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Espace et conflit : le choix des investissements dans des régions à risques

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Academic year: 2021

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Espace et conflit : le choix des investissements dans des

régions à risques

Claude Ponsard

To cite this version:

Claude Ponsard. Espace et conflit : le choix des investissements dans des régions à risques. [Rapport de recherche] Institut de mathématiques économiques (IME). 1988, 17 p., bibliographie. �hal-01544204�

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DOCUMENT DE TRAVAIL

INSTITUT DE MATHEMATIQUES ECONOMIQUES

UNIVERSITE DE DIJON

FACULTE DE SCIENCE ECON OMIQUE ET DE GESTION 4, BOULEVARD GABRIEL - 21000 DIJON

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ESPACE ET CONFLIT : LE CHOIX DES INVESTISSEMENTS DANS DES REGIONS A RISQUES.

Claude PONSARD Mai 1988

A paraître en anglais dans la Festschrift Collection in Honor of Walter Isard, éditée par

Manas Chatterji and Robert E. Kuenne, chez Macmillan Publishing Co., 1989

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méthodes pratiques d'estimation des risques régionaux.

Mots-clés : Calcul économique, Investissement, Région, Risque, Possibili Probabilité.

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In general, to minimize effort or factor services in producing a given social output or to maximize social output with a given amount of effort and factor s e r v i c e s f is not to choose a path of action with respect to the time axis a l o n e, or to the space axis a l o n e, but rather with respect to both a x e s .

Walter Isard ( 1956, pp. 77-78)

Introduction.

Par sa magistrale contribution scientifique à la Regional Science et par son rôle de pionnier dans le développement de la Peace Science, Walter Isard a construit une oeuvre majeure sur la base de plusieurs idées fortes : l'accent mis sur l'importance fondamentale du concept d'espace et ses rapports avec le concept de temps, le rôle des conflits dans les sociétés humaines et les modalités de leur solution, enfin la nécessité d'introduire dans l'analyse tous les aspects de l'ac­ tivité humaine, et non seulement ses aspects économiques.

Le présent papier tente d'illustrer ce propos. Il a pour objet de montrer comment un domaine d'étude particulier, celui du choix des investissements, peut être profondément renouvelé par la prise en consi­ dération des risques associés aux conflits et aux tensions qui font peser des menaces plus ou moins grandes sur la réalisation des projets dans l'espace économique.

L'inégale distribution régionale des risques doit d'abord être ajoutée à l'incertitude du futur dans le cadre d'un calcul écono­ mique élargi.

Cette approche théorique conduira ensuite à définir les cri­ tères à l'aide desquels les méthodes concrètes d'estimation des risques régionaux, telles qu'elles sont pratiquées dans le monde des affaires, peuvent être évaluées et critiquées.

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1. L'élargissement du calcul économique de l'investissement.

Soit un ensemble de projets d ’investissement susceptibles d ’être réalisés dans plusieurs régions a risques. On admet que ces pro­ jets ont été préalablement évalués à l'aide d ’un critère de choix donné : bénéfice net actualisé, taux de rendement interne, délai de récupéra­ tion, etc. Les avantages et les inconvénients de ces critères sont bien connus et n ’ont pas à être exposés à nouveau. La discussion doit porter sur la prise en compte des risques dans les différentes régions où l'in­ vestissement peut être localisé.

En fait, cette discussion est dominée par la distinction des risques spécifiques aux projets eux-mêmes et des risques généraux asso­ ciés aux caractéristiques des régions considérées.

