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"G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W." : panorama foisonnant

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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© Jean-Philippe Maheux, 2018

"G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.

W.": panorama foisonnant

Mémoire

Jean-Philippe Maheux

Maîtrise en arts visuels - avec mémoire

Maître ès arts (M.A.)

(2)

« G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. » :

panorama foisonnant

Mémoire

Jean-Philippe Maheux

Sous la direction de :

David Naylor

(3)

Résumé

Ce texte constitue une analyse des motivations qui m’ont poussé à réaliser l’œuvre intitulée G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. (2014 – ). Cet ouvrage représente l’essentiel de ma recherche et se présente sous la forme d’un montage numérique de très grand format (290 000 x 85 000 pixels), réalisé avec un grand nombre d’images récoltées à l’aide de l’outil de recherche d’images du site web google.com.

Prenant comme point de départ mes études en design graphique, il sera révélé comment la perception de l’image que j’y ai développée s’est progressivement érodée depuis les débuts de ma pratique artistique. On constatera que ce changement de perception m’a amené à défier certaines règles du design graphique et à privilégier l’image plurivoque, où le détail foisonne.

(4)

Abstract

The following text focuses on the motivations which brought me to create G.S.B.T.N.C.A.C. S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. (2014 – ). This single work constitutes the whole of my recent research and came into shape as a digital collage of great size (290 000 x 85 000 pixels). A large number of pictures taken from the internet have been used as material to build this work, most of which were found using google’s image search tool.

Beginning with an analysis of my former perception of the image as medium, shaped by my studies in graphic design, this text increasingly reveals how my switch to visual arts helped to corrode the latter, and how it made me appreciate the more polyvocal images inside of which detail is flourishing.

(5)

Table des matières

Résumé...III Abstract...IV Table des matières...V Liste des figures...VI Remerciements...VII Avertissement légal...VIII Legal disclaimer...IX

Introduction...1

Genèse : études en design graphique...4

Observations par rapport à l’évolution de la création d’images en lien avec l’histoire du design graphique et de la publicité depuis le XIXe siècle...6

La sémiologie de l’image fonctionnelle (Luc Saint-Hilaire)...9

Perception de la problématique liée à la prolifération de l’image épurée...11

Explorations antérieures à G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W...13

Intérêt du panorama foisonnant...17

Exutoire au design graphique et à la sémiologie de l’image...19

Inspirations et réflexions ayant façonné l’œuvre...21

Influence de l’histoire de l’art : art pompier...23

Influence de l’histoire de l’art : Le Jardin des délices...26

Influence de l’idéologie punk...27

Exagération...28

Le punk en tant qu’antidote au perfectionnisme...31

Individualité...33

Influence de la philosophie de Max Stirner...35

Humour et critique sociale...37

Conclusion...51

Annexe : Liste des images incluses dans les figures 11 à 25...53

(6)

Liste des figures

Figure 1 : Jean-Philippe Maheux. G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. 2014 – ...3

Figure 2 : Jean-Philippe Maheux. Affiche pour l’exposition L’art à l’acte. 2012...5

Figure 3 : Jean-Philippe Maheux. Bono saves the world once again ! (détail). 2010...14

Figure 4 : Jean-Philippe Maheux. Publicité sexiste. 2013...15

Figure 5. : Jean-Philippe Maheux. Journal à sensations. 2013...16

Figure 6 : Jean-Philippe Maheux. « [...] sur le sol, plus rien ne peut brûler ». 2011-2012...18

Figure 7 : Jean-Philippe Maheux. « [...] sur le sol, plus rien ne peut brûler » (détail). 2011-2012....18

Figure 8 : Jean-Philippe Maheux. « [...] sur le sol, plus rien ne peut brûler » (détail). 2011-2012....18

Figure 9 : Jean-Philippe Maheux. « [...] sur le sol, plus rien ne peut brûler » (détail). 2011-2012....18

Figure 10 : Jean-Philippe Maheux. « [...] sur le sol, plus rien ne peut brûler » (détail). 2011-2012....18

Figure 11 : Jean-Philippe Maheux. G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. (détail). 2014 – ...25

Figure 12 : Jean-Philippe Maheux. G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. (détail). 2014 – ...25

Figure 13 : Jean-Philippe Maheux. G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. (détail). 2014 – ...30

Figure 14 : Jean-Philippe Maheux. G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. (détail). 2014 – ...30

Figure 15 : Jean-Philippe Maheux. G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. (détail). 2014 – ...32

Figure 16 : Jean-Philippe Maheux. G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. (détail). 2014 – ...45

Figure 17 : Jean-Philippe Maheux. G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. (détail). 2014 – ...45

Figure 18 : Jean-Philippe Maheux. G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. (détail). 2014 – ...46

Figure 19 : Jean-Philippe Maheux. G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. (détail). 2014 – ...46

Figure 20 : Jean-Philippe Maheux. G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. (détail). 2014 – ...47

Figure 21 : Jean-Philippe Maheux. G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. (détail). 2014 – ...47

Figure 22 : Jean-Philippe Maheux. G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. (détail). 2014 – ...48

Figure 23 : Jean-Philippe Maheux. G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. (détail). 2014 – ...48

Figure 24 : Jean-Philippe Maheux. G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. (détail). 2014 – ...49

Figure 25 : Jean-Philippe Maheux. G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. (détail). 2014 – ...49

Figure 26 : Jean-Philippe Maheux. G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. (détail). 2014 – ...50

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Remerciements

J’aimerais tout d’abord remercier mon directeur de recherche, M. David Naylor, pour son aide, ses observations et ses pertinents conseils. Celui-ci a fait preuve d’une grande compréhension dans des moments plus difficiles. Il a su démontrer de l’intérêt pour ma recherche, et ce, même malgré le fait que nous ayons une vision artistique divergente. Il a également su respecter mon indépendance, de même que mon autonomie, me laissant ainsi la liberté de progresser à mon rythme.

Les commentaires et l’aide de Mme Julie Faubert, qui a toujours su faire preuve de perspicacité et d’ouverture d’esprit, m’ont beaucoup aidé lors des balbutiements de ma recherche. Je lui accorde aussi le crédit, tout comme à M. Naylor, d’avoir su voir à travers le personnage derrière lequel je tente parfois de me camoufler.

Un merci bien spécial à mes parents, Francine et Ghislain, qui m’ont supporté de bien des manières tout au long de ce processus et qui ont toujours été présents pour m’aider lors des moments plus difficiles tout au long de ma vie.

Ce texte n’aurait pas été aussi éloquent sans les commentaires de mon frère, Pierre-Olivier. En plus de ses conseils, celui-ci a su m’orienter et m’encourager, ayant déjà passé par le long processus que constitue la maîtrise.

Finalement, merci à mon autre frère, David, et à ma belle-sœur, Sandra, pour leurs encouragements et leur aide. Merci également à ma jeune sœur, Maggie, pour son soutien moral et son énergie.

(8)

Avertissement légal

L’œuvre intitulée G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W., qui est le sujet du présent texte, fut en partie construite à partir d’images protégées par le droit d’auteur, dont l’utilisation n’a pas toujours été permise par leur(s) auteur(s) ou leur(s) ayant (s) droit(s). Toutefois, je, soussigné Jean-Philippe Maheux, auteur de cet ouvrage, croit qu’il s’agit d’un cas d’utilisation équitable dû aux raisons suivantes :

1. L’œuvre a été créée dans un contexte de recherche académique : une activité où l’utilisation d’images protégées par le droit d’auteur, même sans permission, est permise par la loi canadienne (L.R. [1985], ch. C-42, art. 29) et américaine (17 U.S.C. § 107). La recherche fut dans ce cas-ci axée sur les possibilités artistiques offertes par la création d’un collage aux très grandes proportions (une forme d’art reconnue comme étant légitime).

