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Le Défi coopération : collaborer pour apprendre ? Expérience et réflexion autour du Défi-coopération en GS

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Academic year: 2021

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Submitted on 17 Nov 2017

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Le Défi coopération : collaborer pour apprendre ?

Expérience et réflexion autour du Défi-coopération en

GS

Sophie Cousinié

To cite this version:

Sophie Cousinié. Le Défi coopération : collaborer pour apprendre ? Expérience et réflexion autour du Défi-coopération en GS . Education. 2017. �dumas-01624398�

(2)

ECOLESUPÉRIEUREDUPROFESSORATETDEL’ÉDUCATION DEL’ACADÉMIEDE PARIS

Le Défi coopération : collaborer pour apprendre ?

Expérience et réflexion autour du Défi-coopération en GS

Sophie Cousinié

M

ÉMOIRE DEMASTER

MEEF

Mention Premier degré

Sous la direction de Michela Gribinski

2016-2017

(3)

Table des matières

Introduction……….………3

I- La pédagogie Freinet et la coopération……….…….4

a- La part du maître………4


b- L'expérience et la conquête du réel ……….………..7

c- La coopération chez Freinet……..……….8

II- Les défis-coopération : mise en place, ritualisation &

conséquences………11

a- A partir du climat de classe : pourquoi la coopération ?………11

b- Comment l'introduire : récit d’expérience………14


c- Evolutions et observations………17

III- De l'expression, le langage……….………..19

a- L'individu et sa parole au sein du groupe………..…19

b- Le bilan oral : la place du langage………21


c- Le conflit et sa résolution………..…….25

Conclusion……….………29

Bibliographie……….……….…..30

(4)

Introduction

Freinet développe la coopérative comme un bien commun : elle est à la fois le lien du groupe et responsable du sens de la classe.


Fernand Oury, disciple direct de Freinet et fondateur de la Pédagogie Institutionnelle nous révèle que la coopérative est la classe elle-même. La classe s'apparente alors à un laboratoire de savoirs où des élèves en chair et en os cherchent à comprendre le monde. On y favorise l'expérience, l'expérimentation par les élèves, la construction du langage par l'échange d'idées, le débat qui pousse les élèves, par leur motivation et leur propre moteur réflexif de construire leur langage.

La coopération, chère à Freinet, est à distinguer de la coopérative — terme englobant principes et pratiques communs à différentes organisations sociales : associations, mutuelles, amicales, coopératives. La coopérative est un système particulier, lié au système économique. 


La coopération que nous prendrons soin de définir, d’expliquer et d’illustrer, m'a semblé être un biais exemplaire à appliquer en classe pour obtenir une qualité de rapports humains, un climat de confiance et une sérénité ambiante auprès de mes élèves de Grande Section, entre eux et avec le professeur. Elle s'avérait nécessaire afin de, par l’interaction, développer les apprentissages nouveaux et la restitution des forces de chacun.

La coopération se modélise par différentes formes, celle que j'ai choisie se révèle être le défi- coopération, un défi de réaliser une construction ou œuvre commune par groupe de 5,6 avec, comme objectif, de parvenir à obtenir une seule réalisation en un temps donné et que chacun y participe. L'exercice est ritualisé, amélioré et évolutif au fil de l'année. Inspiré de la technique Freinet, ce défi tend à faire travailler les élèves en équipe, à apprendre de ses interactions, à se confronter au groupe. Cet exercice de collaboration a été mis en place par une enseignante et directrice de 1er degré dont j’ai trouvé le site internet. Il s’expérimente en ce qui me concerne dans une classe de Grande Section de 30 élèves de 5, 6 ans (11 filles, 19 garçons) dans le 6ème arrondissement de Paris, dont l’atmosphère de travail est assez agitée et peu respectueuse de l'autre. Instaurer le défi-coopération me permet d'avoir un support d'expérimentation évolutif, offrait la

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possibilité à la classe d'apprendre la coopération et m'offrait la possibilité de parcourir la question suivante : Peut-on collaborer pour apprendre ? Ou, peut-on apprendre, en coopérant ?

Ce mémoire se propose comme un essai réflexif appuyé par une étude empirique, celle de l'expérimentation du Défi coopération et de ses résultats conséquents sur les individus et le groupe. Il expose son insertion et ses résultats sur le climat de classe et les apprentissages. Nous suivrons cette progression afin d'avancer dans notre raisonnement. Il s'agira d'abord de se référer aux fondements de la pédagogie Freinet et d'étudier ces fondements et leur application concrète dans une réalité, puis nous pousserons la porte du champ de l'expérience avec une analyse du dispositif du Défi coopération. Enfin, nous verrons, à travers l'expression de l'élève, effet émanant du défi exigeant l'échange verbal, comment surviennent la construction du langage et les apprentissages transversaux.

(6)

I- La pédagogie Freinet et la coopération

Les Défis coopération installés dans ma classe ne proviennent pas par hasard et de nulle part. Ils sont directement issus et inspirés de la technique Freinet. Une approche théorique de ses principes 1

semble nécessaire avant d’aborder l’expérience. Celle-ci rejoint certes d’autres préceptes et inspirations pédagogiques, en revanche, l’organisation pensée autour de l’activité des Défis coopération prend directement ses racines dans la pédagogie de Freinet.

I. a. La part du maître

Célestin Freinet, né en 1896, a mis en place le mouvement de l’école moderne en 1958. Il ne se pose pas dans le rôle du contemplateur de ses élèves, mais plutôt se glisse dans une blouse d’inventeur, sans cesse en train de réfléchir et chercher comment mobiliser les élèves et les rendre actifs de leur apprentissages. Sa jeunesse se déroule dans un milieu pauvre et rural. Après une expérience pastorale, il entre à l’école normale d’instituteurs de Nice et doit se rendre au front. En 1917, suite à une grave blessure par balle, il est atteint d’une pleurésie. Il est considéré, deux ans plus tard, comme invalide. Il déclarera plus tard que sa blessure est, en partie, responsable de ses innovations pédagogiques.

Quand je suis revenu de la guerre 1914-1918, j’avais été sérieusement blessé et, notamment, je ne pouvais pas parler longtemps, surtout pas dans une salle de classe… Lorsque j’avais parlé pendant dix minutes, un quart d’heure, comme cela, je n’en pouvais plus. Et alors, j’ai cherché des solutions : ou bien je quittais l’enseignement à ce moment-là, ou bien je trouvais d’autres techniques de travail qui m’auraient permis de faire ma classe de façon intelligente, efficiente aussi, de m’intéresser à ma classe mais que je puisse tenir le coup, alors j’ai cherché .2

La pédagogie Freinet s’appuie sur quatre piliers : l’expression libre, la coopération les techniques éducatives et le tâtonnement expérimental. Chaque technique éducative s’appuyait sur ce qui existait déjà et répondait à un besoin d’organisation. Freinet s’est inspiré du quotidien des enfants et a intégré l’expérience comme un ancrage pour les apprentissages.