D'abord, chaque projet d'investissement comporte des risques propres qui peuvent être différents selon les régions pour des raisons techniques et économiques tenant à la nature du projet. De tels risques sont spécifiques parce qu'ils dépendent des incertitudes et des aléas sur les données technico-économiques du projet. Par exemple, les risques portant sur les composants chimiques d'un minerai, la teneur en plomb et en soufre d'un pétrole brut, la formation et la qualité de la main- d'oeuvre locale, les parts de marché des produits accessibles à partir d'une localisation donnée, etc. sont des risques spécifiques. Leur iné­ gale distribution par régions entraîne des variations dans les paramè­ tres du calcul économique de l'investissement et des différences dans le résultat. Il est clair que ces risques spécifiques sont pris en compte dans le cadre du calcul économique classique lors de l'estimation des avantages et des coûts anticipés des projets pour chaque région.

Mais il faut aussi prendre en considération les risques géné­ raux susceptibles d'affecter l'activité économique d'une région dans son ensemble. Par exemple, les risques de nature politique (guerre civile, révolution, instabilité gouvernementale, etc.), administrative (natio­ nalisation, expropriation, entraves aux transferts financiers, etc.), sociale (agitation syndicale, grèves, etc.), sanitaire (épidémies, etc.), et ainsi de suite. Plus précisément, un risque général pour une région donnée est exprimé par le résultat d'une agrégation des facteurs de

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risque composants, un poids étant attribué à chacun d'eux pour traduire son importance relative. On verra ci-dessous que les règles de cette agrégation dépendent des propriétés de l'information disponible sur les facteurs de risque.

Certes, il est en principe possible d'introduire les risques généraux encourus selon les régions en modifiant convenablement les valeurs de certains paramètres du calcul, par exemple en majorant les taux d'actualisation ou en diminuant les "temps de retour" acceptables. Dans ce cas, le cadre habituel du calcul économique de l'investissement est conservé. Toutefois, cette méthode présente le grave inconvénient de mélanger deux problèmes distincts, puisque l'appréciation des risques généraux brouille le résultat de l'évaluation technico-économique des projets. Cet amalgame est d'autant plus regrettable que l'analyse tech­ nique des projets présente en général un plus grand degré d'objectivité que le sentiment que l'on peut avoir sur la situation générale des ré­ gions dans le monde.

C'est pourquoi, quand des informations sur l'existence de risques généraux dans les régions considérées viennent s'ajouter aux éléments technico-économiques habituellement retenus dans le classement et le choix des investissements, le calcul économique doit être modifié et adapté.

Formellement, soit X : {x. .} un ensemble fini de projets d'in-1 J

vestissement a priori possibles dans plusieurs régions, où l'indice i désigne la nature technique du projet (i = 1, ..., n) et l'indice j repère la région considérée (j = 1, ..., m ) .

On admet que l'ensemble X est ordonné ou préordonné, un calcul économique ordinaire ayant permis de classer les projets selon leurs

niveaux d'opportunité. On a donc une application V de X vers un treillis L telle que, x,. G X, r(x. .) G L et telle que (x. , ^ x ) ssi

M ’ ij ij kh ^ gl

^ Xkh^ ^ ^ Xgl^- P°ur simplifier, on pose L = [0, 1]. L'intervalle unité des nombres réels a la structure d'un treillis vectoriel distributif pour les opérateurs MIN et MAX dont les propriétés seront étudiées ulté­ rieurement ci-dessous.

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(j = 1, m). Pour chaque région, le niveau des risques généraux est

exprimé par une fonction P de R vers [0, 1] telle que r. G R, P(r.) G [0,1],

J J

qui permet de classer les régions d'après les risques généraux qui les caractérisent. Elle est telle que s(r. */r.) ssi P(r,) < P(r.), i.e. la

h ^ 1 h 1

région r^ précède la région r^ dans l ’ordre des risques croissants ssi le risque est moins grand en r^ qu'en r^.

Avec un risque plus grand, la sécurité offerte par une région est plus petite. On peut donc construire une fonction de sécurité, notée f, qui est une application antitone de P vers [0, 1] telle que

f[P(r.)] G [0, 1], tf r. G R, vérifiant la condition suivante :

J

J

(i) y r. G R, V r, G R : (P(r. ) « P(r.)) * f([P(r. )] > f[P(r,)].

n 1 h 1 h 1

Il est clair que la condition (i) entraîne que : (r^ ^ r^) ssi P(r, ) ^ P(r ), i.e. r. précède r, dans l'ordre de la sécurité crois-

n i 1 h

santé ssi le risque est plus grand en qu'en r^.