2. L’utilisation et la recherche exclusive d’images pouvant être utilisées librement auraient été non seulement un processus extrêmement laborieux, mais aussi indûment onéreux pour une œuvre qui n’a aucun but commercial. De plus, une telle sélectivité aurait grandement limité les possibilités créatives, dû à la disponibilité et la variété plus restreintes d’images permettant une utilisation libre. Ceci aurait donc potentiellement nui à la pertinence de ma recherche.

3. Cette œuvre ne sera exposée qu’une seule fois : dans une exposition sans but lucratif exigée par l’Université Laval pour compléter ma formation académique. Avant, et après cet événement, l’œuvre ne sera pas distribuée, vendue ou utilisée dans un but lucratif, quel qu’il soit. La seule copie de cette œuvre restera toujours entre mes mains et sera soumise à mon contrôle.

4. Les images sélectionnées étaient déjà mises à la disposition de n’importe quel internaute par l’entremise de l’outil de recherche d’images du site google.com. De plus, l’inclusion transformative de ces images dans G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. a fait en sorte que leur résolution soit réduite au point où elles ne pourraient servir à quiconque voudrait en faire une copie. 5. Les filigranes des images provenant de sites de banques d’images payantes ont été préservés. 6. Dans l’annexe (pages 53 à 85), se trouve la source et la description de toutes les images apparaissant dans les figures montrant des détails de l’œuvre.

5. Je ne prétends d’aucune manière être le propriétaire des images utilisées dans l’œuvre, ou avoir des droits sur celles-ci. Je n’ai aucune envie de m’engager dans une bataille juridique pour cette œuvre, puisqu’elle fut créée dans le seul et unique but de compléter ma formation académique. Je m’engage à respecter TOUTE demande de retrait d’une image et je suis disposé à cesser d’exposer cette œuvre, si on m’en fait la demande.

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Legal disclaimer

The work of art titled G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W., the subject of the present text, contains copyrighted images the use of which has not always been specifically authorized by the copyright owner. However, I, Jean-Philippe Maheux, author of this work, believe that this constitutes fair use for the following reasons :

1. The work was created in a context of academic research, an educational activity in which such use is permitted by both Canadian (L.R. [1985], ch. C-42, art. 29) and United States Laws (17 U.S.C. § 107). The research is, in this case, linked to the possibilities offered by a larger-than-life collage, a form of art which is recognized as legitimate.

2. The exclusive search and use of copyright-free images would have been prohibitively costly, if not time-consuming, in what was, right from the start, an herculean task. Furthermore, such selectivity would have proven to be very restrictive in creative terms, due to the comparatively smaller offer and narrower variety of copyright-free images (therefore potentially undermining the pertinence of the research).

3. This work will only be shown once, in a not-for-profit exhibition required by Université Laval to complete my evaluation. Before and after that event, it will not be distributed, nor will it be sold or used in any way that may generate financial gain for myself or for others. The single copy of this work of art will always remain under my control.

4. The images that were (at the time of their inclusion in the work) available to any user of the image search engine of the website Google.com. In addition, the resolution of each and every image, once integrated into G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W., is, following the transformative process of resizing, too low to allow copying by a third party. Copies made from them will be of inferior quality.

5. The watermarks that are used to protect images from paying stock images websites have been preserved.

6. In the appendix (pages 53-85) is listed the source of every single image used in the figures included to show the work’s details.

5. I do not claim in any way to be the owner of the images included in this work. I have no wish to enter a legal battle for any reason, seeing as the work was created for the sole pupose of completing my academic research. I WILL fulfill every request to remove a particular image. I WILL agree to immediately cease to exhibit this work of art, shall such a measure be requested.

(10)

Introduction

Au début de l’année 2007, alors que j’étais encore jeune étudiant au baccalauréat en design graphique à l’Université Laval, je suis allé visiter une exposition intitulée Junk Male Box (2007) de l’artiste Jean-François Leboeuf dans le cadre d’un cours. Sur les murs, de même que dans l’espace de la grande salle du centre L’Œil de poisson étaient affichés des dessins brouillons rendant un hommage à la fois sincère et ironique aux « […] fantômes masculins de la “junk culture” occidentale 1 ». Des croquis peu raffinés de Rambo, de Gene

Simmons, d’Eddie (la mascotte du groupe de heavy métal Iron Maiden) côtoyaient dans un « bazar 2 » organisé « anarchiquement 3 » des vidéos diffusés sur une vieille télévision (selon

mon souvenir) où l’on voyait l’artiste, qui avait inséré son image dans de vieux films de série B datant possiblement des années 1970 ou 1980. Dans une première, celui-ci dialoguait en français québécois avec un personnage de policier américain typique de cette époque pour ensuite sacrer avec hargne envers un vieil ordinateur récalcitrant. Dans un autre, Leboeuf se plaçait les bras croisés aux côtés d’un guitariste de « heavy métal » exécutant un solo, tout en faisant des mimiques laissant suggérer qu’il était plutôt impressionné par les prouesses de ce dernier. L’artiste s’attaquait apparemment ici « […] aux diverses représentations masculines peuplant la culture populaire […] 4 » dans un « brouhaha de signes5 » où il se

« […] pench [ait] sur la tentative, quasi vaine, d’une possible définition du soi, entre parodie et célébration de notre “culture-poubelle” 6 ».

À notre retour en classe pour en discuter, la majorité de mes collègues s’avouèrent modérément dégoûtés ou, à tout le moins, très peu intéressés par ce qu’ils venaient d’expérimenter. Plusieurs semblaient y avoir perçu l’expression déplacée d’une fierté liée au machisme tandis que d’autres avaient tout simplement trouvé le contenu de l’œuvre peu substantiel et sans grand intérêt. En ce qui me concerne, cette œuvre m’apparut bien pertinente pour deux raisons. Premièrement, celle-ci mettait selon moi le doigt sur un malaise collectif lié à la difficulté d’entretenir la fierté d’être un homme sans s’exposer à la honte ou au ridicule. Comme semblait le suggérer Leboeuf, l’absence supposée de modèles « actuels » forts et pertinents peut faire en sorte que l’on s’accroche aux « héros » et aux mœurs d’une autre époque.

1, 2, 3, 4, 5, 6 L’œil de poisson. (2007). L’œil de poisson | Programmation. Repéré à https://www.oeildepoisson.

(11)

De manière encore plus pertinente, selon moi, Junk Male Box avait manifestement été élaboré au gré d’un « laisser-aller » qui n’aurait pas pu détonner davantage face à cet amalgame d’exigences rigides qui, ressentais-je, me contraignaient en design graphique. L’organisation anarchique 7 de l’œuvre a effectivement fait vive impression chez moi. L’artiste

avait manifestement garroché (à défaut d’un terme plus approprié et lourd de sens) ses différentes interventions dans l’espace, témoignant ainsi d’une indifférence, à mon sens, éhontée face aux concepts de raffinement et de perfectionnisme. Cette expérience fut positivement traumatisante pour l’étudiant que j’étais alors ; soit un élève désenchanté du domaine dans lequel il étudiait, axé selon lui sur la production d’images léchées où un souci de perfectionnisme doit s’exercer jusque dans les détails les plus microscopiques. C’est en voyant miroiter la promesse du processus de création beaucoup plus libre que semblait pouvoir offrir l’art que je perdis momentanément tout intérêt pour le design graphique, m’amenant ainsi à faire le saut en arts visuels, deux ans plus tard.

G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. (2014 – ) est le titre de la seule œuvre que j’ai produite au cours des deux dernières années et le sujet de ce mémoire. Celle-ci se présente sous la forme d’un montage photographique numérique de très grandes dimensions. Il a été élaboré à partir de milliers d’images recueillies sur Internet en utilisant l’outil de recherche d’image du site google.com.

