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L'appropriation des compétences de consommation par les collégiens : le cas des loisirs interactifs chez les 11-15 ans

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

Institut d’Administration des Entreprises

Thèse pour le Doctorat ès Sciences de Gestion Présentée et soutenue publiquement par

Wided BATAT

Le 8 Décembre 2008

C

OMPOSITION DU JURY

Christophe BENAVENT Professeur des Universités

Université de Paris X Nanterre - Rapporteur Denis DARPY Professeur des Universités

Université de Paris IX Dauphine - Rapporteur Pierre-Louis DUBOIS Professeur des Universités

Université Paris II Panthéon Assas - Suffragant Christian GAUTELLIER Directeur des Publications des Centres

d’Entraînement aux Méthodes d’Education Active (CEMEA - Paris) Vice Président du Collectif Inter-associatif « Enfants et médias » CIEM- Suffragant Marie LACHANCE Professeure Agrégée

Université de Laval CANADA- Suffragant

Inès de LA VILLE Professeur des Universités

Université de Clermont-Ferrand 1 et CEREGE Université de Poitiers - Directeur

L’

APPROPRIATION DES COMPETENCES DE

CONSOMMATION PAR LES COLLEGIENS

Le cas des loisirs interactifs chez les 11-15 ans

(2)

« L’université de Poitiers n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans cette thèse. Ces écrits doivent être considérés comme propres à leur auteur ».

(3)

S

OMMAIRE

INTRODUCTION, PROBLEMATIQUE ET PROJET DE CONNAISSANCE 12

1.1 PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE ET PROJET DE CONNAISSANCE 15

1.2 POSITIONNEMENT ET CADRAGE DE LA RECHERCHE 18

1.2.1 Situer le projet de recherche dans le champ de la

littérature en marketing 19

1.2.2 Cadrage du travail par rapport aux recherches

en comportement du consommateur 20

1.2.3 Cadrage du projet par rapport aux études sur le comportement

de consommation des jeunes 22

1.3 DEROULEMENT ET CONTRIBUTION ATTENDUE DE LA RECHERCHE 27

1.3.1 Méthodologie et résultats attendus de la recherche 27

1.3.2 La structure de la thèse 29

PREMIERE PARTIE :COMMENT CONCEVOIR LA SOCIALISATION

ECONOMIQUE DU JEUNE CONSOMMATEUR ? 32

CHAPITRE 2 : ESSAI DE MISE EN PERSPECTIVE DES THEORIES DE LA

SOCIALISATION ECONOMIQUE DU JEUNE CONSOMMATEUR 33

2.1 UNE ENTREE PAR LE DEVELOPPEMENT DES CONNAISSANCES

ECONOMIQUES CHEZ LE JEUNE CONSOMMATEUR 33

2.1.1 Une approche psycho-cognitive du développement du jeune

(4)

2.1.2 Modélisation des stades de développement cognitif du jeune

consommateur 36

2.1.3 La socialisation économique du jeune consommateur comme

conséquence du processus de développement cognitif 39

2.2 UNE APPROCHE PROCESSUELLE DE LA SOCIALISATION

ECONOMIQUE DU JEUNE CONSOMMATEUR 41

2.2.1 Origine du concept de socialisation et mise en exergue de l’apprentissage social comme fondement de la socialisation

économique du jeune consommateur 42

2.2.2 Mise en lumière du rôle des agents de socialisation qui influencent le comportement économique du jeune

consommateur 46

2.2.3 Les transformations du processus de la socialisation

économique du jeune consommateur 53

2.2.4 Agents de socialisation et apprentissage social : des notions qui

laissent dans l’ombre certaines questions 69

2.3 L’APPORT DE LA THEORIE DES CULTURES DE CONSOMMATION

POUR ECLAIRER LA SOCIALISATION ECONOMIQUE DU

JEUNE CONSOMMATEUR 70

2.3.1 L’expérience du jeune consommateur et la signification accordée

à la consommation comme point d’ancrage 71 2.3.2 L’émotion et la subjectivité au cœur de la différenciation des

expériences de consommation vécues par le jeune consommateur 75 2.3.3 La théorie des cultures de consommation comme cadre

intégrateur pour comprendre les ressorts de la socialisation

(5)

CHAPITRE 3 :DEPLACEMENTS CONCEPTUELS A OPERER POUR ABORDER

LA SOCIALISATION ECONOMIQUE DU JEUNE CONSOMMATEUR 89

3.1 D’UN ADOLESCENT UNIVERSEL A UN COLLEGIEN SITUE 90

3.1.1 Regard socio-historique à propos du concept d’ « adolescence » 90 3.1.2 Vers une notion de culture collégienne en marketing 97

3.2 D’UNE EXPERTISEACQUISE A UNE COMPETENCE EVOLUTIVE 102

3.2.1 La genèse du concept « compétence » 103

3.2.2 Comment envisager les compétences des jeunes

consommateurs ? 112

3.3 D’UN APPRENTISSAGE MIMETIQUE A UN APPRENTISSAGE PAR

APPROPRIATION 118

3.3.1 L’appropriation comme processus de construction identitaire

chez le collégien 122

3.3.2 Une consommation juvénile qui met en jeu des codes

culturels spécifiques 127

3.4 SYNTHESE ET TRANSITION VERS LA PARTIE EMPIRIQUE 129

DEUXIEME PARTIE : REPRESENTATIONS DES « COMPETENCES DE CONSOMMATION » CHEZ LES COLLEGIENS ET LES

PROFESSIONNELS DU MARKETING 133

CHAPITRE 4 :ARCHITECTURE DE LA RECHERCHE 134

4.1 PROBLEMATIQUE ET QUESTIONS DE RECHERCHE 135

(6)

4.2.1 Quel type de raisonnement ? 140 4.2.2. Comment apprécier la validité de la recherche ? 141

CHAPITRE 5 :COMMENT ABORDER LA NOTION DE « COMPETENCE »

AVEC LES COLLEGIENS ? 143

5.1 LES ENJEUX INTERPRETATIFS D’UNE APPROCHE QUALITATIVE 144

5.2 CONCEPTION D’UN DISPOSITIF DE PRODUCTION DE DONNEES 145

5.3 DES METHODES DE COLLECTE DE DONNEES PRIVILEGIANT

L’INTERACTION ET L’IMMERSION CONTROLEE 150

5.3.1 L’observation directe et l’interaction 151

5.3.2 L’entretien compréhensif 156

5.3.3 Situer l’apport de la vidéographie 158

5.4 LE CHOIX D’UNE METHODE DE REDUCTION DES DONNEES :

DES ETUDES DE CAS SOUS FORME DE PORTRAITS 162

5.4.1 Que retenir de la méthodologie des études de cas ? 163 5.4.2 Mettre au point une technique pour réaliser des portraits 166

5.5 VERS UNE REPRESENTATION DES COMPETENCES DE

CONSOMMATION CHEZ LES COLLEGIENS FRANÇAIS 188

5.5.1 Les modalités de construction des compétences de

consommation chez le collégien 189

5.5.2 Les dimensions de compétences de consommation perçues par

le jeune consommateur 196

(7)

CHAPITRE 6 :COMMENT ABORDER L’ENJEU DE LA « COMPETENCE »

DES JEUNES CONSOMMATEURS AVEC LES PROFESSIONNELS 210

6.1 LA RENCONTRE AVEC LES PROFESSIONNELS : ACCES AU TERRAIN

ET DIFFICULTES 211

6.2 LE CHOIX DE L’ENTRETIEN CENTRE 212

6.2.1 Les critères liés à la conduite de l’entretien centré 213

6.2.2 L’élaboration du guide d’entretien 214

6.3 UNE ANALYSE DE CONTENU DU DISCOURS DES PROFESSIONNELS 216

6.4 LA NOTION DE COMPETENCE DU JEUNE CONSOMMATEUR AU

CENTRE DU DISCOURS DES PROFESSIONNELS 219

6.4.1 Comment les entreprises perçoivent-elles l’ado-consommateur ? 220 6.4.2 L’intégration de l’ado-consommateur dans la politique marketing

des entreprises 227

6.4.3 La compétence de consommation selon les professionnels 231 6.4.4 L’ado-consommateur entre compétence et vulnérabilité :