Dans ce contexte, l'ordonnancement des projets d'investissement soulève le problème de l'association des fonctions T et f. En d'autres termes, il faut combiner en une seule expression, pour chaque région, son attractivité spéci figue pour les di fférents projets, donnée par T, et son attractivité générale, donnée par f.

Mathématiquement, la notion de norme triangulaire (Schweizer and Sklar, 1963 ; Ling, 1965) permet de formaliser un calcul économique élargi. En effet, on sait qu'une norme triangulaire T est par définition une fonction de [0, 1] x [0, 1] vers [0, 1] qui vérifie les conditions suivantes :

(1) T (0, 0) z 0 ; T(a, 1) = T(1, a) = a.

(2) T(a, b) « T(c, d) ssi a \< c et b v< d : monotonie. (3) T(a, b) = T(b, a) : symétrie.

(4) T(T(a, b), c) = T(a , T(b, c)) : associativité.

Parmi les normes triangulaires, deux d'entre elles seront uti­ lisées dans le cadre de ce modèle :

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(1) le produit, noté PROD : PR0D(a, b) = a.b

(2) le minimum, noté MIN (ou

A)

: MIN(a, b) = (a

A

b) = [a si a ^ b (b sinon

En effet, les facteurs de risque particuliers dans une région donnée doivent être agrégés selon des règles compatibles avec les pro­ priétés de l'information disponible et le choix d'une norme triangulaire dépendra à son tour des propriétés de l'indice de risque général.

Si les estimations des facteurs de risque ont les propriétés d'une mesure de probabilité, alors l'indice de risque général est la moyenne pondérée de ces probabilités. En revanche, si les estima­ tions des facteurs de risque n'ont que les propriétés plus faibles d'une "mesure" de possibilité au sens de Zadeh (1978), alors l'indice de risque général a, lui aussi, les propriétés d'une possibi11 té. Seule une gran­ deur de position, sur laquelle on reviendra ci-dessous, est compatible avec les propriétés d'une "mesure" de possibilité.

D'abord, si la fonction P décrit une probabilité, alors la fonction de sécurité f est la fonction inverse de P. A la condition (i) donnée ci-dessus, on ajoute la condition suivante :

(ii) f[P( r . ) ] = 1 - P(r.), y r. G R.

J J J

Dans ce contexte, la norme triangulaire doit être le PROD, car chaque niveau d'opportunité d'un projet x _ donné par r ( x _ ) doit être pondéré par le degré de sécurité offert par la région r ^ , donné par f[P(r^)]. Soit, par exemple, deux projets x ^ et x ^ tels que

Tix^) = 0.9 et ^ ( x ^ ) = 0.6 . D'après le calcul économique classique, le projet x ^ a un niveau d'opportunité plus élevé que le projet

Mais, si la fonction f est telle que ftPir^)] = 0.2 et ftPir^)] = 0.8,

alors T 1 (0.9, 0.2) = 0.9 x 0.2 = 0.18, et T (0.6, 0.8) = 0.6 x 0.8 = 0.48 . Dans le cadre du calcul économique élargi, le projet x ^ est préféré au

projet x ^ .

