et d’interventions multiples, à grande portée, et comportant des conséquences majeures dans les pour le futur de la société québécoise. Le présent mémoire doctoral ne se positionnera pas vis-à-vis la Loi concernant les soins de fin de vie; toutefois, une brève présentation de son contexte participe à la distinction et la description de deux conceptions de la dignité.

Deux conceptions modernes de la dignité. Il est possible de distinguer deux principales conceptions de la dignité présentement véhiculées. Leur synthèse s’avère utile pour positionner les différentes recherches et innovations cliniques effectuées dans les

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dernières années. Il importe de mentionner que différentes perspectives pourraient être ajoutées à l’analyse du concept de la dignité; entre autres, des approches philosophiques, morales, humanistes, existentielles ou spirituelles. Malgré la conséquence réductrice du fait de n’explorer qu’une des interprétations conceptuelles, ce présent mémoire adoptera une vision de la spiritualité et de la dignité qui s’approche davantage du modèle

biopsychosocial, coloré de l’approche humaniste. Par ailleurs, il importe de préciser que l’expression « dignité » sera ici distinguée de l’expression « sentiment de dignité » au sens où ce dernier désigne plus particulièrement la qualité de l’expérience de dignité de

personnes (i.e. à quel point elles se sentent ou non dignes, selon leurs propres critères).

La dignité dans la dépendance de l’autre

La dignité peut d’abord s’inscrire dans le cadre d’une dépendance à l’autre, dans la mesure où elle constitue une caractéristique reçue de l’extérieur. Le rapport à Dieu est le premier exemple de cette conception. La pensée chrétienne considère que la nature digne de l’homme est héritée du Christ, puisque chaque personne a été créée par Dieu. Il n’y a donc, dans le Christ et dans l’Église, aucune inégalité qui viendrait de la race ou de la nation, de la condition sociale ou du sexe.

Sans mentionner directement l’héritage judéo-chrétien qui lui est associée, l’esprit des soins palliatifs et la position de la Maison Michel-Sarrazin s’inscrivent dans cette conception de la dignité, comprise comme étant intrinsèque et liée à la nature même de l’Homme.

Un deuxième exemple d’une dignité reçue de l’extérieur est illustré par la dignité relationnelle. Dans le cas de la dignité dite relationnelle, elle fait également référence à une caractéristique attribuée de l’extérieur, par un tiers. La détermination du statut de l’embryon humain dans un contexte de procréation assistée était au cœur du débat en bioéthique (Hottois, Pinsart, Missa, et Chabot, 2001) et illustre bien cette conception de la dignité. L’embryon humain possède-t-il, ou non, une dignité à respecter absolument? Il peut être argumenté que de par son origine humaine, on ne peut dénier à un embryon son humanité.

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car alors toutes atteintes à son existence (par exemple, l’avortement) devraient été

interdites. En France, le Code de la santé publique prescrit qu’il faille protéger l’embryon contre toute forme d’atteinte tant qu’il est attendu dans une visée parentale. Il doit être réputé comme n’ayant plus de propriétaire du moment que les parents ne souhaitent plus le considérer comme leur futur enfant; il pourra alors être utilisé dans le cadre de recherches ou assigné à d’autres parents (Code de la santé publique, 2011). Dans ce cas, la volonté des parents est alors ce qui octroie une dignité à l’embryon.

La dignité dans l’indépendance

À l’opposé, la dignité dans l’indépendance réfère à la capacité d’action et d’autonomie de l’homme. Dans ce cas, elle n’est pas une caractéristique que l’on reçoit, mais qu’on créé par le biais de nos propres actions. Autrement dit, l’homme n’est ici pas digne en fonction de son humanité ou de son origine, mais par sa capacité à agir. Cette conception de la dignité tire son origine de la Renaissance, où les troubles politiques et religieux de la première moitié du XVe siècle entraînent la remise en question de toutes les autorités. Suite à la révolution luthérienne, une vision plus individualiste, caractérisée par une liberté de conscience, apparaît et affaiblit l’emprise de l’Église sur le monde social (Dumont, 1983).

