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Les textes astronomiques latins : un univers de mots : enquête épistémologique, logique et rhétorique

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Academic year: 2021

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Nunc uideamus quae sint haec

duo nomina quorum pariter

meminit cum dicit : « quae

sidera et stellas uocatis ».

Neque enim hic res una gemina

appellatione monstratur, ut

ensis et gladius, sed sunt

stellae quidem singulares, ut

erraticae quinque, ut ceterae

quae non admixtae aliis solae

feruntur : sidera uero, quae in

aliquod signum stellarum

plu-rium compositione formantur,

ut Aries, Taurus, ut

Andro-meda, Perseus uel Corona, et

quaecumque uariarum genera

formarum in caelum recepta

creduntur. Sic et apud Graecos

coactum,

quod

nos

sidus

uocamus.

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Les textes astronomiques latins : un univers de mots.

Enquête épistémologique, logique et rhétorique.

Thèse en cotutelle

Doctorat en études anciennes

Émilie-Jade Poliquin

Université Laval

Québec, Canada

Philosophiae doctor (Ph.D.)

et

Université Toulouse – Jean Jaurès

Toulouse, France

Docteur

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(3)

III

Nunc uideamus quae sint haec

duo nomina quorum pariter

meminit cum dicit : « quae

sidera et stellas uocatis ».

Neque enim hic res una gemina

appellatione monstratur, ut

ensis et gladius, sed sunt

stellae quidem singulares, ut

erraticae quinque, ut ceterae

quae non admixtae aliis solae

feruntur : sidera uero, quae in

aliquod signum stellarum

plu-rium compositione formantur,

ut Aries, Taurus, ut

Andro-meda, Perseus uel Corona, et

quaecumque uariarum genera

formarum in caelum recepta

creduntur. Sic et apud Graecos

signum stellis

coactum,

quod

nos

sidus

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ÉSUMÉ

Les textes astronomiques latins : un univers de mots. Enquête épistémologique, logique et rhétorique.

Dans cette thèse, nous avons étudié un corpus de dix textes latins abordant des questions astronomiques telles que la forme de l’univers et de la Terre, la description des constellations ou le mouvement des astres et des planètes, à savoir les Aratea de Cicéron, le livre IX du De architectura de Vitruve, le De astronomia d’Hygin, les Astronomica de Manilius, les Arati phaenomena de Germanicus, le livre II de la Naturalis historia de Pline, une large portion du Timaeus a Calcidio translatus commentarioque instructus de Calcidius, les Aratea d’Aviénus, certains chapitres des Commentarii in Somnium Scipionis de Macrobe et, enfin, le livre VIII du De Nuptiis Mercurii et Philologiae de Martianus Capella.

Cette recherche avait pour objectif d’une part de comprendre ce qu’était le savoir astronomique pour les auteurs de ces textes et d’autre part de voir quels étaient les moyens à leur disposition pour transmettre cette connaissance. Pour ce faire, nous avons jeté un regard double sur notre corpus : alors que notre plan a été essentiellement guidé par une enquête épistémologique abordant les grands thèmes de l’astronomie antique – autrement dit, le contenu –, notre analyse a été quant à elle davantage concentrée sur la forme, tant logique que rhétorique, de ces exposés.

Nos analyses nous ont permis de mieux comprendre l’aspect didactique de toutes ces œuvres, aussi diverses soient-elles quant à leur genre, en repérant un certain nombre de procédés littéraires qui leur étaient communs, parmi lesquels nous trouvons la triple mise en scène de l’homme qui observe les phénomènes célestes, de l’homme qui raisonne du ciel lui-même.

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S

UMMARY

Latin Astronomical Texts : a Universe in Words. An Epistemological, logical and Rhetorical Inquiry.

In our thesis, we study a corpus of ten Latin texts discussing astronomical topics such as the shape of the universe, the constellation descriptions and planet movements : the

Aratea by Cicero, the ninth book of the De architectura by Vitruvius, the De astronomia by

Hyginus, the Astronomica by Manilius, the Arati phaenomena by Germanicus, the second book of the Naturalis historia by Pliny, a large part of the Timaeus a Calcidio translatus

commentarioque instructus by Calcidius, the Aratea by Avienus, some chapters of the Commentarii in Somnium Scipionis by Macrobius and, finally, the eighth book of the De Nuptiis Mercurii et Philologiae by Martianus Capella.

The major aims of this research were first to understand what was astronomical knowledge for the authors of these texts and, secondly, to see what were the means at their disposal to convey that knowledge. To achieve this, we did a dual study of our corpus : as our plan was essentially guided by an epistemological inquiry addressing the major themes of ancient astronomy - in other words, content, our analysis was in turn more focused on the form, both logical rhetorical, of these presentations.

Our analyses allowed us to better understand the didacticism or educational aspect of all these works, as diverse as they were, by identifying a number of common literary devices, among which we find the triple staging of the man observing celestial phenomena, of the man who reasons and of the sky itself.

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ABLE DES MATIÈRES

Résumé ... III Summary ... V Table des matières ...VII Table des illustrations ... XI Remerciements ... XV

Introduction ... 1

Existe-t-il une science astronomique à Rome ? ... 1

Le « corpus » des textes astronomiques latins ... 4

Étudier la transmission du savoir ... 13

Une enquête épistémologique ... 15

Une analyse logique et rhétorique ... 17

Définition des concepts ... 18

Visées de la recherche ... 23

Partie I La logique des discours astronomiques : une observation céleste entre raison et sens ... 29

« Définition » de l’observation astronomique ... 31

L’observation des apparences : un ciel accessible à tous, mais compris par l’initié ... 31

Un concept, un acte à la terminologie variée ... 36

Un acte qui doit être mis en contexte ... 39

Fonctions de l’observation dans les exposés astronomiques ... 42

Fonction descriptive ... 42 Fonction « expérimentale » ... 46 Fonction analogique ... 51 Fonction démonstrative ... 57 Limites de l’observation ... 70 Conclusion ... 75