Freinet lui-même tient à cette appellation de technique, plutôt que : dispositif, méthode, pédagogie… Considérant que

1

la technique évolue au fil du temps et s’adapte à toute époque et endroit, il donne sa préférence à ce terme plutôt qu’aux autres limitant son champ d’actions

Interview de C. Freinet en 1961, partiellement transcrite : « Célestin Freinet et l’école moderne », BT 2, n°193, janvier

2

(7)

Que fait le maître ? Ingénieur, architecte des groupes sociaux, maître intégré dans une collaboration avec l'élève acteur dans la classe. « entre maitres et élèves [...] débarrassée au maximum de la notion paralysante de supérieurs et inférieurs ».

La tâche du maître ne réside pas en un face à face avec l'élève mais dans l'organisation du dispositif de la classe, il observe, supervise, accompagne les élèves, à côté d'eux plutôt qu'assis sur la position magistrale du maître. L’enseignant s’éloigne de sa posture omnipotente et se met en retrait, afin d’avoir le recul pour faire vivre une structure de classe visant à favoriser le travail de chacun, s’installant dans une communauté d’échanges. C’est cette forme d’effacement (lorsque nous comparons à la position magistrale du maître) qui va engager les élèves vers l’autonomie, vers leur propre parcours pédagogique et vers leur expression.

La coopération s'installe alors comme un pivot pédagogique. L'élève développe une aptitude à coopérer avec l'autre et à se construire une place au sein d'un groupe tout en se sensibilisant à la richesse de l'échange au sein du collectif.

Le maître permet à chaque élève de trouver sa place et d’apporter sa part spécifique au groupe en devenant auteur de ses travaux, de ses recherches, de ses processus d’apprentissages. Il met en œuvre un environnement éducatif riche qui permet les tâtonnements individuels et des processus de groupe.

L’école coopérative c’est une école transformée politiquement, où les enfants qui n’étaient rien sont devenus quelque chose, c’est l’école passée de la monarchie absolue à la république et où les enfants, livrés en certains domaines à leur initiative, apprennent le jeu de nos institutions et s’exercent à la pratique de la liberté.3

L’école coopérative, c’est enfin l’école où l’instruction n’est pas le but exclusif, mais celle où l’on vise surtout à former par une pratique particulière facilitée, l’être pensant, qui sait écouter la voix de la raison, l’être moral et conscient et responsable, l’être social plus attaché à l’accomplissement de ses devoirs qu’à la revendication de ses droits .4

Profit La coopération à l’école primaire, ouvrage couronné par l’Académie Française, Delagrave, Paris, 1922

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I.b L'expérience et la conquête du réel

Pour Freinet, les enfants aspirent aux mêmes choses que les adultes : travailler, construire une maison, cuisiner, jardiner, écrire un journal...Il part du principe qu'au sein de cette activité de labeur, l'enfant trouve le bonheur du jeu et de l’apprentissage.

Par l’expérience, l’enfant est en position de réaliser, d’expérimenter et de réussir. Par là, il se met dans un processus où déjà il agit sur son environnement, avant d’être dans l’analyse, il s’essaie, s’entraine et il part d’un intérêt, d’une volonté concrète pour réaliser une expérience.

Aux côtés de John Dewey et de Maria Montessori, Célestin Freinet défend la posture d'enquêteur dans laquelle doit être l'enfant. Il est l'observateur actif, soit toujours dans l'objet d'une recherche. Les savoirs qu'il approche lui sont les instruments utiles pour surmonter les obstacles. Les apprentissages, notamment à travers la coopération, prennent ainsi une valeur d'instruments, une palette d'outils qu'il s'approprie pour ses propres expériences.

Le tâtonnement expérimental est source d’apprentissages. L’élève-apprenant suit alors un certain processus face à une situation problème :

Confronté à un problème, il émet une hypothèse d’action (phase 1). Puis il essaie son hypothèse, il est dans l’action (phase 2). Ensuite, il s’évalue, il émet un retour conscientisé sur son idée (phase 3). Pour confirmer son essai, si celui-ci est validé positif par l’émetteur, il répète afin d’ancrer l’apprentissage. (phase 4). Le cas échéant, il tente une nouvelle hypothèse (4 bis).

Schéma issu du site CCampus, auteur : Marc Dennery, 29 sept. 2014 5

URL de la page :

https://www.blog-formation-entreprise.fr/concept-pedagogique-principes-daction-4-le-tatonnement-5

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Freinet insiste sur le fait que nous n’avons jamais la certitude du succès de l’atelier. Mettre 3, 4 élèves à un atelier d’écriture ne signifie pas obtenir un beau texte rédigé par ces mêmes élèves. La pensée de Freinet, se dirige vers la réalisation plus que vers le résultat efficace. L’installation d’une classe sereine et motivante grâce à un matériel spécifique ( atelier peinture, machines à écrire ou bibliothèque) ne signifie pas une garantie de résultat, de réussite. Au contraire, le terrain est à l’erreur. Ici nous sommes en classe et non pas dans un bureau de rédaction. Bien que le dispositif peut s’y apparenter, la recherche est à l’action, au faire, à l’expérimentation. Ainsi favoriser les échanges, les partages, l’interactivité et le travail collaboratif développe la confiance et la créativité. Freinet dénonce les pédagogies passives. Pour lui, apprendre à faire du vélo, ce n’est pas dessiner la bicyclette au tableau, c’est l’enfourcher, tomber et réessayer. L’apprentissage par l’action donne sens aux choses. Faire, agir, coopérer permet de lier les différents savoirs (transdisciplinaires et individuels) et de développer l’esprit d’entreprendre (pédagogie du projet).

L’instituteur change d’angle, il mets à disposition des élèves le matériel, l’espace, l’occasion pour expérimenter, raisonner et par là apprendre.

L'enfant avance grâce à ses rapports avec les autres, ses essais, ses expériences, ses erreurs : c'est le tâtonnement expérimental

I.c La coopération, d'après Freinet

Il existe peu de traces textuelles au sujet de la coopération, à part trois articles de Freinet. Pourtant, c'est ce qui peut apparaître aux yeux des instituteurs et autres pédagogues comme la notion la plus inhérente aux propositions d’Elise et de Célestin Freinet.

Qu'est ce que la coopération ?

Coopérer, co-opérer signifie faire-avec, conjointement. Le verbe tire ses racines du verbe operari qui a aussi donné « ouvrier » et « oeuvre », la coopération est basée sur une sorte de contrat tacite du bénéfice commun et mutuel. Elle sous entend que ce que nous souhaitons atteindre par la coopération est impossible à avoir sans la coopération.

