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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Communiquer sur les risques : le programme « gestion et prévention des risques » du C.E.M.A.G.R.E.F.

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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COMMUNIQUER SUR LES RISQUES :

LE CAS DU PROGRAMME “ GESTION ET PRÉVENTION

DES RISQUES ” DU CEMAGREF

Dominique CARTELLIER*, Gisèle PARFAIT**

*Groupe de recherche sur les enjeux de la communication (G.R.E.S.E.C.), Uni. Stendhal-Grenoble 3, **Institut de recherche pour l’ingénierie de l’agriculture et de l’environnement (CEMAGREF)

MOTS-CLÉS : RISQUES NATURELS - MÉDIAS - CRISE

RÉSUMÉ : L’analyse des actions de communication du programme “ risques naturels ” que développe le Cemagref montre la diversité des objectifs et enjeux de la communication sur les risques et les problèmes spécifiques de ce type de communication qui est d’abord communication de crise et s’inscrit dans un contexte de complexité accrue des relations entre science et société.

SUMMARY : The analysis of the communication events of Cemagref’s “natural risks” program reveals the diversity of the objectives when communicating about risks as well as the specific problems of this type of communication, which is first a communication of crisis and which is part of a context of increasing complexity in the relations between science and society.

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1. INTRODUCTION

Le Cemagref (Institut de recherche pour l’ingénierie de l’agriculture et de l’environnement) développe un programme de recherche qui porte sur la gestion et la prévention des risques naturels. Ce programme comprend l’étude des avalanches, des laves torrentielles, des crues et des inondations (y compris liées aux ruptures de barrage) et des incendies de forêts. Ce sont des risques majeurs car ils concernent des territoires importants et entraînent des catastrophes dont la prévention et la réparation impliquent une action collective. On ne peut pas prévoir longtemps à l’avance le jour et l’heure à laquelle ils surviendront.

Les recherches sur les risques naturels au Cemagref sont historiquement et culturellement plutôt centrées sur l’étude des aléas - les phénomènes physiques aléatoires liés aux catastrophes naturelles. Mais, en raison en particulier de la pression de la demande sociale, le Cemagref a été conduit à élargir son programme au domaine de la prévention (c’est-à-dire à s’intéresser à ces phénomènes en intégrant les aspects économiques et humains, la notion de risque naturel comprenant l’aléa et la vulnérabilité).

Le Cemagref, en tant qu’organisme de recherche a une mission de production de connaissances et d’élaboration de méthodes et d’outils. Il a également une mission d’appui technique et d’aide aux services public, mission liée, notamment, à la tutelle du ministère de l’Agriculture dont les conditions sont en train d’être radicalement transformées, ainsi que l’a souligné Michel Callon lors d’un Conseil scientifique le 13 mars 1998 consacré, précisément, à cette question des risque : “ On

assiste actuellement au passage d’une action publique pour laquelle les décisions sont prises dans le secret des administrations à une décision publique qui se construit, au moins avant qu’elle ne soit prise, sur des scènes locales, avec des discussions, des débats qui rassemblent un certain nombre d’acteurs concernés par ces décisions (...). [Le Cemagref] est pris dans une dynamique de construction de ces scènes locales dans lesquelles on discute les décisions qui deviendront d’autant plus légitimes que les discussions auront été ouvertes ”.

Nous nous intéressons ici à la question de la communication sur les risques pour cet organisme public de recherche : s’agit-il d’informer sur des résultats, des méthodes ? de contribuer à la diffusion de la connaissance scientifique et à la culture du citoyen ? de participer à la prévention ? d’aider la décision publique ? Quels sont ses objectifs, ses contraintes, et ses enjeux ?

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2. LE CEMAGREF ET LES RISQUES : QUELLE POLITIQUE DE COMMUNICATION ?

