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Liens entre les difficultés comportementales et affectives et l’étendue du vocabulaire réceptif chez les enfants sourds : comparaison avec un échantillon normatif

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Liens entre les difficultés comportementales et

affectives et l’étendue du vocabulaire réceptif chez les

enfants sourds : comparaison avec un échantillon

normatif

Mémoire doctoral

Rachel Filion

Doctorat en psychologie clinique

Docteure en psychologie (D. Psy)

Québec, Canada

© Rachel Filion, 2013

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Résumé

Le présent mémoire vise à documenter l’occurrence des difficultés au niveau du vocabulaire et des problèmes de comportement chez un échantillon d’enfants sourds oralistes québécois (n = 22) et vérifier si, le cas échéant, leurs difficultés comportementales peuvent s’expliquer par les difficultés langagières. Pour ce faire, un groupe d’enfants sourds québécois est comparé à un groupe tiré d’un échantillon normatif d’enfants québécois ayant une audition normale (n = 44), et ce, sur le plan de l’étendue du vocabulaire et des difficultés comportementales. Premièrement, les résultats montrent que les performances à l’Échelle de Vocabulaire en Images Peabody (EVIP) des enfants sourds se situent à l’intérieur des limites normatives franco-canadiennes, mais ils présentent un vocabulaire moins étendu par rapport au groupe de comparaison. Deuxièmement, des corrélations entre la performance des enfants sourds à l’ÉVIP et la sévérité de la surdité, l’âge du diagnostic et du premier appareillage ont été examinées afin d’identifier l’origine de ces différences. Comme une corrélation significative et positive entre la performance langagière et l’âge du diagnostic a été observée (contrairement à ce qui est rapporté dans la littérature scientifique), un examen plus approfondi des données a mené au retrait d’un enfant de l’analyse statistique. Ce retrait a fait en sorte qu’aucune corrélation significative avec le langage n’a été observée lors de la nouvelle analyse, donc aucune explication ne peut être avancée concernant l’origine de ces différences. Troisièmement, les comportements ont été mesurés à l’aide du QECS (Questionnaire d’Évaluation des Comportements Sociaux). Les participants présentent significativement plus de problèmes extériorisés que le groupe de comparaison, sans toutefois présenter plus de problèmes internalisés. Quatrièmement, l’analyse de régression suggère que les habiletés langagières jouent effectivement un rôle dans la fréquence des troubles externalisés et ce, peu importe si les enfants sont sourds ou non. En fait, une fois que le niveau de vocabulaire est pris en considération, les différences entre les enfants sourds et les enfants entendants quant aux comportements extériorisés disparaissent, ce qui suggère que cette différence était principalement attribuable aux différences langagières.

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Table des matières

Résumé ... iii

Remerciements ... ix

Avant-propos ... xi

Introduction ... 1

2. Précisions sur la terminologie ... 3

3. Revue de littérature ... 5

3.1 Difficultés comportementales et affectives chez les entendants ayant une difficulté langagière ... 5

3.2 Contexte développemental des enfants sourds ... 6

3.3 Difficultés langagières chez les enfants sourds ... 9

3.3.1 Vocabulaire expressif des enfants sourds ... 11

3.3.2 Vocabulaire réceptif des enfants sourds ... 12

3.4 Incidence des troubles comportementaux et/ou affectifs chez les enfants sourds ... 16

3.5 Lien entre les difficultés comportementales et affectives et une difficulté langagière ... 17

3.6 Situation actuelle... 23

4. Objectifs du mémoire doctoral ... 25

5. Article du mémoire : A case-control study of the mediating role of receptive vocabulary in predicting externalizing difficulties in oral hearing impaired children ... 27

5.1 Résumé de l’article ... 28

5.2 Abstract ... 29

6. Conclusions générales ... 52

6.1 Limites et contributions novatrices ... 55

6.2 Études futures ... 56

Bibliographie ... 59

Annexe 1 :Questionnaire d’Évaluation des Comportements Sociaux (QECS) ... 65

Annexe 2: Questionnaire recueillant des données sociodémographiques et des données en lien avec la surdité de l’enfant ... 75

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Liste des tableaux

Table 1 : Characteristics of children from the hearing impaired sample. ... 44 Table 2 : Comparison of hearing impaired children and children with normal hearing ... 45 Table 3 : PPVT-R standardized mean scores as a function of hearing aid type and hearing impairment

severity. ... 46 Table 4 : Teacher-reported SBQ externalizing and internalizing scale and subscale means (and standard deviation) for hearing impaired children and normal hearing controls. ... 47 Table 5 : Regression models for the teacher-reported SBQ externalized aggregated score. ... 48

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Remerciements

Cet ouvrage n’aurait pu voir le jour sans la patience et les commentaires judicieux de ma directrice de mémoire, Mme Ginette Dionne, Ph.D, et des membres du comité d’évaluation : Monsieur Simon Grondin, Ph.D., Monsieur François Bergeron, Ph.D. ainsi que Mme Pauline Sirois, Ph.D.. Un merci tout spécial à Mme Pauline Sirois, qui a toujours été là pour moi durant tout mon cheminement scolaire. Je n’aurais pas pu me rendre aussi loin! Je souligne également l’excellente collaboration de l’école, des parents et des élèves avec lesquels j’ai travaillé pour mener à bien cette étude, sans quoi cela n’aurait pas été possible.

Je remercie également mon conjoint, mes amis sourds et malentendants, et ma famille, qui m’ont écoutée, supportée et encouragée dans ce long périple. Leur foi inébranlable en moi m’a réchauffé le cœur pendant les moments les plus difficiles.

Je dédie cet ouvrage à toutes les personnes ayant une surdité et à tous ceux qui ont un intérêt authentique envers le monde de la surdité. C’est un monde si complexe mais ô combien passionnant!

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Avant-propos

Ce mémoire doctoral comprend l’insertion d’un article. L’article inséré s’intitule : ―A case-control study of the mediating role of receptive vocabulary in predicting externalizing difficulties in oral hearing impaired children‖. L’article a été préparé en vue d’une soumission à la revue Journal of Deaf Studies and Deaf Education.

L’étudiante a mené l’étude, compilé les données colligées et rédigé l’article. Les analyses statistiques ont été réalisées avec l’aide de Mme Ginette Dionne, Ph.D. Cette dernière a supervisé la rédaction de l’article et a suggéré des corrections à apporter à l’article. Le groupe de comparaison a été constitué à partir de la base de données de l’Institut de la Statistique du Québec pour l’Étude Longitudinale du Développement des Enfants Québécois (ÉLDEQ).

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Introduction

La prévalence de troubles comportementaux ou affectifs chez les enfants ayant une audition normale avec des problèmes langagiers est plus élevée que celle rencontrée dans la population générale (Dionne, 2005; Ibertsson, Hansson, Maki-Torkko, Willstedt-Svensson, & Sahlen, 2009). Une des hypothèses soulevées pour expliquer ce phénomène concerne le rôle direct ou indirect des problèmes langagiers dans l’apparition de ces troubles. D’une part, un langage trop limité pourrait rendre plus difficile la régulation comportementale ou affective (Luria, 1967; Vygotsky, 1988). D’autre part, des limites langagières pourraient entraîner une difficulté à créer ou à maintenir des interactions sociales, exacerbant à leur tour les problèmes affectifs et/ou comportementaux (Gertner & Rice, 1994).

Des difficultés langagières peuvent également être observées chez des enfants oralistes (c.-à-d. utilisant la voix pour communiquer) ayant une surdité congénitale ou prélangagière (Eisenberg, Kirk, Martinez, Ying, & Miyamoto, 2004). Ces difficultés seraient dues en partie à une stimulation langagière insuffisante en bas âge occasionnée par un retard dans la détection de la surdité et dans la mise en place d’interventions donnant accès à un langage (NIH Consensus Statement, 1993). Ces enfants présentent aussi une prévalence élevée de difficultés comportementales, affectives et sociales (Barker et al., 2009; Stevenson, McCann, Watkin, Worsfold, & Kennedy, 2010; Van Eldik, Treffers, Veerman, & Verhulst, 2004). Quelques études, surtout américaines et européennes, ont mis en évidence un lien entre les problèmes langagiers, comportementaux et socio-affectifs chez les enfants sourds (Barker et al., 2009; Stevenson et al., 2010). Au Québec, une seule étude, réalisée par Duchesne, Sutton et Bergeron (2009), examine les caractéristiques langagières et socio-affectives de la population québécoise d’enfants sourds ayant un implant cochléaire. Cette étude indique entre autres que les performances langagières de ces enfants s’approchent de la normale alors que des difficultés persistent sur le plan de la socialisation.