Ensuite, si l'information disponible sur l'importance des ris­ ques dans chaque région est trop pauvre pour avoir les propriétés formelles exigées par 1'axiomatique du calcul des probabilités, alors la fonction

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P peut décrire une possibilité au sens de Zadeh. Sans entrer dans un exposé mathématique complet, on retient ici les trois différences prin­ cipales qui distinguent une possibilité d'une probabilité : (1) Une possibilité est définie sur une famille de sous-ensembles qui ne possè­ dent pas de complémentaires dans le référentiel considéré, contrairement aux sous-ensembles d'une o-algèbre. En d'autres termes, l'événement contraire d'un événement possible (événement non-possible) n'existe pas. (2) Une possibilité est, sous certaines conditions, une mesure floue et non-additive, alors qu'une probabilité est une mesure proprement dite, donc additive. (3) Dans la théorie des probabilités, l'espérance mathé­ matique du référentiel est égale à 1, alors que, dans la théorie des possibilités, c'est la valeur maximale des possibilités des éléments du référentiel qui est égale à 1 (pour un exposé systématique, voir Dubois et Prade, 1987).

Ce rappel sommaire suffit à expliquer quelle doit être une règle d'agrégation des facteurs de risque possibles dans une région qui soit conforme à 1'axiomatique de la théorie des possibilités. On doit d'abord poser que :

\/ r. 6 R, MAX P( r . ) = 1.

J J

Or, l'obligation dans laquelle on se trouve ainsi d'attribuer la valeur 1 à la possibilité de survenance d'au moins un facteur de risque, conduit a normaliser la distribution de possibilité pour chaque région, i.e. a donner la valeur 1 à la possibilité la plus grande et à exprimer les autres valeurs par rapport à elle. Cette convention ne modifie évidemment pas l'ordonnancement des facteurs de risque possibles dans une région et elle sera sans effet sur la distribution des indices de risque général d'une région à une autre. Mais elle doit conduire à exclure l'opérateur MAX comme opérateur d'agrégation si l'on ne veut pas que le facteur de risque "le plus possible", qui peut être faible, soit retenu comme indicateur de l'insécurité dans toutes les régions. C'est pourquoi d'autres opérateurs non-additifs d'agrégation, tels que la médiane, les quartiles et les centiles sont préférables. Le quartile inférieur de la distribution de possibilité est un indicateur du risque

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général que l ’on qualifie d'optimiste, le quartile supérieur est un indicateur pessimiste et la médiane est un indicateur neutre.

Dans ce contexte, la fonction de sécurité f est toujours une application antitone de la fonction de risque général, mais elle n'est plus nécessairement la fonction inverse de P. Il faut donc spécifier une loi de croissance de f en fonction de la décroissance du risque général. Compte tenu de la pauvreté de l'information disponible, une relation linéaire est acceptable et commode, mais elle n'est qu'un cas particu­ lier. Avec une information plus riche, l'analyse pourrait être affinée et une relation non-linéaire pourrait être plus pertinente. Au contraire, dans le cas exceptionnel où l'information est totalement inexistante, on peut utiliser une loi "équipossible" telle que la fonction de sécurité associée prenne la même valeur dans toutes les régions.

La norme triangulaire doit alors être le MIN, car chaque niveau d'opportunité d'un projet x ^ doit être arbitré par le degré de sécurité offert par la région T y

Par exemple, si la réalisation d'un excellent projet d'inves­ tissement x ^ , avec r(xn ) = 0.9, est exposée dans la région r^ a un risque général dont la possibilité est telle que la fonction de sécurité est très faible et telle que f[P(r^)] =0.1, alors il vient :

T11(0.9, 0.1) = 0.9 A 0.1 z 0.1 .

L'usage de l'opérateur MIN, moins couramment employé que l'opé­ rateur PR0D dans les calculs économiques, mérite une brève discussion. D'abord, il s'applique d'une manière pertinente à des événements possibles qui n'ont pas de complémentaire. Par exemple, l'événement "nationalisa­ tion" n'a pas de complément. Ensuite, l'opérateur MIN est non-additif et il est donc cohérent avec le concept de mesure floue non-additive. Enfin, dans les applications numériques, il joue le rôle d'un seuil cri­ tique faisant basculer le rang des projets dans le classement final quand le niveau de sécurité est inférieur à leur niveau d'opportunité. Ces bouleversements n'ont pas le caractère arbitraire ou brutal que l'on pourrait craindre a priori ; en fait, ils ne se produisent d'une manière nette que dans les cas où les risques généraux sont effectivement impor­ tants. Soit par exemple, deux projets d'investissements x et x ^ tels