Partie II La démonstration du savoir physique et astronomique ... 77

Cosmologie : entre physique et métaphysique ... 95

Les principes ... 98

Le(s) premier(s) principe(s) ... 101

La matière ... 106

Les éléments et leurs transformations ... 108

L’espace ... 120

La frontière du monde ... 120

Les dimensions du monde ... 121

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Le temps ... 131

L’éternité et le temps ... 131

La génération et la corruption ... 134

La mesure du temps ... 136

Les présupposés physiques ... 137

L’univers ... 137

La Terre ... 142

Les planètes ... 152

Conclusion ... 154

Systèmes planétaires : entre physique et mathématiques ... 157

Le mouvement propre des planètes ... 159

L’ordre des planètes ... 164

Les anomalies planétaires ... 170

Explications de l’inégalité des saisons ... 172

Explications des rétrogradations et des stations planétaires ... 181

Conclusion ... 207

Partie III Les procédés descriptifs : une ekphrasis entre réel et imaginaire ... 209

Représentations matérielles du ciel ... 211

Les globes célestes, sphères armillaires et planétaires ... 212

Leurs influences sur les représentations textuelles ... 218

Ἐνάργεια : faire voir le ciel ... 223

Les constellations et leurs formes ... 224

Les étoiles et leurs magnitudes ... 230

Une vue du ciel en haute définition ... 242

Ἐνέργεια : mettre en scène le ciel ... 252

Pour une périégèse cosmique... 252

Pour une expérience multisensorielle ... 281

Conclusion ... 285

Conclusion ... 289

Un savoir à transmettre ... 291

Un univers à expliquer... 292

Un ciel à décrire... 293

Thématiques communes et originales ... 295

Les poèmes didactiques ... 295

Les commentaires philosophiques ... 298

Les traités et encyclopédies ... 304

Docere : pour une définition du mode didactique ... 310

Bibliographie ... 313

Corpus à l’étude ... 315

Autres sources anciennes ... 316

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Annexes ... 331

1. Occurrence des termes de vision ... 333

2. Répertoire des analogies ... 335

3. Doxographie physique ... 340

Les présocratiques ... 342

Pythagore et les pythagoriciens ... 349

Les atomistes et les épicuriens ... 351

Platon ... 354

Aristote ... 356

Les stoïciens ... 357

Les néoplatoniciens ... 358

Récapitulatif ... 360

4. Distance moyenne des planètes du Soleil ... 361

5. Doxographie des systèmes astronomiques ... 362

Les sphères homocentriques : d’Eudoxe à Aristote ... 362

Les épicycles et les excentriques d’Apollonios de Pergé, d’Hipparque et de Ptolémée ... 366

L’héliocentrisme... 373

6. Un système épicyclique platonicien ? ... 387

7. Magnitude : occurrence des termes référant à l’éclat ... 392

8. Magnitude : liste des étoiles les plus brillantes ... 394

9 Répertoire des constellations boréales et zodiacales ... 397

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ABLE DES ILLUSTRATIONS

Figure 1 : les mouvements hélicoïdaux de la Lune ... 45

Figure 2 : le déplacement du pôle nord en fonction de la précession des équinoxes ... 74

Figure 3 : les polygones des éléments ... 109

Figure 4 : rapport de proportion (continue et discontinue) entre les médiétés ... 110

Figure 5 : rapport de proportion entre les éléments ... 113

Figure 6 : le cycle des éléments ... 114

Figure 7 : la chaîne des éléments ... 115

Figure 8 : la position cosmologique des éléments ... 117

Figure 9 : les proportions du ciel selon la tradition aratéenne ... 122

Figure 10 : la preuve géométrique de la sphéricité des eaux chez Calcidius ... 149

Figure 11 : si la Terre n’était pas un point en regard du ciel ... 151

Figure 12 : l’ordre égyptien des planètes ... 166

Figure 13 : l’ordre chaldéen des planètes ... 167

Figure 14 : l’inégalité des saisons chez Calcidius ... 173

Figure 15 : l’excentrique du Soleil chez Calcidius ... 174

Figure 16 : l’épicycle du Soleil chez Calcidius ... 175

Figure 17 : l’équivalence de l’excentrique et de l’épicycle chez Théon de Smyrne ... 177

Figure 18 : une interprétation médiévale des mouvements de Vénus et de Mercure chez Martianus Capella ... 185

Figure 19 : Vénus et Mercure chez Pline : interprétation médiévale ... 187

Figure 20 : Vénus et Mercure chez Pline : interprétation # 2 ... 188

Figure 21 : Vénus et Mercure chez Pline : interprétation # 3 ... 189

Figure 22 : l’ἐναντία δύναμις de Platon : épicycles au sens de rotation inversé ... 190

Figure 23 : Calcidius et Héraclide ‒ les orbites de Vénus et du Soleil sont concentriques à la Terre ... 192

Figure 24 : Calcidius et Héraclide ‒ système héliocentrique ... 196

Figure 25 : exemples de diagrammes reproduits dans les manuscrits de Calcidius ... 197

Figure 26 : Calcidius et Héraclide ‒ Vénus et le Soleil tournent sur des épicycles ... 198

Figure 27 : Calcidius et Héraclide ‒ Vénus tourne autour du Soleil ... 198

Figure 28 : Calcidius et Héraclide ‒ notre interprétation ... 200

Figure 29 : Calcidius et les épicycles « platoniciens » ... 201

Figure 30 : la théorie radio-solaire : la course des planètes Jupiter et Saturne ... 205

Figure 31 : la théorie radio-solaire ‒ Mars en quadrature ... 205

Figure 32 : gravure représentant un globe céleste ... 212

Figure 33 : mosaïque représentant un globe céleste ... 213

Figure 34 : le globe Kugel ca 300-100 av. J.-C. Galerie J. Kugel Antiquaires, Paris ... 214

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Figure 36 : le zodiaque vu dans le ciel et sur un globe céleste ... 215

Figure 37 : le globe de Mayence ca 150-220 AD Römisch-Germanisches Zentralmuseum, Mayence ... 216