2.1 Les principales actions

Le Cemagref a été confronté à plusieurs épisodes de crise : laves torrentielles du Grand Bornand, de Vaison-la-Romaine, inondations en Camargue, incendie de la Sainte-Victoire, avalanches de février 1999, inondations dans l’Aude de l’automne de cette même année. Les questions particulièrement posées dans le cadre de la communication au Cemagref sont : Que communiquer ? Vers qui ? À quel moment ? Comment ? Les actions de communication consistent en :

1. Avant et pendant les crises

- Veille sur la presse écrite et audiovisuelle pour suivre les informations sur les risques (cette veille peut au demeurant permettre aussi aux scientifiques de recueillir des informations). - Communiqué de presse pour informer (rappeler, signaler...) les compétences du Cemagref et les contacts utiles.

- Préparation de sujets ou de reportages avec un journaliste particulier si la crise se confirme. - Participation à des émissions à la radio ou la TV (“Téléphone sonne”…) si l’occasion se présente.

2. Entre les crises

- Publications scientifiques nationales ou internationales. - Ouvrages techniques publiés chez des éditeurs commerciaux.

- Échanges avec les partenaires (services de restauration des terrains en montagne, ministère de l’Agriculture et de la Pêche, ministère de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement etc.), réalisation d’un guide technique destiné aux services de l’État et aux bureaux d’études, co-production avec E.D.F. d’un CD-Rom pour la formation des opérateurs de terrain à l’inspection visuelle des barrages.

- Actions de sensibilisation vers les décideurs (par exemple, colloque à l’Assemblée nationale).

- Articles, dossiers, document audiovisuel de vulgarisation scientifique.

- Organisation de journées “ portes ouvertes ” du groupement de Grenoble sur des simulations en laboratoire (avalanches, transport de la neige par le vent...), lors de la semaine Science en fête 98.

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2.2 Les objectifs

Ils sont de plusieurs ordres :

- Des objectifs pédagogiques et sociaux : contribuer au développement d’une culture scientifique et technique dans le domaine des risques et ce faisant, contribuer à l’élaboration d’une culture commune du risque).

- Des objectifs de valorisation (transfert de connaissances vers les professionnels). - Des objectifs scientifiques (positionnement académique de l’établissement).

- Des objectifs institutionnels : affirmer ou conforter la place de l’établissement et ses compétences, son expertise ; défendre également l’établissement et ses chercheurs (notamment dans des situations d’expertise).

- Des objectifs économiques : “ vendre ” de la bonne recherche (rendre compte aux actionnaires que sont les citoyens) ; “ vendre ” des recherches utiles (trouver des soutiens financiers, des débouchés à l’offre de recherche…). Cet aspect est particulièrement important dans un contexte de compétition accrue et de recherche de nouvelles sources de financement. La définition de ces objectifs conduit à faire (au moins) quatre remarques.

1 - On retrouve, à travers ces différents objectifs, les courants généraux au sein desquels s’inscrivent depuis une vingtaine d’années les pratiques de diffusion de l’information scientifique, analysées notamment par Pierre Fayard (1988).

2 - Ils traduisent différentes conceptions du risque pour lesquelles la demande en termes de prévention n’est pas la même.

3 - Ils montrent également l’importance des actions vers les médias, notamment pendant les crises. Philippe Roqueplo (1997) insiste sur le rôle essentiel des médias pour élaborer une culture sur les risques. Nous ne sommes pas ici en mesure de faire une analyse de contenu qui serait très certainement riche d’informations. Elle supposerait de s’interroger sur le choix des sujets et la façon dont ils sont traités (fascination des médias qui n’épargne pas les sujets “ scientifiques ”, pour le spectaculaire, pour le malheur des gens, traitement du risque à travers la question de l’indemnisation sans poser celle de la responsabilité individuelle, articles de fond relevant de la rubrique “ science ” mais qui évoluent en faits divers ou actualités en cas de crise etc.) ; sur les journalistes qui les traitent : profil (ou spécialité) scientifique ou généraliste de ces journalistes etc.

4 - Enfin, ces objectifs mettent en évidence la diversité des publics. La communication dans le domaine des risques vise en effet les publics “ traditionnels ” de la communication scientifique et

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technique : communauté scientifique (publications académiques dans des revues à comités de lecture), ingénieurs, techniciens, opérateurs de terrain (études, revues ou ouvrages de vulgarisation techniques), décideurs, grand public (via les médias). Parmi ces publics, les acteurs extérieurs au monde de la recherche (syndicats d’exploitants, représentants de collectivités, utilisateurs etc.) prennent une place de plus en plus grande et sont partie prenante dans la co-construction de l’offre de recherche, dans l’élaboration de la décision, supposant éventuellement la réalisation d’outils de communication particuliers (films vidéo, CD Rom...).