Dès lors, l’homme est libre et livré à sa propre volonté. Ainsi apparaît la définition de la dignité humaine de la Renaissance : l’homme est digne puisqu’il possède la

responsabilité entière de ses actions, la liberté de se connaître, de s’éduquer véritablement. Selon Magnard, « la dignité de l’homme authentique devient celle des lettres, du savoir. Elle doit lui conférer une glorification, une divinisation tout humaine. La dignité de l’homme est celle de son œuvre, de son travail et de son génie créateur » (Magnard, 1995, p. 35). Plus récemment, Bélanger, Bélanger, Carette, Charbonneau, Couture, Dumas, et Fournier (2013) réfèrent à la dignité subjective lorsqu’ils décrivent « une conception de la dignité perçue par chaque personne en fonction de l’idée qu’elle se fait de sa propre autonomie et de sa propre liberté. » (Bélanger et coll., 2013, p. 43).

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Le lecteur attentif aura reconnu, dans cette dernière conception de la dignité, l’esprit dans lequel se situe la Loi concernant les soins de fin de vie. Le modèle théorique choisi dans le cadre de ce présent mémoire doctoral s’inscrit également dans cette conception de la dignité, présentant celle-ci comme un sentiment pouvant varier d’une personne à l’autre en fonction de ses valeurs et de sa situation.

Modèle de la dignité. Dans le milieu des années 1990, une équipe de recherche canadienne s’est intéressée à produire des données empiriques sur la dignité1 de patients en soins palliatifs et son importance dans leur qualité de vie. Une démarche qualitative a servi de première collecte de données. C’est au chevet de 50 patients atteints de cancer

métastatique que l’équipe de Chochinov amasse des témoignages quant au sentiment de dignité et les facteurs qui l’influencent (Chochinov, Hack, McClement, Kristjanson, & Harlos, 2002). Leur analyse qualitative a permis l’identification de trois principales

catégories de facteurs influençant la dignité, soit les préoccupations reliées à la maladie, les perceptions et les pratiques du patient et les relations sociales. Un modèle initial de la dignité est esquissé. En 2006, la validation empirique du modèle de la dignité s’effectue auprès de 211 patients en fin de vie (Chochinov et coll., 2006). Il est intéressant de mentionner que « Réfléchir à propos de comment ma vie pourrait se terminer » a été l’énoncé le moins relié au sentiment de dignité lors de la validation empirique. Il semblerait que la proximité de la mort ne soit donc pas l’aspect le plus significatif en lien avec la dignité ressentie chez une personne (Chochinov, Hassard, McClement, Hack, Kristjanson, Harlos, & Murray, 2008). En 2008, un questionnaire reprenant les facteurs identifiés et validés dans ce modèle est produit par l’équipe de recherche (Chochinov et coll., 2008).

Le modèle de la dignité se divise en trois catégories de facteurs, elles-mêmes distribuées en thèmes et sous-thèmes. Les trois catégories se divisent comme suit : enjeux reliés à la maladie, perceptions et actions du patient, et interactions sociales. Plus

précisément, le modèle propose que les facteurs suivants aient un rôle à jouer dans la dignité ressentie par un patient en fin de vie : la détresse physique et psychologique, le niveau d’indépendance, la perception du patient de sa situation, les méthodes de coping du

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patient, le respect de l’intimité, le soutien social, les soins respectueux et bienveillants, le sentiment d’être un fardeau pour les autres et les préoccupations au sujet des personnes qui survivront au patient. Une figure arborant tous les facteurs présents dans le modèle de la dignité de Chochinov et coll. (2008) est présentée à l’appendice 1. Selon Folkman et Moskowitz (2004), les stratégies individuelles d'adaptation reliées à la quête d'un sens, référant ici aux méthodes de coping du patient, permettraient d’améliorer le bien-être psychologique, même en présence de stress intense.

