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La société organisée devant ses élus : portrait de l'évolution et mesures de la participation des groupes d'intérêt à l'Assemblée nationale du Québec

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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LA SOCIETE ORGANISEE DEVANT SES ELUS.

Portrait de l'évolution et mesures de la participation des groupes

d'intérêt à l'Assemblée nationale du Québec

Mémoire présenté

à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en science politique

pour l'obtention du grade de maître es arts (MA.)

DEPARTEMENT DE SCIENCE POLITIQUE FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES

UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC

2010

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L'idéologie de la participation démocratique gagne de plus en plus nos institutions publiques. Parallèlement, on assiste dans la société à une multiplication des groupes d'intérêt, notamment des groupes citoyens. En septembre 2009, l'Assemblée nationale mettait en application une ambitieuse réforme parlementaire visant à encourager la participation des citoyens. Ce présent texte propose une évaluation de la participation dans les consultations publiques que tiennent les commissions parlementaires de l'Assemblée nationale du Québec. À l'instar des travaux de J. M. Berry (1999) et de D. Halpin, I. MacLeod et P. McLaverty (2010), nous avons entrepris la formation d'une base de données référençant chaque audition d'organisation ou d'individu dans ces consultations entre 1972 et 2008. Nous faisons la démonstration de l'augmentation de la participation et de l'importance grandissante des groupes citoyens. L'analyse nous a également révélé de nombreux aspects de la relation entre les élus et la société sur la question de la participation.

Abstract

The ideology of participatory democracy takes today an important place in our public institutions. At the same time, we observe an increasing number of interest groups in the society. In September 2009, at the Assemblée nationale du Québec, an ambitious reform was implemented to promote participation by citizens. This text presents an evaluation of the society's participation in the hearings of the legislative committees at the Assemblée nationale du Québec. As J. M. Berry (1999) and D. Halpin, I. MacLeod and P. McLaverty (2010) did respectively for the American Congress and the Scottish Parliament, we produce a database that references all auditions of organisations and individuals between 1972 and 2008. We found that the participation rate is effectively increasing and that citizen groups are getting more important. The analysis of our results shows some aspects of the relation between members of the parliament and the society from the perspective of participation.

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Avant-Propos

La production de ce mémoire a été rendue possible grâce au soutien de plusieurs personnes. Je me sentirais ingrat de ne pas les nommer. Toutes ces personnes sont loin de se douter de l'importance qu'elles ont eue dans cet accomplissement.

J'aimerais remercier Claudia Langlois pour le soutien moral et matériel qu'elle m'a apporté. Elle a subi mon humeur, mes doutes et mon acharnement à la production de ce mémoire plus que toute autre personne. Je serai éternellement reconnaissant de sa grande patience à mon égard.

J'aimerais remercier mes parents, Michel Pageau et Céline Laflamme, qui m'ont appris la valeur du travail, des études et de la connaissance. Ils m'ont apporté un soutien moral et financier pour franchir les étapes académiques qui mènent à la maîtrise. Ils ont su m'épauler lorsque j'en avais besoin.

Je dois ce mémoire à Raymond Hudon. Non seulement il a dirigé mes travaux, mais il m'a embauché dans un projet de recherche qui m'a permis d'acquérir de l'expérience, de développer mes intérêts personnels et d'avoir les moyens financiers de vivre en faisant ce que j'aime. M. Hudon a été déterminant dans le choix de ce sujet de mémoire. Tout au long du processus qui a mené à la production ce mémoire, j'ai pu recourir à ses services beaucoup plus que je ne pouvais l'espérer; je l'en remercie énormément.

Par ailleurs, j'aimerais mentionner le plaisir de que j'ai eu à travailler avec Tanya Fredette, Emilie Foster, Stéphanie Yates et Christian Poirier tout au long de ma maîtrise.

Je remercie la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires pour la bourse qui m'a été octroyée pour la rédaction de ce mémoire. J'apprécie la reconnaissance dont témoigne cet octroi. Je me considère très chanceux d'avoir obtenu cet honneur.

J'aimerais remercier Martin Rochefort, Frédéric Lemieux, Julie Paradis et tout le personnel du service de recherche de l'Assemblée nationale que j'ai été très content de côtoyer durant les étés où j'y ai travaillé. Ils ont su m'accueillir à bras ouverts. Ce travail a été déterminant sur ma qualité de vie tout au long de l'élaboration de mon mémoire. Plus largement, j'aimerais remercier tous les membres du personnel de l'Assemblée nationale qui m'ont, un jour ou l'autre, aidé dans mes recherches.

Finalement, j'aimerais remercier toute autre personne qui de près ou de loin a contribué à rendre ma vie agréable lors des deux années que j'ai consacrées à ma maîtrise. Sans nos amis, on serait souvent sans moyens.

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Table des matières

Résumé, Abstract i

Avant-Propos, ii Liste des tableaux vi Liste des figures viii Chapitre 1: INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

Démocratie participative 1 Mesurer la participation : notre contribution au débat 3

Nos objectifs 4 Chapitre 2 : ENTRE REPRÉSENTATION ET PARTICIPATION : UNE NOUVELLE

CULTURE DÉMOCRATIQUE 7 Complexification de la légitimité démocratique 7

Une conception partagée 10 Une implantation problématique 11

Les groupes : le bon véhicule? 12

Une société organisée 16 Chapitre 3 : QUESTIONS DE RECHERCHE ET REVUE DE LA LITTÉRATURE 21

Chapitre 4 : MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE 28

Typologies 29 Les variables 37 Manipulations mathématiques 39

Chapitre 5 : LES RÉFORMES PARLEMENTAIRES DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

DU QUÉBEC ET LA PARTICIPATION DE LA SOCIÉTÉ CIVILE 42

Problèmes et difficultés de la participation 43 Les réformes parlementaires et la participation des citoyens 44

Perspectives d'avenir et réforme 2009 54 Chapitre 6 : DEUX PÉRIODES DISTINCTES DE PARTICIPATION 55

Un premier constat 55 Une année décisive 58 Distinction entre les types de consultations 61

Comprendre la séquence 64 Spécificité québécoise et questions soulevées 71

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92 102 Des enjeux dominants

Le faible impact de l'allégeance partisane du gouvernement 102

Les "usual suspects" : participation as usual 107 Des obstacles à la participation des citoyens 118 Spécificité québécoise et questions soulevées 119

Chapitre 8 : CONCLUSION GÉNÉRALE 122

Des critiques... 123 La participation comme une pratique normale 125

Le Québec ? 126 Recherches éventuelles 127

Références bibliographiques 129 Annexes : PRÉSENTATION GÉNÉRALE 134

Annexe 1 : Données brutes sur la participation totale 137 Annexe 2 : Données brutes sur la participation dans les consultations

indéterminées 149 Annexe 3 : Données brutes sur la participation dans les consultations

particulières 154 Annexe 4 : Données brutes sur la participation dans les consultations

générales 161 Annexe 5 : "Usual suspects" 168

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Liste des tableaux

Chapitre 4

Tableau 4.1 Orientations des commissions permanentes avant et après la réforme

parlementaire de 2009 33 Tableau 4.2 Typologie de Baumgartner et Leech 34

Tableau 4.3 Interprétation de la valeur du coefficient de corrélation linéaire 40 Chapitre 5

Tableau 5.1 Tableau récapitulatif des réformes parlementaires relatives à la

participation 51 Chapitre 6

Tableau 6.1 Moyenne du nombre de participations par année pour trois périodes

distinctes 58 Tableau 6.2 Moyenne du nombre de consultations tenues par année pour trois périodes

distinctes 59 Tableau 6.3 Moyenne de participations par consultation par année pour trois périodes

distinctes 60 Tableau 6.4. Moyenne du nombre de participations par année pour les consultations

particulières 62 Chapitre 7

Tableau 7.1 Proportion de la participation des différents types de groupes sur la

proportion totale entre 1972 et 2008 76 Tableau 7.2 Proportion de la participation des différents types de groupes selon les types

de consultation 1984-2008 11 Tableau 7.3 Augmentation moyenne du nombre de participations par année de chaque type

de groupes 78 Tableau 7.4 Evolution moyenne du poids relatif de chaque type de participants par

année 78 Tableau 7.5 Evolution en chiffres absolus de la participation par type de groupes 81

