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La nature des fonctions du trouble des conduites alimentaires et leur association avec la sévérité des symptômes et la motivation au traitement

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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MARIE-PIER CHENEL BEAULIEU

LA NATURE DES FONCTIONS DU TROUBLE DES

CONDUITES ALIMENTAIRES ET LEUR

ASSOCIATION AVEC LA SÉVÉRITÉ DES

SYMPTÔMES ET LA MOTIVATION AU

TRAITEMENT

Mémoire doctoral présenté

à la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l’Université Laval dans le cadre du programme de doctorat en psychologie

pour l’obtention du grade de Docteure en psychologie (D.Psy)

ÉCOLE DE PSYCHOLOGIE FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES

UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC

2012

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Résumé

Les troubles des conduites alimentaires (TCA) sont reconnus comme étant des désordres complexes causés par une multitude de facteurs. Toutefois, ils sont la plupart du temps évalués et traités selon les manifestations comportementales observables. Comme plusieurs difficultés liées au traitement de cette clientèle sont relevées et qu’une proportion considérable des personnes souffrant de TCA montre une chronicité de la pathologie ou une rémission partielle des symptômes, il importe d’élargir nos connaissances sur cette problématique. Certains auteurs soulignent l’importance de s’attarder à une vision plus subjective et individualisée de ces troubles afin de mieux comprendre le contexte dans lequel ils s’inscrivent. C’est dans ce contexte que le présent projet s’est intéressé aux fonctions auto-rapportées par les patientes souffrant de TCA, c’est-à-dire aux raisons pour lesquelles les personnes souffrant de ces troubles adoptent des attitudes et comportements alimentaires dysfonctionnels. Le premier objectif de l’étude visait à reproduire auprès de notre échantillon une classification de fonctions élaborée par Nordbø, Espeset, Gulliksen, Skårderud et Holte (2006), qui comprend les huit fonctions suivantes: sécurité, évitement, puissance, confiance, identité, prise en charge, communication et mort. Par la suite, l’étude s’est attardée au lien entre ces fonctions et le diagnostic (anorexie ou boulimie), la sévérité des symptômes alimentaires et cliniques (dépressifs et anxieux), la motivation au traitement et l’évolution des symptômes et de la motivation à travers le traitement. Pour ce faire, des questionnaires concernant les symptômes alimentaires (Eating Attitudes Test (EAT-26)), cliniques (Inventaire de Dépression de Beck (Beck Depression Inventory-II), Inventaire de l’anxiété de Beck (Beck AI)) et la motivation au traitement (Questionnaire sur la motivation au traitement) ont été administrés de façon hebdomadaire à 81 personnes souffrant d’un

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TCA (anorexie, boulimie ou TCA non-spécifié) et participant à un programme de jour. La question « Quelles sont les fonctions de mon trouble des conduites alimentaires que j’ai identifiées cette semaine (à quoi me sert-il)? » était également à répondre à chaque semaine.

La présente étude a permis d’une part, de valider la possibilité d’utiliser la classification proposée par Nordbø et ses collaborateurs (2006), et ce, auprès d’un échantillon à grand échelle et composé à la fois de personne souffrant d’anorexie et de boulimie. Un taux de fonction classifiable de 79,68% ainsi qu’un excellent accord inter-juge de 0.91 ont été répertoriés. Les résultats montrent des différences entre les groupes de fonction en lien avec le diagnostic, F (1,79) = 9,137, p = .003, la fonction évitement étant davantage endossée par les personnes souffrant de boulimie. Également, les groupes de fonction se distinguent quant aux symptômes dépressifs F (9,72) = 3.375, p = .005, le groupe mort tendant à présenter des symptômes plus sévères. Enfin, la motivation au traitement se présente également différemment selon les groupes de fonction, F (6,72) = 2.242, p = .049, le groupe sécurité montrant généralement moins de motivation envers le traitement que les autres groupes de fonctions. Cette étude a permis de mettre en évidence l’importance des fonctions psychologiques associées aux TCA et de soulever des différences entre ces fonctions quant au profil clinique, suggérant la possibilité d’utiliser celles-ci dans l’évaluation et le traitement de ces troubles.

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Avant-Propos

À la fin de cette ultime étape qui clôt mon cheminement académique, j’aimerais faire part de ma gratitude envers tous ceux qui ont été présent pour moi dans la réalisation de ce projet. C’est grâce à eux si aujourd’hui, je dépose fièrement ce mémoire doctoral et débute ma carrière en tant que professionnelle.

D’abord, je tiens à remercier toute l’équipe ayant participé de près ou de loin à réaliser avec moi ce mémoire. Au-delà de ce produit se cache toute une équipe de professionnels qui, par leur généreuse contribution, m’auront permis de vivre une expérience passionnante et enrichissante. Merci à Madame Catherine Bégin qui, en tant que directrice de thèse, a su me procurer un encadrement soutenu. Catherine, merci pour ta disponibilité, ta patience, ton ouverture, ton discernement, ta confiance. Ce fut un privilège de travailler à tes côtés et d’avoir la chance de profiter de ton savoir et de tes précieux conseils. Un merci tout particulier aussi à Madame Marie-Pierre Gagnon-Girouard, superviseure clinique et de recherche. Ton soutien, ton dévouement, ton implication infinie, furent essentiels pour moi dans la réussite de ma formation. À vous deux, merci d’avoir permis de faire de ce projet de recherche un travail de qualité, mais aussi de m’avoir supporté et guidé pendant tout le long de ce cheminement qu’est le doctorat en psychologie. Merci de m’avoir permis de voir plus juste dans ma compréhension clinique, ainsi que sur moi-même. Malgré les doutes et les moments de découragements, toujours vous m’avez poussé à dépasser mes limites. Milles fois merci.

Merci aussi à Monsieur Stéphane Sabourin, membre de mon comité de thèse, ainsi qu’à ma correctrice externe, madame Marie-Hélène Gagné, pour votre suivi rigoureux et vos judicieux conseils au cours des diverses étapes de ce projet. Également, je tiens à souligner l’implication de nos collaborateurs du PITCA, Madame Carole Ratté, Monsieur Olivier Pelletier et Madame Nathalie St-Jacques, pour avoir permis l’accès au programme de jour et d’avoir assuré le bon fonctionnement de la collecte de données auprès des participantes. Merci à Madame Hélène Paradis, pour avoir donné généreusement temps et énergie dans la tâche laborieuse, mais ô combien importante, que sont les analyses statistiques. J’en profite également pour remercier tous les bénévoles qui ont participé à ériger la banque de données. Enfin, merci aux participantes, à ces femmes souffrant de troubles des conduites

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alimentaires qui, comme moi, ont pour souhait de mieux comprendre et améliorer le traitement de cette problématique.

J’en profite pour souligner le soutien incommensurable de tous mes parents et amis, car cet aboutissement n’en serait rien sans leur présence. Merci à toutes les filles du laboratoire, Annie, Sarah, Katrine, Isabelle, Mélodie, Marilou, et particulièrement à Catherine qui fut ma fidèle compagne au travers de toutes les étapes du doctorat. Merci pour vos conseils et votre support en tant que collègues, mais comme amies aussi. Ce fut un plaisir de partager avec vous tous ces beaux moments ces dernières années.

Comment clore ma vie d’étudiante sans citer ma fidèle cohorte d’amies. Un merci spécial à Raquel, voisine de laboratoire, coéquipière, collègue, colocataire, amie, pour m’avoir inconditionnellement écouté, supporté, contenue et accueillie dans mes pires moments comme dans les meilleurs. Ta présence dans ma vie m’est précieuse. Un gros merci également à Léonie et Élizabeth, ainsi qu’a Pascale et Dominique avec qui j’ai partagé mon appartement pendant toutes ces belles années. Avec vous j’aurai vécu joie, tristesse, peine, colère. Grace à vos conseils, votre compréhension, votre soutien. Grâce aux moments de folie que vous m’avez permis de partager. Grâce à vous, les épreuves inhérentes aux études doctorales certes, mais aussi les épreuves de l’amour, de l’amitié, de la vie, furent sans contredit plus légères à traverser.