Figure 38 : l’Atlas Farnèse ca 100-200 AD Musée national de Naples ... 216

Figure 39 : la sphère armillaire ... 217

Figure 40 : la constellation Andromède ... 227

Figure 41 : la Coupe – astrothésie et magnitude ... 235

Figure 42 : le Dauphin – astrothésie et magnitude ... 236

Figure 43 : la Couronne boréale – astrothésie et magnitude ... 237

Figure 44 : Cassiopée – astrothésie et magnitude ... 238

Figure 45 : les Pinces (ou Balance) – astrothésie et magnitude ... 239

Figure 47 : le Cancer – astrothésie et magnitude ... 240

Figure 48 : la figure d’Andromède ... 243

Figure 49 : la figure de l’Agenouillé (Hercule) ... 244

Figure 50 : la figure du Cheval (Pégase) ... 245

Figure 51 : Persée – astrothésie et magnitude ... 246

Figure 52 : la figure de Persée ... 247

Figure 53 : la figure du Lièvre ... 247

Figure 54 : la figure de la Vierge ... 248

Figure 55 : la figure de l’Hydre ... 249

Figure 56 : la figure du Dragon ... 249

Figure 57 : la figure du Lion ... 250

Figure 58 : la figure du Capricorne ... 251

Figure 59 : ordre de présentation des constellations nordiques et zodiacales – Aratos et ses traducteurs ... 259

Figure 60 : ordre de présentation des constellations nordiques et zodiacales – Manilius .. 261

Figure 61 : ordre de présentation des constellations nordiques et zodiacales – Hygin ... 262

Figure 62 : ordre de présentation des constellations nordiques et zodiacales – Vitruve .... 264

Figure 63 : ordre de présentation des constellations nordiques et zodiacales – Martianus Capella ... 267

Figure 64 : la physique et ses écoles selon Calcidius ... 341

Figure 65 : les sphères homocentriques de Mars ... 364

Figure 66 : l’hippopède ... 364

Figure 67 : excentrique ... 368

Figure 68 : deux types d’épicycle ... 368

Figure 69 : le théorème des points stationnaires ... 370

Figure 70 : les mouvements planétaires : marche directe, stations et rétrogradation ... 370

Figure 71 : épicycle avec déférent excentrique ... 372

Figure 72 : le point équant dans le système ptoléméen (planète supérieure) ... 373

Figure 74 : le jour et la nuit selon Philolaos ... 375

(13)

Figure 76 : la Terre et l’Anti-Terre de Philolaos ‒ Hypothèse # 2 ... 378 Figure 77 : la Terre et l’Anti-Terre de Philolaos ‒ Hypothèse # 3 ... 379 Figure 73 : les pesons de la République de Platon ... 390

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EMERCIEMENTS

Un site bien connu où les doctorants aiment procrastiner a choisi comme slogan : « Grad school : better than getting a real job ! ». À l’heure des bilans, après cinq années de doctorat et huit ans aux cycles supérieurs, je ne peux pas nier toute la chance que j’ai eue : ce fut peut-être parfois aussi difficile qu’un marathon, mais comment pourrais-je regretter tant de belles rencontres, de raisons – justifiées en plus ! – de parcourir le monde et d’expériences humaines et professionnelles enrichissantes ? Je remercie donc tous ceux et celles qui m’ont encouragée à sauter à pieds joints dans cette belle aventure et qui m’ont soutenue à chacun de ses détours.

Un grand merci à mon directeur de recherche, Alban Baudou, qui, depuis toutes ces années, a démontré à maintes reprises sa curiosité et son ouverture d’esprit. Aviez-vous conscience que vous ouvriez une telle boîte de Pandore quand vous avez accepté que je travaille sur Macrobe et l’astronomie à la fin de mon baccalauréat ? Vous m’avez permis de renouer avec une de mes passions et m’avez accompagnée hors des sentiers battus. Merci !

Toute ma gratitude à Mireille Armisen-Marchetti qui s’est jointe à ce tandem pour mes études doctorales. J’ai senti de votre part, dès les premiers instants, un soutien indéfectible. Vous imaginer, courant à travers le Mirail pour faire signer ma demande de bourse au président de l’université avant même que nous nous rencontrions une première fois, me fait encore aujourd’hui chaud au cœur.

Cette thèse n’aurait pas été non plus possible sans le soutien financier du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada et du programme de bourse Frontenac.

Merci à Pascale Fleury, ma prélectrice, de m’avoir offert des conseils toujours judicieux… et surtout, de m’avoir fait découvrir, au grand dam de mon directeur, l’univers fascinant de la rhétorique.

Mes sincères remerciements aux distingués membres de mon jury, Béatrice Bakhouche, Pierre Kerszberg et Katharina Volk. Je suis honorée que vous ayez si gentiment accepté d’évaluer l’humble résultat de mes recherches.

Je tiens également à remercier Luc Langlois, président « honorifique » de ce jury. Certes, vous ne m’avez jamais enseigné, mais les quatre ans que j’ai passés avec vous à traduire l’insaisissable Baumgarten auront laissé leur marque sur ma rigueur, ma discipline de travail et ma persévérance.

Un immense merci à ma famille et à mes amis qui m’ont endurée toutes ces années.... même si je pouvais parfois vous parler avec un peu trop d’enthousiasme du rôle de l’Anti-Terre dans la théorie héliocentrique de Philolaos.

Un merci spécial aux deux nouvelles grands-mamans qui ont eu la tâche – ô combien pénible – de cajoler bébé Thomas et qui m’ont ainsi permis d’atteindre la ligne d’arrivée avec un peu plus de sommeil et d’énergie.

Dernier, mais non le moindre, merci à mon amoureux, Maxime. La dernière année fut haute en couleur. Dans cette montagne russe de joies et de doutes, tu as été d’un soutien inestimable dans ce triple accouchement, en seulement quelques mois, de mon premier cours, de mon premier enfant et maintenant de ma thèse. Merci d’être dans ma vie !

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I

NTRODUCTION

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XISTE

-

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IL UNE SCIENCE ASTRONOMIQUE À

R

OME

?