Tableau 7.6 Évolution moyenne du poids relatif de chaque type de groupes par année 82 Tableau 7.7 Evolution en chiffres absolus de la participation par type de groupes 85 Tableau 7.8 Évolution du poids relatif de la participation de chaque type de groupes 86 Tableau 7.9 Tableau récapitulatif des principaux changements concernant le débit et la

composition de la participation entre 1972 et 2008 91 Tableau 7.10 Proportion des consultations par type d'enjeux avant et après 1996 93

Tableau 7.11 Moyenne de consultations tenues par enjeu par période, coefficient de

corrélation et pente sur toute la période 94 Tableau 7.12 Répartition proportionnelle des consultations tenues dans les consultations

(8)

Tableau 7.13 Moyenne de consultations tenues par enjeu par période, coefficient de

corrélation et pente sur toute la période 97 Tableau 7.14 Proportion des consultations par types d'enjeu et par période 98

Tableau 7.15 Moyenne du nombre de consultations tenues par enjeu par période 99 Tableau 7.16 Moyenne de participants des consultations générales par type d'enjeux 101 Tableau 7.17 Moyenne de la participation des groupes citoyens par consultation selon les

enjeux dans les consultations générales 102 Tableau 7.18 Fréquence de consultation par parti politique formant le gouvernement

1972-2008 103 Tableau 7.19 Répartition proportionnelle des consultations par type d'enjeux, type de

consultations et allégeance partisane du gouvernement 105 Tableau 7.20 Répartition du poids relatif de la participation de chaque type de groupes par

type de consultations et par l'allégeance partisane du gouvernement 106 Tableau 7.21 Principaux indicateurs concernant les « usual suspects »par type de

consultations 114 Tableau 7.22 Coefficient de corrélation et pente de l'évolution des « usual suspects » selon

les types de consultations 114 Tableau 7.23 Composition et poids des « usual suspects » selon le type de groupes et le

type de consultations 115 Tableau 7.24 Ventilations des 28 participants les plus actifs tous types de consultations

confondus 116 Tableau 7.25 Moyenne de la participation par type de groupes tous types de consultations

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Liste des figures

Chapitre 6

Figure 6.1 Évolution de la participation par année en chiffres absolus 56 Figure 6.2 Évolution du nombre de consultations tenues par année 57 Figure 6.3 Évolution de la moyenne du nombre de participations par consultation 57

Figure 6.4 Évolution de la participation dans les consultations particulières 62 Figure 6.5 Évolution du nombre de participations dans les consultations générales 63 Chapitre 7

Figure 7.1 Poids relatif des groupes d'activités professionnelles et des groupes citoyens sur

le total de participations 79 Figure 7.2 Poids relatif des groupes d'activités professionnelles et des groupes citoyens sur

le total de la participation de chaque année 82 Figure 7.3 Evolution du poids relatif des groupes d'activités professionnelles et des

groupes citoyens sur le total de la participation 86 Figure 7.4 Evolution des consultations tenues sur les affaires sociales et les institutions 95

Figure 7.5 Evolution des consultations tenues sur les affaires sociales et sur les

institutions 97 Figure 7.6 Évolution du total du nombre de consultations tenues sur les enjeux des affaires

sociales et des institutions 99 Figure 7.7 Proportion de nouveaux groupes par année 108

Figure 7.8 Proportion des nouveaux groupes par année dans les consultations

particulières 109 Figure 7.9 Proportion des nouveaux groupes par année dans les consultations

générales 110 Figure 7.10 Poids relatif des « usual suspects » sur le total de la participation 117

Figure 7.11 Poids relatif des « usual suspects » sur le total de la participation

de chaque année individuelle 113 Figure 7.12 Évolution du poids relatif des « usual suspects » par année en ordre croissant

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

Le système démocratique est extrêmement diversifié dans son fonctionnement. Le décalage entre l'idéal et la pratique démocratiques fait en sorte que ce système ne semble jamais réellement achevé; il est plutôt toujours en mouvement. Phillip C. Schmitter résume

bien : « The label democracy hides a continuous evolution in rules and practices and an extraordinary diversity of institutions1. » La démocratie est en fait sujette à de multiples réformes parce que dépendante de mutations sociologiques et toujours soumise à des questionnements, examens, évaluations et adaptations. Ce mémoire vise à s'insérer dans ce débat et à offrir une évaluation des nouvelles pratiques démocratiques par rapport à l'idéal qui les justifie.

Démocratie participative

La démocratie est sujette à plus que de simples changements institutionnels et adaptations ponctuelles. Le sens qu'elle porte pour les gouvernants et les gouvernés peut se modifier considérablement. La plupart des observateurs sont d'avis que depuis quelques décennies, ce sens n'est effectivement plus le même. Plusieurs auteurs ont tenté de qualifier cette démocratie. Ainsi, se côtoient dans la littérature les termes de démocratie participative, démocratie deliberative, démocratie de justification, démocratie postmoderne, etc. Chacun tente de mettre en évidence ce qu'est aujourd'hui devenue la démocratie. Il va sans dire que le débat sur les subtilités de cette question persiste.

Il existe tout de même quelques constats communs entre les auteurs. D'abord, il existe une crise de la représentation politique. Les symptômes en sont nombreux : chute du taux de participation aux élections; chute de l'adhésion partisane; montée du cynisme; perte de confiance dans les institutions. Ensuite, nombreux sont les auteurs qui soulignent aussi

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peu à peu. En effet, on observe de plus en plus la création d'espaces introduisant à l'intérieur de l'État, la société qui, entre-temps, s'est organisée progressivement.

À partir de ces constats, on tente d'évaluer les changements en leur apposant une étiquette. Le terme de la « démocratie participative » souligne l'importance de la participation de la société dans le processus de décision2. Celui de « démocratie deliberative » va quant à lui mettre en évidence que la démocratie tire sa légitimité à travers la participation des citoyens dans la délibération publique3. La « démocratie de justification » parle plutôt d'un mode mixte alliant représentation et participation4.

De ces trois termes, celui de la démocratie participative nous intéresse plus particulièrement dans la mesure où il est le plus répandu dans la société et semble être celui adopté par l'État québécois5. De plus, pour les besoins de notre travail, le terme « démocratie participative » englobe l'ensemble des éléments utiles contenus dans les autres locutions.

Parallèlement à cette modification du sens de la démocratie, beaucoup d'auteurs du programme de recherche des groupes d'intérêt ont observé l'explosion du nombre sur les groupes d'intérêt dans nos sociétés occidentales et, surtout, une explosion du nombre de groupes citoyens porteurs d'une vision plus participative de la démocratie. Un tel phénomène ne pouvait qu'entraîner des conséquences sur le système démocratique.

' Schmitter, Phillip C, « The Consolidation of Democracy and Representation of Social Groups », American Behavioral Scientist, Vol. 35, n° 4-5, 1992, p. 422-449.

2 Behrouzi, Majid, Democracy as the Political Empowerment of the People, The Betrayal of a Ideal,

Lexington Books, Lanham, 2005, p. 165-174.

3 Behrouzi, Idem, p. 175-191.

4 Bherer, Laurence, « Les promesses ambiguës de la démocratie participative », Éthique publique, vol. 7, n°

1,2005, p. 82.

5 « Prenez votre place : La participation citoyenne au cœur des institutions démocratiques québécoises »,

Rapport du Comité directeur des États généraux sur la réforme des institutions démocratiques, Gouvernement du Québec, mars 2003.

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L'objet de cette recherche s'inscrit dans cet effort d'évaluer la nature du lien entre la société civile organisée et les principaux décideurs, les élus. Alors que la recherche sur la démocratie participative s'intéresse souvent au palier local6 parce qu'il semble plus propice à l'établissement d'une telle démocratie, nous nous intéressons davantage aux institutions nationales, en particulier aux commissions parlementaires de l'Assemblée nationale du Québec. Cette arène politique nous apparaît privilégiée puisque les consultations tenues par les commissions parlementaires sont, en fait, l'institution de la société québécoise où la participation institutionnalisée7 est la plus abondante et est celle touchant de plus près les principaux décideurs.