J’en profite pour remercier mes plus vieilles copines d’enfance. Malgré la distance et leur réalité bien différente de la mienne, votre amitié sincère et fidèle est sans égale.

Enfin, merci à mes parents, Bernard et Jacinthe. Depuis toujours vous avez cru et encouragé mes nombreux projets de vie, les plus fantaisistes soient-ils. C’est sans contredit votre confiance, votre amour, votre soutien moral infaillible, vos sacrifices, qui me permettent jour après jour de me dépasser et d’aspirer toujours à plus de la vie. Pour tout, merci.

À tous, de tout mon cœur, merci d’avoir contribué à cet accomplissement personnel.

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Table des matières

Résumé... i

Table des matières... v

Liste des tableaux... vii

Liste des figures ...viii

Introduction ...1

Chapitre 1 ...4

Description de la problématique ...4

1.1 Symptomatologie des TCA ...4

1.1.1 Anorexie ...5 1.1.2 Boulimie ...6 1.2 Prévalence et incidence ...7 1.3 Évolution et pronostic ...8 1.4 Conséquences...10 1.4.1. Conséquences physiques ...10 1.4.2. Conséquences psychologiques ...11 1.4.3 Conséquences économiques ...12 1.5 Facteurs de risque...12 1.5.1. Facteurs génétiques ...12

1.5.2 Facteurs environnementaux, familiaux et sociaux...13

1.5.3 Facteurs individuels ...14

1.6 Étiologie ...17

1.7 Traitement ...18

1.8 Fonctions auto-rapportées des TCA ...20

Chapitre 2 ...30 Objectifs de l’étude ...30 Chapitre 3 ...33 Méthodologie ...33 3.1 Participants ...33 3.2 Traitement ...33 3.3 Procédure...34 3.4 Mesures ...35

3.4.1 Eating Attitudes Test (EAT-26) ...35

3.4.2 Inventaire de Dépression de Beck (BDI-II) ...36

3.4.3 Inventaire de l’anxiété de Beck (BAI) ...36

3.4.4 Questionnaire sur la motivation au traitement ...37

3.5 Analyses statistiques ...38

Chapitre 4 ...40

Résultats ...40

4.1 Classification des fonctions ...40

4.2. Endossement des fonctions par les participantes ...42

4.2.1 Différences en fonction du diagnostic...43

4.3 Différences quant à la sévérité des symptômes, la motivation au traitement et leur évolution pendant le traitement...44

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4.4 Regroupement de fonctions ...45

Chapitre 5 ...47

Discussion ...47

5.1 Application de la classification de Nordbø et collaborateurs (2006)...47

5.2 Lien entre la classification et le type de diagnostic ...53

5.3 Liens entre la classification, la sévérité des symptômes, la motivation au traitement et leur évolution pendant le traitement ...55

5.4 Limites de l’étude ...56

5.5 Implications théoriques et pratiques de l’étude ...58

Conclusion ...66 Références ...69 Tableau 1...82 Tableau 2...84 Tableau 3...85 Tableau 4...86 Tableau 5...87 Tableau 6...88 Tableau 7...89 Figure 1 ...90 Annexe A ...91 Annexe B...93 Annexe C...96 Annexe D ...98 Annexe E...99 Annexe F ...103

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Liste des tableaux

Tableau 1 Fonctions auto-rapportées selon la classification de Nordbø, Espeset,

Gulliksen, Skårderud et Holte (2006)……….………. 82

Tableau 2 Moyennes et écarts-types pour chaque fonction dans l’échantillon total et selon leur diagnostic…….………...……… 84

Tableau 3 Fréquences en pourcentage des groupes de fonction identifiés par les

participantes de l’échantillon total et selon leur diagnostic………....……. 85

Tableau 4 Moyennes des symptômes alimentaires et cliniques, de la motivation au traitement et de leur évolution pour chaque groupe de fonction pour

l’échantillon total .………..……..86 Tableau 5 Coefficients de corrélation de Pearson entre les fonctions identifiées par les

participantes et la sévérité des symptômes alimentaires et cliniques, la motivation au traitement et leur évolution ………...87

Tableau 6 Coefficients de corrélation de Pearson entre les fonctions..………...88 Tableau 7 Les catégories de fonctions et leur score de saturation ..………...89

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Liste des figures

Figure 1 Fréquences en pourcentage des catégories de fonction selon le

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Introduction

Les troubles des conduites alimentaires (TCA), troubles généralement caractérisés par la quête incessante de la minceur et une préoccupation intense par rapport à celle-ci, touchent une certaine proportion de la population dans notre société occidentale actuelle où les pressions de minceur sont omniprésentes (Brusset, 1998; Bulik & al., 2009; Hoek & Hoeken, 2003; Hudson, Hiripi, Pope & Kessler, 2007). Ces troubles, qui suivent une évolution chronique dans une proportion importante de cas, s’accompagnent de multiples complications médicales, physiques et psychologiques et sont associés à des coûts sociaux importants (Agence de la santé publique du Canada, 2002; American Psychological Association (APA), 2000; Bulik & al., 2005; Hudson & al., 2007; Simon, Schmidt & Pilling, 2005). D’un point de vue thérapeutique, la clientèle présentant des TCA est particulièrement difficile à traiter (Campbell, 2009). Plusieurs patientes nient leur maladie et présentent peu de motivation à changer (Zerbe, 2007).

Dans ces circonstances, il est crucial de raffiner nos connaissances des TCA pour améliorer les traitements. Plusieurs auteurs stipulent qu’une meilleure compréhension de l’origine des TCA permettrait de développer des stratégies thérapeutiques plus efficaces (Costorphine, Waller, Ohanian & Baker, 2006; Deaver, Miltenberger, Smyth, Meidinger & Crosby, 2003; Lee & Miltenberger, 1997; McManus & Waller, 1995; Serpell, Treasure, Teasdale & Sullivan, 1999; Vitousek & Ewald, 1993). Jusqu’à maintenant, les TCA sont classés uniquement en fonction de l’absence ou de la présence des symptômes, ce qui correspond à une vision plutôt quantitative et objective de classification basée sur des critères déductifs fixes et observables. Conséquemment, les traitements sont pour la plupart

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conçus dans le but de traiter ces personnes en ce sens et visent surtout la diminution de ces symptômes. Toutefois, les taux de chronicité et de rechute restent relativement élevés, soit autour de 50% (Keel & Hersog, 2004; Keel & Mitchell, 1997). Certains auteurs stipulent que cette façon de catégoriser les troubles ne semble pas refléter la complexité de leur nature. En effet, les TCA sous-tendent certaines caractéristiques importantes, autres que leur symptomatologie clinique, auxquelles il est important de s’attarder. La dynamique interne du patient et les facteurs individuels susceptibles de contribuer au développement et au maintien des comportements problématiques en sont des exemples (Andersson & Ghaderi, 2006). D’ailleurs, au cours des dernières années, la recherche s’est intéressée à la vision subjective des patientes souffrant de TCA, investiguant la perception de ces dernières face à leur maladie (Abraham & Beumont, 1982; Nordbø, Espeset, Gulliksen, Skårderud & Holte, 2006; Serpell & al., 1999). Jusqu’à maintenant, quelques auteurs se sont attardés à catégoriser les fonctions de la maladie telles que rapportées par les personnes souffrant d’un TCA, c'est-à-dire les raisons sous-jacentes à la pratique de leurs comportements alimentaires problématiques (Nordbø & al., 2006; Serpell & al., 1999). Des fonctions telles la sécurité, le contrôle, la confiance, le sentiment de puissance, l’identité, l’accomplissement, l’évitement, la communication, l’apparence physique et l’autodestruction sont rapportées. Cependant, les études à ce sujet sont peu nombreuses. À notre connaissance, aucune ne s’est intéressée au lien entre ces fonctions et la sévérité des symptômes. Le présent mémoire doctoral s’attarde donc aux fonctions de la maladie telles qu’auto-rapportées par les patientes. L’objectif de cette étude est de répliquer une classification déjà établie de ces fonctions et de les rattacher indépendamment à la sévérité des symptômes alimentaires et cliniques, à la motivation au traitement, à leur évolution au

