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L'influence du milieu social des jeunes sur leurs recherches d'informations sur Internet

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Academic year: 2021

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ESPE Toulouse Midi-Pyrénées, Ecole interne de l’Université

Toulouse – Jean-Jaurès

L'influence du milieu social

des jeunes sur leurs

recherches d’informations sur

Internet

Mémoire présenté par Mathilde CLEMAN

Pour l'obtention du master 2

Mention : Information Communication

Spécialité : Métiers de la formation et de l'enseignement : Documentation

Sous la direction de Mme Nicole BOUBEE, MCF en Sciences de l'information

et de la communication, et de Mr Franck MARTIN, MCF en Sciences de l’éducation.

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Résumé

Malgré leur apparente homogénéité, les pratiques informationnelles des jeunes sur Internet varient fortement d'un individu à l'autre. En effet, la recherche d'information en ligne est une activité complexe qui nécessite plusieurs savoirs et savoir-faire inégalement répartis chez les jeunes. L'objectif de cette étude est d'analyser l'influence du milieu social et culturel des collégiens sur leurs pratiques, connaissances et compétences liées à la recherche sur le web, ainsi que sur leur sentiment d’efficacité. Pour répondre à cette question, nous avons réalisé une enquête par questionnaire auprès de 117 élèves de troisième de l’académie de Toulouse issus de milieux socioculturels différents. L’étude montre que la recherche d’information en ligne des jeunes est en partie influencée par la catégorie socioprofessionnelle et surtout par le niveau d'éducation des parents : les jeunes issus des milieux favorisés semblent avoir des connaissances et compétences informationnelles supérieures, tandis que ceux issus des milieux défavorisés ont des connaissances plus limitées et rencontrent plus de difficultés lors d’une recherche en ligne. En revanche, notre enquête n’a pas permis d’établir des résultats cohérents sur l’auto-efficacité.

Mots-clés : Internet, recherche d’informations, fracture numérique, inégalités, adolescents, milieu social, compétences, connaissances, auto-efficacité

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Table des matières

Résumé ... 4

Introduction ... 8

Partie 1 : Etat de la question ... 11

I. L'influence de l'origine sociale sur les apprentissages et les pratiques culturelles des jeunes ... 11

I.1. L’influence du milieu social sur les apprentissages ... 11

I.2. Les déterminants sociaux des loisirs et pratiques culturelles juvéniles ... 12

II. Une fracture numérique multidimensionnelle qui touche aussi les jeunes ... 13

II.1. Les différentes dimensions de la fracture numérique ... 13

II.2. Les inégalités parmi les « natifs numériques » ... 14

III. Les savoirs et savoir-faire nécessaires à la recherche d'information et leurs modalités d'acquisition ... 15

III.1. Les différents types d'expertises ... 15

III.2 L'appropriation d'Internet ... 16

IV. L'influence du milieu social sur la recherche d'information ... 19

IV.1 Le rôle de l'origine sociale dans la différenciation des usages ... 19

IV.2 Des connaissances et compétences différentes selon l'origine sociale ... 20

Tableau de synthèse : le lien entre milieu social et recherche d'information ... 24

Partie 2 : Méthodologie ... 27

I. Le questionnaire ... 27

I.1 Justification de la méthode... 27

I.2 Présentation du questionnaire ... 28

II. Les participants ... 28

II.1 Les élèves de troisième : des pratiques informationnelles qui s'autonomisent ... 28

II.2 Les caractéristiques de l’échantillon... 29

Partie 3 : Présentation des résultats ... 31

I. Résultats concernant l’équipement, la connexion à Internet et l’apprentissage de la recherche en ligne ... 31

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I.1 L’équipement des élèves et la fréquence de connexion à Internet ... 31

I.2 L’apprentissage de la recherche en ligne ... 32

II. Les comportements liés à la recherche en ligne ... 33

II.1 Les types de recherches sur Internet ... 33

II.2 Les stratégies de recherche ... 33

II.3 Le nombre de sites consultés ... 35

II.4 Les critères de sélection des sites ... 35

II.5 L’évaluation et la vérification des informations ... 36

III. Les connaissances informationnelles ... 37

IV. Les compétences ... 40

IV.1 Les métacompétences ... 40

IV.2 Les difficultés liées à la recherche ... 42

V. L’auto-efficacité ... 44

VI. Un autre facteur explicatif : le genre ... 47

Partie 4 : Discussion ... 49

I. Interprétation des résultats ... 49

I.1 La persistance de disparités en termes d'accès à Internet et de fréquence de connexion ... 49

I.2 Les modalités d’apprentissage de la recherche en ligne ... 49

I.3 Les comportements de recherche des jeunes : entre similitudes et différences ... 50

I.4 Des connaissances informationnelles inégales ... 51

I.5 Des compétences variables selon le milieu social ... 52

I.6 Le lien entre milieu social et auto-efficacité : des résultats contradictoires ... 53

I.7 Analyse de l’effet des différentes variables : niveau d’études, situation professionnelle, établissement et genre ... 53

II. Limites méthodologiques ... 55

Conclusion ... 57

Bibliographie ... 59

Annexe ... 64

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Introduction

Peu de temps après le développement de l'accès à Internet, des études ont montré l'existence d'une « fracture numérique » séparant les personnes qui bénéficient de l'accès aux ressources en ligne et celles qui en sont privées. Mais face à la généralisation croissante de l'accès à l'ordinateur et à Internet, le débat sur la fracture numérique s'est déplacé ces dernières années, et l'attention s'est progressivement déportée vers les différences liées aux usages et aux compétences numériques, qualifiées par Eszter Hargittai de « fracture numérique au second degré » [Hargittai 2002].

Si le thème de la fracture numérique chez les adultes a fait l'objet d'une abondante littérature, les recherches portant sur les inégalités de compétences des jeunes sur le web sont encore assez peu nombreuses. Comme le soulignent Neil Selwyn et Keri Facer, « la question de la fracture numérique chez les jeunes est sans doute plus subtile et moins apparente que chez les adultes, notamment parce que très peu de jeunes peuvent prétendre aujourd'hui être totalement et durablement déconnectés » [Facer 2009]. Du fait de leur utilisation forte des nouvelles technologies de l'information et de la communication, les jeunes nés après le début de la décennie 90 sont souvent considérés comme une « génération de natifs numérique », ou une « génération Google », qui aurait appris intuitivement à naviguer sur le web. Pourtant, un accès formel à Internet n'entraîne pas automatiquement un usage autonome et efficace des contenus en ligne, et les études empiriques révèlent la difficulté des jeunes à mettre en œuvre des stratégies de navigation, à formuler des requêtes et à collecter et évaluer des informations.

Deux approches des pratiques informationnelles juvéniles s'opposent donc : celle qui considère les jeunes comme des « natifs numériques », et celle qui les perçoit plutôt comme des « naïfs numériques », soulignant la faiblesse de leurs connaissances et compétences informationnelles [Hargittai 2010 ; Boubée 2011]. Si ces deux approches s'opposent radicalement sur la question de la capacité des jeunes à faire usage des technologies numériques, elles se rejoignent sur un point : l'une comme l'autre semblent appréhender les jeunes comme un groupe homogène. Nicole Boubée et André Tricot notent en effet que les études sur la recherche d'information différencient rarement les jeunes à partir de leurs caractéristiques personnelles [Boubée 2011]. Ce constat est partagé par Cédric Fluckiger, pour qui l'apparente homogénéité dans les usages technologiques des jeunes tend à faire oublier les différenciations à l'œuvre au sein de cette classe d'âge. Pourtant, « la culture informatique adolescente présente une grande variété derrière une homogénéité de façade »

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[Fluckiger 2009]. Christopher Jones et ses collègues ont ainsi montré que les jeunes n'ont pas tous le même degré de familiarité avec Internet et les mêmes compétences numériques [Jones 2010]. En effet, selon Périne Brotcone, Luc Mertens et Gérard Valenduc, la recherche en ligne nécessite de nombreuses ressources, à la fois matérielles, temporelles, sociales, psychologiques et culturelles, dont tous les jeunes ne disposent pas [Brotcone 2009 a].