Notre principale contribution à la recherche est la création d'un outil de recherche important. Nous avons créé une base de données de la participation dans ces consultations publiques. Aux États-Unis, ce type de compilations a été spécialement utile pour

Q

comprendre le monde des groupes d'intérêt. De Schlozman et Tierney à Martin, Baumgartner et McCarthy9 en passant par Gray et Lowery10 et finalement Berry11, bien des auteurs ont tenté de répondre à des problèmes dans la littérature sur les groupes d'intérêt

19

qu'avaient identifiés, entre autres, Baumgartner et Leech . Ces derniers suggéraient notamment que sans ce type de compilation, qui permet l'analyse d'un grand nombre de données, on est incapable de faire avancer la recherche à partir d'une multitude d'études de cas qui, souvent se contredisent l'une et l'autre.

6 Bherer, Idem.

7 Garon, Francis, Changement ou continuité ? Les processus participatifs au gouvernement du Canada,

Presses de l'Université Laval, Québec, 2009, p. 13.

8 Schlozman, K.L. and J.T. Tierney, Organized Interest and American Democracy, Harper and Row, New

York, 1986.

9 Martin, Andrew W., Frank R. Baumgartner and John McCarthy, "Measuring Association Populations Using

the Encyclopedia of Associations : Evidence from the Field of Labor Unions", Social Science Research. Volume 35, Issue 2, 2006, p. 771-778.

10 Gray, Virginia and David Lowery, The Population Ecology of Interest Representation : Lobbying

Communities in the American States, University of Michigan Press, Ann Arbor, 1998.

1 ' Berry, Jeffrey M., The New Liberalism. The rising power of citizen groups, Washington, Brookings

Institution Press, 1999.

12 Baumgartner, Frank R., et Beth L. Leech, Basic interests, Princeton, Princeton University Press, 1998, p.

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attirer d'autres chercheurs ailleurs dans le monde. Citons, par exemple, les récents travaux de Darren Halpin, Ian MacLeod et Peter McLaverty, qui ont fait sensiblement le même exercice pour l'Ecosse13. Comparer les sociétés sous l'angle de la mobilisation des groupes d'intérêt est une avenue qui sera de plus en plus empruntée dans ce type de recherches. D'ailleurs, déjà en 1984, Salisbury exprimait le souhait que l'on puisse faire de telles comparaisons14.

Ce type de recherches ne s'est pas encore répandu au Canada et au Québec. Bien que potentiellement très utile à plusieurs programmes de recherche, aucune compilation de ce type ne semble exister. Celle que nous vous présentons peut devenir un des principaux outils quantitatifs en appui à la recherche de nombreux domaines, notamment ceux qui nous intéressent, soient la démocratie participative et la mobilisation des groupes d'intérêt. En ce sens, nous espérons que cette compilation dépassera les limites de ce travail, qui se présente alors comme une recherche pionnière.

En somme, c'est 12 422 participations de 5746 organisations et individus dans 610 consultations qui ont été compilées, classées et analysées, et ce, sur une période de 36 ans. Nous prétendons donc à une certaine exhaustivité.

Nos objectifs

Bien que nous envisagions que notre contribution principale soit la mise sur pied de cette base de données, nous devons guider nos travaux avec des objectifs dépassant la simple analyse statistique. Ainsi, nous voulons également créer le premier portrait de la participation des groupes d'intérêt au Québec et susciter des questions pour des recherches futures. Esquissons nos questions de recherche qui guideront nos travaux et qui trouveront leur justification dans le débat théorique qui suit.

13 Halpin, Darren et Graeme Baxter, Mapping Organised Interests : A Map of Organisations Engaged in

Scottish Public Policy. Paper prepared for the British Politics Groups, American Political Science Associations Annual Meeting, September 3-6, 2009, Toronto.

14 Salisbury, Robert H., "Interest Representation : the Dominance of Institutions", American Political Science

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multiplication des groupes d'intérêt?

2. Quelles sont les formes et l'étendue de cette participation? Plus spécialement encore, quels types de groupes sont appelés à participer et participent effectivement?

Comme nous nous insérons dans le débat sur la nature de la démocratie participative, nous devons en identifier les grandes lignes philosophiques et théoriques. Au chapitre 2, nous traçons quelles implications la démocratie participative a pour le système démocratique. Conséquemment, nous voyons aussi pourquoi la recherche sur les groupes d'intérêt nous apparaît une lunette privilégiée pour observer la démocratie participative.

La littérature dédiée aux groupes d'intérêt est tout aussi abondante que celle qui porte sur la démocratie participative. Depuis maintenant plus de 40 ans, les chercheurs ont observé des changements significatifs dans le monde des groupes d'intérêt. La société est de plus en plus organisée en groupes qui investissent des espaces publiques où ils tentent de défendre leurs intérêts. Il nous apparaît donc primordial de discuter ces évolutions.

Ces dimensions justifient nos questions de recherche. Nous serons donc en mesure de regarder ce que précisément la littérature nous a appris sur chacune de nos questions de recherche. Le chapitre 3 nous permet d'établir certaines hypothèses sur ce que l'on anticipe découvrir de notre base de données. Le chapitre suivant présente la méthodologie.

Bien que la question proprement institutionnelle ne soit pas le point focal de notre travail, il est indispensable de voir dans quel environnement se présentent les consultations ne serait-ce que pour établir un vocabulaire commun. L'architecture institutionnelle des consultations sera décrite à travers un historique des réformes des commissions parlementaires touchant la participation de la société civile. Ainsi, nous aurons une trame narrative structurante de nos observations.

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consacré à répondre à notre première question sur l'augmentation de la participation. Le chapitre suivant, plus imposant, vise à répondre à la seconde question. Plusieurs aspects seront examinés pour obtenir une vision globale de la nature de la participation, principalement la composition de la participation, la nature des enjeux, l'incidence de l'allégeance partisane du gouvernement et la question des « usual suspects »15.

Finalement, nous concluons par un résumé de nos principales observations et ouvrons sur différentes questions soulevées par nos résultats et sur de possibles utilisations de notre base de données.

15 Le débat entourant cette problématique cherche à comprendre si ce sont toujours les mêmes groupes qui

participent sur les mêmes types d'enjeux. Halpin, Darren, Ian MacLeod et Peter McLaverty, "Committee hearings of the Scottish Parliament : Who gives evidence? And does it Contribute to Policy Learning? ", [ à paraître] p. 2.

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ENTRE REPRÉSENTATION ET PARTICIPATION

UNE NOUVELLE CULTURE DÉMOCRATIQUE

Ce chapitre vise à illustrer les débats théoriques et philosophiques rattachés à la tâche de compiler la participation de la société. À mi-chemin dans le débat sur la démocratie et celui sur les groupes d'intérêt, le présent mémoire ne pourrait pas faire l'économie d'une exploration de ces débats.

Complexification de la légitimité démocratique

La Déclaration d'indépendance des 13 colonies américaines débute en soutenant que les hommes sont créés égaux par Dieu et dotés de droits inaliénables. Les hommes sont appelés à se gouverner eux-mêmes dans le respect des libertés individuelles. Ces principes issus de la démocratie américaine résonnent au-delà de ses frontières géographiques. Le principe de la démocratie repose sur l'autogouverne des citoyens et la majorité des sociétés occidentales l'ont ainsi compris. Nous prétendons que l'idéal démocratique est demeuré le même. Cependant, le sens qu'a pris la légitimité démocratique a considérablement changé au gré de transformations institutionnelles et sociales.

Les divergences entre les démocraties libérales se situent généralement dans l'aménagement du lien entre l'État et ses citoyens alors qu'elles reposent toutes sur le principe de représentation. Au terme d'une élection, les citoyens choisissent leurs représentants, le plus souvent organisés en partis politiques, qui exerceront le pouvoir en leur nom. Traditionnellement, l'élection sera perçue comme la principale forme de « participation » de la population1 et très largement perçue également comme une condition nécessaire à la démocratie. C'est dans ce mécanisme que l'essentiel de la légitimité des gouvernants réside.

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auteurs parlent allègrement de « crise de la démocratie représentative »2, de « pressions exercées sur la représentation »3 ou de « crise de la légitimité »4. Ces auteurs expriment la force du lien que les concepts de représentation et de légitimité entretiennent, mais surtout la présence d'une crise plus ou moins profonde de la représentation politique. Ils font donc consensus que la représentation politique traditionnelle est en recul et que la légitimité démocratique subit ainsi des transformations qui la rendent plus complexe.