L’étude réalisée dans le cadre de ce mémoire doctoral vise à (a) vérifier la présence de difficultés langagières sur le plan du vocabulaire réceptif dans un échantillon d’enfants sourds oralistes de la province de Québec par rapport à un échantillon normatif québécois d’enfants entendants appariés pour l’âge, le sexe et le niveau d’éducation des parents, (b) si ces difficultés sont fonction de la sévérité de la surdité, de l’âge du diagnostic et de la mise en place de l’appareillage, (c) si les enfants sourds oralistes présentent une fréquence plus élevée de problèmes comportementaux extériorisés et de problèmes intériorisés que les enfants appariés et, (d) le cas échéant, déterminer si les différences entre les deux groupes quant aux difficultés comportementales et affectives s’expliquent par les habiletés langagières plus limitées des enfants sourds oralistes.

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Le présent mémoire doctoral est structuré de la façon suivante : 1) la recension des écrits scientifiques, et la présentation des objectifs de recherche rédigées en français; 2) un article empirique, rédigé en anglais aux fins de publication, qui présente les résultats de l’étude; et 3) une courte conclusion générale rédigée en français.

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2. Précisions sur la terminologie

La littérature scientifique touchant la surdité utilise de nombreux termes qui peuvent dérouter le lecteur non averti. Afin d’éviter toute confusion, les termes utilisés dans le présent mémoire sont précisés ici.

La surdité est définie comme étant une capacité moindre à percevoir les sons comparativement à une audition normale, telle que mesurée par les normes du American National Standards Institute. La perte auditive est généralement mesurée en décibels (dB) par rapport au zéro audiométrique, qui correspond aux premiers sons entendus par les gens ayant une audition normale. L’audition est considérée normale si les premiers sons entendus se situent entre 0 et 25 dB. En présence de surdité, les audiologistes (spécialistes de l’audition) subdivisent l’importance de la perte auditive en cinq catégories : légère (25-40 dB), modérée (41-55 dB), modérément sévère (56-70 dB), sévère (71-90 dB) et profonde ( > 90 dB). La surdité peut être unilatérale ou bilatérale, c’est-à-dire impliquer une ou deux oreilles. Elle peut également être congénitale, c’est-à-dire être présente à la naissance (causes variées), progressive ou acquise. Les audiologistes précisent aussi la partie du système auditif qui est atteinte : si la surdité est causée par certaines maladies ou troubles qui limitent la transmission du son dans l’oreille externe ou moyenne, elle est conductive; si elle est causée par un trouble de l’oreille interne ou des voies neurales, elle est neurosensorielle; elle peut aussi être mixte si ces deux voies sont atteintes.

Dans la littérature scientifique, lorsque les études parlent d’une personne « sourde », cette expression sous-entend généralement la présence d’une surdité de degré profond alors qu’on désigne par « malentendantes » les personnes atteintes d’une surdité moins sévère. Par souci de concision et de clarté, seul le terme « sourd » sera utilisé dans le présent mémoire pour faire référence à la présence de surdité, sans égard à sa sévérité. Le terme « entendant » est utilisé pour désigner les enfants ayant une audition normale.

Les études précisent également le mode de communication utilisé par les personnes sourdes. Le terme « oraliste » fait référence à l’utilisation de la voix pour communiquer avec autrui, par opposition au terme « gestuel », qui signifie que l’individu utilise la langue des signes de son pays comme principal moyen de communication. Par exemple, au Canada, on utilise la Langue des Signes Québécoise (LSQ) ou l’American Sign Language (ASL). Il existe de nombreux autres modes de communication mais ils ne sont pas détaillés ici car ils ne font pas l’objet du présent mémoire.

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3. Recension des écrits scientifiques

3.1 Difficultés comportementales et affectives chez les entendants

ayant une difficulté langagière

Plusieurs études ont montré que des troubles de comportement accompagnent souvent les difficultés langagières chez les enfants normo-entendants (Dionne, 2005). Ces troubles peuvent être de deux ordres, soit externalisés ou internalisés. Plus spécifiquement, les troubles externalisés renvoient aux problèmes de régulation comportementale associés aux manifestations d’agressivité physique ou verbale, d’hyperactivité, d’opposition ou, chez les enfants plus âgés, à la délinquance. La notion de trouble internalisé renvoie plutôt aux problèmes de régulation affective associés à l’anxiété, l’émotivité, la dépression, le retrait social et/ou une faible estime de soi (Cantwell & Baker, 1987a; Jerome, Fujiki, Brinton, & James, 2002; Lindsay & Dockrell, 2000). En fait, la prévalence des troubles de comportement varie entre 30 % et 90 %, selon les méthodes d’évaluation chez les enfants avec un déficit langagier, alors que leur prévalence dans une population normale est plutôt autour de 5 % (Camarata, Hugues, & Ruhl, 1988; Willinger et al., 2003; pour une revue de littérature plus complète sur ce sujet, voir Gallagher, 1999).

Différents modèles théoriques ont été proposés pour expliquer le lien entre un déficit langagier et les troubles associés. D’une part, les troubles externalisés que présentent les enfants avec un déficit langagier pourraient être dus à leur incapacité à utiliser le langage pour exprimer leurs besoins (Dionne, 2005). Ainsi, un enfant qui éprouve des difficultés à communiquer avec son entourage est plus susceptible d’utiliser d’autres moyens que le langage pour se faire comprendre. Notamment, il peut utiliser des moyens non verbaux comme tirer sur le chandail de sa mère, pousser, tirer ou voler le jouet d’un autre, ou utiliser des tactiques bruyantes comme des crises ou des pleurs. Les problèmes de comportements externalisés pourraient aussi être dus au fait que, comme l’ont initialement proposé Vygotsky (1988) et Luria (1967), la régulation comportementale comporte une base langagière. Ce serait en partie par le biais d’un monologue interne que l’enfant arriverait à guider et réguler son comportement. Ceci implique qu’un déficit langagier pourrait avoir des conséquences sur le plan comportemental, du fait que l’enfant ne peut s’appuyer sur ses habiletés langagières pour organiser et réguler son comportement (Winsler, De León, Wallace, Carlton, & Willson-Quayle, 2003).

D’autre part, les troubles internalisés que présentent en proportions élevées les enfants avec un déficit langagier pourraient plutôt être une conséquence de leurs limites langagières pour communiquer et s’intégrer socialement. C’est la conclusion à laquelle arrivent Gertner et Rice (1994) qui ont évalué le statut social de 31 enfants entendants d’une classe de maternelle par la méthode de nominations par les pairs, et l’ont mis en lien avec leurs capacités langagières. Les auteurs ont observé que les enfants présentant des capacités langagières limitées étaient moins susceptibles d’être choisis par leurs pairs pour des activités de

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groupe. Ils en concluent que les capacités langagières limitées risquent de nuire à l’intégration dans un groupe et induire des conséquences non seulement sur le plan social, mais aussi sur le plan affectif et exacerber avec le temps les limites langagières initiales. En effet, un enfant difficile à comprendre ou qui a de la difficulté à réguler ses émotions ou son comportement peut devenir un interlocuteur difficile à approcher et ainsi se retrouver plus isolé socialement, diminuant du même coup les occasions pour accroître les capacités langagières par des interactions avec les autres enfants.