Or, à l'heure où la maîtrise de l'information en ligne est considérée comme indispensable pour une intégration socioéconomique réussie et pour pouvoir s'informer et se former tout au long de la vie, les enjeux des inégalités de compétences et connaissances informationnelles parmi les jeunes sont considérables, d'autant plus que l'ensemble de la société - l'École, le marché du travail ou les administrations – attend implicitement des jeunes un comportement conforme aux stéréotypes de la génération des « natifs numériques » [Brotcone 2009 a].

La question des inégalités des savoirs et savoir-faire des jeunes sur le web et de l'incidence du milieu social dans la construction de ces inégalités se pose donc avec acuité. Pourtant, les recherches empiriques explorant l'influence des facteurs sociaux ou culturels sur le développement des compétences en recherche d'information sont encore assez peu nombreuses [Brotcone 2009 b]. Quelques études récentes en sociologie ou en sciences de l'information et de la communication se sont tout de même penchées sur la question des inégalités numériques chez les jeunes. Parmi ces études, on peut citer les travaux d'Ezter Hargittai ou de Cédric Fluckiger, qui ont montré que les capacités informationnelles des jeunes sont en partie liées à leur milieu social, les parents des milieux favorisés s'avérant davantage capables de transmettre à leurs enfants un rapport aux technologies, des savoirs et des savoir-faire propices à des usages efficaces et critiques du web [Hargittai 2010 ; Fluckiger 2007 b].

A la suite de ces auteurs, nous chercherons donc à savoir dans quelle mesure le milieu social des jeunes influence leurs connaissances, compétences et comportements liés à la recherche d’informations sur Internet.

Le passage en revue de la littérature permet d’énoncer l’hypothèse suivante, que nous détaillerons plus loin1 : La recherche d’information en ligne des jeunes est en partie influencée par la catégorie socioprofessionnelle et le niveau d'éducation des parents.

Pour répondre à notre question de recherche et vérifier cette hypothèse, nous avons réalisé

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une enquête par questionnaire auprès d’élèves de troisième, afin d'explorer le lien éventuel entre leur milieu socioculturel et leurs pratiques, connaissances, compétences et sentiment d’auto-efficacité en recherche d'information. En effet, selon François de Singly ou Alain Blanchet, l'enquête par questionnaire est la technique la plus adaptée pour la mise en évidence de l'influence de facteurs sociaux [de Singly 2005 ; Blanchet 2005].

Nous présenterons d'abord les principaux apports de la littérature en lien avec notre question de recherche, puis nous décrirons le dispositif méthodologique, avant de présenter et enfin de discuter les résultats.

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Partie 1 : Etat de la question

Avant d'aborder la question de la recherche d'information, nous nous interrogerons sur l'influence du milieu social sur les apprentissages et les pratiques personnelles des jeunes, afin de questionner la pertinence de l'analyse des pratiques en termes de milieu social. Nous évoquerons ensuite les différentes dimensions de la fracture numérique en montrant que la « génération Google » est aussi concernée par cette fracture, puis nous nous intéresserons aux connaissances et savoir-faire impliqués dans la recherche d'information et à leurs modes d'acquisition. Enfin, nous analyserons le lien entre l'origine sociale et la recherche d'information sur le web.

I. L'influence de l'origine sociale sur les apprentissages et les

pratiques culturelles des jeunes

I.1. L’influence du milieu social sur les apprentissages

a) Le lien entre le milieu social et culturel et la réussite scolaire

Un lien entre le milieu social et culturel et les inégalités de réussite a été mis en évidence depuis plusieurs décennies par les statistiques scolaires et par de nombreux chercheurs. Les résultats des enquêtes internationales PISA montrent ainsi l’existence d’une corrélation entre désavantage socio-économique et faible performance scolaire.

Pour Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, les disparités de réussite entre élèves s'expliquent principalement par des inégalités de dotation en « capital culturel », ensemble de biens et dispositions culturels, de savoirs, savoir-faire et savoir-dire transmis par la famille et différents selon les classes sociales [Bourdieu 1964]. Pour Jacques Lautrey, les inégalités scolaires sont également dues à des différences de principes éducatifs, de systèmes d'attitudes et de valeurs liées à l'appartenance sociale. Selon lui, les milieux aisés instaurent un « style éducatif » plus souple favorisant le développement de la curiosité et de l'esprit critique, ensemble de conditions favorables à l'initiative et à la réussite des apprentissages [Lautrey 1980]. Élisabeth Bautier et Patrick Rayou expliquent quant à eux les difficultés d'apprentissage de nombreux élèves issus de milieux populaires par l'existence de malentendus socio-culturels et socio-cognitifs entre ces élèves et l'École (liés aux tâches à réaliser, aux compétences et savoirs sollicités et aux buts de l'École)

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[Bautier 2009].

Les sociologues de l'éducation Marlaine Cacouault-Bitaud et Françoise Œuvrard remarquent que le niveau d’études des parents influence davantage la réussite scolaire que leur catégorie socioprofessionnelle, et particulièrement le niveau d’études de la mère, qui s'implique davantage dans le suivi de la scolarité des enfants et l'aide aux devoirs [Cacouault-Bitaud 2009].

D'autres sociologues ont toutefois voulu réagir face à des approches déterministes décrivant le poids de l'origine sociale dans les apprentissages, en s'attachant à rendre compte des réussites des enfants de milieux populaires, et en identifiant les conditions favorables à la réussite dans ces milieux. Ainsi, Jean-Pierre Terrail a montré comment certaines familles défavorisées se mobilisaient autour d'un projet scolaire pour l'enfant, dans une ambition de promotion sociale [Terrail 1990].

b) L’auto-efficacité et le milieu social

Le sentiment de l’auto-efficacité influence également les apprentissages. La théorie de l’auto-efficacité ou self efficacy, définie par Albert Bandura en 1986 [Bandura 1986], entre dans le cadre théorique plus large de la théorie sociale cognitive. Selon Bandura, l’auto-efficacité, qui peut être définie comme le sentiment d’efficacité personnelle, influence la motivation, l’implication et la persévérance des individus face à une tâche. Les individus convaincus de leur capacité à atteindre un but persévéreront davantage, seront plus performants face à la tâche et réagiront plus positivement aux obstacles rencontrés. Dans le domaine éducatif, le sentiment d’auto-efficacité a une forte influence sur la réussite des élèves. Or, plusieurs auteurs dont Viktor Gecas [Gecas 1989] estiment que le statut socio-économique peut influencer le sentiment d’efficacité : un faible statut socio-économique entraîne un sentiment d’efficacité diminué.

I.2. Les déterminants sociaux des loisirs et pratiques culturelles juvéniles

De nombreux chercheurs ont également interrogé le lien entre les pratiques personnelles des jeunes et leur origine sociale. Ainsi, Jean-François Hersent remarque que l'origine sociale et le capital culturel des membres de la famille engendrent des inégalités de transmission culturelle [Hersent 2003]. Sylvie Octobre estime que les jeunes n'ont pas un rapport homogène à la culture et aux nouvelles technologies, et signale l'existence de lignes de fracture sociales intragénérationnelles : de manière générale, les enfants de cadres sont plus consommateurs de toutes les formes de culture, légitime ou médiatique (à l'exception de la télévision), même si les écarts entre ouvriers et cadres tendent à se réduire [Octobre 2009].