Pour illustrer cette crise, la littérature a couramment recours aux mêmes « symptômes » : chute des taux de participation aux élections, chute de l'adhésion à des partis politiques et perte de confiance envers les élites politiques5. Ces trois « symptômes » touchent aux liens formels et informels entre les gouvernés et gouvernants. Pris en eux-mêmes, ils traduiraient plutôt une crise de la démocratie, mais ils sont cependant liés à une nouvelle conception de celle-ci.

Ce sont les citoyens qui définissent la nature du lien qu'ils ont avec leur État. Une variation dans ce qu'ils conçoivent comme démocratiquement légitime n'est pas anecdotique. Personne ne conteste que la population ne conçoit généralement que la démocratie comme modèle de gouvernement légitime. Logiquement, dans de telles conditions, la désaffection envers la représentation politique traditionnelle devrait se traduire par une redéfinition de ce que les citoyens considèrent plus légitime démocratiquement.

1 Garon, Op. cit., p. 13.

2 Bherer, Laurence, « Les promesses ambiguës de la démocratie participative », Éthique publique, vol. 7, n°

1,2005, p. 82 et Behrouzi, Majid, Democracy as the political empowerment of the people : The betrayed of an ideal, Lexington Books, Lanham, 2005, p. 149.

3 Garon, Op. cit., p. 17.

4 Duchastel, Jules, « Légitimité démocratique : représentation ou participation? », Éthique publique, Vol. 7, n°

1,2005, p. 72.

5 Dalton, R,J. et Wattenberg, Martin P., " Partisan Change and the Democratic Process" in Daltin, R.J. et

Wattenberg, Martin P., Parties without partisans: Political change in advanced industrial societies, Oxford University Press, 2000, p. 261-285.

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On pose généralement que la crise prend ses racines dans la décennie I9606. Celle-ci fut turbulente à bien des égards pour les démocraties ocCelle-cidentales. De nombreux exemples illustrent le changement qu'elle généra. Les rues furent le théâtre de manifestations politiques portées par des slogans tels que « Power to the people ». Les participants cherchèrent à faire pression sur les gouvernements pour qu'ils instaurent des changements, le plus souvent moraux (égalité entre les hommes et les femmes, fin de la ségrégation, etc.). Ils avaient pour conviction que les changements souhaités arriveraient plus rapidement ainsi plutôt que s'ils suivaient la voie traditionnelle de la démocratie représentative, c'est-à-dire l'adhésion à un parti politique, la prise du pouvoir et la gouverne. Le discours démocratique d'alors semblait alors mal adapté à une large frange de la société qui prenait comme postulat que la démocratie traditionnelle était devenue insuffisante, voire trop éloignée des considérations des citoyens.

Avec cette crise de la représentation politique traditionnelle et l'ouverture à de nouvelles formes de participation politique, il y avait chez la population une soif pour un renouvellement du discours ou du sens de la démocratie. On aperçoit alors dans le paysage de la philosophie politique, la doctrine de la démocratie participative fondée sur la participation des citoyens dans le processus de décision7. Selon cette doctrine, la légitimité démocratique, qui reposait presque uniquement sur l'élection, repose maintenant sur la participation. On envisage alors que la démocratie participative est donc « plus démocratique » et les décisions qui en découlent, « plus légitimes ».

Cependant, nous n'observons pas que la participation se substitue à la représentation traditionnelle. Les formes traditionnelles n'ont certainement pas disparu. On ne croise pas d'auteurs qui soutiennent que la légitimité démocratique ne repose plus du tout sur l'élection et la représentation partisane. Elle n'est cependant plus suffisante. Nous observons plutôt une complexification de la légitimité démocratique. Celle-ci repose ainsi sur un alliage entre la représentation politique traditionnelle et la participation des citoyens dans le processus de décisions. Cette participation prenant diverses formes, la légitimité des

6 Behrouzi, Op. cit., p. 149. Macpherson, C.B., Principes et limites de la démocratie libérale, Boréal express,

Montréal, 1985, p. 121.

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décisions ne repose ainsi pas toujours sur le même processus de participation, ce qui rend encore plus complexe la nature de cette légitimité.

Une conception partagée

Cette idée est certes intéressante pour une population en mal de participation, mais elle imprègne également les élites intellectuelles et universitaires. On prête à la démocratie participative bien des promesses. Laurence Bherer en souligne quelques-unes: «[...] améliorer la connaissance des citoyens à propos des institutions politiques et des enjeux sociétaux, augmenter l'influence directe des citoyens, permettre l'émergence d'un dialogue public raisonné, relancer un débat sous un nouveau jour, etc. » . Au Québec, plusieurs chercheurs influents prêchent pour une accélération de l'implantation de la démocratie participative dans la sphère étatique, notamment à l'Université du Québec à Montréal avec les professeurs Claude Béland9 et Jules Duchastel10.

Bien évidemment, l'État ne pouvait pas être insensible à ces changements. Il assoit maintenant sa légitimité à grands coups de rhétorique participative. De nombreuses mesures politico-administratives sont mises en place et attirent l'attention de chercheurs comme Garon". Au Québec, pensons par exemple à la mise en place des premiers États généraux sur la réforme des institutions démocratiques dont le titre du rapport est évocateur : La participation citoyenne au cœur des institutions démocratiques québécoises1 . Mentionnons également la création du Bureau d'audience publique en environnement et le sens que donne le Bureau à ses pratiques. En 2003, le Bureau produit un document pour souligner le 25e anniversaire de sa création, qui fut intitulé : Un quart de siècle de démocratie participative1 . Ces deux exemples montrent bien que l'État a recours à ce discours pour à la fois guider ses choix futurs et justifier ses actions présentes et

Bherer, Laurence, Op. cit., p. 83.

9 Béland, Claude, « La participation citoyenne, un rempart de la démocratie », Éthique publique, Vol. 7, no 1,

printemps 2005, p. 64-71.

10 Duchastel, Op. cit., p. 72-82. 1 ' Garon, Op. cit.

12 Prenez votre place : La participation citoyenne au cœur des institutions démocratiques québécoises,

Rapport du Comité directeur des États généraux sur la réforme des institutions démocratiques, Gouvernement du Québec, mars 2003.

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passées. Il est important de mentionner que si l'État utilise aujourd'hui cette rhétorique, l'origine de ce discours lui est étrangère. Nous le verrons plus en détail lorsque nous regarderons l'évolution des groupes d'intérêt, mais aussi les résultats de notre recherche. Une implantation problématique

Il nous apparaît évident que le principe de participation n'a pas abouti dans un système démocratique différencié à part entière. C.B. Macpherson énonçait bien le principal problème auquel l'implantation de la démocratie participative devrait faire face : le nombre. Beaucoup d'individus composent nos sociétés et la participation de tous au processus semble impossible : « Il faut se résoudre à une forme quelconque de représentation »14.

Cependant, les institutions démocratiques ont bel et bien ouvert la porte à la participation. On parlera plutôt d'avancées ponctuelles de la démocratie participative. La forme de ces avancées a été qualifiée de participation institutionnalisée15 telle que définie par Laurence Bherer

[...] l'initiative de la « mise en débat» revient non pas aux mouvements sociaux, mais à l'autorité publique. Cette dernière invite les citoyens et les groupes à participer dans un cadre dont elle prend le soin de définir les pourtours. [...] il s'agit d'une forme avancée d'institutionnalisation de la participation des citoyens16.

On a cru que la participation institutionnalisée était plus propice au palier local parce qu'elle allait réduire le problème de la représentation. Bherer, qui a étudié cette participation dans le cadre des conseils de quartier de la Ville de Québec, en arrive à la conclusion que même au niveau micro, la représentation politique reste une part importante de l'équation : « [...] la démocratie représentative demeure l'horizon indépassable de la démocratie participative17. »

14 Macpherson, Op. cit., p. 123. 15 Garon, Op. cit., p. 13. 16 Garon, Idem, p. 14. 17 Bherer, Op. cit.

(21)

Au niveau national, le problème de la représentation politique semble encore plus insurmontable. De nombreux auteurs voient dans les groupes à la fois le palier de représentation nécessaire à l'implantation de cette démocratie participative mais aussi le remède aux problèmes de la démocratie représentative18.

