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Associations curvilinéaires entre le névrosisme et la satisfaction conjugale et sexuelle chez des couples en psychothérapie

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Academic year: 2021

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ASSOCIATIONS CURVILINÉAIRES ENTRE LE

NÉVROSISME ET LA SATISFACTION CONJUGALE ET

SEXUELLE CHEZ DES COUPLES EN PSYCHOTHÉRAPIE

Thèse

Marie-Ève Daspe

Doctorat en psychologie-recherche et intervention-orientation

clinique

Philosophiae doctor (Ph.D.)

Québec, Canada

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Résumé

La présente thèse a pour objectif d’examiner l’hypothèse d’une association non linéaire entre le névrosisme et différents indicateurs du fonctionnement conjugal chez des couples en psychothérapie. Plus spécifiquement, la première étude vise à documenter la relation curvilinéaire entre le névrosisme et la satisfaction conjugale des conjoints. Les résultats d’analyses acheminatoires de type acteur-partenaire réalisées sur 472 couples révèlent une association en forme de U inversé entre le névrosisme et la satisfaction conjugale de l’individu (effet acteur) et de son partenaire (effet partenaire). Ainsi, la relation entre le névrosisme et la satisfaction conjugale est initialement positive, jusqu’à un niveau faible de névrosisme, à partir duquel la relation devient négative. La nature de l’association suggère donc que tant des doses très faibles que très élevées de névrosisme prédisent des niveaux moindres de satisfaction conjugale alors que des doses faibles de névrosisme prédisent un niveau optimal de satisfaction conjugale. L’objectif de la deuxième étude est de vérifier la présence d’une association semblable entre le névrosisme et la satisfaction sexuelle des conjoints. Les résultats d’analyses acteur-partenaire menées auprès de 509 couples suggèrent encore une fois une association en forme de U inversé entre le névrosisme de l’individu et sa propre satisfaction sexuelle (effet acteur seulement). Cette recherche est la première à documenter une association non linéaire entre cette dimension de la personnalité et différents indicateurs du fonctionnement conjugal. Ces observations mènent à deux conclusions importantes. Premièrement, les résultats des deux études reproduisent, à partir de degrés faibles de névrosisme, la relation négative bien documentée entre ce trait de personnalité et le fonctionnement conjugal. Deuxièmement, la nature des liens observés met en lumière les impacts délétères de doses très faibles de névrosisme, jusqu’à maintenant négligés par la documentation scientifique traitant exclusivement des impacts de degrés élevés sur cette dimension de la personnalité au plan du fonctionnement conjugal.

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Table des matières

RESUME

III 

TABLE DES MATIÈRES

LISTE DES TABLEAUX

VII 

LISTE DES FIGURES

IX 

REMERCIEMENTS

XI 

AVANT‐PROPOS

XIII 

INTRODUCTION GENERALE

CHAPITRE 1 : DETERMINANTS DE LA QUALITE DES UNIONS

CHAPITRE 2 : PERSONNALITE ET AJUSTEMENT CONJUGAL

Modèle de la personnalité en cinq facteurs ... 7  Développement de la personnalité ... 9  Modèle en cinq facteurs et satisfaction conjugale et sexuelle ... 11  Le névrosisme ... 12  L’extraversion ... 14  L’ouverture à l’expérience ... 16  L’amabilité ... 17  La propension à être consciencieux ... 19  Différences de sexe ... 21 

CHAPITRE 3 : LIMITES DES ETUDES PRECEDENTES ET OBJECTIFS DE LA THESE

23 

Limites des études ... 23  Les relations non linéaires entre les traits de personnalité et le fonctionnement conjugal ... 23  Rareté des études quant au lien entre la personnalité et la satisfaction sexuelle ... 25  Limites méthodologiques ... 26  Objectifs de la thèse ... 28 

CHAPITRE 4 : CURVILINEAR ASSOCIATIONS BETWEEN NEUROTICISM AND

DYADIC ADJUSTMENT IN TREATMENT‐SEEKING COUPLES (ARTICLE 1)

31 

Résumé ... 35  Abstract ... 37  Introduction ... 39  Method ... 42  Participants ... 42  Procedure ... 43 

(6)

Measures ... 43  Results ... 44  Discussion ... 47  References ... 53 

CHAPITRE 5 : IS THE ASSOCIATION BETWEEN SEXUAL SATISFACTION AND

NEUROTICISM IN TREATMENT‐SEEKING COUPLES CURVILINEAR? (ARTICLE 2)

61 

Résumé ... 65  Abstract ... 67  Introduction ... 69  Method ... 74  Participants ... 74  Procedure ... 74  Measures ... 75  Data analysis ... 76  Results ... 76  Discussion ... 79  References ... 83 

CHAPITRE 6 : DISCUSSION GÉNÉRALE

91 

Premier article ... 91  Deuxième article ... 93  Implications scientifiques et cliniques de la thèse ... 95  Limites de la thèse et recherches futures ... 100 

RÉFÉRENCES

103 

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Liste des tableaux

Table 1: Correlation coefficients, means, and standard deviations for dyadic adjustment scores and

neuroticism. ... 56  Table 2: Correlation coefficients, means and standard deviations for dyadic adjustment, sexual satisfaction, and neuroticism scores for women and men. ... 88  Tableau 3 : Modèle de la personnalité en cinq facteurs. ... 115  Tableau 4 : Tendances de l’individu selon le score pour chaque facette du modèle de la personnalité en cinq facteurs (Widiger & Mullins-Sweatt, 2009). ... 117 

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Liste des figures

Figure 1: Actor-Partner Interdependence Model for neuroticism and dyadic adjustment. ... 57  Figure 2: Curvilinear relationship between neuroticism and dyadic adjustment. ... 58  Figure 3: Actor-Partner Interdependence Model for neuroticism, openness, agreeableness and dyadic

adjustment. ... 59  Figure 4: Actor-Partner interdependence model for neuroticism, dyadic adjustment, and sexual satisfaction. . 89  Figure 5: Curvilinear associations between (a) self- and partner-reported neuroticism and dyadic adjustment and (b) between self-reported neuroticism and sexual satisfaction. ... 90  Figure 6 : Modèle vulnérabilité-stress-adaptation (Karney & Bradbury, 1995). ... 119  Figure 7 : Patron de changement des dimensions de la personnalité au cours de la vie (Roberts et al., 2006). ... 121 

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Remerciements

Je tiens tout d’abord à remercier mon directeur de thèse et superviseur clinique, Stéphane Sabourin, d’avoir fait de mon doctorat l’occasion de prendre confiance en moi et en mes compétences. Votre patience, votre disponibilité et votre soutien ont été les ingrédients nécessaires à mon épanouissement en tant que chercheure et clinicienne. Vous êtes un mentor et un modèle inspirant et votre influence se retrouve derrière chacune des lignes de cette thèse. Je sais que vous n’êtes jamais bien loin et en grande partie responsable des opportunités professionnelles qui s’offrent à moi. Je vous remercie de m’avoir fait confiance et de m’avoir habilement convaincue de me faire confiance à mon tour. Je me considère extrêmement choyée d’avoir bénéficié de votre encadrement généreux et me sens à tout jamais redevable. Merci milles fois.

Je tiens également à remercier Danielle Lefebvre, ma principale superviseure clinique, qui m’a permis d’évoluer dès mes tous premiers pas en clinique jusqu’à la grande étape de l’internat. La façon maternelle dont vous m’avez encadrée a été, pour une personne anxieuse et craintive comme moi, tellement rassurante. Vous avez énormément influencé mon identité professionnelle et j’en suis fière. Je garde le souvenir de votre bureau comme d’un endroit chaleureux et sécurisant qui m’aura aussi permis de me développer personnellement. Vous resterez indéniablement une des personnes les plus marquantes de ma vie. Je suis également reconnaissante à tous les superviseurs cliniques qui ont contribué à ma formation, Louise Gélinas, Michael Simoneau et Jean-Pierre Rousseau, d’avoir été des exemples d’intégrité, d’ouverture et d’humanité.

Merci aux membres de mon comité de thèse, Madame Catherine Bégin et Monsieur Yvan Lussier. Votre rigueur aura assurément permis d’élever le niveau et la qualité de la thèse. Merci spécialement à Yvan Lussier pour toutes les opportunités que vous m’avez offertes et j’espère avoir le bonheur de continuer à collaborer avec vous sur une multitude de projets dans le futur.