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Cependant, certaines enquêtes relativisent le poids du milieu socioculturel sur les pratiques des jeunes en rappelant l'influence d'autres facteurs (notamment le genre). Ainsi, Nathalie Berthomier, Pierre Mercklé et leurs collègues reconnaissent l'influence de l'origine sociale sur les pratiques des jeunes mais estiment que cette influence est limitée, les jeunes ne pouvant être réduits à des « héritiers » reproduisant les comportements parentaux. Les adolescents composent en effet avec diverses influences pour construire leur propre rapport à la culture [Berthomier 2010]. Bernard Lahire considère lui aussi que les jeunes se caractérisent par une « vie sous triple contrainte » (celle des pairs, celle de l'école et celle de la famille). Selon lui, l'origine sociale ne joue plus le rôle principal dans l'orientation des comportements et la transmission des pratiques, et n'est plus qu'une variable parmi d'autres [Lahire 2004].

De nombreuses études indiquent donc que l'origine sociale influence les apprentissages, le sentiment d’auto-efficacité et les pratiques personnelles, bien que d'autres variables entrent en compte dans la transmission de savoirs, de pratiques culturelles et de loisirs. Or, la recherche d'information fait l'objet d'enseignements scolaires et est utilisée à des fins scolaires, et elle s'inscrit aussi dans les pratiques personnelles des adolescents. On peut donc se demander s'il existe dans le domaine de la recherche d'information en ligne une influence du milieu social et culturel et des phénomènes de reproduction intragénérationnelle similaires à ceux mis à jour concernant l'apprentissage ou les pratiques culturelles. Pour cela, nous allons tout d'abord nous interroger sur les inégalités numériques, et montrer que les jeunes ne disposent pas tous de conditions d'accès, d'aptitudes et de savoirs similaires en ce qui concerne l'ordinateur et Internet.

II. Une fracture numérique multidimensionnelle qui touche aussi les

jeunes

II.1. Les différentes dimensions de la fracture numérique

La « fracture numérique » est définie par Jean-Louis Fulssack, Alain Kiyindou et Michel Mathien comme le « fossé entre ceux qui utilisent les potentialités des TIC pour leur accomplissement personnel ou professionnel et ceux qui ne sont pas en état de les exploiter, faute de pouvoir accéder aux équipements ou faute de compétences ». Cette notion en recouvre deux distinctes : une fracture liée à l'équipement et une fracture liée à la maîtrise de l'outil [Fulssack 2005].

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Les inégalités numériques peuvent s'expliquer par l'âge, le genre, le lieu d'habitation et la composition familiale, mais aussi par la profession, le niveau de revenu et le niveau de formation [Valenduc 2006]. Plusieurs auteurs ont montré que la fracture numérique est liée aux inégalités sociales, économiques et culturelles [Valenduc 2006 ; Granjon 2009]. Pour le CRÉDOC, les TIC ne se répartissent pas de façon équitable au sein de la population et dépendent encore largement du volume de capital culturel et économique dont disposent les utilisateurs : plus les individus sont diplômés et ont des revenus importants, plus ils sont équipés en ordinateurs et connectés à Internet à domicile [Bigot 2013]. Toutefois, selon le CRÉDOC, les inégalités en matière d'équipement en ordinateur et de connexion à Internet diminuent régulièrement.

Mais si les disparités en termes d'accès aux nouvelles technologies tendent à se réduire, d'autres inégalités persistent autour des modes d'usage et des compétences et connaissances requises pour utiliser ces technologies. En 1998, Rob Kling distingue pour la première fois explicitement les inégalités dans l'accès aux TIC des inégalités dans les savoirs et savoir-faire parmi ceux qui sont déjà connectés, qu'Ezter Hargittai qualifiera par la suite de « fracture numérique au second degré » [Kling 1998 ; Hargittai 2002]. L’enquête du CRÉDOC montre ainsi que les milieux favorisés sont les principaux utilisateurs des ordinateurs et d'Internet : les plus diplômés et les personnes ayant des revenus élevés se connectent davantage à Internet et ils ont davantage accès à Internet sur leur lieu de travail [Bigot 2013]. De plus, ils ont un usage à la fois plus large et plus développé d’Internet et ils sont plus à l’aise sur l’ordinateur et sur le web. Enfin, plusieurs études font état d'une relation forte entre les capacités en ligne des individus et leur statut socio-économique [Gui et Argentin 2011, Granjon 2009, Hargittai 2002].

II.2. Les inégalités parmi les « natifs numériques »

Si les études sur la fracture numérique parmi les adultes sont nombreuses, les recherches qui ont abordé les inégalités numériques parmi les jeunes le sont un peu moins. De nombreux observateurs considèrent en effet que les jeunes ont baigné depuis l'enfance dans une « culture de l'écran » et se sont massivement approprié les technologies numériques, à tel point que certains les ont qualifiés de « net generation » [Tapscott 1998] ou de « digital natives » [Prensky 2001]. Plusieurs enquêtes montrent également que les jeunes se distinguent des générations précédentes par une attitude très favorable vis-à-vis des technologies numériques et une utilisation intensive des ordinateurs et d'Internet. Ainsi, 98% des jeunes de 12 à 17 ans disposent d'une connexion à Internet à domicile, et 82% sont des utilisateurs quotidiens [Bigot 2013].

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Toutefois, comme le rappelle Sylvie Octobre, « l'expression digital natives ne doit pas faire croire qu'elle décrit l'ensemble des jeunes générations » [Octobre 2009]. Ainsi, si la grande majorité des jeunes ont accès aux technologies numériques et si les inégalités d'équipement sont de plus en plus réduites parmi eux, les adolescents d'origine populaire restent un peu moins nombreux à posséder un ordinateur que ceux d'origine favorisée [Pasquier 2005]. Cependant, Sylvie Octobre remarque que les enfants d'ouvriers qualifiés sont souvent plus équipés en ordinateur personnel – souvent le seul ordinateur de la famille – que les enfants de cadres [Octobre 2009]. Le CRÉDOC note néanmoins que le multi-équipement est plus fréquent dans les milieux favorisés, qui disposent souvent de plusieurs ordinateurs par foyer [Bigot 2013].

Mais la plupart des études notent qu’en ce qui concerne les jeunes, la fracture numérique ne se situe pas vraiment au niveau des équipements. Ainsi, les jeunes n'ont pas un comportement homogène face aux technologies : leurs usages et leurs aptitudes numériques sont variables [Octobre 2009]. Une pleine exploitation des outils numériques nécessite en effet des connaissances et des compétences que tous les jeunes ne maîtrisent pas.

III. Les savoirs et savoir-faire nécessaires à la recherche

d'information et leurs modalités d'acquisition

III.1. Les différents types d'expertises

Plusieurs auteurs estiment que la recherche d'information en ligne nécessite trois types d'expertises : l'expertise du domaine, l'expertise des systèmes et l'expertise en recherche d'information. L'expertise du domaine désigne les connaissances dont dispose l'individu sur le thème de la recherche. Selon Marchionini et ses collègues, cette expertise facilite la formulation des requêtes, l'identification et l'évaluation des informations, et leur mise en relation avec le problème informationnel [Marchionini 1995]. L'expertise des systèmes renvoie quant à elle aux habiletés permettant de manipuler les interfaces des systèmes d'information. En ce qui concerne la recherche en ligne, il s'agit de savoir utiliser le clavier, la souris, mais aussi de pouvoir identifier les zones cliquables, de comprendre le fonctionnement des zones de saisie ou de savoir manipuler les fenêtres [Ghitalla 2003]. Selon Marchionini, cette expertise serait la plus rapidement acquise [Marchionini 1995]. Enfin, l'expertise en recherche d'information désigne un ensemble de « connaissances générales qu'une personne a sur les facteurs relatifs à la recherche d'information et leurs habiletés et attitudes pour exécuter le processus de recherche d'information » [Marchionini 1995]. Pour Bhavnani et Bates, l'expertise en recherche d'information comprend des connaissances déclaratives

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(comme des connaissances de ressources de référence) et procédurales (des stratégies de recherche) [Bates 2005]. Les études considèrent généralement que l'expertise du domaine est prépondérante dans la recherche d'information, tandis que l'expertise informationnelle et surtout l'expertise technique sont de moindre importance. Toutefois, Hill et Hannafin considèrent que le niveau de connaissances du système d'information influence davantage les stratégies de recherche utilisées que les connaissances du domaine [Hannafin 1997]. Ihadjadène, Chaudiron et Martins estiment quant à eux que l'expertise du domaine et l'expertise en recherche d'information exercent une influence égale sur la recherche informationnelle [Chaudiron 2003].