Selon la revue des écrits effectuée par Barker et ses collègues (2009), il est clair qu’un lien existe entre les troubles langagiers et les troubles comportementaux chez les enfants entendants. Toutefois, ces auteurs mentionnent que les études disponibles ne permettent pas de déterminer si les problèmes langagiers mènent aux troubles comportementaux ou l’inverse, ou si ces deux types de troubles sont des symptômes indépendants d’un processus développemental plus général. Ce manque de clarté semble provenir en partie du fait que l’étiologie des problèmes langagiers et des problèmes comportementaux est soit non rapportée ou inconnue dans les études examinées par ces auteurs. En effet, cela pose problème, car chez les enfants entendants, les origines d’une difficulté langagière peuvent être très variées. Notamment, certaines difficultés langagières peuvent avoir une origine génétique si l’enfant hérite d’une prédisposition à éprouver des difficultés langagières (Dale et al., 1998) alors que d’autres peuvent plutôt avoir une origine environnementale si ces difficultés découlent, par exemple, d’une atteinte au développement du cerveau en raison de l’exposition à la cigarette ou d’un problème à l’accouchement (Fried, Watkinson, & Siegel, 1997), d’une négligence grave de l’enfant (Culp, Watkins, Lawrence, Letts, & et al., 1991; Curtiss, 1977; Itard, 1932; Zingg, 1940), ou d’un simple manque de stimulation dans l’environnement de l’enfant (Oxford & Spieker, 2006). Comme les causes peuvent être multiples aussi pour les troubles du comportement, il devient difficile de cerner les mécanismes à la base de l’association entre les troubles du langage et les troubles du comportement chez les enfants entendants.

3.2 Contexte développemental des enfants sourds

La prévalence de la surdité chez les enfants de moins de 15 ans se situait autour de .2 % au Québec en 2001, soit 2 enfants sur 1000 (Berthelot, Camirand, Tremblay, & Cardin, 2006). Ceci inclut tous les enfants ayant une surdité bilatérale de degré léger à profond. Contrairement aux enfants ayant une audition normale, l’étiologie des difficultés langagières chez les enfants ayant une surdité est plus facile à cerner, car comme 95.8% des enfants sourds aux États-Unis naissent de parents entendants (Mitchell & Karchmer, 2004), il se crée souvent un contexte développemental propice à une accessibilité réduite au langage en début de développement (Périer, 1987). En effet, plusieurs parents entendants utilisent le langage oral avec leur enfant sourd pendant un certain temps, et ce, sans savoir que ce dernier n’entend pas nécessairement tous les sons. Avant la mise en place des programmes de détection systématique de la surdité aux États-Unis, l’âge moyen

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7 auquel une surdité était détectée variait entre 12 mois et 2.2 ans (Christiansen & Leigh, 2002; Padden & Ramsey, 2005), voire jusqu'à 2.9 ans (Naarden, Decouflé, & Caldwell, 1999). Au Québec, l’âge moyen de détection de la surdité se situe autour de 2 ans et 7 mois (Picard, 1999)1. Quand la surdité n’est pas détectée

à la naissance, il y a aussi souvent un délai entre les soupçons des parents et le diagnostic officiel, délai d’autant plus marqué lorsque les soupçons des parents sont minimisés par le pédiatre ou le médecin de famille (Christiansen & Leigh, 2002). Un autre délai s’ajoute suite au diagnostic en raison du temps requis pour la mise en place de moyens de communication alternatifs (par exemple, le Langage Parlé Complété ou la langue des signes) et/ou l’attribution et l’ajustement des aides de correction auditive, que ce soit par l’amplification ou par l’implantation cochléaire qui seront décrites plus loin.

Avant la mise en place de correctifs, l’enfant sourd a un accès limité à la langue parlée par son entourage, et ce, même en s’aidant de la lecture sur les lèvres. En fait, même s’il est concevable que les enfants sourds soient capables de lire très tôt sur les lèvres, tel que démontré par la présence de l’effet McGurk chez des enfants entendants aussi jeunes que 6 mois (interférence entre le phonème prononcé sur les lèvres et un phonème différent qui est entendu - Rosenblum, Schmuckler, & Johnson, 1997), la lecture labiale seule n’est pas suffisante pour offrir un accès optimal à la langue orale. Aussi, la lecture labiale est difficile en français parce que cette langue comporte certains traits phonologiques peu visibles sur les lèvres, dont le voisement et la nasalité (Erber, 1974), créant alors des confusions du point de vue lexical en raison des images labiales identiques. De plus, selon Taeschner, Devescovi et Volterra (1988), les morphèmes morphosyntaxiques tels que les prépositions, les pluriels, le temps de verbe au passé sont très souvent des mots courts, donc peu visibles sur les lèvres. Ainsi, même s’ils peuvent lire sur les lèvres, les enfants sourds ont une exposition limitée au langage dans la période qui précède la mise en place de correctifs auditifs, ce qui semble expliquer en grande partie leur délai langagier par rapport aux enfants entendants.

Une fois la surdité de l’enfant diagnostiquée, il est possible de mettre en place différentes stratégies visant une meilleure accessibilité au langage. Certains parents choisiront d’utiliser la langue des signes pour communiquer avec leur enfant. Tel que mentionné plus tôt, la LSQ et l’ASL sont les deux langues des signes utilisées au Canada. L’ASL a d’abord été reconnue en 1960 comme une langue à part entière, puis la LSQ l’a été en 1993. Elles ont leurs propres syntaxes et structures grammaticales (Daigle, 1998; Stokoe, 1960). L’information peut être véhiculée à l’aide des mains, de la position du corps et des expressions faciales, et ce, en associant des gestes à des concepts. Cette approche ne sera pas détaillée davantage car elle ne concerne pas l’échantillon retenu pour la recherche.

1 Cela changera bientôt, puisque la détection systématique de la surdité à la naissance est actuellement en voie d’être implantée au Québec.

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La présente étude concerne des enfants oralistes, c'est-à-dire des enfants qui ont reçu une intervention qui consiste à les stimuler auditivement à l’aide des prothèses auditives ou d’un implant cochléaire et qui communiquent principalement par voie orale. Par contre, il n’est pas exclu que ces enfants puissent avoir aussi été exposés à des méthodes de visualisation de la langue orale accompagnant leur développement oral. En effet, il existe deux méthodes à cet égard au Québec, soit le Français Signé et le Langage Parlé Complété (LPC). La première méthode calque la structure grammaticale du français oral tout en utilisant des signes pour chaque mot de la langue française. La deuxième méthode vise à rendre visible chaque phonème de la langue orale en lui attribuant un geste distinct de la main près du visage afin de lever les ambiguïtés de la lecture labiale. Ainsi, des mots semblables sur les lèvres, tels que « pain », « main » et « bain », sont différenciés grâce au LPC. Notons également que des enfants qui se développent à travers la LSQ ou l’ASL peuvent aussi être porteurs de prothèses auditives ou d’un implant cochléaire.

Les aides de correction auditive se divisent en deux grandes catégories : soit l’amplification des sons environnants via des prothèses auditives externes, afin de stimuler les restes d’audition fonctionnelle, soit l’implantation cochléaire si la surdité est trop importante pour que l’amplification soit profitable. En ce qui concerne l’amplification, il existe deux types de traitement sonore pour les prothèses auditives: analogique ou numérique. Une revue systématique des études comparant ces deux catégories de prothèses auditives conclut que rien ne permet encore de déterminer celle qui est la meilleure pour la compréhension de la parole, que ce soit du côté des résultats en laboratoire ou du côté des évaluations subjectives des porteurs de prothèses auditives (Taylor, Paisley, & Davis, 2001). Pour ce qui est de l’implantation cochléaire, celle-ci consiste en l’insertion chirurgicale d’un récepteur sous la peau et d’électrodes dans la cochlée stimulant électriquement le nerf auditif, et le port d’un appareil externe muni d’un micro, d’une antenne et d’un processeur. Le processeur analyse et transforme le signal sonore capté par le micro, pour ensuite l’envoyer vers l’antenne, qui transmet à son tour l’information au récepteur sous la peau, puis aux électrodes placés dans la cochlée. Ce dispositif permet d’améliorer les seuils auditifs des enfants ayant une surdité importante, comparativement à ce qu’ils auraient obtenu avec l’amplification sonore. En outre, bien que les implants cochléaires n’offrent pas une performance satisfaisante en milieu bruyant (Fu, Shannon, & Wang, 1998), ils peuvent généralement offrir une bonne compréhension de la parole en milieu silencieux. Cette technologie augmente le nombre d’enfants sourds pouvant bénéficier d’un input auditif suffisant pour avoir accès à la langue parlée par leur entourage. Il faut cependant garder à l’esprit que les habiletés auditives varient de façon très importante d’un enfant à l’autre et ce, peu importe la technologie utilisée. La présente étude s’intéresse aux enfants sourds fréquentant une école oraliste dans la province de Québec, dont certains sont porteurs de prothèses auditives et d’autres d’un implant cochléaire.