Qu’en pensent les professionnels ? 235

6.4.5 L’approche managériale de la compétence et de la

vulnérabilité des ado-consommateurs 237

6.5 REGARDS CROISES SUR LA NOTION DE COMPETENCE DE

CONSOMMATION 243

TROISIEME PARTIE :VERS UNE MODELISATION PROCEDURALE

DE LA SOCIALISATION ECONOMIQUE DU JEUNE CONSOMMATEUR 251

(8)

7.1 NIVEAU EPISTEMOLOGIQUE 255

7.2 NIVEAU THEORIQUE 258

7.2.1 L’expérience de consommation comme une production

secondaire 258

7.2.2 La question du pouvoir : du côté des dispositifs marketing

ou des dispositions chez le consommateur ? 260 7.2.3 L’enjeu des rapports de prescription : les compétences des

jeunes en question 262

7.2.4 Le pouvoir de la prescription au cœur de pratiques

communautaires dangereuses 264

7.3 NIVEAU MANAGERIAL 269

7.3.1 Vers une notion de risque liée au contexte digital et interactif

des jeunes consommateurs 269

7.3.2 L’ « infopollution » chez les jeunes consommateurs 271

7.4 NIVEAU INSTITUTIONNEL ET POLITIQUE 277

7.4.1 Le langage SMS chez les collégiens : une menace pour la langue

française 278

7.4.2 Vers une dépendance aux nouvelles technologies 279

7.4.3 Qu’en est-il du rôle des parents ? 280

CHAPITRE 8 : IMPLICATIONS ET VOIES DE RECHERCHE 283

8.1 LES IMPLICATIONS DE LA RECHERCHE 283

8.1.1 Les apports théoriques de la recherche 284

8.1.2 Les apports managériaux 292

(9)

8.2 LIMITES ET VOIES DE RECHERCHE 314

CONCLUSION GENERALE 317

BIBLIOGRAPHIES 323

TABLE DES MATIERES 351

(10)

R

EMERCIEMENTS

La confiance que m’a témoignée Madame Valérie-Inès de LA VILLE en acceptant de diriger mon travail doctoral thèse, le soutien et les conseils qu’elle m’a prodigués tout au long de ce parcours de recherche ainsi que l’autonomie qu’elle m’a laissée m’ont permis de réaliser cette thèse dans des conditions intellectuelles et matérielles favorables au questionnement et à l’approfondissement de la pensée.

J’exprime également mes plus vifs remerciements à Messieurs les Professeurs Christophe BENAVENT, Denis DARPY et Pierre-Louis DUBOIS qui, malgré un emploi du temps très chargé, ont pris la peine d’évaluer ce travail. Je remercie tout particulièrement Madame la Professeure Marie LACHANCE qui n’a pas hésité à venir du Québec pour participer à ce jury et poursuivre le dialogue scientifique que nous avons engagé au cours de différentes conférences.

Je suis particulièrement honorée que Monsieur Christian GAUTELLIER, Directeur des Publications des Centres d’Entraînement aux Méthodes d’Education Active (CEMEA - Paris) et Vice Président du Collectif Inter-associatif « Enfants et médias » (CIEM) ait accepté de donner son point de vue de professionnel sur cette recherche et ses implications potentielles.

Je souhaite également remercier les interlocuteurs qui ont rendu ce travail possible :

- les 20 collégiens de l’école Sainte Marthe Chavagnes à Angoulême pour leur bonne volonté, leur disponibilité mais aussi pour les bons moments que nous avons passés ensemble ;

- les 14 responsables marketing qui ont fait preuve de disponibilité en enrichissant ma réflexion par un échange sur leurs pratiques professionnelles et leurs fondements.

Je souhaite exprimer ma reconnaissance à l’ensemble du personnel de l’IAE de Poitiers, aux membres du CEREGE de m’avoir accueillie au sein du laboratoire CEREGE ainsi qu’au personnel du Centre Européen des Produits de l’Enfant (CEPE) d’Angoulême qui m’ont aidée dans la réalisation matérielle de cette thèse tout en contribuant à en faire une expérience humaine très riche.

(11)

Enfin, ce travail constitue aussi la concrétisation du soutien de ma famille et de mes amis, qui ont su trouver les mots justes pour m’encourager et me soutenir tout au long de ce parcours. Je les remercie vivement et je leur dédie ce travail.

(12)

INTRODUCTION

P

ROBLEMATIQUE

ET

(13)

I

NTRODUCTION

,

PROBLEMATIQUE ET PROJET DE CONNAISSANCE

Ce projet de recherche s’inscrit dans le prolongement d’une première étude exploratoire réalisée dans le cadre de notre mémoire de DEA en sciences de gestion à l’IAE de Poitiers pour France Télécom en 20041 qui portait sur l’appropriation du

téléphone mobile par les jeunes âgés de 15 à 24 ans et en approfondissant les dimensions symboliques liées à son usage dans différents contextes sociaux. Les résultats de l’étude réalisée auprès de 32 jeunes consommateurs de 15 à 24 ans rendaient patent l’écart entre les modalités d’appropriation du téléphone mobile chez les jeunes âgés de 14-15 ans par rapport aux jeunes adultes âgés de 18-25 ans.

Constatant à quel point les équipements de téléphone mobile se sont diffusés rapidement dans la population adolescente et jeunes adultes au cours de ces années, il nous a semblé intéressant d’élargir le sujet dans deux directions.

Tout d’abord, notre étude nous avait permis de constater que si en 2004, le terminal de téléphonie mobile jouait avant tout un rôle d’interface ou de charnière entre différents types de loisirs interactifs, les innovations techniques liées aux portables nouvelle génération allaient certainement transformer la place accessoire du mobile dans l’ensemble des loisirs interactifs des jeunes. Nous avons donc décidé d’élargir notre sujet à l’ensemble des loisirs interactifs pratiqués par les jeunes consommateurs car c’est un domaine auquel ils consacrent beaucoup de temps et sur lequel ils acquièrent rapidement une autonomie relative en termes de consommation2. Par

conséquent, nous avons décidé de centrer notre recherche sur les caractéristiques de consommation des jeunes dans un contexte digital et interactif à la fois.

Deuxièmement, l’âge auquel les jeunes s’équipent en matière de téléphonie mobile n’a cessé de baisser au cours de ces dernières années3. Confrontés de plus en plus

jeunes à des terminaux plus puissants et capables de diffuser des images, les

1

Etude intitulée : « The use of mobile phone by French young people aged 14-25 » pour France Telecom Mobile Gaming réalisée par le Centre Européen des Produits de l’Enfant en 2004.

2

Selon une étude Crédoc 2006 :

- 51% d’entre eux se déclarent intéressés par le fait de monter leurs propres vidéos - 48% sont intéressés par la création de leurs propres albums photos interactifs - 43% d’entre eux préfèrent composer des compilations musicales sur Internet 3

(14)

adolescents de 11 à 15 ans développent des pratiques de consommation qui sont extrêmement diverses et encore à ce jour mal connues. C’est pourquoi il nous a paru nécessaire de recentrer notre travail sur cette tranche d’âge sur laquelle relativement peu d’études approfondies sont menées.

Ainsi, notre projet de recherche a pour objectif de comprendre les pratiques de consommation de loisirs interactifs que développent les adolescents âgés de 11-15 ans, ainsi que les compétences en matière de consommation susceptibles d’émerger de leurs modalités d’appropriation des objets de consommation qui leur sont proposés. En effet, s’intéresser à la construction des compétences chez le jeune consommateur revient à aborder le processus développement de ses connaissances culturelles et sociales. Il s’agit, en effet, de comprendre comment l’adolescent se représente la réalité de la relation marchande dans laquelle il se trouve impliqué et comment il va se repérer dans un ensemble de sollicitations commerciales et de dispositifs techniques pour tenter de se construire en tant que consommateur suffisamment compétent dans la société contemporaine.