Il est difficile d’introduire une étude sur l’astronomie latine sans reprendre ce lieu commun : existe-t-il une science astronomique à Rome ? Tous ceux qui ont abordé de près ou de loin cette discipline ont dû répondre à cette question pour justifier leurs études. En effet, lorsqu’on évoque l’astronomie antique, on pense aux Babyloniens et à leurs éphémérides, aux Égyptiens et à leur calendrier, mais, d’abord et avant tout, aux Grecs. Viennent tout de suite à l’esprit du connaisseur les noms célèbres de Platon pour le concept de circularité, d’Eudoxe et d’Aristote pour leurs sphères homocentriques, d’Apollonios de Pergé pour la théorie des épicycles et des excentriques, d’Hipparque pour la précession des équinoxes et enfin, de Ptolémée pour sa formidable synthèse de la matière astronomique. Dans ce survol, seuls les spécialistes avertis nommeront un Hygin, un Manilius ou un Pline l’Ancien ; les auteurs latins plus tardifs, comme Macrobe, Martianus Capella ou Calcidius, le seront parfois… et, dans ce cas, ils seront bien souvent cités pour expliquer la pauvreté des idées du Moyen Âge occidental dans ce champ d’études.

Pourtant, il est injuste de dénier aux Romains tout intérêt pour les astres. Ceux-ci sont, au contraire, au cœur de bon nombre de leurs préoccupations, qu’il s’agisse du marin visant à garder le cap, de l’agriculteur devant trouver ses repères dans l’année, du poète y cherchant une source d’inspiration, du simple citoyen friand d’horoscopes, de l’architecte voulant orienter son bâtiment ou construire une horloge solaire ou, comme nous l’ont raconté quelques auteurs, du général devant convaincre ses soldats qu’une éclipse n’est pas signe de malheur1.

Doit-on reprocher aux Romains l’absence de théories nouvelles ? Selon A. Le Bœuffle, ce ralentissement ne leur est pas spécifique, mais est plutôt symptomatique d’une époque : « cet essor extraordinaire de l’astronomie hellénique va quelque peu s’essouffler, en partie sous l’influence de tendances irrationnelles. Ce sera l’époque des

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vulgarisateurs (Posidonius, Géminos, Cléomède, Théon de Smyrne, etc.) »2. L’astronomie mathématique – seule forme acceptable de cette science, diront bien des Modernes – ne renaît que pour quelques instants, au IIe siècle de notre ère, dans les écrits de Ptolémée.

Cette « vague de vulgarisation » ne déferle pas seulement sur la Grèce ; elle atteint même le monde romain où elle trouve aussi un terreau fertile. De la fin de la République à l’orée du Moyen Âge se succèdent ainsi les poèmes didactiques, les manuels d’initiation, les parties d’encyclopédie et les chapitres de commentaires philosophiques consacrés à l’astronomie. Toutes ces formes littéraires, en apparence disparates, ont la particularité commune d’être à divers degrés des compilations. C’est ce qui explique en partie le peu d’intérêt que les Modernes accordent généralement à ces textes. En effet, la compilation est un « genre » oublié, délaissé à la fois par les littéraires qui en critiquent le style tantôt trop aride, tantôt trop scolaire et par les scientifiques qui en dénoncent les conclusions bien souvent fautives. De plus, depuis le XIXe siècle et le mouvement de la Quellenforschung, un doute plane ; faute de trouver les sources directes qui ont été utilisées par les auteurs des compilations, les Modernes remettent en cause l’originalité de ces œuvres : elles ne seraient que de pâles copies d’originaux aujourd’hui perdus.

Pourtant, la tâche n’était pas si simple pour ces Latins désirant prendre part à la diffusion du savoir astronomique : pour réaliser ces compilations, il fallait non seulement tenter de comprendre et de maîtriser cette science complexe – objectif qu’ils atteignent avec plus ou moins de succès –, mais surtout la présenter dans une langue autre que celle dans laquelle la discipline s’était développée – d’autant plus que la connaissance du grec, commune aux premiers siècles avant et après J.-C., tend à se faire de plus en plus rare par la suite.

Dans cette optique, depuis le milieu du XXe siècle, une attitude plus positive à l’égard des Romains et de l’astronomie a été adoptée par certains. Grâce aux traductions et aux études des cinq chercheurs suivants, tout ce pan de la littérature latine est maintenant mieux compris et apprécié.

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L’Américain William Harris Stahl a consacré sa carrière à la science romaine, notamment astronomique et géographique. Son intérêt s’est concrétisé par la rédaction d’une synthèse sur l’apport des Romains en histoire des sciences3 et par la traduction de deux œuvres qui connurent une immense diffusion à l’époque médiévale : le De nuptiis

Mercurii et Philologiae de Martianus Capella en 1977 et les Commentarii in Somnium Scipionis de Macrobe en 1990.

André Le Bœuffle, après avoir rédigé une thèse sur le vocabulaire astronomique latin, a publié quelques monographies incontournables dans ce domaine – Les noms latins

d’astres et de constellations en 1977; Astronomie, Astrologie. Lexique latin en 1987 ; Le ciel des Romains en 1989 – et a réalisé l’édition et la traduction de trois textes importants

du corpus astronomique romain, ceux de Germanicus, d’Hygin et de Martianus Capella, publiées respectivement en 1975, 1987 et 1998. Il a en outre écrit de nombreux articles sur divers aspects de cette science4.

Jean Soubiran, parallèlement à ses études sur la métrique latine, s’est aussi efforcé de diffuser ce savoir en éditant un autre pan de ce corpus : le tome IX du De architectura de Vitruve en 1969 et deux des traductions latines des Phénomènes d’Aratos : celle de Cicéron, qui ne nous est parvenue que sous forme de fragments, en 1972 et celle plus tardive d’Aviénus en 1981. Ce travail l’a amené à participer à divers colloques dédiés à cette discipline5.

Plus récemment, Wolgang Hübner, spécialiste d’astrologie antique, a publié également de nombreux articles, dans plusieurs langues, touchant non seulement à l’astronomie antique en général6, mais aussi à sa branche romaine7, notamment par l’étude du texte de Manilius8.