L’œuvre naquit d’une réflexion sur l’image telle que mise de l’avant par la publicité et le design graphique : un thème qui, comme nous le verrons, fut toujours plus ou moins présent depuis les débuts de ma pratique. G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. constitue également le réceptacle plus ou moins perméable d’autres réflexions, préoccupations et influences telle que la situation du discours dans une société s’abreuvant de plus en plus à même les médias sociaux, la place de l’individualité dans l’art, l’idéologie du punk britannique et l’humour. Ce texte constitue en somme l’occasion d’élaborer sur les motivations qui m’ont poussé à créer cette œuvre.

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Figure 1 : Jean-Philippe Maheux. G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. 2014 – . Montage numérique. 290 000 x 85 000 pixels.

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Genèse : études en design graphique

Mon apprentissage des corpus théoriques du design graphique et de la sémiologie de l’image fonctionnelle a forgé ma manière d’approcher l’image. Cette influence s’est fait sentir non seulement sur mes premières œuvres, mais aussi sur celle qui nous intéresse en ce moment. Il s’agira tout d’abord de mettre ma pratique en contexte en examinant les particularités de ces deux domaines qui m’ont marqué davantage. Il conviendra également de démystifier ces savoirs, puisqu’il s’agit d’une expertise étrangère au monde l’art, bien qu’il sera ici davantage question de ma propre vision des choses. Nous verrons comment j’ai interprété ce qui m’a été enseigné à l’époque et comment cela a guidé ma démarche au cours des dernières années.

Le design graphique constitue une discipline fort intéressante dont la compréhension est parfois tenue pour acquise. « Design is so simple, that’s why it is so complicated 8 » a

déjà dit le designer graphique Paul Rand. Il s’agit là d’un fascinant paradoxe. Au cours des dernières années, l’essentiel de mes expériences interdisciplinaires entre design graphique et art s’est articulé autour de questionnements relatifs à la nécessité dans le premier domaine d’avoir recours aux généralisations ; de même qu’à la schématisation graphique, à l’épuration 9 de l’image (élimination du superflu), etc. « [On] sait qu’une image se regarde au

moyen d’un parcours, d’une série de mouvements, rapides et de faible amplitude, du globe oculaire […] 10 », rappelle Jacques Aumont. Un objectif en design graphique est d’amener le

récepteur de l’image à saisir pleinement ce qu’elle propose au moyen d’un parcours le moins long possible tout en réduisant au maximum les possibilités de dérive. Pour y parvenir, le monde du design graphique propose une image que l’on a tenté de « contrôler » : le produit d’un discours théorique fort pertinent, mais étonnamment rigide. Citons à ce sujet Josef Müller-Brockmann, personnage clé du domaine : « […] the designer’s work should have the clearly intelligible, objective, functional and aesthetic quality of mathematical thinking11 ». 8 Paul-Rand.com. (date inconnue). Maeda @ Media, Interview excerpt with John Maeda. Repéré à http://www.paul-rand.com/

foundation/thoughts_maedaMedia/#.WCoHD7TVuQt

9 « Épuré » était un terme souvent utilisé par certains étudiants et enseignants au cours de mes études en design graphique.

Celui-ci était utilisé pour décrire un ouvrage caractérisé par ce qu’on pourrait appeler le « laconisme visuel ». On pourrait ré-sumer cette caractéristique à cette phrase : « en dire le plus possible avec le moins possible ». La réclâme Think Small de la compagnie Volkswagen (1959) est généralement considéré comme étant un exemple typique de ce type de design.

10 Aumont, J. (1989). L’œil interminable : cinéma et peinture. Paris, France : Librairie Séguier. p. 80.

11 Müller-Brockmann, J. (1996). Grid systems in graphic design (Raster systeme für die visuelle Gestaltung). Zurich, Suisse :

(14)

Les préceptes de la sémiologie de l’image fonctionnelle, quant à eux, permettraient de faciliter l’utilisation de l’image en tant qu’instrument d’un langage qui s’articule de manière concise et cohérente. Or, il résulte généralement de ce genre de méthodes des images « prédigéré [es] 12 » qui sont conçues ainsi pour s’assurer de rejoindre facilement et

efficacement une masse de gens. Les conséquences sont décriées depuis longtemps par bien des discours. On clame avec raison que ce genre de pratique — qui n’est toutefois pas exclusive à l’image publicitaire — s’accompagne d’un fort prix à payer socialement parlant, notamment dû à la promotion d’un certain conformisme qui est propice à susciter l’effritement de l’estime personnelle chez l’individu ne répondant pas aux standards suggérés. Il en irait de même pour ce qui concerne nos habitudes de consommation visuelle, comme le laisse entrevoir Martin Kemp : « What we see is what we get—a short-lived surprise and a lingering memory. A work that requires a long period of observation and sustained contemplation is not well attuned to modern patterns of visual consumption [...] 13 ». Comme on le constatera

après la lecture de ce texte, cette dernière position m’a particulièrement intéressée.

12 Gervereau, L. (2000). Histoire du visuel au XXe siècle. Paris, France : Éditions du Seuil. p. 481.

13 Kemp, M. (2011). In and Out of Time : Is There Anything New Under the Cyber-Sun ? Dans O. Grau & Veigl, T. (dir.),

Ima-gery in the 21st Century. Londres, Royaume-Uni : The MIT Press. p. 387.

Un exemple typique du travail minutieux et calculé que peut exiger l’organisation visuelle dans le design graphique. Chacun des guides rouges dans l’image de droite a servi à un moment ou un autre à aligner précisément un ou plusieurs éléments, qu’ils aient été gros ou minuscules.

Figure 2 : Jean-Philippe Maheux. Affiche pour l’exposition L’art à l’acte. 2012. Montage numérique. Dimensions variables.

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Observations par rapport à l’évolution de la création d’images en lien avec l’histoire du design graphique et de la publicité depuis le XIXe siècle.

Au XIXe siècle, les pionniers de l’affiche publicitaire auraient bénéficié d’un intérêt et d’une attention qui rendrait aujourd’hui n’importe quel publicitaire envieux. Peut-être pourrait-on expliquer ce comportement comme étant le symptôme d’une attitude propre à l’époque, entremêlant lenteur et réceptivité face aux propositions consuméristes (en extrapolant par exemple sur la description du personnage du flâneur parisien livrée par Walter Benjamin dans Paris, capitale du XIXe siècle14 ). Peut-être pourrait-on aussi expliquer cette patience face

à l’image publicitaire en supposant qu’il aurait jadis existé un public plus impressionnable que celui d’aujourd’hui et assurément moins sollicité. Quoi qu’il en soit, il semble que l’affiche publicitaire fut initialement une curiosité qui était patiemment lue et regardée15 .

Le métier de designer graphique connaîtra ses balbutiements par le biais de l’affiche publicitaire destinée aux piétons16 , ce qui coïncide avec l’essor de la révolution industrielle.

« Jusqu’au début du XIXe siècle, le colportage suffit à une économie où la production

correspond à peu près à une demande limitée 17 ». Fait intéressant, les premiers essais

se présentaient souvent sous la forme d’un fouillis typographique. On peut y voir un indice démontrant que le laconisme n’était pas une nécessité à ce moment. La publicité sera lue, peu importe comment elle se présente. Dans une affiche britannique de 1843 annonçant le cirque de Pablo Fanque18 , on dénombre une dizaine de gros titres autant en majuscules

qu’en minuscules, deux gravures, au moins cinq fontes typographiques différentes pour un total de près de deux cents mots. Il s’agit là d’un exemple typique de l’époque. « […] [D] es prospectus commerciaux ou des affiches de théâtre […] qui gaspillent une douzaine d’alphabets différents pour déguiser une invite sans mystère 19 ». La publicité demeure 14 Benjamin, W. (1989). Paris, capitale du XIXe siècle. Paris, France : Les éditions du Cerf. p. 876-878.

15, 16 Laliberté, J. (2006). ARV-20721B. Le design graphique au XXe siècle. Université Laval. 17 Weill, A. (2003). Le Design graphique. Paris, France : Gallimard. p. 12.