Ce chapitre introductif a pour objectif de présenter notre projet de connaissance et de cadrer notre travail de recherche par rapport à trois dimensions :

- La première consiste à positionner notre sujet de thèse par rapport aux acquis antérieurs à la littérature en marketing ;

- La deuxième consiste à baliser notre champ de recherche afin de le situer par rapport aux recherches antérieures en comportement du consommateur ; - Et enfin, la troisième dimension porte sur les études et les travaux de

recherches en comportement du jeune consommateur, en particulier les études sur les compétences des jeunes (enfant, préadolescent et adolescent) en matière de consommation et d’usage des nouvelles technologies.

Le deuxième volet de ce chapitre consiste à présenter les objectifs de cette recherche et son intérêt pour les responsables marketing et les chercheurs en comportement du consommateur notamment ceux qui s’intéressent aux caractéristiques de la consommation des jeunes.

(15)

1.1 PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE ET PROJET DE CONNAISSANCE

L’environnement médiatique domestique des adolescents est particulièrement dense et varié selon une étude relativement récente du Credoc (Credoc 2006)4. A la fin de

l’école primaire, un enfant dispose en général d’une chambre personnelle, d’une Game Boy, d’une console de jeux, etc. A onze ans, soit l’entrée au collège, s’ajoutent l’ordinateur et la chaîne Hi-fi. A treize ans, c’est l’accès à Internet depuis la maison, parfois depuis l’ordinateur installé dans sa chambre. A quinze ans lors de l’entrée au lycée, apparaissent le téléphone portable, la carte bancaire de retrait et le scooter. A dix huit ans, le jeune adulte rajoute à son équipement personnel un chéquier et une carte bleue. A vingt et un an, c’est l’accès à la voiture et enfin, à vingt trois ans en moyenne, l’accès à un domicile personnel. Ainsi, les adolescents et les jeunes vivent dans un contexte technologique très évolué par rapport à celui de la génération de leurs parents, ce qui explique que les technologies numériques constituent une partie intégrante de leur processus de socialisation et d’apprentissage dans le domaine de la consommation5 (Consojunior, 2006).

Par conséquent, les nouvelles pratiques de consommation développées par cette génération digitale familiarisée avec l’outil Internet et le téléphone mobile, supposent des modalités d’appropriation des technologies numériques qu’il convient d’étudier de façon approfondie. En effet, les jeunes s’approprient les différents médias dans le but de créer de nouveaux usages, de se socialiser et d’intégrer un groupe de pairs, de pratiquer des activités ludiques, de vivre des expériences uniques et différentes. Mais ce qui nous importe, c’est que c’est en grande partie à travers ces pratiques et ces expériences ludiques que les adolescents et les jeunes développent des compétences en matière de consommation de façon active ou non. Ainsi, les nouveaux modes de consommation inventés par les jeunes comprennent une dimension symbolique et expérientielle de la consommation ancrée dans une sous-culture juvénile qu’ils revendiquent et assument.

4

Crédoc: Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie. Le site web : http://www.credoc.fr/publications/index.php

5

(16)

Afin de se construire en tant que consommateur compétent, la consommation des jeunes s’inscrit dans le cadre du bricolage, du détournement d’usage, de l’appropriation et de personnalisation des expériences de consommation pour se construire à la fois une identité personnelle et sociale. Ainsi, les jeunes, inventent leur propre culture avec leurs codes, leurs pratiques et leurs langages. Cependant, l’excès de norme dans un monde de l’hyperconsommation laisse de moins en moins de place à l’appropriable pour l’individu et de plus en plus de pouvoir de contrôle aux entreprises (Cova et Cova, 2004). Les entreprises s’exposent par là même au développement d’un processus de réappropriation de la part du jeune, ou du groupe des jeunes, qui chercheraient alors à se soustraire à ces expériences de consommation imposées par les producteurs en pratiquant des détournements et des bricolages au sens de Certeau (1990) afin de se réapproprier leurs propres expériences de consommation.

Cette approche met l’accent sur le potentiel dont disposent les jeunes pour faire face aux politiques marketing qui leur sont destinées en détournant les offres et les expériences de consommation prédéfinies, encadrées et contrôlées par les entreprises. Dans cette perspective, il semblerait que la compréhension des pratiques de consommation développées par les adolescents et les jeunes soit une tâche particulièrement délicate pour les responsables marketing. Ce qui pose en corollaire une question cruciale concernant les compétences de consommation dont disposent les jeunes afin de jouer leur rôle de consommateur dans la société contemporaine, compétences sur lesquelles peuvent s’appuyer les entreprises pour établir une relation commerciale avec eux.

Ainsi dans ce travail exploratoire, l’accent sera mis sur la notion d’appropriation des compétences qui émergent dans le cadre d’une expérience de consommation de loisirs interactifs chez les collégiens âgés de 11-15 ans.

(17)

L’objectif de notre travail de recherche consistera à comprendre comment les collégiens eux-mêmes définissent le concept de compétence de consommation et comment ils se perçoivent en tant que consommateurs dans la société contemporaine. Autrement dit, les adolescents et les jeunes se considèrent-ils comme des acteurs compétents ou bien se définissent-ils comme des consommateurs vulnérables par rapport aux pratiques commerciales auxquelles ils sont exposés ? Ce questionnement a pour objectif de guider et d’orienter notre raisonnement. Ainsi, au cours de ce travail doctoral, il nous paraît important de parvenir à travailler de façon concomitante non seulement sur les modalités d’appropriation des compétences de consommation par les collégiens mais également sur le regard que portent professionnels du marketing sur les compétences de consommation des jeunes auxquels s’adressent leurs pratiques commerciales. Cette approche nous permettra de croiser les deux visions, celle des collégiens et celle des professionnels du marketing à propos du processus et des modalités d’appropriation des expériences de consommation qui suppose le développement de compétences précises. Ainsi, nous proposons de formuler de façon synthétique notre problématique de recherche et les questions qui en découlent de la façon suivante :

Comment les compétences de consommation perçues par les collégiens âgés de 11-15 ans sont-elles prises en compte par les professionnels ?

Quelle est la perception par les collégiens des compétences nécessaires pour jouer un rôle de consommateur dans la société contemporaine ?

Quelle est la place de la compétence du jeune consommateur dans l’élaboration de stratégies marketing qui s’adressent à lui ?

Afin d’apporter des éléments de réponse à cette problématique, nous avons adopté une méthodologie qualitative en deux temps visant d’une part, à interagir avec des collégiens et, d’autre part, à rencontrer des professionnels afin d’échanger sur leurs pratiques et leurs motivations.

(18)

1.2 POSITIONNEMENT ET CADRAGE DE LA RECHERCHE

Dans une société de consommation marquée par une compétitivité accrue et la saturation de certains marchés, il n’est pas étonnant que les entreprises et les responsables marketing se tournent vers la cible des jeunes consommateurs - très versatiles et donc difficiles à fidéliser mais représentant un marché futur rentable s’ils prennent certaines habitudes - en matière de consommation de nouvelles technologies et de loisirs interactifs. Les jeunes qui jouent un rôle important dans l’univers de la consommation si l’on juge leurs poids économique - leur pouvoir d’achat des 11-17 ans est estimé à 40 milliard d’euros dont 33,1 milliards d’achat direct- (Le Bigot et al, 2004) et l’intérêt que leur portent les spécialistes du marketing.

Ainsi, nous proposons dans cette section de cerner l’objet de notre recherche centrée sur « les modalités de construction de l’adolescent en tant que consommateur compétent durant son processus de socialisation économique » par rapport à la littérature en marketing et les recherches antérieures sur le comportement de consommation des adolescents. D’une part, les adolescents sont décideurs de plus en plus tôt en matière de consommation et leur pouvoir d’achat augmente trois fois plus que celui de leurs parents (Altema, 2003). D’autre part, les adolescents sont la cible des fabricants et des distributeurs pour toucher indirectement toute la famille.