À mes collègues de l’Université Laval, merci pour les superbes moments passés ensemble. Je me suis sentie au laboratoire comme je me sens à la maison. Merci à celles qui ont été des grandes sœurs à mon arrivée au doctorat et merci à vous toutes pour les heures de dîner si divertissantes, les discussions interminables et les échanges cliniques stimulants. Vous avez contribué à faire de mon doctorat une expérience mille fois plus agréable et enrichissante. Bien que je m’ennuie souvent de vous, j’ai la chance d’avoir aussi des collègues extraordinaires à l’UQAM. Je remercie Noémie et Caroline de m’avoir soutenue dans les dernières étapes de mon doctorat et d’avoir célébrer avec moi mes succès. Ce sera votre tour bientôt.

Je ne saurais comment remercier mes amies «du doctorat», Audrey, Laurie et Geneviève. Je ne sais pas comment je serais arrivée à passer à travers mes études sans vous. Les moments plus difficiles, les

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obstacles en recherche, le dur apprentissage de la pratique clinique, je me sens privilégiée de les avoir partagés avec vous. Toutes ces expériences ont permis le développement d’une belle amitié et je suis heureuse que celle-ci dépasse maintenant largement le cadre du doctorat.

À mes amis de toujours, Josiane, Marielle et Jean-Yves. Je me considère la personne la plus chanceuse au monde d’être entourée de personnes aussi extraordinaires que vous. Merci pour votre présence et votre support inconditionnel, votre compréhension dans les moments où j’ai été moins disponible et votre habileté à m’apaiser et à me rappeler que les études, ce n’est pas tout dans la vie. Je vous remercie d’être fière de moi et d’être convaincus, de la façon la moins objective du monde, que je serai la meilleure psychologue.

Je remercie mes parents pour votre soutien indéfectible, tant psychologique que matériel. Votre soutien alimentaire en période de crise n’est pas négligeable non plus! Merci d’avoir été des modèles de persévérance et de courage devant les obstacles et l’incertitude. Je vous remercie également de m’avoir appris à foncer même lorsque l’on doute de nos capacités. C’est certainement grâce à ces leçons de vie que je termine aujourd’hui mon doctorat.

À Vincent. Mon amoureux. Merci de ta présence qui rend tout un peu plus facile. Merci d’être un conjoint aussi disponible, sensible et supportant. Tu es également un chercheur intelligent, passionné et une réelle source d’inspiration pour moi. Je te suis reconnaissante d’avoir pris soin de moi de mille et une façons dans le dernier droit de mes études et d’avoir été aussi compréhensif devant mon indisponibilité. J’ai bien l’intention de te rendre la pareille à mon tour. Je suis enthousiaste face aux défis stimulants qui se pointent à l’horizon et peu importe ce qui nous attend, je serai heureuse de le vivre avec toi.

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Avant-propos

Marie-Ève Daspe, auteure principale, a effectué les analyses statistiques, l’interprétation des résultats et la rédaction des deux articles scientifiques de la thèse avec la collaboration de Stéphane Sabourin, Ph.D., directeur de recherche et professeur à l'École de psychologie de l’Université Laval, de Yvan Lussier, Ph.D., membre du comité de thèse et professeur au département de psychologie de l’Université du Québec à Trois-Rivières, de Katherine Péloquin, professeure au département de psychologie de l’Université de Montréal et de John Wright, professeur retraité au département de psychologie de l’Université de Montréal. L'introduction générale de la thèse ainsi que la discussion ont été rédigées par l'auteure principale.

Le premier article de la thèse, intitulé Curvilinear associations between neuroticism and dyadic adjustment in treatment-seeking couples, a été publié en avril 2013 dans le Journal of Family Psychology. Le second article, intitulé Is the association between sexual satisfaction and neuroticism in treatment-seeking couples curvilinear?, a été accepté pour publication en mars 2015 dans la revue Couple and Family Psychology : Research and Practice.

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Introduction générale

Le bonheur conjugal constitue un élément déterminant du bien-être de l’individu. Les couples mariés ou cohabitant jouissent de bénéfices au plan psychologique, physique et financier comparativement aux individus célibataires (Amato, 2000). Toutefois, le statut matrimonial en soi n’est pas suffisant et la qualité de la relation de couple exerce une influence majeure sur la santé physique et psychologique des conjoints (Whisman & Uebelacker, 2006).

Alors que seulement un tiers des individus rapportent être très heureux au sein de leur relation de couple (Kreider & Fields, 2002), la prévalence de la détresse conjugale au sein de la population nord-américaine s’élève à près de 30% (Beach, Fincham, Amir, & Leonard, 2005). Au Québec plus précisément, chez de jeunes parents, ces taux gravitent à plus de 20% (Bégin, Sabourin, Boivin, Frénette, & Paradis, 2002). En plus d’être un facteur de risque de développer divers problèmes de santé physique et mentale (Davila, Karney, Hall, & Bradbury, 2003; Kiecolt-Glaser & Newton, 2001; Whisman & Baucom, 2012; Whisman, Uebelacker, & Settles, 2010; Whisman, Uebelacker, & Weinstock, 2004), la détresse conjugale est liée à une altération du fonctionnement social et professionnel à un degré comparable à celui d’autres troubles de santé mentale (Beach, Kamen, & Fincham, 2006). La détresse conjugale des conjoints s’accompagne également de répercussions sérieuses sur l’ajustement psychologique de leurs enfants (Barletta & O'Mara, 2006; Cummings & Davies, 2010; Fincham, 1994; Gürmen & Rohner, 2013).

La satisfaction sexuelle constitue une composante primordiale du fonctionnement conjugal (Impett, Muise, & Peragine, 2014; McNulty, Wenner, & Fisher, 2014). Les résultats d’une enquête menée auprès d’un échantillon représentatif montrent que près de 60% des individus de la population générale rapportent ne pas être pleinement satisfaits des aspects sexuels de leur couple (Mulhall, King, Glina, & Hvidsten, 2008). Les problèmes sexuels étant un des motifs de consultation les plus souvent rencontrés en psychothérapie conjugale (Doss, Simpson, & Christensen, 2004), cette proportion est susceptible d’être encore plus importante chez les couples de la population clinique. Malgré sa prévalence élevée, la contribution de l’insatisfaction sexuelle aux problèmes conjugaux a reçu beaucoup moins d’attention de la part des chercheurs en psychologie du couple, les difficultés d’ordre sexuel étant davantage le terrain des experts en sexologie. Si cette ségrégation est beaucoup moins claire chez les thérapeutes de différentes disciplines qui considèrent déjà l’influence réciproque entre ces deux aspects du fonctionnement conjugal, la recherche scientifique représente moins bien cette réalité (Bergeron, Benazon, Jodoin, & Brousseau, 2008). De surcroît, bien que les difficultés sexuelles soient de moins en moins perçues comme un problème purement individuel et que la nécessité de les mettre en rapport avec les aspects relationnels (e.g., détresse conjugale) soit de plus en plus reconnue, peu de recherches ont mis en relation de façon systématique ces deux sphères du fonctionnement

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conjugal (Dewitte, 2014). Une conceptualisation plus approfondie des difficultés au plan du fonctionnement des conjoints nécessite donc une meilleure compréhension de l’arrimage entre les sphères sexuelle et relationnelle et de sa contribution au développement des mésententes conjugales.

Lorsqu’elles font partie du tableau clinique d’un individu consultant pour d’autres troubles (e.g. dépression), les difficultés conjugales sont associées à des résultats moins positifs suite aux traitements pharmacologiques et aux thérapies individuelles (Whisman & Baucom, 2012). Par ailleurs, les rémissions spontanées des problèmes conjugaux sont l’exception plutôt que la règle et il est maintenant bien établi que les troubles conjugaux se chronicisent rapidement et que le pronostic, sans intervention conjugale, suit généralement une pente descendante (Wright, Lussier, & Sabourin, 2008). La fréquence, la chronicité et l’importance des conséquences des difficultés relationnelles et sexuelles entre les conjoints nécessitent donc le développement de modèles permettant de mieux documenter l’étiologie et le maintien des troubles conjugaux.