Périne Brotcorne et Gérard Valenduc montrent que d'autres compétences entrent en jeu dans l'activité de recherche d'information sur le web, comme les « compétences génériques » - permettant d'apprendre à apprendre pour s'adapter aux évolutions des technologies et maintenir un niveau de maîtrise -, la maîtrise de la lecture et de l'écriture - nécessaire pour la formulation de requêtes et la lecture des informations -, la maîtrise de l'anglais - les contenus informationnels sur Internet étant en grande partie en langue anglaise -, la maîtrise et la compréhension des éléments culturels qui structurent l'information numérisée, et les « métacompétences » [Brotcorne 2009 b]. Les métacompétences sont définis par André Tricot et Jean-François Rouet comme les trois mécanismes de gestion des activités de recherche informationnelle : la planification (l’utilisateur détermine les moyens qui lui sont nécessaires pour accéder aux informations recherchées), le contrôle (qui consiste à surveiller le processus de recherche et à vérifier si les informations recherchées sont pertinentes et suffisantes), et la régulation (qui permet de modifier la stratégie de recherche en fonction des résultats) [Rouet 1998].

Par ailleurs, Alexandre Serres estime que des connaissances informationnelles (sur le fonctionnement des outils et sur le paysage médiatique et informationnel) sont également indispensables pour la maîtrise des technologies de l'information et de la communication [Serres 2008]. Enfin, des études ont montré que l’auto-efficacité sur Internet – c’est-à-dire la croyance des individus dans leur capacité à réaliser une tâche ou atteindre un objectif sur Internet - influence les usages du web, notamment chez les adolescents [Helsper 2007].

III.2 L'appropriation d'Internet

Selon Fabien Granjon, Benoît Lelong et Jean-Luc Metzger, la socialisation et les apprentissages inculquent des manières de faire et des schèmes de perception qui structurent le rapport aux ordinateurs, conditionnent les modes de familiarisation avec les TIC et l'acquisition des

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habiletés techniques [Granjon 2009]. On peut distinguer trois types d'appropriation de l'ordinateur et d'Internet : l'appropriation intragénérationnelle, liée à l'inscription des adolescents dans une culture juvénile ; l'appropriation familiale, liée à la culture familiale, aux conditions d'accès et d'usage au sein du foyer ; et l'appropriation scolaire [Fluckiger 2007, 2009].

Selon Elodie Kredens et Barbara Fontar, les amis jouent un rôle prépondérant dans les apprentissages technologiques, particulièrement pour les enfants dont les parents ne peuvent pas jouer le rôle d'éducateurs à Internet [Fontar 2010]. Cédric Fluckiger note également que l'appropriation des ordinateurs et d'Internet est avant tout intragénérationnelle : c'est surtout entre amis que les adolescents apprennent à utiliser Internet et qu'ils se familiarisent aux outils, ressources et usages les plus répandus [Fluckiger 2009]. Il remarque cependant que l'apprentissage intragénérationnel est insuffisant pour assurer un usage expert et autonome de l'ordinateur et d'Internet, les usages entre amis étant avant tout ludiques et relationnels.

Certains adolescents vont donc trouver dans leur entourage familial ce qu'ils ne trouvent pas dans leur groupe d'amis. En s'inspirant de Bourdieu et de sa notion de « capital culturel », Cédric Fluckiger montre qu'un « capital informatique » se transmet dans la famille. Il s'agit à la fois d'un « capital informatique objectivé » - les ressources informatiques possédées par la famille - et d'un « capital informatique incorporé », ensemble de connaissances, savoir-faire, habiletés techniques et dispositions transmis par la famille, le plus souvent de façon tacite et implicite. Selon lui, les pratiques des parents et leur rapport à l'ordinateur influencent fortement les usages des jeunes. L'apprentissage familial de l'ordinateur et du web se fait en grande partie par imitation, lorsque les enfants observent leurs parents ou les autres membres de leur famille utiliser l'ordinateur, mais aussi lorsqu'ils demandent à leur famille des conseils ou une aide. Certains parents instaurent également une relation pédagogique avec leurs enfants, en essayant de leur transmettre des savoir-faire ou des connaissances [Fluckiger 2007b].

Si les mères jouent un rôle prépondérant dans les apprentissages scolaires [Cacouault-Bitaud 2009] et dans la transmission de pratiques culturelles et de loisirs [Berthomier 2010], il semble que le rôle du père soit plus important dans le domaine numérique. Ainsi, selon Sylvie Octobre, les pères transmettent davantage de compétences informatiques, car ils consacrent plus de temps que les mères à l'utilisation de l'ordinateur avec leurs enfants, et ont des compétences supposées supérieures face aux nouvelles technologies [Octobre 2004]. Elodie Kredens et Barbara Fontar remarquent elles aussi que si les deux parents contribuent à la transmission de compétences informatiques, les pères jouent plus souvent le rôle de personnes ressources en apprenant à leurs enfants les principes généraux de navigation sur le Net [Fontar 2010]. Nathalie Berthomier, Pierre

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Mercklé et leurs collègues notent également que les pères influencent davantage leurs enfants en matière d'usage de l'ordinateur que les mères. Par ailleurs, selon eux, les garçons seraient un peu plus réceptifs que les filles à la transmission familiale des usages des technologies : 44% des garçons adopteraient le même comportement que leurs parents vis-à-vis des ordinateurs, contre 41% des filles [Berthomier 2010]. Dominique Pasquier note toutefois que la transmission des usages et savoir-faire numériques ne s'effectue pas uniquement des parents vers leurs enfants, mais aussi en sens inverse, phénomène qualifié de « rétrosocialisation » [Pasquier 2005].

Outre les parents, les frères et sœurs jouent aussi un rôle important dans l'appropriation d'Internet : les aînés, qui ont acquis une plus longue expérience de l'informatique, transmettent souvent leur savoir-faire aux cadets et leur font découvrir des sites Internet [Fontar 2010 ; Metton 2009]. Nathalie Berthomier, Christine Détrez et leurs collègues constatent que les transmissions qui s'opèrent entre frères et sœurs relèvent principalement d'« imprégnations implicites », d'une « éducation silencieuse et inconsciente » : les cadets apprennent en observant les usages de leurs aînés, sans que ceux-ci leur transmettent explicitement des savoirs [Berthomier 2010].

Les apprentissages scolaires diffèrent fortement des apprentissages intragénérationnels ou familiaux, en raison de leur caractère intentionnel et structuré. Les enseignements scolaires des nouvelles technologies jouent un rôle particulier dans la construction de connaissances et de savoir-faire des adolescents, en leur fournissant des éléments de vocabulaire technique et de culture informatique qui leur font généralement défaut [Fluckiger 2007 a].

Enfin, Elodie Kredens et Barbara Fontar remarquent que les jeunes apprennent aussi à naviguer sur Internet par eux-mêmes, en expérimentant et en tâtonnant au gré de leurs explorations [Fontar 2010].

Ces différentes recherches montrent donc que les usages juvéniles d'Internet et les apprentissages de compétences et connaissances se déroulent dans différentes sphères : amicale, familiale et scolaire. Si les parents influencent les usages de leurs enfants et leur transmettent un « capital informatique », il importe de poser la question de l'incidence du milieu social sur l'appropriation d'Internet et la construction de savoirs et savoir-faire. Nous allons donc à présent voir dans quelle mesure les caractéristiques socioculturelles peuvent conduire à des différenciations dans les usages d'Internet et dans la capacité à rechercher des informations en ligne.