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3.3 Difficultés langagières chez les enfants sourds

Selon certains auteurs, les déficits langagiers notés chez les enfants sourds seraient surtout fonction de la privation langagière durant la petite enfance, ceci en raison du diagnostic tardif de surdité (NIH Consensus Statement, 1993; Sarachan-Deily & Love, 1974; Scholes, Cohen, & Brumfield, 1978). En effet, le délai à mettre en place un moyen de communication accessible avec l’enfant sourd implique que la majorité des enfants sourds reçoivent peu ou pas de stimulation langagière au cours des deux premières années, et ce, malgré l’apport partiel de la lecture labiale. Ainsi, en excluant les enfants sourds de parents sourds, dont le développement langagier via la langue des signes est généralement normal, , la majorité des enfants sourds de parents entendants subissent une privation de stimulation langagière avant la mise en place de mesures d’intervention du fait de leur accès limité à une langue.

En fait, plus l’exposition à un langage tarde, plus l’acquisition du langage est affectée et plus les déficits encourus sont importants et tendent à persister (Newport, 1990). La persistance à long terme d’un retard langagier serait expliquée par la présence d’une période sensible en bas âge où l’apprentissage langagier est optimal et au-delà de laquelle il est plus difficile de parler la langue apprise comme les parleurs natifs, et ce, peu importe la modalité de la langue (Ducharme & Mayberry, 2005). Par exemple, des erreurs d’accord de verbes peuvent s’introduire dans le discours (Berk, 2003). La présence d’une période sensible s’observe entre autres par les effets positifs sur le développement langagier d’une détection précoce de la surdité et des interventions précoces qui s’ensuivent, notamment grâce à l’implantation de programmes de dépistage néonatal de la surdité (e.g.Calderon, 2000; Calderon & Naidu, 1999; Kennedy, McCann, Campbell, Kimm, & Thornton, 2005; Mayne, Yoshinaga-Itano, & Sedey, 1998; Moeller, 2000; Robinshaw, 1995; Yoshinaga-Itano, Sedey, Coulter, & Mehl, 1998). De plus, il semble que l’âge auquel les sujets sourds sont exposés à un input langagier structuré (parlé ou signé) a une influence sur la spécialisation hémisphérique pour le traitement des informations langagières (Leybaert & D'Hondt, 2003). En fait, plus l’expérience langagière est précoce, plus la spécialisation hémisphérique du langage est apparente et se rapproche de celle des sujets ayant une audition normale.

Plusieurs études détaillent les bénéfices sur le plan langagier d’une détection précoce de la surdité. Par exemple, Yoshinaga-Itano, Sedey, Coulter et Mehl (1998) ont séparé en deux groupes un échantillon de 150 enfants sourds nés dans l’état du Colorado (États-Unis) selon l’âge du diagnostic de surdité, soit avant 6 mois (72 enfants) et après 6 mois (78 enfants). Les enfants étaient âgés entre 15 mois et 3 ans au moment de la collecte des données. Tous les enfants ont reçu des prothèses auditives et des services du Colorado Home Intervention Program. Ces auteurs ont observé que la moyenne des performances langagières (Minnesota Child Development Inventory rempli par les parents : scores expressif, réceptif et total) du groupe diagnostiqué tôt était supérieure de près d’un écart-type par rapport à celle du groupe diagnostiqué après 6 mois. De plus,

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l’avantage du diagnostic précoce sur les performances langagières était présent même après la prise en compte de différentes variables (âge, genre, statut socioéconomique, ethnicité, capacités cognitives, degré de surdité, mode de communication utilisé et présence/absence d’autres handicaps). Les auteurs soulignent que les enfants ayant des capacités cognitives normales (évaluées à l’aide du Play Assessment Questionnaire) et qui avaient été diagnostiqués avant l’âge de 6 mois présentaient des performances langagières comparables à celles d’enfants entendants. Une autre étude rapporte des résultats semblables auprès de 120 enfants sourds âgés de 5.42 ans à 11.67 ans (surdité bilatérale, > 40 dB). Ils provenaient d’une cohorte d’enfants nés dans huit districts de l’Angleterre (Kennedy, McCann, Campbell, Law, Mullee, Petrou, et al., 2006). Ces enfants étaient divisés en deux groupes selon l’âge du diagnostic, soit ceux qui ont été diagnostiqués avant 9 mois et ceux qui l’ont été après 9 mois. Les auteurs ont évalué le langage réceptif (TROG : Test for Reception of Grammar, et BPVS : British Picture Vocabulary Scale), le langage expressif (Renfrew Bus Story Test), et les habiletés non verbales des enfants sourds (Matrices de Raven). Ils ont aussi constitué un groupe de comparaison composé de 63 enfants entendants appariés selon l’endroit de naissance et l’âge. Ils ont ensuite utilisé la moyenne et l’écart-type du groupe de comparaison pour calculer les scores

z du groupe d’enfants

sourds et ce, en tenant compte de la sévérité de la surdité et du niveau d’éducation maternelle. Ainsi, les enfants dont la surdité a été confirmée avant 9 mois performaient significativement mieux aux tests langagiers que les enfants dépistés plus tard (zréceptif précoce = -1.76 vs zréceptif tardif = -2.38 ; zexpressif précoce = -0.59 vs

z

expressif tardif = -1.07). Par contre, contrairement à l’échantillon du Colorado, les enfants sourds de cette étude anglaise

étaient beaucoup moins bons que les enfants entendants, surtout au plan réceptif. Ainsi, il est possible que, même en présence d’un diagnostic précoce, l’expérience langagière des enfants appareillés demeure plus limitée que celle des enfants entendants.

Lorsque le diagnostic de la surdité se fait plus tard (Christiansen & Leigh, 2002; Padden & Ramsey, 2005), plusieurs revues de littérature confirment la présence de délais dans tous les aspects du développement langagier des enfants sourds : développement neurolinguistique (Leybaert & D'Hondt, 2003), syntaxe, morphologie, sémantique, pragmatique et phonologie (Moeller, Tomblin, Yoshinaga-Itano, Connor, & Jerger, 2007; Osberger, 1986). Plusieurs recherches détaillent la nature des déficits spécifiques à chaque sphère. La présente étude s’attarde principalement à l’étendue du vocabulaire réceptif (c.-à-d. le lexique) pour les raisons suivantes : le vocabulaire est un bon indicateur du niveau langagier à l’enfance (Bates, Dale, & Thal, 1995), il est fortement corrélé aux autres aspects du langage (Dale & Goodman, 2005) et il est facile à évaluer. De plus, certaines études montrent que le vocabulaire peut servir de tremplin pour l’acquisition des autres composantes du langage, notamment la conscience phonologique, la syntaxe et la morphosyntaxe (Yoshinaga-Itano, 2003c).