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Chapitre 1 : Déterminants de la qualité des unions

Depuis l’étude pionnière de Terman, Buttenweiser, Ferguson, Johnson et Wilson (1938) sur les traits de personnalité favorables à la satisfaction conjugale, une multitude de déterminants probables de l’ajustement dyadique appartenant à diverses perspectives théoriques ont été identifiés. À partir d’une revue des écrits scientifiques comprenant 115 études longitudinales portant sur près de 200 variables susceptibles d’influencer la qualité des unions, Karney et Bradbury (1995) ont proposé un modèle intégrateur des processus impliqués dans les trajectoires de satisfaction et de stabilité conjugale. Le modèle Vulnérabilité-Stress-Adaptation (VSA) tient ainsi compte de l’influence réciproque entre trois grandes classes de déterminants de la satisfaction conjugale, soit les processus adaptatifs utilisés pour faire face aux difficultés, les événements stressants vécus au sein du couple ainsi que les caractéristiques individuelles stables de chacun des partenaires (Figure 6).

Selon le modèle VSA, les processus adaptatifs correspondent aux échanges comportementaux entre les partenaires et comprennent, par exemple, les patrons de communication et les stratégies de résolution de problèmes déployées par les conjoints. Cette dimension du modèle fait une place à la perspective interpersonnelle des déterminants de l’ajustement dyadique qui stipule que la qualité des interactions comportementales, spécialement en période de conflit, influence le fonctionnement conjugal (Fincham & Beach, 1999; Gottman & Notarius, 2000). Ainsi, la valence positive ou négative des interactions entre les conjoints agirait en tant que punition ou renforçateur ayant graduellement pour effet d’influencer l’évaluation subjective de la qualité de la relation (Karney & Bradbury, 1995). Cette emphase sur le rôle des processus comportementaux et des conflits entre les conjoints a largement dominé la recherche en psychologie du couple pendant plusieurs décennies, et ce, au profit d’autres variables moins directement observables. De plus, là où les tenants de la perspective interpersonnelle négligent le plus souvent l’influence de variables susceptibles d’avoir un impact sur la qualité des interactions conjugales, le modèle VSA suggère que les processus adaptatifs utilisés par les conjoints sont à la fois déterminés par la présence de stresseurs et par les caractéristiques individuelles stables des deux partenaires.

Un certain nombre d’études ont effectivement démontré l’impact délétère des événements de vie stressants sur l’ajustement des conjoints (voir Randall & Bodenmann, 2009, pour une revue de ces travaux). Tant les stresseurs vécus à l’extérieur de la relation de couple, tels que les difficultés au travail (Schulz, Cowan, Pape Cowan, & Brennan, 2004; Story & Repetti, 2006) ou les problèmes financiers (Conger et al., 1990; Kinnunen & Pulkkinen, 1998), que ceux vécus au sein du couple, tels que l’infidélité (Gordon, Baucom, & Snyder, 2005) ou la naissance d’un premier enfant (Doss, Rhoades, Stanley, & Markman, 2009; Mitnick, Heyman, & Smith Slep, 2009), sont associés à des variations ponctuelles au plan de la satisfaction conjugale

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des partenaires. Par exemple, dans une étude sur les impacts de la transition à la parentalité, Cowan et Cowan (2000) ont observé que près d’un tiers des couples montraient des niveaux significatifs de détresse conjugale pendant les 18 mois suivant la naissance d’un premier enfant. Karney et Bradbury (1995) proposent toutefois qu’au-delà de la simple présence d’événements stressants, la qualité des processus adaptatifs déployés par les conjoints est susceptible d’exacerber ou de diminuer l’impact de ces stresseurs sur la qualité de la relation. De façon réciproque, la nature et l’intensité des événements stressants rencontrés par les membres du couple influenceraient la qualité de leurs interactions comportementales.

Enfin, les caractéristiques individuelles stables telles que la personnalité, le style d’attachement, l’histoire personnelle et les variables démographiques sont considérées, au sein du modèle VSA, comme des facteurs de vulnérabilité potentiels. Les tenants de la perspective intrapersonnelle des déterminants de l’ajustement dyadique ont effectivement identifié certaines caractéristiques associées à une plus faible satisfaction conjugale. Entre autres, le névrosisme (McNulty, 2013), un style d’attachement insécurisant (Mikulincer & Shaver, 2007) et le divorce des parents (Sanders, Halford, & Behrens, 1999) sont toutes des variables négativement associées à la qualité des unions. Selon le modèle, ces vulnérabilités individuelles auraient un impact sur la satisfaction conjugale via leur influence sur l’occurrence des stresseurs et sur la qualité des processus adaptatifs démontrés par les conjoints. Les mécanismes par lesquels les traits de personnalité des partenaires sont susceptibles d’influencer le fonctionnement conjugal sont discutés plus loin.

En somme, le modèle VSA suggère que la capacité d’un couple à s’adapter aux difficultés rencontrées dépend à la fois de la nature des expériences stressantes et des vulnérabilités individuelles de chacun des partenaires. L’accumulation d’expériences en lien avec les processus adaptatifs déployés par les conjoints affecterait graduellement l’évaluation de la qualité de la relation de couple et influencerait subséquemment la stabilité de l’union. Une des implications importantes de ce modèle est donc de souligner les relations réciproques entre la qualité des interactions entre les conjoints, la présence de stresseurs et les vulnérabilités individuelles de chacun des partenaires, suggérant que la relation entre deux de ces dimensions ne peut pas être bien comprise sans prendre en compte les informations provenant de la troisième dimension (Karney & Bradbury, 1995).

La recension de la documentation scientifique quant aux déterminants de l’ajustement des conjoints permet de constater que beaucoup d’efforts ont été concentrés sur l’étude des variables proximales susceptibles d’avoir un impact majeur sur la qualité des relations de couple (Fincham & Beach, 2010). Évidemment, l’influence proximale de stresseurs récents tels que l’infidélité, la perte d’un emploi ou la naissance d’un premier enfant en font des variables avantageuses au plan du pourcentage de variance de la satisfaction conjugale qu’elles permettent d’expliquer (Twenge, Campbell, & Foster, 2003). Il en va de même

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pour les processus adaptatifs, tels que la qualité des échanges comportementaux qui montrent des pourcentages de variance expliquée allant généralement autour de 40% (Siffert & Schwarz, 2011) et pouvant même atteindre les 65% (Wills, Weiss, & Patterson, 1974).

Les caractéristiques individuelles stables, par contre, représentent certainement la dimension la moins étudiée du modèle VSA (Bradbury, Fincham, & Beach, 2000). Parce que leur influence sur la satisfaction conjugale est moins directe que celle des variables proximales, le pourcentage de variance qu’elles permettent d’expliquer est beaucoup moins impressionnant que celui des stresseurs et des processus comportementaux. Malgré la plus faible attention qu’elles suscitent chez les chercheurs, les caractéristiques individuelles ont néanmoins une influence significative sur la qualité des unions. En effet, le caractère stable des variables intrapersonnelles telles que la personnalité ou le style d’attachement leur confère une influence au long cours sur le fonctionnement conjugal (Collins, 2009; Solomon & Jackson, 2014), comparativement à l’impact plus ponctuel des variables proximales (Bradbury & Karney, 2004). Karney et Bradbury (1997) ont par exemple observé qu’indépendamment de la trajectoire de satisfaction, le névrosisme, ou affectivité négative, détermine le niveau initial de satisfaction conjugale. En ce sens, les traits de personnalité semblent constituer un facteur inné qui fixerait, à long terme, un niveau de base à la satisfaction conjugale. De plus, en accord avec la nature interactionniste du modèle VSA, une compréhension approfondie de l’impact des variables distales est primordiale afin d’identifier de manière plus juste les processus impliqués dans l’évaluation de la qualité des unions.

Devant la nécessité de mieux documenter la contribution des vulnérabilités individuelles, la présente thèse entend se concentrer sur le rôle de la personnalité pour expliquer le fonctionnement conjugal des deux conjoints. Bien que l’ensemble du modèle VSA serve ici de toile de fond à la formulation d’hypothèses concernant les mécanismes explicatifs du rôle de la personnalité sur l’ajustement dyadique des conjoints, et soit utile afin de situer les variables étudiées au sein d’un modèle théorique plus large, la thèse se concentre spécifiquement sur la classe de déterminants des vulnérabilités individuelles et n’abordera pas directement le rôle des stresseurs et des processus comportementaux. Plus précisément, l’objectif de la thèse est d’investiguer l’influence complexe du névrosisme, le trait de personnalité le plus fortement associé à la qualité des unions, sur la satisfaction conjugale et sexuelle de l’individu et de son partenaire. Cette emphase sur les caractéristiques personologiques est particulièrement pertinente puisque les spécialistes en psychothérapie de couple d’approches diverses font maintenant presque tous appel aux traits de personnalité pour expliquer la présence de patrons interactionnels dysfonctionnels (Wright et al., 2008). Ceux-ci s’entendent toutefois pour réclamer la conduite d’un plus grand nombre d’études empiriques visant à mieux justifier l’inclusion de ces facteurs personologiques dans les protocoles diagnostiques et thérapeutiques.