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que r(xn ) = 0.8 et H x ^ ) = 0.4, avec f[P(r1 )] = 0.7 et f[P(r )] = 0.8, alors il vient : T (0.8, 0.7) = 0.8 A 0.7 = 0.7 et

Tiz(0.4, 0.8) = 0.4

A

0.8 = 0.4. Pour des degrés de sécurité peu diffé- rents et assez élevés dans les régions r^ et r^, le classement des projets d'après leur niveau d'opportunité n'est pas modifié, le petit recul concernant le projet x ^ attirant seulement l'attention sur le fait que la sécurité dans la région r^ n'est pas entièrement satisfaisante pour un projet de rang élevé et susceptible d'être choisi.

Enfin, qu'elle repose sur des probabilités ou des possibilités, l'appréciation des risques généraux dans chaque région a été jusqu'ici exprimée d'une manière synthétique et résumée dans une fonction unique de sécurité. Dans la pratique, il en va d'ailleurs ainsi dans la majorité des cas, comme on le vérifiera dans la section 2. Toutefois, si cette appréciation était formulée sans procéder à une agrégation, on devrait considérer une fonction de sécurité différente pour chaque facteur de risque particulier. L'analyse serait plus fine, mais l'interprétation des résultats deviendrait plus difficile quand l'importance des risques s'avérerait très inégale selon leur nature.

2. L'évaluation pratique des risques de l'investissement dans l'espace.

Un survey de la pratique des affaires montre que les méthodes d'évaluation des risques généraux de l'investissement par régions sont encore au stade de l'expérimentation (Pigeon - Angelini, 1987).

D'abord, l'analyse des risques ayant été surtout développée dans le domaine boursier, on a été parfois tenté d'assimiler un ensemble de projets d'investissement à un portefeuille et de lui appliquer des critères de risque boursier. Mais cette analogie ne tient pas compte de la différence qui existe entre la multiplicité des choix boursiers possibles et leur fluidité et le nombre plus restreint des opportunités d'investissement et leur rigidité. Il est impossible de moduler un portefeuille d'investissements comme on diversifie un portefeuille de valeurs mobilières. En outre, seules les régions les plus développées peuvent être comparées sur la base des performances de leurs marchés boursiers.

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Ensuite, une information utile a aussi été recherchée dans l'étude de corrélations entre des paramètres propres à des projets d ’in­ vestissement, tels que le chiffre d'affaires ou le bénéfice des sociétés réalisable à l'étranger, et un critère de risque global. Mais ce type d'approche repose sur des relations économétriques entre données passées qui ne permettent pas d'anticiper leur évolution dans le futur. L'ana­ lyse statistique en composantes principales, parfois employée, se heurte aux mêmes difficultés.

De ce point de vue, la méthode des scénarios s'avère mieux adaptée à l'analyse des conséquences associées à des ensembles d'hypothè­ ses différents. Toutefois, dans le cadre d'un scénario donné, chaque conséquence découle logiquement des hypothèses posées a priori, comme si l'avenir était certain.

Finalement, les limites des méthodes savantes actuellement disponibles dans le domaine de l'évaluation des risques régionaux sont telles que, dans l'immense majorité des cas, les praticiens utilisent simplement des jugements d'experts. La fiabilité des résultats obtenus dépend d'abord de la qualité de l'information recueillie et de son trai­ tement, mais elle dépend aussi de l'ensemble des caractéristiques

techniques des enquêtes et des questionnaires, ainsi qu'il est facile de le montrer à l'aide de quelques exemples.