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3.3.1 Vocabulaire expressif des enfants sourds

Plusieurs études ont documenté les difficultés lexicales que présentent les enfants sourds. Tout d’abord, l’étude longitudinale de Gregory et Mogford (1981) sur le développement du vocabulaire expressif oral de huit enfants sourds nés de parents entendants, à partir du moment du diagnostic (15-18 mois) jusqu’à l’âge de quatre ans, montre que leur développement semble fortement retardé par rapport aux enfants entendants et qu’il varie en fonction de la sévérité de leur surdité. En effet, les deux enfants du groupe qui ont la plus grande surdité produisent moins de 10 mots à l’âge de 4 ans. Les six autres (surdité moyenne à sévère) atteignent la moyenne de 10 mots vers 23 mois, celle des 50 mots vers 29 mois et celle des 100 mots vers 34 mois. Ces enfants atteignent ces étapes beaucoup plus tard que les enfants entendants, puisque ces derniers atteignent généralement la moyenne de 10 mots vers 15 mois et 50 mots vers 18 mois (Fenson, Dale, Reznick, Thal, Bates, Hartung, et al., 1993). Cela indique des retards lexicaux variant de 8 mois à presque 3 ans chez ces enfants sourds si on les compare à des enfants entendants. De plus, il semble y avoir une absence d’ « explosion du vocabulaire » chez ces enfants sourds, soit une augmentation rapide du lexique en quelques semaines, un phénomène qu’on observe chez les enfants entendants quand le vocabulaire atteint 50 mots (vers 18 mois). Ces enfants sourds ont plutôt présenté une progression linéaire de l’étendue de leur vocabulaire expressif. Toutefois, les auteurs ne précisent pas si les enfants qui ont été suivis portaient ou non des prothèses auditives ni s’ils ont bénéficié d’une intervention intensive.

Une autre étude présente des résultats semblables, sauf en ce qui concerne l’explosion du vocabulaire. Mayne, Yoshinaga-Itano, Sedey et Carey (1998) ont exploré les liens entre plusieurs variables démographiques et le développement du vocabulaire expressif chez 113 enfants sourds âgés entre 24 et 37 mois dont la majorité participaient au programme CHIP (Colorado Department of Health Home Intervention Program). Ce programme consistait à offrir aux enfants sourds des séances hebdomadaires d’une heure à domicile par des personnes diplômées en audiologie, en orthophonie ou en éducation. L’âge étant significativement et positivement corrélé au vocabulaire expressif, les variables associées à un meilleur vocabulaire, avec ou sans prise en compte de l’âge, étaient les suivantes : diagnostic précoce de la surdité, aucun handicap additionnel, et quotient à la sous-échelle Situation-Comprehension du MacArthur Communicative Development Inventory (CDI; Fenson et al., 1993). Les auteurs ont ensuite effectué une seconde étude visant à établir des normes pour le développement du vocabulaire expressif chez 202 enfants sourds entre 8 et 37 mois (103 oralistes et 63 gestuels, 2 indéterminés). Le vocabulaire ayant été évalué à l’aide de 368 réponses parentales au CDI, les auteurs ont observé chez les enfants sourds une explosion du vocabulaire similaire à celle retrouvée chez les entendants à la différence qu’elle s’était produite en moyenne 6 mois plus tard que celle des entendants. Néanmoins, la taille du vocabulaire expressif des enfants sourds (âgés entre 24 et 37 mois, cognition normale) dépistés avant 6 mois était de 396.5 mots, ce qui est inférieur

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aux 560 mots exprimés par des enfants entendants de 30 mois dans l’échantillon normatif du CDI. En fait, les performances des enfants sourds étaient inférieures aux performances du 25e percentile des enfants

entendants du même âge, ce qui suggère que les enfants sourds présentaient un vocabulaire expressif moins étendu qu’eux, et ce, même s’ils avaient été dépistés tôt. Le mode de communication (oraliste ou gestuel) n’étant pas significativement corrélé au score du CDI, les auteurs n’ont pas détaillé les résultats séparément pour les enfants oralistes, donc il est difficile de tirer des conclusions spécifiquement pour eux.

Geers, Moog, Biedenstein, Brenner et Hayes (2009) ont analysé différentes habiletés langagières, dont le vocabulaire expressif, chez 153 enfants qui ont reçu un implant cochléaire et qui étaient inscrits dans 39 programmes d’orientation oraliste à travers 20 états des États-Unis. Les participants étaient âgés entre 4.11 et 6.11 ans et ont commencé à porter leur implant cochléaire à l’âge de 2.4 ans en moyenne (ET = 11 mois). En ce qui concerne le vocabulaire expressif, 126 enfants ont complété l’Expressive One Word Picture Vocabulary (EOWPVT ; Gardner, 2000) et les 27 restants ont complété l’Expressive Vocabulary Test (EVT ; Williams, 1997). Au total, la moyenne des scores standardisés des participants était de 90.67 (ET = 18.98), ce qui la situe à l’intérieur des normes des enfants entendants (M = 100 et ET = 15). Par contre, seulement 58% des participants ont obtenu des résultats qui se trouvaient dans les limites normatives.

3.3.2 Vocabulaire réceptif des enfants sourds

Des difficultés sont aussi notées dans le domaine du vocabulaire réceptif, soit les mots compris par l’enfant même s’il ne peut les utiliser. La revue de littérature de Fagan et Pisoni (2010) suggère que le vocabulaire réceptif constitue une des mesures langagières où les enfants porteurs d’un implant cochléaire réussissent constamment moins bien que les enfants entendants de leur âge. En effet, des délais sont constatés dans le rythme d’acquisition du vocabulaire réceptif (Blamey et al., 2001; Connor, Hieber, Arts, & Zwolan, 2000; El-Hakim et al., 2001; Fagan, Pisoni, Horn, & Dillon, 2007; Kirk, Miyamoto, Ying, Perdew, & Zuganelis, 2000; Thal, DesJardin, & Eisenberg, 2007). Au chapitre de la taille du vocabulaire réceptif, les enfants implantés présentent un vocabulaire plus restreint comparativement aux enfants entendants du même âge (Blamey et al., 2001; Connor et al., 2000; Eisenberg et al., 2004; El-Hakim et al., 2001; Geers & Moog, 1994; Miyamoto, Kirk, Svirsky, & Sehgal, 1999; Spencer, 2004)

Plus spécifiquement, Eisenberg et al. (2004) ont observé un ratio moyen âge langagier/âge chronologique de .61 au PPVT-III pour un groupe de 83 enfants sourds oralistes portant un implant ou des prothèses auditives. Ce ratio est inférieur à 1, ce qui signifie que les enfants sourds présentaient une difficulté langagière par rapport à l’échantillon normatif du PPVT-III, et qu’ils avaient une taille du vocabulaire réceptif inférieure à celle de leurs pairs entendants. L’étude n’a toutefois pas pris en compte l’âge du diagnostic pour

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13 comparer l’étendue du vocabulaire réceptif. Une autre étude a examiné le vocabulaire réceptif chez 168 enfants sourds âgés entre 8 et 22 mois dont 73 % ont été diagnostiqués avant l’âge de 6 mois et qui étaient presque tous inscrits au programme d’intervention précoce CHIP (Colorado Department of Health Home Intervention Program) (Mayne, Yoshinaga-Itano, & Sedey, 1998). Les auteurs ne donnent toutefois aucune précision sur le type d’aide auditive utilisé par les participants. En n’utilisant que les scores des enfants sourds ayant obtenu un quotient de jeu symbolique supérieur à 80 à l’aide du Play Assessment Questionnaire (indiquant un fonctionnement cognitif normal), les auteurs ont établi un portrait du développement lexical réceptif pour 116 enfants sourds grâce à la sous-échelle Words and Gestures du CDI. Ainsi, la médiane des mots compris par le groupe de 8 à 10 mois était de 8 mots, celle du groupe de 14 à 16 mois était de 51 mots et ceux qui avaient entre 20 et 22 mois comprenaient 119 mots. Ces scores correspondent respectivement au 25e, 10e et 20e percentile des scores obtenus auprès des enfants entendants dans l’échantillon normatif du

CDI. Les enfants sourds de cette étude présentaient donc un vocabulaire réceptif beaucoup moins étendu que celui des enfants entendants du même âge, et ce, même s’ils avaient été diagnostiqués très tôt.

