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Les relations des acteurs à l'affrètement d'espaces, évolutions et spécificités

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(1)

UNIVERSITE D’AIX-MARSEILLE

FACULTE DE DROIT ET SCIENCE POLITIQUE

CENTRE DE DROIT MARITIME ET DES TRANSPORTS

LES RELATIONS DES ACTEURS A

L’OPERATION D’AFFRETEMENT

D’ESPACES : EVOLUTIONS ET

SPECIFICITES

Mémoire pour l’obtention du Master II Droit Maritime

Par

Anton TOME

Sous la direction de Maître Christian SCAPEL Année Universitaire 2012-2013

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UNIVERSITE D’AIX-MARSEILLE

FACULTE DE DROIT ET SCIENCE POLITIQUE

CENTRE DE DROIT MARITIME ET DES TRANSPORTS

LES RELATIONS DES ACTEURS A

L’OPERATION D’AFFRETEMENT

D’ESPACES : EVOLUTIONS ET

SPECIFICITES

Mémoire pour l’obtention du Master II Droit Maritime

Par

Anton TOME

Sous la direction de Maître Christian SCAPEL Année Universitaire 2012-2013

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Toute ma gratitude se tourne en premier lieu vers mes professeurs, Messieurs Christian Scapel et Pierre Bonassies, ainsi qu’à l’ensemble de l’équipe pédagogique pour leur disponibilité et la qualité de leur

enseignement.

Je tiens à remercier Marjorie Vial pour son aide et sa bonne humeur. Une pensée également à mes parents pour leur soutien tout au long de la rédaction de ce mémoire et à ma camarade Elise Epaud pour ses précieux conseils.

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TABLE DES ABREVIATIONS

BIMCO Baltic and International Maritime Council

BT Bulletin des Transports

BTL Bulletin des Transports et de la logistique

CA Cour d’appel

Civ. Chambre civile de la Cour de cassation

CJUE Cour de justice de l’Union européenne

Com. Chambre commerciale de la Cour de cassation

DMF Droit maritime français

EVP Equivalent Vingt Pieds

J.-Cl. Juris-Classeur

JCP Semaine juridique

LGDJ Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence

Lloyd’s Rep. Lloyd’s Law Report

NVOCC Non Vessel Operating Common Carrier

Plén. Assemblée plénière de la Cour de Cassation

PUF Presse Universitaire de France

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SOMMAIRE

INTRODUCTION ... 1

PARTIE I – UNE JURISPRUDENCE CONSTANTE EU EGARD AUX RELATIONS CONTRACTUELLES DE L’OPERATION D’AFFRETEMENT D’ESPACES... 11

TITRE I – L’ADOPTION DU CONTRAT D’AFFRETEMENT D’ESPACES PAR LA PRATIQUE ... 11

Chapitre Préliminaire – Définitions et termes principaux ... 11

Chapitre I – La qualification du contrat d’affrètement d’espaces ... 12

Chapitre II – Le régime actuel de l’affrètement d’espaces ... 19

TITRE II – LA RELATION CONTRACTUELLE ENTRE L’AFFRETEUR D’ESPACES ET L’INTERET CARGAISON ... 28

Chapitre I – Présentation des parties ... 28

Chapitre II – Une relation contractuelle matérialisée par le « connaissement de marchandise » ... 30

PARTIE II – LA SINGULARITE DE LA RELATION ENTRE LE FRETEUR D’ESPACES ET L’INTERET CARGAISON MISE EN EXERGUE PAR LA JURISPRUDENCE ... 42

TITRE I – UNE ABSENCE DE LIEN CONTRACTUEL ENTRE LE FRETEUR ET L’INTERET CARGAISON ... 42

Chapitre I – L’affréteur d’espaces comme obstacle a une relation documentaire entre l’intérêt cargaison et le fréteur d’espaces... 43

Chapitre II – L’exclusion de tout lien documentaire mise en œuvre par la charte partie ... 48

TITRE II – LA NATURE DE L’ACTION DE L’INTERET CARGAISON ENVERS LE FRETEUR D’ESPACES ... 55

Chapitre I – L’affirmation de l’impossibilité d’une action en responsabilité contractuelle ... 55

Chapitre II – L’action en responsabilité délictuelle ... 60

(10)
(11)

1

INTRODUCTION

« Opération économique sur laquelle le droit imprime sa marque propre en ce qu’il organise de façon spécifique une relation économique triangulaire »1. Yves Tassel

1. L’affrètement est un domaine où la liberté contractuelle règne,

parallèlement aux formes classiques d’affrètement que sont l’affrètement coque-nue, à temps, et au voyage. D’autres contrats ont été imaginés par la pratique pour répondre aux besoins actuels du « shipping » ainsi qu’aux contraintes tant économiques que légales.

Ces contrats qualifiés d’ « hybrides » par certains auteurs2 se sont peu à peu imposés dans le monde du transport maritime, si bien qu’il est aujourd’hui difficile d’affirmer qu’il n’existe que 3 formes d’affrètement3.

C’est de cette évolution qu’est né le contrat d’affrètement d’espaces,

convention par laquelle un armateur4, met à disposition d’un affréteur

d’espaces une fraction de la capacité de chargement de son navire moyennant le paiement d’un fret.

Cet espace mis à disposition est matérialisé par un certain nombre

d’emplacements de conteneurs5 appelés « cellules » ou « slots » en anglais.

2. Ce contrat passé entre le fréteur d’espaces et l’affréteur d’espaces, induira

la conclusion par ce dernier, d’une seconde convention avec une tierce-personne qui viendra se « greffer » à l’opération économique qu’est l’affrètement d’espaces.

Ce second contrat sera conclu entre, d’une part l’affréteur d’espaces qui endossera soit la qualité de transporteur maritime soit de commissionnaire,

1

Préface Y. Tassel, B. Sabadie, L’affrètement d’espaces, PUAM, Coll. du Centre de Droit Maritime et des Transports, 2004.

2

C. Bernat, Contrats spéciaux du commerce maritime : les contrats proches de l’affrètement de navire, 25 mars 2010, http://cedricbernat.wordpress.com : http://cedricbernat.wordpress.com/2010/03/25/contrats-speciaux-du-commerce-maritime-les-contrats-proches-de-laffretement-de-navire/

3

S. Azébazé, Les nouvelles techniques d’affrètement imaginées par les acteurs du monde maritime, Communication lors de la journée Ripert, 27 juin 2011.

4

Le fréteur d’espaces.

5

(12)

2

d’autre part le chargeur. On parlera alors de contrat de transport ou de commission.

3. Le contrat d’affrètement d’espaces régit uniquement la relation entre le

fréteur d’espaces et l’affréteur d’espaces, les deux conventions sont distinctes l’une de l’autre mais intimement liées. L’affrètement d’espaces permettra en fin de compte l’exécution du contrat que l’affréteur d’espaces aura conclu avec un tiers6.

4. Ainsi, l’affréteur d’espaces occupe une position centrale, entre le fréteur

d’espaces et le bénéficiaire final de l’opération de transport qu’est l’intérêt cargaison7.

Il aura deux qualités juridiques, affréteur d’espaces dans ses relations avec le fréteur d’espaces, et transporteur ou commissionnaire dans ses relations avec l’intérêt cargaison.

Et par conséquent, il répondra du fait du fréteur d’espaces à l’égard de l’intérêt cargaison et inversement, pouvant être considéré comme une sorte de « garde-fou ».

5. Cette originalité soulève des difficultés, ou du moins des « zones

d’ombre », quant aux relations entre les trois acteurs, à leurs responsabilités

et leurs obligations.

Entre les parties au contrat d’affrètement d’espaces, les règles de ce contrat s’appliqueront. Mais quelle sera la relation entretenue par le fréteur

d’espaces avec l’intérêt cargaison une fois qu’un connaissement de marchandise sera émis par l’affréteur d’espaces ?

Les stipulations du contrat d’affrètement peuvent-elles être opposées à l’intérêt cargaison ? Ou inversement, ce dernier peut-il les invoquer ?