18 Publicité rendue célèbre par John Lennon et dont le texte servit d’inspiration pour écrire les paroles de la chanson For The

Benefit of Mister Kite sur l’album des Beatles Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band (1967).

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initialement « […] d’une confondante médiocrité, les industriels faisant appel à des peintres académistes […] 20 ». Toutefois, lorsque l’image commence à jouer un rôle plus prédominant,

grâce, entre autres, à la lithographie et la disponibilité d’un papier « […] à bon marché en gigantesques rouleaux 21 » l’affiche bénéficiera éventuellement d’une « énergie formidable 22 »

grâce notamment à l’influence des ukiyo-e, une forme d’estampe japonaise. On assistera, vers la fin du XIXe siècle, à des expériences comme celles des frères Beggarstaff avec

« […] des aplats sans cerne d’une force graphique et d’un modernisme surprenants 23 ». Les

affiches vibrantes d’Henri de Toulouse-Lautrec en sont un autre bel exemple.

L’abondance de l’offre publicitaire apparaîtra toutefois avant même que l’image n’émerge. Une problématique qui amènera avec elle son lot d’embûches. À Paris, « la multiplication des lieux de divertissement tels que les théâtres ou les cirques sur les boulevards au cours du XIXe siècle entraîne une accumulation d’affiches publicitaires […] 24 ».

À Berlin, « l’affichage public n’est pas réglementé. On cloue annonces de mariage, publicités, et autres informations aux arbres, aux clôtures et aux murs d’immeuble 25 ». « Une vraie plaie aux

yeux […] 26 », dira-t-on. Ce qui jouissait initialement d’une popularité inconditionnelle se

verra bientôt ignoré par des passants — on l’imagine — de plus en plus sélectifs. Bien que l’affichage sauvage sera éventuellement réglementé, cette surenchère viendra mettre en relief une problématique qui est toujours au cœur même de cette discipline : comment se démarquer, comment faire impact, comment être vu et entendu au travers de cette cacophonie visuelle ? Le moyen privilégié pour y parvenir semble avoir été, entre autres choses, l’épuration de l’image par l’élimination du superflu.

Aux XIXe et XXe siècles, une pléiade de découvertes et influences viendront cimenter cette propension dans ce métier naissant. On notera parmi bien d’autres choses les affiches de la Sécession viennoise qui « […] année après année […] sont, pour la plupart, d’un

20, 21, 23 Weill, A. Op. Cit. p. 12-16. 22 Laliberté, J. Op. Cit.

24 Méon-Vingtrinier, B. (février 2006). Le mobilier urbain, un symbole de Paris. L’histoire par l’image. Repéré à https://www.

histoire-image.org/etudes/mobilier-urbain-symbole-paris

25, 26 Obermann, N. (25 mars 2007). L’objet : la colonne Morris. Karambolage. Repéré à http://sites.arte.tv/karambolage/fr/

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dessin épuré 27 » ; de même que l’influence du « […] purisme rigoureux 28 » du mouvement De

Stijl. Même en omettant énormément d’autres influences marquantes — comme je le fais ici par souci de brévité et de synthétisme — on ne saurait oublier les expériences importantes du Bauhaus en ce qui a trait à la schématisation graphique, à l’organisation visuelle et à la typographie. L’art est abordé ici d’une manière « […] quasi scientifique, très rationnelle 29 ».

L’invention du design graphique est d’ailleurs attribuée au Bauhaus par Alain Weill30 .

L’épuration de l’image est une pratique toujours aussi privilégiée aujourd’hui. Il ne s’agit évidemment pas d’un simple choix esthétique : « Trop de messages de communication sont encombrés d’information visuelle superflue qui rend le message confus 31 », juge le

publicitaire Luc Saint-Hilaire. Ce dernier y perçoit, à juste titre, un problème qui doit être évité si l’on veut parvenir à produire une publicité ou un ouvrage de graphisme efficace. En effet, un travail de qualité se traduit généralement par l’exclusion de tout élément visuel ou textuel, toute couleur, toute typographie ; tout contexte ; toute idée ; (etc.) dont l’inclusion ne peut être justifiée. On ne retient que le strict essentiel dans le but de maximiser l’impact du message à transmettre. Ceci fut démontré de manière évocatrice par le directeur de création Fred Manley dans un article paru en 1963 et ironiquement intitulé Nine ways to improve an ad32 . Ce billet constituait, en somme, une démonstration bien intéressante où sont

humoristiquement inventées diverses règles qui permettraient de construire des publicités efficaces. Prenant comme modèle la fameuse réclame Think Small de Volkswagen (1959), Manley transforme en neuf étapes une publicité simple, sobre, au message direct et efficace en un fouillis visuel où règne une confusion d’informations inutiles.

27, 28, 30 Weill, A. Op cit. p. 29, 42, 46. 29 Laliberté, J. Op cit.

31 Saint-Hilaire, L. (2005). Comment faire des images qui vendent. Montréal, Canada : Les éditions Transcontinental. p. 67. 32 Manley, F. (1963). Nine Ways to Improve and Ad. Repéré à http://www.draytonbird.net/files/ninewaystoimproveanad.pdf

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La sémiologie de l’image fonctionnelle (Luc Saint-Hilaire)

Au fil du XIXe et du XXe siècle, quatre grandes écoles de pensées émergent dans le domaine publicitaire33 . On a tout d’abord affaire à l’esthético-perceptif au XIXe siècle qui mise

uniquement sur la beauté et l’attrait de l’image et de ce qui y est représenté34 . On assiste,

dans les années suivant la Deuxième Guerre mondiale, à l’émergence de l’argumentationnel qui mise sur une « unique selling proposition (U.S.P.) », c’est-à-dire la promotion d’un attribut exclusif à un produit donné35 . Le motivationnisme apparaît à peu près en même temps

et « […] [vend] la sensation, un sentiment […] 36 » qui pourrait potentiellement générer un

intérêt chez le consommateur. Surgira finalement dans les années 1960 ce qui intéresse davantage le monde publicitaire contemporain : l’approche « sémiologique »37 .

La sémiologie de l’image fonctionnelle telle qu’enseignée par Luc Saint-Hilaire qui fut un de mes enseignants lors de mes études en design graphique — constitue un corpus théorique basé sur l’idée que l’image peut, dans des circonstances bien précises, constituer un langage intelligible permettant la communication d’un message transcrit de manière claire, directe et littérale (ce qui est très désirable en publicité). C’est en visant à un contrôle du langage de l’image qu’on pourra tirer profit de ces possibilités. Ceci s’articulera essentiellement en fonction de la maîtrise des iconèmes : ces « mots » du langage de l’image qui, lorsqu’utilisés au moyen d’une sélection judicieuse peuvent parvenir à dicter un message clair. Saint-Hilaire décrit leur importance de la manière suivante : « Pour écrire une image, il faut des graphèmes qui forment des iconèmes, lesquels se combinent en une image. […] Les iconèmes sont les mots de l’image, avec tout ce que cela comporte de possibilités créatives, de puissance, d’évocation… et de pièges quant à leur signification

38 ».

Pour Luc Saint-Hilaire39 , un message dans une image de communication n’est pas

« vu » lorsqu’il est « confus », lorsqu’il y a « encombrement d’information », « manque de

33, 34, 35, 36, 37 Saint-Hilaire, L. (2007). ARV-14629. Sémiologie de l’image fonctionnelle. Université Laval. 38 Saint-Hilaire, L. Comment faire des images qui vendent. Op. Cit. p. 94.

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pertinence et de clarté ». Un message n’est pas vu lorsqu’il est d’une « qualité inadéquate » dû à « l’amateurisme de la réalisation » et à la « déficience de l’organisation visuelle ». Il n’est pas vu à cause d’une « stratégie de diffusion […] inappropriée » liée à une « diffusion au mauvais endroit » ou à une « diffusion dans le mauvais format et à la mauvaise fréquence ». Un message n’est pas « apprécié » parce qu’il « [heurte] les valeurs collectives » ou parce qu’il « [heurte] les valeurs personnelles ». Il n’est pas apprécié parce qu’il déplaît en raison du « style » ou « du porteur du message ».