En ce qui concerne le rythme d’acquisition du vocabulaire, certaines études montrent que les enfants sourds (utilisant soit la parole ou la parole accompagnée de signes) progressent plus lentement comparativement à leurs pairs entendants. Plus précisément, la revue de littérature de Hayes, Geers, Treiman et Moog (2009) a révélé que le rythme d’acquisition des enfants implantés variait entre .45 et .71 an par année chronologique, comparativement à 1 an par année chronologique chez les enfants entendants. Néanmoins, ils ont observé qu’après leur implantation, les enfants implantés progressaient à un rythme supérieur à 1 an par année chronologique, soit environ .5 écart-type chaque année. Plus précisément, 65 enfants bénéficiant d’un enseignement oraliste, ayant une intelligence moyenne et qui ont reçu leur implant avant l’âge de 5 ans ont complété le PPVT-R ou le PPVT-III (selon l’année d’administration) à chaque début d’année scolaire. Les scores au PPVT recueillis chaque année ont montré que les enfants implantés ont progressé plus rapidement que les enfants entendants (plus de 7 points standardisés au PPVT en moyenne) dans les premières années d’utilisation de l’implant cochléaire. Par contre, les auteurs ont observé que cette croissance a ralenti avec les années. Ainsi, ce progrès a pour effet de diminuer le fossé entre les deux groupes d’enfants mais sans toutefois l’effacer, puisque la moyenne des scores des enfants sourds oralistes se situait encore à un peu plus d’un écart-type sous celle de leurs pairs entendants au terme de l’étude.

Les écrits scientifiques ne permettent pas encore à l’heure actuelle de clarifier l’effet que pourrait avoir l’âge à l’implantation sur le vocabulaire réceptif (Hayes et al., 2009). En effet, quelques études montrent que plus les enfants sont implantés jeunes, meilleur est leur vocabulaire réceptif (Connor et al., 2000) et parfois même, ils peuvent atteindre des performances semblables à celles des enfants entendants (Connor, Craig, Raudenbush, Heavner, & Zwolan, 2006). Par contre, d’autres auteurs n’ont pas trouvé d’influence de

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l’âge de l’implantation sur le rythme d’acquisition (Miyamoto et al., 1999), d’autres font état d’une croissance plus rapide du vocabulaire réceptif après l’implantation mais qui s’estompe après quelques années d’utilisation de l’implant (Connor et al., 2000; Hayes et al., 2009) tandis que d’autres montrent même que ce sont les enfants ayant reçu l’implant plus tard qui réussissent mieux au PPVT (El-Hakim et al., 2001; Kirk et al., 2000). L’étude de Hayes et ses collègues (2009) révèle également que plus l’implantation se fait tôt, plus rapide est le rythme d’acquisition du vocabulaire, et ce, même en contrôlant l’effet de l’année d’implantation (pour tenir compte du changement des critères d’implantation avec les années). En fait, selon ces auteurs, les enfants oralistes implantés avant l’âge de 2 ans atteignent un niveau de vocabulaire réceptif comparable à celui de leurs pairs entendants et ce, après quelques années d’utilisation de l’implant cochléaire. L’influence de l’année d’implantation s’exprime par un meilleur vocabulaire des enfants implantés plus récemment par rapport à ceux qui ont été implantés auparavant. Les auteurs pensent que ce phénomène est lié au changement des critères d’implantation avec les années. En effet, les enfants implantés plus récemment avaient une surdité moins importante, donc un meilleur accès à la parole avant l’implantation, dû au changement des critères d’implantation avec les années (c.-à-d. des enfants ayant une surdité de moins en moins sévère sont implantés au cours des années plus récentes).

En ce qui concerne les enfants portant des prothèses auditives (amplification), la recension effectuée par Hayes, Geers, Treiman et Moog (2009) suggère que les enfants ayant une surdité profonde et qui bénéficient d’une amplification sont moins bons au PPVT que les enfants sourds profonds et porteurs d’un implant cochléaire. Par exemple, Tomblin, Spencer, Flock, Tyler et Gantz (1999) ont comparé un groupe de 29 enfants ayant reçu un implant cochléaire entre 2 et 13 ans (M = 4.76, ET = 1.57) avec un autre groupe de 29 enfants dont le degré de surdité était comparable mais ayant reçu des prothèses auditives externes. Ces auteurs ont observé que le groupe ayant reçu l’implant cochléaire performait significativement mieux au test Index of Productive Syntax (IPSyn) que les enfants avec les prothèses auditives externes, ce qui suggère que les enfants porteurs d’un implant cochléaire pourraient être moins à risque de présenter un répertoire lexical restreint que leurs pairs qui portent des prothèses auditives. Ils ont aussi observé que le nombre d’années d’expérience avec l’implant cochléaire était un meilleur déterminant de la progression langagière que l’âge chronologique de l’enfant.

Wake, Hughes, Poulakis, Collins et Richards (2004) ont observé une influence de la sévérité de la surdité sur la taille du vocabulaire réceptif. En examinant les résultats au PPVT-III de 86 enfants australiens ayant des niveaux de surdité variables (22% léger, 31 % modéré, 17% sévère et 29% profond), les auteurs ont constaté une aggravation des scores au PPVT-III en fonction de l’augmentation de la sévérité. En effet, plus la surdité était importante, moins bonne était la performance au PPVT-III. Cependant, 12 enfants sur les 86 étaient porteurs d’un implant cochléaire, et les auteurs n’ont pas rapporté les résultats au PPVT selon le type

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15 d’aide auditive. Sachant qu’à degré de surdité similaire, les enfants ayant un implant sont meilleurs aux tests langagiers que les enfants qui portent des prothèses auditives, il est plus difficile de tirer une conclusion claire de ces résultats. Dans un autre ordre d’idées, la moyenne des scores au PPVT des enfants ayant une surdité légère était de .8 écart-type en dessous de la moyenne normative. Cela montre que l’impact de la surdité, même si elle est de degré léger, se fait sentir sur l’étendue du vocabulaire réceptif. De plus, en tant que groupe, ces enfants âgés de 7 à 8 ans se situaient entre 1.3 à 1.7 écart-type en dessous de la moyenne de l’échantillon normatif, confirmant une fois de plus la présence d’un vocabulaire réceptif moins étendu chez les enfants sourds, comparativement à la population normative entendante.

Un autre élément contribuant aux retards langagiers observés chez les enfants oralistes provient de la difficulté de l’enfant à tout comprendre ce qui se passe autour de lui, diminuant alors les possibilités d’apprentissage incident. Ce type d’apprentissage est en fait le processus par lequel l’information est assimilée via une exposition passive à des événements vus ou entendus (Calderon & Greenberg, 2003). Cela se traduit concrètement par le fait que l’enfant oraliste ne peut « attraper » autant de bribes de conversations de son entourage que les enfants entendants sans qu’elles ne lui soient adressées directement (Mason & Mason, 2007). Également, la présence de radio, interphones, ou tout autre appareil transmettant de l’information verbale fournit aussi énormément d’information incidente à l’enfant entendant, et ce type d’informations n’est pas toujours accessible à l’enfant sourd. Par conséquent, un accès limité à l’information qui circule dans l’entourage de l’enfant peut contribuer à creuser le fossé langagier entre les enfants sourds et entendants. Ainsi, il est clair que la privation auditive et langagière encourue en présence de surdité est suffisante pour entraîner une difficulté langagière qui peut persister tout au long de la vie de l’enfant sourd.

Malgré les difficultés sur le plan du vocabulaire réceptif et expressif qui sont généralement constatées, il existe une grande variabilité interindividuelle des scores aux tests d’habiletés langagières chez les enfants sourds oralistes. En effet, selon Leigh (2008), la variabilité dans les résultats obtenus par les enfants implantés est reconnue universellement, et ce, tant dans la littérature que dans la pratique. Les enfants sourds constituent une population hétérogène, et elle le sera toujours. Selon cet auteur, la diversité chez les enfants sourds n’est pas simplement une question de degré de perte auditive ou de capacité auditive. Bien d’autres facteurs exercent leur influence, tels que l’environnement langagier et culturel, la présence d’handicaps additionnels, ou encore le choix du milieu éducationnel. Il faut donc être prudent au moment de tirer des conclusions sur l’effet modérateur de la capacité auditive et/ou de la sévérité de la surdité sur les performances langagières.

