2.14 Théorème de Sophie Germain
Référence : S. Francinou, H. Gianella, S. Nicolas, Exercices de mathématiques, Oraux X-ENS, Algèbre 1, Cassini, 2007.
Leçons concernées : 120, 121, 126, 142.
Théorème 1. Soit p premier impair tel que q “ 2p ` 1 soit premier (un tel nombre est dit premier de Sophie Germain). Alors il n’existe pas de triplet px, y, zq de Z qui vérifie xp` yp` zp “ 0 et xyz ı 0rps.
Démonstration. On raisonne par l’absurde et on suppose qu’il existe px, y, zq P Z3 tels que xp ` yp ` zp “ 0 et xyz ı 0rps. Étape 1 : si d “ pgcdpx, y, zq, alors px1, y1, z1q “ px{d, y{d, z{dq est encore solution du problème, et pgcdpx1, y1, z1q “ 1 de sorte qu’on peut supposer pgcdpx, y, zq “ 1. D’autre part, si p0 est un diviseur premier de x et y, alors p0 divise xp` yp et donc divise zp. Ainsi d’après le lemme d’Euclide p0 divise z, et donc p0 | pgcdpx, y, zq “ 1, ce qui est impossible. On peut appliquer le même raisonnement pour obtenir que x, y et z sont premiers entre-eux deux à deux.
Étape 2 : on montre alors par l’absurde que y ` z et ∞p´1
k“0p´zqp´k´1yk sont premiers entre eux : soit p0 un diviseur premier de y ` z et∞pk´1“0p´zqp´k´1yk. On a,
py `zq pÿ´1 k“0 p´zqp´k´1yk“ pÿ´1 k“0 ` p´zqp´k´1yk`1´p´zqp´kyk˘“ yp`zp “ ´xp “ p´xqp (1) et donc p2
0 divise yp` zp “ p´xqp et donc p0 divise x. D’autre part, puisque y ” ´zrp0s, p´1ÿ
k“0
p´zqp´k´1yk”p´1ÿ k“0
yp´1 ” pyp´1 ” 0rp0s,
c’est-à-dire que p0| pyp´1, donc ou bien p0 divise p, c’est-à-dire que p0 “ p et donc p | x ce qui est exclu par hypothèse, ou bien p0 | yp´1, et donc p0 | y, et ainsi p0 divise x et y ce qui est impossible. Puisque pa ^ b “ 1 et ab “ ckq implique que a et b sont des puissances k-èmes1, alors de (1) on déduit qu’il existe a, ↵ tels que y `z “ ap et∞p´1
k“0p´zqp´k´1yk“ ↵p. De même, on montre que x ` y “ bp et x ` z “ cp.
Étape 3 : soit maintenant m non divisible par q. Alors par le petit théorème de Fermat, mq´1 ” pmpq2 ” 1rqs. Ainsi, puisque Z{qZ est un corps, mp ” ˘1rqs. On en déduit par l’absurde que q divise au moins un entier parmi x, y, z : en effet si ce n’était pas le cas, par le résultat précédent, on aurait xp ” ˘1rqs, yp ” ˘1rqs, zp ” ˘1rqs et donc en sommant 0” ´3, ´1, 1, 3rqs ce qui est impossible car q • 5. Un seul des entiers x, y, z est divisible par q puisqu’ils sont premiers entre-eux, on suppose que c’est x.
1. En effet, si a “±pp
↵p, b “±
pp p, c “
±
pp p, alors pour tout p, ↵p` p“ k p, or pour tout p,
↵p p“ 0, d’où le résultat.
Étape 4 : on sait que y `z “ ap, x `y “ bpet x `z “ cp, ainsi, bp`cp´ap “ 2x ” 0rqs. D’autre part, x ` y ” y ” bprqs, or q ne divise pas y donc ne divise pas b, ainsi par un résultat précédent, y ” bp ” ˘1rqs. De même z ” ˘1rqs. Si q ne divise pas a, alors ap ” ˘1rqs et donc bp` cp´ ap ” 0 ” ´3, ´1, 1, 3rqs ce qui est impossible. Ainsi q | a, et donc y ` z “ ap ” 0rqs, et donc p´1ÿ k“0 p´zqp´k´1yk”p´1ÿ k“0 yp´1 ” pyp´1 ” pp˘1qp´1” prqs
ce qui est absurde car d’après un résultat précédent, ↵p ” 0, ˘1rqs. On a donc trouvé une absurdité, ce qui permet de conclure.
Remarque. Ce théorème est un cas particulier du théorème de Fermat-Willes.
On conjecture qu’il existe une infinité de nombres premiers de Sophie Germain mais cela n’a pas encore été montré. Les nombres premiers 3,5,11 et 23 sont de Sophie Germain car 7, 11, 23, 47 sont premiers. En 2001, le plus grand nombre premier de Sophie Germain connu avait 20013 chiffres.