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IV. L'influence du milieu social sur la recherche d'information

Selon Fabien Granjon, Benoît Lelong et Jean-Luc Metzger, le lien entre les inégalités socio-économiques et les appropriations différenciées des technologies numériques est encore mal connu [Granjon 2009]. Toutefois, plusieurs études mettent en avant le rôle de l'origine sociale dans les différences d'usages d'Internet constatées parmi les jeunes, et dans la construction de compétences et connaissances nécessaires à la recherche d'information en ligne.

IV.1 Le rôle de l'origine sociale dans la différenciation des usages

L’enquête EU Kids Online menée auprès des 9-16 ans en France indique que le temps de connexion à Internet est moins important pour les enfants des classes sociales supérieures (110 minutes) que pour les enfants de classes sociales défavorisées (135 minutes par jour), soit environ trois heures de plus par semaine) [Alava 2012]. Toutefois, pour Ellen Helsper et Sonia Livingstone, les enfants des milieux socioéconomiques les moins favorisés sont moins susceptibles d'avoir accès à Internet et d'utiliser Internet fréquemment [Helsper 2007]. Elles notent également qu’ils ont tendance à moins profiter des nombreuses opportunités en ligne. Nathalie Berthomier, Christine Détrez, Pierre Mercklé et Sylvie Octobre estiment quant à eux que les enfants de cadres ont une utilisation du web plus diversifiée et qu'ils font plus de recherches sur Internet que les enfants d'ouvriers [Berthomier 2010].

De plus, Sylvie Octobre constate que les enfants d'ouvriers ont un usage de l'ordinateur moins fréquent et moins varié que les enfants de cadres, faute de trouver à leur domicile des interlocuteurs compétents aptes à une transmission des savoirs et savoir-faire [Octobre 2009]. Ce constat est partagé par Brigitte Almudever, Isabelle Faurie et Violette Hajjar, pour qui les étudiants issus des classes populaires ont davantage tendance à avoir des usages d'Internet peu ou moyennement intenses, peu sophistiqués et plus restreints que les étudiants d'origine sociale plus favorisée [Almudever 2004]. Paul Attewell, quant à lui, montre que les enfants issus de milieux défavorisés se limitent davantage à des usages ludiques ou communicationnels du web, tandis que les enfants issus de milieux aisés ont des usages d'Internet plus variés et plus actifs, qui leur permettent d'accumuler plus de compétences et de savoirs [Attewell 2003]. Alibert, Bigot et Foucaud remarquent également que les pratiques liées au divertissement concernent surtout les jeunes issus des milieux populaires, tandis que les usages scolaires concernent davantage les enfants de cadres [Alibert 2005].

(20)

En revanche, Laura Robinson estime que les jeunes d'origine sociale modeste ayant un accès limité à Internet développent des usages du web plus utilitaristes, et ont tendance à privilégier les recherches liées à leur travail scolaire, tandis que les jeunes des classes moyennes ou supérieures ayant un accès non limité à Internet passent plus de temps en ligne et ont des usages plus variés, ludiques et exploratoires du web, qui leur permettent de développer davantage de compétences en recherche d'information [Robinson 2009].

IV.2 Des connaissances et compétences différentes selon l'origine sociale

Paul Attewell et Laura Robinson remarquent donc que les usages d'Internet des jeunes de milieux favorisés leur permettent de développer plus de compétences en recherche d'information [Attewell 2003 ; Robinson 2009]. Laura Robinson reprend la notion d'habitus de Bourdieu – système de dispositions acquis par l'individu au cours du processus de socialisation, et qui structure ses conduites - pour montrer que les jeunes d'origine sociale favorisée développent des habitus informationnels ludiques et exploratoires qui permettent le développement de compétences informationnelles et se traduisent par des recherches d'informations plus sophistiquées. Ainsi, ils sont davantage capables d'utiliser différents outils de recherche, de formuler efficacement les requêtes ou d'utiliser les opérateurs booléens, tandis que les jeunes issus des milieux défavorisés rencontrent plus de difficultés et mettent plus de temps lorsqu'ils cherchent des informations en ligne [Robinson 2009]. De plus, Laura Robinson remarque que les élèves ayant largement accès aux ressources d’information en ligne et hors ligne sont plus confiants dans leur capacité à trouver des informations et à évaluer leur exactitude, et qu’ils adoptent des stratégies plus autonomes vis-à-vis de l'évaluation de l'information. Ainsi, ils sont davantage capables de comparer par eux-mêmes les informations provenant de multiples sources en ligne et hors ligne. En revanche, les élèves ayant moins accès aux ressources informationnelles, souvent issus de milieux défavorisés, ont moins confiance dans leur capacité à trouver et évaluer les informations, et sont moins autonomes en ce qui concerne l'évaluation de l'information [Robinson 2012].

Ellen Helsper et Sonia Livingstone notent également que le statut socio-économique des jeunes influence leurs conditions d'accès à Internet, qui influencent à leur tour les compétences en ligne et l'auto-efficacité des jeunes. Ainsi, selon elles, les jeunes issus des milieux sociaux supérieurs ont de meilleurs conditions d'accès à Internet, développent davantage de compétences en ligne et ont un sentiment d’efficacité supérieur [Livingstone 2010].

(21)

reste partielle car liée à leurs usages restreints, à l'exception de certains élèves, souvent issus de milieux favorisés, qui reçoivent un accompagnement parental [Dioni 2008]. Concernant l'accompagnement parental, Ellen Helsper et Sonia Livingstone remarquent également que les parents des catégories sociales moyennes et supérieures mettent en place une médiation plus importante par rapport à Internet, ce qui peut refléter selon elles leur plus grande familiarité avec Internet [Livingstone 2008].

L'enquête internationale PISA montre également que les compétences des élèves français en lecture électronique (notamment en matière de recherche, de compréhension et d’analyse d’information) varient fortement en fonction de leur milieu socio-économique2

[OCDE 2011]. Ezter Hargittai remarque quant à elle que les étudiants qui ont les activités en ligne les plus variées, qui font un usage informé et critique du web et maîtrisent le mieux les compétences liées à la recherche en ligne sont ceux dont les parents ont les plus hauts niveaux d'études [Hargittai 2010]. Bernard Pochet et Paul Thirion partagent ce constat : selon eux, le niveau de compétences documentaires et informationnelles des étudiants qui accèdent à l'enseignement supérieur augmente de manière significative avec le niveau d'étude des parents, et particulièrement avec celui de la mère [Pochet 2008]. Cette mise en évidence de l'influence prépondérante du niveau d'étude de la mère sur les compétences des étudiants semble conforme à l'analyse sociologique du rôle prédominant de la mère dans les apprentissages et la réussite scolaire [Cacouault-Bitaud 2009], mais elle va à l'encontre de l'analyse de Sylvie Octobre, Elodie Kredens et Barbara Fontar, pour qui les pères jouent un rôle particulier dans la transmission de compétences informatiques et dans l'apprentissage de la navigation sur le Net3 [Octobre 2004 ; Fontar 2010].

Une autre enquête réalisée en 2011 par Marco Gui et Gianluca Argentin auprès de lycéens italiens montre que plus le niveau d'éducation des parents est faible, plus les connaissances théoriques des jeunes et leurs compétences opérationnelles (nécessaires pour faire fonctionner les ordinateurs, les logiciels et Internet) sont limitées [GUI 2011]. Ils notent d'ailleurs que l'écart entre les jeunes des différents milieux est particulièrement important chez les garçons. En revanche, leur enquête n’a pas permis d’établir un lien significatif entre le milieu socio-culturel et les compétences liées à l'évaluation des informations4.