Un message n’est pas « attribué » à cause d’une « mise en situation arbitraire » ou parce qu’autres choses comme l’humour, le sexe, etc. « […] l’emporte[nt] sur le message » et attirent l’attention sur eux-mêmes. Le message peut aussi ne pas être attribué dû au fait que l’annonceur n’a pas de « langage exclusif » facilement reconnaissable qui revient constamment dans ses communications : une sorte de signature visuelle unique.

Un message n’est pas « compris » lorsqu’il n’a pas « un niveau de langue adéquat » ou utilise « un vocabulaire hermétique ». Il n’est pas compris lorsqu’il propose « […] une idée non signifiante pour le récepteur ». Finalement, il n’est pas compris lorsqu’il est « narcissique » : lorsqu’il s’agit d’un « trip créatif » ou lorsqu’il est contrôlé par des gens qui ne s’y connaissent pas en communication visuelle, souvent un « consensus de comité ».

Ce n’est qu’après être parvenu à éviter ces nombreux pièges que l’on aura su tirer pleinement profit des possibilités de l’image en tant que moyen de communication. Saint-Hilaire rappelle toutefois avec pertinence qu’ « il n’y a pas de truc ni d’arme secrète, pas de méthode subliminale ni de stratagème publicitaire infaillible 40 ». Tout dépend au bout

du compte du talent créatif et de l’aptitude du designer à bien mettre en application les préceptes la sémiologie de l’image fonctionnelle. Effectivement, en plus de proposer un message clair qui pourra être compris rapidement, le graphiste doit également savoir attirer l’œil en proposant de l’inusité, du beau ; du surprenant ; de l’excitant ; etc.

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Perception de la problématique liée à la prolifération de l’image épurée

On pourra constater plutôt aisément, suite aux derniers points, que la publicité jugée efficace naît de multiples contrôles, ayant souvent pour conséquence d’entretenir dans l’imaginaire collectif des simplifications et des généralisations. Comme le suggère Saint-Hilaire : « Ce qui est évident pour un spécialiste dans son domaine ne l’est pas nécessairement pour les spécialistes dans d’autres domaines. Il faut donc s’adresser aux autres avec un langage de généraliste 41 ».

On doit, par nécessité, trouver un dénominateur commun. Ce serait effectivement une tâche aussi indûment onéreuse que colossale que de produire un message personnalisé pour chaque individu ciblé en tenant compte de son unicité, les publicités étant souvent adressées à des publics très larges. Cette nécessité pose toutefois un problème qui m’apparaît important. On se rappellera que : « La compréhension d’un iconème est […] sujette aux stéréotypes et à l’information qui l’entoure, ainsi qu’à toute la gamme des interprétations personnelles relevant de l’expérience de chaque individu au sein de son groupe social 42 ».

On présume que le groupe social qui sera ciblé partage un savoir collectif que l’on peut parvenir à cerner. On cherchera donc à puiser dans ce savoir pour s’assurer de rejoindre le plus de gens. Ainsi, le mythe, les généralisations, les stéréotypes, les simplifications, et les idées convenues constituent souvent ce qui sera l’élément « rassembleur » d’une publicité. Dans Histoire du visuel au XXe siècle, Laurent Gervereau fait part d’une inquiétude

concernant l’imagerie contemporaine :

« Le besoin d’images se révèle être aussi un besoin de résumés métaphoriques (la mère, le clown, le martyr, le ou la jaloux(se), la vierge, le méchant, la prostituée, le chevalier...). Au nom de l’image, se construisent des simplifications pernicieuses. Il est dénié à l’image la capacité de “dire” plusieurs choses. Sa complexité se voit crainte. Il faut l’asservir 43 ».

41, 42 Saint-Hilaire, L. Comment faire des images qui vendent. Op. Cit. p. 225, 95. 43 Gervereau, L. Op. Cit. p. 480.

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Il fut étonnant de constater, au cours de mes recherches, que les publicitaires adeptes de la sémiologie de l’image fonctionnelle semblent avoir utilisé à sens inverse ce que Roland Barthes avait mis à nu dans Rhétorique de l’image. On se rappellera qu’un des buts plus ou moins dissimulés de Barthes avec ce texte avait été de démasquer les processus par lesquels le mythe et les idées reçues étaient utilisés en publicité et comment ceux-ci pouvaient être colportés et entretenus par cette dernière. Puisqu’elle doit rejoindre des masses de gens, elle entretient des conceptions souvent biaisées. Par exemple, « […] la réunion de la tomate, du poivron et de la teinte tricolore (jaune, vert, rouge) […] 44 »

dans la publicité de Panzani qu’il a fameusement analysée viennent exacerber « certains stéréotypes touristiques 45 » qui proviennent « [d’] un savoir proprement “français” 46 », car,

suggère-t-il, « […] les Italiens ne pourraient guère [en] percevoir la connotation […] 47 ». « […]

l’italianité, ce n’est pas l’Italie, c’est l’essence condensée de tout ce qui peut être italien, des spaghettis à la peinture 48 ».

En publicité, on croit devoir avoir recours de manière systématique à un « […] savoir en quelque sort implanté dans les usages d’une civilisation très large 49 » : une vision

prétendument partagée par tous ceux que l’on veut cibler. Cette dernière vient s’insérer à merveille dans une image épurée, conçue ainsi pour faciliter encore davantage la compréhension instantanée d’un message. Étrangement, ce que Barthes mettait en évidence pour pousser à la réflexion et à la critique est paradoxalement devenu un outillage pour certains publicitaires. Ces derniers y auraient perçu un guide rempli d’astuces permettant (selon eux) de fabriquer des images publicitaires mieux ficelées.

44, 45, 46, 47, 48, 49 Barthes, R. (1964). Rhétorique de l’image. Repéré à

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Explorations antérieures à G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. J’entretiens depuis la fin de mes études en design graphique une relation complexe et ambivalente par rapport à cet univers. Je suis à la fois repoussé par ses aspects les moins enchanteurs autant que captivé par ses possibilités. Réaliser un ouvrage de graphisme de bonne qualité est toujours pour moi un processus stimulant. Les préceptes liés à ce domaine constituent donc encore aujourd’hui un outillage que j’utilise sporadiquement, selon un dosage variable. Du point de vue artistique, la question mérite toutefois d’être posée : pourquoi se contraindre volontairement avec des règles et théories qui n’ont ici aucune raison d’être appliquées ? La réponse : que je crois que cela peut mener à des expériences intéressantes. Jusqu’ici, ces aventures interdisciplinaires ont donné lieu à l’application expérimentale des préceptes de la sémiologie de l’image dans un contexte artistique. Elles m’ont également permis une exploration débridée de ce qui est « interdit » en design graphique.

Mes premières oeuvres, soit Bono saves the world once again! (2010), Maurice (2010), L’Habit ne fait pas le moine (2010), Che Maheux (2010) de même que The Last Commute (2011) furent essentiellement une tentative d’explorer les possibilités liées à l’implantation de ces savoirs dans un contexte artistique. Ces œuvres sont issues d’une volonté de transmettre une idée, une opinion directement. Il s’agissait donc d’éviter le superflu et de faire « impact ». Le titre de l’œuvre prenait en quelque sorte l’équivalent du rôle d’« ancrage 50 » proposé par Barthes : ce « message linguistique 51 » clair et littéral qui

permettrait au spectateur de ne pas se perdre dans ses propres interprétations.

Je cherchais initialement à travailler uniquement à partir d’images reconnues d’à peu près tous, telles que le World Trade Center en flammes, le visage de Che Guevara et autres icônes célèbres de la culture populaire. Je puisais dans ce « […] savoir en quelque sorte implanté dans les usages d’une civilisation très large 52 ». Bono saves the world once again !, 50, 51

Barthes, R. Rhétorique de l’image. Op. Cit.