L’affréteur d’espaces peut-il bénéficier des limitations de responsabilité de la Convention de Londres dans ses relations avec l’intérêt cargaison ?

Quelles sont les obligations contractuelles généralement prévues entre les parties au contrat d’affrètement d’espaces ?

6. Nous nous attacherons à apporter des réponses concrètes à ces

interrogations.

Cette étude sera centrée sur l’affrètement d’espaces dit « simple », par opposition aux accords d’affrètement d’espaces croisés. Nous nous

6

B. Sabadie, L’affrètement d’espaces, PUAM, Collection du Centre de Droit Maritime et des Transports, 2004.

7

(13)

3

référerons donc, à titre d’exemple lors de certains développements, au contrat type d’affrètement d’espaces simple, la « Slothire ». Elaborée par la

BIMCO8 en 1993, elle est essentiellement destinée, selon Hervé Tassy, aux

opérateurs ne participant pas à des échanges d’espaces9.

7. Avant de débuter, il est important de présenter l’affrètement d’espaces

dans son contexte aussi bien historique (I) qu’économique (II), et de nous attarder plus amplement sur l’affrètement d’espaces simple (III).

I – Un développement lie à la conteneurisation et à l’essor des lignes régulières

8. L’affrètement d’espaces a été créé pour répondre aux attentes du

transport de conteneurs sur des lignes régulières.

Depuis les premiers navires commerciaux jusqu’aux porte-conteneurs actuels

pouvant aller jusqu’à 18 000 EVP10, les avancées technologiques induisent les

progrès commerciaux, le sextant banalisa le commerce transocéanique au XVIIIe siècle, au XVIIIe siècle la navigation à vapeur sécurisa les échanges et les rendit moins dépendants des conditions météorologiques.

A chaque siècle son innovation, et le XXe siècle vit l’apparition du conteneur qui devint l’un des principaux facteurs de la mondialisation de l’économie.

9. Le conteneur fut inventé dans les années cinquante par Malcolm McLean.

Dix ans plus tard il était utilisé dans le monde entier, révolutionnant le transport de marchandises, et plus particulièrement le transport maritime. La course au gigantisme que se livrent les armateurs n’est que le témoignage de cette croissance fulgurante que connait le conteneur.

L’année 2013 a vu le monde du « shipping » accueillir les deux plus gros navires porte-conteneurs jamais construits, le CMA-CGM « Jules-Vernes »

(16 000 EVP) et le Maersk « Mc-Kinney-Møller » (18 000 EVP)11.

10. La révolution du conteneur engendra un changement structurel du

transport maritime et depuis les années 1990, on assiste à une spécialisation des navires.

8

The Baltic and International Maritime Council.

9

H. Tassy, « Affrètement d’espaces et garanties réelles », DMF, 2005.

10

Maersk « Mc-Kinney-Møller ».

11

http://www.wk-transport-logistique.fr : http://www.wk-transport-logistique.fr/actualites/detail/67052/maersk-line-procede-au-bapteme-de-son-premier-triple-e.html

(14)

4

Ainsi en 2011, les pétroliers représentaient 34% de la flotte mondiale, c’est la catégorie la plus représentée mais cette tendance est à la baisse. La catégorie des porte-conteneurs qui n’en représentait que 13,2% est en train de croitre à un rythme très élevé, que ce soit en nombre de navires ou en capacité de

transport12, 2013 devrait être marquée par la livraison d’un navire de 10 000

EVP tous les 8 jours13.

11. Les armateurs ont mis en place des services de lignes régulières,

apportant une relative stabilité aux échanges grâce à des rotations fixes des navires.

Le précurseur fut ce même Malcolm McLean. A la tête de l’armement américain Sea-Land Company, il fut le premier à lancer un système de ligne

transatlantique de conteneurs dans les années soixante14.

La première ligne régulière « tour du monde » fut mise en place en 1978 par l’armateur norvégien Container lignes.

Actuellement, la tendance dans l’exploitation de lignes régulières conteneurisées est à la création de « hubs ». Ces « places de transit » permettent aux armateurs d’organiser leurs lignes autrement. Ces « hubs » sont desservis par des « mother ships »15, alors que le pré et

post-acheminement est réalisé par des « feeders »16.

La ligne régulière est une industrie très compétitive nécessitant la mise à disposition de nombreux navires dont les coûts d’utilisation sont très élevés, cette concurrence eut pour conséquence la mise en circulation de nombreux porte-conteneurs.

Le choix actuel des armateurs est l’investissement sur des unités de grande taille et le secteur doit à présent faire face à une surcapacité de transport très importante17.

12. D’où une volonté des armements de rentabiliser l’utilisation de leurs

navires.

Ainsi, pour pallier aux inconvénients de la conteneurisation et du trafic de

12

P. Ortolan, « Pratiques maritimes », Cours de M2 Droit Maritime et des transports, 2012.

13 Source confidentielle. 14 http://www.lomag-man.org : http://www.lomag-man.org/animation/conteneurs/superstructures-legeantdesmers/conteneursmaritimes.pdf 15

Porte-conteneurs de grande capacité assurant le transport de conteneurs sur les principales lignes maritimes avec très peu d’escales.

16

Navire collecteur de petit tonnage ayant pour but la répartition, sur différents ports, d’une cargaison apportée dans un port principal par un mother ship, et inversement, la collecte de marchandises vers le port principal.

17

Les prévisions font état d’une amélioration de la surcapacité sur le marché du transport de conteneurs aux alentours de 2014.

(15)

5

ligne, notamment au coût des retours à vide de conteneurs sur certaines liaisons18 et aux investissements colossaux nécessaires à la création d’une ligne régulière, ces opérateurs se sont rassemblés.

II – Un souci de rentabilité

13. Comme le souligne Serge Azébazé, le transport maritime est soumis à de

nombreuses contraintes économiques et réglementaires.

C’est un environnement fortement concurrentiel, grandement influencé par les différentes variations économiques (fluctuations des taux de fret19, hausse du prix du baril de pétrole…) et rigoureusement encadré par une réglementation communautaire particulièrement stricte concernant le marché de la ligne régulière20.

De plus, « les contrats d’affrètement sont l’accessoire des ventes

internationales de marchandises ou de matière premières » 21, par

conséquent, la situation sur ces marchés et même les conflits internationaux auront une répercussion directe sur les contrats d’affrètement.

14. En effet, l’« effondrement du commerce mondial » et le contexte

géopolitique actuel s’est traduit par un ralentissement des échanges qui impacte fortement le « shipping ».

A titre d’exemple, un rapport du gouvernement fait état d’une baisse de 3% du trafic conteneurisé entre l’Asie et l’Europe entre janvier et avril 2012, conséquence directe des politiques d’austérité menées dans les pays

européens, dont l’un des effets fut la diminution de la demande de produits asiatiques22.

15. Pour faire face aux coûts d’exploitation toujours plus importants des

lignes maritimes23, les compagnies se sont rassemblées en consortiums dont

l’affrètement d’espaces croisé est un des instruments.

18

L. De Scheemaecker, « Les intermédiaires de transport », DMF, 2013, n°749.

19

Entre janvier et février 2012 le taux de fret a doublé, passant de 700$ à 1400$ par EVP.

20

S. Azébazé, Les nouvelles techniques d’affrètement imaginées par les acteurs du monde maritime, Communication lors de la journée Ripert, 27 juin 2011.

21

O. Cachard, « Les clauses de hardship dans les contrats maritimes : prévisions et imprévision », DMF, 2011, n°725.

22

www.developpement-durable.gouv.fr :

http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Publi_DGITM_Analyse_conjoncture_1_sem_2012_av_couverture.pdf

23

Source confidentielle : une flotte complète pour un service de 9 navires peut représenter un investissement de l’ordre de 1,5 milliard de dollars.

(16)

6 16. Même si notre étude est centrée sur l’affrètement d’espaces simple, il est

utile d’évoquer cette autre catégorie d’affrètement d’espaces, car elle a grandement participé à la « démocratisation » de ce contrat chez les acteurs du monde maritime.