D'abord, certaines méthodes ont pour ambition^ d'obtenir une mesure de la probabilité de survenance des risques généraux dans un ensemble donné de régions. Par exemple, la société Frost and Sullivan propose à ses clients un indice de risque probabilisé, appelé PRS (Poli­ tical Risk Summary). Les experts de cette société évaluent, sur un horizon de 18 mois, la probabilité de survenance des quatre événements suivants : changement de régime, troubles politiques, risque d'expro­ priation, restriction aux mouvements de capitaux. L'indice PRS est la moyenne de ces probabilités. La même société calcule aussi un indice de perte majeure à 5 ans, appelé PML (Probability of Major Loss), qui com­ plète le PRS et porte sur l'évolution socio-économique, l'activité poli­ tique, l'activité des groupes de pression et les actions gouvernemen­ tales.

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De la même manière, dans le secteur de l ’énergie, la Société Shell utilise un indice appelé ASPRO-SPAIR (Assessment of Probabilities - Subjective Probabilities Assigned to Investment Risks). Un contrat d'ex­ ploration et de développement ayant été jugé équitable par les deux par­ ties et techniquement rentable, le risque politique est défini comme la probabilité de perdre ce contrat au cours des dix années à venir. La procédure de calcul, très sophistiquée, repose sur l'appréciation de neuf facteurs de risque susceptibles de diminuer les revenus du projet ou de restreindre les rapatriements de capitaux ou la production de pétrole.

La recherche de telles probabilités a surtout la préférence des décideurs qui raisonnent en terme d'espérance mathématique. Pour la même raison, elle semble la meilleure approche aux yeux des théoriciens du calcul économique. Mais l'emploi de probabilités soulève des diffi­ cultés pratiques et rencontre des objections de principe. En effet, le critère de l'espérance mathématique doit être utilisé avec précaution, car il peut inciter au choix de décisions exagérément risquées. Si, par exemple, un premier projet rapporte 50 000 dollars avec certitude dans une région et un second projet peut rapporter 550 000 dollars avec une probabilité de 0.1 % dans une autre région, alors l'espérance mathémati­ que du second est plus grande que celle du premier (55 000 contre

50 000) et pourtant il faudrait avoir une préférence quasi-illimitée pour le risque pour le choisir. Un décideur responsable du succès de ses

entreprises n'adopte pas le comportement d'un joueur au casino. En fait, le critère de l'espérance mathématique doit être appliqué à des projets assez voisins par le montant de leur rentabilité espérée et donc par l'ampleur des risques encourus, sinon leur comparaison n'a plus de sens. Mais il faut aller plus loin . L 'axiomatique du calcul des probabilités est contraignante et l'on peut se demander si des fréquences d'opinions émises sur des familles d'événements qui n'ont pas les propriétés d'une tf-algèbre peuvent être valablement considérées comme des probabilités, même des probabilités subjectives. De plus^comme Allais l'a montré (1982), les concepts de fréquence et de probabilité ne sont pas similaires.

En fait, dans la plupart des cas, les experts ne cherchent pas à mesurer des probabilités. Ils se contentent de donner une évalua­ tion des risques qui s 'apparente à une possibilité, mais sans constituer

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une vraie possibilité au sens de Zadeh.

Ainsi la société américaine BERI dispose d'un réseau mondial de 115 experts couvrant 45 pays, tant industrialisés que sous-développés. Elle leur demande d'évaluer les pays suivant 15 critères de risque.