L’intérêt marqué des professionnels du marketing pour la cible des jeunes se justifie largement par leurs revenus et leurs dépenses personnels qui ne cessent d’augmenter, et par le fait qu’ils constituent aussi un marché d’influence considérable en ce qui concerne la consommation familiale (Zollo, 1999). L’univers des enfants et des adolescents fait désormais l’objet de salons qui lui sont spécialement dédiés et qui s’élargissent à tous les produits destinés aux jeunes consommateurs.

La réponse des responsables marketing ne s’était pas fait attendre dans la mesure où ils se servent des différents supports multimédias pour décliner leurs offres et assurer un continuum d’offres sur mesure pour cette cible jeune et digitale. Les phénomènes de personnalisation et de communauté sont également visibles via d’autres grands phénomènes qui touchent cette génération d’adolescents, comme les Podcasts, ou le

(19)

succès d’une plate-forme communautaire MySpace. Une interactivité s’est créée grâce à ces nouveaux usages : les adolescents internautes peuvent désormais se filmer et échanger leurs vidéos bricolées sur le Web ou via la 3G. Ainsi, ce sont de nouveaux liens qui se créent entre des jeunes consommateurs d’une nouvelle génération et les groupes de médias.

1.2.1 Situer le projet de recherche dans le champ de la littérature en marketing

D’un point de vue disciplinaire, notre projet de recherche se situe entre l’approche culturelle de la consommation ancrée dans le courant des cultures de consommation (Consumer Culture Theory), dans le prolongement des travaux consacrés à la dimension symbolique de l’expérience de consommation et l’approche fondée sur les connaissances et les compétences de consommation des jeunes consommateurs ancrée dans le courant de « Childhood » (Cook, 2005, Buckingham, 2005), et les nouvelles actions stratégiques à travers des actions « consumer knowledge empowerment » (Brown, 1995 ). Le principe du CKE est le suivant : en donnant aux consommateurs le pouvoir d’apprendre, l’entreprise serait capable d’intégrer les connaissances et les savoirs développés par ces derniers dans sa politique marketing afin de mieux adapter ses offres à ses clients et d’élargir son marché. Ainsi, ce principe s’articule autour des variables des deux catégories. D’une part l’offre et les variables du mix, d’autre part, les expériences de consommation. Ainsi, quelques chercheurs en marketing se sont penchés sur le sujet afin de définir cette nouvelle pratique qui détourne le marketing de ses approches traditionnelles basées sur le flux d’information en un marketing de coproduction et de co-création fondé sur la prise en considération des compétences de consommation et l’intégration des consommateurs dans l’élaboration d’une offre. Oleg Curbatov (2006) est à notre connaissance le premier à mettre le nom de « Knowledge marketing » sur ces nouvelles pratiques en marketing déjà abordées auparavant par des auteurs comme McCracken dans les années 80 (McCracken,1986).

(20)

Il convient d’ajouter que cette recherche s’appuie plus précisément sur les travaux consacrés aux compétences qui émergent dans l’expérience de consommation du jeune consommateur dans le contexte numérique (Tufte, 2003 ; Lardellier, 2006, Dorotner & Livingstone, 2008) où le principal courant de recherche s’appuie sur la coexistence de deux pôles antagonistes.

D’une part, ceux qui postulent que le jeune consommateur est un acteur compétent « competent childhood » (Ekström, 2005). D’autre part, ceux qui pointent du doigt son côté vulnérable dû à un manque d’expériences « vulnerable chidhood » (Kline, 2006, Cook, 2005…). Parmi les auteurs qui se sont penchés sur la compétence des jeunes en matière de consommation, Lachance (2004, 2007) a consacré plusieurs études aux compétences de consommation des jeunes canadiens dans des domaines de consommation tels que le textile et les banques. En effet, Lachance estime que la pratique autonome de tout rôle social implique l’atteinte d’une performance et suppose une notion de compétence dans l’exercice des activités pertinentes. Cependant, les études sur la notion de compétence ou d’habilité à consommer démontrée par les jeunes sont peu nombreuses notamment sur le plan des connaissances (Union des consommateurs, 2003) 6. Par conséquent, le jeune peut

être perçu comme un consommateur compétent ou vulnérable en fonction des domaines de consommation ou selon d’autres critères économiques et socioculturels.

1.2.2 Cadrage du travail par rapport aux recherches en comportement du consommateur

Dans les études en marketing, plusieurs auteurs s’intéressent au concept d’expertise du consommateur dont l’objectif principal est de mesurer la capacité liée à la recherche d’information sur un bien produit ou service lors d’un processus d’achat. Les travaux les plus significatifs concernent les « connaissances/expertise des consommateurs » ont été récemment étudiés en marketing par Aurier et N’Gobo (1999), Aurier & Passebois (2002) qui se sont focalisés sur les connaissances mémorisées par les consommateurs.

6

(21)

Ces travaux s’intéressent essentiellement au processus de traitement des informations stockées dans la mémoire en distinguant le savoir déclaratif (information sur le produit) et le savoir procédural dont la capacité à rechercher des informations (expertise en recherche d’informations du consommateur). Il n’est donc pas étonnant qu’une revue des recherches disponibles en marketing (Dubois & Jolibert, 1998) en l’occurrence en comportement du consommateur (Darpy & Volle, 2003) ne nous permette pas de trouver une définition conceptuelle reconnue de la notion de compétence de consommation.

Réduire l’expérience de la consommation à la recherche d’informations et faire abstraction de l’émergence de la compétence dans l’expérience de consommation des adolescents nous semble constituer une faille importante de certains travaux de recherche en comportement du consommateur.

Ces dix dernières années voient se développer, un intérêt croissant concernant les études sur la socialisation économique du jeune consommateur (Gollety, 1997, Roedder-John, 1999; La Ville & Tartas, 2008) et le phénomène de l’empowrement (Kline, 2006, Cook, 2008). Cet intérêt est motivé par l’évolution du contexte technologique dans lequel évoluent les adolescents, qui comprend la démocratisation de l’usage des nouveaux médias et l’émergence de nouvelles tendances de consommation (achat sur Internet, personnalisation des produits, dimension symbolique de l’offre,etc.) et de socialisation (Lardellier, 2006 ; Pasquier, 1999). En effet, les adolescents eux-mêmes reconnaissent l’influence grandissante des nouvelles technologies sur leurs loisirs quotidiens. Au palmarès des dernières innovations qui ont marqué leurs loisirs arrive en tête l’ordinateur, suivi par le téléphone mobile et l’Internet, puis les consoles de jeux, le DVD et la télévision numérique. L’adolescent est devenu un pionnier dans le domaine des technologies, 50% des produits nouveaux pénètrent dans les familles par le biais des enfants (Le Bigot et al, 2004).

On assiste alors à l’émergence des produits nomades (De Gournay, 1994) dans une société contemporaine dont le mode de consommation est en évolution continue selon les différentes générations et le contexte technologique dans lequel elles évoluent. Les adolescents deviennent alors plus compétents que les adultes dans le maniement des produits technologiques.

(22)

En fait, les études en marketing sont restées jusqu’à présent limitées à la notion de l’expertise et à la mesure de ses effets sur le comportement d’achat du consommateur, sans chercher à élucider la manière dont le processus de construction de compétences de consommation chez l’adolescent se développe. Les recherches ne prennent pas en considération les réflexions conceptuelles attachées à la variable centrale « la compétence de consommation ».

Ainsi, si nous revenons au cadre conceptuel de l’expérience de consommation de l’adolescent, dans lequel s’inscrit notre recherche, nous constatons qu’au cœur de cette approche, une question cruciale est celle de l’acquisition et de construction de savoir-faire et de compétences ancrés dans son expérience de consommation. Cependant, aucune étude ne semble réellement tenir compte de ce fait. Toutes les études traitent en réalité le processus de socialisation et d’apprentissage mais ne retiennent pas la notion de compétence de consommation qui en découle.