L’affrètement d’espaces croisé est un accord entre deux compagnies maritimes, ou plus, par lequel elles conviennent de mettre à la disposition l’une de l’autre un nombre déterminé de « slots » sur des navires et des lignes déterminées24.

17. Quant aux consortiums, il en existe de différents types, ils peuvent être

définis comme une entente plus ou moins intégrée entre armateurs ayant pour but l’exploitation d’une ligne régulière en assurant sa rentabilité. L’élément fondamental de ces accords est « la mise en commun des moyens

essentiels à l’optimisation »25 de ces lignes.

L’accord d’affrètement d’espaces croisé est un rouage indispensable à ces groupements. En effet grâce à ces accords, les différents membres se partageront la capacité de transport de chaque navire d’une flotte qu’ils auront auparavant « mise en commun » selon des modalités différentes inhérentes à chaque catégorie de consortium.

Ainsi, malgré les contraintes actuelles, grâce à la mise en place de tels accords utilisant des contrats d’affrètements d’espaces croisé, qui permettent de partager les volumes transportés, les armements ont pu

« maintenir des taux de remplissage élevés »26 et mettre en place des lignes

plus performantes avec des rotations plus avantageuses pour les chargeurs27.

18. Dès 1997 on trouve des exemples d’ « accords de slots »28, comme le témoigne le contrat d’affrètement d’espaces croisé passé entre la Compagnie

Générale Maritime (CGM)29 et un armement américain30 « portant sur la

desserte de l’Amérique du Sud au départ de l’Amérique du Nord »31.

Aux termes de cet accord la CGM affrétait de l’espace sur les navires de son

24

Bulletin officiel des douanes, 10 juillet 2006, n°6676.

25 http://www.logistiqueconseil.org : http://www.logistiqueconseil.org/Articles/Transport-maritime/Organisation-flotte-maritime.htm 26 http//www.developpement-durable.gouv.fr : http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Publi_DGITM_Analyse_conjoncture_1_sem_2012_av_couverture.pdf 27

A titre d’exemple, ligne CMA-CGM « PAD Service » : cgm.fr : http://www.cma-cgm.fr/eBusiness/Schedules/LineServices/ServiceSheet.aspx?ServiceCode=RTWPAN

28

Terme utilisé par la pratique française pour qualifier un contrat d’affrètement d’espaces.

29

La fusion avec la CMA eu lieu en 1999.

30

Transrol.

31

(17)

7

cocontractant et de ses partenaires et fournissait en contrepartie un navire ainsi que des emplacements de « slots » sur un navire d’une société filiale.

19. Si l’on se fie à l’actualité, ces accords ne sont pas prêts de disparaitre. En

témoigne le lancement prévu pour 2014 d’une « alliance opérationnelle » baptisée « Réseau P3 » qui regroupera Maersk Line, Msc Mediterranean Shipping et la CMA CGM. Elle concernera les liaisons « est-ouest ». Des

accords d’affrètement d’espaces croisés étant prévus entre les partenaires32.

Qui plus est, avec le futur aménagement de 6 ports en eaux profondes à l’horizon 2015 sur la côte ouest de l’Afrique, l’élargissement du Canal de Panama la même année, et la possibilité d’ouverture de nouvelles lignes maritimes au pôle nord à moyen terme, le trafic maritime conteneurisé et par là même, l’affrètement d’espaces, est appelé à se développer.

III – L’affrètement d’espaces simple

20. Cette autre catégorie d’affrètement d’espaces que nous tacherons de

dépeindre fait intervenir d’autres intervenants et constitue l’instrument d’un transport qui n’est plus uniquement maritime.

L’affrètement d’espaces simple ne sera pas mis en œuvre dans le cadre d’une coopération entre « compagnies de ligne » effectuant des échanges

d’espaces. Les acteurs en relation avec le fréteur d’espaces sont tout autres. Il pourra s’agir d’un transporteur maritime, d’un commissionnaire de

transport ou d’un NVOCC.

21. Le commissionnaire est un organisateur de transport agissant en son nom

propre pour le compte de son commettant. Il s’engage à organiser le

transport de bout en bout, en assumant la responsabilité de cette opération.

22. Le NVOCC quant à lui, est « l’adaptation internationale de la notion française de commissionnaire de transport ». Comme le commissionnaire, il

n’exécute pas lui-même le transport, mais il « vend du transport maritime à

ses clients » 33.

23. L’affrètement d’espaces simple se développe parallèlement à l’essor du

transport multimodal, historiquement qualifié de « transport mixte » par le

32

Communiqué de presse CMA CGM, « Alliance opérationnelle entre CMA CGM, Maersk Line et MSC », 18 juin 2013 – Dans le même sens : www.maerskline.com : http://www.maerskline.com/globalfile/?path=/pdf/advisories/13/20130618a

33

(18)

8

Professeur René Rodière. Ce terme désigne un transport de marchandises utilisant au moins deux modes de transport différents « sur la base d’un

contrat unique constaté par un document unique »34. Ce transport sera effectué de bout en bout sous la responsabilité d’un opérateur unique. Bien que particulièrement lié à ce type de transport, l’ensemble des contrats d’affrètement d’espaces simple ne concernent pas uniquement le transport multimodal, bien au contraire.

24. Ainsi, cette catégorie d’affrètement d’espaces peut être vue comme la

réservation d’espaces sur un navire par un affréteur d’espaces dans l’objectif d’exécuter les futurs contrats qu’il conclura avec des chargeurs.

IV – Des relations bien établies

25. Cette nouvelle pratique « s’éloignant de la conception traditionnelle du contrat d’affrètement »35 fit l’objet d’une première « vague »

jurisprudentielle au début des années 2000. Les juges étaient alors amenés à qualifier les différentes relations contractuelles mises en œuvre lors de l’opération d’affrètement d’espaces, ainsi qu’à déterminer les régimes de responsabilités susceptibles de s’appliquer à ces différentes relations juridiques.

La matière étant récente pour l’époque, ces questions ont fait l’objet de vifs débats doctrinaux. La jurisprudence appuyée par la doctrine, est parvenue à dessiner les contours de l’affrètement d’espaces, malgré le fait que ce domaine soit bercé par la liberté contractuelle et que le contentieux soit le plus souvent réglé par le recours à l’arbitrage, d’où une relative « rareté » des décisions.

26. Aujourd’hui ce type d’affrètement s’est « démocratisé », la plupart des

navires porte-conteneurs et des lignes régulières sont exploités grâce à

l’utilisation de cette figure contractuelle qui est devenue incontournable dans le transport conteneurisé.

27. Ainsi, pour le vingtième anniversaire de la mise en place de la

Charte-partie type « Slothire » de la BIMCO, une dizaine d’années après les

premières décisions et articles doctrinaux essayant de cerner ce contrat aux

34

P. Bonassies et C. Scapel, Traité de droit maritime, LGDJ, Traités, 2°éd., 2010, p.829, n°1200.

35

S. Azébazé, Les nouvelles techniques d’affrètement imaginées par les acteurs du monde maritime, Communication lors de la journée Ripert, 27 juin 2011.

(19)

9

rouages complexes jusqu’alors méconnus, il parait nécessaire de faire un point sur l’état actuel de l’affrètement d’espaces.

Le contrat d’affrètement d’espaces ayant été instauré pour répondre aux changements structuraux connus par les praticiens et s’adapter aux contraintes et exigences imposées par le transport maritime moderne, la question se posait de savoir si du fait des évolutions techniques et

économiques, la matière avait évolué, dégageant de nouvelles obligations à la charge des parties, créant de nouvelles relations, ou au contraire s’était renforcée pour donner à ce contrat une certaine stabilité auprès des opérateurs maritimes.

28. Par conséquent, nous nous attacherons au cours de cette étude à

constater l’évolution de l’affrètement d’espaces à travers le prisme des relations liant les différents acteurs.