Penchons-nous sur la définition des groupes d'intérêt que nous emploierons tout au long de ce travail; celle de Raymond Hudon. Elle a l'avantage d'être inclusive et d'être centrée sur les constantes des groupes d'intérêt tout en laissant de côté les aspects plus moraux d'intérêt général et d'intérêt personnel : « une organisation soucieuse d'influencer des décisions publiques touchant plus ou moins immédiatement les intérêts qu'elle a vocation ou prétention à représenter »19. Le recours à cette définition à ce stade-ci nous sert à bien voir que la représentation des intérêts fait partie de l'essence des groupes d'intérêt. Ceux-ci possèdent donc un réel potentiel d'être un palier de représentation et ont ainsi un rôle central à jouer dans la démocratie participative.

Les groupes : le bon véhicule?

Si les groupes peuvent être un palier de représentation susceptible d'être un remède à la crise de la représentation politique traditionnelle et ainsi un acteur essentiel de la démocratie participative au niveau national, il existe tout de même plusieurs interrogations relatives à leur formation. Il est largement partagé parmi les chercheurs que la contribution la plus importante dans la construction d'une théorie des groupes est celle de Mancur Oison dans son ouvrage The Logic of Collective Action . Il y a eu auparavant quelques tentatives d'énonciation de théories holistes, notamment de la part d'Arthur Bentley et de David Truman . Plusieurs chercheurs, que l'on associe au courant pluraliste, observaient alors le vaste nombre d'intérêts représentés par les groupes et soutenaient qu'ils étaient

18 Rossteutscher, Sigfrid, « The Lure of the Associative Elixir », dans Sigfrid Rossteutscher, Democracy and the

Role of Associations, Routledge, London, 2005, p. 3-15.

19 Hudon, Raymond, « Les groupes d'intérêt : réalité en mutation et interprétations renouvelées », dans Réjean

Pelletier et Manon Tremblay (dir.), Le parlementarisme canadien et québécois, Québec, Les Presses de l'Université Laval, 4e édition revue et augmentée, 2009, p. 260.

20 Oison, Mancur, La logique de l'action collective, Presses universitaires de France, Paris, 1987.

21 Bentley, Arthur F., The Process of Government. A Study of Social Pressure, New Brunswick (NJ), 1995

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représentatifs des intérêts que l'on retrouve dans la société. Depuis les travaux d'Oison, cette perspective a considérablement perdu du crédit. Oison propose une approche rationnelle de la formation des groupes en déplaçant sa lunette sur les individus qui composent les groupes. Il suppose donc que ces derniers choisissent de joindre des groupes au terme d'un calcul coûts/bénéfices. L'intérêt personnel de l'adhérent peut différer de celui du groupe qui est normalement voué à produire un bien collectif profitable à l'ensemble des membres du groupe.

Lorsqu'il y a production d'un bien public qui n'est pas exclusif aux membres du groupe, il existe une difficulté à la mobilisation. La taille du groupe change la perspective. Un groupe relativement petit pourra plus facilement user de coercition, qu'elle soit formelle ou informelle, pour s'assurer que tous les bénéficiaires du bien public participent à l'effort; il règle ainsi le problème du passager clandestin, c'est-à-dire un individu qui ne s'investit pas, mais qui est tout de même bénéficiaire du bien public produit. Dans le cas où celui-ci est grand, la coercition est plus difficile. Le passager clandestin est donc plus probable. Illustrons ce problème avec les consommateurs. Ces derniers constituent une large part de la société, et on peut présumer sans trop se tromper qu'ils possèdent des intérêts communs. Cependant, la majorité des consommateurs arrivent au terme de leur calcul coûts/bénéfices à la conclusion qu'il est coûteux pour eux de participer à un groupe défendant leurs intérêts alors qu'ils retirent de toute manière les bénéfices de l'action des autres. La formation de ces types de groupes est donc beaucoup moins probable. Cependant, cette difficulté n'est pas insurmontable. Pour revenir à notre exemple, il existe bien des groupes qui défendent les consommateurs.

C'est à ce moment que le concept d'entrepreneur politique mis de l'avant par Robert Salisbury prend un sens encore plus illustratif. Les entrepreneurs politiques sont des individus qui investissent dans la création, l'organisation et le maintien des groupes d'intérêt et, par le fait même, en retirent des bénéfices personnels. Ils réussissent à attirer des membres dans son organisation sous la même logique, c'est-à-dire en offrant des bénéfices personnels. Ceux-ci peuvent être de nature très différente. Par exemple, certains

12 Truman, David B., The Governmetal Process. Political Interest and Public Opinion, New York, 1971

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membres peuvent être attirés par le réseau social du groupe ou bien simplement par la fierté d'agir pour une bonne cause. La mobilisation entraîne conséquemment des bénéfices personnels pour les individus mobilisés .

Les groupes qui défendent des intérêts publics (public interest), souvent postmatériels24, sont par nature des groupes visant une « population » de grande taille. Berry souligne que ceux-ci sont toujours des groupes citoyens bien que ces derniers ne soient pas toujours des groupes d'intérêt public 5. Il y a par conséquent des barrières logiques qui nuisent à la mobilisation des citoyens dans les groupes d'intérêt. À la suite de quoi, on remarque un plus faible nombre de groupes citoyens dans la population des groupes d'intérêt26. Les citoyens étant au cœur de la doctrine de la démocratie participative, faire reposer les espoirs qu'elle suscite sur les groupes d'intérêt soulève de nombreuses questions. La présente recherche s'inscrit dans ces questionnements. La participation réelle, que nous observerons dans les consultations publiques des commissions parlementaires de l'Assemblée nationale illustrera entre autres si ce biais présent dans la mobilisation s'est reflété dans la participation ou s'il est tempéré de quelconque façon.

Lorsque confrontés aux problèmes mentionnés, de nombreux chercheurs considèrent que l'action des groupes pervertit la démocratie. En général, les critiques sont surtout concentrées vers la notion que les groupes défendent des intérêts particuliers et détournent ainsi l'Etat de ses responsabilités envers l'intérêt général . Ce problème découle principalement du biais à la mobilisation décrite par Oison. Ce dernier tient justement ce genre de critique dans The Rise and Decline of Nations , où il prévoit un déclin économique qui serait dû à un blocage de l'appareil étatique par les groupes d'intérêt particulier.

23 Salisbury, Robert H., "An Exchange Theory of Interest Groups", Midwest Journal of Political Science, Vol.

XIII, n° 1, février, p. 1-32.

24 Berry, Jeffrey M., The New Liberalism. The rising power of citizen groups, Washington, Brookings

Institution Press, 1999, p. 34-71.

25 Berry, Ibidem, p. 190.

26 Baumgartner, Frank R., Jeffrey M. Berry, Marie Hojnacki, David C. Kimball and Beth L. Leech, Lobbying

and Policy Change, Who wins, who loses, and why, The University of Chicago Press, Chicago, 2009, p. 13.

27 Baumgartner, Frank R., et Beth L. Leech, Basic Interests, Princeton, Princeton University Press, 1998, p.

85.

28 Olson, Mancur, Grandeur et décadence des nations : croissance économique, stagflation et rigidités

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Les partisans des groupes d'intérêt se concentreront davantage sur les bienfaits que l'adhésion à une telle organisation peut apporter aux citoyens. Bien que semblable à ce que Bherer eût identifié pour la démocratie participative, mentionnons ceux que Lisa Young et Joanna Everitt énumèrent : donner une voix aux intérêts des citoyens, offrir une route de participation pour les citoyens, supporter le développement et le maintien d'une culture démocratique, faciliter le développement de meilleures politiques publiques et rendre les gouvernements plus responsables envers les citoyens29. Encore une fois, la réalité des groupes d'intérêt nuance ces assertions.

Le chercheur Darren Halpin nous montre bien que certains groupes peuvent potentiellement remplir ces fonctions, mais dans une très faible proportion30. Salisbury nous apprend, quant à lui, qu'il existe des groupes citoyens sans véritables membres31. L'engagement des membres peut souvent se résumer à la « participation par chéquier ». Dans ce cas, ils ne font que payer leur cotisation. Raymond Hudon nous atteste que Greenpeace, entre autres, était un bon exemple de ce type de participation32. De plus, de nombreuses recherches indiquent que la composition des membres est issue de milieux favorisés . Bref, les groupes ne comblent pas de facto les fonctions démocratiques qu'on leur appose.