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par exemple, fut imaginé à la suite du visionnement d’un épisode du populaire dessin animé américain South Park 53 ridiculisant le chanteur du groupe rock U2. L’objectif était de produire

volontairement — de manière ironique — des objets jetables par l’entremise d’une image qui ferait peut-être impact lors de sa réception initiale, mais qui serait rapidement oubliée : diluée dans l’offre gargantuesque d’images similaires. Pour ce faire, mon processus de création se soumettait consciemment aux règles de la production d’images en design graphique. Évidemment, il s’agit d’une approche non sans intérêt, mais maintes fois imitée de manière plus ou moins semblable depuis l’ère de Warhol, Lichtenstein, Hamilton et bien d’autres associés de près ou de loin au pop art. Il ne s’agit pas ici d’autre chose que de « […] mett [re] en relief la morbidité de la “culture pop” […] 54 » par l’utilisation des « […] techniques

publicitaires, la simplicité de son iconographie et l’extrême lisibilité de ses images […] 55 ».

53 South Park. Saison 11, épisode 9. (2007). More Crap [Dessin animé]. Dans T. Parker (Réalisateur), South Park. New York :

Comedy Central.

54, 55 Bourriaud, N. (1991). Actualité de Roy Lichtenstein. Artstudio, no. 20. (printemps 1991), p. 160.

Figure 3 : Jean-Philippe Maheux. Bono saves the world once again! ( détail ). 2010. Sérigraphie, acrylique et fusain sur carton Strathmore. 76 x 56 cm.

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L’évolution de ces expériences a donné lieu à des œuvres telles que Journal à Sensations (2013) et Publicité sexiste (2013) qui m’ont donné le goût de la prolifération du détail, du superflu que l’on tente d’éviter dans le design graphique. Publicité sexiste est particulièrement intéressante puisqu’il s’agit de l’antithèse intentionnelle d’une publicité jugée efficace. Dans cette image-objet s’accumule un fouillis de détails inutiles, assemblés de manière arbitraire. Le message proposé est l’apothéose du sexisme en publicité (une tendance qui a toujours cours et qui est ici critiquée). Les standards du design graphique en ce qui a trait à l’épuration se retrouvent tout bonnement ignorés dans une rage d’en arriver au paroxysme du n’importe quoi, du déchet.

Figure 4 : Jean-Philippe Maheux. Publicité sexiste. 2013. Photogravure sur papier Canson. 20,5 x 28,5 cm.

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Figure 5 : Jean-Philippe Maheux. Journal à Sensations. 2013. Sérigraphie sur papier. 27,5 x 37 cm.

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Intérêt du panorama foisonnant

Ces expériences avec le détail m’ont amené à considérer l’image panoramique dans le but d’offrir un terreau fertile à son foisonnement. C’est dans « […] sur le sol, plus rien ne peut brûler » (2011-2012) que j’ai pris conscience des possibilités créées par un vaste cadre. Cette œuvre, issue d’une volonté d’élaborer un vaste paysage de désolation, fut élaborée à partir de dizaines d’images de diverses guerres assemblées dans un montage numérique. Bien que mon objectif initial ait été de faire ressortir l’étrange esthétisme de la destruction, j’ai vite réalisé que ce qui était intéressant dans cet ouvrage était non seulement le détail, mais aussi l’aspect à la fois envahissant et hypnotisant, quasi cinématographique, d’une image détaillée aux grandes dimensions.

Ceci m’a amené à considérer l’intérêt d’œuvres anciennes telles que celle de Jérôme Bosch et, plus particulièrement, Le Jardin des délices. Ce genre de peinture réussit à construire un monde que le spectateur peut explorer à l’infini. « Si l’on considère tous les détails du tableau, on se perd en conjectures quant aux niveaux de lectures possibles 56 »,

a-t-on dit au sujet du chef d’œuvre de Bosch. Dans le panorama foisonnant, la multiplicité des centres d’intérêt, des détails saturés dans tous les recoins du cadre, fait en sorte que l’on se trouve face à une image que l’on peut observer longuement, sans pour autant parvenir à en saisir toute la complexité. G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. se présente comme étant délicieusement délinquante quant au nombre de choses qui peuvent possiblement être incluses dans un même cadre. Ici, le numérique permet à l’image de révéler une multiplicité de détails qui auraient été sans doute plus difficiles à rendre avec des moyens plus traditionnels tels que la peinture.

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Figure 6 : Jean-Philippe Maheux. « [...] sur le sol, plus rien ne peut brûler ». 2011-2012. Sérigraphie sur foamcore. 4 panneaux de 48 x 96 pouces.

Figures 7,8,9 et 10 : Jean-Philippe Maheux. « [...] sur le sol, plus rien ne peut brûler » (détails). 2011-2012. Sérigraphie sur foamcore. 4 panneaux de 48 x 96 pouces.

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Exutoire au design graphique et à la sémiologie de l’image

Comme ce fut expliqué plus haut, j’ai exploré au travers de G.S.B.T.N.C.A.C.S. F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. un désir généralisé d’offrir du brouillon et d’aller volontairement à l’encontre des règles à la fois rigides et perfectionnistes qui étaient pour moi accablantes en design graphique. L’expérience sans doute la plus intéressante de l’œuvre à ce sujet aura été la subversion par rapport à certaines règles proposées par la sémiologie de l’image fonctionnelle. Je mets ici en lumière deux règles provenant du livre de Luc Saint-Hilaire qui ont été enfreintes de maintes manières avec des conséquences fort intrigantes :

« [1. Être vu] Règle : un message clair avec une idée, une seule, pour éveiller l’intérêt instantanément. Le principal tort de nombreux clients est de vouloir tout dire et de ne pas savoir s’en tenir à l’essentiel dans leur communication 57 ».

Lorsqu’inversée, cette règle donne plutôt lieu à un message confus avec plusieurs idées parfois contradictoires. La compréhension instantanée est refusée par les innombrables détails qui foisonnent dans le montage. L’objectif est ici, au contraire, de vouloir tout dire et de laisser libre cours à la prolifération du superflu. Si bien des images sélectionnées ont été choisies en fonction de leur aptitude à remplir un rôle dans une scène bien précise dans le montage, beaucoup d’autres furent sélectionnées puis placées aléatoirement dans un seul but de remplissage.

« [1. Être vu] Règle : une réalisation de qualité professionnelle de manière à être lisible. Trop de clients rognent sur leurs budgets aux mauvais endroits. Refuser de payer un bon photographe ou les heures d’infographie nécessaires ne sont que des économies de bouts de chandelle qui finissent par rendre leur message inefficace 58 ».

En ce qui a trait au « professionnalisme », bien des préceptes ont ici été expérimentalement ignorés. Il s’agit d’un montage photographique numérique qui paraît être « léché » lorsqu’on le regarde dans son ensemble. Par contre, lorsqu’on qu’on explore les détails de l’image, on se rend compte de plusieurs aberrations. Dû aux problèmes de taille des fichiers informatiques, l’image finale a dû être formée de six sections différentes

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dont la jonction est rarement subtile. La qualité de résolution varie énormément parmi les images choisies : certaines sont très pixelisées. Les couleurs de celles-ci n’ont été corrigées que lorsque c’était absolument nécessaire. La perspective est souvent défaillante, donnant parfois lieu à un côtoiement d’échelles différentes qui ne concordent pas. La découpe est rarement soignée. Techniquement parlant, le tout est au bout du compte mal poli, grossier : une exaltation de l’amateurisme de réalisation, du Photoshop fail ridiculisé sur internet. Il s’agit à la fois d’actes délibérés liés au désir de l’imperfection technique et d’une nécessité de travailler rapidement, vu l’ampleur de la tâche.

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Inspirations et réflexions ayant façonné l’œuvre

G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. devrait être perçue, parallèlement au discours qu’elle engendre concernant l’image de la publicité et du design graphique, comme étant un réceptacle plus ou moins perméable de tout ce qui a pu avoir prédominance au sein du processus réflexif auquel je me suis soumis au cours des quatre dernières années.