Nous sommes en présence d’une situation de coopération lorsque deux personnes ou plus unissent leurs efforts pour réaliser un objectif commun.

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Quatre facteurs psychosociaux déterminent un exercice de nature coopérative :
6

• La coopération : ce facteur comprend la communication, la cohésion, la confiance et l’établissement de relations interpersonnelles positives ; le mot clé est l’entraide.

• L’acceptation : les participants doivent s’accepter tels qu’ils sont. Personne n’est éliminé ni rejeté par le groupe.

• L’engagement : chaque personne contribue à la réussite de la tâche commune selon ses capacités. « Tous pour un et un pour tous »

• Le plaisir : les participants jouent pour s’amuser avant tout. Le jeu coopératif est essentiellement une activité de participation où la compétition est limitée, voire éliminée. Il offre de nombreux avantages. Il permet aux participants de s’amuser sans expérimenter de frustration liée à l’échec.

Dans la pédagogie de Freinet, la coopération devient un modèle d'organisation du groupe-classe et permet de rendre compte et de prendre en considération la dimension affective et sociale de l'élève dans son rapport au savoir et à autrui. Son rôle est déterminant sur les attitudes envers les apprentissages.

La coopération est, au sein du mouvement Freinet, un pilier qui fédère la classe comme l’association. Il est nécessaire de la définir : Partons de l’impulsion — qui est l'idée soit l’hypothèse, le projet, de l’individu. C'est grâce au groupe qu'elle peut être verbalisée, ensuite raisonnée. Nous parlons alors d'expression coopérative.

Il y a coopération quand l'enfant a besoin des autres pour se réaliser. Le départ pourra être l'émission d’une hypothèse qui va se transformer grâce à la confrontation, c'est à dire la mise en place d'un dispositif expérimental pour tester l'hypothèse, ou le renvoi critique du groupe. C'est alors que va s'élaborer le raisonnement. Dans une classe ou un groupe coopératif s'établit un équilibre entre le groupe et l'individu. L'individu qui propose un projet, produit un objet, émet une hypothèse, reçoit un renvoi du groupe. Le groupe se trouve enrichi par l'apport de la personne. La critique du groupe va enrichir l'individu. Pour un même sujet, cette inter-relation avec enrichissement réciproque pourra s'effectuer plusieurs fois.

Académie de Poitiers, fiches pédagogiques, jeux coopératifs : http://ww2.ac-poitiers.fr/ia16-pedagogie/spip.php?

6

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Il y a là la réalisation du tâtonnement expérimental ; c'est cette démarche que l'on va observer dans la mise en place de la méthode naturelle. Chacun est un noeud dans le filet, il y a création d'un réseau avec des relations qui s'établissent entre tous les membres. Des groupes de tailles et de durées variables peuvent se constituer autour de projets. Ils sont constitués de personnes qui se réalisent, et pas seulement d'individus (c'est à dire l'opposition entre un et le collectif). Ces formations se séparent lorsque le but est atteint.

Les éducateurs et enseignants Freinet cherchent à développer des pratiques pédagogiques ancrées dans la réalité sociale, pour œuvrer à une réelle émancipation des enfants.

La coopération s'installe alors comme un pivot pédagogique. L'élève développe une aptitude à coopérer avec l'autre et à se construire une place au sein d'un groupe tout en se sensibilisant à la richesse de l'échange au sein du collectif.

(12)

II- Les Défis-coopération,

introduction, ritualisation et conséquences

II.

a- A partir du climat de classe : l’organisation

Il s'agit de présenter le type de classe avant de dessiner le projet mis en place des Défis- coopération. Pour bien imaginer l'implantation et le fonctionnement de l'activité, il convient de décrire, en se reposant sur les bilans de période rédigés au début de l'année.

La classe présente un climat d'agitation. Les élèves — nombreux — se chamaillent, se disputent souvent. Certains éléments, aux comportements de leader s'adressent de façon agressive à leurs pairs. La classe manque de respect de langage, de comportement avec les professeur et entre élèves. Je pense à installer des situations de travail avec un projet à la clef, un objectif simple et stimulant faisant appel à une entente, à une communication. Il est nécessaire de travailler ensemble pour unir le groupe. 7

Sans formuler la notion de « coopération », ces observations signifiaient pour moi l'urgence d'avoir recours à des systèmes d'activités par projets communs ainsi qu'à une articulation sereine entre les membre du groupe. Après la première visite de ma maître formatrice, Laurence Gaudet, celle-ci me confirme ma réflexion. La classe a besoin de se souder. Les enfants, pour devenir élèves et s’épanouir dans un cadre posé pour les apprentissages, ont besoin de jeux coopératifs. Par ce biais, nous étions d’accord que l’agitation parasitant la classe se transformerait en un intérêt, une motivation au travail. Par les jeux coopératifs, l’énergie serait déplacée dans le rapport à l’autre et

Extrait de mon cahier de bord, Novembre 2016

7

Aujourd'hui, on entend souvent : "il faut que les élèves soient motivés pour réussir". Et Freinet est un des premiers à avoir dit l'inverse, à avoir dit qu’il faut les faire réussir pour qu’ils soient motivés. Freinet est un de ceux qui a le mieux expliqué que ce qui démotivait l’élève était l’échec et qu’il ne fallait pas attendre la motivation.

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entrainerait avec elle, l’envie de partager, d’échanger, de participer plutôt que de nuire à l’activité proposée. Il me semblait nécessaire de favoriser les rapports entre les élèves. Afin qu’ils s’éveillent à partager la parole, partager l’espace de la classe, il me fallait trouver un objectif commun, un objectif qu’ils pourraient atteindre seulement par leur entente, par leur motivations confrontées et pour un but commun. Freinet et ses techniques semblaient tendre ses bras. Après une exploration de ses travaux et de ses principes, je découvre sur un blog, des ressources d’activités coopératives d’une enseignante et directrice s’inspirant de Freinet . Elle-même en expérimentation, elle propose 8

ces ressources dont une activité de Défi coopération, je m’en inspire directement, prépare le matériel, imprime les feuilles bilan, m’approprie son exercice qui semble adéquat à tester dans ma classe. L’idée était simple offrait un terrain riche pour développer ce que je voulais. La première raison de ce dispositif était, avant son installation d'obtenir une qualité d'ambiance, de relations entre élèves. Le problème concerné avant toute autre chose (comme les apprentissages) : la gestion de la classe.