En somme, les études recensées montrent que les conséquences de la privation langagière précoce chez l’enfant sourd affectent ses compétences lexicales, tant au niveau réceptif qu’expressif. Cette privation

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langagière et ses effets pourraient par ailleurs avoir des répercussions sur les sphères socio-affectives et comportementales du développement. Les sections qui suivent décrivent ces difficultés chez les enfants sourds.

3.4 Incidence des troubles comportementaux et/ou affectifs chez

les enfants sourds

Sans trouver de consensus sur la prévalence exacte des problèmes comportementaux et affectifs chez les enfants sourds, plusieurs auteurs s’accordent sur le fait qu’elle est plus élevée chez les sourds que chez les entendants (Barker et al., 2009; Van Eldik et al., 2004; Vostanis, Hayes, Du Feu, & Warren, 1997). La revue de littérature de Schirmer (2001) fait état d’une prévalence des problèmes de comportement chez les enfants sourds qui varie entre 4.8% et 50.3%, selon l’échantillon étudié et le type de problèmes de comportement examiné. Jensema et Trybus (1975), lors d’un recensement national aux États-Unis, ont recueilli et analysé les informations démographiques de 43946 enfants sourds inscrits dans des écoles spécialisées à travers les États-Unis. Ils ont noté que 9.8 % des garçons sourds (2320 enfants) et 5.6 % des filles sourdes (1118 enfants) présentaient des problèmes émotionnels et/ou comportementaux, ce qui est légèrement plus élevé que ce qu’on retrouve dans la population générale. Greenberg et Kusché (1993) expliquent toutefois que ces chiffres peuvent être des sous-estimations : les professeurs auraient sous-évalué les problèmes de leurs élèves pour ne pas « étiqueter » leurs écoles ou leurs élèves pour un projet de recherche apparemment sans gain tangible.

Van Eldik, Treffers, Veerman et Verhust (2004) rapportent des résultats beaucoup plus alarmants. Ils ont évalué la prévalence de problèmes comportementaux et affectifs à l’aide du CBCL (Child Behavior Checklist) chez 238 élèves sourds sans handicap additionnel âgés de 4 à 18 ans, 175 utilisant une combinaison de signes et de voix et 63 étant uniquement oralistes. En utilisant les seuils cliniques recommandés par Achenbach (1991) pour déterminer la présence d’un trouble, ces auteurs ont constaté que les enfants sourds étaient significativement plus nombreux à répondre aux critères cliniques sur plusieurs sous-échelles du CBCL par rapport à l’échantillon normatif de Verhulst, Van der Ende et Koot (1997). Par exemple, 41 % des enfants sourds étaient au-dessus du seuil clinique sur l’échelle Total Problems, comparativement à 16 % de l’échantillon normatif, ce qui équivaut à une prévalence de problèmes affectifs, sociaux ou comportementaux 2.6 fois supérieure à la norme chez les enfants sourds. Ainsi, les enfants sourds étaient plus nombreux à éprouver des problèmes dans les différentes sous-échelles suivantes : problèmes internalisés, problèmes externalisés, problèmes sociaux, problèmes d’attention, retrait, anxiété/dépression, troubles de la pensée, délinquance, et agressivité. Les auteurs n’ont toutefois pas rapporté les résultats selon les modes de communication.

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17 En somme, même si les taux de prévalence de difficultés comportementales ou affectives chez les enfants sourds varient d’une étude à l’autre, les résultats indiquent une prévalence systématiquement plus élevée chez les enfants sourds que chez les enfants entendants. Or, peu d’études se sont intéressées aux causes possibles de ces prévalences plus élevées chez les enfants sourds.

3.5 Lien entre les difficultés comportementales et affectives et

une difficulté langagière chez l’enfant sourd

Les écrits scientifiques montrent que la présence de difficultés langagières chez les enfants entendants constitue un facteur de risque pour le développement de problèmes socio-affectifs (Baker & Cantwell, 1987; Cantwell & Baker, 1987b; Cohen, 2002; Dionne, 2005). Plusieurs études suggèrent que c’est la même chose pour les enfants sourds. En effet, les problèmes que rencontrent les enfants sourds pourraient être en partie dus à la présence et à l’ampleur de leurs difficultés langagières. Greenberg et Kusché (1993) ont évalué l’efficacité du projet PATHS (Promoting Alternative THinking Strategies) chez 53 enfants sourds âgés de 67 à 146 mois et intégrés en classe régulière (28 enfants dans le groupe intervention, 25 dans le groupe wait-list). Ce projet visait à obtenir un meilleur ajustement socio-émotionnel chez ces enfants en intervenant sur leurs capacités socio-cognitives. L’intervention consistait en 54 sessions consécutives en classe de 20 à 40 minutes chacune où l’enseignant partageait une histoire avec des personnages aux prises avec des émotions variées et animait ensuite une discussion sur l’histoire avec les élèves (pour une description plus détaillée du projet, voir Greenberg et Kusché, 1993). Selon les auteurs, l’application du projet PATHS a permis d’observer une amélioration significative des compétences sociales via une augmentation des scores donnés par les enseignants au MKSEAI (Meadow/Kendall Social-Emotional Assessment Inventory for Deaf and Hearing-Impaired Children) et une amélioration de la tolérance à la frustration (HRI : Health Resources Inventory). Comme l’intervention impliquait aussi une composante langagière, il est possible qu’une partie du gain sur le plan socio-affectif soit attribuable au gain sur le plan langagier, étant donné que les enfants ont pu apprendre des mots permettant de décrire les émotions. Les auteurs n’ont toutefois pas vérifié cette hypothèse.

Calderon et Naidu (1999) ont également trouvé des résultats qui vont dans le même sens dans une étude visant à évaluer les bénéfices à long terme d’un dépistage précoce de la surdité sur le langage et le comportement des enfants sourds. L’échantillon était composé de 28 enfants ayant une surdité modérément sévère à profonde inscrits au programme Early Childhood Home Instruction (ECHI). Les auteurs ont compilé les résultats des enfants à une panoplie de tests langagiers (SKI*HI Language Development Scale (LDS), Preschool Language Scale – 3 (PLS-3), Language Proficiency Profile (LPP)), et des tests évaluant leur développement socio-émotionnel, dont le Social Emotional Assessment Inventory-Preschool Version (SEAI) et

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le Child Behavior Checklist (CBCL) à la fin de leur participation au programme. En séparant les enfants en deux groupes selon l’âge d’entrée au programme, les auteures ont observé une tendance en faveur de ceux ayant été dépistés tôt (âge moyen : 9 mois) par rapport à ceux dépistés plus tard (âge moyen : 23.6 mois) sur les mesures langagières et comportementales. Plus précisément, les enfants dépistés plus tôt avaient de meilleurs résultats au LPP que les enfants dépistés plus tard (expressif : p < .016 et réceptif : et p < .002). Les enfants maintenaient un certain retard langagier (d’après les normes du LDS) à la sortie du programme ECHI, mais ceux qui étaient entrés tardivement présentaient une difficulté langagière plus importante. Aussi, les enfants dépistés tôt avaient tendance à avoir un meilleur profil comportemental à la fin de leur participation au programme.