Un point important à spécifier dès le départ est que, malgré l’aspect fortement subjectif de l’œuvre, ce qui y est illustré ne découle pas uniquement de ma propre vision des choses. Beaucoup de particularités propres à la réflexion et à l’opinion d’autrui ont été importées dans l’œuvre pour assurer sa complexité. Effectivement, si on peut à juste titre y percevoir l’étalement de mes propres préoccupations, j’ai — comme le dirait Warhol — fait l’« éponge 59 » en m’imbibant allègrement de tout ce qui m’entoure pour ensuite retranscrire

le tout de manière quelque peu impulsive et irréfléchie. Cette dernière image m’a toujours plu et me décrit plutôt bien en tant qu’observateur.

Même si quelques cas précis feront ici l’objet d’une analyse, il s’agira davantage d’exemples isolés parmi une multitude d’autres. Il ne m’est pas souhaitable, de manière plus générale, de décrire précisément où et comment s’illustrent dans l’œuvre les diverses influences qui seront mentionnées. Je désire laisser planer un certain mystère et faire place à la confusion et à une éventuelle irritation chez ceux qui, à travers l’analyse des motifs qui forment cette œuvre, voudraient me cerner ou me prêter des intentions.

G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. pourrait apparaître être de « premier degré » dû à sa vulgarité et sa grossièreté, qui sont des traits omniprésents. Je dois admettre que j’affectionne ce genre de défauts puisqu’ils me semblent propices à provoquer le dégoût et le désintéressement. Je crois que le grossier, le mal poli, le juvénile sont des aspects qui peuvent rebuter et qui ne sont généralement pas jugés pertinents. Leur seule présence peut à l’occasion être une raison ressentie comme étant suffisante pour disqualifier hâtivement une œuvre dans sa globalité. Le manque de raffinement exacerbé

59 Dubreuil-Blondin, N. (1980). La fonction critique dans le pop art américain. Montréal, Canada : Presses de l’Université de

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est la solution que j’ai trouvée pour tenter de mettre en relief un phénomène que je crois percevoir dans le tissu social : sommes-nous aujourd’hui habitués à passer rapidement par-dessus des personnes, des idées , des œuvres, que l’on peut aisément disqualifier à l’aide d’une étiquette ? Prenons-nous en considération la complexité ou avons-nous tendance à aller au plus simple pour passer à autre chose plus rapidement ?

J’ai toujours voulu créer une œuvre qui, globalement, peut sembler triviale et impertinente, tout en se révélant être beaucoup plus complexe au fur et à mesure qu’on la décortique dans ses moindres détails. Il fut en ce sens intéressant pour moi de considérer le panorama foisonnant, puisque ce dispositif tend à donner lieu, instinctivement, à des efforts de décryptage. Celui-ci peut selon moi faire miroiter la promesse d’une interprétation initialement ressentie comme étant possible et facile. On peut effectivement avoir l’impression qu’il s’agit d’un ensemble « cohérent » composé de choses nécessairement liées. Or, on se bute inévitablement à une impasse : l’abondance de détails et la réalisation que ceux-ci n’ont souvent aucun lien ensemble.

Le panorama foisonnant met en doute l’idée qu’une image figurative transmet nécessairement un seul message. Une idée unique, claire et cohérente que l’on pourrait découvrir en analysant la signification de chacun des motifs présents dans l’œuvre. Pour ce faire, on base en vain son interprétation sur des parcelles perdues au sein de l’immensité, des détails isolés qui nous apparaissent plus significatifs que d’autres sans pour autant l’être nécessairement. Il est intéressant de constater que Le Jardin des délices (1480-1490) de Jérôme Bosch, œuvre qui a servie d’inspiration à celle dont il est question dans ce texte, demeure invariablement, des siècles plus tard, une source de confusion chez ceux qui tentent de la déchiffrer et d’obtenir des certitudes par rapport aux intentions réelles de l’artiste :

« Ouvertement ou non, tous les interprètes cherchaient la clé d’une vision cohérente dont ils croyaient trouver le reflet ou le témoignage dans les œuvres de Bosch, comme s’il était possible d’isoler clairement le contenu de cette poésie peinte 60 ».

Hans Belting rappelle ici qu’aussitôt qu’un élément est cerné et expliqué dans un tel

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dispositif, un autre vient contredire l’hypothèse formulée à partir de celui-ci, réinitialisant ainsi perpétuellement la recherche de sens. J’avance ici que même si j’offre quelques pistes en ce qui a trait à mes inspirations et intentions, il sera ultimement un exercice futile et infructueux pour toute personne — y compris moi-même, bien étrangement — de tenter cet exercice de réduction. G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. permet, selon moi, une variété infinie d’interprétations possibles.

Influence de l’histoire de l’art : art pompier

G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. ne cache pas un intérêt pour la peinture de l’art pompier, cet « Art de l’outrance 61 » ; « […] art démodé, à thèmes

mythologiques, l’art théâtral et grandiloquent [,] [qui] incarne tour à tour : un style hyper-figuratif et anecdotique, l’art patriotique, moraliste ; enfin, l’art officiel, étatique […] 62 » bref,

l’art des salons parisiens de la deuxième moitié du XIXe siècle. Cet art parfois couvert de

ridicule ; « l’épouvantail » de l’art contemporain 63 fut jadis critiqué pour bien des raisons,

notamment pour son association à la bourgeoisie de l’époque, au matérialisme ; pour être un art ressenti comme étant médiocre, vulgaire, démagogique64 , etc.

Ce qui fut reproché à cet art d’un point de vue stylistique est précisément ce qui m’a intéressé : sa théâtralité versant sur le kitsch, sa propension à « […] en faire trop 65 »

à travers des tableaux monumentaux où s’élaborent des scènes spectaculaires et où « […] le mouvement des personnages [frôle] la limite de la grandiloquence 66 ».

Effectivement, si Jean-Jacques Breton et Louise-Marie Lécharny tentent de redorer le blason de l’art pompier, les préjugés qu’ils combattent par rapport à cet art m’apparaissent davantage être des qualités. Pour moi, la pertinence de l’art pompier gît précisément dans ce ridicule, dans l’humour pouvant découler de scènes où l’artificiel et le grandiose se déploient sans aucune pudeur. G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L. R.S.W. W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. se présente comme une farce colossale, composée d’une pléiade de scènes où un souci de « grandeur » et de théâtralité tente ironiquement de rendre

61, 65, 66 Breton, J-J. (2010). Anthologie des peintres pompiers. Paris, France : Bibliothèque des introuvables. p. 21, 24, 100. 62, 63, 64 Lécharny, L-M. (1998) L’art pompier. Collection Que sais-je ? Paris, France : Presses universitaires de France. p. 3, 104

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épiques des entreprises absolument absurdes. Un exemple frappant de cela se situe dans l’extrême gauche du tableau, où une foule de rednecks tente en vain de mener un assaut passionné envers une colline gardée par un vieux fou armé jusqu’aux dents dans le but sous-entendu de parvenir jusqu’à la fille de ce dernier pour tenter d’obtenir un rendez-vous galant avec elle.

Dans ce cas-ci, l’intérêt pour le mythe antique caractéristique de l’art pompier 67

laisse plus ou moins aléatoirement place aux vestiges de la culture populaire moderne. Cette section du panorama a en effet été forgée à partir des paroles du succès Wolverton Mountain de l’interprète country Claude King parue en 1962. Cette chanson est typique d’un style de musique populaire du début des années 1960 : la ballade historique associée au country ou au folk de l’époque et popularisée par le chanteur Johnny Horton68 . L’intérêt

de ce genre de musique aujourd’hui démodé depuis longtemps se situe dans ses paroles qui étaient généralement axées sur la narration d’exploits ou de péripéties liés à des événements historiques, des personnages marquants ou des légendes urbaines, comme c’est le cas pour Wolverton Mountain. Cette chanson a été choisie pour aucune autre raison que l’humour que pouvait générer l’exagération de l’histoire qui y est racontée.