Ma motivation pour cette classe était la suivante : La classe est composée d’éléments très éveillés en matière d’apprentissage : ils sont curieux des lettres, vifs d’esprit, intéressés par de nombreux exercices, aiment réfléchir, apprendre et restituer des connaissances. Seulement, les journées de classe sont extrêmement épuisantes. La classe est fortement déséquilibrée, elle comprend 17 garçons pour 13 filles, 1/3 des élèves sont agités, perturbateurs, irrespectueux des règles de vie. Les temps collectifs sont entre-coupés de rappels de consigne, les temps d’exercices et d’ateliers bruyants et interrompus par des disputes, hurlements, les moments de jeux libres, un désordre total. Les moments le plus calme et attentif que je peux obtenir sont ceux de la lecture ou de l’heure du conte, et celui du « Radio Classe », installé par ma binôme, et suivi les autres jours, il représente le « Quoi de neuf? » instauré par Freinet. C’est l’instant de discussion partagée collectivement régi par un « faux-micro » en guise de bâton de parole. Les élèves évoquent leur tracas et leurs joies de la classe. Chacun est invité, selon sa volonté, à intervenir. Le bâton de parole représente un micro, ainsi celui qui détient l’objet est le seul à pouvoir prendre la parole. L’enseignant, en position de modérateur, transmet le bâton à celui qui le souhaite et le prend pour relancer la discussion, répondre ou soulever une question.

Il me semble important de signifier ce dispositif car, il rejoint les Défi-coopération, du moins, il permet de saisir l’envie naturelle de ces 30 enfants de grande section de s’exprimer et d’être

La Classe de Marion : http://laclassedemarion.eklablog.com

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écoutés. On parle de conflits, de chamailleries entre copains, d’insultes qui font mal, de jalousie, d’envies non-dites, de pardons oubliés, de secrets trop lourds, d’incompréhensions, d’envies pour la classe, de chagrins, de cauchemars. Tout le monde s’écoute, et presque tout le monde se parle. C’est l’instant ou chacun semble apaisé, intéressé, où donner des coups de pied à son voisin ne vient même pas à l’idée. Ce qui se passait ici relevait de leur quotidien, c’était leurs histoires qu’ils mettaient en mot et brassaient avec un langage construit, aisé et qu’ils écoutaient, les yeux grands ouverts. J’ai profité de cet intérêt là pour récolter leurs paroles et les lister.

Moi j’aime mieux quand on fait pas de bruit et qu’on écoute la maîtresse / Je trouve qu’Antoine, il ne fait pas d’efforts car c’est le plus grand de nous et pourtant c’est le plus petit car il tape même Elias qui lui a pas encore trop grandi / Ce que je préfère c’est quand on lit une histoire car il n’y a pas de bruit / Je trouve ça nul qu’Emmanuel il casse notre puzzle parce qu’on l’a même pas fini et c’est dur de le reconstruire / Je ne suis plus copain avec Antoine car il me donne des ordres pour faire croire à Amaury que je suis son copain, tout le temps, et moi je suis juste son copain pour de vrai.

La classe souffrait elle-même de cette agitation générale et attendait de l’enseignant une sorte de formule magique pour que le bruit et les disputes cessent. J’ai évoqué l’idée du Défi coopération. Les élèves ont surtout réagi à la notion de défi et à ce qu’il sous-entendait. « Coopérer veut dire : agir avec, faire ensemble, il va falloir que chacun participe pour que la construction soit réussie. ».J’ai obtenu cette définition au bout de 3 séances de Défi-coopération, l’introduction du principe était réalisée, et surtout, en faisant, les enfants ont intégré eux-mêmes une définition de l’activité. L’activité a été ritualisée : tous les jeudi à 14h-14h15, après une séance de relaxation ou d’histoire.

(15)

II. b. L’introduction : récit d'expérience

La présentation du Défi coopération s’est réalisée sans que j’imagine un instant sa ritualisation, son importance pour la classe, ses effets et l’organisation qu’elle allait demander. J’ai introduit l’activité au sein d’un « Radio Classe » . J’ai pris la parole afin de questionner les enfants 9

sur le problème des conflits récurrents de notre classe et le manque d’autonomie général : « Comment pouvons nous apprendre à faire tout seul et en travaillant ensemble dans le calme ? Les réponses ont été : « Lever le doigt quand on a un problème » / « chuchoter » / « demander de l’aide à son voisin » / « respecter les autres ». J’ai renchéri en expliquant : « Que diriez-vous de faire des petits défis, soit réaliser une construction, en groupe en un temps donné ? » Voilà l’objectif :

-

Réaliser une construction, ensemble, en groupe de 5,6, et que tout le monde participe.

Les enfants choisissent, entre 6 défis différents, lequel ils souhaitent réaliser, les groupes sont composés de 5 ou 6 enfants. L’activité dure 20 minutes, encadré par une présentation des consignes de 10 minutes, et à l’issue du défi, il faudra que chaque groupe remplisse une feuille-bilan avec des pictogrammes, s’en suit un temps de bilan collectif soulevant les difficultés, réussites, ressentis de chacun.

Feuille bilan du Défi coopération Source : http://laclassedemarion.eklablog.com

Temps de discussion en collectif avec un bâton de parole (reprenant le principe du quoi de neuf? de C. Freinet.

9

DEFIS COOPERATION

BILAN DU GROUPE ……….. Date : Pour le défi ……….

La consigne était de faire une seule construction, combien en avez-vous fait ?

Est-ce que tous les enfants du groupe ont participé ?

Y’a-t-il eu des disputes ?

Y’a-t-il des enfants mécontents ?

1

2

3

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Les consignes à respecter sont les suivantes :

-

je ne dérange pas les autres

-

je communique avec les autres membre du groupe mon idée et mes problèmes

-

je participe et laisse les autres participer

-

je participe au bilan écrit

Les principes généraux pour les Défis-coopération sont les mêmes que ceux que l'on peut imaginer pour les jeux de coopération en EPS : 


1. Tout le monde doit s’amuser.


2. Tout le monde doit vivre des situations de succès.


3. Personne n’a besoin d’habiletés techniques ou physiques spéciales pour s’engager dans le jeu coopératif.


4. Tout le groupe doit participer activement.
 5. Personne ne doit être éliminé.


6. Personne ne doit être mis en évidence. 
 7. Tous peuvent gagner 
10

La coopération est intégrée dans une autre forme d'activité avec pour finalité une réalisation, une construction, le résultat est visible et devient une support de bilan, de langage.

« Pourquoi dit-on le plus beau château, si on est les seuls à faire un château ? ». Certains élèves s’interrogent sur la notion de « défi ». La volonté recherchée ici n’est pas de mettre les groupes en compétition les uns contre les autres, en leur demandant d’effectuer le même défi. Ainsi, on dirige l’objectif vers la réussite de la coopération. L’enseignant peut répondre à la question du « plus beau château » en expliquant qu’il s’agit de réaliser le plus beau château possible ensemble. Soit que chacun participe et soit heureux de la réalisation personnelle et collective. Que l’expérience soit productive parce que l’on s’est confronté à une situation-problème et qu’on a pu le résoudre ensemble. Alors, en essayant, en confrontant des points de vue, des idées différentes, on parvient à employer les savoirs et actions de chacun pour mener à bien l’activité.