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cours du traitement et au type de diagnostic (anorexie ou boulimie). Dans ce contexte, le présent document offre une description de la problématique, en présentant tout d’abord un survol de la symptomatologie où les symptômes de l’anorexie, de la boulimie et des TCA non-spécifiés sont décrits. Par la suite, les données relatives à la prévalence et à l’incidence sont présentées ainsi qu’un portrait de l’évolution et du pronostic généralement observés de la pathologie. Le premier chapitre offre également un sommaire des multiples conséquences et des facteurs de risque liés aux TCA, ainsi qu’une section étiologie faisant part d’une explication multifactorielle du développement de ces troubles. Les traitements généralement proposés pour ce type de clientèle sont également abordés. La dernière partie de ce chapitre concerne les fonctions auto-rapportées, thème au cœur du présent projet de recherche. Celle-ci met en perspective l’importance de s’intéresser aux raisons sous-jacentes à l’adoption de ces comportements alimentaires pathologiques et décrit les études effectuées jusqu’à maintenant sur le sujet. Par la suite, les objectifs de l’étude, la méthodologie employée, les analyses effectuées et les résultats obtenus sont présentés. Enfin, le présent mémoire doctoral fait part d’une discussion où les résultats sont interprétés et documentés en lien avec la littérature sur le sujet.

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Chapitre 1

Description de la problématique

1.1 Symptomatologie des TCA

Les TCA sont des troubles d’ordre psychologique qui se caractérisent principalement par une importante perturbation des comportements alimentaires et une préoccupation excessive par rapport au poids et aux formes corporelles. À ce jour, deux types de TCA plus spécifiques sont répertoriés, soit l’anorexie mentale et la boulimie. Il existe cependant une autre catégorie, celle des TCA non spécifiés, qui regroupe la plus grande proportion (environ 60 %) de gens souffrants de TCA (Fairburn & Bohn, 2004). Toutefois, comme les critères associés aux TCA non-spécifiés n’atteignent pas le seuil pour établir un diagnostic clair d’anorexie ou de boulimie, les cliniciens se montrent souvent réticents à poser ce diagnostic et ce taux reste donc approximatif (Fairburn & Bohn, 2004) Les TCA non spécifiés font référence, par exemple, à des individus qui présentent tous les symptômes de l’anorexie sans toutefois souffrir d’aménorrhée ou encore des personnes qui, malgré une perte de poids significative, ne présentent pas un poids suffisamment inférieur à ce qui est attendu (en fonction de l’âge et la taille) pour répondre aux critères de l’anorexie. Un autre exemple fréquent est celui des individus qui présentent tous les critères diagnostiques de la boulimie, sans toutefois que les crises de boulimie n’atteignent la fréquence requise de deux fois par semaine pendant un minimum de trois mois. Malgré leur prévalence élevée, les TCA non spécifiés sont souvent perçus comme une catégorie « résidue », cette dernière étant trop souvent négligée dans les écrits scientifiques (APA, 2000; Fairburn & Bohn, 2004).

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1.1.1 Anorexie

L’anorexie mentale se caractérise par un mode général de restriction alimentaire et par une minceur extrême. En fait, le maintien d’un poids sous le seuil attendu pour l’âge et la taille est l’un des critères nécessaires au diagnostic de ce trouble. Pour évaluer celui-ci, l’indice de masse corporel (IMC : kg/m2) est utilisé et l’on considère le poids comme étant problématique lorsqu’il est inférieur à 85 % du poids normal attendu pour l’âge et la taille. Malgré un faible poids, les personnes souffrant d’anorexie demeurent obsédées par la prise de poids et/ou développent une peur intense de devenir grosses, d’où le maintien des comportements susceptibles de leur faire perdre du poids, tels le jeûne, la restriction sévère, l’exercice physique ou la prise de purgatifs, laxatifs et diurétiques. On constate également chez ces personnes une perception altérée de leur propre corps ou des formes de leur corps, duquel elles sont constamment insatisfaites. D’ailleurs, leur estime de soi est essentiellement basée sur leurs poids ou leurs formes corporelles. Plus elles sont minces, meilleure est leur estime. Finalement, pour recevoir le diagnostic d’anorexie, les femmes post-pubères doivent présenter de l’aménorrhée, c’est-à-dire une absence de menstruations pendant un minimum de trois cycles consécutifs. Il existe deux types d’anorexie. L’anorexie de type restrictif est associée à un mode de restriction alimentaire rigide, à la pratique du jeûne ou de l’exercice physique excessif. L’anorexie de type avec crise de boulimie/vomissements ou prise de purgatifs se caractérise, tant qu’à elle, par la présence de crises de boulimie (ces dernières seront décrites plus bas) et par le recours à des moyens compensatoires tels que les vomissements provoqués ou l’emploi de purgatifs (laxatifs, diurétiques, lavements) afin d’éviter la prise de poids. La restriction demeure toutefois au

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centre du portrait clinique en alternance avec les crises de boulimie (APA, 2000; Bulik & al., 2005).

1.1.2 Boulimie

La boulimie se définit par la présence de crises de boulimie accompagnées de moyens compensatoires. Les crises de boulimie comprennent la consommation d’une quantité de nourriture beaucoup plus grande que ce qu’une personne mangerait habituellement dans une même période de temps (généralement de courte durée, c’est-à-dire de moins de deux heures) et dans les mêmes circonstances accompagnées d’un sentiment de perte de contrôle sur les aliments consommés. Pour poser un diagnostic de boulimie, ces crises doivent survenir au moins deux fois par semaine pendant un minimum de trois mois (APA, 2000). Plusieurs précipitants aux crises de boulimie sont répertoriés. Les plus cités sont une humeur dysphorique, des émotions négatives telles que l’anxiété, la colère, l’ennui et l’irritabilité, des problèmes d’ordres interpersonnels, des pensées associées au poids, à l’apparence physique ou à la nourriture et enfin, la sensation de faim intense provoquée par une période de restriction alimentaire (APA, 2000; Deaver & al., 2003; Stickney & Miltenberger, 1998). Pour éviter la prise de poids suite à ces crises, des comportements compensatoires sont pratiqués, comme les vomissements provoqués, la prise de laxatifs et de diurétiques, les lavements, le jeûne ou l’exercice physique excessif. Également, bien que ces personnes présentent généralement un poids normal, elles demeurent très préoccupées par leur poids et la forme de leurs corps et c’est d’ailleurs sur ces indicateurs que repose leur estime personnelle (APA, 2000; Gabbard, 2000). Il existe deux types de boulimie, soit avec ou sans vomissements ou prise de purgatifs (APA, 2000).

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Le premier fait référence au fait de recourir à des comportements compensatoires tels que les vomissements provoqués ou l’emploi de laxatifs, diurétiques ou lavements pour pallier aux épisodes de compulsion alimentaire tandis que le deuxième fait référence au jeûne ou à la pratique excessive d’exercices physiques pour compenser aux épisodes de compulsion.