3 W. H. Stahl, Roman Science. Origins, Development and Influence to the Later Middle Age, 1962.

4 Sur l’astrologie ou sur divers aspects mythologiques des légendes stellaires, cf. A. Le Bœuffle, « Histoire de la Grande Ourse, ou les métamorphoses d’une constellation », 1985 ; « Pline et l’astrologie », 1987 ; « Autour du Dragon : astronomie et mythologie », 1996.

5 J. Soubiran, « L’astronomie à Rome », 1979 ; « Mythologie et astronomie 2, Le ciel étoilé vu par la jalousie de Junon (Sénèque, Herc. fur., 3-18) », 1996.

6 W. Hübner, « L’iconographie du ciel étoilé des Anciens », 2005 ; « De astrologia antiqua », 1998-1999 ; « The Ptolemaic View of the Universe », 2000.

7 Idem, « Die Rezeption der Phainomena Arats in der lateinischen Literatur », 2005.

8 Idem, « Die Dodekatropos des Manilius : (Manil. 2, 856-967) », 1996 ; « Das Sternbild des Dreiecks bei Manilius (1, 351-354) », 2005.

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Enfin, Béatrice Bakhouche consacra aussi ses écrits au côté latin tant de l’astronomie que de l’astrologie antiques puisque ces deux disciplines étaient fort liées à cette époque. Après avoir organisé un colloque international sur les astres en 19959, elle a publié deux volumes de synthèse sur ces questions : Les textes latins d’astronomie : un

maillon dans la chaîne du savoir en 1996 et L’astrologie à Rome en 2002. Son édition

traduite et commentée du Commentaire au Timée de Platon écrit par Calcidius est parue en 2011.

Tous ces auteurs ont à peu près les mêmes conclusions : si l’on doit absolument reconnaître que les textes latins ne véhiculaient pas l’état le plus avancé qu’avait atteint l’astronomie dans l’Antiquité – bien qu’on y trouve ici et là quelques données d’une étonnante technicité –, on ne peut nier le rôle majeur qu’ils ont tenu dans l’histoire : Édouard Jeauneau10, parlant de Macrobe, Martianus Capella, Calcidius et Boèce, les présentait même comme les gardiens de la connaissance non seulement philosophique, mais aussi scientifique qui fut transmise à l’époque médiévale. Le nombre de manuscrits, de recueils de textes et de commentaires qui découlent de ces ouvrages en sont autant de preuves.

L

E

«

CORPUS

»

DES TEXTES ASTRONOMIQUES LATINS

Les textes astronomiques latins ne forment pas par eux-mêmes un corpus homogène, bien que certaines de ces œuvres ou extraits tirés de celles-ci aient été rassemblés à l’époque médiévale. Sous cette appellation, nous regroupons des ouvrages de genres et d’époques bien différents, allant de la fin de la République jusqu’au seuil du Moyen Âge. En fait, puisque la littérature latine est littéralement parsemée de références aux étoiles, nous avons fait le choix de restreindre notre corpus aux textes qui soit se dédiaient entièrement à la question des astres, soit y consacraient une portion assez substantielle et cohérente en elle-même. Ce que nous nous entendons par l’étude des astres, c’est un certain nombre de questions astronomiques telles que :

- la description physique du monde, la forme de l’univers et de la Terre ; - la description des cercles célestes ;

9 Les astres — Tome 1 : Les astres et les mythes. La description du ciel et Les astres — Tome 2 : Les

correspondances entre le ciel, la terre et l’homme. Les « survivances » de l’astrologie antique

(B. Bakhouche, A. Moreau et J.-C. Turpin, éds), 1996. 10 É. Jeauneau, « L’héritage de la philosophie antique », 1975.

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- la description et le positionnement des constellations ; - le mouvement des astres et des planètes ;

- et d’autres considérations d’ordre mathématique ou physique parmi lesquelles se trouvent la taille des astres ou les éclipses.

Dix textes répondent à ce critère, dont nous ferons ici une présentation rapide11.

Cicéron, Aratea

Parmi les œuvres de jeunesse de Cicéron (106-43 av. J.-C.), on connaît 575 vers de sa traduction personnelle du célèbre poète astronomique Aratos. Avec ses Aratea, qui ne nous sont pas parvenus en entier, Cicéron est reconnu pour être le premier à avoir transmis en latin la science astronomique grecque et ainsi avoir développé une langue propre à cette discipline. Ces fragments poétiques ont été édités et traduits par Jean Soubiran en 1972 dans la Collection des Universités de France. L’intérêt de Cicéron pour les astres réapparaît par ailleurs plus tard dans ses écrits, notamment au livre II de son traité De natura deorum, exposé qui ne correspond pas à nos critères et a donc été exclu de notre corpus.

Vitruve, De architectura (livre IX)

Nous savons seulement de l’auteur du De architectura ce qu’il dit de lui-même dans son ouvrage : ingénieur dans l’armée de César, il s’occupa tour à tour d’artillerie, d’aqueducs et de construction – a d’ailleurs été conservé le plan d’une basilique qu’il fit bâtir à Fanum. Pierre Gros place la rédaction de cet ouvrage à l’époque proto-augustéenne12.

11 Il convient de noter que ces notices ne constituent qu’une simple entrée en matière (bref aperçu de l’auteur, repères chronologiques, place de l’astronomie dans leurs œuvres, extraits ciblés pour notre étude et éditions choisies). Nous ne nous engagerons pas ici dans les polémiques érudites et souvent insolubles que l’on a pu soulever autour de questions d’attribution ou de datation. En effet, ces questions alourdiraient inutilement cette introduction alors que le résultat de ces débats n’a que très peu d’impact sur notre étude. Nous nous contenterons de citer ici et là en note quelques articles qui pourront permettre au lecteur intéressé d’approfondir cette matière. Des revues plus exhaustives de la littérature concernant chacun de ces auteurs apparaissent lorsque nécessaire au fil de notre étude.