Chaque facteur prendra une importance différente selon chaque patient. Ainsi, pour certains, le sentiment de dignité dépend surtout de la sensibilité du personnel soignant, alors que pour d’autres, il dépend avant tout de l’expérience de la maladie. D’autres encore affirment qu’il est plutôt dépendant de nos croyances personnelles, de nos attitudes et de notre philosophie de vie (Chochinov, Hack, McClement, Kristjanson & Harlos, 2002). Malgré la malléabilité de la définition de la dignité, certaines caractéristiques des soins prodigués aux personnes en fin de vie sont généralement reconnues comme participant à sa protection : notamment, les soins qui reconnaissent que chaque individu mérite le respect, malgré sa dépendance, son infirmité ou sa fragilité. Le sentiment d’autonomie et l’âge sont aussi des facteurs qui influencent le sentiment de dignité, les personnes plus jeunes étant plus fragiles sur cet aspect (Chochinov, Hack, Hassard, Kristjanson, McClement & Harlos, 2002).

Le questionnaire The Patient Dignity Inventory a été conçu à partir du modèle de la dignité afin d’évaluer rapidement la dignité ressentie par un patient à un moment donné (Chochinov et coll., 2008). La version traduite par l’équipe de Pierre Gagnon se trouve à l’appendice 10. Les questions de l’inventaire de la dignité en soins palliatifs en fonction du modèle sont disponibles à l’appendice 2. Chochinov est aussi l’élaborateur de la thérapie de la dignité, une thérapie brève d’une durée de 30 à 50 minutes qui aborde les sources de la détresse psychosociale et existentielle du patient en fin de vie. Le clinicien pose une série de questions ouvertes qui demandent au patient un effort d’introspection. La thérapie de la dignité permettra au patient d’identifier les éléments significatifs de sa vie. La conversation est enregistrée, transcrite et retournée au patient afin qu’il y apporte les modifications

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souhaitées. La version finale est très souvent partagée avec la famille et les amis du patient. L’effet thérapeutique de la thérapie de la dignité se décrit comme suit : elle aurait pour effet direct une augmentation du sens à la vie; ce sens à la vie accru aurait ensuite pour

conséquence de diminuer la détresse ressentie, d’augmenter la volonté de vivre et de diminuer les idéations suicidaires (Chochinov et coll., 2005; Gagnon et coll., 2010).

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Objectifs et hypothèse

Les questions de recherche suivantes rassemblent les préoccupations de cette étude : Est-ce que les personnes en perte d’autonomie fonctionnelle souffrent d’une diminution de leur sentiment de dignité, et est-ce que cette souffrance se distingue de celle vécue par les personnes en fin de vie?

La contribution théorique de cette étude réside dans l’évaluation de la présence d’un type de souffrance peu étudiée chez des PPAF qui résident toujours à domicile. Plus précisément, il s’agit : 1- d’évaluer si ce sous-groupe souffre d’un sentiment de dignité amoindri et; 2- d’apporter un éclairage conceptuel en ce qui a trait aux liens entre les variables pour ce sous-groupe particulier.

Une hypothèse est formulée : Les personnes en perte d’autonomie fonctionnelle

vivent une souffrance liée à la diminution de leur sentiment de dignité, telle qu’évaluée par un résultat supérieur à 75 dans l’inventaire de la dignité en soins palliatifs.

Au plan clinique, s’il s’avérait que les PPAF souffrent effectivement d’un sentiment de dignité amoindri, il pourrait être recommandé que les outils conçus par Chochinov et son équipe soient rendus disponibles pour ce sous-groupe.