29. Les premiers débats doctrinaux propres à toute nouveauté36 avaient dégagé les bases de l’affrètement d’espaces en se référant, que ce soit pour la qualification des relations entretenues par les parties ou pour les régimes de responsabilité, aux autres types d’affrètements existants, méthode somme toute logique, mais serait-elle suivie par la pratique ?

30. Nous essayerons donc de mettre une pierre à l’édifice de la clarification

de ce contrat et des relations qui en découlent, de déceler les évolutions ou les consolidations apportées à cette matière depuis ses « premiers pas » devant les tribunaux et sous la plume des commentateurs.

Ces développements nous amèneront à démontrer l’assise prise par ce contrat dans le monde du transport maritime ; ayant gagné en clarté il a gagné en stabilité juridique. Les relations entre les différents acteurs sont bien établies et confirmées par les tribunaux, faisant aujourd’hui de l’affrètement d’espaces un mécanisme incontournable, que ce soit sous la forme d’un affrètement d’espaces croisé ou d’affrètement d’espaces simple.

31. Dès lors, plusieurs relations sont à étudier. Bien que le contrat

d’affrètement d’espaces ne concerne que les rapports entre le fréteur

d’espaces et son cocontractant, l’affréteur d’espaces, la finalité économique, pour ce dernier, est la réalisation du contrat qu’il passera avec un troisième intervenant, l’intérêt cargaison.

36

(20)

10

Nous sommes donc, selon l’expression du Professeur Yves Tassel, en

présence d’une « relation triangulaire » dont la position centrale est occupée par l’affréteur d’espaces qui sera en relation contractuelle avec les deux autres acteurs de l’opération, assumant ainsi différentes qualités et responsabilités en fonction de son cocontractant et du contrat en cause (Partie I).

Pour éviter toute réclamation de nature contractuelle de la part de l’intérêt cargaison à son encontre en cas de dommage à la marchandise, le fréteur d’espaces met en place un cloisonnement des contrats en insérant des

clauses spécifiques dans la charte partie. Ce mécanisme lui permet d'éliminer toute possibilité de lien avec l’intérêt cargaison qui est certes partie au

contrat de transport, mais tiers au contrat d'affrètement d'espace. L’intérêt cargaison n’aura donc pas la possibilité de mettre en jeu la responsabilité contractuelle de l’affréteur d’espaces, seule la voie délictuelle lui sera ouverte (Partie II).

(21)

11

PARTIE I – UNE JURISPRUDENCE CONSTANTE EU

EGARD AUX RELATIONS CONTRACTUELLES DE

L’OPERATION D’AFFRETEMENT D’ESPACES

Comme exposé précédemment, l’affrètement d’espaces est une opération liant un fréteur et un affrèteur d’espaces, coopération matérialisée par une charte partie.

La finalité économique de ce contrat est le déplacement d’une marchandise. Une troisième partie est également intéressée par cette opération, il s’agit de l’intérêt cargaison.

Dans un premier temps nous nous intéresserons à la relation « principale », celle entre le fréteur et l’affréteur d’espaces (Titre I), pour enfin aborder celle liant l’affréteur d’espaces à l’intérêt cargaison (Titre II).

TITRE I – L’ADOPTION DU CONTRAT D’AFFRETEMENT

D’ESPACES PAR LA PRATIQUE

La mise en place de ce contrat donna lieu à de vifs débats quant à sa qualification, considéré comme une catégorie d’affrètement au voyage (Chapitre I), il fut adapté à la pratique pour répondre aux exigences actuelles du transport de lignes régulières (Chapitre II).

Chapitre Préliminaire – Définitions et termes principaux

32. Affrètement d’espaces. L’affrètement d’espaces est un contrat

relativement récent inventé par la pratique pour des besoins de rentabilité. Selon la jurisprudence et la doctrine, il s’agit pour un armateur de mettre à disposition d’un affrèteur, en contrepartie du paiement d’un fret, une partie de son navire. Pouvant ainsi être comparé à la « location d’une partie de la

capacité de transport du navire »37.

Ce contrat lie donc deux opérateurs maritimes que sont le fréteur et l’affréteur d’espaces, il donc est pertinent de définir le rôle de ces deux acteurs avant de nous attarder sur leurs obligations respectives (Chapitre III).

37

(22)

12 33. Le fréteur d’espaces. Le fréteur d’espaces sera généralement un

armateur exploitant son navire en ligne régulière.

Ainsi, le fréteur d’espaces exécutera le transport, il déplacera le navire et ne sera pas dépossédé de sa gestion nautique et commerciale.

34. L’affréteur d’espaces. Son cocontractant est l’affréteur d’espaces,

plusieurs opérateurs de transport maritime peuvent revêtir cette qualification.

Il pourra s’agir d’un NVOCC réservant de l’espace sur un navire pour y charger ses conteneurs, d’un commissionnaire de transport, d’un

entrepreneur de transport multimodal, ou d’un armateur qu’il soit partie à un consortium de ligne régulière le liant à d’autres « affréteurs-fréteurs » ou ayant simplement conclu un contrat portant sur un nombre de voyages déterminés.

Chapitre I – La qualification du contrat d’affrètement

d’espaces

La caractérisation de l’accord liant les parties fit l’objet d’un réel contentieux et donna lieu aux premières décisions concernant cette matière.

L’objet du débat initial était de savoir si le contrat était un contrat de transport ou un affrètement (Section I).

Cette question est d’une grande importance car de cette qualification

découle l’application de régimes juridiques fondamentalement différents, en l’occurrence celui de l’affrètement ou celui du contrat de transport.

35. Une différence de régime applicable suivant la qualification choisie.

En effet, l’armateur ne prend pas les mêmes engagements en concluant un contrat de transport ou un contrat d’affrètement.

Dans le premier cas il s’engage à acheminer une marchandise d’un point à un autre, une obligation de résultat pesant sur lui.

Tandis que, dans le contrat d’affrètement, il s’engage à fournir un moyen de transport et il n’aura ici qu’une obligation de moyen.

(23)

13

Section I – Les prémices de la qualification du contrat d’affrètement

d’espaces

36. L’arrêt « Stena Transport et Mercandia ». Dans notre entreprise de

constatation des évolutions jurisprudentielles et doctrinales, il est important

de partir du point de départ : la décision « Stena Transport et Mercandia »38.

Il ressort de cet arrêt, selon la formule de M. Y. Tassel, que « la responsabilité

du fréteur d’espaces (à l’encontre de l’affréteur d’espaces) se mesure à l’aune du droit de l’affrètement au voyage et non à celui du transport sous

connaissement »39.

Ainsi en 2002, les juridictions françaises firent le choix judicieux de placer le contrat d’affrètement d’espaces dans la catégorie des affrètements, une

catégorie empreinte de liberté contractuelle40, par opposition au contrat de

transport qui est lui, un contrat d’adhésion.

37. Un contrat portant sur le navire. Même s’il est évident que l’opération

économique visée, que le but recherché lors de la conclusion, que ce soit d’un contrat de transport ou d’affrètement d’espaces, n’est autre que le transport d’une marchandise d’un point à un autre par le biais d’un navire, la doctrine s’est accordée sur le fait que le contrat de transport portait sur la marchandise alors que le contrat d’affrètement portait sur le navire.

Ainsi, reprenant la réflexion de Mme Rémond-Gouilloud, le contrat

d’affrètement « porte sur un contenant, un volume destiné à recevoir des

marchandises à transporter », alors que le contrat de transport « porte sur un contenu, les marchandises »41.

Le contrat entrant alors dans la catégorie de l’affrètement, il fallait

déterminer s’il pouvait être rapproché d’une des trois catégories classiques d’affrètement42 (Section II).

38

Cass. com., 10 décembre 2002, n°00-22.347.

39

Y. Tassel, « Retour sur l’affrètement d’espaces », DMF, Avril 2003, n°636.

40

Les opérateurs étant ici considérés comme ayant le même poids économique, pouvant ainsi négocier librement, d’égal à égal, une partie ne pouvant théoriquement rien imposer à l’autre.