Il est aussi important de distinguer la boulimie de l’anorexie mentale avec crise de boulimie/vomissements ou prise de purgatifs. Dans ce cas, le poids est le critère le plus important permettant de distinguer ces deux troubles, car, comparativement à la boulimie, l’anorexie se caractérise par un IMC sous la normale (APA, 2000).

1.2 Prévalence et incidence

La prévalence actuelle des TCA dans la population normale, incluant l’anorexie, la boulimie et les TCA non spécifiés, est autour de 10 % selon Klein et Walsh (2003). En ce qui a trait à l’anorexie, les études s’entendent généralement pour dire que le taux de prévalence chez les jeunes femmes varie entre 0 et 1,5 %. (APA, 2000; Hoek & Hoeken, 2003; Hudson & al., 2007; Simon & al., 2005; Striegel-Moore, Franko & Ach, 2006). Pour ce qui est de la prévalence à vie, elle se situerait entre 0,5 % et 0,9 % au sein de la population féminine (APA, 2000; Hudson & al., 2007). Toutefois, une grande proportion de la population présenterait une symptomatologie sous le seuil clinique et ne serait pas incluse dans ce taux (APA, 2000). Selon Hoek et Hoeken (2003), l’incidence de l’anorexie, c’est-à-dire le nombre de nouveaux cas apparaissant par année, se trouve présentement à 8 cas pour 100 000 personnes.

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Selon certaines études, le taux de prévalence ainsi que le taux de prévalence à vie de la boulimie chez les femmes adolescentes et jeunes adultes varieraient entre 1 % à 3 % (APA, 2000; Hoek & Hoeken, 2003; Hudson & al., 2007; Simon & al., 2005; Striegel-Moore & al., 2006). L’incidence serait de 12 cas pour une population de 100 000 personnes par an (Hoek & Hoeken, 2003). Selon Hudson et ses collaborateurs (2007), il semble que les cas de boulimie aient augmenté au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, la prévalence à vie étant significativement moins élevée dans une cohorte à l’étude née avant 1944.

Pour ce qui est des TCA non spécifiés, la prévalence varie selon les auteurs entre 2,37 % et 5 % lors d’études effectuées auprès de jeunes femmes et d’adolescentes (Kjelsås, Bjørnstrøm & Götestam, 2003; Machado, Machado, Gonçalves & Hoek, 2007; Rodríguez-Cano, Beato-Fernández & Belmonte-Llario, 2005) et la prévalence à vie serait de 5,3 % (Wade, Bergin, Tiggemann, Bulik & Fairmburn, 2006).

La plupart des études effectuées à ce jour s’entendent pour dire que la clientèle masculine souffrant de TCA compte pour environ 10 % de la population touchée (APA, 2000; Striegel-Moore & al., 2006; Simon & al., 2005; Hoek, & Hoeken, 2003). C’est pourquoi le présent mémoire doctoral s’intéressera plus spécifiquement à la clientèle féminine.

1.3 Évolution et pronostic

Pour ce qui est de l’évolution de la maladie, l’anorexie débute généralement à l’adolescence, entre 14 et 18 ans, mais rarement après l’âge de 40 ans (APA, 2000). L’âge

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moyen d’apparition des symptômes serait de 18,9 ans (Hudson & al., 2007). Toutefois, d’autres études suggèrent un âge d’apparition moyen plus précoce, soit entre 14 et 16 ans (Clausen, 2004; Wentz, Gillberg, Anckarsäter, Gillberg & Råstam, 2009). Le pronostic varie d’un individu à l’autre, pouvant passer d’un épisode isolé à la chronicité de la pathologie, avec rémission et/ou rechute. On constate dans un nombre élevé de cas (de 8 à 62 % selon les études) un changement dans le diagnostic alimentaire passant de l’anorexie vers la boulimie, le plus souvent pendant les cinq premières années de la maladie. Ceci pourrait s’expliquer par l’état de privation induit par la restriction alimentaire. En effet, il semble que la restriction alimentaire générerait une forme d’obsession envers la nourriture, ce qui augmenterait les risques de perte de contrôle et conséquemment, l’absorption d’aliments interdits en grande quantité, d’où l’apparition des crises de boulimie (APA 2000; Bulik & al., 2005). Pour ce qui est du taux de rémission de l’anorexie, il est évalué à 46 %, alors que 34 % des patientes anorexiques connaîtraient une amélioration des symptômes et 20 % vivraient un parcours chronique de la maladie (Keel & Hersog, 2004). La population anorexique connait un taux de mortalité particulièrement élevé, soit d’environ 5 % (Millar & al., 2005; Signorini & al., 2006; Sullivan, 1995). En fait, ex aequo avec les abus de substances, il s’agirait du plus haut taux de mortalité des troubles psychiatriques et il serait 12 fois plus élevé qu’au sein de la population générale (Bulik & al., 2005; Simon & al., 2005; Striegel-Moore & Bulik, 2007).

Quant à la boulimie, ce trouble débute également dans la plupart des cas vers la fin de l’adolescence ou au début de l’âge adulte (APA, 2000), soit à 19,7 ans en moyenne selon Hudson et al. (2007). Encore une fois, d’autres études tendent à démontrer un âge moyen différent, soit de 15,4 ans selon Clausen (2004). Comme l’anorexie, l’évolution de la

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maladie varie d’une personne à l’autre, se caractérisant par des épisodes intermittents ou par la chronicité des comportements. Il n’en demeure pas moins que la maladie tend à se prolonger pendant plusieurs années dans un grand nombre de cas (APA, 2000). En fait, alors que 50 % des personnes boulimiques vivraient une rémission complète sans rechute, 30 % démontreraient toujours des symptômes partiels et 20 % continueraient de présenter une symptomatologie complète à long terme (Keel & Mitchell, 1997).

1.4 Conséquences

1.4.1. Conséquences physiques

Les moyens parfois drastiques utilisés pour contrôler ou perdre du poids engendrent plusieurs conséquences médicales. Outre la maigreur parfois extrême, la sous-alimentation peut entraîner diverses complications comme de l’aménorrhée, de la constipation, des douleurs abdominales, une frilosité, une léthargie ou à l’inverse une énergie excessive, en plus d’affecter la plupart des organes. Certaines personnes peuvent présenter de l’hypotension, de l’hypothermie, une sécheresse cutanée, du lanugo, une bradycardie, un œdème périphérique et une diathèse hémorragique. Pour celles qui pratiquent les vomissements provoqués, on dénote l’érosion de l’émail dentaire, l’augmentation de caries dentaires, l’augmentation du volume des glandes salivaires, des callosités sur la surface des mains ainsi que des complications au niveau de plusieurs organes internes. Celles qui utilisent en plus des laxatifs, des diurétiques ou qui ont recours aux lavements peuvent souffrir d’anomalies hydro-électrolytes, d’anémie, d’insuffisance rénale, de problèmes cardio-vasculaires, de troubles dentaires et d’ostéoporose. Il arrive plus rarement des cas de

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déchirures œsophagiennes, de ruptures gastriques et d’arythmies cardiaques. L’utilisation de laxatifs peut entraîner des complications telles qu’une acidose métabolique et une dépendance pour stimuler la motilité intestinale (APA, 2000).