Méthodologie Participants

Afin de rencontrer des PPAF, deux stratégies de recrutement ont été mises en place. D’abord, des annonces de recrutement ont été distribuées à la population étudiante de l’Université Laval par messagerie électronique, affichées sur le campus et dans plusieurs centres commerciaux de Québec et sur les réseaux sociaux. La technique du bouche-à-oreille, à partir du réseau social de la chercheure et des participants recrutés, a constitué une autre stratégie de recrutement. Parallèlement, une publicité invitant des résidences pour

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personnes âgées à participer à l’étude a été envoyée à trois résidences sur le territoire de la Capitale-Nationale, choisies en fonction de leur proximité avec la résidence de la

chercheure. Compte tenu que la chercheure était l’unique examinatrice pour rencontrer les participants, la première résidence qui a manifesté son intérêt a été sélectionnée : il s’agit des Résidences les Jardins de la Noblesse. Cette deuxième stratégie de recrutement a été mise en place malgré qu’elle implique des personnes âgées ne résidant plus à leur domicile afin de faciliter l’obtention d’une taille d’échantillon suffisante pour la réalisation de ce mémoire doctoral.

En somme, des 68 personnes rencontrées, 60 participants atteignaient les critères d’éligibilité et ont donné suite à la recherche. De ce nombre, cinq personnes ont été

rencontrées aux Résidences Les Jardins de la Noblesse, et 55 personnes ont été rencontrées à leur domicile.

L’échantillon étudié comporte 40 femmes et 20 hommes; 40% sont âgés de 65 à 74 ans, alors que les 60% restants sont âgés de plus de 75 ans. En ce qui concerne le niveau de scolarité, 13% détiennent un diplôme du primaire, 13% du secondaire, 18% du collégial; 16% détiennent enfin un diplôme universitaire (14% diplôme de premier cycle; 2% diplôme des cycles supérieurs). D’autre part, une majorité de participants sont sans conjoint(e), étant soit veuf(ves) (27%), soit séparé(e)s ou divorcé(e)s (15%). Pour les autres, 14% sont en couple (marié(e)s ou conjoint(e) de fait), et seulement 4% seraient célibataire. Enfin, la mesure de désirabilité sociale n’a pas détecté de biais significatifs parmi les participants. Au niveau de l’autoduperie, seulement deux participants ont obtenu un niveau plus élevé que ce qui est rencontré dans un groupe contrôle. Dans le cas de l’hétéroduperie, tous les participants se situaient dans la moyenne attendue ou sous ce seuil.

Résidences les Jardins de la Noblesse. C’est à l’occasion de loisirs et d’activités récréatives organisés par l’établissement que la chercheure a présenté oralement sa

recherche et son annonce de recrutement. Une présence sur les lieux a permis aux résidents intéressés à participer à prendre rendez-vous ou à compléter sur place la batterie de

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L’ensemble des cinq personnes qui se sont présentées étaient éligibles et ont complété la recherche.

Personnes vivant une perte d’autonomie résidant à leur domicile. Les personnes intéressées à participer ont d’abord communiqué soit par messagerie électronique, soit par téléphone avec la chercheure afin de prendre un rendez-vous. Tous les participants ont préféré être rencontrés à leur domicile plutôt que dans un lieu public. Des 63 participants rencontrés, 55 atteignaient les critères d’éligibilité et ont donné suite à la recherche.

Déroulement

Un devis de recherche documentant l’expérience du sentiment de dignité telle que vécue par des PPAF permettra de détailler et d’enrichir le concept de la dignité et les facteurs qui lui sont associés. Pour ce faire, l’étude s’est déroulée en deux temps, soit une prise de mesures initiales afin de déterminer l’éligibilité du participant, puis la collecte des données principales. Afin de répondre à l’objectif du présent mémoire doctoral, une batterie de questionnaires mesurant différentes variables sera administrée aux participants.

Éligibilité. Dans un premier temps, le PRISMA 7 et l’examen de Folstein sur l’état mental (MMSE) ont servi à déterminer l’éligibilité du participant. Les participants

intéressés ont d’abord reçus les informations entourant la recherche avant d’être rencontrés individuellement.