Chaque critère est noté de 0 à 4 et pondéré en fonction de son impor­ tance relative. La somme des coefficients de pondération est égale à 25 (et non à 1 ou à 100 comme il conviendrait dans une distribution de probabilité). Compte tenu de ces pondérations, chaque expert peut donc attribuer à un pays donné une note comprise entre 0 et 100, selon qu'il accorde une note variant de 0 à 4 pour chaque critère. Finalement, pour un pays donné, l'indice BERI est égal à la moyenne des notes attribuées par tous les experts et sa valeur numérique est rapportée à un barème donné : - un indice supérieur à 85 est considéré comme l'indication d'un environnement régional excellent ; - entre 71 et 85, il est bon (cas des pays industrialisés les plus développés) ; - entre 55 et 70, il est moyen (Belgique, France, Mexique, etc.) ; - entre 41 et 54, il est risqué (l'investissement ne devrait être envisagé que dans les cas où le choix entre plusieurs pays est limité, comme dans l'hypothèse des ressources naturelles) ; - enfin au-dessous de 41 , la sécurité est jugée tout à fait insuffisante.

En outre, la société BERI publie un indice appelé PRI (Political Risk Index), plus spécialement axé sur l'évaluation du risque politique. Il comprend 10 facteurs de risque, notés chacun de 0 (risque nul) à 7 (risque maximum), avec la possibilité d'accorder un "malus" de 30 points au facteur considéré comme le plus important. Ainsi l'indice PRI varie de 0 à 100. A nouveau, sa valeur numérique est rapportée à un barème : - un indice inférieur à 20 signifie que le risque politique est minimum ; - entre 20 et 35, il est encore faible ; - au-delà de 35, il est important.

Cette technique d'analyse est également pratiquée par la société Frost and Sullivan qui propose un indice appelé WPRF (World Political Risk Forecast). Deux types de risques politiques sont retenus : l'insta­

bilité politique et les restrictions gouvernementales. L'opinion de 220 experts sur 67 pays (chaque expert ne note pas la totalité des pays) est résumée dans une évaluation des contraintes pesant sur les

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affaires et des risques d'instabilité politique sur une échelle à trois niveaux : Faibles, Moyennes, Fortes. Chaque pays étudié est un élément du produit croisé des deux critères, instabilité politique et contrain­ tes économiques. Par exemple, la Bolivie fait partie des pays à instabi­ lité politique forte et contraintes économiques faibles ; le Kenya a

une instabilité politique faible et des contraintes économiques moyennes ; le Brésil se voit attribuer deux évaluations moyennes , l'Iran deux

évaluations fortes, etc.

Enfin, l'Association Française des Economistes d'Entreprise (AFEDE) util ise une méthode analogue. Toutefois, la principale origi­ nalité du questionnaire employé par rapport aux techniques précédentes est que les experts sont appelés à se prononcer sur l'avenir, à un

horizon de 2 à 5 ans, et non sur l'état actuel ou récent dressé a partir des opinions sur le passé d'une région. Ces risques a venir sont appré­ ciés annuellement par 200 experts français qui notent 32 pays selon 15 critères affectés d'une pondération : 3 critères politiques inter­ viennent pour 40 %, 10 critères économiques pour 40 % et 2 critères administrâtifs pour 20 %.

La question est alors de savoir si ces méthodes non-proba- bilistes fournissent des indicateurs de risque général qui vérifient les propriétés des possibilités. La réponse ne dépend pas de la nature de l'information recueillie, mais de son traitement. En effet, les données de l'information n'ont pas de compléments. Mais toute méthode de traite­ ment qui additionne les notes attribuées aux facteurs de risque, pondérés ou non, pour calculer un indicateur moyen de risque général par région n'est évidemment pas conforme à 1'axiomatique des possibilités qui pose la non-additivité de leur mesure. Additionner la note attribuée au facteur "risque de nationalisation" (coefficient 1.5) et celle attribuée au

facteur "risque de retards bureaucratiques" (coefficient 1) et d'autres encore, tout aussi hétérogènes par nature, n'a pas la signification d'une mesure de possibilité. De telles méthodes s'apparentent dans leur esprit à une approche de possibilité, notamment par le recours à des grandeurs de position dans la construction des barèmes, mais elles n'en respectent pas les axiomes. Cette lacune est la cause la plus fondamenta­ le de leur fragilité.