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Chapitre 2 : Personnalité et ajustement conjugal

Modèle de la personnalité en cinq facteurs

Selon la théorie des traits, la personnalité est caractérisée par des différences individuelles disposant l’individu à démontrer des patrons de pensées, d’affects et de comportements dans une situation donnée (Mischel & Shoda, 1995). La théorie des traits est guidée par quatre principaux postulats : (1) la relative stabilité des traits, (2) l’expression générale des traits dans différentes sphères de la vie, (3) leurs assises génétiques et biologiques ainsi que (4) l’interaction entre les traits de personnalité et divers facteurs situationnels (McCrae & Costa, 2008). Si ces quatre postulats sont bien validés empiriquement et font généralement consensus parmi les experts en psychologie de la personnalité, la question du nombre de dimensions nécessaires afin de décrire la personnalité d’un individu est encore débattue. Bien que des modèles en trois (Eysenck & Eysenck, 1968), sept (Cloninger, Svrakic, & Przybeck, 1993) ou 16 facteurs (Cattell, Eber, & Tatsuoka, 1970) aient été proposés, le modèle en cinq facteurs (Goldberg, 1990) demeure la conceptualisation dominante parmi les experts en psychologie de la personnalité.

La théorie en cinq facteurs suggère que la personnalité est constituée de cinq grandes dimensions retrouvées chez l’ensemble des individus, soit : le névrosisme, l’extraversion, l’ouverture, l’amabilité et la propension à être consciencieux (McCrae & Costa, 2006). Chacune de ces dimensions représente un facteur d’ordre supérieur composé de six facettes sous-jacentes. La description des différents facteurs, leurs facettes ainsi que les construits équivalents ou reliés retrouvés dans les études sont présentés dans la table 3 (Costa & McCrae, 1992a). Le modèle de la personnalité en cinq facteurs a été développé sur la base d’analyses lexicales permettant d’identifier les traits de personnalité représentés dans le langage courant, et factorielles, permettant de classer ces traits de personnalité selon un nombre de facteurs pertinents (Goldberg, 1993). Les cinq dimensions observées couvrent par ailleurs l’ensemble des traits de personnalité proposés par les modèles concurrents.

Le modèle de la personnalité en cinq facteurs est un modèle fondamentalement descriptif, comparativement à d’autres théories de la personnalité visant à expliquer les différences individuelles (Hansenne, 2013). Les modèles découlant des courants psychodynamiques par exemple, constituent des modèles explicatifs puisqu’ils sont rattachés à une théorie tentant de comprendre les facteurs causaux impliqués dans le développement de la personnalité normale et pathologique. Bien que l’approche purement descriptive du modèle de la personnalité en cinq facteurs ne sous-tende pas d’hypothèses quant aux causes des différences individuelles, certaines dimensions du modèle sont toutefois associées à différents éléments des théories psychodynamiques. Par exemple, Verreault, Sabourin, Lussier, Normandin et Clarkin (2013) ont observé que le névrosisme est significativement relié à divers aspects fondamentaux (e.g. utilisation de

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mécanismes de défense primitifs) de la théorie psychodynamique de l’organisation de la personnalité de Kernberg (Kernberg, 1976) et qu’au-delà de ces associations, il entretient des liens directs avec la satisfaction conjugale des partenaires. Ces résultats soutiennent le rôle complémentaire du névrosisme et de la théorie psychodynamique des relations d’objet dans la prédiction de l’ajustement des conjoints. Le modèle de la personnalité en cinq facteurs se distingue également d’autres modèles se concentrant spécifiquement sur la personnalité pathologique, tels que ceux mesuré par le Minnesota Multiphasic Personality Inventory (MMPI-2; Butcher, Dahlstrom, Graham, Tellegen, & Kaemmer, 1989) ou le Million Clinical Multiaxial Inventory (Millon, 1994). Ces modèles postulent que la personnalité normale et la personnalité pathologique diffèrent qualitativement et qu’une élévation sur des échelles référant à des traits pathologiques reflète des troubles de la personnalité. Bien que les dimensions du modèle en cinq facteurs renvoient à des traits de la personnalité considérés normaux, un corpus scientifique de plus en plus important suggère que des scores extrêmes sur ces dimensions sont associés aux troubles de la personnalité (Widiger & Costa, 2013). Cette documentation scientifique sera abordée plus loin. L’avantage du modèle en cinq facteurs tient donc à sa puissance explicative des traits de personnalité normaux et pathologiques.

Enfin, parce que le modèle en cinq facteurs est descriptif et athéorique, il n’est pas attaché à une approche thérapeutique particulière, tels que le sont les modèles psychodynamiques (Kernberg, 1976) ou humanistes (Shostrom, 1964) par exemple. Celui-ci peut donc être largement utilisé par des thérapeutes conjugaux d’approches diverses et s’intégrer aisément dans le cadre théorique utilisé pour conceptualiser le fonctionnement des conjoints.

La validité du modèle de la personnalité en cinq facteurs est bien supportée par un nombre impressionnant d’études empiriques démontrant qu’il rencontre l’ensemble des postulats de la théorie des traits et représente des dimensions fondamentales de la personnalité (voir Costa & McCrae, 1992b; McCrae & Costa, 2008, pour une revue plus récente de ces recherches). Premièrement, la stabilité des dimensions du modèle est soutenue par plusieurs études longitudinales (Costa & McCrae, 1988, 1992c; Finn, 1986), suggérant que les différences individuelles au plan des traits de personnalité mesurés sont stables à travers de longues périodes. Par exemple, dans une étude comprenant 2 274 participants suivis sur près de 10 ans, Costa, McCrae et Siegler (1999) ont observé des coefficients test-retest élevés, variant de .64 à .80 pour les 30 facettes qui composent les dimensions du modèle en cinq facteurs. Deuxièmement, l’expression des traits de personnalité du modèle dans différentes sphères de la vie est largement documentée par les résultats de diverses méta-analyses et revues des écrits scientifiques (e.g. Heller, Watson, & Ilies, 2004; Ozer & Benet-Martinez, 2006). Des relations significatives ont effectivement été observées entre les cinq dimensions de la personnalité et divers aspects importants de l’ajustement de l’individu, tels que le bien-être subjectif, la santé physique, la présence de psychopathologie ainsi que le fonctionnement social et professionnel (Ozer &

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Benet-Martinez, 2006). Une recension des études empiriques portant sur l’influence des cinq dimensions sur les différentes sphères de la vie, et plus précisément leur impact sur le fonctionnement conjugal, sera présentée plus loin. Troisièmement, les fondements biologiques du modèle en cinq facteurs sont appuyés d’une part par des conclusions empiriques démontrant un taux d’héritabilité des traits de 50% et, d’autre part, par certaines études ayant permis d’identifier des marqueurs génétiques pour l’ensemble des cinq grandes dimensions (Jang & Yamagata, 2009). Par ailleurs, l’invariance culturelle du modèle en cinq facteurs est supportée par de nombreuses études de validation réalisées dans plus de 50 pays (McCrae & Terracciano, 2005). En plus de démontrer que les cinq dimensions se retrouvent dans toutes les cultures, ces études soutiennent l’hypothèse d’une structure génétique sous-jacente à ces dimensions qui serait commune à l’espèce humaine (Yamagata et al., 2006). En somme, en plus d’avoir des assises biologiques et génétiques bien documentées et d’être présentes dans toutes les cultures, indépendamment de l’âge, du genre ou de la langue, les dimensions du modèle en cinq facteurs ont une influence stable sur des aspects fondamentaux du fonctionnement de l’individu.

Si les études génétiques portant sur le modèle de la personnalité en cinq facteurs suggèrent qu’environ 50% de la variance des traits de personnalité est attribuable à des facteurs génétiques (Jang & Yamagata, 2009), l’autre moitié de la variance reste à être expliquée par des facteurs environnementaux. Ici, l’interaction entre les dimensions du modèle et l’influence de facteurs situationnels reçoit un intérêt grandissant de la part des chercheurs qui, grâce à un nombre croissant d’études longitudinales, alimentent les théories quant aux processus sociaux responsables du développement de la personnalité au cours de la vie.