Le monde des groupes d'intérêt que nous connaissons aujourd'hui est le résultat de transformations sociales qui s'étendent sur plusieurs décennies. Puisque nos intentions sont d'illustrer la participation en commissions parlementaires depuis 1972, il nous apparaît incontournable de tracer les grandes lignes narratives de l'expérience de ces groupes dans notre société.

29 Young, Lisa et Joanna Everitt, Advocacy groups, UBC Press, Vancouver, 2004, p. 17-24.

30 Halpin, Darren, "The participatory and democratic potential and practices of interest groups: Between

solidarity and representation", Public administration. 84 (4), 2006, p. 919-940.

31 Salisbury, Robert, H., « Interest Groups : Toward a New Understanding », dans Loomis, Burdett A. et

Allan J. Cigler (dir.), Interest Group Politics, Washington (DC), CQ Press, 1983, p.356.

32 Hudon, Op cit., p. 266.

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Une société organisée

Nous avons vu dans la définition des groupes d'intérêt formulée par Hudon que ces derniers avaient comme vocation non seulement la représentation des intérêts, mais aussi la volonté d'influer, et par extension, de participer. Les groupes sont ainsi porteurs en eux-mêmes d'une demande de participation qu'elle soit institutionnelle ou non. En regard de nos objectifs, nous ne pourrions passer outre l'évolution de cette demande de participation.

L'existence des groupes n'est pas une réalité nouvelle. Les États-Unis que l'on utilise très souvent en exemple pour leur rapport singulier avec les associations montrent dès l'époque de leur création leur particularité dans ce domaine. Déjà Tocqueville, lors de son voyage en Amérique, était surpris de la place qu'occupait la vie associative au Nouveau Monde34. C'est par contre vers la fin du XIXe siècle, dans un contexte d'affaiblissement des partis politiques, que les groupes développent la volonté de participer à la politique nationale35. Cette politisation des groupes, bien que réelle, reste modeste comparativement à ce qui se passera dans les années 1950, près de 50 ans plus tard.

Bien que plusieurs groupes citoyens aient été créés, les groupes qui gagnent le plus en importance sont les groupes dont les intérêts sont, sans surprises, liés au monde du travail. Les entreprises développent des relations avec le pouvoir et les syndicats font de même. Jusqu'aux années 1950, ces groupes dominent largement le paysage des groupes d'intérêt36. On ira jusqu'à décrire la genèse des politiques publiques comme un système de « triangle de fer ». Plusieurs images ont été utilisées pour qualifier ce concept : Iron Triangle, Subgovernments, triple alliance, cozy little triangles. Cependant, elles illustrent toutes la fermeture du système : « In simple terms, a subgovernment consists primarily of interest group advocates, legislators and their aides, and key agency administrators who interact on an ongoing basis and control policymaking in a particular area » 7. Ce type de régime ne pouvait pas résister à l'augmentation et à la diversification des groupes que les

14 Tocqueville, Alexis de, De la démocratie en Amérique, Les éditions Gallimard, Paris, 1993. 35 Clemens, Elisabeth S., The people's lobby, Chicago, University of Chicago Press, 1997. 36 Berry, Jeffrey, Interest group society, New York, Longman, 1997, p. 20.

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chercheurs ont observées depuis les années 1950. Le modèle du triangle de fer ne fait pas consensus chez les auteurs. S'ils conçoivent bien que le modèle n'est qu'une image imparfaite voulant traduire la relative fermeture du système, il n'en reste pas moins que l'explosion des groupes d'intérêt a entraîné son ouverture38 : « Although the advocacy explosion was the primary reason for the collapse of subgovernments, change in the structure of government contributed to this transformation of interest group politics as well » . Les enjeux sont donc ouverts à une plus grande compétition entre un plus grand nombre d'acteurs diversifiés dans leur forme, notamment les groupes citoyens40.

Cette explosion des groupes d'intérêt a largement été documentée. Baumgartner et Leech montrent bien que l'explosion est « découverte » régulièrement par les chercheurs depuis le début du XXe siècle41. Les auteurs notent qu'effectivement, les groupes d'intérêt se multiplient sans cesse tout au long du siècle. Cependant, les quatre dernières décennies ont vu une accélération de ce processus42. En fait, depuis les années 1960, les groupes d'intérêt se multiplient comme jamais dans l'histoire43. Baumgartner et Leech recensent, dans les associations enregistrées à Washington, un passage de 5843 groupes en 1959 à 23 298 groupes en 199544. Ces derniers n'augmentent pas seulement en nombre, mais le nombre de leurs adhérents augmente également45. Les dernières décennies deviennent donc plutôt singulières dans l'histoire de l'expression de la société civile.

Lors des dernières décennies, ce n'est pas uniquement une augmentation plus rapide, mais une diversification de la nature des groupes d'intérêt. Les années 1960 ont tempéré la domination des groupes d'intérêt issus du monde du travail avec l'entrée massive de groupes citoyens. Principalement, ces groupes proviennent de l'institutionnalisation des « nouveaux mouvements sociaux » qui ont foisonné lors des

38 Berry, Ibidem, p. 194-199. 39 Berry, Idem, p. 197.

40 Baumgartner and Leech, Op. cit., p. 114. 41 Baumgartner and Leech, Idem, p. 101-103. 42 Baumgartner and Leech, Idem.

43 Loomis, Burdett A. et Allan J. Cigler, « Introduction : The Changing Nature of Interest Group Politics »,

dans Loomis, Burdett A. et Allan J. Cigler (dir.), Interest Group Politics, Washington (DC), CQ Press, 1983, p.10

44 Baumgartner, Frank R., et Beth L. Leech, Basic interest, Princeton, Princeton University Press, 1998, p.

103.

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années 1960 . L'arrivée de ces groupes est significative. Ils représentent une nouvelle forme de participation des citoyens et ils sont ceux sur lesquels les tenants de la démocratie participative reposent la plus grande partie de leurs espoirs. Berry souligne également qu'ils sont responsables de l'entrée de nouveaux types d'enjeux, qualifiés de postmatériels47.

Il faut cependant nuancer ces propos. S'il est vrai que les groupes citoyens deviennent massivement plus nombreux lors de ces années, il serait erroné d'y comprendre que ces dernières ont vu l'éclosion des premiers groupes citoyens. En réalité, bien des groupes citoyens existaient avant cette époque et défendaient des intérêts politiques. On ne saurait passer sous silence que le mouvement des femmes a une tradition de mobilisation citoyenne qui remonte à des temps plus éloignés. Ce qui fait la particularité des années 1960, c'est l'ampleur du nombre de groupes citoyens formés à cette époque tout comme l'importance qu'on leur accorde dans le discours démocratique.

Nous nous devons de mentionner l'arrivée d'une forme singulière de participation. Les groupes d'intérêt associent maintenant leurs efforts dans la défense de leurs intérêts communs. Bien plus qu'une nouvelle tactique ou stratégie, ces associations mènent souvent à des organisations à part entière. Les coalitions, comme nous les nommons, apparaissent au milieu des années 1980 et ne cessent pas d'augmenter en nombre48. Des recherches leur sont consacrées et une nouvelle littérature se forme graduellement49.

D'autres changements ont transformé le système des groupes d'intérêt pour en faire ce qu'il est aujourd'hui. Les groupes citoyens conservateurs apparaissent vers 1975, mais gagnent en visibilité et en nombre à partir de 198050. Le nombre de syndicats et leurs

46 Hudon, Op. cit., p. 257.

47 Berry, Jeffrey M., The New Liberalism. The rising power of citizen groups, Washington, Brookings

Institution Press, 1999, p. 34-60.

48 Hudon, Raymond, Christian Poirier et Stéphanie Yates, « Participation politique, expressions de la

citoyenneté, et formes organisées d'engagement. La contribution des coalitions à un renouvellement des conceptions et des pratiques », Politique et sociétés, vol. 27, n° 3, 2008, p. 174.

49

Hula, Kevin W., Lobbying Together: Interest Group Coalitions in Legislative Politics,

Washington (DC), Georgetown University Press, 1999. Mahoney, Christine, "Networking vs. allying: the decision of interest groups to join coalitions in the US and the EU", Journal of European Public Policy, vol.

14, no 3,2007.

50 Berry, Jeffrey M., The New Liberalism. The rising power of citizen groups, Washington, Brookings

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effectifs sont en recul relatif depuis les années 198051. Les lobbies d'entreprise se diversifient dans leurs actions empruntant souvent des méthodes que l'on associait aux groupes citoyens5 . Bref, l'augmentation du nombre de groupes d'intérêt s'est accompagnée d'une diversification des types de groupes et des actions de ceux-ci.