41

M. Rémond-Gouilloud, Droit maritime, Coll. Etudes fondamentales, 2° éd., 1993, p.243, n°461. 42

(24)

14

Section II – Une catégorie d’affrètement au voyage

38. L’affrètement. A titre de rappel, l’affrètement est défini par l’article

L5423-1 du Code des transports43 qui dispose que « par le contrat

d'affrètement, le fréteur s'engage, moyennant rémunération, à mettre un navire à la disposition d'un affréteur. Les dispositions du présent chapitre sont supplétives de la volonté des parties ».

Cet article fait ressortir le principe de liberté contractuelle, ainsi, pour

reprendre la formule de M. Tassel, « les obligations sont à rechercher dans les

contrats conclus »44.

Néanmoins nous pouvons déjà distinguer les obligations principales de chaque partie, à savoir, l’obligation pour le fréteur de mettre un navire à disposition et celle de l’affréteur de payer le fret.

39. L’affrètement au voyage. La jurisprudence et la doctrine ont alors

cherché à quel type d’affrètement rattacher ce contrat.

En toute logique le lien a été fait avec l’affrètement au voyage qui est défini comme le contrat par lequel « le fréteur met à la disposition de l'affréteur, en

tout ou en partie, un navire en vue d'accomplir un ou plusieurs voyages »45. Il ne fait donc pas de doute que la situation découlant du contrat

d’affrètement d’espaces entre bien dans la définition de l’affrètement au voyage, la prestation de service, objet du contrat, étant la mise à disposition à l’affréteur d’une partie du navire.

Dans de nombreuses décisions46, la jurisprudence fit sienne cette thèse.

Nous pouvons à ce sujet relever l’argumentation retenue par les arbitres de

la Chambre arbitrale maritime de Paris47 qui ne laisse plus aucun doute

quant à la qualification retenue par les praticiens quant à ce contrat :

« Le contrat conclu entre la société X et la société Y, intitulé par elles « accord

de vente de cellules » n’est pas un contrat de transport maritime […].

Il ne s’agit pas d’avantage d’un contrat d’affrètement à temps ou au voyage, mais d’un affrètement d’espaces, c’est-à-dire d’un contrat conclu entre

43

Article 1er de la loi du 18 juin 1966. 44

Y. Tassel, « Retour sur l’affrètement d’espaces », DMF, Avril 2003, n°636.

45

Article L5423-13 du Code des transports.

46

CA Rouen, 2e ch. civ., 10 octobre 2002, n°00/02414 - CA Rouen, 2e ch. civ., 18 avril 2002, n°00/02494. 47

(25)

15

armateurs en vue de s’assurer une capacité de transport ; un tel contrat n’obéit à aucune règlementation particulière si ce n’est celle fixée par les parties elles-mêmes ».

Depuis le début des années 2000, aucune décision importante n’était jusqu’à présent, venue confirmer l’arrêt « Stena Transport et Mercandia »,

concernant la qualification du contrat d’affrètement d’espaces. Ces accords étant le fruit de la pratique, organisant des relations

économiques entre les parties, et étant très proches du contrat de transport, il était nécessaire de se pencher sur son évolution.

Ainsi, trois décisions peuvent être relevées (Section III).

Section III – Un consensus international entourant cette qualification

L’affrètement d’espaces étant par essence, international. Il est indispensable, après avoir étudié la jurisprudence actuelle des tribunaux français (I), de s’interroger sur la position des juridictions étrangères (II).

I – La confirmation des tribunaux français

40. L’affaire du « Trad Swan ». Il est intéressant de se pencher sur l’affaire

dite du « Trade Swan » dont une décision de la Cour d’appel de Paris en date

du 26 septembre 201248 à probablement mis fin à plus de 12 ans de

procédure, et dans l’intérêt de nôtre sujet, entériné la qualification du contrat d’affrètement d’espaces.

Le navire « Trade Swan » assurait une ligne régulière vers l’Afrique de l’Ouest. La société « Bocs », en tant qu’armateur, s’était engagée à mettre à

disposition de la société « Sucrimex » une partie du navire pour l’enlèvement de deux lots de sucre au port de Rouen « sur une base « Free in cop quai fournisseur / liner out » »49.

Suivant les instructions de l’affrèteur le navire s’était présenté une première fois le 29 septembre 2000 mais le quai de chargement n’étant pas disponible jusqu’à la semaine suivante (7 octobre), l’armateur fit appareiller le navire

48

CA Paris, 4e ch., 26 septembre 2012, n°10/18276.

49

(26)

16

pour aller charger à Anvers, avertissant la société « Sucrimex » qu’il se représenterait à la date prévue de libération du quai.

Le 4 octobre, l’armateur apprenant que le quai était occupé par un autre navire et que le chargement ne pourrait débuter que le 10 octobre, exigea de l’affréteur une garantie de début de chargement le 10 ou le 11 octobre. Le 8 octobre, la société « Bocs » informée par la société « Sucrimex » qu’il ne

pouvait lui être fourni « de prévisions de chargement avant le 10 octobre »50,

fit appareiller le navire sans charger la cargaison.

41. Liberté contractuelle. Dans les négociations entre les parties, aucune

charte-partie n’avait été formalisée. Toutes les clauses de l’accord étaient contenues dans un échange de mails.

La question se posa alors au juge de savoir quelle valeur donner à ces correspondances.

S’appuyant sur la jurisprudence « Stena Transport et Mercandia »51

considérant que le contrat d’affrètement d’espaces entrait dans la catégorie des contrats d’affrètement, la Cour d’appel en déduisit que les parties jouissaient d’une totale liberté contractuelle quant à la forme que devait prendre cet accord.

42. Application des dispositions du décret sur les contrats d'affrètement et de transport maritimes52. Fort de ce rappel, la Cour fit application de l’article

5 du décret du 31 décembre 1966, ce dernier énonçant les éléments d’une charte-partie au voyage. Elle estima alors que « bien qu’aucune charte-partie

n’ait été formellement conclue entre les parties, toutes les mentions requises par les dispositions de l’article 5 du décret n° 66-1078 du 31 décembre 1966 y figurent ».

Cette décision confirme donc la jurisprudence antérieure, le contrat d’affrètement d’espaces est bien une sous-catégorie du contrat

d’affrètement au voyage, les textes régissant cette matière étant appliqués par les juridictions françaises aux contrats d’affrètement d’espaces.

Et M. François Arradon53 de rajouter à propos de cette affaire : « le fait de le

50

F. Arrandon, « Ultime revirement dans l’affaire Trade Swan relative à la portée de la mention « Cop quai fournisseur » d’un contrat d’affrètement maritime », DMF, 2013, n°743.

51

Cass. com., 10 décembre 2002, n°00-22.347.

52

Décret n°66-1078 du 31 décembre 1966 sur les contrats d'affrètement et de transport maritimes.

53

(27)

17

qualifier de contrat d’affrètement partiel d’espaces ne change en rien la nature de ce contrat d’affrètement ».

II – Une position partagée au niveau international

Le point étant fait sur la jurisprudence française, il est naturel de rechercher si sur le plan international des décisions sont venues confirmer cette position, ce qui permettrait à ce contrat de gagner en clarté, au bénéfice de l’ensemble des acteurs l’utilisant, sa mise en œuvre ayant par essence un caractère international.

43. Point de vue de la Common Law. La « High court of judicature » de

Bombay54 fut récemment amenée à qualifier cette convention. Les faits ne

nous concernant guère, ils ne seront pas détaillés.

Par contre, se posait la question de savoir si les contrats d’affrètement d’espaces conclus par une société britannique du nom de « Balaji Shipping

Limited » étaient assujétis à un impôt mis en place par une convention fiscale

bilatérale entre l’inde et le Royaume-Uni.

Pour arriver à sa conclusion, la Haute Cour fit siennes les observations du Juge Clarke dans l’affaire « Tychy »55 dans laquelle il estimait qu’il n’y avait

pas de distinction de principe entre une charte d’affrètement d’espaces et une charte d’affrètement au voyage d’une partie du navire, la première étant simplement un exemple d’affrètement au voyage d’une partie du navire.