Compte tenu de la rareté des études sur les compétences de consommation et de la confusion récurrente avec le concept d’expertise souvent mesuré par des échelles en marketing, une démarche transdisciplinaire et expérientielle ancrée dans des approches culturelles et sociales du marketing nous semble essentielle pour cerner le concept de compétence de consommation d’un point de vue managérial.

1.2.3 Cadrage du projet par rapport aux études sur le comportement de consommation des jeunes

Comme le soulignent Foxman et Tansuhaj (1988), un premier courant de recherche s’est développé dans les années 70 omettant le rôle des enfants dans la prise de décision familiale, se focalisant sur la dyade « père-mère » (Davis, 1970 ; Davis, 1971 ; Davis & Rigaux, 1974). Ces études classent généralement les influences au sein du foyer en quatre catégories : père dominant, mère dominante, autonomie du décisionnaire et syncrétisme. Foxman et Tansuhaj rappellent qu’une telle taxinomie peut aussi s’appliquer à l’étude de l’influence de l’adolescent dans les décisions d’achat. Cette approche sera d’ailleurs développée ultérieurement dans leurs travaux.

(23)

Par ailleurs, un autre courant de recherche s’est focalisé sur l’étude de l’influence de l’enfant dans les décisions d’achat (Jenkins, 1979 ; Brée, 1990) ou plus spécifiquement comment la mesurer (Szybillo, Sosanie et al., 1979). Les résultats sont globalement concordants et révèlent une influence significative de l’enfant pour des achats l’intéressant principalement (céréales du petit déjeuner, lieu de vacances…etc.) celui-ci n’intervenant pas dans le cadre d’achat de produits familiaux ou pour adultes. Brée relève toutefois une exception s’agissant de l’influence des filles dans l’achat de vêtements maternels (Brée, 1990). Il faut donc attendre l’adolescence pour que l’influence sur les décisions d’achat familial s’exerce (Rigaux-Bricmont, 1977 ).

Comme l’enfant, l’adolescent intervient donc dans le choix de produits qui lui sont directement destinés (disques, chaussures de sport, consoles vidéo, etc.) mais son poids dans la décision d’achat de produits familiaux ou pour adultes devient plus important avec l’âge : par exemple, il peut intervenir dans le choix d’un véhicule automobile, dans le choix d’un canapé, de l’abonnement parental à un magazine, etc. (Belch & alii, 1980 ; Foxman & Tansuhaj, 1988 ; Hall et al., 1995). Ainsi, deux approches doivent être distinguées :

• Fosse-Gomez (1991) rappelle que nous n’avons aucune indication sur la forme de la relation « âge / influence » ;

• Cette influence pourrait varier d’une culture à l’autre. Récemment, Shoham et Dalakas ont répliqué les travaux de Belch et alii (1980, 1985) en Israël et ont montré que pour bien des produits, l’influence sur la décision d’achat de l’adolescent israélien était plus importante que celle de l’adolescent américain (Shoham & Dalakas, 2003).

Si les travaux cités auparavant mettent en évidence le rôle joué par les adolescents dans la prise de décision d’achat, d’autres travaux de recherche vont plus loin en l’envisageant comme un consommateur à part entière. Afin de montrer qu’il en présente toutes les caractéristiques, les thèses françaises s’appuient sur la typologie des principaux rôles que celui-ci joue généralement (Fosse-Gomez, 1992, Poiron, 1997, Hajtaieb El Aoud, 2003) : acheteur, consommateur, payeur (Bon & Pras, 1984).

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Un enfant, étant donnés la faiblesse de son pouvoir d’achat et son manque d’autonomie se limite généralement au rôle d’utilisateur alors qu’un adolescent peut se trouver dans les cinq situations de consommation qui caractérisent un adulte :

• Il n’exerce que l’un des trois rôles (acheteur, consommateur, payeur);

• Il peut être payeur et utilisateur sans être acheteur ;

• Il peut être payeur et acheteur sans être utilisateur (lorsqu’il fait un cadeau) ;

• Il peut être acheteur, utilisateur ;

• Il peut cumuler les trois rôles.

En ce sens, et à la différence d’un enfant, un adolescent est un consommateur à part entière. Bien que s’intéressant très souvent à l’âge comme variable explicative, la plupart des auteurs n’éprouvent pas le besoin d’identifier les résultats obtenus selon l’âge de l’enfant. Des études anciennes intègrent souvent dans leur échantillon d’enfants ceux âgés de plus de 12 ans comme Foxman et Tansuhaj (1988). Jenkins (1979) utilise un échantillon composé pour les deux tiers de moins de 12 ans et, pour le reste, d’adolescents.

Plusieurs chercheurs se sont focalisés sur ce sujet important en abordant de nombreux points relatifs à la problématique initiale c'est-à-dire les produits pour lesquels l’influence des adolescents est significative. Cependant, l’âge ne semble pas intéresser les chercheurs qui étudient le processus de consommation de la famille.

En effet, nous ne disposons pas de distinction entre le comportement de consommation de l’enfant et celui de l’adolescent. Le seul axe de recherche qui attire l’attention des chercheurs tels que Ward et Wackman (1972) et Mehrotra & Torges (1977) est le type de produit (céréales, sucreries, lessives) qu’ils intègrent dans le processus d’achat en tant que variable déterminante de la prise de décision familiale.

(25)

Tous les travaux de recherche menés jusqu’à présent sur le rôle de l’adolescent dans le processus de consommation familiale l’ont été en suivant un schéma que l’on pourrait qualifier de « classique ». On y mesure, à travers un questionnaire administré à un, deux ou trois membres de la famille, l’influence perçue de l’adolescent. En revanche, on y trouve aussi des travaux qui mettent en évidence, outre le thème de la mesure de l’influence de l’adolescent, les éventuels éléments du processus de décision et les variables concernant l’âge de la population étudiée. Des chercheurs se sont intéressés au conflit dans la prise de décision familiale et la population étudiée c’était des adolescents entre 13 et 17 ans (Belch et al., 1980). Böcker (1986) quant à lui a étudié l’influence des Tweens (8-12 ans) et des enfants âgés de 10 à 15 ans sur les préférences de la mère. Par ailleurs, d’autres recherches étaient focalisées sur la socialisation inversée entre mère et fille de 11 à 18 ans en s’intéressant davantage aux similarités de comportement d’achats pour les produits de beauté entre la mère et la fille (Tissier-Desbordes, 1982).

La plupart des études concluent que des enfants plus âgés avaient significativement plus d’influence que les enfants plus jeunes (Atkin, 1978 ; Darley et Lim, 1986) et qu’en dessous de 5 ans, les enfants n’avaient pas d’influence (Rigaux-Bricmont, 1977). Ce résultat s’explique en partie par les capacités cognitives de l’adolescent et sa plus grande expérience des biens de consommation. De même, il apparaît que le nombre moyen de demandes diminue avec l’âge, alors que le taux de concessions augmente (Isler et al, 1987).

Par rapport au sexe de l’enfant, les résultats sont plus controversés. Cette variable ne semble pas avoir de rôle déterminant ni dans l’influence de l’enfant sur les achats de sa mère (Berey et Pollay, 1968) ni dans le comportement de l’enfant sur le lieu de vente (Atkin, 1978). A l’inverse, Moschis et Mitchell (1986) trouvent une incidence significative du sexe tant sur le processus décisionnel que sur la crédibilité de l’enfant auprès de ses parents. Ils constatent ainsi, que les filles seraient, plus jeunes, concernées par l’achat de produits de consommation collective.

(26)

Alors que les enfants de 3 à 11 ans formulent une simple demande des produits, les adolescents mettent en œuvre toute une variété de stratégies d’influence pour arriver enfin à leurs fins. Ainsi, d’après des études réalisées par le Credoc (2006), nous constatons que les foyers avec des adolescents entre 11 et 19 ans sont suréquipés par rapport à la moyenne des foyers français en produits multimédias demandés par les enfants.