1.4.2. Conséquences psychologiques

En ce qui a trait aux symptômes psychologiques, bien que la plupart se manifestent suite à l’adoption des comportements alimentaires pathologiques, il est important de spécifier que ceux-ci sont parfois présents avant l’apparition du trouble également. Il est alors difficile de départager spécifiquement les facteurs étiologiques des conséquences (Jacobi, Moris & Zwaan, 2004). Toutefois, les auteurs s’entendent pour dire que les personnes souffrant de TCA sont susceptibles de développer, suite à la maladie, des symptômes dépressifs, des symptômes anxieux, telle que la présence d’obsession-compulsion, et des troubles liés à l’utilisation de substances (Hudson & al., 2007; Simon & al., 2005). D’ailleurs, l’étude de Keys et al. (1950) démontre bien les effets psychologiques de la restriction. Après avoir soumis 22 personnes à une diète restrictive de 1 570 calories par jour pendant six mois (représentant les conditions de famine en Europe à ce moment), les chercheurs ont observé l’apparition de rituels comportementaux, des changements au niveau de l’humeur et dans les habiletés intellectuelles. L’apparition de symptômes dépressifs (le plus souvent une humeur dépressive, un retrait social, de l’irritabilité, une diminution de l’intérêt pour la sexualité et de la fatigue), et anxieux tels que des traits obsessionnels-compulsifs envers la nourriture, de la difficulté à manger en public et un déficit au niveau de l’expression émotionnelle sont observés (APA, 2000; Bulik & al., 2005). Comme conséquences cognitives, la dénutrition entraîne entre autres des difficultés

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de concentration, une plus grande distractibilité et une tendance à garder un focus cognitif centré sur l’alimentation et le poids (Polivy, 1996).

1.4.3 Conséquences économiques

Les personnes souffrant de TCA sont de grands consommateurs de soins de santé et de services sociaux, ce qui représente des coûts médicaux et sociaux importants (Bulik & al., 2005; Simon & al., 2005). En fait, depuis 1987, on remarque une hausse considérable du taux d’hospitalisation chez cette population, notamment une augmentation de 34 % chez les jeunes filles de moins de 15 ans et de 29 % chez les jeunes femmes de 15 à 24 ans (Agence de la santé publique du Canada, 2002). Un coût moyen de 17 384 $ est nécessaire pour l’hospitalisation d’une patiente anorexique et de 9 088 $ pour une patiente boulimique. Il en coûterait 2 344 $ pour le traitement à l’externe d’une patiente anorexique et 1 882 $ pour le traitement d’une patiente boulimique (Agras, 2001).

1.5 Facteurs de risque

Plusieurs facteurs sont reconnus comme étant des causes directes et indirectes au développement d’un TCA. La littérature relève la présence de caractéristiques génétiques, environnementales et individuelles communes chez les personnes atteintes de TCA et ce, avant même l’apparition des symptômes de la maladie.

1.5.1. Facteurs génétiques

Des études portant sur les jumeaux se sont spécifiquement attardées aux facteurs génétiques, isolant ceux-ci des facteurs environnementaux. Selon ces études, les chances de

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développer un TCA sont plus élevées lorsqu’un membre de la famille en souffre également. En fait, l’héritabilité serait de l’ordre d’environ 56 % à 76 % pour les patientes anorexiques et de 50 % à 83 % pour les patientes boulimiques (Agence de la santé publique du Canada, 2002; Mitchell & Bulik, 2006; Striegel-Moore & Bulik, 2007). Certains auteurs suggèrent l’existence de combinaisons de certains gènes qui auraient une incidence dans l’apparition de ces troubles. À cet effet, des gènes influençant l’humeur et l’appétit, notamment dans les systèmes sérotoninergique et dopaminergique, apparaîtraient comme centraux dans l’étiologie des TCA (Striegel-Moore & Bulik, 2007).

1.5.2 Facteurs environnementaux, familiaux et sociaux

Il existe aussi des facteurs de risques environnementaux, familiaux et sociaux prédisposant aux TCA. Certains auteurs énumèrent des conditions prénatales et périnatales susceptibles de mettre à risque l’enfant, comme le fait d’avoir un faible poids à la naissance, d’être né prématurément (contribuerait à 3,6 % des risques) ou d’avoir une mère elle-même souffrant de TCA (Bulik & al., 2005; Palmer, 2008). En fait, des comportements de la mère pendant la grossesse et les premiers temps de vie du nourrisson pourraient mettre à risque ce dernier, tels qu’une nutrition inadéquate pendant la grossesse, la difficulté à nourrir l’enfant au sein et des heures de repas inconvenantes (Bulik & al., 2005).

D’autres facteurs provenant de l’environnement sont susceptibles de faciliter le développement d’un TCA chez un enfant. Par exemple, le fait d’être issu d’un milieu qui valorise l’apparence ou qui favorise des attitudes dysfonctionnelles par rapport à l’alimentation et au poids ainsi que le fait d’avoir subi des insultes relatives au corps sont

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toutes des situations à risque de contribuer à l’apparition d’un TCA (Agence de la santé publique du Canada, 2002). On dénote également des expériences d’abus, d’adversité et des traumatismes affectant la perception corporelle (Agence de la santé publique du Canada, 2002; Palmer, 2008) Des relations parents-enfants caractérisées par la surprotection, ou à l’inverse par le manque d’affection et de soins, les critiques, le désengagement ou la présence d’attentes trop élevées semblent aussi être des éléments prédisposants à ce trouble (Jacobi & al., 2004).

On remarque aussi une prévalence plus élevée chez certains types de population, spécialement chez les femmes adolescentes ou jeunes adultes de race blanche (APA 2000; Hudson & al., 2007; Mitchell & Bulik, 2006 ;Striegel-Moore & Bulik, 2007). Les hommes homosexuels et les athlètes féminines seraient aussi des populations particulièrement à risque (Striegel-Moore & Bulik, 2007). Les pays industrialisés au sein desquels l’idéal de la minceur comme critère de beauté et de compétence est valorisé et où la nourriture existe en abondance sont des milieux propices au développement de TCA (APA, 2000; Mitchell & Bulik, 2006; Simon & al.,2005; Striegel-Moore & Bulik, 2007).

1.5.3 Facteurs individuels

Certains facteurs propres à l’histoire de l’individu sont répertoriés comme facteurs de risque au développement d’un TCA, tel que des problèmes alimentaires pendant l’enfance ou un poids élevé (obésité) (Bulik & al., 2005; Striegel-Moore & Bulik, 2007). Un autre élément susceptible de déclencher un TCA est l’apparition précoce de la puberté (Jacobi & al., 2004). L’augmentation de la masse corporelle jumelée aux valeurs sociétales prônant la minceur sont alors à l’origine d’inquiétudes quant au poids et aux formes

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corporelles. Ces jeunes filles se retrouvent en effet soudainement confrontées à un corps de femme qui diffère visiblement de celui des autres jeunes filles de leur âge et qui ne convient plus aux modèles sociaux valorisés (Gowers & Shore, 2001). L’insatisfaction corporelle augmente alors et le risque d’avoir recours à des méthodes inappropriées pour perdre du poids afin de retrouver leur corps de jeune fille est plus élevé.

Selon certaines études prospectives ou longitudinales, il existe également certains facteurs psychologiques qui semblent être des prédicteurs de comportements alimentaires problématiques. On dénote, entre autres, une faible estime de soi, une insatisfaction face à son image corporelle, un sentiment d’inefficacité, une rigidité cognitive et une tendance à se méfier des autres (Agence de la santé publique du Canada, 2002; Brusset, 1998; Bulik & al., 2005; Mitchell & Bulik, 2006; Palmer, 2008). Gabbard (2000) explique que ces facteurs occasionneraient un besoin de contrôle chez ces personnes qui trouveraient leur exutoire dans les comportements alimentaires. Le contrôle sur son corps et sur la nourriture permettrait de pallier artificiellement au sentiment d’inefficacité, le contrôle interne se voulant comme une tentative de contrôle sur le monde externe (Chassler, 1994; Gabbard, 2000; Vitousek & Ewald, 1993). L’autodiscipline de son corps et la perte de poids permettraient d’acquérir un certain sentiment d’efficacité, d’invulnérabilité, d’accomplissement et même de supériorité. Gabbard (2000) ajoute que l’entretien de fausses perceptions face à sa propre image corporelle, le recours au clivage, à la pensée magique et à des rituels obsessionnels-compulsifs seraient aussi reliés au développement des TCA.