Une autre étude, réalisée par Bat-Chava, Martin et Kosciw (2005), a démontré que les progrès langagiers des enfants sourds étaient associés à une amélioration comparable des habiletés sociales. Dans cette étude, le développement longitudinal des habiletés de communication et de socialisation était évalué à l’aide du Vineland Adaptative Behavior Scale (VABS) rempli par les parents chez 41 enfants sourds (ayant une surdité moyennement sévère à profonde) âgés de 7 à 13 ans qui utilisaient majoritairement le mode oral (85,3%). L’échelle Communication du VABS a été validée avec une évaluation langagière par des orthophonistes à l’aide du Receptive Expressive Emergent Language Test (REEL-2) et du PPVT-R chez 25 enfants de l’échantillon. Le VABS a été administré à deux reprises, avec un intervalle d’environ 7 ans entre les deux temps de mesure. Au temps 1, les enfants avaient 3.3 ans en moyenne et portaient tous des prothèses auditives. Au temps 2, ils avaient 10.7 ans en moyenne et 70.7% d’entre eux avaient reçu un implant cochléaire. Les scores standards moyens du VABS pour la sous-échelle Communication au temps 1 étaient de 73.17 pour les enfants implantés plus tard et de 83.50 pour les enfants avec des prothèses auditives ; au temps 2, les enfants implantés ont obtenu une moyenne de 100.48 et les enfants avec des prothèses auditives une moyenne de 102.00. Ces résultats montrent que les enfants sourds, malgré des difficultés dans la communication au début de l’étude, connaissent une amélioration des scores avec le temps, à un point tel qu’ils ont obtenu des scores dans la normale au temps 2, puisque la moyenne normative est de 100 avec un écart-type de 15. L’analyse des résultats au VABS a révélé que les corrélations entre les performances aux sous-échelles Communication et Socialisation variaient entre .41 (enfants implantés) et .81 (enfants avec prothèses auditives), corrélations qui sont comparables à celles retrouvées parmi la population normative d’enfants entendants. Cela montre donc que les habiletés de socialisation sont modérément à fortement associées aux capacités langagières chez les enfants sourds. De plus, Bat-Chava et collègues ont observé que les compétences de socialisation des enfants sourds montrent une amélioration comparable à l’amélioration sur le plan communicationnel avec le temps. Ils en concluent que les compétences sociales sont dépendantes des compétences communicationnelles chez les enfants sourds.

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19 Une étude récente (Barker et al., 2009) a tenté de clarifier la nature des liens entre les problèmes de comportement, de langage, d’attention soutenue et de communication parent-enfant chez les enfants sourds. Pour ce faire, ils ont comparé 116 enfants âgés de 1.5 ans à 5 ans éligibles pour une implantation cochléaire à 69 enfants ayant une audition normale sur différentes mesures. Les enfants qui avaient une surdité supérieure à 70 dB et qui respectaient les critères d’inclusion ainsi que les enfants ayant une audition normale ont passé une batterie de tests : langagiers (RDLS / Reynell Developmental Language Scales, CDI/MacArthur-Bates Communicative Development Inventories), complétés par les parents (CBCL/Child Behavior Checklist, Parenting Stress index), enregistrements vidéo d’interactions parent-enfant structurées ou non (évaluées à l’aide du Mother–Child Structured Interaction Qualitative Rating Scales et calcul du temps passé en

interaction), enregistrements vidéo de jeu solitaire avec une poupée (codifié à l’aide du Observer 5.0

Video-Pro). Les résultats ont appuyé leur première hypothèse comme quoi les enfants ayant une surdité

présenteraient plus de problèmes de comportement et plus de difficultés avec le langage oral, la communication parent-enfant et l’attention soutenue par rapport aux enfants entendants. Cependant, il faut noter que ces enfants étaient en attente d’une implantation cochléaire, et l’article ne précise pas s’ils portaient des prothèses auditives au moment des tests. En effet, la majorité des enfants sourds présentaient des compétences langagières expressives et réceptives bien en dessous de celles d’un enfant de 18 mois. Ces difficultés se sont traduites par moins de temps passé à partager une activité avec leur parent. De plus, les auteurs ont trouvé que les difficultés langagières expliquaient une partie de la prévalence plus grande de problèmes de comportement chez les enfants sourds. Après avoir contrôlé les effets directs et indirects du langage oral sur les problèmes de comportement, il n’y avait plus de différences entre les deux groupes d’enfants sur les mesures rapportées par les parents ni sur les mesures tirées des enregistrements vidéo. Ce résultat indique donc que les problèmes langagiers pourraient être en partie responsables des problèmes de comportement. Par contre, des études longitudinales sont requises pour confirmer la direction de ce lien et pour vérifier si ce lien se maintient plus tard dans la vie des enfants sourds.

Stevenson, Mc Cann, Watkin, Worsfold et Kennedy (2010) ont réexaminé les données recueillies auprès de la cohorte britannique de Kennedy, Mc Cann, Campbell, Law, Mullee et collègues (2006). Rappelons que les enfants nés dans huit districts dans le sud de l’Angleterre (où certains districts offraient le dépistage universel de la surdité à la naissance et d’autres non) et qui présentaient une surdité bilatérale supérieure à 40 dB dans la meilleure oreille, étaient éligibles à l’étude. Des 160 enfants éligibles qui ont été contactés, 120 ont accepté de participer (67 garçons et 53 filles âgés de 5.4 à 11.7 ans). Des données langagières avaient entre autres été recueillies auprès des enfants (TROG, BPVS, Bus Story) et un questionnaire de dépistage de problèmes socio-émotionnels et comportementaux (SDQ : Strengths and

Difficulties Questionnaire, Goodman, 1997) avait été distribué aux parents et enseignants. Les auteurs ont

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conduites, Hyperactivité et Problèmes avec les pairs, et ce, afin de former un score total agrégé. L’analyse de la régression a révélé que le score agrégé moyen au SDQ des enfants sourds était significativement plus élevé que celui de l’échantillon de comparaison (63 enfants entendants) (β = - .19, p < .02), et ce, sans révéler de différences significatives en fonction de la sévérité de la surdité. Ce résultat indique que les enfants sourds présentent plus de problèmes socio-émotionnels et comportementaux que les enfants entendants, sans égard à la sévérité de la surdité.

Ensuite, les auteurs ont voulu vérifier si l’effet de la perte auditive sur les problèmes socio-affectifs et comportementaux persistait une fois que l’influence des habiletés langagières était prise en compte dans une régression hiérarchique. Les scores agrégés des habiletés langagières réceptives et expressives se sont avérés être des prédicteurs significatifs du score agrégé au SDQ, et l’entrée du statut auditif (sourd vs. entendant) dans l’analyse n’a pas significativement amélioré la prédiction du score agrégé au SDQ. Ainsi, d’après les auteurs, cela suggère que les mesures langagières expliquent la même proportion de la variance au SDQ dans les deux échantillons. En séparant les enfants faibles sur le plan langagier (dernier quartile) des autres enfants, les auteurs ont produit une ANOVA 2x2, et l’analyse a montré que seuls les scores langagiers avaient une influence sur les scores au SDQ, contrairement au statut auditif et à son interaction avec les résultats langagiers. Par conséquent, l’effet de la surdité n’est plus significatif, et cela confirme l’influence significative du niveau de langage sur le score au SDQ.

Les auteurs ont ensuite examiné en détail la nature des problèmes rapportés dans le SDQ. Ainsi, en excluant les enfants uniquement gestuels (n’utilisant pas la voix), les enfants sourds présentent significativement plus de problèmes de conduites et d’hyperactivité et moins de comportements prosociaux que les enfants ayant une audition normale. À la lumière de ces analyses, les auteurs suggèrent que la présence plus élevée de problèmes de comportement chez les enfants sourds ne soit pas uniquement une réaction aux limitations liées à la surdité, car si c’était le cas, une accentuation des problèmes de comportement aurait été observée à mesure que la sévérité de la surdité s’accroît. Ainsi, quand les effets des habiletés langagières étaient contrôlés, les différences des scores au SDQ entre les enfants sourds et entendants disparaissaient sur le plan statistique.

La recension des écrits scientifiques n’a relevé qu’une seule étude effectuée auprès d’une population d’enfants québécois et qui examine leur profil langagier ainsi que leurs aptitudes de socialisation. Duchesne, Sutton et Bergeron (2009) ont administré une batterie de tests évaluant le langage expressif et réceptif, les capacités sociales, la compréhension de la parole et l’utilisation fonctionnelle de l’implant cochléaire à un groupe de 27 enfants sourds (entre 42 et 99 mois). Tous avaient reçu un implant cochléaire entre 8 et 28 mois (M = 21.66, ET = 5.47). Ils ont examiné les résultats au niveau du groupe et au niveau des individus. Au

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Table 1 : Characteristics of children from the hearing impaired sample.  Sex  Female  Male  11 11  Age (months)              Range              Mean (SD) in months  55-183  123.2 (39.6)  Hearing loss severity (all bilateral)
Table 3 : PPVT-R standardized mean scores as a function of hearing aid type and hearing impairment  severity
Table 5 : Regression models for the teacher-reported SBQ externalized aggregated score

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