Rigaux-Bricmont (1977) a mis l’accent sur les relations qui pourraient exister entre la tendance à innover de l’adolescent et sa participation aux prises de décisions familiales en matière de biens électroniques. Par conséquent, les adolescents ont plus de pouvoir dans les familles où la communication entre les membres est élevée. Leur rôle est plus important lors du lancement de l’idée que lors de la recherche d’informations ou de décision finale. Enfin, ils influenceraient plus le choix de la marque, du modèle et du style, et ne seraient que peu impliqués dans les aspects financiers. Les parents n’hésitent pas à adopter les marques, les loisirs et les styles vestimentaires de leurs enfants qui ont le rôle principal à chaque stade du processus de décision pour l’achat d’innovations technologiques (câble, accès Internet, lecteur DVD, etc.). En effet, ce sont les jeunes qui apportent les innovations au foyer parental, et sans eux, les parents n’auraient pas eu connaissance de ces innovations ou n’auraient pas éprouvé le besoin de se les procurer (Gollety, 2004).

Cet intérêt pour l’adolescent ne s’explique cependant que par leur grande capacité à répondre à un questionnaire dans le cadre d’une enquête de mesure d’influence. Aucun des auteurs qui ont adopté cette démarche ne s’est cependant interrogé sur les spécificités de l’adolescent et la possibilité d’élargir ces résultats à la population des jeunes enfants. Il est donc difficile de mesurer la distance entre adolescent et enfant en matière d’influence sur les décisions économiques de la famille, même s’il est admis que l’adolescent exerce une plus grande influence que l’enfant. Ainsi, l’adolescent change de statut au sein de la famille. Il passe d’un simple rôle de prescripteur à celui de consommateur à part entière évoluant dans un environnement où des facteurs de socialisation peuvent avoir une influence sur son apprentissage en matière de consommation. Par conséquent, cette nouvelle vision a contribué à l’émergence de nouvelles recherches en marketing sur le processus de socialisation du jeune consommateur.

(27)

1.3

D

EROULEMENT ET CONTRIBUTION ATTENDUE DE LA RECHERCHE

L’objectif central de notre recherche consiste à comprendre comment les collégiens âgés de 11-15 ans se perçoivent et se définissent comme des consommateurs compétents et comment ils construisent et développent des compétences en matière de consommation. Etant donnée la nature exploratoire de notre sujet de recherche, une investigation de type qualitatif du terrain nous semble constituer une méthode appropriée afin de collecter des données pertinentes. En effet, dans notre cas, la méthodologie quantitative est inadaptée à notre question de recherche qui a pour objectif la compréhension des modalités de construction des compétences de consommation chez les collégiens dans le domaine des loisirs interactifs. Nous ne savons pas en effet a priori quelles sont les modalités d’appropriation et quels sont les processus de construction et de développement des compétences de consommation.

1.3.1 Méthodologie et résultats attendus de la recherche

Le premier terrain « le collège » : Afin d’y parvenir, nous avons donc mis en place un dispositif d’interaction et d’observation au sein d’un collège. En effet nous avons organisé 48 séances d’atelier filmées centrées sur différentes activités numériques, divers travaux pratiques et ludiques plus spécialement focalisés sur des discussions à propos des pratiques de consommation. Le choix du collège se justifie par rapport à la tranche d’âge étudiée dans notre travail. Nous avons donc privilégié l’optique du collège où la tranche d’âge 11-15 ans est fortement représentée. Cette première approche a permis la production d’un important corpus de matériau des collégiens lors des différentes séances d’atelier et les interactions que nous avons mises en place. Ce corpus comporte des dessins de chambres, des observations et des pratiques filmées, des photographies et des discours. Ainsi, l’analyse de ce corpus riche d’information nous a permis de disposer des éléments expliquant les différentes dimensions de compétence perçues par les collégiens ainsi que les modalités d’appropriation et d’apprentissage de la consommation dans un contexte digital et interactif.

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Si notre analyse des observations et des documents produits par les collégiens permet de comprendre les différentes dimensions et les significations que peut revêtir la notion d’une compétence ancrée dans l’expérience de consommation, elle ne permet pas cependant d’identifier sa dimension managériale et sa traduction en actions opérationnelles par les professionnels du marketing qui s’intéressent à la cible des jeunes consommateurs.

Le deuxième terrain « les entreprises » : Afin de combler cette lacune, parmi les divers modes de retour sur le terrain envisageables, nous avons privilégié la conduite d’entretiens centrés et approfondis avec les professionnels, pour les faire réagir par rapport à nos résultats et recueillir des informations en matière d’élaboration de stratégies fondées sur le développement de connaissances et l’apprentissage conjoint entre le consommateur et l’entreprise. Ce deuxième travail empirique nous permis de confronter le regard des collégiens sur leurs compétences de consommation avec celui des professionnels qui mettent en œuvre des actions stratégiques pour cibler les jeunes consommateurs. En conséquence, cette approche oriente nos interrogations vers un questionnement plus ancré en sciences de gestion – et non uniquement en comportement du consommateur - en nous centrant davantage sur la dimension managériale de notre problématique de recherche

Puisque notre recherche vise à interroger le concept compétence pour comprendre et analyser les expériences de consommation des collégiens âgés de 11-15 ans dans un environnement numérique, la contribution attendue de notre travail se situe à un double niveau :

Sur le plan théorique, pour apporter une analyse critique de travaux existants afin d’établir les fondements conceptuels selon lesquels la socialisation du jeune consommateur peut être envisagée. Il s’agit de comprendre comment les collégiens d’aujourd’hui utilisent les nouveaux médias pour développer des compétences et apprendre à consommer. Cela conduit tout d’abord à comprendre le processus de socialisation économique des jeunes et leur apprentissage en termes de consommation et d’appropriation des objets et des expériences. Cette étape nous permettra par la suite de comprendre la

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perception des collégiens des compétences qu’ils jugent nécessaires pour jouer leur rôle de consommateur dans la société.

Sur le plan managérial, il s’agira d’apporter des éléments de réflexion et des pistes d’action pour une gestion plus appropriée des compétences des jeunes avec lesquels l’entreprise souhaite développer des relations commerciales. Cette approche permettra aux industriels de concevoir une offre qui place le jeune au centre de la stratégie de l’entreprise et qui est fondée sur la coproduction et la co-création des connaissances impliquant à la fois les collégiens et les entreprises.

A la croisée de ces deux plans de contribution, nous espérons pouvoir cerner plus amplement les caractéristiques de la culture de consommation des col

l

égiens à travers les étapes de leur socialisation économique dans la société numérique. Cette approche nous permettra de cerner les différentes caractéristiques de leur consommation et les nouvelles pratique et usages des médias qui interviennent leur apprentissage en tant que consommateurs et que les entreprises devraient prendre en compte.

1.3.2 La structure de la thèse

Pour rendre compte de notre travail de recherche doctorale, nous avons fait le choix de procéder en trois temps – dont la progression ne prétend pas refléter fidèlement notre démarche de recherche – moins linéaire et plus improvisée parfois - afin d’éclairer le lecteur.