Principe des jeux coopératifs, document pédagogique de l’Académie de Poitiers, 2009

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(18)

II. c. Un temps d’apprentissage : jouer plutôt que gagner

Citons l’exemple suivant :

Jeudi 23 février, en atelier du matin, nous nous sommes entrainé à tracer à la règle des lignes bien droites afin de relier les points d’une étoile à 5 branches. Certains l’on fait 2,3 fois, d’autres, comme Raphaël ont peiné à réaliser l’exercice 1 fois. Après un temps de relaxation, il est l’heure des Défis coopération. Raphaël est dans le groupe 1 au défi n°4 : « réaliser le totem en carton le plus original ». Il me demande s’il peut prendre une règle pour tracer les bras dans le carton et découper droit.11

« Les enfants veulent gagner » / « Ils adorent la compétition, ça les stimule ». J’entends ces remarques dans les couloirs de l’école, ou de la faculté. Mais, en quelle mesure, peut-on vérifier ces propos ? Il semble que les enfants jouent à ce que nous leur offrons. Une journée d’Olympiades avec une médaille à la clé peut pousser une équipe à s’unir et s’organiser pour gagner. Un Défi coopération où, lorsque la clochette retentit, chaque équipe regarde sa construction et s’auto-critique engage l’expérimentation, la communication, la prise de risque.

Le Défi-coopération est dit réussi lorsque le contrat est rempli : soit que chaque membre de l’équipe ait participé, qu’une seule construction ait été réalisée et que le groupe ait réglé ensemble les conflits, si conflits il y a eu. Ainsi, d’autres comportements émergent dans ce type de jeu plutôt que dans une situation d’opposition.

La victoire collective réside ici pour les élèves dans l’aboutissement de leur réalisation. Le respect du temps doit être très rigoureux de la part de l’enseignant pour que les élèves s’appuient sur cette contrainte et agissent avec efficacité dans l’expérimentation. Bien que paradoxal, le tâtonnement et l’efficacité sont deux notions qui s’apprivoisent avec le temps et l’expérience. Ainsi, les échecs deviennent des essais. La construction n’est certes pas achevée, mais les fondations du château (pour exemple) sont là et surtout on se questionne :

(le signal sonore qui sonne la fin des défis retentit)

Antoine : - Oh non mais maîtresse, on n’a pas fini du tout la !

Enseignant : - C’est le jeu, c’est 20 minutes pour réaliser la construction. Mais, pourquoi n’avez vous pas pu finir ?

Extrait de rapport personnel, 23 février 2017

(19)

Antoine : Ben c’est Raphaël, il a tout cassé, il a fallu refaire Enseignant : - Ca arrive, comment la tour s’est détruite ? Antoine : - Il l’a poussé avec son bras!

Raphaël : - C’est pas vrai, j’ai pas fait exprès, c’est ma manche qui trainait et qui a un peu touché en haut, et voilà, c’est pas ma faute

Enseignant : - Comment pouvez-vous faire la prochaine fois pour garder la tour intacte ?

Antoine : - Déjà, si on fait attention tous, à ne pas faire tomber les Kapla, à bien remonter ses manches, ça peut être bien.

Mei : - Oui et si on fait vite après pour la reconstruire si elle tombe, on peut gagner du temps.

Enseignant : - Et comment on reconstruit vite ?

Antoine : - On peut chacun son tour mettre un Kapla, par exemple : j’en mets un, Augustin en met un, Domi en met un, puis Moi et Raphaël et Cosme… et comme ça ça ira vite.

Enseignant : - Bonne idée, vous testez la prochaine fois . 12

Lors du temps d’oralisation, les élèves très volontiers, partagent leurs frustrations et déceptions liées à l’activité du Défi coopération. Elles émanent du fait que la constructions n’a pas été terminée à temps ou que Untel n’a pas voulu participé, que certains ont « tout gâché ». Ce temps de discussion permet d’intégrer l’importance de la communication au sein du groupe et des bénéfices de la coopération pour la réalisation. Partager expériences positives et expériences négatives permet, au-delà de la libre circulation de parole d’ouvrir le champ des possibles et donner des idées aux groupes ayant vécu des conflits de s’inspirer des autres et de confronter leur ressenti. De nombreux exemples bénéfiques ont été exprimés jusqu’à présent :

Moi, je suis bien content car on s’est tous mis d’accord et tout le monde a participé à la fresque. Marz a fait la soucoupe volante, Amaury l’herbe, Gaia et moi, on a fait les arbres, Noa a peint le ciel. (Paul, le 2 mars 2017) Je n’étais pas trop d’accord au début avec l’idée d’Antoine pour le château, alors j’ai donné une autre idée, comme faire chacun une pièce, on en a discuté, on a dit qu’Antoine ferait les murailles avec Raphaël, Moi elle ferait la chambre, moi la cuisine, Cosme, une tour et Augustin, le pont-levis. (Domitille, le 2 mars 2017)

Extrait de notes personnelles, transcription de la fin du Défi coopération du 12.02.2017

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III- De l'expression, le langage

3. a. L’individu et sa parole au sein du groupe

Alain Baudrit questionne : « Quand des élèves ont a travailler ensemble, plutôt que de les associer avec des pairs très qualifiés, ne vaut-il pas mieux qu’ils choisissent des partenaires avec qui ils entretiennent de bonnes relations ? ». Meirieu énonce les limites en pointant le risque de dérive fusionnelle qui peut conduire les membres du groupe à privilégier la qualité de leurs relations aux dépens de l’efficacité de leur travail. Cette interrogation m’est apparue rapidement. Comme énoncé précédemment, je laissais les élèves choisir leur type d’activité comme chacun le voulait et ainsi, certains, au moment de s’inscrire dans le groupe de leur choix, se mettaient d’accord entre eux pour fonder les « équipes » selon leurs affinités. Sous l’influence de leurs pairs, les enfants n’étaient alors plus les acteurs de leur choix indépendamment des autres et ainsi pouvaient faire passer leur affinité à leur envie d’accomplir leur envie propre.

Pour moi, laisser les élèves choisir leur activité revenait à leur faire choisir le groupe, c’est à dire, aller au défi « construire la plus grande maison en Lego » parce que Tom l’a choisi et que c’est mon copain. Certes, recréer cette atmosphère de libre choix nous rapproche de l’activité libre, et l’enfant montre plus d’entrain et d’enthousiasme mais aussi cloisonne la coopération, laissant certains élèves de côté. Le Défi-coopération ne se révèle pas forcément comme un instrument pédagogique efficace. Parce que la composition de ma classe, en l’occurence, est faite d’ « alliances de camaraderie », on peut y trouver des groupes leader, des leader au sein des groupes, quelques paire s d’élèves trop discrets et certains élèves isolés que ces regroupements écartent encore plus, j’ai choisi de composer les groupes, et de les changer chaque semaine.