44. Affaire « Navicon SA c. Administracion del Estado »56. Cette seconde

affaire a aussi attrait à la fiscalité.

La Cour de Justice de l’Union Européenne devait répondre à la question de savoir si l’article 15 de la directive TVA 77/388 exonérant de TVA

« l’affrètement de navires affectés à la navigation en haute mer […] »57 ne s’appliquait qu’en cas d’affrètement total du navire, ce que soutenait

l’administration fiscale espagnole, ou si l’affrètement d’espaces entrait dans cette définition.

La Cour suivit les conclusions de l’Avocat général58 et considéra donc que « le

terme affrètement doit être interprété en ce sens qu’il vise non seulement

54

High court of judicature at Bombay ordinary original civil jurisdiction, income tax appeal no.3024 of 2009 with income tax appeal no.3215 of 2009, 6 august 2012.

55

UK case law (1999) 2 Lloyd’s Rep 21.

56

CJUE, 18 octobre 2007, C-97/06, « Navicon SA c. Administracion del Estado ».

57

Actuel article 148 de la directive TVA 2006/112.

58

(28)

18

l’affrètement de la totalité de l’espace du bateau (affrètement total), mais aussi l’affrètement d’une partie ou d’un pourcentage de l’espace du bateau (affrètement partiel) ».

45. Etat des lieux. A l’ occasion de cette décision, l’avocat général précisa que

le Gouvernement belge adoptait la même interprétation que la Commission des communautés européennes, considérant que « la notion d’affrètement

visait tant l’affrètement partiel que total ».

Par ailleurs, il ajouta que les Gouvernements grecs et espagnols avaient la même analyse de cette notion.

Il est vrai que ces décisions concernent chacune un contexte particulier, mais il indéniable que cette qualification d’affrètement d’espaces, floue il y a quelques années, sort progressivement de l’ombre.

Les contours de ce contrat se sont clarifiés. Ainsi, mis à part quelques Etats sur certains points (les questions fiscales sont assez sensibles car ayant attrait à la souveraineté étatique), la qualification du contrat d’affrètement

d’espaces comme sous-catégorie d’affrètement au voyage est bien établie au niveau mondial59.

46. Affrètement ponctuels et affrètements structurels. Cette qualification

semble faire l’unanimité chez les acteurs du monde maritime, néanmoins il est intéressant d’exposer la thèse de M. Azébazé60.

Selon cet auteur, il serait utile de distinguer les affrètements ponctuels d’espaces qui s’apparentent à l’affrètement au voyage, et les affrètements structurels d’espaces, se rapprochant eux, du contrat d’affrètement à temps. L’affrètement ponctuel d’espaces se caractérisant par la mise à disposition par un armateur d’une partie de la capacité de son navire pour un voyage déterminé.

Alors que l’affrètement structurel d’espaces s’entend de « l’exploitation

commerciale par un armateur-affrèteur de l’espace mis à sa disposition pour un temps défini contractuellement ».

Ainsi il apparait que cette qualification, bien que d’une certaine manière stabilisée, est peut être appelée à évoluer au gré de l’imagination et de l’ingéniosité des acteurs du monde maritime.

59

Voir aussi : Queen’s Bench Division, 05 November 2008, « The MSC Napoli ».

60

S. Azébazé, Les nouvelles techniques d’affrètement imaginées par les acteurs du monde maritime, Communication lors de la journée Ripert, 27 juin 2011

(29)

19

Chapitre II – Le régime actuel de l’affrètement d’espaces

Après avoir constaté la consolidation de la nature de l’affrètement d’espaces, nous nous attacherons à déceler les évolutions ou confirmations apportées à son régime. Dans un premier temps nous analyserons ses clauses

caractéristiques en tant que sous-catégorie d’affrètement au voyage (Section I), pour ensuite nous attarder sur celles dégagées par la pratique (Section II).

47. Liberté contractuelle. Avant d’aborder les relations entre ces deux

parties, il est nécessaire de préciser que le fréteur d’espaces et l’affréteur d’espaces ne sont liés que par le contrat d’affrètement61, la charte-partie. Cet accord est régi par la liberté contractuelle, les règles de l’affrètement sont supplétives de la volonté des parties62, ainsi, selon la célèbre expression de M. Tassel, « les obligations sont à rechercher dans les contrats conclus ». Partant de ce postulat, nous nous placerons dans le cadre d’un accord

d’affrètement d’espaces simple, et rapprocherons les différents engagements des parties, des clauses de la charte-partie « Slothire »63.

Section I – Des clauses classiques héritées du contrat d’affrètement au

voyage

Dans un souci de clarté, cette section sera découpée en deux parties, la première traitera des obligations mises à la charge du fréteur d’espaces (I), et la seconde de celles pesant sur l’affréteur d’espaces (II).

I – Les obligations classiques du fréteur d’espaces

48. Application du décret sur les contrats d’affrètement et de transport maritimes. En tant que sous-catégorie d’affrètement au voyage et en

l’absence de stipulations particulières des parties, les règles de l’affrètement sont applicables (soit le décret n°66-1078 du 31 décembre 1966 sur les contrats d'affrètement et de transport maritimes).

L’article 6 de ce texte prévoit les obligations du fréteur dans le cadre d’un affrètement au voyage, et donc d’un affrètement d’espaces :

61

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 14 septembre 2011, n°10/01309.

62

Article 1er du Décret n°66-1078 du 31 décembre 1966 sur les contrats d'affrètement et de transport maritimes. 63

(30)

20

« Le fréteur s'oblige :

1° A présenter à la date et au lieu convenus et à maintenir pendant le voyage le navire désigné en bon état de navigabilité, armé et équipé convenablement pour accomplir les opérations prévues dans la charte-partie.

2° A faire toutes diligences qui dépendent de lui pour exécuter le ou les voyages prévus à la charte-partie. »

49. La présentation du navire. Le fréteur doit, pour accomplir son obligation

qui est la mise à disposition d’espaces de son navire à un affréteur d’espaces, présenter le navire conformément aux stipulations de la charte-partie.

Ce type d’accord s’opérant sur des lignes régulières, « la dénomination du

navire importe peu »64, les caractéristiques de cette ligne priment sur celle du navire.

50. La « Due diligence ». Le fréteur sera également tenu de procéder de

manière appropriée et soigneuse au voyage. Le point de départ de cette obligation étant l’arrimage.

Nous pouvons rapprocher cette « due diligence » de l’obligation de soin due par le transporteur maritime à la marchandise pendant toute la durée du voyage65.

51. Garantie réelle sur le navire. Selon l’article L5114-8 du Code des

transports « sont privilégiés sur le navire […] les indemnités pour pertes ou

avaries de cargaison ».

Le fréteur devra garantir l’affréteur d’espaces dans ces situations, la créance de responsabilité de l’affréteur étant privilégiée sur le navire.

Il est nécessaire de mentionner une décision de la Cour de Rouen en date du

15 novembre 200166, ce fut l’une des premières sur le sujet et cette

jurisprudence est toujours suivie en 2013.

Le fréteur ayant manqué à ses obligations de « mettre à la disposition de

l’affréteur un navire en état de navigabilité », et de « due diligence », la cour

condamna le fréteur à garantir l’affréteur d’espaces.

64

Y. Tassel et B. Sabadie, « Exploitation du navire », J.-Cl. Transport, 2005, Fasc.1225.

65

CA Rouen, 2e ch., 15 novembre 2001, n°99-04974. 66

(31)

21 52. Privilège sur la marchandise : affaire « Nobility »67. Sorte de contrepartie

à cette garantie de l’affréteur d’espaces, le fréteur dispose d’un privilège sur la marchandise mise à bord de son navire.