67 Lécharny, L-M. Op. cit. p. 5.

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Figure 11 : Jean-Philippe Maheux. G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. (détail). 2014 – . Montage numérique. 290 000 x 85 000 pixels.

Figure 12 : Jean-Philippe Maheux. G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. (détail). 2014 – . Montage numérique. 290 000 x 85 000 pixels.

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Influence de l’histoire de l’art : Le Jardin des délices

L’intérêt pour l’art pompier m’a initialement conduit à créer des scènes plus concises dans un cadre beaucoup moins vaste. Par exemple, la section désormais minuscule de G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. où se trouve le traversier NM Alphonse-Desjardins de la traverse de Québec-Lévis (l’embryon de l’ouvrage) fut initialement considérée comme une œuvre en soi. Effectivement, il était question au départ de faire plusieurs œuvres de ce type, beaucoup plus petites.

Le Jardin des délices (1480-1490) de Jérôme Bosch eut, tel que mentionné un peu plus haut, une influence marquante. Cette œuvre légendaire est pour moi toujours pertinente, plus de 525 ans après sa création. « [E]n multipliant les motifs, [l’œuvre] nous attire et nous égare dans une sorte de labyrinthe, où nul fil ne s’offre pour nous guider sûrement vers ce qui constituerait le thème central du tableau 69 ». J’y ai trouvé une merveilleuse alternative à

l’image univoque proposée par le design graphique :

« Là où d’ordinaire la composition guide l’œil avec sûreté, nous nous perdons ici dans un panorama foisonnant dont les multiples motifs semblent composer un lexique thématique, mais ne se laissent pas lire comme tel. […] À l’image aussi des mises en scène naïves du Moyen Âge, le champ perceptif rassemble ici plusieurs actions simultanées, et sert plus à nourrir le récit qu’à organiser la nouvelle unité visuelle du temps et du lieu. C’est en accumulant les motifs […] que Bosch signifie le monde. Il enregistre celui-ci dans sa contingence et dans sa particularité, sans organiser ce qui s’y produit autour du fil directeur d’un récit linéaire 70 ».

G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. aspire, en tant qu’œuvre fonctionnant d’une manière similaire, à poser des questions en ce qui a trait à notre regard qui semble désormais exiger la compréhension instantanée. Pouvons-nous faire un exercice d’observation soutenu au sein d’une même image ? Sommes-nous disposés à accepter l’aspect parfois indéchiffrable d’une vaste image ? Sommes-nous même intéressés à regarder longuement une même image ? Il s’agit aussi de questionnements portant sur la situation de l’image, autant dans l’art que dans la publicité et les communications. On semble désormais percevoir celle-ci comme étant jetable et sans grand intérêt, dû à son omniprésence et à l’offre « disproportionnée, inconsommable 71 ».

69, 70 Belting, H. Op. cit. p. 20. 71 Gervereau, L. Op. Cit. p.476

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Influence de l’idéologie punk

« People that had no self-respect suddenly started to view themselves as beautiful in not being beautiful 72 ».

Ugly, raw ; crude ; outrageous ; nauseating; disgusting ; degrading ; ghastly ; sleazy ; prurient ; violent ; voyeuristic ; « the antithesis of humankind 73 » : tels furent quelques-uns des

qualificatifs employés par des observateurs britanniques lors de l’émergence du mouvement punk en Angleterre au milieu des années 1970. Le punk britannique a réussi, dès son éclosion, à susciter une panique morale qui en très peu de temps a pris des proportions impressionnantes. Cette introduction à l’une des émissions de Brass Tacks de la BBC en 1977 résume la terreur que parvenait alors à générer le mouvement :

« For the last twelve months, punk rock has become almost a battle cry in British society. For many people, it’s a bigger threat to our way of life than russian communism or hyper-inflation, and it certainly generates more popular excitement than either of those 74 ».

Ce n’est donc pas sans une certaine nostalgie que l’on réalise que le punk est devenu depuis fort longtemps une « rébellion […] javellisée jusqu’à la moelle par le marché 75 ». Il

n’en demeure pas moins, heureusement, que certaines de ses caractéristiques les plus intéressantes ont laissé leurs traces dans le monde de l’art : des particularités qu’il est toujours pertinent de mettre en relief. Le texte de présentation de l’exposition de 2016 intitulée Punk. Its Traces in Contemporary Art résume cet intérêt :

« […] punk appears as an explicit reference in many artists ; in the use of elements such as noise, cut-out typography, anti-design and the aesthetics of the ugly […]. But it also shows traces of punk as an attitude : denial, opposition and destruction ; the do it yourself ; the reference to fear and horror in a society that alienates individuals ; […] the fondness for anything outside the norm ; nihilism ; criticism of the economic system and anarchy ; or the demand for sexual freedom itself […] 76 ». 72, 73, 74 Temple, J. (réalisateur). (2000). The Filth and The Fury : A Sex Pistols Film [Film documentaire]. Los Angeles,

États-Unis : Fine Line Features.

75 Tardif, D. (25 octobre 2016). Être punk, ou l’art de critiquer son désespoir et de tout faire rentrer dans son char. Le Devoir.

Repéré à http://www.ledevoir.com/culture/arts-visuels/483022/exposition-etre-punk-ou-l-art-de-critiquer-son-desespoir-et-de-tout-faire-rentrer-dans-son-char

76 Museu d’Art Contemporani de Barcelona (MACBA). (2016). Punk. Its Traces in Contemporary Art. Repéré à http://www.

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Le bruit, l’esthétique de la laideur, la destruction, le chaos, la « distorsion assourdissante 77 » de sa musique et, bien évidemment, la critique sociale et politique sont

toutes des choses qui ont aussi façonné l’imagerie de G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W. W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. Il sera donc ici question d’analyser dans les prochains points les quelques aspects du punk qui ont laissé leur empreinte dans l’œuvre.

Exagération

À l’instar de l’art pompier, l’exagération et le « trop » sont dans le punk des défauts désirables. Il s’agit en effet d’y aller de manière cavalière dans le but de faire ressortir la force émanant du manque de subtilité le plus flagrant. On espère pulvériser le conforme, le normal, le banal, l’ordinaire, l’ennuyeux, le politically correct, l’approprié. J’accorde à ce titre une affection particulière pour cette citation de Steve Albini78 , sans

doute repoussante pour les non-initiés, bien que néanmoins percutante :

« I don’t give two splats of an old […] junkie’s vomit for your politico-philosophical treatises, kiddies. I like noise. I like big-ass vicious noise that makes my head spin. I wanna feel it whipping through me like a fucking jolt. We’re so dilapidated and crushed by our pathetic existence we need it like a fix 79 ».

G.S.B.T.N.C.A.C.S.F.F.M.L.R.S.W.W.O.C.R.R.S.I.S.W.B.W. laisse entrevoir un goût pour le grossier, le vulgaire, le juvénile ; étalés librement et généreusement. L’influence du punk se fait ici sentir au travers d’un désir évident — tel que soulevé par Sébastien Pesot (autre artiste intéressé par le punk en lien avec l’art) — « […] d’avoir du fun […] dans un microcosme, celui de l’art actuel, parfois miné par une sanctification du sérieux 80 ». Le

désir d’avancer quelque chose d’impertinent, de mauvais goût, d’« irréfléchi », simplement parce que :

77 Tardif, D. Op. cit.

78 Anciennement guitariste du groupe de musique punk Big Black. Il est sans doute plus connu pour avoir produit l’album In

Utero du célèbre groupe grunge Nirvana.

79 Dementlieu.com (date inconnue). Big Black/ Headache Press Kit, pages 12-15. Repéré à http://www.dementlieu.com/

users/obik/bigblack/hpk10.html

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