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Enfin, sur le plan pratique, les limites de la méthode des jugements d'experts, d'inspiration probabiliste ou non, sont bien con­ nues des spécialistes (Pigeon-Angelini, 1977). Elles concernent la fia­ bilité des informations recueillies et leur traitement.

L'effort d'investigation demandé aux experts est difficile. Traiter plusieurs dizaines de critères de risque et plusieurs dizaines de pays exigerait des connaissances extraordinairement étendues pour aboutir a un diagnostic objectif des environnements politico-économiques. On peut donc penser que les experts d'un même pays reflètent plutôt les opinions qui y ont cours et aussi que, d'une année sur l'autre, l'insuf­ fisance de leur information les incite à conserver les mêmes notations, du moins pour les régions qu'ils connaissent le moins. La stabilité des opinions exprimées, voire leur inertie, le donnent a penser.

Mais c'est surtout le traitement pratique de ces informations qui appelle le plus de réserves, outre les difficultés théoriques mention­ nées plus haut. D'abord, le choix des critères et des pondérations est unique pour toutes les régions observées, alors que les modalités d'ap­ parition des risques et leur importance relative varient d'une région à une autre. Notamment, l'appréciation du risque d'instabilité politique, qui tient une grande place dans tous les questionnaires, s'avère diffi­ cile à interpréter selon les pays, car des changements de gouvernements, voire des coups d'Etat et des modifications de la Constitution et des institutions, n'entraînent pas nécessairement partout des risques écono­ miques identiques. Ensuite, le traitement des informations manque de

finesse. Les notes attribuées par les experts sont résumées par leur moyenne qui détermine seule le classement final des régions, leur écart- type n'intervenant qu'à titre accessoire, quand il est calculé. Or la moyenne agrège indistinctement les notes des spécialistes les plus com­ pétents avec celles des experts plus ou moins indécis, les plus nombreux, qui attribuent des notes légèrement supérieures ou inférieures à une note de risque moyen. C'est ainsi que, dans l'indice BERI par exemple, la majorité des pays se situe dans l'intervalle compris entre 55 et 70 où se côtoient la France,la Malaisie, le Vénézuela, etc. De plus, la com­ paraison des moyennes obtenues avec un barème donné revient a classer

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les risques sur une même échelle pour toutes les régions.

Néanmoins, les réserves théoriques et pratiques qu'appellent les méthodes de jugements d'experts, qui peuvent être améliorées, ne doivent pas conduire à les rejeter, car elles se sont avérées jusqu'ici les moins mauvaises dans la vie courante des affaires.

Conclusion.

L'avenir étant imprévisible, l'appréciation des risques régio­ naux est nécessairement entachée de subjectivité. Le vrai problème est d'être capable d'analyser objectivement des données subjectives

(Ponsard, 1985 ; Ponsard and Fustier, 1986).

Il serait intéressant d'approfondir la comparaison et l'inter­ prétation des concepts de probabilité et de possibilité, car le déve­

loppement actu^JL de la théorie des possibilités permet d'apporter des solutions nouvelles au vieux problème de la distinction du risque et de l'incertitude, bien connu en science économique (Mathieu-Nicot, 1985, 1986). On retient seulement ici qu'une probabilité exprime ce qui doit éventuellement arriver (risque au sens étroit), alors qu'une pos­ sibilité exprime ce qui peut arriver (risque au sens large ou incer­ titude). Pour être probable, un événement doit d'abord être possible, mais un événement très possible peut être peu probable et un événement peu possible être très probable.

On n'a pas fini d'explorer les lois de l'action humaine dans un monde de conflits et dont le déroulement doit être repéré sur les axes du temps et de l'espace dont parle Walter Isard dans la citation placée en exergue de ce papier écrit en son honneur.

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Références.

M. ALLAIS, Fréquence, probabilité et hasard, (Congrès international d'Oslo sur les Fondations de la théorie de l'utilité et du risque, Paris, C.N.R.S., 1982).

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Références

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