On peut objecter que ce bref horizon des transformations du monde des groupes d'intérêt est fondé sur des références américaines. Ce programme de recherche est plus foisonnant au sud de la frontière. Bien que le Québec soit, sur beaucoup d'aspects, un membre de l'ensemble nord-américain, la question de sa spécificité reste importante. Peut-on appliquer plus ou moins parfaitement les transformatiPeut-ons observées aux États-Unis au cas du Québec? C'est, entre autres, ce que permettra ce travail. Nous pouvons, par contre, d'ores et déjà souligner quelques observations. Le recours aux travaux de Raymond Hudon peut nous être utile. Comme nous le savons, le Québec est entré dans la modernité plus tardivement que la majorité des États occidentaux. Il en va de même pour le système des groupes d'intérêt. Les groupes de « première génération » que Hudon définit plus ou moins comme les groupes d'activités professionnelles n'apparaissent que lors des années 1950 . Le rattrapage s'est fait rapidement dans la mesure où les groupes citoyens se sont formés aussi à la suite des mouvements sociaux des années 1960. La particularité québécoise s'inscrit davantage dans l'organisation de la mobilisation. Hudon nous l'apprend, le Québec possède son réseau de groupes d'intérêt différencié de celui du Canada anglais. Finalement, bien peu de groupes d'intérêt fondés sur leurs membres font exception et ce, des syndicats jusqu'aux groupes écologiques54. Ainsi, la base de données nous révélera peut-être que cette spécificité du monde des groupes d'intérêt s'étend à la participation dans les consultations publiques.

Finalement, bien que les groupes d'intérêt comme outil de représentation nécessaire à la participation des citoyens provoquent encore beaucoup d'interrogations et de

51 Salisbury, Robert, H., « Interest Groups : Toward a New Understanding », dans Loomis, Burdett A. et

Allan J. Cigler (dir.), Interest Group Politics, Washington (DC), CQ Press, 1983, p.356.

52 53

52 Salisbury, Robert, H., Idem, p. 358.

Hudon, Raymond, « Les groupes d'intérêt : réalité en mutation et interprétations renouvelées », dans Réjean Pelletier et Manon Tremblay (dir.), Le parlementarisme canadien et québécois, Québec, Les Presses de l'Université Laval, 4e édition revue et augmentée, 2009, p. 271.

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résistances, il est presque impossible de les ignorer compte tenu de leur importance sociale. Dans ce qui leur est essentiel, les groupes expriment clairement une demande de participation à laquelle les institutions politiques devaient répondre. Ainsi, la rencontre des institutions démocratiques et des groupes d'intérêt pose des questions auxquelles ce travail ambitionne de répondre.

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QUESTIONS DE RECHERCHE ET REVUE DE LA

LITTÉRATURE

Lors de l'introduction, des questions de recherche furent formulées. Elles guideront nos efforts pour analyser les données. Il sera détaillé ici comment la littérature y a jusqu'à maintenant répondu. Des hypothèses seront ensuite énoncées.

Avant de rappeler les questions de recherche, voyons où ce présent mémoire se situe par rapport à la littérature des groupes d'intérêt fondée sur des bases de données. Halpin et Baxter soutiennent qu'une telle base de données ne peut se faire que sur deux fronts principaux1. D'abord, certaines sont issues de répertoires de groupes d'intérêt comme Encyclopedia of Associations ou bien Washington Representatives. L'intérêt de tels répertoires réside dans leur volonté d'illustrer la composition des groupes dans la société. À l'inverse, les gens travaillant à la formation de ces répertoires font des choix éditoriaux, notamment le choix d'exclure certains types de groupes, qui peuvent fausser l'illustration. Ensuite, d'autres bases de données sont fondées sur les politiques publiques (public policy based). Celles-ci quantifient la participation des groupes dans le processus d'élaboration des politiques publiques. Pour ce faire, les registres de lobbyistes sont souvent utilisés. Au Québec, ni les organisations à but non lucratif ni les coalitions n'ont l'obligation de s'y inscrire. De plus, un tel registre ne nous informe pas sur la fréquence de participation. L'alternative réside dans les consultations publiques. Certaines d'entre elles sont tenues par des commissaires nommés, comme la célèbre Commission de consultation sur les pratiques d'accommodements reliées aux différences culturelles, présidée par les commissaires Gérard Bouchard et Charles Taylor. D'autres consultations, plus pertinentes à notre recherche, sont tenues à l'intérieur des murs des parlements par des élus et à leur initiative. Elles représentent l'instance de participation qui englobe la plus grande variété de

1 Halpin, Darren, Graeme Baxter, Mapping Organised Interests : A Map of Organisations Engaged in Scottish

Public Policy. Paper prepared for the British Politics Groups, American Political Science Association Annual Meeting, September 3-6, 2009, Toronto.

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participants . De plus, Schlozman et Tierney ont sondé un grand nombre de groupes et ont découvert que l'audition à ces consultations était l'activité la plus partagée par ceux-ci. En effet, 99 % des groupes sondés y participent3.

La distinction entre ces deux types de base de données n'est pas superflue. Les résultats de l'analyse en seront grandement affectés. Même à l'intérieur de celle-ci chaque sous-catégorie présente des résultats différents. Par exemple, on observe une plus grande proportion de groupes d'intérêt dans les consultations tenues dans les parlements que dans les consultations itinérantes4. Le choix de l'institution étudiée ici est justifié selon l'angle de nos recherches.

Prendre cette distinction en considération réduit largement les bases de données avec lesquelles nous pourrons comparer la nôtre. Seules les compilations de Jeffrey M. Berry dans The New Liberalism ainsi qu'une portion de la récente recherche de Darren Halpin, Ian MacLeod et Peter McLaverty correspondent adéquatement à nos données. L'un des intérêts de notre recherche est bien sûr de comparer nos travaux avec ces deux recherches. Toutefois, il est pertinent d'établir une comparaison entre le milieu social, dépeint par d'autres compilations, et le milieu institutionnel. Donc, nous élargissons les comparaisons potentielles à des bases de données moins similaires à la nôtre en prenant bien soin de spécifier les avantages et les limites d'un tel exercice.

QI : La participation dans les institutions a-t-elle augmenté de façon à refléter la montée des groupes d'intérêt?

Si l'augmentation des groupes dans la société est une observation déjà reconnue, l'augmentation de la participation dans les institutions politiques n'est pas assurée. Les institutions ont une limite quant à l'espace qu'elles peuvent accorder à la participation, et à plus forte raison quand y siègent des élus comme dans les commissions parlementaires.

2 Young and Everrit, Op. Cit., p. 87-88.

3 Cf. Berry, Jeffrey M., The New Liberalism. The rising power of citizen groups, Washington, Brookings

Institution Press, 1999, p. 19.

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Pour ce faire, il faudrait que le nombre d'élus augmente, ou que ces derniers accordent plus de temps à l'écoute des citoyens. Deux conditions qui mobilisent beaucoup de ressources. On voit rarement le nombre de députés augmenter et leur horaire est déjà surchargé. Conséquemment, ni l'augmentation des groupes dans la société ni l'augmentation de la demande de participation ne sont garantes d'une plus grande présence sociétale dans les institutions.

À première vue, s'il y a une augmentation de la participation dans les institutions, c'est que ces dernières se sont adaptées pour être capables d'accueillir en temps et en ressources cette participation. Par exemple, le temps alloué à la participation dans les commissions parlementaires tout comme les ressources disponibles devraient normalement augmenter.

Aux États-Unis, on nomme hearings les instances équivalentes à nos consultations publiques. Jeffrey M. Berry et son ouvrage The New Liberalism qui se penche principalement sur les conséquences de l'audition des groupes citoyens dans les hearings, nous seront utiles pour comparer nos résultats. L'auteur compile la participation de trois années (1963, 1979, 1991) et y examine la composition de la participation. Il découvre étonnamment que bien que le nombre de groupes présents à Washington augmente, la moyenne de participation par hearing est en baisse parce que les opportunités d'y participer sont moins nombreuses5.