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De cette manière, j’espérais favoriser l’entraide et l’altruisme, que les liens d’amitié semblaient gêner. Un groupe hétérogène comprend une représentativité des profils d’élèves. Prenons notre groupe de 6 élèves, nous prendrons soin qu’il soit constitué de filles et de garçons, de divers niveaux scolaires, et de personnalités différentes. Bien sûr, le facteur du milieu social, de culture et d’ethnie différentes est à prendre en compte, cependant, dans ce cas précis, ma classe de grande section est globalement homogène à ce niveau. Mes notes du mois de janvier 2017 témoigne de ce changement d’organisation :

Je remarque l’élan naturel qu’ont les élèves à se regrouper par affinité. Leur enthousiasme pour les Défis coopération y est lié. J’observe des castes à l’intérieur des groupes, des mini-groupes se forment et les interactions sont plus liens d’amitié qu’entraide et coopération. Je constitue des groupes. Par exemple, le groupe 1 :

-

Antoine - garçon / leader / sociable / à l’aise dans les apprentissages

-

Cosme - garçon / effacé / fragile / peu à l’aise

-

Mei - fille / suiveuse / liée à ses amies / à l’aise

-

Tess - fille / leader / sociable / à l’aise

-

Alva - garçon / timide / nouveau dans la classe / peu à l’aise

-

Raphaël - garçon / curieux / sociable / très à l’aise dans le langage

19.02.17 : défi 3 : Réaliser le plus grand pont en pièces en bois

-L’importance de cette répartition s’est très vite révélée. Après l’affichage de cette nouvelle répartition, la contrariété des élèves de ne pas pouvoir réaliser le défi avec leurs camarades a laissé place à une communication plus riche et efficace. Les conflits troublaient l’exercice et à de nombreuses reprises, les élèves venaient me chercher pour me faire part du problème. Prenons l’exemple d’Antoine :

Je veux changer de groupe, Alva, il fait le pont dans son coin, ça sert à rien, il faut qu’on fasse un seul pont et lui il veut faire tout seul. (Antoine)

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J’ai répondu à l’élève que ce problème là pouvait être résolu et qu’on ne pouvait pas changer de groupe, que c’était à lui de lui demander pourquoi il oeuvrait dans son coin et qu’il faudrait lui faire comprendre le but de l’exercice, qu’il fallait trouver une solution. J’observe ce groupe, il reste 10 minutes avant la fin de l’activité. Alva, très timide, ne répond pas à Antoine et se concentre sur son travail, Antoine est désespéré. Tess va voir Alva et lui dit que son pont est super et lui demande si les autres membre de l’équipe peuvent rejoindre son pont afin de n’en faire qu’un, il dit d’accord. Antoine lève la tête en souriant : « C’est bon, on s’est arrangé ! ». Ainsi, une situation qui n’aurait peut être pas eu lieu dans un groupe dit « homogène » a donné lieu à une confrontation, une communication directe, un travail de groupe dans la recherche d’une solution. Antoine s’est rendu compte qu’Alva, en restant isolé, ne répondait pas à l’objectif, dans sa frustration, il n’a pas convaincu Alva de rejoindre le travail d’équipe. Tess est intervenue sous les yeux d’Antoine qui a bénéficié des effets positifs de l’interaction et ralla est intégré dans la coopération.

Le groupe, par son rôle social, provoque des situations de langage mais aussi induit une valorisation de l’individu au sein d’un petit collectif. Le professeur est exclu de l’exercice, les enfants se réfèrent à leurs pairs tant que possible, ils sont donc dans une approche de considération de l’autre afin de réussir le défi.

Tableau de répartition des groupes, évolutif par périodes. Ici l’organisation de la période 4 & 5

1 2 3 4 5

Antoine Amaury Domitille Emmanuel Stefano

Cosme Gaia Eden Mathilda Christopher

Mei Nils Augustin Charles Lilas

Tess Marz-Félix Noa Victor Chérine

Alva Alice Mathieu Eliah Tom

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III. b. Interaction et situation de langage

Le Défi coopération au même titre que le « Quoi de neuf ? » de Freinet (ou le « radio classe » instituée dans ma classe) sont des espaces de parole libres et d’expression. Bien que la classe ne soit pas en fonctionnement totalement « coopératif », ces activités, intégrées et ritualisées par les élèves et l’enseignant sont attendues et appréciées pour leurs qualités de « sécurisation ». En effet, les élèves ont le droit de se tromper, sont encouragés à essayer, à proposer. Tous le savent, et c’est parce que le climat est à la protection que c’est aussi un moment où l’on peut développer les apprentissages. Le Défi coopération est une situation coopérative, à distinguer de l’exercice individuel, ou l’on peut parler, partager, mais sans déranger les autres. Et c’est pour toutes ces raisons, qu’il en devient aussi un temps d’expression, de langages. Par conséquent et parce que l’activité ne dépend pas de l’enseignant (dans son déroulement), c’est un temps d’exploration qui mène aux surprises et à l’inattendu !

Les Défis coopération donnent lieu à trois types de situation de langage : la communication directe verbalisée ou non pendant les temps d’activité — « il faut assembler les deux yeux en carton, qui va chercher de la colle ? «  —, la verbalisation lors du temps du bilan écrit — « Est-ce que tout le monde a participé ? oui ? Vous êtes d’accord »— et le temps d’oralisation pour le bilan oral collectif en groupe classe. —« Je trouve qu’Antoine nous a commandés »—

La communication fait circuler et transforme les informations entre deux personnes. Elle permet de produire des langages multiples. Comme le dit B. Collot,

Communication et langages fonctionnent par rétroaction. Il faut des langages pour communiquer et c’est en communiquant qu’on perfectionne les langages.13

COLLOT B., une école du 3è type ou la pédagogie de la mouche, l’Harmattan, Paris 2002, p.58

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Celui qui explique est amené à enseigner quelque chose à quelqu’un, à mobiliser ses connaissances et donc à les ancrer davantage, à articuler la pensée et le langage. Par exemple, lorsqu’Antoine explique à Mei, les fonctions des meurtrières dans un château fort ou lorsque Tess « fait le pont » entre la forme de la lettre cursive « m » et les arcades du pont à Cosme qui les redessine dans l’air, nous avons une articulation entre le Je et le Nous. La coopération est un vecteur d’apprentissage, pas l’échange verbal, par l’interaction.

Le bilan écrit, rédigé par chaque groupe permet une situation de langage, un retour conscientisé de chacun sur l’opération collective, une confrontation des avis.