Le positionnement spécifique de l’établissement suppose le développement d’une dynamique d’échanges non seulement avec les services techniques des tutelles, des collectivités territoriales, les opérateurs du terrain mais aussi avec ces acteurs, ce qui, en termes de communication, pose notamment le problème des outils à développer (des outils adaptés à des publics divers dont les besoins ne sont pas identiques et qui parfois ne sont pas très bien identifiés).

3. QUELQUES PROBLÈMES SPÉCIFIQUES À LA COMMUNICATION SUR LES RISQUES

Le domaine des “risques” présente un certain nombre de caractéristiques :

1 - des situations d’urgence, dramatiques, pendant lesquelles les chercheurs peuvent être à la fois sollicités comme scientifiques (expliquer des faits, transmettre une connaissance) et comme experts (donner des réponses susceptible d’aider à la décision) alors qu’ils ne disposent pas forcément d’éléments leur permettant de fonder scientifiquement leur réponse (ROQUEPLO, 1997) ;

2 - des exigences accrues de la part des citoyens, liées sans doute à l’accroissement de la vulnérabilité des sociétés (développement de l’urbanisation etc. ) et à une moindre acceptation du risque (fantasme du risque zéro) ;

3 - une perception du risque qui n’est pas unique et uniforme : le risque résulte d’une construction sociale (une société se donne, accepte les risques qu’elle veut... ou qu’elle peut). La perception qu’ont les scientifiques d’un risque n’est pas la même que celle des gens qui y sont exposés, ce qui pose par exemple le problème de la légitimité d’une culture locale du risque.

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Ces caractéristiques ont des implications en termes de communication :

1 - C’est d’abord une communication de crise, la crise étant un épisode dominé par l’urgence, l’affectif, l’irrationnel, etc. Or, l’activité scientifique s’inscrit dans un temps long qui ne correspond pas à celui, très court, de la crise. L’explication scientifique des phénomènes n’est pas adaptée à l’attente de victimes traumatisées par une catastrophe.

2 - Elle pose le problème de l’articulation entre le savoir “ scientifique ” et le savoir

“ profane ” : l’expression d’un risque en termes de probabilité (risque de crue centennale par

exemple) n’aura sans doute pas beaucoup de signification pour des populations exposées, lors de l’élaboration d’actions de prévention par exemple, à moins que la mémoire d’une catastrophe ancienne ne subsiste.

3 - Elle pose aussi plus globalement les problèmes inhérents à la vulgarisation : celui de la diffusion de la connaissance scientifique alors que l’activité de recherche ne s’inscrit pas forcément dans des préoccupations sociales précises.

4. CONCLUSION

La communication sur les risques s’inscrit dans un contexte de complexité de plus en plus grande des relations entre science et société d’une part, d’évolution de la communication scientifique avec la transformation ou la remise en cause des modalités traditionnelles de circulation des savoirs scientifiques d’autre part. Le Cemagref se trouve à la croisée d’enjeux sociaux, scientifiques, politiques et économiques, du fait du positionnement de l’établissement par rapport à la recherche, l’appui aux services publics et l’expertise et du fait des caractéristiques mêmes du domaine des risques.

La communication sur le programme “ risques ” conduit à s’interroger sur les façons d’accompagner la stratégie et le positionnement spécifique de l’établissement, ce qui suppose le recours aux pratiques traditionnelles de la communication scientifique (avec les contraintes que nous avons évoquées) mais également sans doute, le recours à d’autres formes de communication, prenant notamment en compte les nouveaux acteurs de la demande sociale, qui restent toutefois à définir.

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BIBLIOGRAPHIE

FAYARD P., La communication scientifique publique (de la vulgarisation à la médiatisation), Lyon : Éditions de la Chronique sociale, 1988.

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