12 Cf. P. Gros, « Vitruve. De architectura. Introduction générale », 2006 [1997], p. 410 : « Il apparaît finalement qu’aucune des données utilisées par Vitruve dans ce livre III n’est postérieure aux années 27-23 avant J.-C. Dire autre chose, et par exemple que la rédaction de ce livre, ou a fortiori de tout le traité, n’est pas postérieure à ces années serait certainement abusif. Nous ne savons pas comment Vitruve travaillait, ni combien de temps s’est écoulé entre le rassemblement de ses fiches et leur mise en forme. Mais ces indications, jointes à celles de praef. I, nous orientent vers la fin du Second Triumvirat et les toutes premières années du Principat pour l’achèvement des phases principales de la rédaction, disons la décennie 36-25 avant J.-C. ».

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Dans son De architectura, Vitruve entendait écrire un compendium des notions qui pouvaient être utiles à l’architecte, notions qui, comme nous pouvons le voir par son plan, débordent amplement les limites de cette discipline pour atteindre celles de l’ingénierie :

I- généralité et urbanisme ; II- matériaux et techniques ; III et IV- construction de temples ; V- construction d’édifices publics ; VI et VII- demeures privées ;

VIII- ingénierie hydraulique ; IX- astronomie et gnomonique ; X- mécanique civile et militaire.

L’inclusion de l’astronomie dans un tel traité technique peut surprendre. C’est que, selon Vitruve, l’étude du ciel et de la mécanique céleste faisait partie des connaissances générales que devait acquérir tout bon Romain cultivé, particulièrement celui qui devait concevoir des horloges. En effet, la gnomonique ou art de calculer le temps – notamment par la conception d’horloges solaires – dépendait directement de cette science.

Nous porterons notre attention sur la portion purement astronomique du neuvième livre – soit les chapitres 1 à 6 –, excluant ainsi cette seconde portion technique. Nous nous référerons à l’édition critique de Jean Soubiran dans la Collection des Universités de France, publiée en 1969.

Hygin, De astronomia

On associe généralement l’auteur du De astronomia à C. Julius Hyginus, philologue connu à l’époque d’Auguste comme directeur de la bibliothèque palatine. De condition servile, il serait né en Espagne ou en Égypte vers 64 av. J.-C., aurait été amené à Rome par César et affranchi par le premier empereur. Polygraphe, il a écrit de nombreux ouvrages sur des sujets les plus divers (De familiiis Troanis, De uita rebusque illustrium uirorum, De

origine situque urbium Italicarum, De apibus et De agricultura, etc.). De ceux-ci, seuls

quelques fragments ont toutefois été préservés. Bien que certains le contestent encore aujourd’hui13, deux autres ouvrages, conservés cette fois in extenso, lui sont aussi

13 Pour un bref état de cette question, cf. l’article de P. Mascoli, « Igino bibliotecario e gli Pseudo Igini », 2002.

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attribués : l’un consacré à l’astronomie, le De astronomia, et l’autre à la mythologie, connu sous les noms de Genealogiae ou de Fabulae.

Le De astronomia est un manuel d’initiation astronomique divisé en quatre livres : I- abrégé cosmographique ;

II- légendes stellaires ;

III- description de la voûte étoilée (position des constellations) ; IV- étude des cercles célestes et des mouvements du ciel.

Hygin souhaitait y faire en prose une description de l’univers plus claire et plus complète que celle d’Aratos, notamment en y intégrant de nouveaux éléments d’inspiration pythagorico-platonicienne.

Pour notre étude, nous concentrerons notre attention sur les livres I, III et IV (excluant ainsi le livre II consacré aux légendes des catastérismes). Nous utiliserons les éditions d’André Le Bœuffle et de Ghislaine Viré14.

Manilius, Astronomica

Nous ne savons à peu près rien de Marcus Manilius, l’auteur des Astronomica. Quelques indices, glissés ici et là dans l’ouvrage, nous permettent cependant de placer la rédaction du poème sous les règnes d’Auguste ou de Tibère15.

Les Astronomica forment un manuel moins astronomique qu’astrologique, divisé en cinq livres composés en hexamètres dactyliques :

I- description du ciel (catalogue des constellations, planètes, cercles célestes et comètes) ;

II- caractéristiques des signes du zodiaque et relations possibles entre eux ; III- description des 12 athla, diverses considérations temporelles (calcul des

levers et des couchers zodiacaux, durée du jour et de la nuit, durée de la vie) ;

IV- influence du zodiaque et survol géographique ;

V- Paranatellonta, influence de ces constellations extrazodiacales et

magnitudes célestes.

14 Hygin, L’astronomie, texte établi, traduit et commenté par A. Le Bœuffle, Paris, Les Belles Lettres, 1983 ;

De astronomia, texte établi par G. Viré, Stuttgart, Teubner, 1992.

15 Trois hypothèses s’affrontent sur ce sujet : la rédaction se situe exclusivement 1) sous le règne d’Auguste ; 2) sous le règle de Tibère (idée émise par K. Lachmann au début du XIXe siècle) ; ou 3) la rédaction a débuté sous Auguste et s’est terminé sous Tibère (hypothèse défendue notamment par les éditeurs A. E. Housman et G. P. Goold). K. Volk, dans son livre Manilius and his Intellectual Background (2009, p. 137-161), défend pour sa part la première option.

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Dans cet ouvrage, Manilius expose une vision stoïcienne du monde où tout n’est qu’enchaînement de causes.

Seul le livre I nous intéressera en entier puisqu’il est consacré aux sujets astronomiques. À celui-ci, nous ajouterons toutefois deux autres passages : les vers 160 à 509 du livre III où Manilius, pour déterminer l’horoscope d’un individu, doit connaître le degré précis de l’écliptique qui s’est levé à l’horizon au moment de sa naissance, degré qui varie en fonction des signes et du temps de l’année et qui nécessite donc de nombreux calculs ; et les tout derniers vers du livre V (710-745) où est traitée la question des magnitudes stellaires. Nous utiliserons pour notre analyse l’édition de George P. Goold publiée chez Teubner en 1985 et réutilisée par lui, assortie d’une traduction, dans la Loeb Classical Library, en 1997.