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Le bilan écrit devient ensuite le support lors du bilan oral collectif. Selon les conditions post- défi coopération, les groupes parlent librement d’eux-mêmes, questionnent les autres groupes ou bien les bilans écrits, exposés au tableau, sont les supports sur lesquels on peut débattre. Ils constituent une trace de l’expérience et parfois, peuvent être sollicités d’une séance à l’autre.

Enseignant : Vous souvenez-vous du dernier Défi-coopération ?

Aurèle : Oui, moi j’avais fait la tour en Kapla

Enseignant : Tu te souviens avec qui tu étais ?

Antoine : Oui, moi je sais, elle était avec Noa, même que…

Enseignant : Quelle mémoire Antoine, tu te souviens bien. Qui se souvient avoir été avec Aurèle ?

Charles : Moi !

Enseignant : Et alors, comment s’est passé le défi ? Il y a eu des disputes ?

Noa : Non, juste à un moment on a tout fait tomber, on a dû ramasser et alors la tour était moins haute.

Enseignant : Pour vous, le défi était réussi ?

Aurèle : Ben oui mais ç’aurait pu être mieux si on avait gardé la tour plus haute du début.

Enseignant : Eh bien, la prochaine fois, vous réussirez sûrement, mais en tout cas bravo car on voit sur la photo qu’elle est déjà haute comme Augustin.

Marz : Oui j’ai compté, y’avait 37 étages.

Enseignant : Incroyable ! C’est toi qui as compté ? Les autres ont compté aussi ?

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L’action est alors valorisée à l’oral. Encourager les élèves à s’exprimer et à construire du langage est aisé à partir d’activités qui leurs appartiennent. Introduire les défis-coopération  offre la possibilité aux élèves de s’emparer de l’activité, de la rendre « leur » puisqu’à l’intérieur du cadre et des consignes, ce sont eux qui agissent et évaluent leurs performances, l’entente des groupes, les conflits, et même parcourent toutes sortes de notions issus des domaines de compétences. Des notions mathématiques sont abordées, des connaissances scientifiques, certains repères artistiques, des éléments de motricité et intrinsèquement, une expérimentation du langage.

III. c. Le conflit et sa résolution

Qu’évalue-t-on dans un travail coopératif ? Le produit collectif du groupe, le rendement du groupe (la façon dont il a fonctionné au point de vue de l’efficacité et de la finalité de la construction) ou bien encore la performance ou l’investissement de chacun ?

La pédagogie coopérative envisage l’apprentissage comme un processus dynamique se construisant avec les autres, par les autres, pour les autres et non pas seul contre les autres. Elle a l’ambition de construire des connaissances, des savoir-faire et des savoir-être, de développer des compétences méthodologiques. Elle exige d’identifier un certain nombre de principes élémentaires de base et de poursuivre une recherche-action articulant recherche fondamentale, et expériences de terrain. Elle réunit des conditions d’apprentissage, ou du moins les permet. Nous tâchons d’oeuvrer en développant la métacognition : par le bilan écrit en équipes puis par le bilan oral en grand groupe, les élèves sont amenés à revenir sur leurs stratégies et leur comportement individuel. Par là, nous analysons les méthodes et les outils mis en oeuvre. Ainsi, les groupes rencontrant des difficultés voire des conflits irrésolus peuvent identifier ce qui a conduit à l’échec de l’activité. Par là, nous réalisons une auto-évaluation et un processus d’identification par le langage.

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Tess : — Je trouve qu’on n’a pas trop réussi à s’entendre parce qu’Antoine nous a donné des ordres. Pourtant, on dit qu’il ne doit pas y avoir de chef, on lui a dit que c’était nul de nous commander parce que nous on avait pas envie de faire ce qu’il nous disait. On voulait faire comme on voulait, mais lui, il n’a rien voulu entendre

Antoine : — Oui mais c’est normal, moi j’avais une idée, et vous vous n’en aviez pas, et en plus je ne vous ai pas commandés, j’ai juste dit que ce serait bien de mettre les Kapla comme ça, mais c’était si vous vouliez hein, je vous obligeais pas.

Domitille : — Normalement pourtant, Antoine, on ne doit pas faire le chef parce que c’est un travail d’équipe, on doit faire ensemble et si tu as une idée, tu peux d’abord en parler pour ensuite répartir des rôles ou je ne sais pas, mais t’es pas un chef.

Antoine : — Oui, bon, d’accord. La prochaine fois, je ne donnerai pas d’ordres . 14

Le « Radio Classe », instaurée dès le début d’année, aide à produire ce genre d’échange, fluide et sincère entre les élèves. Même si tout le monde ne participe pas, tous écoutent et respectent ce temps de discussion. Nous pouvons alors exposer pendant le bilan oral collectif, les comportements qui gênent la coopération et l’atteinte de l’objectif. Les conflits, ainsi non traités pendant les 20 minutes de l’activité, sont « mis sur la table » par la parole, en collectif. L’observation de la part du professeur, et parfois d’un autre groupe d’enfants, nourrit les dialogues. Ce qui est moins saisissant mais qui reste une conséquence notoire est l’autonomie gagnée lors de ces temps de réalisation se réinvestit dans le quotidien des élèves.

Un autre des bienfaits de ce dispositif d’activité — faire travailler les enfants ensemble, pour un objectif commun, sans éléments de comparaison ni d’opposition individuelle ou collective — est que chacun aide selon ses moyens, mène une action vers l’équipe plutôt qu’individuelle. Par exemple, Augustin, au sein du groupe 1 réalisant le défi n°5 : assembler la mosaïque la plus colorée possible, trie les pièce selon leurs couleurs. Augustin est un élève introverti, peu à l’aise en collectif, facilement distrait par ses pairs. Ici, il mène une action au sein du groupe, pour le groupe et utile à la réalisation, il fait, à sa hauteur, selon son envie, ses dispositions une tâche coopérative.

Extrait de rapport écrit personnel d’un bilan collectif, jeudi 2 mars 2017 (groupe 1= défi de la plus grande muraille en

14

(28)

Antoine : Cosme place les pièces qu’Augustin prépare, moi je fais ce côté-là.

L’organisation peut être faite de manière à optimiser les compétences de chacun et faire d’une équipe hétérogène, une structure motrice.

Plutôt que d’isoler les élèves et les pousser à réfléchir seuls, à comprendre seuls, à s’entrainer seuls, le temps du Défi coopération répond à un besoin de se réunir pour réfléchir et chercher ensemble des stratagèmes et des explications pour enrichir le groupe. Par la circulation des informations durant l’activité puis après, pendant le bilan oral, les désaccords, conflits et incompréhensions sont soulevés, utilisés pour réfléchir et agir ensemble.