Développement de la personnalité

D’un point de vue strictement biologique, la personnalité se développerait presqu’exclusivement de l’enfance à l’adolescence et ne montrerait que très peu ou pas de changement après 30 ans (Costa & McCrae, 2006; Terracciano, McCrae, & Costa, 2010). Ici, le processus de maturation des systèmes neurobiologiques plutôt que les expériences sociales imposerait ces contraintes au changement de la personnalité. Les modèles contemporains du développement de la personnalité proposent, pour leur part, que la stabilité de la personnalité n’exclut pas son développement ainsi qu’un processus de maturation, et ce, bien après l’adolescence.

Par exemple, le modèle de l’investissement social (Roberts, Walton, & Viechtbauer, 2006) stipule que les transitions importantes de la vie, soit l’investissement dans des rôles sociaux normatifs (e.g. entrée sur le marché du travail, engagement dans une relation amoureuse, naissance d’un premier enfant, etc.) contribuent à des changements significatifs sur le plan des traits de personnalité. Ainsi, les résultats d’études longitudinales récentes, menées auprès de larges échantillons populationnels, (Neyer & Lehnart, 2007;

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Roberts et al., 2006; Robins, Fraley, Roberts, & Trzesniewski, 2001) démontrent que le névrosisme tend à diminuer alors que l’amabilité et la propension à être consciencieux augmentent avec l’âge, chez la majorité des individus. Au plan de l’extraversion et de l’ouverture, les patrons de changement sont plus complexes (Roberts, Wood, & Smith, 2005). L’extraversion se subdiviserait en deux catégories distinctes : la dominance sociale qui s’accentue avec le temps et la vitalité sociale qui, elle, diminue. Enfin, l’ouverture à l’expérience suit plutôt une trajectoire curvilinéaire avec une augmentation à l’adolescence avant de diminuer à l’âge adulte. La figure 7 illustre l’évolution des différentes dimensions au cours de la vie selon les résultats de la méta-analyse de Roberts et al. (2006). Cette méta-analyse s’appuie sur 92 études menées entre 1943 et 2004 et comprend 50 120 participants.

Ces changements normatifs qui mènent à la maturation de la personnalité s’expliqueraient principalement par les attentes comportementales inhérentes à ces nouveaux rôles sociaux qui inciteraient l’individu à adopter des comportements répondant à ces attentes (Roberts, Wood, et al., 2005). Dans leur méta-analyse sur le développement de la personnalité au cours de la vie, illustrée à la figure 7, Roberts et al. (2006) observent que, contrairement à la position de Costa et McCrae, les traits de personnalité changent davantage entre 20 et 40 ans que pendant l’adolescence. Ainsi, les nombreuses transitions inhérentes au début de l’âge adulte telles que le départ de la famille d’origine, l’entrée sur le marché du travail, l’adaptation aux relations avec les collègues de travail et les supérieurs hiérarchiques, l’investissement dans une relation de couple et la parentalité font de cette période une étape cruciale pour la maturation de la personnalité.

Bien que Costa et McCrae aient également observé la présence de changements sur les différentes dimensions avec l’âge (Costa & McCrae, 2006), leur interprétation des résultats diffère de façon marquée. D’abord, ces auteurs attribuent les changements à un processus de maturation intrinsèque lié à des facteurs génétiques plutôt qu’à des facteurs environnementaux et culturels. Ensuite, les changements observés sur les différentes dimensions sont selon eux d’une magnitude trop faible pour appuyer l’hypothèse d’une maturation de la personnalité après 30 ans (Costa & McCrae, 2006; McCrae & Costa, 2003). Ceux-ci maintiennent donc que l’adolescence demeure la période la plus propice au développement de la personnalité et que celle-ci se stabilise après trente ans, les rares changements observés étant dus à des caractéristiques individuelles identifiables dès l’enfance (Terracciano et al., 2010). Ainsi, leur conception neurobiologique du lien entre la personnalité et ses corrélats dans plusieurs sphères de la vie est largement unidirectionnelle. Ces auteurs considèrent les traits de personnalité comme des prédicteurs causaux de divers enjeux personnels et sociaux, dont la satisfaction conjugale. Le contexte relationnel et environnemental n’aurait, selon eux que peu, voire aucun effet sur la personnalité.

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Le modèle dynamique-transactionnel (Neyer & Lehnart, 2006) se place en complément au modèle de l’investissement social en considérant l’influence de l’environnement dans le développement et la stabilité des traits de personnalité. Le paradigme transactionnel stipule que la personnalité se développe grâce à une transaction réciproque entre les caractéristiques personologiques de l’individu et son environnement, en grande partie social. En ce sens, les traits de personnalité de l’individu influencent les caractéristiques de la relation (conflits, cohésion, proximité) alors que celles-ci, en retour, peuvent conduire à une modification des traits de personnalité (Neyer, 2004). Neyer et Asendorpf (2001) ont cependant démontré empiriquement qu’au sein de cette transaction, l’effet de la personnalité est plus important que l’effet de la relation. Les traits de personnalité étant plus stables que les caractéristiques de la relation, ils prédisent plus fortement les changements relationnels que l’inverse. De surcroît, l’individu interprète son environnement d’une manière qui s’accorde à sa personnalité. La documentation recensée plus loin quant au lien entre la personnalité et la satisfaction conjugale démontre bien l’influence des variables personologiques sur les caractéristiques de la relation. Toutefois, des relations significatives s’inscrivant dans des transitions développementales majeures peuvent prédire des changements au plan de la personnalité (Neyer, 2004). En accord avec le modèle de l’investissement social, des études récentes ont démontré que les individus qui s’investissent dans une relation de couple deviennent plus stables émotivement (Lehnart, Neyer, & Eccles, 2010), plus consciencieux (Neyer & Asendorpf, 2001) et plus extravertis (Neyer & Lehnart, 2006). Ces changements pourraient s’expliquer, entre autres, par le fait que de s’établir avec un partenaire procure une importante source de sécurité au plan de l’attachement ainsi qu’une base solide pour affronter les défis de l’âge adulte, contribuant ainsi à la stabilité émotionnelle de l’individu. De plus, la tendance à devenir plus consciencieux pourrait résulter des nouvelles responsabilités inhérentes à l’engagement dans une relation de couple stable et à la parentalité future (Lehnart et al., 2010; Neyer & Asendorpf, 2001).

Les modèles dynamique-transactionnel et de l’investissement social permettent tous deux l’étude de la transaction entre les traits de personnalité et les expériences de l’individu. Cette conceptualisation s’avère très utile dans la compréhension de la relation complexe entre la personnalité et l’ajustement dyadique. Plus particulièrement, ces modèles rendent mieux compte des résultats empiriques contemporains montrant la présence de relations parfois unidirectionnelles et parfois bidirectionnelles entre certains traits de personnalité et la qualité des unions conjugales (Robins, Caspi, & Moffitt, 2002).

Modèle en cinq facteurs et satisfaction conjugale et sexuelle

L’appui empirique solide à la validité du modèle de la personnalité en cinq facteurs contribue à sa popularité chez les chercheurs en psychologie du couple (Barelds, 2005; Bouchard, Lussier, & Sabourin, 1999; Donnellan, Conger, & Bryant, 2004; Kelly & Conley, 1987; McNulty, 2008; Watson, Hubbard, & Wiese,

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analyses sur la relation entre les dimensions du modèle et la satisfaction conjugale (Heller et al., 2004; Malouff, Thorsteinsson, Schutte, Bhullar, & Rooke, 2010) démontrent que les cinq dimensions du modèle ont toutes été associées à la satisfaction conjugale. La consultation de ces études révèle également que non seulement la personnalité d’un individu est liée à sa propre satisfaction conjugale (effet acteur) mais qu’elle est également liée à la satisfaction conjugale de son partenaire (effet partenaire). Bien que la présente thèse se concentre spécifiquement sur le névrosisme, la section suivante fait état, pour chaque dimension du modèle en cinq facteurs, des principaux corrélats des traits dans différentes sphères de la vie ainsi que des travaux empiriques quant à la relation qu’ils entretiennent avec le fonctionnement conjugal et sexuel. Cet examen des autres dimensions du modèle en cinq facteurs mènera, dans les deux articles empiriques de la thèse, à une analyse du rôle du névrosisme qui tiendra compte de la contribution simultanée de l’extraversion, de l’ouverture à l’expérience, de l’amabilité et de la propension à être consciencieux.