Les critères d’inclusion des participants consistent en : avoir 18 ans et plus; vivre une perte d’autonomie fonctionnelle (tel qu’indiqué par un résultat égal ou supérieur à 4 au PRISMA 7); parler et comprendre la langue française; avoir la capacité de donner un consentement éclairé (tel qu’indiqué par un résultat égal ou supérieur à 25 au MMSE). Les critères d’exclusion visent à l’obtention de données les plus exactes possibles. Ainsi seront exclues les personnes dont les aptitudes cognitives sont insuffisantes ou en détérioration (tel qu’indiqué par un seuil inférieur à 24 au MMSE). La prise de médication psychotrope n’est pas un critère d’exclusion si la personne est dans un état stable. Les personnes âgées

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autonomes (tel qu’indiqué par un résultat égal ou inférieur à 3 au PRISMA 7) seront exclues de l’étude.

Collecte de données. Dans le cas d’une éligibilité à l’étude, le formulaire de consentement pour la recherche principale est présenté au participant. Celui-ci annonce notamment la nature des questions qui pourrait créer un certain malaise émotionnel; une aide est prévue dans l’éventualité où les questions susciteraient une détresse psychologique chez le répondant. En ce qui concerne les résidents des Jardins de la Noblesse, ils seront référés à la psychologue de l’établissement. Les participants rencontrés à domicile auront quant à eux reçu les coordonnées du CLSC desservant leur territoire afin de leur permettre de formuler une demande d’aide au besoin. Par la suite, une enveloppe préaffranchie contenant la batterie de questionnaires pertinents à cette étude est remise au participant qui peut prendre le temps qui lui convient afin de la compléter. Ces questionnaires s’intéressent à leurs caractéristiques sociodémographiques et évaluent leur sentiment de dignité, leur niveau de bien-être spirituel, leurs niveaux de dépression et d’anxiété et leur bien-être psychologique (composantes cognitive et affective). Une mesure de désirabilité sociale est également prise afin de contrôler les possibles biais associés. Le temps moyen pour

compléter l’ensemble des questionnaires est d’environ 30 minutes. Une fois les

questionnaires complétés, le participant est invité à poster l’enveloppe (identifiée par un numéro de participant) qui parviendra à la chercheure.

Instruments de mesure

Examen de Folstein sur l’état mental (MMSE). Cet outil de dépistage des atteintes cognitives mesure brièvement l’orientation dans le temps et l’espace, le rappel immédiat, la mémoire verbale à court terme, le calcul, le langage et les praxies

constructives. Un résultat maximal de 30 est possible; un résultat en deçà de 20 indique habituellement une atteinte cognitive (Folstein, Folstein, et McHugh, 1975). Le seuil critique recommandé est de 24, c’est-à-dire qu’il y a risque d’atteintes cognitives sous ce seuil. L’outil est disponible à l’appendice 3.

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PRISMA 7. Le PRISMA 7 (Programme de recherche sur l’intégration des services de maintien de l’autonomie) est un outil développé à partir de la grille d’évaluation SMAF (Système de mesure de l’autonomie fonctionnelle), qui est reconnu comme l’une des échelles d’évaluation des incapacités les plus valides (Stewart, Georgiou, et Westbrook, 2013). Il s’agit d’un outil de repérage en sept questions qui permet d’identifier les personnes vulnérables en processus de perte d’autonomie. Il a été validé auprès de

personnages âgées québécoises de plus de 65 ans résidant toujours à domicile. Le résultat peut varier entre 0 à 7, où le seuil critique de 4 discrimine une personne en début de perte d’autonomie (4 et plus) d’une personne autonome (3 et moins). L’outil est disponible à l’appendice 4.

Questionnaire sociodémographique. Il s’agit d’un questionnaire maison qui s’intéresse à six variables, soit le sexe, l’âge, la scolarité, le type de cancer ou le type d’incapacité menant à la perte d’autonomie, la religion d’appartenance et le statut civil. Le questionnaire est disponible à l’appendice 5.