Darren Halpin, Ian MacLeod et Peter McLaverty , dont la base de données sur les comités au Parlement écossais s'étend de 1999 à 2007, s'intéressent non seulement à l'audition de participants, mais aussi au dépôt de mémoire par les participants. Ils ne se sont pas intéressés à une possible augmentation de la participation dans cette institution. L'étendue de leur base de données, n'étant que de 8 ans, c'est-à-dire l'entièreté des sessions parlementaires du nouveau Parlement écossais, ne se prête pas à l'analyse de cette question.

5 Berry, Ibidem, p. 21.

6 Halpin, Darren, Ian MacLeod et Peter McLaverty, Commitee hearings of the Scottish Parliament : Who

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La littérature sur la participation dans les consultations publiques des assemblées législatives n'est pas suffisante pour nous permettre d'établir une hypothèse concernant la croissance de la participation dans ces institutions. Les recherches de Berry, qui nous apprennent qu'il y a moins de participants par consultation en 1991 qu'en 1963, ne sont fondées que sur trois années. Il est bien possible que cette moyenne augmente significativement sur les années, sans que le phénomène ne soit constant. Autrement dit, une corrélation significative entre l'augmentation de la moyenne de participation par consultation et les années pourrait ne pas constituer une droite parfaite, mais bien un nuage de points. Ainsi, la moyenne de 1991 pourrait être inférieure à la moyenne anticipée et celle de l'année suivante très supérieure. Bref, de nombreux facteurs peuvent influencer la moyenne de participations par consultation et seule une collecte de données sur plusieurs années peut la mesurer adéquatement. Par conséquent, notre hypothèse repose sur les aspects théoriques mentionnés au chapitre précédent.

Le raisonnement est le suivant : la légitimité démocratique s'est complexifiée entre la représentation politique traditionnelle et la participation, et ce, à la demande de la société. Le discours sur la démocratie participative attire non seulement de nombreux chercheurs, mais aussi l'État, qui assoit souvent sa légitimité sur le principe de la participation des citoyens. La représentation est un obstacle et on voit les groupes d'intérêt comme l'instance représentative qui peut accueillir la participation des citoyens. Ces organisations n'ont pas cessé d'augmenter dans la société. Il est tout à fait logique de formuler l'hypothèse selon laquelle les groupes ont participé de plus en plus dans les consultations publiques.

Hl : La participation dans les consultations publiques des commissions parlementaires a augmenté de façon à refléter la multiplication des groupes d'intérêt dans la société.

Comme mentionné plus haut, les institutions ont une limite quant au débit de participation qu'elles peuvent supporter. Une adaptation de l'institution participative paraît inévitable pour qu'il y ait augmentation. Pour ce faire, nous posons également l'hypothèse que les institutions se sont adaptées pour permettre une augmentation de la participation.

(34)

H2 : Au fil du temps, les commissions parlementaires furent transformées de façon à permettre une participation toujours croissante de la population.

La littérature renvoie à une seconde question peut être plus cruciale, celle de la composition de la participation.

Q2 : Quelles sont les formes et l'étendue de cette participation? Plus spécialement encore, quels types de groupes sont appelés à participer et participent effectivement?

Les données que nous fournit la compilation nous révèlent bien des choses concernant la composition de la participation. Par contre, l'enjeu majeur concerne la place qu'occupent les groupes d'activités professionnelles par rapport à celle des groupes citoyens. La littérature accorde beaucoup d'attention à cette comparaison.

Grâce à Oison, on sait qu'il existe un biais à la mobilisation en faveur des petits groupes, dont les biens publics générés par la mobilisation sont réservés aux membres, due à un effet de contrôle sur la présence de passagers clandestins. Le plus souvent, ce sont les groupes d'activités professionnelles qui possèdent cet avantage. À l'inverse, les groupes dont la base mobilisatrice peut être grande, et dont les biens publics s'étendent au-delà des membres du groupe, ont plus de difficultés à se mobiliser, car ils se butent au problème du passager clandestin. Les groupes citoyens sont plus susceptibles de faire face à ce problème dans la mesure où ils défendent généralement des intérêts inclusifs. Ce biais à la mobilisation devrait normalement se refléter dans nos données.

Par ailleurs, Young et Everrit nous apprennent que les consultations publiques en commissions parlementaires peuvent limiter naturellement la participation de groupes moins fortunés7. Par exemple, la distance que les groupes doivent franchir pour y témoigner entraîne des coûts pour ceux-ci. La production d'un mémoire demande également des ressources en temps et en expertise. Les groupes plus fortunés devraient donc être plus

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nombreux et se présenter plus souvent que les groupes moins fortunés. Ces mêmes auteures nous apprennent que les groupes les plus précaires monétairement sont les groupes citoyens et qu'un grand nombre de ces groupes dépendent de l'aide gouvernementale, qui décroît

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constamment depuis quelques années, du moins au Canada .

Berry nous apprend beaucoup concernant la composition de la participation dans les hearings. Il observe, sur les trois années compilées, une claire domination des groupes d'activités professionnelles (corporations, trade associations, professionnal associations, labor unions). Cela n'a rien de surprenant à la lumière des travaux d'Oison. Par contre, entre 1963 et 1991, Berry note une augmentation considérable de la participation des groupes citoyens. Ils gagnent environ 7 % de poids relatif sur cette période. Ces chiffres sont surprenants dans la mesure où Berry estime que les groupes citoyens représentent moins de 7 % de la population des groupes à Washington, ce qui lui fait dire que les groupes citoyens sont surreprésentés numériquement dans les hearings9.

Quant à Darren Halpin et Graeme Baxter en Ecosse, ils découvrent que ce sont les institutions gouvernementales qui occupent la plus grande place dans les comités avec 46 % de poids relatif. Cette observation est surprenante et elle n'était pas visible chez Berry. Ils observent que la différence entre les groupes d'activités professionnelles (professionnal groups, business, trade associations, et trade unions) et les groupes citoyens n'est pas si grande. En effet, les groupes d'activités professionnelles (26,4 %) ne dominent que faiblement les groupes citoyens (21,1 %).

Il n'y a pas réellement de contradiction dans la littérature sur la question. Hormis la grande présence des instances gouvernementales dans les résultats d'Halpin et Baxter, on observe partout une certaine domination des groupes d'activités professionnelles et une montée des groupes citoyens. Que cette domination soit moins importante en Ecosse n'a rien de surprenant dans la mesure où leurs données sont recueillis à une période plus récente que celle de Berry. Nous formulons donc ces deux hypothèses :

8 Idem, p. 86.

(36)

H3 : La présence des groupes d'activités professionnelles est dominante durant toute la période étudiée.

H4 : La participation des groupes citoyens connaît une augmentation durant la période étudiée.

Cette revue de la littérature a abordé une seule question relative à la nature des participants. C'est la plus intéressante sous l'angle de la démocratie participative. Or, la nature de la participation englobe d'autres questions intéressantes, qui seront traitées au moment opportun. D'abord, d'autres types d'acteurs seront observés, notamment ceux des individus ou bien les organisations représentatives. La question des enjeux est également importante. Nous verrons ensuite le rôle de l'allégeance partisane du gouvernement. Finalement, un dernier aspect de la nature de la participation concernera les meneurs de la fréquence de participation, ce qu'Halpin, MacLeod et McLaverty appelent les « usual suspects »10. L'étude de l'ensemble de ces questions et de ces observations alimentera une interprétation de la nature du lien entre les parlementaires et la société organisée sous l'angle de la participation. En somme, le mémoire présenté se place à mi chemin entre la démonstration quantitative de la validité ou non d'hypothèses formulées (ce que nos données nous disent) et la volonté d'interpréter une plus large frange des données compilées dans le cadre de questions de recherche plus larges (ce vers quoi les données semblent nous amener).

10 Halpin, Darren, Ian MacLeod et Peter McLaverty, Commitee hearings of the Scottish Parliament : Who

Figure

Tableau Al. 1
Tableau A 1.4  Economie et Travail  Année  Groupes  d'activités  professionnelles  Groupes citoyens  Organisations  représentatives  Ordres  professionnels  Administration publique  Entreprises
Tableau A 1.6  Environnement  Année  Groupes  d'activités  professionnelles  Groupes citoyens  Organisations  représentatives  Ordres  professionnels  Administration publique  Entreprises
Tableau A 1.7  Education  Année  Groupes  d'activités  professionnelles  Groupes citoyens  Organisations  représentatives  Ordres  professionnels  Administration publique  Entreprises
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