Germanicus, Arati phaenomena

Germanicus (15 av. J.-C. – 19 apr. J.-C.), neveu de Tibère et époux d’Agrippine l’Ancienne, la petite-fille d’Auguste, composa vers les années 16 ou 17 sa propre version latine des Phaenomena et des Prognostica d’Aratos. Seule la première œuvre fut toutefois conservée en totalité.

Germanicus, en prenant de plus grandes libertés vis-à-vis de l’original grec que son prédécesseur Cicéron, réussit dans sa traduction à faire une œuvre qui lui est propre. En effet, bien qu’il restât en général assez fidèle à son modèle grec, il sut y intégrer avec justesse de nouveaux éléments tant poétiques que scientifiques – par exemple, les ajustements qu’Eudoxe avait opérés par rapport aux données aratéennes.

Nous étudierons ces Phaenomena d’après le texte édité par André Le Bœuffle dans la Collection des Universités de France en 1975.

Pline l’Ancien, Naturalis historia

Pline l’Ancien (23/24-79 apr. J.-C.), après avoir compilé des centaines et des centaines de citations accumulées au fil de ses lectures, écrivit sur de multiples sujets : du maniement des armes jusqu’à l’histoire. Ces œuvres, et bien d’autres aujourd’hui perdues,

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ainsi que sa méthode de travail, nous sont connues par le biais de son neveu, Pline le Jeune16.

Son œuvre maîtresse reste la Naturalis historia, encyclopédie du savoir de l’homme sur lui-même et sur le monde, en 37 tomes :

I- index des sujets et des sources ;

II- description de l’univers et revue des quatre éléments ; III à VI- géographie ;

VII- l’homme ;

VIII à XI- zoologie ; XII à XIX- botanique ;

XX à XVII- remèdes tirés des plantes ; XVIII à XXII- remèdes tirés des animaux ; XXIII à XXXVII- minéralogie.

Dans ce panorama du monde naturel, Pline passe du macrocosme au microcosme. La description de l’univers et des astres est le parfait point de départ pour ce voyage.

Le livre II ne sera toutefois pas étudié en entier puisque Pline y traite aussi de certains phénomènes sublunaires : météorologie, tremblements de terre, volcans, vents, etc. Nous étudierons les paragraphes 1 à 101 (sur l’univers, les planètes, les astres et les comètes) et 160 à 190 (sur la forme et la position de la terre et sur la géographie céleste). L’édition traduite et commentée de Jean Beaujeu publiée dans la Collection des Universités de France en 1950 servira de référence.

Calcidius, Timaeus a Calcidio translatus commentarioque instructus

Nous ne savons rien de la figure historique de Calcidius. La dédicace de son œuvre à un certain Osius a néanmoins permis aux Modernes d’élaborer quelques conjectures : ce nom pourrait être associé à un évêque de Cordoue ayant vécu environ de 257 à 357 après J.-C. – ce qui placerait la rédaction du commentaire autour de 325-350 – ou à un fonctionnaire de la cité de Milan, actif autour de l’an 395, qui nous est connu par le biais d’une épitaphe – ce qui retarderait quelque peu la rédaction de son ouvrage. L’attachement de Calcidius d’une part au christianisme et d’autre part à un mélange de philosophie médio- et néoplatonicienne a aussi alimenté cette question. Rien ne nous permet toutefois de

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conclure avec certitude et d’avancer une date plus précise que le troisième ou le quatrième siècle de notre ère.

Nous ont été transmis sous le nom de Calcidius une traduction du Timée de Platon en langue latine – se terminant au paragraphe 53c des éditions modernes du texte platonicien – et un commentaire philosophique de cette œuvre, articulé autour des thématiques suivantes :

- la genèse du monde ; - l’origine de l’âme ; - l’harmonie ; - les nombres ;

- les corps célestes et le ciel ; - les quatre éléments ; - l’origine du genre humain ; - la vue ;

- la matière.

Le texte de Platon fournit à Calcidius l’objet de nombreux développements astronomiques : les chapitres 56 à 118 inclusivement sont consacrés à cette discipline. C’est donc ce long extrait qui retiendra notre attention. Nous emploierons l’édition réalisée par Béatrice Bakhouche en 2013, à la Librairie philosophique J. Vrin.

Aviénus, Aratea

Après l’avoir distingué de ses homonymes (notamment l’Aviénus des Saturnales de Macrobe et l’Avianus fabuliste), on attribue généralement cette version des Phénomènes

d’Aratos à Rufius Festus Aviénus, un ancien proconsul – d’Achaïe ou d’Afrique – qui

vécut au cours du IVe siècle de notre ère. Parallèlement à sa carrière politique, ce dernier s’est intéressé de près à la poésie didactique en composant trois ouvrages : deux rédigés en hexamètres dactyliques (la Descriptio orbis terrae et les Aratea) et un en trimètres iambiques (l’Ora maritima).

À la suite de Cicéron, d’Ovide, de Germanicus et de bien d’autres dont les œuvres ont été perdues, Aviénus a lui aussi réalisé sa propre traduction des Phaenomena d’Aratos. Face aux 1154 vers de l’original, il en composa 1878. Cette amplification s’explique principalement par l’intégration de certains développements vus chez ces prédécesseurs

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latins ou dans d’autres scholies. Il ne corrigea toutefois pas les données fautives d’Aratos à l’aide des commentaires d’Eudoxe et d’Hipparque comme l’avait fait Germanicus.

Ces Aratea ont le mérite d’être la seule tradition latine complète de l’œuvre d’Aratos puisqu’elle comprend ses deux parties, les Phaenomena et les Prognostica, selon le découpage suivant :

I- proœmium (v. 1-76) ;

II- description des constellations (v. 77-907) ;

III- planètes, cercles célestes et synchronismes des levers et couchers (v. 908-1325) ;

IV- pronostics météorologiques (v. 1326-1878).

Nous prendrons en compte pour notre étude seuls les vers correspondant à la première section des Phénomènes d’Aratos, soit les 1325 premiers, dans l’édition de Jean Soubiran publiée dans la Collection des Universités de France en 1981.