À un niveau davantage psychopathologique, le fait de présenter un autre trouble d’ordre psychiatrique est en soi un facteur de risque (Palmer, 2008). Des auteurs (Agence

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de la santé publique du Canada, 2002; Bulik & al., 2005; Gabbard, 2000; Palmer, 2008; Striegel-Moore & Bulik, 2007) stipulent que des traits de personnalité perfectionnistes, obsessifs, impulsifs et anxieux sont davantage associés au développement des TCA. En fait, Cassin et Ranson (2005) font ressortir d’une méta-analyse des taux de prévalence des troubles de personnalité de 0 à 58 %, dépendamment des études considérées, dans des échantillons de personnes souffrant de TCA. Le plus souvent, on retrouve des troubles de personnalité obsessionnelle-compulsive pour les personnes présentant un profil davantage de restriction alimentaire et des troubles de personnalité limite pour les personnes pratiquant des habitudes alimentaires plutôt d’ordre boulimique (APA, 2000; Gabbard, 2000). Également, avant même l’expression de leur trouble, ces personnes auraient tendance à présenter une perturbation de l’humeur ainsi que des symptômes anxieux et des traits obsessionnels-compulsifs. En fait, la présence de troubles anxieux chez les personnes aux prises avec des TCA serait particulièrement importante (Kaye, Bulik, Thorton, Barbarich & Master, 2004). Les résultats de l’étude démontrent qu’environ les deux tiers de cette population auraient souffert au cours de leur vie d’un trouble anxieux, le plus souvent un trouble obsessionnel-compulsif (41 %) ou une phobie sociale (20 %). Dans un autre ordre d’idées, McManus et Waller (1995) ajoutent que la dissociation serait un facteur prédisposant aux périodes de compulsion alimentaire. En fait, les individus qui ont tendance à se couper de leurs émotions douloureuses tendent à s’engager aussi dans des comportements impulsifs, comme les crises alimentaires.

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1.6 Étiologie

En parallèle à la littérature empirique sur les facteurs de risque, plusieurs auteurs ont réfléchi d’un point de vue plus théorique à l’articulation de ces facteurs étiologiques pour en faire une compréhension plus intégrée. Certains modèles multifactoriels ont été conçus pour expliquer le développement et le maintien des TCA (Aimé & Bégin, 2007; Garner, 1993; Garner & Gerborg, 2004). Selon ceux-ci, ce serait l’interaction de plusieurs facteurs prédisposants et d’expériences développementales qui seraient en cause dans le développement des TCA. Comme énuméré précédemment, ces auteurs soulèvent la présence de facteurs génétiques, socioculturels et environnementaux (modèles culturels axés sur la minceur, événements de vie stressants, occupation, influence des pairs, etc.), familiaux (conflits, emphase sur le poids, milieu critique, faible cohésion, surprotection, etc.) et individuels (difficulté dans le développement de l’identité, faible estime de soi, puberté, traits de personnalité, psychopathologie, etc.). Ces éléments à l’origine d’insatisfaction quant à l’image corporelle, de sentiment d’inefficacité et de besoin de contrôle, mèneraient vers l’adoption de diètes et enfin au développement de troubles des conduites alimentaires. Les conséquences (dénutrition, problèmes interpersonnels, isolement) et les gains secondaires engendrés par ces habitudes alimentaires malsaines contribueraient au maintien du trouble. En effet, les changements physiques et les symptômes associés aux troubles permettraient entre autres d’avoir l’attention des proches, de maintenir la relation de dépendance avec la famille, de procurer un sentiment de performance, de supériorité, de contrôle, de diminuer les attentes d’autrui, d’apaiser les émotions difficiles ou d’éviter les conflits, l’intimité et la sexualité (Aimé & Bégin, 2007; Garner, 1993; Garner & Gerborg, 2004)

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1.7 Traitement

Le développement des TCA résulte donc d’un ensemble de facteurs issus du vécu individuel de la personne. Bien que la littérature démontre l’importance de tenir compte de ces facteurs, les traitements proposés pour ces troubles restent pour la plupart axés sur le traitement des symptômes alimentaires (Fairburn, Cooper & Shafran, 2008; National Collaborating Centre for Mental Health (NCCMH), 2004; Wilson, Grilo & Vitousek, 2007). Également, les critères du DSM-IV (APA, 2000) pour établir un diagnostic de TCA reposent sur des comportements observables et mesurables et prêtent conséquemment peu d’attention au contexte dans lequel ces troubles surviennent (Andersson et Ghaderi, 2006; APA, 2000). Comme ces troubles sont considérés comme une perturbation du comportement alimentaire et de la perception de l’image corporelle, l’évaluation et le traitement sont généralement orientés en ce sens (Fairburn, Cooper & Shafran, 2008; National Collaborating Centre for Mental Health (NCCMH), 2004; Wilson, Grilo & Vitousek, 2007). C’est dans cet ordre d’idée que les traitements visent principalement la réduction des symptômes physiques (par exemple la reprise de poids pour les personnes souffrant d’anorexie et la diminution des crises alimentaires et des vomissements provoqués pour celles montrant des symptômes se rapportant davantage à la boulimie) et cognitifs (modification des distorsions cognitives, pensées automatiques et croyances fondamentales et attitude dysfonctionnelle par rapport au poids et à la forme corporelle) par le biais de stratégies impliquant, entre autres, la psychoéducation, l’exposition, la restructuration cognitive, l’établissement d’un régime alimentaire sain et équilibré, le contrat thérapeutique, les devoirs ou l’élaboration d’un journal alimentaire. Des stratégies de gestion émotionnelle et de résolution de problèmes sont généralement intégrées au

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traitement également. La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) s’avère le traitement de choix pour cette clientèle. Ce dernier, d’une durée d’environ une vingtaine de sessions à fréquence d’une fois par semaine, est généralement structuré de façon standardisée (Fairburn, Cooper & Shafran, 2008; Petrucelli, 2004; Wilson, Fairburn, Agras, Wilson, Grilo & Vitousek, 2007; Walsh & Kraemer, 2002).

Jusqu’à maintenant, plusieurs études confirment l’efficacité de la TCC, surtout en lien avec la clientèle souffrant de boulimie (Fairburn & Harrison, 2003; NCCMH, 2004; Roth & Fonagy, 2005; Wilson, Grilo & Vitousek, 2007). Cette forme de traitement permettrait l’arrêt des crises de boulimie dans 30% à 50% des cas et faciliterait l’adoption de meilleures habitudes alimentaires, moins restrictives et plus équilibrées (Agras, Walsh, Fairburn, Wilson, & Kraemer, 2000; Wilson, Fairburn, Agras, Walsh & Kraemer, 2002). Toutefois, les études en lien avec l’efficacité des traitements pour les personnes souffrant d’anorexie semblent moins concluantes. Selon le NCCMH (2004), les études ne montrent que des résultats modestes quant à l’efficacité des traitements utilisés avec cette clientèle et aucun ne semble être à prioriser. Pourtant, la plupart des traitements continuent à investir les sphères comportementale et alimentaire comme principales cibles thérapeutiques (Fairburn & Harrisson, 2003; Wilson, Grilo & Vitousek, 2007). Également, bien que ces stratégies cognitives-comportementales semblent efficaces pour une partie de la clientèle atteinte de TCA, il n’en reste pas moins qu’une part importante de cette population connaît un pronostic plutôt défavorable ainsi qu’une chronicité élevée de leurs comportements alimentaires pathologiques. Comme mentionné précédemment, environ 30 % des patientes présenteraient toujours une symptomatologie partielle suite au traitement tandis que 20 % connaîtraient un parcours chronique de la maladie (Keel & Hersog, 2004; Keel & Mitchell,