Échelle de satisfaction de vie (ESV). Cette échelle évalue en cinq items la satisfaction de vie globale, soit la composante cognitive du bien-être (Vézina et coll., 2007). Le participant indique son accord avec chaque énoncé à l’aide d’une échelle de Likert allant de 1 « Fortement en désaccord » à 7 « Fortement en accord ». Les résultats finaux s’échelonnent de 5 à 35, la valeur la plus élevée indiquant une plus grande satisfaction de vie. Auprès d’une population d’étudiants, l’instrument présente d’excellentes qualités psychométriques, notamment au plan de la cohérence interne (Alpha=0.87) et de fidélité test-retest (intervalle de deux mois, r = 0.82). Des qualités psychométriques quasiment identiques ont été reproduites chez des personnes âgées (Diener et coll., 1985). Par ailleurs, l’instrument ne semble pas associé à des réponses de désirabilité sociale (r = 0.02) (Crowne et Marlowe, 1964). Finalement, les qualités psychométriques de la version originale ont été reproduites pour la version canadienne francophone chez les mêmes populations (Blais, Vallerand, Pelletier, et Brière, 1989). L’instrument est disponible à l’appendice 6.

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WHOQOL 26. Le WHOQOL 26 (World Health Organisation Quality of Life) est un instrument produit par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui mesure la qualité de vie, soit la composante affective du bien-être. Une version brève en français, reconnue pour ses qualités psychométriques (Le Grand, 2006; Skevington, Lofty, et O'Connell, 2003) comporte 26 énoncés divisés en quatre domaines qui évaluent comment le répondant s’est senti depuis les deux dernières semaines. Le domaine de la santé physique inclut les facteurs suivant : la douleur, le niveau d’énergie, le sommeil, la mobilité, les activités de la vie quotidienne (AVQ), la dépendance à la médication et l’aptitude au travail. Le domaine de la santé psychologique évalue les émotions positives, les cognitions (apprentissage, mémoire et concentration), l’estime de soi, l’image corporelle, les émotions négatives et la spiritualité/religion/croyances personnelles. Le troisième domaine, les relations sociales, inclut les relations intimes, le soutien social et la sexualité. Finalement, le domaine de l’environnement questionne le sentiment de sécurité, l’environnement résidentiel, les ressources financières, l’accessibilité aux soins médicaux, l’information et les

connaissances disponibles, les activités et les loisirs, l’environnement physique et les transports. Les modalités de réponse sont multiples et de type Likert. Le résultat final a été calculé en fonction des normes de correction présentées dans le guide d’utilisation et de cotation fourni par l’équipe de recherche du WHOQOL-BREF (OMS, 1996). Un résultat final varie de 0 à 100 et constitue la moyenne des résultats obtenus pour les quatre

domaines évalués L’instrument est disponible à l’appendice 7.

Échelle de dépression et d’anxiété en milieu hospitalier (HADS). Ce

questionnaire de dépistage vise la détection et l’évaluation de l’intensité de symptômes dépressifs et anxieux, ainsi que leur différenciation des symptômes somatiques afin d’éliminer la possibilité qu’ils soient la source des problèmes psychologiques. Quatorze énoncés sont divisés dans les deux sous-échelles. La sous-échelle de dépression évalue la dysphorie, le ralentissement et l’anhédonie. La sous-échelle d’anxiété regroupe la sensation de panique, la sensation de peur, les soucis, l’estomac noué et autres manifestations

anxieuses (Bellinghausen, 2007). Initialement conçue par Zigmond et Snaith (1983), l’échelle HADS a été traduite et validée en français (Lépine, Godchau, Brun, et

Références

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Voir également : Daryl Pullman, Human dignity and the foundations of liberalism, Doctoral thesis in philosophy unpublished, University of Waterloo, 1990 à la p.9 ; Anne Mette

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