Le névrosisme

Le névrosisme se définit comme la propension à ressentir des affects négatifs tels que la peur, la colère et la culpabilité. Les individus présentant des scores élevés sur cette dimension sont susceptibles d’entretenir des idées irrationnelles à propos d’événements anxiogènes ou de conséquences négatives, d’avoir moins de contrôle sur leurs impulsions et de réagir plus fortement au stress. À l’inverse, les individus présentant un score faible à une échelle de névrosisme sont plus stables émotivement, plus sûrs d’eux et s’adaptent mieux aux situations stressantes (Costa & McCrae, 1992).

L’impact majeur du névrosisme sur des aspects fondamentaux du fonctionnement de l’individu en fait un déterminant d’importance au plan de la santé publique (Lahey, 2009). En effet, le névrosisme est associé à un plus large éventail de problèmes de santé physique et mentale que n’importe quel autre trait de personnalité. Selon des méta-analyses récentes, des tailles d’effet larges (d > 1.00) sont observées pour les troubles de l’axe I (Malouff, Thorsteinsson, & Schutte, 2005) alors que des tailles d’effet modérées (d > 0.50) sont observées pour les troubles de l’axe II (Saulsman & Page, 2004). De surcroît, Khan, Jacobson, Gardner, Prescott et Kendler (2005) ont observé que de 20% à 88% de la comorbidité entre différents troubles de l’axe I est attribuable au névrosisme, ce qui rend les individus présentant des degrés élevés sur cette dimension plus susceptibles de présenter des tableaux cliniques complexes. Le chevauchement entre les facteurs génétiques impliqués dans le névrosisme et dans le développement de diverses psychopathologies, jumelé à la forte réactivité aux stresseurs environnementaux, expliquerait pourquoi le névrosisme constitue un facteur de risque important au plan de la santé mentale (Lahey, 2009).

Au plan de la santé physique, le névrosisme est, entre autre, associé à un risque d’hypertension et de maladies cardiovasculaires, et négativement relié à la longévité. Au surplus, l’anxiété et la dépression

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inhérentes à cette dimension contribuent à un affaiblissement du système immunitaire, augmentant subséquemment les risques de maladies infectieuses et de cancer (Smith & Spiro, 2002, pour une revue). Ici encore, des influences génétiques communes, la réactivité physiologique aux stresseurs ainsi que l’engagement dans des comportements à risque pour la santé contribueraient à l’association entre le névrosisme et les problèmes de santé physique (Lahey, 2009). À un degré plus subjectif, le névrosisme est associé à une plus faible satisfaction par rapport à la vie en générale, par rapport au travail et par rapport à la relation de couple (Heller et al., 2004).

Au plan du fonctionnement conjugal, le névrosisme est de loin le facteur du modèle ayant suscité le plus d’attention de la part des chercheurs en psychologie du couple. À partir des résultats de 40 études, Heller et al. (2004) ont estimé une taille d’effet modérée (d = 0,54) pour l’effet acteur. Une taille d’effet de magnitude comparable (d = 0,45) a été calculée à partir de 19 études examinant l’effet partenaire (Malouff et al., 2010). Dans une étude longitudinale sur les déterminants de la satisfaction conjugale et de la stabilité des unions, Kelly et Conley (1987) rapportent que le névrosisme est le trait de personnalité le plus fortement lié à la détresse conjugale, tout en étant un meilleur prédicteur de celle-ci que d’autres caractéristiques individuelles telles que les antécédents familiaux et l’histoire sexuelle. Les études ultérieures s’étant intéressées au lien entre la personnalité et la satisfaction conjugale n’ont cessé de confirmer l’impact négatif du névrosisme sur la qualité des relations de couple, tant pour l’individu lui-même (Bouchard & Arseneault, 2005; Bouchard et al., 1999; Claxton, O’Rourke, Smith, & DeLongis, 2012; Donnellan et al., 2004; Dyrenforth, Kashy, Donnellan, & Lucas, 2010; Kelly & Conley, 1987; Watson et al., 2000; White et al., 2004), que pour son partenaire (Barelds, 2005; Botwin, Buss, & Shackelford, 1997; Bouchard et al., 1999; Donnellan et al., 2004; Dyrenforth et al., 2010; Kosek, 1996; Robins, Caspi, & Moffitt, 2000; Solomon & Jackson, 2014; Watson et al., 2000).

En accord avec le modèle VSA, les études portant sur les mécanismes explicatifs de l’association entre le névrosisme et la satisfaction conjugale suggèrent que ce trait de personnalité influence tant la qualité des échanges comportementaux entre les conjoints que l’occurrence et l’adaptation aux stresseurs rencontrés par les membres du couple. Du point de vue des processus comportementaux, la relation négative entre le névrosisme et la qualité des unions serait expliquée à la fois par un biais perceptif et par des échanges comportementaux plus négatifs entre les conjoints. En effet, quelques études suggèrent que la propension de l’individu à ressentir des émotions négatives l’amène à percevoir systématiquement plus de comportements négatifs chez son partenaire (Barelds, 2005; Donnellan et al., 2004; Karney & Bradbury, 2000) et ce, indépendamment de l’observation objective de ces comportements (Barelds, 2005; Caughlin, Huston, & Houts, 2000; McNulty, 2008). Toutefois, il semble aussi que les conjoints d’individus présentant un névrosisme élevé démontrent réellement davantage de comportements hostiles que les conjoints d’individus présentant un névrosisme plus faible (Caughlin et al., 2000; Donnellan et al., 2004; McNulty, 2008). Enfin, les individus

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présentant un névrosisme élevé feraient eux aussi preuve de davantage de comportements négatifs envers leur partenaire (Caughlin et al., 2000; Donnellan et al., 2004; McNulty, 2008). Bref, en plus d’émettre et de susciter des comportements coercitifs chez leur partenaire, ces individus sont plus susceptibles d’interpréter négativement des comportements qui ne le sont pas. Par ailleurs, dans une étude récente développée sur la base théorique du modèle VSA, Brock et Lawrence (2014) ont observé que le névrosisme des conjoints est associé à la fois au stress vécu par l’individu dans différents domaines (éducation des enfants, relations sociales, le travail, les finances, etc.) et aux différents processus relationnels tels que l’intimité, le niveau de conflit et le support entre les partenaires.

Un nombre très limité d’études documentent la relation entre les dimensions de la personnalité et le fonctionnement sexuel de l’individu. Au plan du névrosisme, Eysenck (1971, 1972, 1976) a postulé qu’étant donné leur système nerveux labile et leur propension à ressentir de l’anxiété, les individus ayant un score élevé sur cette dimension feraient preuve d’une plus grande excitabilité tout en étant plus à risque de vivre des inquiétudes et des difficultés au plan sexuel. D’un point de vue empirique, les études ayant tenté de vérifier cette hypothèse ont rapporté des résultats mitigés. Alors que certains auteurs observent une corrélation négative entre le névrosisme et la satisfaction sexuelle (Costa, Fagan, Piedmont, Ponticas, & Wise, 1992; Donnellan et al., 2004; Eysenck, 1976; Fisher & McNulty, 2008; Heaven et al., 2003; Schenk, Pfrang, & Rausche, 1983), d’autres rapportent une absence de relation entre ces deux variables (Barnes, Malamuth, & Check, 1984; Schenk & Pfrang, 1986). La seule étude réalisée sur une population clinique d’individus consultant pour des difficultés d’ordre sexuel a permis d’observer une relation négative entre le névrosisme et la satisfaction sexuelle chez les hommes (Costa et al., 1992).

L’extraversion

L’extraversion représente l’approche de l’individu face au monde social et matériel (John & Srivastava, 1999). Un score élevé sur cette dimension traduit, entre autres, une tendance à retirer du plaisir des situations sociales, un besoin d’être entouré, une tendance à l’affirmation de soi, un haut degré d’activité, une recherche de sensations ainsi qu’une propension à ressentir des émotions positives (Costa & McCrae, 1992). Il importe de noter que l’introversion, caractérisée par des scores faibles sur cette échelle, représente davantage l’absence d’extraversion que son opposé (Trull, Useda, Costa, & McCrae, 1995). Par exemple, une faible propension à faire l’expérience d’émotions positives ne traduit pas nécessairement une tendance à éprouver des émotions contrariantes, ce qui correspond plutôt au névrosisme. Ainsi, les individus introvertis sont davantage réservés, indépendants et préfèrent généralement la solitude à la présence dans un groupe.