Cédric Fluckiger rappelle cependant que les usages d'Internet des jeunes sont davantage

2 Chez les élèves français, l’écart entre les 25 % les plus favorisés et les 25 % les plus défavorisés se monte à 93 points,

contre 85 en moyenne dans les pays de l’OCDE.

3 Cf. Partie I III.2.

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marqués par leur inscription dans une culture juvénile que par la transmission familiale et l'origine sociale. Toutefois, l'apprentissage au sein des réseaux de pairs est différent selon les milieux socio-culturels, car les jeunes ont souvent tendance à avoir des amis appartenant à des milieux sociaux similaires. L'auteur constate que les jeunes issus des milieux favorisés apprennent avec leurs amis des usages plus variés que ceux des milieux populaires. De surcroît, les apprentissages intragénérationnels laissent une large place aux apprentissages familiaux et scolaires, et donc à une différenciation liée au milieu socio-culturel des adolescents [Fluckiger 2009]. Ainsi, selon Fluckiger, les élèves sont inégalement dotés en « capital informatique » : dans les milieux favorisés, les parents transmettent à leurs enfants des dispositions et savoir-faire numériques plus proches de ceux valorisés par l'institution scolaire, et instaurent parfois une démarche explicite d'apprentissage favorisant le développement de connaissances et compétences. Dans les milieux populaires, en revanche, les parents ont tendance à moins utiliser l'ordinateur et s'avèrent plus souvent dans l'incapacité de transmettre des connaissances, usages et habiletés techniques autres que ceux qui dominent dans les groupes d'adolescents. Selon lui, la transmission d'un capital informatique au sein de la famille entraîne surtout une différenciation des dispositions et du rapport aux outils informatiques entre les enfants de différents milieux, davantage que des compétences techniques [Fluckiger 2007 b]. En outre, selon Fluckiger, l'école ne permet pas de combler les écarts entre des élèves diversement pourvus en capital informatique, en raison du faible nombre d'heures consacrées à l'enseignement de la maîtrise des TIC. D'après lui, les élèves qui bénéficient le plus des enseignements scolaires dans le domaine informatique sont ceux dont les parents sont le plus à même de leur transmettre une culture informatique et informationnelle [Fluckiger 2007 a].

Par ailleurs, Paul Attewell considère que les jeunes issus des milieux défavorisés sont plus susceptibles d'éprouver des difficultés en lecture et écriture, et ont donc plus de difficultés à orthographier correctement les requêtes sur les moteurs de recherche et à trouver les informations recherchées [Attewell 2003]. Le lien entre la maîtrise de la lecture et le milieu social et culturel a en effet été établi par plusieurs auteurs, à l'instar de Jean Foucambert ou de Colette Chiland, qui ont montré que l'échec en lecture arrive en majorité chez les élèves des classes défavorisées sur le plan social et culturel [Chiland 1990 ; Foucambert 1989].

Cependant, certains auteurs relativisent l'influence du milieu social des jeunes sur leurs usages du web. Ainsi, Périne Brotcone, Luc Mertens et Gérard Valenduc considèrent que la faiblesse de l'utilisation d'Internet et des compétences et connaissances numériques des jeunes « off-line » ne peut pas seulement s’expliquer par leur situation socioéconomique, mais résulte de la conjonction de différents facteurs, en particulier la structure familiale, le niveau d'éducation et le

(23)

milieu culturel [Brotcorne 2009 a]. Sofia Aslanidou et George Menexes remarquent également que si l'accès à Internet des jeunes Grecs est corrélé au niveau d'éducation et à la catégorie socioéconomique des parents, la fréquence et le type d'utilisation d'Internet ne sont pas significativement liés à ces facteurs [Aslanidou 2008]. Enfin, Teresa Correa ne constate aucun lien entre les compétences des jeunes Américains sur Internet et le niveau d’éducation de leurs parents [Correa 2010].

(24)

Tableau de synthèse : le lien entre milieu social et recherche d'information

Jeunes issus des milieux favorisés sur le plan social, économique ou culturel

Jeunes issus des milieux défavorisés sur le plan social, économique ou culturel

Accès à

l'ordinateur et à Internet

– plus nombreux à posséder un ordinateur que ceux d'origine défavorisée [Pasquier 2005]

– multi-équipement plus fréquent [Bigot 2013]

– moins nombreux à posséder un ordinateur que ceux d'origine favorisée [Pasquier 2005]

– moins susceptibles d'avoir accès à Internet [Helsper 2007]

– mais plus souvent équipés en ordinateur personnel (souvent le seul ordinateur de la famille) que les enfants de cadres [Octobre 2009]

Fréquence d'utilisation d'Internet

– recherchent plus souvent des informations sur le web [Berthomier 2010]

– temps de connexion à Internet moins important [Alava 2012]

– utilisent Internet moins fréquemment [Helsper 2007]

– temps de connexion à Internet supérieur [Alava 2012]

Usages du web – usages d'Internet plus

diversifiés [Berthomier 2010]

– usages du web plus variés et exploratoires [Robinson 2009]

– usages d'Internet moins intenses, moins sophistiqués et plus restreints [Almudever 2004]

– usages de l'ordinateur moins variés [Octobre 2009]

– profitent moins des nombreuses opportunités en ligne [Helsper 2007] – usages d'Internet plus restreints et moins actifs [Attewell 2003]

Compétences et connaissances informationnelles

– usages du web davantage propices à l'acquisition de compétences en recherche d'information [Robinson 2009 ; Attewell 2003]

– davantage capables d'utiliser différents outils de recherche, de formuler efficacement les requêtes ou

– usages d'Internet qui permettent moins le développement de compétences et de savoirs en recherche d'information [Robinson 2009 ; Attewell 2003]

– ont plus de difficultés et mettent plus de temps pour trouver des informations en ligne [Robinson 2009]

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d'utiliser les opérateurs booléens [Robinson 2009]

– compétences en lecture électronique (notamment en matière de recherche, de compréhension et d’analyse d’information) supérieures à ceux des milieux populaires [OCDE 2011]

– niveau de compétences

documentaires et informationnelles plus élevé [Pochet 2008]

– compétences liées à la recherche en ligne supérieures [Hargittai 2010 ; Livingstone 2010]

– ont des connaissances

théoriques et des compétences opérationnelles supérieures [GUI 2011] – usages du web plus informés et critiques [Hargittai 2010]

– accompagnement parental plus fréquent permettant de développer des compétences informationnelles [Dioni 2008]

– les parents transmettent à leurs enfants un « capital informatique » plus conforme à ce que l'école et la société attendent [Fluckiger 2009]

– compétences numériques et compréhension de l'écrit électronique inférieures à ceux des milieux favorisés [OCDE 2011]

– niveau de compétences

documentaires et informationnelles moins élevé [Pochet 2008]

– plus de difficultés à lire et à écrire, et donc à formuler des requêtes et trouver les informations recherchées [Attewell 2003]

– entourage familial moins apte à une transmission des savoirs et savoir-faire numériques [Octobre 2009]

– parents plus souvent dans l'incapacité de transmettre des connaissances, usages et habiletés techniques autres que ceux qui dominent dans les groupes d'adolescents [Fluckiger 2009]

Auto-efficacité - sentiment d'auto-efficacité supérieur [Livingstone 2010]

- les élèves sans ressources informationnelles, souvent issus de milieux défavorisés, ont moins confiance dans leur capacité à trouver et évaluer les informations [Robinson 2012].

Les différentes recherches évoquées relèvent donc l'hétérogénéité des connaissances et habiletés des jeunes sur le web. La plupart des études affirment que le milieu social joue un rôle dans le processus d'appropriation d'Internet et l'acquisition de savoirs et savoir-faire informationnels, bien que d'autres facteurs interviennent également (en particulier le genre).

(26)

Le passage en revue de la littérature permet d’énoncer les hypothèses suivantes :

1. La recherche d’information en ligne des jeunes est en partie influencée par la catégorie socioprofessionnelle et le niveau d'éducation des parents.