Ce privilège prévu dans le code des transports68 fut mis en exergue par un

arrêt de principe de la Cour de cassation en date du 20 mai 199769 posant la

règle, qui depuis lors ne fut jamais remise en question, selon laquelle « le

privilège s’exerce sur toutes les marchandises chargées à bord du navire affrété, qu’elles que soient la propriété de l’affréteur débiteur de fret ou d’une autre personne » ; « quel que soit le propriétaire de la marchandise grevée ». Ajoutant que « la sureté ne peut être exercée seulement dans la mesure où le propriétaire des marchandises est encore redevable de la somme due en exécution du contrat conclu pour leur déplacement ».

53. Cas exceptés. En sa qualité de fréteur, le fréteur d’espaces pouvait

prétendre au bénéfice des cas exceptés prévus à l’article 4 2., 4. et 6. des règles de La Haye-Visby.

Cela fut confirmé par une sentence de Chambre Arbitrale Maritime de Paris

en date du 10 janvier 200870 qui considéra que le fréteur d’espaces pouvait

se prévaloir des deux cas exceptés de responsabilité.

Néanmoins, il faut remarquer que ces règles avaient été déclarées

applicables par le contrat d’affrètement d’espaces, ainsi, selon la volonté des parties, elles pourraient être exclues et ces cas exceptés déclarés non

applicables, mais cela ne se rencontre jamais en pratique, les chartes-parties

renvoyant toujours à la Convention de Bruxelles du 25 août 192471.

II – Les obligations classiques de l’affrèteur d’espaces

La matière étant à la libre détermination des parties, il n’est possible de recenser que 3 clauses classiques du contrat d’affrètement d’espaces.

54. Le paiement du fret. Obligation cardinale de l’affréteur d’espaces. Son

mode de calcul est fixé contractuellement par les parties.

En cas d’accord de partage d’espaces de navire, les compagnies maritimes ne

67

Cass. com., 20 mai 1997, n°95-16.192 et n° 95-20.943.

68

Article L5423-3 du Code des transports : « Le fréteur a un privilège sur les marchandises pour le paiement de son fret. »

69

Cass. com., 20 mai 1997, n°95-16.192 et n° 95-20.943.

70

CAMP, 10 janvier 2008, sentence n°1150.

71

Convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement, modifiée par les Protocoles du 23 février 1968 et du 21 décembre 1979.

(32)

22

se paient pas mutuellement pour les cellules qu’elles partagent72 si elles se partagent un espace équivalent.

Le fret sera dû en totalité même si les espaces affrétés sont inutilisés (il sera alors qualifié de « deadfreight ») et ne pourra pas se voir ajouter de

suretstaries.

55. Présentation et déclaration de la marchandise. L’affréteur devra

présenter les marchandises au fréteur (au minimum 24 heures avant le chargement selon la Slothire73), et lui fournir tous les renseignements utiles sur celle-ci 74(poids, nature de la marchandise…).

Cette dernière obligation pouvant s’apparenter à « l’obligation de sincérité » pesant sur les chargeurs dans un contrat de transport maritime.

Le fréteur selon la Slothire, se réservera le droit d’accepter la marchandise à bord du navire75.

56. Garantie pour les préjudices causés par la marchandise. L’affréteur

d’espaces doit garantir le fréteur d’espaces pour tous les dommages que les

marchandises pourraient faire subir au navire ou aux autres marchandises76,

ainsi que pour toute réclamation ou condamnation77.

57. Une « base » commune aux chartes-parties d’affrètement d’espaces.

Malgré la liberté contractuelle dont disposent les parties, il faut souligner l’émergence d’un certain « squelette » de clauses dite classiques de l’affrètement au voyage qui se retrouve dans toutes les chartes-parties d’affrètement d’espaces.

Ainsi, au fil de nos recherches, il a pu être constaté un ancrage de ces clauses dans la pratique depuis plus d’une dizaine d’années.

Mises en place par les praticiens, reprises par les textes et confirmées par la jurisprudence, ces clauses constituent « la base » du contrat d’affrètement d’espaces.

72

Bulletin officiel des douanes, 10 juillet 2006, n°6676.

73 Clause 12 b). 74 Clause 12 a). 75 Clause 4 d) et e). 76 Clause 15 b) et Clause 16. 77 Clause 15 c).

(33)

23

Section II – Les clauses du contrat d’affrètement d’espaces dégagées

par les tribunaux

58. Un « vide » jurisprudentiel. Peu de décisions jurisprudentielles ont été

rendues, la majeure partie du contentieux est en effet traité par le recours à l'arbitrage.

Malgré ce « vide » relatif, quelques décisions ont ces dernières années, fait évoluer la matière.

Nous nous attacherons à déceler les nouvelles décisions, et à étudier l’évolution des plus anciennes.

Nous utiliserons la même distinction que dans la section précédente, à savoir, les clauses intéressant le fréteur (I) et celles concernant l’affréteur (II).

I – Les clauses intéressant le fréteur d’espaces

La jurisprudence et les opérateurs maritimes ont pu révéler trois clauses importantes.

59. Navigabilité du navire. Clause « Paramount ». Comme nous l’avons vu

précédemment, aux termes de l’article 6-1 du décret du 31 décembre 196678,

le fréteur s’engage « à présenter à la date et au lieu convenus et à maintenir

pendant le voyage le navire désigné en bon état de navigabilité, armé et équipé convenablement pour accomplir les opérations prévues dans la charte-partie ».

Cependant, sous l’impulsion de la BIMCO, une clause « Paramount » était systématiquement insérée dans tous les connaissements, et naturellement dans la Slothire79.

Qualifiée de « clause suprême » par le Professeur Christian Scapel80, elle se référait initialement à la Convention de Bruxelles de 1924 et contribua à l’extension de son champ d’application.

La Slothire comme tous les accords d’affrètement d’espaces, renvoie aux dispositions de cette convention, et comme le relève M. Tassel « le régime de

responsabilité du fréteur d’espaces envers l’affréteur d’espaces sera celui du contrat de transport maritime ».

78

Décret n°66-1078 du 31 décembre 1966 sur les contrats d'affrètement et de transport maritimes.

79

Clause 14 a).

80

(34)

24

En conséquence, le fréteur d’espaces ne sera tenu de mettre le navire en bon état de navigabilité uniquement au début du voyage.

La pratique généralisa cette clause, de sorte qu’à l’heure actuelle, cette dernière est devenue une clause usuelle du contrat d’affrètement d’espaces et se retrouve dans toutes les chartes-parties.

60. Fourniture de la puissance électrique81. Cette obligation vise les

conteneurs « reefers », le fréteur d’espaces doit fournir la puissance électrique nécessaire au fonctionnement de ces conteneurs réfrigérés pendant toute la durée du voyage.

Une obligation de soins est également prévue, ainsi, le fréteur d’espaces, devra maintenir ces conteneurs en bon état et en vérifier le branchement.

Cette double obligation fut révélée par les célèbres décisions « Carry Mar »82

et « Navire Guyane »83, les juges considérant que la non constatation du

branchement de ces conteneurs au réseau électrique constituait une violation de cette obligation de soins, décidèrent que la responsabilité du fréteur d’espaces était engagée.

Cette clause de fourniture d’électricité se retrouve aujourd’hui elle aussi dans quasiment toutes les chartes-parties négociées d’affrètement d’espaces, la jurisprudence ayant permis de préciser et d’étendre le champ de l’obligation de soins soutenant la fourniture d’électricité.

61. Affaire « Trade Swan ». Les faits ayant déjà été présentés84, nous ne reviendrons pas dessus.

Cette arrêt est d’une grande importance, il vient préciser la clause « COP quai

fournisseur ».

Il était ici question d’un affrètement d’espaces, non pas de conteneurs, mais

d’une partie d’un navire pour le chargement d’une cargaison de sucre85.

Cette clause se décompose en « deux contraintes », la première, « COP » prévoit que le chargement sera effectué « selon la coutume du port ». Dès lors, en cas de congestion du port l’attente sera à la charge de l’armateur (en l’espèce du fréteur d’espaces), et donc aucune surestarie ne sera payée. La seconde, « quai fournisseur », impose au fréteur de charger uniquement

81

Slothire clause 14 c).

82

CA Rouen, 2e ch. civ., 10 octobre 2002, n° 00/02414.