La première partie tente d’apporter des réponses théoriques à la question : « comment concevoir la socialisation économique du jeune consommateur ? ». Pour ce faire, le chapitre 2, présentera un panorama critique des théories ayant permis de modéliser le processus de socialisation du jeune consommateur. Après un rappel des acquis mais aussi des limites propres aux approches cognitives et processuelles de la socialisation économique du jeune, nous tenterons de mettre en lumière l’apport du courant de recherche sur les cultures de consommation CCT (Consumer Culture Theory) aux études sur la socialisation économique dont le fondement de base

(30)

consiste à prendre en considération les aspects culturels, expérientiels et symbolique de la consommation. En effet, la compréhension de la socialisation du jeune consommateur est primordiale dans ce travail de recherche pour trois raisons. Sur le plan théorique, elle enrichit notre connaissance de l’apprentissage, du développement des compétences en matière de consommation et d’appropriation des objets et des expériences par le jeune consommateur. Sur le plan managérial, la recherche sur les finalités de la socialisation économique du jeune consommateur donne un aperçu unique des croyances et de la culture d’un segment de consommateurs très important (enfants, préadolescents, adolescents, post-adolescents, etc.) mais encore assez peu étudié. A partir de ce premier travail interprétatif, l’objectif du chapitre 3 consistera à approfondir trois notions principales par rapport aux concepts mobilisables pour poursuivre notre travail de recherche. Ainsi, le fait de présenter l’évolution des différents processus de socialisation économique du jeune consommateur, nous amène à privilégier certains concepts tels que « compétence, appropriation, collégien ». Il s’agira alors de justifier l’intérêt d’opérer ces déplacements conceptuels pour affiner notre problématique de recherche et être en mesure d’aborder d’un point de vue conceptuel toute la richesse des modalités du processus de socialisation et d’apprentissage de la consommation.

La deuxième partie « met en regard les représentations de la notion de compétence de consommation issues des cultures collégiennes et du monde professionnel ». Le chapitre 4 précise la posture épistémologique que nous adoptons pour conduire la recherche. Les chapitres 5 et 6 proposent une double analyse empirique. La première consiste à décrypter les observations filmées et les entretiens compréhensifs menés auprès des collégiens à travers l’élaboration de portraits destinés à éclairer les modalités de construction des compétences de consommation chez les collégiens.

Ainsi, nous sommes en mesure de cerner les dimensions principales des compétences de consommation telles qu’elles sont perçues par les collégiens. La deuxième collecte empirique comprend une analyse de contenu des entretiens centrés que nous avons réalisés auprès de la cible des praticiens et des professionnels du marketing. Ce qui nous permet de discuter l’intérêt managérial du concept de compétence du consommateur pour établir des stratégies commerciales ciblant les jeunes consommateurs. Ce qui nous permet de proposer un premier regard croisé entre

(31)

collégiens et professionnels du marketing sur la notion de compétence afin d’en discuter la pertinence potentielle.

La troisième partie de notre travail intitulée « Vers une modélisation procédurale de la socialisation économique du jeune consommateur » est scindée en deux chapitres dont les objectifs sont les suivants. L’objectif du chapitre 7 consiste à élaborer un système propositionnel selon quatre niveaux qui sont issus de nos avancées conceptuelles et empiriques : épistémologique ; théorique ; managérial ; institutionnel. Le chapitre 8 propose une synthèse des implications potentielles de la recherche et les voies d’approfondissement que ce premier travail est susceptible d’ouvrir.

(32)

P

REMIERE PARTIE

C

OMMENT CONCEVOIR LA

SOCIALISATION ECONOMIQUE DU

(33)

C

HAPITRE

2 :

E

SSAI DE MISE EN PERSPECTIVE DES THEORIES DE LA SOCIALISATION ECONOMIQUE DU JEUNE CONSOMMATEUR

L’objectif poursuivi dans cette première partie consiste à proposer une analyse critique des différentes approches de la socialisation économique du jeune consommateur. Dans un premier temps, nous présenterons un bilan des approches de la socialisation économique du jeune consommateur considérées comme « classiques » en marketing, en explorant les théories et les courants de pensée majeurs en comportement du consommateur. Dans un second temps, après une réflexion sur les limites des approches - cognitive et processuelle - de la socialisation économique du jeune consommateur, nous tenterons d’ouvrir la voie à de nouvelles considérations théoriques en nous appuyant sur l’apport de la théorie des cultures de consommation (Consumer Culture Theory) (CCT) à la compréhension du phénomène de la socialisation économique des jeunes.

2.1 UNE ENTREE PAR LE DEVELOPPEMENT DES CONNAISSANCES

ECONOMIQUES CHEZ LE JEUNE CONSOMMATEUR

Les premières études sur la socialisation économique du jeune consommateur trouvent leur ancrage dans la théorie du développement cognitif de Piaget (1975). Roedder-John (1999) dans son article « 25 ans de recherche sur la socialisation de l’enfant-consommateur »7 a réalisé une synthèse de la façon

dont les concepts piagétiens ont été mobilisés en comportement du consommateur afin d’élaborer un modèle cognitif de socialisation économique inspiré en grande partie par les travaux de Piaget. En effet, les recherches réalisées par Piaget constituent une référence pour les études sur le développement cognitif et la structuration des connaissances chez les enfants.

7 Roedder-John (1999), “Consumer socialisation of children: A retrospective look at 25 years of Research”. Journal of Consumer Research, 26 (December), pp: 183-213.

(34)

Différentes théories traitant du développent cognitif et des processus d’apprentissage des connaissances chez les enfants et les adolescents co-existent et proposent des définitions variables des stades de développement de l’adolescent/enfant (Brée, 1993 ; Roedder-John, 1999) Nous n’exposerons pas ci-après les nuances de ces modélisations pour privilégier l’analyse de la modélisation du développement de l’intelligence chez l’enfant proposée par Piaget car elle a été largement mobilisée par les chercheurs en marketing pour explorer le processus de socialisation économique du jeune consommateur.

2.1.1 Une approche psycho-cognitive du développement du jeune consommateur

Bien que Piaget ait reconnu qu’au cours de sa croissance, l’enfant dépend fortement de son environnement social qui lui inculque des normes auxquelles il doit se conformer, c’est en réalité de la physiologie et d’une métaphore biologique qu’il tire les deux grandes notions pour la vectorisation du développement de l’intelligence. Les concepts centraux dans sa théorie, l’assimilation, et l’accommodation permettent à l’intelligence d’incorporer de nouveaux objets et de s’adapter à de nouveaux objets de connaissance. Les coordinations dynamiques qui s’établissent entre ces deux processus aboutissent à une équilibration. Ainsi, ces constructions passent par l’action, l’enfant tente d’agir sur le monde en fonction de ses schèmes sensorimoteurs, et les mécanismes d’assimilation lui permettent de se représenter l’objet et d’opérer sur lui ; ensuite, lorsque l’enfant est contraint de modifie ses schèmes sensorimoteurs en fonction de la réalité extérieure qu’il découvre, il effectue une opération d’accommodation. L’équilibration, qui est le jeu dialectique entre assimilation et accommodation, assure le développement cognitif de l’enfant.

En fonction de ces processus cognitifs centraux dans sa modélisation – assimilation, accommodation et équilibration - Piaget en vient à définir 4 stades de développement de l’intelligence chez l’enfant (voir tableau ci-dessous).

(35)

Tableau n°1 : Essai de synthèse des stades de développement de Piaget

Stade et âge Caractéristiques

Stade sensorimoteur (0- 2 ans) Les réactions circulaires primaires se complexifient. L’enfant accède peu à peu à un univers d’objets permanents. L’enfant passe de l’individualisme narcissique au choix objectale et passe des émotions primaires à des sentiments différenciés et durables. Le stade est organisé en 6 sous-stades :

- exercice réflexe

- réaction circulaire primaire - réaction circulaire secondaire

- moyens connus pour situations nouvelles - réactions tertiaire

- combinaison mentale

Stade préopératoire (2 – 7 ans) Le stade préopératoire voit l’essor de la fonction symbiotique, l’apparition du dessin, du jeu symbolique, de l’image mentale. La socialisation, les sentiments moraux, les intérêts et les valeurs se mettent en place. Le stade est divisé en 3 sous-stades :

- 2-4 ans : conquête de la fonction sémiotique

- 4-6 ans : pensée égocentrique et organisation de la représentation

- 6-8 ans : intuitions articulées par la régulation

Stade des opérations concrètes (7 - 12 ans)

Les opérations concrètes se mettent en place. L’enfant acquiert les notions de causalité, comprend les invariants du réel, du poids, du volume…etc. l’enfant devient capable de coopérer. La camaraderie se développe, les jeux se déroulent en s’appuyant sur des règles véritables pour tous. Le sentiment de justice morale et l’autonomie se développent. Le stade est divisé en 2 sous-stades :

- 8-10 ans : opérations concrètes simples (logico arithmétiques : classe, relations numériques) - 10-12 ans : opérations concrètes complexes

(spatio-temporelles)

Stade des opérations formelles (12 - 16 ans)

Les notions de nombre, de volume, de poids, les structures logiques sont acquises. La pensée formelle, qui se construit à ce stade permet l’établissement de relations entre la réalité et la possibilité. Dernier stade de la pensée, c’est pour Piaget le moment où l’intelligence acquiert sa pleine maturité.