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1997). De plus, cette clientèle se montrerait particulièrement réticente face au traitement et un nombre considérable de patientes abandonneraient le suivi thérapeutique, le taux d’attrition atteignant 20 % à 50 % selon les études (Mahon, 2000; Waller & al., 2009). Malgré les nombreuses conséquences négatives de la maladie, plusieurs patientes nient la gravité de leurs symptômes (Vitousek, Watson & Wilson, 1998; Agras et al, 2004) ou critiqueraient les traitements qui leur sont proposés. Elles percevraient ces derniers comme mettant trop l’emphase sur leur maladie et se sentiraient oubliées comme personne, rendant conséquemment l’alliance thérapeutique difficile à développer (Brinch & Isager & Tolstrup 1988; Vitousek, Watson & Wilson, 1998; Agras et al, 2004). Dans ce contexte, plusieurs auteurs soulignent l’importance de mettre de l’avant des stratégies pour augmenter la motivation de cette clientèle face au traitement (Campbell, 2009; Nordbø & al., 2006; Serpell & al., 1999; Vitousek, Watson & Wilson, 1998; Zerbe, 2007). Selon eux, il est crucial de développer une meilleure compréhension de l’expérience personnelle de la patiente en explorant davantage les avantages et les désavantages de la maladie ainsi que le sens et la valeur attribués à celle-ci. Il serait ainsi possible de diminuer les résistances envers le traitement et d’améliorer la motivation, l’adhérence et l’engagement envers celui-ci (Higbed & Fox, 2010; Vitousek, Watson& Wilson, 1998).

1.8 Fonctions auto-rapportées des TCA

À la lumière des connaissances actuelles, il semble important de développer une meilleure compréhension des multiples facteurs de développement et de connaître l’histoire de la personne pour mieux comprendre les enjeux sous-tendant l’adoption de ces

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comportements alimentaires pathologiques et améliorer nos stratégies de traitement. La perception des patientes face à leur trouble semble donc importante à considérer afin d’en connaître davantage sur les motivations qui sous-tendent l’adoption de tels comportements. En fait, les fonctions que les patientes attribueraient à la présence de leur maladie seraient d’importants indicateurs du maintien des comportements alimentaires problématiques (Costorphine & al., 2006; Deaver & al., 2003; Jarry, 1998; Serpell & al., 1999; Lee & Miltenberger, 1997; McManus & Waller, 1995; Vitousek & Ewald, 1993). Elles joueraient parfois un rôle de renforçateur négatif, c’est-à-dire que le trouble permettrait à la personne d’éviter de faire face à un stimulus aversif (Deaver & al., 2003). Par exemple, les comportements pathologiques peuvent servir à éviter de ressentir certaines émotions négatives en transférant le focus attentionnel vers quelque chose de moins menaçant (Heatherton & Baumeister, 1991). Elles peuvent également jouer un rôle de renforçateur positif, où la personne tire un avantage de ses comportements, par exemple en se faisant valoriser pour le contrôle de soi qu’elle exerce ou complimenter pour sa silhouette. Bref, connaître la fonction associée au trouble aide à mieux comprendre ce que la personne évite ou recherche et de mieux cibler les résistances au changement (Vitousek & Ewald, 1993). Cette façon personnalisée de comprendre la présence du TCA permettrait de mieux documenter la contribution de la patiente dans son trouble et d’orienter nos interventions et objectifs de traitement en ce sens (McManus & Waller, 1995). Cette approche permet également à la patiente de se sentir comprise, de donner un sens au processus thérapeutique et de développer l’alliance thérapeutique essentielle pour assurer la motivation et l’adhérence au traitement (Fox, Larkin Leung, 2010; Nordbø & al., 2006).

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À ce jour, quelques auteurs se sont intéressés aux fonctions rapportées par les patientes quant à leur TCA. Ceux-ci se sont attardés à la signification associée à la présence du trouble et aux raisons pour lesquelles les patientes adoptent ces comportements alimentaires. Bref, ils ont considéré la perception et l’expérience subjective de la personne envers sa maladie. Ces études ont permis d’élaborer des classifications de ces fonctions, qui seront décrites plus en détail. D’abord, l’étude de Serpell et al. (1999) avait pour but d’examiner les attitudes des personnes anorexiques envers leur TCA pour dégager les aspects positifs et négatifs de la maladie selon l’expérience subjective des patientes. Pour ce faire, 18 patientes anorexiques d’une unité spécialisée dans le traitement des troubles alimentaires ont été recrutées. Après quelques sessions thérapeutiques, ces dernières devaient décrire comment cette maladie les affectait en écrivant deux lettres à celle-ci, une s’adressant à leur « amie » et l’autre à leur « ennemie ». Les lettres ont été analysées selon un schéma de codage, où chaque phrase était codée comme « pro-thème » ou « anti-thème» dépendamment si l’extrait traitait d’un aspect positif ou négatif. Dans cette étude, la théorisation ancrée fut utilisée pour grouper les thèmes récurrents du codage. Cette dernière est une méthode inductive utilisée en recherche qualitative qui priorise la création d’une théorie à partir des données. Elle consiste à collecter les données et à les marquer par des codes. Les codes sont conceptualisés et groupés en catégories. L’analyse manuelle des données et leur catégorisation ont été effectuées par trois personnes. Une bonne fidélité inter-juges fut assurée avec un coefficient Kappa de 0.63 à 0.81. De cette analyse, 10 « pro-thèmes» se dégageaient des lettres destinées à leur « maladie-amie », référant aux différentes fonctions possibles que ces personnes attribuent à leur maladie. Tout d’abord, le thème du gardien fait référence à la maladie comme un bouclier qui veille sur la personne

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et qui lui permet de se sentir protégée et en sécurité, lui procurant une impression de constance dans sa vie et de dépendance envers sa maladie. Le thème du contrôle est également ressorti de ces lettres, comme quoi la maladie permet de donner une certaine structure à sa vie. Se sentir plus attrayante et augmenter la confiance en soi furent deux autres pro-thèmes répertoriés. La maladie permettrait également aux patientes de se sentir spéciales, différentes et même supérieures aux autres. Parfois, ces personnes voient aussi leur trouble comme une habileté, comme quelque chose de difficile à accomplir. Enfin, quatre autres fonctions de l’anorexie ont été répertoriées, soit éviter l’affrontement des émotions et de la détresse, communiquer celles-ci aux proches, garder une belle apparence et ne plus avoir de règles. Les résultats de cette étude montrent l’importance du thème gardien, qui est en fait le thème le plus fréquemment nommé par les participantes. Pourtant, cette fonction serait peu détaillée dans la littérature. Cela met en évidence l’importance des recherches de type descriptive et phénoménologique pour obtenir une vision plus éclairée de la dynamique entourant cette clientèle. Les auteurs remarquent aussi que seulement six participantes ont souligné l’importance de se sentir plus attrayante grâce à leur trouble. Cela contredit la conception populaire qui sous-tend que les comportements restrictifs sont pratiqués principalement dans le but d’atteindre les standards de minceur promulgués par les valeurs sociales. Également, le thème contrôle est la deuxième fonction la plus fréquemment nommée, ce qui confirme l’importance de ce thème auprès de cette clientèle. En effet, cette fonction est déjà bien documentée dans la littérature, certains auteurs identifiant le TCA comme un « trouble du contrôle » (Katzman & Lee, 1997). Serpell et ses collaborateurs soulèvent aussi que la plupart des thèmes ressortis des lettres semblent en lien avec la présence de schémas cognitifs mal adaptés. Par exemple, le sentiment

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d’inefficacité provoqué par la présence d’un schéma d’imperfection (schémas reliés au sentiment d’être constamment inapproprié ou fautif) serait compensé par la perte de poids qui procurerait l’impression de supériorité et d’accomplissement. Enfin, les auteurs soutiennent l’importance de ces thèmes dans la compréhension de la valeur que ces patientes attribuent à leur trouble et en quoi ils expliquent leur réticence face au traitement.