83

CA Rouen, 2e ch. civ., 18 avril 2002, n° 00/02494.

84

Supra n°40.

85

(35)

25

au quai désigné, et donc toujours en cas de congestion, il ne pourra pas exiger qu’un autre quai de chargement soit nommé.

De ce fait, les juges de la Cour d’appel considérèrent qu’en présence d’une telle clause, « il appartient au fréteur de connaitre les conditions nautiques

d’accès au port qu’il s’est engagé à desservir » pour accomplir son obligation

cardinale qu’est la mise à disposition d’une partie du navire à l’affréteur d’espaces.

Cette décision peut être transposée aux lignes régulières de transport conteneurisé. En effet, un fréteur d’espaces s’engageant à desservir un certain nombre de ports à des dates précises, il lui appartiendra de connaitre les conditions d’accès à ces ports et aux quais de chargement

contractuellement prévus.

II –Les clauses intéressant l’affréteur d’espaces

La liberté contractuelle se fait d’avantage sentir concernant les obligations de l’affréteur, elles sont la plupart du temps négociées et prévues entre les parties, ces dernières les aménageant suivant les situations. Toutefois deux points méritent d’être traités.

62. Les opérations de chargement et de déchargement. La charge de ces

opérations a suivi la pratique : initialement assumées par le fréteur, elles incombent aujourd’hui à l’affréteur.

Selon l’article 9 du décret du 31 décembre 196686 « l'affréteur doit charger et

décharger la marchandise. Il y procède dans les délais alloués par la charte-partie ».

Il serait plus juste de dire que l’affréteur est « tenu juridiquement » de charger, décharger et arrimer les marchandises, car en pratique, le fréteur d’espace exploitant une ligne régulière sera en relation avec un seul

entrepreneur de manutention et agira dans ce cas-là comme mandataire de l’affréteur d’espaces qui sera responsable de ces opérations.

L’affréteur d’espaces sera donc créancier de l’entrepreneur de manutention, il devra alors comme nous l’avons vu précédemment, garantir le fréteur pour les dommages causés au navire ou aux autres marchandises pendant les

86

(36)

26

opérations de manutention.

« Sa responsabilité envers le fréteur d'espaces est cependant limitée à hauteur des sommes qu'il recouvre auprès de l'entrepreneur de

manutention »87.

Une décision d’espèce de la Cour d’appel de Lyon en date du 17 février

201288 confirme que dans la pratique, les chartes-parties d’affrètement

d’espaces mettent ces opérations à la charge de l’affréteur d’espaces.

Il ressort des documents présentés à la Cour qu’aux termes des deux chartes-parties régissant les relations entre les chartes-parties « l'affréteur est responsable de

la manutention, du chargement, du déchargement et de la livraison de la marchandise ; la seule obligation du fréteur est de mettre à disposition un espace à bord ».

Ce mécanisme est ancré dans la pratique depuis les débuts de l’affrètement d’espaces, la jurisprudence l’ayant confirmé, nous éclairant même sur la notion d’arrimage qui selon les juges comprend le branchement des

conteneurs reefers89, décision reprise depuis par les tribunaux. Certains

auteurs considérant cette action comme relevant de l’arrimage commercial90,

qui est, par essence, à la charge de l’affréteur.

63. La charge de la preuve. Au début des années 2000, la Cour de cassation

dans l’affaire « Stena Transport et Mercandia »91 avait considéré que

« l’article 6 de la loi du 18 juin 1966 faisait peser sur le fréteur d’espace d’un navire une présomption de responsabilité ».

Malgré la clarté de l’énoncé, les opérateurs maritimes n’ont pas suivi cette décision, si bien que depuis, la charge de la preuve a été renversé.

A présent, dans la plupart des chartes-parties d’affrètement d’espace92 (et

même au voyage), l’affrèteur devra prouver la faute du fréteur ou un manquement à son obligation de diligence.

La pratique n’a donc pas tenue compte de la position des juges, les chartes étant de ce point de vue, plus favorables aux fréteurs.

87

E. Bily, L’arrimage des conteneurs, Mémoire CDMT, 2006/2007.

88

CA Lyon, 3e ch., 17 février 2012, n°10/03193.

89

CA Rouen, 2e ch. civ., 10 octobre 2002, n° 00/02414.

90

Y. Tassel, « Qui, du fréteur ou de l’affréteur, doit raccorder le conteneur réfrigéré au réseau d’alimentation électrique du navire ? », DMF, 2003, n°634.

91

Cass. com., 10 décembre 2002, n°00-22.347.

92

(37)

27 64. Renonciation à recours. Dans le cadre d’affrètements croisés d’espaces,

des clauses de renonciations à recours sont toujours prévues dans le but de réduire les coûts d’assurance.

Cette technique de coopération comme le fait remarquer Yves Tassel

« débouche sur quelques incertitudes juridiques ».

Par exemple, un affréteur d’espaces ayant une créance envers le fréteur d’espaces pour des pertes de marchandises (créance privilégiée), ne mettra pas en œuvre son privilège en saisissant le navire.

Ce sera aussi le cas pour un affrètement d’espaces simple car le navire bénéficie à l’affréteur d’espaces en ce sens qu’il lui permet d’exécuter le contrat qu’il a conclu avec l’intérêt cargaison.

Il aura toujours la possibilité de saisir un autre navire appartenant à son débiteur mais en pratique le fréteur d’espaces n’en sera que rarement propriétaire93.

65. Conclusion. Le contrat d’affrètement d’espaces a gagné depuis une

dizaine d’années en visibilité et en clarté. Malgré la liberté contractuelle régissant la matière et créant quelques « incertitudes juridiques », la plupart des chartes-parties reprennent la même « base » constituée par un certain nombre de clauses types acceptées par la pratique et consacrées par la jurisprudence.

La matière n’est pas figée, elle évolue au gré des confirmations et des évolutions jurisprudentielles.

93

(38)

28

TITRE II – LA RELATION CONTRACTUELLE ENTRE

L’AFFRETEUR D’ESPACES ET L’INTERET CARGAISON

66. Position centrale de l’affrèteur d’espaces. Nous entrons ici dans le « bloc contractuel » selon l’expression du Professeur Philippe Delebecque.

L’affréteur occupe une position centrale dans l’opération d’affrètement d’espaces, faisant le lien entre le fréteur d’espaces et la troisième personne intéressée par l’opération, l’intérêt cargaison (Chapitre I), leur relation étant

matérialisée par un « connaissement de marchandise »94 (Chapitre II).

Chapitre I – Présentation des parties

67. Intérêts cargaison. L’intérêt cargaison est ici entendu comme le

destinataire ou le chargeur, bénéficiaire final de l’opération de transport.

68. Affréteur d’espaces. L’affréteur d’espaces peut être un transporteur

maritime, un commissionnaire de transport, ou un NVOCC.

Suivant une décision de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence en date du 19 janvier 200195 « l’affréteur n’a aucun pouvoir de gestion sur le navire ; il

collecte les marchandises, groupe les conteneurs, veille à ce que le transport soit effectué et que la marchandise parvienne à destination ; il ne transporte pas la marchandise ».

69. Transporter ou organiser le transport. La différence essentielle entre un

transporteur et un commissionnaire de transport est simple.

Le transporteur s’engage à transporter une marchandise d’un point à un autre, alors que le commissionnaire (ou NVOCC) s’engagera à organiser le transport d’un bout à l’autre.

70. Commissionnaire. Le Code de commerce n’évoque pas précisément le

commissionnaire de transport mais se contente de définir le commissionnaire en général comme celui qui « agit en son propre nom […] pour le compte de

son promettant »96.

Depuis l’ordonnance de 2010 codifiant le Code des transports, cette définition se retrouve à l’article L1411-1.

94

Terme dégagé par M. Bertrand Sabadie, désignant le connaissement émis par un affréteur d’espaces.

95

CA Aix-en-Provence, 19 janvier 2001, n°96-23820 et 97-18884, DMF 2001, p. 820, obs. A. Vialard.

96

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