Les différentes facettes de l’extraversion étant principalement reliées au monde social, il n’est pas surprenant d’observer des relations significatives entre cette dimension et plusieurs aspects des relations

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interpersonnelles. En général, un degré élevé d’extraversion est lié à la densité et à la qualité du réseau social. Par exemple, à l’enfance, alors que l’introversion est associée au rejet par les pairs, l’extraversion est associée à la popularité et à l’acceptation (Ozer & Benet-Martinez, 2006). De même, à l’âge adulte, l’extraversion constitue le facteur le plus fortement associé au statut (respect, influence, popularité) par rapport aux pairs. Au surplus, de par sa forte corrélation (r = 0, 46) avec l’affectivité positive, l’extraversion est associée à plusieurs construits positifs tels que des mesures de bien-être subjectif et d’estime de soi (Lyubomirsky & Sin, sous presse). Au plan occupationnel, cette dimension est positivement associée à la satisfaction et à l’engagement au travail ainsi qu’à une préférence pour des professions liées au monde social ou entrepreneurial (Ozer & Benet-Martinez, 2006). L’extraversion est également la dimension du modèle la plus fortement corrélée à l’émergence et à l’efficacité du leadership (Judge, Bono, Ilies, & Gerhardt, 2002). Bien que cette dimension de la personnalité soit majoritairement associée à des conséquences positives pour l’individu, des degrés élevés de sociabilité sont néanmoins associés à certains comportements à risque tels que la consommation de cigarettes et d’alcool (Munafò, Zetteler, & Clark, 2007) ainsi qu’à des comportements sexuels à risque (Hoyle, Fejfar, & Miller, 2000). Spirling et Persaud (2003) proposent que, chez les adolescents du moins, le besoin de s’entourer de gens expose les individus extravertis à la contagion comportementale et à la pression des pairs. De plus, à des doses très élevées, l’extraversion fait partie du tableau clinique des troubles de la personnalité narcissique et histrionique. À des doses très faibles, elle est associée aux troubles de la personnalité évitante, schizoïde et schizotypique (Saulsman & Page, 2004).

L’extraversion est l’un des facteurs du modèle pour lequel la relation avec la qualité des unions est la plus mitigée. La complexité du construit explique sans doute en partie ces résultats. Les tailles d’effet retrouvées dans les méta-analyses (Heller et al., 2004; Malouff et al., 2010) sont effectivement assez faibles pour l’ensemble des 22 études sur l’effet acteur (d = 0,28) et des 19 études sur l’effet partenaire (d = 0,12). Bien que quelques chercheurs rapportent un impact positif de l’extraversion sur la satisfaction de l’individu (Solomon & Jackson, 2014; Watson et al., 2000; White et al., 2004) et de son partenaire (Kosek, 1996), ces résultats n’ont pas ou peu été dupliqués. Dans plusieurs cas, les études ne révèlent aucun lien entre l’extraversion et la satisfaction conjugale (Botwin et al., 1997; Bouchard et al., 1999; Donnellan et al., 2004). Ces résultats sont surprenants étant donné la forte association entre l’extraversion et la qualité des relations en général. Il est possible que les résultats mitigés sur le plan des relations de couple traduisent le fait qu’il n’existe pas de lien direct entre les caractéristiques de l’extraversion et les aspects de la vie conjugale (Bouchard et al., 1999) et que ce trait de personnalité prédirait mieux le fonctionnement dans des sphères extérieures à la vie de couple (e.g., fonctionnement au travail, relations avec les pairs, etc.). Il est également plausible que l’hétérogénéité des résultats soit due au fait que la relation entre l’extraversion et la satisfaction conjugale ne soit pas aussi directe que pour le névrosisme ou l’agréabilité. Par exemple, Lazaridès, Bélanger

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de communication et la satisfaction conjugale. Il est donc possible que l’effet de l’extraversion sur la qualité des relations soit plus sensible au contexte interpersonnel que celui d’autres traits qui sont plus indistinctement positifs ou négatifs (Lazaridès et al., 2010). Enfin, il est probable que les différentes facettes de l’extraversion n’entretiennent pas toutes la même relation avec la satisfaction conjugale, certaines étant davantage favorables et d’autres n’ayant pas d’impact sur la qualité de la relation. Dans tous les cas, une étude plus raffinée de l’extraversion est nécessaire afin de mieux comprendre la complexité de sa relation avec la satisfaction conjugale.

Au plan sexuel, Eysenck (1972) propose que la recherche de stimulation caractéristique des individus extravertis pousserait ces derniers à rechercher des stimuli sexuels plus forts. En ce sens, de hauts degrés d’extraversion ont été associés à des relations sexuelles plus précoces, à une plus grande fréquence des activités sexuelles (Costa et al., 1992; Schenk et al., 1983) ainsi qu’à un nombre plus élevé de partenaires sexuels (Barnes et al., 1984). De plus, conséquemment à l’affectivité positive inhérente à cette dimension, l’extraversion serait associée à des émotions positives à l’égard de la sexualité (Costa et al., 1992) ainsi qu’à une plus grande satisfaction sexuelle (Schenk et al., 1983). Chez les femmes, Heaven, Fitzpatrick, Craig, Kelly et Sebar (2000) ont observé une relation positive entre l’extraversion et la curiosité à l’égard de la sexualité.

L’ouverture à l’expérience

L’ouverture caractérise les individus curieux et enclins à adopter des valeurs et des opinions non conventionnelles. Cette dimension traduit également l’ouverture face aux émotions, autant positives que négatives, et la propension à en faire l’expérience de manière intense (Costa & McCrae, 1992). À l’inverse, la fermeture traduit plutôt une tendance à être conventionnel, à préférer la familiarité à la nouveauté et à présenter un éventail d’intérêts plus restreint.

L’ouverture à l’expérience semble être le trait de personnalité ayant le plus d’impact sur le développement de l’identité (Clancy & Dollinger, 1993; Ozer & Benet-Martinez, 2006). Alors qu’une faible ouverture est associée à l’identité forclose dans laquelle l’individu ne remet pas en question ses choix et endosse, sans s’interroger, les valeurs dictées par son environnement, un niveau élevé d’ouverture favorise l’exploration des multiples facettes de son identité. Au plan académique et occupationnel, l’ouverture serait positivement corrélée au nombre d’années de scolarité et à des choix de carrière de type investigateur et artistique. À des doses très élevées cependant, l’ouverture serait associée à l’abus de substance (Trull & Sher, 1994). Cette relation pourrait être explicable par le besoin de nouveauté inhérent à cette dimension de la personnalité.

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En lien avec la qualité des unions, les résultats des études s’avèrent relativement incongruents. Les tailles d’effet relevées dans les méta-analyses sont par conséquent négligeables, tant pour les cinq études quant à l’effet acteur (d = 0,16) que pour les 18 études quant à l’effet partenaire (d = 0,06). Au plan de l’effet acteur, alors que Karney et Bradbury (1995) constatent une relation négative entre l’ouverture et la satisfaction conjugale, Bouchard et al. (1999) ont démontré, à l’inverse, une relation positive chez l’homme. Les résultats quant à l’effet partenaire signalent une relation positive entre l’ouverture et la satisfaction conjugale du conjoint. Bouchard et al. (1999) ont démontré cette relation positive entre l’ouverture chez l’homme et la satisfaction conjugale de sa conjointe. D’autres auteurs (Botwin et al., 1997; Kosek, 1996) ont constaté cette relation autant chez l’homme que chez la femme. Bouchard et al. (1999) expliquent l’impact positif de l’ouverture sur la qualité des unions par le fait que les individus ouverts sont plus tolérants face aux divergences de comportements ou d’opinions, ce qui réduit le nombre de conflits. En plus d’être négativement corrélée à l’observation d’interactions négatives, l’ouverture favoriserait une approche plus flexible face à la résolution de problème et aux conflits pouvant survenir au sein du couple (Donnellan et al., 2004). Bouchard et Arseneault (2005) ont quant à eux démontré que chez la femme, le lien entre l’ouverture à l’expérience et la satisfaction conjugale est modéré par la longueur de l’union. En début de relation, l’ouverture amènerait la femme à être plus tolérante aux divergences de points de vue de son conjoint, ce qui est susceptible d’augmenter la cohésion au sein du couple. Cependant, au fil du temps, les valeurs non traditionnelles de celle-ci pourraient l’amener à remettre en question sa relation et à examiner les différentes alternatives qui lui sont offertes. L’effet modérateur de la longueur de l’union pourrait donc expliquer les résultats parfois mitigés sur le lien entre l’ouverture et la satisfaction conjugale.