1a) Les jeunes issus des milieux favorisés développent des connaissances informationnelles supérieures à ceux des milieux défavorisés.

1b) Les jeunes issus des milieux favorisés développent des compétences informationnelles supérieures tandis que ceux issus des milieux défavorisés rencontrent plus de difficultés lorsqu'ils cherchent des informations en ligne.

1c) Les jeunes issus des milieux privilégiés ont un sentiment d’auto-efficacité supérieur à celui des jeunes issus des milieux défavorisés en ce qui concerne la recherche en ligne.

Pour vérifier ces hypothèses, nous avons réalisé une enquête par questionnaire auprès d’élèves de troisième.

(27)

Partie 2 : Méthodologie

Nous avons choisi de réaliser une enquête par questionnaire auprès d'élèves de troisième scolarisés dans l’académie de Toulouse et issus de milieux socioculturels différents. Dans un premier temps sera présenté le questionnaire, puis, dans un second temps, le choix des participants et les caractéristiques de l’échantillon seront abordés.

I.

Le questionnaire

I.1 Justification de la méthode

Pour mesurer l'influence du milieu social des jeunes sur leur capacité à rechercher des informations, nous avons d'abord pensé réaliser une expérimentation, afin d'analyser les manières de faire et les performances des élèves sur le web, et de voir si celles-ci sont liées à leur origine sociale. Toutefois, il nous a semblé que l'observation directe ne nous permettrait pas vraiment d'évaluer les connaissances informationnelles des élèves, pourtant nécessaires pour la recherche d'information en ligne [Serres 2008]. De plus, un nombre réduit d'observations n'aurait peut-être pas permis d'établir un lien entre le milieu social et la recherche d'information (ou au contraire, de conclure à l'absence d'influence de l'origine sociale sur la recherche en ligne), et nous avons donc préféré réaliser un questionnaire.

En effet, le questionnaire nous est apparu comme la méthode la plus adaptée pour évaluer à la fois les compétences des élèves et leurs connaissances informationnelles, et pour savoir avec un degré de confiance suffisant si le milieu social a une incidence sur ces compétences et connaissances. François de Singly estime ainsi que « le questionnaire doit être retenu si les effets de certains facteurs sociaux doivent être repérés » : l'enquête par questionnaire permet d'appréhender l'identité sociale des individus pour établir un lien entre une pratique et un milieu social [de Singly 2005]. Alain Blanchet écrit lui aussi que le questionnaire permet de discriminer les usages selon des déterminants socio-culturels [Blanchet 2005]. L'enquête par questionnaire n'a pas pour fonction de décrire les conduites des acteurs avec le plus de détails possible, mais elle a pour ambition d'expliquer ce que font les acteurs par ce qu'ils sont [Bourdieu 1968]. Ainsi, si le questionnaire n'est pas la méthode permettant le mieux de décrire exhaustivement une pratique, il apparaît tout de même comme la technique privilégiée pour mettre en évidence les déterminants sociaux de la recherche d'information.

(28)

I.2 Présentation du questionnaire

Notre questionnaire comporte 46 questions (Cf. Annexe) :

- sur la fréquence et les moyens de connexion à Internet et l’expérience en ligne (questions 1 à 3)

- sur les modes d’apprentissages de la recherche en ligne et les personnes avec qui les jeunes effectuent des recherches en ligne (questions 4 à 9)

- sur la manière de rechercher des informations (habitudes et stratégies de recherche) (questions 10 à 19, 21, 22, 26)

- sur les métacompétences permettant de planifier, contrôler et réguler la recherche (questions 20, 23, 24, 25)

- sur les connaissances informationnelles (questions 27 à 31)

- sur les difficultés rencontrées pendant une recherche en ligne (questions 32 à 36) - sur le sentiment d’auto-efficacité (questions 37 à 39)

- sur les caractéristiques individuelles des jeunes et leur milieu socio-culturel (appréhendé à travers le niveau d'étude et la profession des parents) (questions 40 à 46)

Les questions sont toutes fermées (à l’exception des questions sur l’âge et l’établissement scolaire). Le questionnaire auto-administré a été rempli par les élèves en classe ou au CDI, à notre demande ou à la demande du documentaliste.

II. Les participants

II.1 Les élèves de troisième : des pratiques informationnelles qui s'autonomisent

En 2004, Céline Metton remarquait que la question des usages des nouvelles technologies de l'information et de la communication chez les collégiens restait encore peu étudiée [Metton 2004]. Si plusieurs études se sont depuis emparées de cette question, il semble néanmoins que les recherches sur les jeunes s'intéressent davantage à des publics plus âgés tels que les lycéens ou les étudiants.

Pourtant, les pratiques informationnelles des collégiens soulèvent des questions particulièrement riches. En effet, Internet apparaît comme un recours précieux pour la construction de l’autonomie des collégiens et pour aborder certaines préoccupations propres à l'adolescence [Metton 2004]. De plus, Nathalie Berthomier, Christine Détrez et leurs collègues notent que le

(29)

passage en seconde partie de collège est marqué par une rupture en matière d'usages de l'ordinateur, qui deviennent de plus en plus autonomes [Berthomier 2010]. Ce constat est partagé par Cédric Fluckiger, pour qui les années de collège sont déterminantes dans le processus de construction des usages et des compétences informatiques, les pratiques personnelles tendant à s'autonomiser face aux prescriptions et utilisations parentales [Fluckiger 2009]. De plus, selon Karine Aillerie, c'est à l'âge de 14-15 ans que la recherche d'information devient décisive, notamment pour réaliser les devoirs ou exposés de plus en plus exigés par les enseignants ou pour les étapes de l'orientation scolaire et professionnelle [Aillerie 2008].

En outre, les élèves de collège reçoivent tous un même tronc commun d'enseignement, et le Brevet informatique et internet (B2i) leur assure en principe une culture informatique commune. Ainsi, nous pourrons voir si des élèves ayant reçu des enseignements communs acquièrent des compétences et connaissances informationnelles différentes en fonction de leurs caractéristiques sociales et culturelles.

II.2 Les caractéristiques de l’échantillon

L’enquête par questionnaire a été réalisée auprès d’un échantillon d’élèves de troisième scolarisés dans l’académie de Toulouse : des élèves de troisième scolarisés dans des établissements favorisés (établissements caractérisés par une réussite scolaire supérieure à la moyenne académique et une surreprésentation d’élèves issus de milieux favorisés), des élèves de troisième scolarisés dans un collège de niveau intermédiaire (sur le plan scolaire et social), et enfin des élèves scolarisés dans des collèges en zone d’éducation prioritaire ou en 3ème DP6 en lycée professionnel (confrontés à plus de difficultés d’ordre social ou scolaire).

Au total, 135 questionnaires ont été recueillis, mais après avoir écarté les questionnaires incomplets, il n’en reste que 117. On compte 64 filles et 53 garçons, avec une moyenne d’âge égale à 14,4 ans. Au sein de cet échantillon, la répartition en fonction du milieu social d’origine des élèves est la suivante : 28,3% des parents des élèves interrogés sont cadres ou exercent une profession intellectuelle supérieure (catégorie favorisée A), 16,8% exercent des professions intermédiaires (catégorie favorisée B), 33,6% sont agriculteurs, employés, commerçants ou artisans (catégorie moyenne), et 21,2% sont ouvriers ou sans activité professionnelle (catégorie défavorisée)5. On

5 Nous avons choisi de regrouper les professions en 4 catégories utilisées dans les statistiques du ministère de

l’Éducation nationale. Cf. MERLE P. (2013). La Catégorie socio-professionnelle des parents dans les fiches administratives des élèves. Socio-logos. Revue de l'association française de sociologie, n°8 [En ligne]. Disponible sur :

(30)

constate ainsi une légère surreprésentation des cadres et professions intellectuelles supérieures, ainsi que des catégories moyennes (agriculteurs, employés, commerçants et artisans).