Serpell et Treasure (2002) se sont aussi intéressées à la compréhension des fonctions reliées à la boulimie. Pour ce faire, elles ont utilisé la même procédure, méthodologie et analyses déjà proposées dans l’étude précédente. Toujours dans l’objectif de mieux connaître l’attitude des patientes boulimiques envers leur maladie, elles ont demandé à 30 participantes d’écrire une lettre à leur « maladie-amie » et une à leur « maladie ennemie ». C’est par la même catégorisation proposée par Serpell et al. (1999) qu’elles ont effectué le codage (gardien, contrôle, se sentir plus attrayante, confiance en soi, différence, habileté, évitement, communication, apparence et règles). À ces thèmes, les auteurs ont pu faire ressortir deux fonctions supplémentaires à la boulimie, dont la possibilité de manger sans prendre de poids et comme moyen pour gérer l’ennui. Les fonctions communication, apparence et règles n’ont pas été nommées par les participantes. Bien que la plupart des thèmes se retrouvent chez les deux populations, la fréquence de chacun diffère selon le trouble. Comparativement à la population anorexique, ce sont les thèmes évitement et manger sans prendre de poids qui seraient les plus souvent endossés avec celui de gardien. Les auteurs soulignent l’importance de réviser la grille de codage en tenant compte des thèmes reliés à la boulimie.

Ces résultats vont dans le même sens que d’autres études portant sur la fonction des comportements boulimiques qui avaient démontré que, outre le fait de perdre ou de ne pas

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perdre de poids, la régulation des états internes est l’une des fonctions principales pour les patientes (Abraham et Beumont, 1982; Arnow, Kenardy & Agras, 1992; Costorphine & al., 2006; Deaver & al., 2003; Heatherton & Baumeister, 1991; Kaye, Gwirtsman, George, Weiss & Jimerson, 1986; Lee & Miltenberger, 1997; McManus & Waller,1995; Milligan & Waller, 2000; Steinberg, Tobin & Johnson, 1989; Stickney & Miltenberger, 1998; Waller, Quinton & Watson, 1994).

Plus récemment, une étude d’intérêt inspirée par les travaux de Serpell et al. (1999) a porté sur l’identification des fonctions psychologiques associées aux comportements anorexiques (Nordbø & al., 2006). Nordbø et ses collaborateurs ont alors tenté de pallier aux limites invoquées par la méthodologie de Serpell et al. (1999) en utilisant eux aussi une démarche qualitative basée sur la perception des patientes. Selon eux, l’utilisation de lettres pour rechercher les aspects positifs et négatifs de la maladie se veut une procédure trop directive et ne laisse pas assez libre cours au discours des patientes. L’utilisation d’entrevues semi-structurées, de formes interactives et centrées sur la patiente leur a permis d’avoir davantage accès à l’expérience subjective des patientes, de mieux comprendre la façon qu’elles vivaient leur maladie tout en leur permettant de préciser leurs pensées et d’obtenir de l’information plus valide. Cette recherche qualitative a été effectuée auprès de 18 femmes norvégiennes anorexiques recrutées dans des cliniques spécialisées pour les TCA. La méthode de saturation de données fut utilisée, c’est-à-dire que de nouvelles entrevues étaient traitées seulement si elles permettaient d’apporter de nouveaux éléments à la cueillette de données. Les entrevues étaient conduites individuellement auprès des patientes par deux chercheurs, lesquels n’avaient aucun lien avec l’institution de soins des patientes. Le verbatim des entrevues de 90 à 120 minutes a été analysé par la suite et la

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théorisation ancrée a également été utilisée dans cette étude de type qualitatif. L’analyse de contenu de ces verbatim a été effectuée à l’aide du logiciel QSR-N’Vivo, qui permet de coder les textes selon les thématiques récurrentes. Lors de cette analyse, Nordbø et ses collaborateurs se sont intéressés uniquement aux fonctions psychologiques nommées par les patientes. Huit construits représentant les raisons subjectives que les patientes attribuent à leur maladie sont ressortis; la sécurité, l’évitement, le sentiment de pouvoir et de puissance, le sentiment de confiance, l’identité, la prise en charge, la communication et la mort. La recherche d’un sentiment de sécurité fait référence à l’application de règles et d’horaires rigides par rapport à la nourriture qui permettrait de donner une structure et une stabilité à la vie quotidienne et d’assurer l’absence de prise de poids. Les comportements anorexiques pourraient également avoir pour fonction l’évitement des émotions et des expériences négatives ainsi que l’évitement de la complexité des relations sociales, la maladie leur permettant de se centrer uniquement sur des aspects comme le corps, le poids et la nourriture. Les personnes souffrant d’anorexie n’auraient à ce moment plus le temps et l’énergie pour se concentrer sur les autres sphères plus complexes et interactionnelles de leur vie. En contrôlant l’absorption de nourriture et en perdant du poids, elles développeraient aussi un sentiment de pouvoir et de puissance, bref de maîtrise, de contrôle de soi et d’invulnérabilité. Le faible poids procurerait également de la confiance en leur permettant de se sentir belles et admirées, ce qui est souvent renforcé par l’environnement. L’anorexie permettrait aussi à ces personnes de se créer une identité. En effet, les changements physiques qu’apporte la maladie changeraient la perception qu’elles ont d’elles-mêmes et leur donneraient l’impression d’avoir une personnalité différente, qui est, selon elles, meilleure et plus attirante. Aussi, le fait de recevoir l’attention des proches ou

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de sentir leur inquiétude quant à la perte de poids permettrait à ces filles de se sentir aimées et de combler un besoin de prise en charge. La présence de la maladie servirait également à communiquer, par le biais de la maigreur de leur corps, leurs difficultés aux autres, étant donné qu’elles en sont incapables autrement ou se sentent incomprises. Finalement, certaines d’entre elles adopteraient des comportements anorexiques par désir d’exprimer leur souhait de disparaître en se privant de manger jusqu’à la mort. Il est à noter que ces construits ne représentent pas des dimensions indépendantes et que la plupart des participantes ont accordé plus d’une fonction à leur trouble (Nordbø & al., 2006). Dans leur article, les auteurs se sont assurés de détailler chaque fonction et d’amener les précisions nécessaires afin d’éviter de les confondre entre elles, assurant du même coup que la classification soit claire et précise (voir annexe E). Nordbø et ses collaborateurs remarquent que les construits ressortis de leur étude sont reliés ou chevauchent les thèmes de l’étude de Serpell et al. (1999). Entre autres, la fonction sécurité se retrouve dans les thèmes gardien et contrôle trouvé par Serpell et al. (1999), et le thème de l’évitement des émotions aversives revient dans les deux études, soutenant par le fait même l’importance de ces fonctions dans ces troubles. Également, les construits puissance, confiance, communication et identité se retrouvent également dans les thèmes relevés dans l’étude de Serpell et al. (1999) (contrôle, confiance, habileté, communication et différence). Toutefois, comme Nordbø et ses collaborateurs se sont concentrés uniquement sur les aspects psychologiques, certaines fonctions, telles que celles en lien avec l’apparence physique ou à l’arrêt des règles, n’ont pas été investies dans cette étude. Enfin, les entrevues semi-structurées ont permis de mieux approfondir le thème du contrôle, généralement décrit comme un construit en soi ou associé à un sentiment de puissance. Toutefois, les auteurs ont constaté que le

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