Au plan sexuel, les femmes faisant preuve d’une plus grande ouverture à l’expérience vivraient davantage d’émotions positives en lien avec la sexualité, auraient des expériences sexuelles plus diversifiées et feraient preuve d’une plus grande vitalité sexuelle (Costa et al., 1992) alors que les hommes plus ouverts seraient moins anxieux par rapport à la sexualité (Heaven et al., 2000). Plus précisément au plan de la satisfaction sexuelle, Donnellan et al. (2004) ont observé que l’ouverture de la femme prédit positivement tant sa propre satisfaction sexuelle que celle de son partenaire.

L’amabilité

L’amabilité traduit un ensemble de motivations à entretenir des relations positives avec les autres et caractérise les individus enclins à démontrer des comportements prosociaux tels que l’altruisme, la coopération et la confiance envers les autres. L’antagonisme (amabilité faible) traduit, à l’inverse, une tendance à l’égocentrisme, au scepticisme et à la compétitivité (Costa & McCrae, 1992).

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Au même titre que l’extraversion, l’amabilité est extrêmement liée au monde social et ses effets positifs sur la qualité des relations en général ne sont pas étonnants. Tout en privilégiant les comportements positifs lors des interactions (e.g., stratégies de résolution de conflits positives, coopération, pardon), les individus agréables tendent à éviter les comportements, émotions et attitudes pouvant avoir un impact néfaste sur les relations interpersonnelles (Jensen Campbell, Knack, & Gomez, 2010, pour une revue). Subséquemment, la qualité des relations entretenues par ces individus agit en tant que facteur de protection contre de multiples conséquences négatives telles que la victimisation à l’enfance et la dépression à l’âge adulte. L’inverse est observé chez les individus présentant un faible degré d’amabilité qui entretiennent, pour leur part, des expériences relationnelles plus négatives. De plus, la faiblesse du soutien social rend ces individus à risque sur le plan de la santé (e.g., maladies cardiovasculaires), l’antagonisme étant négativement associé à la longévité (Ozer & Benet-Martinez, 2006). Au plan de la psychopathologie, les variantes extrêmes sur cette dimension sont associées à la présence de troubles de la personnalité. En effet, des doses très faibles d’amabilité font partie du tableau clinique des troubles de la personnalité limite, narcissique et paranoïde. Plus spécifiquement, Axelrod, Widiger, Trull et Corbitt (1997) ont démontré que des scores faibles aux facettes modestie (arrogance), sensibilité (insensibilité) et altruisme (exploitation) sont associés au trouble de la personnalité narcissique alors que des scores faibles à la facette confiance (méfiance) sont plus fortement corrélés à un trouble de la personnalité paranoïde. Bien que des doses élevées d’amabilité semblent n’avoir que des impacts positifs sur le fonctionnement, elles sont néanmoins associées à la dépendance interpersonnelle ainsi qu’au trouble de la personnalité dépendante (Saulsman & Page, 2004). De plus, l’amabilité est positivement associée à la communion inconditionnelle, un construit traduisant une préoccupation excessive pour autrui, au détriment de soi (Fritz & Helgeson, 1998). La communion inconditionnelle est principalement liée à des difficultés d’affirmation de soi, à une estime personnelle conditionnée par l’opinion des autres, à la surimplication face aux problèmes d’autrui et à l’incapacité de répondre à ses propres besoins. Lorsque jumelée à la communion inconditionnelle, l’amabilité semble être liée à des conséquences négatives pour l’adaptation psychologique de l’individu, à des problèmes relationnels et à des problèmes de santé (Ozer & Benet-Martinez, 2006).

Au plan des relations de couple, l’amabilité est, après le névrosisme, le deuxième prédicteur personologique le plus robuste de la satisfaction conjugale (Donnellan et al., 2004). Cette relation importante est d’ailleurs illustrée par l’ampleur des tailles d’effet retrouvées dans les méta-analyses qui atteignent d = 0,50 pour les 19 études sur l’effet acteur (Heller et al., 2004) et d = 0,30 pour les 19 études portant sur l’effet partenaire (Malouff et al., 2010). Les résultats des études empiriques convergent, démontrant une relation positive entre l’amabilité de l’individu et son ajustement au sein du couple (Bouchard et al., 1999; Donnellan et al., 2004; Dyrenforth et al., 2010; Solomon & Jackson, 2014; Watson et al., 2000; White et al., 2004). Au plan de l’effet partenaire, Kosek (1996) a démontré que l’amabilité est l’une des dimensions du modèle la plus

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fortement corrélée à la satisfaction conjugale du partenaire. Cette relation est également observée par d’autres auteurs (Botwin et al., 1997; Bouchard et al., 1999; Donnellan et al., 2004; Dyrenforth et al., 2010; Solomon & Jackson, 2014). La robustesse de l’effet de l’amabilité, tant sur la satisfaction conjugale de l’individu lui-même que sur celle de son conjoint n’est pas surprenante, étant donné la forte association entre cette dimension et la qualité des relations. Donnellan et al. (2004) ont observé que les individus faisant preuve d’un haut niveau d’amabilité sont moins enclins à s’engager dans des interactions interpersonnelles négatives susceptibles d’avoir un impact délétère sur leur relation de couple. De plus, à l’inverse du névrosisme, les individus aimables tendent à percevoir plus positivement leur partenaire ainsi que la qualité de leur relation de couple. Cette perception positive du partenaire amène subséquemment l’individu à s’investir davantage dans la relation, à tenter de répondre aux besoins de son partenaire et à demeurer fidèle (Ozer & Benet-Martinez, 2006).

Tel que mentionné précédemment, des degrés extrêmes d’amabilité sont toutefois associés à des conséquences négatives au plan relationnel. Tout d’abord, la dépendance associée à une amabilité élevée pourrait être à l’origine du développement de patrons d’interaction de type demande-retrait, où l’individu est démesurément à la recherche de proximité avec le partenaire qui, en retour, fuit cette demande exagérée. Par ailleurs, l’individu présentant un degré élevé d’amabilité ainsi qu’une tendance à la communion inconditionnelle est susceptible de se surimpliquer par rapport à son couple, de juger de sa valeur personnelle surtout à partir de la qualité de l’union et de vivre une grande détresse émotionnelle lors des épisodes de conflits qui surviennent inévitablement au sein d’une relation de couple.

Comparativement à l’importance de son impact sur la satisfaction conjugale des partenaires, l’amabilité semble beaucoup moins fortement reliée au fonctionnement sexuel. Bien que Donnellan et al. (2004) aient observé que l’amabilité de l’individu prédit positivement sa propre satisfaction conjugale et celle de son partenaire, cette dimension de la personnalité semble peu influencer le désir sexuel et les attitudes à l’égard de la sexualité (Costa et al., 1992, Heaven et al., 2000; Heaven et al., 2003). La rareté des études ayant examiné l’impact de l’amabilité sur la sexualité des partenaires ne permet cependant pas une compréhension claire de l’influence de ce trait de personnalité sur le fonctionnement sexuel.

La propension à être consciencieux

La propension à être consciencieux implique le respect des normes socialement prescrites, le contrôle des impulsions, la planification et l’acceptation d’un délai avant la gratification. Les individus présentant un score élevé sur cette dimension sont fiables, déterminés et ont un désir de réussite. Les individus peu consciencieux ont quant à eux une tendance à la négligence et à l’impulsivité (Costa & McCrae, 1992).

Figure

Table 1: Correlation coefficients, means, and standard deviations for dyadic adjustment scores and  neuroticism
Figure 1: Actor-Partner Interdependence Model for neuroticism and dyadic adjustment.
Figure 2: Curvilinear relationship between neuroticism and dyadic adjustment.
Figure 3: Actor-Partner Interdependence Model for neuroticism, openness, agreeableness and dyadic adjustment.
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