En ce qui concerne le niveau d’études, la répartition est la suivante : 20,7% des parents des collégiens interrogés sont peu ou pas diplômés (sans diplôme et Brevet), 33,9% sont diplômés du secondaire (CAP/BEP ou Bac), 25,6% ont un Bac + 2, 3 ou 4, et 19,8% ont fait des études supé-rieures longues (Master ou Doctorat)6.

Tableau sur les caractéristiques de l’échantillon

Effectifs Pourcentage Age 13 7 6,0 14 59 50,4 15 44 37,6 16 7 6,0

Type d’établissement scolaire

Etablissement défavorisé 42 35,9

Etablissement intermédiaire 62 53,0

Etablissement favorisé 13 11,1

Situation professionnelle père

cadre ou profession intellectuelle supérieure 36 30,8

profession intermédiaire 18 15,4

agriculteur / commerçant, artisan / employé 33 28,2

ouvrier ou personne sans activité profession-nelle

22 18,8

Situation professionnelle mère

cadre ou profession intellectuelle supérieure 28 23,9

profession intermédiaire 20 17,1

agricultrice / commerçante, artisan / em-ployée

43 36,8

ouvrière ou personne sans activité profes-sionnelle

26 22,2

Niveau d'étude père

Sans diplôme et Brevet 25 21,4

CAP BEP et Bac 41 35,0

Bac + 2 3 4 18 15,4

Bac + 5 8 26 22,2

Niveau d'étude mère

Sans diplôme et Brevet 22 18,8

CAP BEP et Bac 36 30,8

Bac + 2 3 4 40 34,2

Bac + 5 8 19 16,2

6 Nous avons choisi de regrouper les niveaux d’études en 4 catégories souvent utilisées dans les statistiques de

(31)

Partie 3 : Présentation des résultats

Pour analyser les résultats, nous avons tout d’abord réalisé des tris à plat afin de décrire la distribution des réponses pour chaque question7. Puis nous avons eu recours à l'analyse de variance pour savoir s’il existait une différence significative entre les groupes, et nous avons réalisé un test de Tukey afin de comparer les résultats des différents groupes. Dans un premier temps, l’analyse du lien entre le niveau d’étude et la situation professionnelle des parents et la recherche en ligne des élèves n’a pas donné de résultats probants. Mais nous avons ensuite regroupé les niveaux d’étude et les situations professionnelles similaires, comme cela est fait dans les statistiques de l’INSEE ou du Ministère de l’Education Nationale (cf. Partie 2 II.2). Ces regroupements nous ont permis de mettre à jour certaines différences entre les jeunes en fonction de leur milieu social.

Nous aborderons tout d’abord les résultats concernant l’équipement des élèves, la fréquence de connexion à Internet et l’apprentissage de la recherche en ligne, puis ceux concernant les comportements liés à la recherche sur le web. Nous présenterons ensuite les résultats concernant les connaissances, les compétences et l’auto-efficacité, avant de nous interroger sur l’impact du genre sur la recherche en ligne.

I. Résultats concernant l’équipement, la connexion à Internet et

l’apprentissage de la recherche en ligne

I.1 L’équipement des élèves et la fréquence de connexion à Internet

L’immense majorité des élèves de troisième dispose d’une connexion à Internet à domicile et utilise largement Internet : 99% des élèves interrogés ont au moins un appareil connecté à Internet chez eux, et 79,5% des élèves se connectent à Internet tous les jours ou presque. Toutefois, des inégalités subsistent parmi les élèves : ceux dont le père a un haut niveau d’études sont mieux équipés que ceux dont le père est plus faiblement diplômé. De plus, les jeunes dont les pères sont ouvriers ou sans activité professionnelle se connectent moins souvent que les autres.

(32)

I.2 L’apprentissage de la recherche en ligne

75,2% des jeunes déclarent avoir appris à rechercher des informations sur Internet tous seuls, 25,6% déclarent avoir appris à l’école ou au collège, 24,8% avec leurs parents, 22,2% avec des amis, et 17,1% avec leurs frères et sœurs8

(Graphique 1).

Graphique 1 : Apprentissage de la recherche en ligne

Comment as-tu appris à rechercher des informations sur Internet ?* possibilité de cocher plusieurs réponses

En outre, la plupart des élèves (94,9%) font des recherches sur Internet avec leurs amis (souvent ou très souvent pour 38,5% d’entre eux). 77, 8% des élèves disent faire des recherches sur le web avec leurs parents, même si les recherches avec les parents sont assez rares. 76,9% des collégiens interrogés font aussi des recherches avec leurs frères et sœurs (Graphique 2). Les jeunes recherchent donc surtout des informations en ligne seuls ou entre pairs, et moins souvent avec des membres de leur famille.

(33)

Graphique 2 : Recherches en ligne avec les amis, parents et frères et sœurs

Est-ce que tu fais des recherches sur Internet avec tes amis / parents / frères et sœurs ?

Le milieu social semble avoir une influence sur le fait de faire des recherches en ligne avec les parents. Ainsi, les élèves dont les pères sont ouvriers ou sans activité professionnelle font moins souvent des recherches avec leurs parents que les autres, et les élèves dont la mère est fortement diplômée recherchent plus souvent des informations avec leurs parents que ceux dont la mère est peu ou pas diplômée.

II. Les comportements liés à la recherche en ligne

II.1 Les types de recherches sur Internet

Les élèves recherchent plus souvent des informations personnelles que des informations pour les cours (88% disent rechercher souvent ou très souvent des informations personnelles, contre 54,7% pour les cours). D’après notre enquête, le niveau d’études et la situation professionnelle des parents ne semblent pas influencer la fréquence à laquelle les élèves de troisième recherchent des informations pour eux-mêmes ou pour les cours.

II.2 Les stratégies de recherche

La stratégie de recherche de loin la plus utilisée par les élèves semble être la formulation de requêtes sur les moteurs de recherche, suivie par la navigation par liens hypertextes, et enfin par la saisie directe d’adresses URL, beaucoup moins utilisée. Le niveau d’études et la situation professionnelle des parents n’ont pas d’influence sur ces stratégies de recherche.

(34)

En revanche, le milieu social des jeunes influence d’autres stratégies de recherche. Ainsi, les enfants dont la mère est cadre ou exerce une profession intellectuelle supérieure utilisent plus souvent des favoris, marque-pages ou signets que les autres (Tableau 1).

Tableau 1 : l’utilisation de favoris, marque-pages ou signets selon la situation professionnelle de la mère

Tu utilises des favoris, marque-pages ou signets pour revenir sur des sites que tu as enregistrés :

Situation professionnelle de

la mère N

Sous-ensemble pour alpha = 0.05

1 2 Différence significative de Tukeya,b cadre ou profession intellectuelle supérieure 28 1,89 profession intermédiaire 20 2,45 2,45

ouvrier ou personne sans

activité professionnelle 26 2,73 2,73

agriculteur / commerçant,

artisan / employé 43 2,88

Sig. ,093 ,618

B de Tukeya,b cadre ou profession

intellectuelle supérieure 28 1,89

profession intermédiaire 20 2,45 2,45

ouvrier ou personne sans

activité professionnelle 26 2,73 2,73

agriculteur / commerçant,

artisan / employé 43 2,88

P = 0,019 ; 1= très souvent, 2=souvent, 3=parfois, 4=rarement, 5=jamais.

Par ailleurs, les élèves dont le père est ouvrier ou sans activité professionnelle utilisent moins souvent la recherche avancée ou les filtres de recherche que ceux dont le père exerce une profession intermédiaire (Tableau 2).

Figure

Tableau de synthèse : le lien entre milieu social et recherche d'information
Tableau sur les caractéristiques de l’échantillon
Graphique 1 : Apprentissage de la recherche en ligne
Graphique 2 : Recherches en ligne avec les amis, parents et frères et sœurs
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