(36)

2.1.2 Modélisation des stades de développement cognitif du jeune consommateur

En s’appuyant sur la théorie et les concepts piagétiens du développement cognitif et social de l’enfant, Roedder-John (1999) propose un modèle cognitif de socialisation économique du jeune consommateur afin de répondre à la problématique suivante : « quelles sont les connaissances dont disposent les jeunes en matière de consommation et comment évoluent- elles d’un stade à un autre ? » (voir tableau ci-dessous). Ce modèle se focalise sur l’étude des connaissances et des raisonnements maîtrisés par le jeune consommateur en fonction de son stade de développement cognitif. En effet, le modèle conceptuel de Roedder-John décrit les principales caractéristiques en matière de connaissances et de raisonnement économique des enfants et identifie les mécanismes de développement cognitif permettant ces évolutions. La mise en perspective de ces modifications dans les connaissances et les raisonnements des enfants conduit Roedder-John à proposer une description en termes de stades de développement du processus d’acquisition progressive par les enfants des connaissances économiques jusqu’à ce qu’elles égalent celles que les consommateurs adultes mobilisent dans leurs comportements de consommateurs.

Contrairement à Piaget, Roedder-John propose trois stades principaux au lieu de quatre:

- le stade perceptuel (3-7 ans) qui tient son nom de l’importance que les enfants accordent, durant cette phase, à leurs perceptions plutôt qu’à leur interprétation abstraite et symbolique ;

- le stade analytique (7-11 ans) qui est ainsi nommé pour souligner les capacités d’analyse croissantes dont les enfants font preuve pour aborder la réalité ; et enfin

- le stade réfléchi (11-16 ans) qui tire son nom de l’importance que les enfants donnent durant cette phase à la compréhension des contextes sociaux et aux significations de la consommation.

(37)

Tableau n°2 : Les stades du développement cognitif du consommateur Caractéristiques Stade perceptuel

3-7 ans Stade analytique 7-11 ans Stade réfléchi 11-16 ans Structures des connaissances : orientation

Concrète Abstraite Abstraite

Intérêt principal Attributs perceptuels Attributs fonctionnels ou sous-jacents Attributs fonctionnels ou sous-jacents Complexité Unidimensionnelle simple Contingente (règle si- alors)

Contingente (règle si- alors)

Perspective Egocentrique

(sa propre perspective)

Perspectives duales (moi + les autres)

Perspectives duales dans un contexte social

Stratégies de prise de décision et d’influence :

orientation

Opportune Réfléchie Stratégique

Intérêt principal Attributs perceptuels Attributs saillants Attributs fonctionnels ou sous-jacents Attributs pertinents Attributs fonctionnels ou sous-jacents Attributs appropriés Complexité Un unique attribut Palette limitée de stratégies

Deux attributs ou plus Large palette de stratégies

De multiples attributs Palette complète de

stratégies

Adaptabilité Naissante Modérée Complètement

développée

Perspective Egocentrique Perspectives duales Perspectives duales

dans un contexte social Source : Roedder-John, 2001, p : 92

Ainsi, pour Roedder-John le développement des capacités intellectuelles nécessaires pour que des enfants deviennent des consommateurs est considéré comme un processus comprenant une succession de stades qui ne s’achève que lorsque l’enfant devenu un consommateur adulte. Ces stades sont caractérisés

(38)

par un ensemble de facteurs qui traduisent les changements importants à propos des connaissances acquises et utilisées par l’enfant, des savoir-faire en matière de prise de décisions et des stratégies d’influence sur l’achat. En ce qui concerne le développement des connaissances, le passage du stade perceptuel au stade réfléchi est marqué par une évolution des représentations vers un niveau d’abstraction croissant, par des caractéristiques des objets et des événements qui relèvent plus de l’interprétation, par des représentations qui deviennent de plus en plus complexes.

Les changements en matière de prise de décision et de stratégie d’influence sont caractérisés par des données similaires : l’orientation ciblée devient plus stratégique, les caractéristiques prises en compte sont moins perceptuelles et plus sous-jacentes. Pour Roedder-John (1999), les caractéristiques de chaque stade peuvent être déclinées ainsi :

Le stade perceptuel (3-7 ans) : il se caractérise par une focalisation générale sur des caractéristiques perceptuelles immédiates et observables du marché. La connaissance des enfants consommateurs est composée de caractéristiques et de distinctions perceptuelles, souvent fondées sur une seule dimension ou un seul attribut, et ces détails concrets proviennent de leur propre observation. Ces enfants sont familiarisés avec certains concepts du marché comme les marques ou les magasins de détail. Les décisions sont souvent prises sur la base d’une information limitée, qui se résume souvent à une simple dimension perçue, comme par exemple la taille. Les enfants de cet âge ont du mal à analyser simultanément leur propre point de vue et celui des autres ;

Le stade analytique (7-11 ans) : c’est durant cette période que s’opèrent les développements les plus importants sur le plan des savoir-faire et des connaissances. Le passage d’une forme de pensée perceptuelle à une autre forme symbolique mise en évidence par Piaget, accompagné de progrès importants en matière de traitement de l’information, aboutit à une perception plus complexe du marché, une connaissance accrue des concepts comme les marques et la publicité. Ainsi, le raisonnement

(39)

s’opère à un niveau plus abstrait, ce qui favorise le développement de structures cognitives qui contiennent de l’information sur des sujets abstraits comme les motivations des publicitaires. Par conséquent, les enfants adaptent mieux leur prise de décisions, ce qui leur permet d’être efficaces et plus réactifs ;

Le stade réfléchi (11-16 ans) : est caractérisé par la poursuite de l’évolution vers un développement cognitif et social. Une prise en compte accrue des opinions des autres, ainsi que le besoin de se forger sa propre identité et de se conformer aux attentes du groupe, impliquent une attention plus importante à l’aspect social de la consommation. Les décisions de consommation sont prises de façon de plus en plus adaptée à la situation. Les tentatives d’influence sur les parents ou les amis reflètent une attention sociale accrue lorsque les adolescents deviennent de meilleurs stratèges et négociateurs.

2.1.3 La socialisation économique du jeune consommateur comme conséquence du processus de développement cognitif

L’approche de Roedder-John est fondée sur le principe d’apprentissage via l’acquisition des connaissances en matière de consommation en fonction des stades de développement de l’enfant, trop rapidement réduits aux différentes tranches d’âge décrites auparavant dans le mouvement d’importation de la théorie de Piaget aux recherches en marketing (La Ville & Tartas 2005).

Dans le modèle de Piaget, la possibilité d’une socialisation économique – c’est-à-dire la capacité de l’enfant à se décentrer et à prendre en compte le point de vue d’autrui dans l’élaboration de ses propres raisonnements - constitue l’aboutissement du processus de développement et non son moteur intrinsèque (La Ville & Tartas 2005). Ce qui veut clairement dire que cette modélisation s’intéresse à l’évolution des processus cognitifs qui rendent possible la socialisation de l’enfant dans des sphères économiques. L’aboutissement du développement de l’enfant consommateur est alors sa capacité à se socialiser comme consommateur, au même titre qu’un adulte.

Figure

Tableau n°1 : Essai de synthèse des stades de développement de Piaget
Figure n°1 : Schéma des déterminismes réciproques dans la théorie sociale  cognitive de Bandura
Figure n°2 : le premier modèle de socialisation de Lasswell
Figure n° 3: Modèle conceptuel de la socialisation du consommateur
+7

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