A la différence d’une relation d’aide ou d’un dispositif de tutorat, la véritable coopération se fait sans ordre social, l’élève le plus à l’aise n’est pas supérieur aux autres et le moins bon n’est pas inférieur. Ici, les enfants moins à l’aise peuvent mettre plus de temps à adhérer au principe du Défi coopération mais parviennent a trouver leur place. A l’instar d’Augustin qui se focalise sur un tri de pièces, tâche plus accessible qu’une participation directe et commune avec d’autres membres du groupe.

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« Mais on n’a pas fini ! C’est la faute d’Eden, il a voulu faire une soucoupe volante alors qu’on voulait peindre un jardin» (Nils)

La frustration due au temps restreint d’activité (20 à 30 minutes) et aux adaptations de comportements qu’entraîne le travail en groupe est de mieux en mieux apprivoisée au cours de l’année. C’est le langage qui permet de concilier et de réconcilier les esprits. Dans ce type de situations, l’enseignant peut rebondir sur les contrariétés de l’élève, insatisfait à l’issue du défi. Il s’agit de lui demander comment le thème du jardin a été choisi dans le groupe. Eden a-t-il parlé de son projet de soucoupe volante ? Et pourquoi la soucoupe volante a t’elle ralenti la réalisation de la fresque ? La communication est toujours privilégiée. Le Défi coopération offre une occasion propice à des interactions directes, un décloisonnement des « groupes de copains » et une situation dynamique où l’on doit non pas réaliser un travail, individuellement, de plusieurs personnes, mais pratiquer une coopération efficace. Là est tout l’intérêt de l’activité. Un haut niveau de communication donnera une meilleure productivité au groupe, et c’est ce dont les élèves vont se rendre compte.

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Conclusion

L’exercice de la coopération par ces Défis coopération révèle deux avantages pédagogiques : les plus experts renforcent leurs compétences et leurs apprentissages auprès de ceux qui maîtrisent moins. Ces derniers se voient intégrés dans un groupe et valorisés pour d’autres maîtrises et apprennent des autres. Ce type d’activité est à distinguer de la classe coopérative, où tout le fonctionnement général de classe est tourné vers l’acte de coopérer. Ici, c’est dans cet espace-temps précis, dans cette situation que la coopération est marquée, annoncée, entendue et intégrée par tous. Il s’agit d’un long apprentissage et les effets sont loin d’être immédiats. Rappelons que ce dispositif du Défi coopération a été expérimenté dans une volonté d’unifier le groupe par l’interaction et l’action partagée. L’objectif atteint, après 5 mois d’accomplissements, est celui d’un climat de classe général serein et respectueux et des individus au comportement plus adaptés aux activités dites coopératives ou individuelles. Le Défi coopération a permis de fluidifier la parole au sein du groupe, une circulation des informations et des connaissances, et de valoriser chaque élève.

Par le Défi coopération, l’élève obtient une reconnaissance. Il est reconnu car son groupe a besoin de lui. Il a ainsi une place, il tient un rôle dans cette réalité de la classe, au sein même du groupe, il existe et agit. L’apprentissage peut avoir lieu dans ce type de situation car l’action est enclenchée, l’élève ose et agit pour que le groupe vive, pour que la construction ait lieu. Afin que les constructions langagières de l’élève se développent, l’environnement dans lequel il se trouve doit offrir une atmosphère sécure et stimulante.

Dans une classe de Grande Section agitée comme celle dans laquelle j’ai pu expérimenter, proposer une activité collective ritualisée à l’objectif simple offre une occasion d’être dans l’action, dans le

faire, le faire ensemble qui soulève tant de problématiques et aussi d’impact positif sur les élèves,

qui sont dans une réflexion partagée et dans une zone d’utilisation voire de découvertes de leurs compétences. La mise en place de cette activité, répétée, organisée, ritualisée et évolutive offre la possibilité d’apprendre par l’action et d’apprendre de ses interactions. Les situations à problèmes intrinsèques à la coopération sont développées à l’oral, ce qui pousse les élèves à construire leur langage. C’est aussi l’expérience de la sociabilité qui est réalisée. N’est-elle pas en grande partie, le pari de la maternelle ?

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Bibliographie

Ouvrages de C. Freinet

• L'école moderne française, édition Ophrys, 1946 • Œuvres pédagogiques, 2 tomes, Seuil, Paris, 1994 • « Les coopératives scolaires », article de 1929

Ouvrages sur la pédagogie de Célestin Freinet

• Goupil Guy, Comprendre la pédagogie Freinet, éditions des Amis de Freinet, 2007

• Jacomino Baptiste, Rouvière Yves, Comprendre Freinet, Max Milo Editions, Paris, 2014

• Le Bohec Paul, L'École réparatrice de destins ? Sur les pas de la méthode Freinet. Postface de Philippe Meirieu. Éditions L'Harmattan, 2007

• Les années Ecole Emancipée de Célestin Freinet, 1920-1936, Editions EMDP, 1996


Autres ouvrages

• Baudrit Alain. L’apprentissage coopératif : origines et évolutions d’une méthode pédagogique,

Bruxelles, De Boeck, 2005 – 160 p. (Pédagogies en développement)

• Collot B., Chronique d’une école du troisième type, Editions L’Instant Présent, Paris, 2013


Revues

• La Coopération à l’Ecole Moderne, brochure d’Education Nouvelle Populaire N° 22 p. 3, Vence, Juin 1946

Le Nouvel Educateur, n°231, Février 2017, « Je-nous, une articulation délicate »

• Revue française de pédagogie, n° 153, octobre-novembre-décembre 2005

Sitographie

• http://laclassedemarion.eklablog.com/

• http://ww2.ac-poitiers.fr/ia16-pedagogie/spip.php?article596

• Institut coopératif de l'école moderne. Site de lCEM. http://www.icem-pedagogie-freinet.org/

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Annexes

1- Fiche de consignes, période 2  « Défi coopération : la tour la plus haute en kaplas »,

Source : Blog de La Classe de Marion

http://laclassedemarion.eklablog.com/defis-cooperation-c28964616

2- Fiche de consignes, période 4 « Défi coopération : Pont en cubes », sous-entendu :

réaliser le plus grans Pont en cubes possible.

Source : Blog de La Classe de Marion

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3- Fiche de consignes, période 2. Défi coopération : Le plus beau château en cubes

Source : Blog de La Classe de Marion

http://laclassedemarion.eklablog.com/defis-cooperation-c28964616

4

Photo du groupe 2, période 2

Défi coopération : Le plus beau château en cubes

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5

Groupes d’élèves en défi coopération : La plus grande maison en Lego Période 3

6

Photo en cours de réalisation du défi : La plus belle fresque collective période 4

Figure

Tableau de répartition des groupes, évolutif par périodes. Ici l’organisation de la période 4 & 5

Références

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