Macrobe, Commentarii in Somnium Scipionis

Sous le nom de Macrobius Ambrosius Theodosius, uir clarissimus et illustris, sont parvenues jusqu’à nous trois œuvres, les Saturnalia, les Commentarii in Somnium Scipionis et le De uerborum Graeci et Latini differentiis uel societatibus. L’hypothèse la plus admise17 fait de Macrobe un proconsul d’Afrique en 410. Les Saturnales auraient été alors écrites vers 420/430 et le Commentaire18 quelques années plus tard.

Le Commentaire au Songe de Scipion est partagé en deux livres selon les divisions que voici :

Livre I : 1-5, 1 Préambule : comparaison entre les songes de Cicéron et Platon

5, 3-6 Exposé arithmologique : vertu des chiffres 7 et 8 7-14, 20 Exposé sur l’âme : sa nature, les vertus et les enfers

14, 21-22 Exposé astronomique : les sphères célestes, les planètes et le zodiaque

17 Cf. J. Flamant, Macrobe et le Néo-Platonisme latin, à la fin du IVe siècle, 1977 ; I. Caiazzo, Lectures

médiévales de Macrobe, Les Glosae Colonienses super Macrobium, 2002 [état de la question, p. 14-25] ;

Macrobe, Commentaire au songe de Scipion, texte édité, traduit et commenté par M. Armisen-Marchetti, 2001 [discussion sur Macrobe et son œuvre en introduction, p. VII-XIX] ; pour connaître une autre hypothèse, cf. A. Cameron, « The Date and Identity of Macrobius », 1966.

18 Bien que le titre de cet ouvrage soit en latin au pluriel (Commentarii), l’usage français en fait plutôt un singulier puisqu’il s’agit d’une seule et même œuvre.

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Livre II : 1-4 Exposé musical : l’harmonie des sphères

5-9 Exposé géographique : ceintures terrestres et zones habitables de la Terre

10-11 Complément astronomique sur la Grande Année 12-16 Exposé métaphysique : l’Âme

17 Conclusion

Macrobe, dans ce commentaire de tradition néoplatonicienne, intègre ainsi à ses développements philosophiques chacune des quatre sciences du quadriuium : arithmétique, astronomie, musique et géométrie – qui prend plutôt ici la forme de la géographie.

Les passages I, 14, 21 à I, 22 et II, 10 et 11 seront l’objet de notre étude. Nous utiliserons l’édition de Mireille Armisen-Marchetti publiée dans la Collection des Universités de France, en 2001 pour le livre I et en 2003 pour le livre II.

Martianus Capella, De nuptiis Mercurii et Philologiae

Nous connaissons l’auteur du De nuptiis Mercurii et Philologiae sous le patronyme complet de Martianus Minneius Felix Capella. Ce dernier, juriste, avocat ou rhéteur, vécut à Carthage au tournant du Ve siècle de notre ère. Les maigres indices temporels qu’il a intégrés à son récit ne permettent toujours pas aux Modernes de s’entendre sur une datation plus précise de son ouvrage19. L’hypothèse la plus prudente cible néanmoins les premières décennies de ce siècle, faisant de lui un contemporain de Macrobe.

Ce Martianus Capella écrivit pour son fils une œuvre singulière associant satire ménipée et érudition encyclopédique : ses deux premiers livres sont consacrés au récit du mariage de Mercure avec une jeune mortelle nommée Philologie et de l’apothéose de cette dernière. Les sept suivants exposent tour à tour, comme autant de cadeaux pour cette noce, le savoir des hommes :

III- grammaire ; IV- dialectique ; V- rhétorique ; VI- géométrie ;

19 Cf. M. Cappuyns, « Martianus Capella », 1949 ; J. Préaux, « Securus Melior Felix, l’ultime Orator Urbis

Romae », 1975 ; D. Shanzer, A Philosophical and Literary Commentary on Martianus Capella’s De Nuptiis

Philologiae et Mercurii, Book 1, 1986, p. 1-28 ; A. Cameron, « Martianus and his First Editor », 1986 ; Martianus Capella, Les noces de Philologie et Mercure, Livre VII, L’Arithmétique, texte établi et traduit par J.-Y. Guillaumin, 2003, p. XV-XVI.

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VII- arithmétique ; VIII- astronomie ; IX- harmonie.

Il s’agit du premier document parvenu jusqu’à nous qui atteste dans son intégralité du cycle des sept arts libéraux composé des trois sciences du langage (triuium) et des quatre sciences mathématiques (quadriuium) si populaires à l’époque médiévale20.

La dernière édition du livre VIII de cette œuvre a été publiée en 1983 par James Willis aux éditions Teubner.

Ont donc été exclus de notre corpus le De natura rerum de Lucrèce, le De natura

deorum de Cicéron et le livre VII des Quaestiones naturales de Sénèque puisqu’ils

n’abordaient que de façon marginale les questions astronomiques, ainsi que la Mathesis de Firmicus Maternus, traité d’astrologie sans véritable visée astronomique. Nous pourrons néanmoins nous y référer à l’occasion pour enrichir notre propos.

Notons enfin que nous avons réalisé des traductions personnelles de l’ensemble des textes de notre corpus. Par cette tâche, nous n’avons aucunement la prétention d’égaler le travail colossal déjà réalisé par tous les chercheurs que nous avons évoqués précédemment21. Cependant, puisqu’elles s’intègrent bien souvent à des analyses philologiques portant sur des termes précis, il convient de fournir pour cette étude des traductions plus littérales.

É

TUDIER LA TRANSMISSION DU SAVOIR

Cette recherche a pour objectif d’une part de comprendre ce qu’était le savoir astronomique pour ces dix auteurs latins et d’autre part de voir quels étaient les moyens à leur disposition pour transmettre cette connaissance. Pour ce faire, nous jetterons un regard double sur notre corpus : alors que notre plan sera essentiellement guidé par une enquête épistémologique abordant les grands thèmes de l’astronomie antique – autrement dit, le

20 Cf. I. Hadot, Arts libéraux et philosophie dans la pensée antique. Contribution à l’histoire de l’éducation et

de la culture dans l’Antiquité, 2005.

21 Parce que tous ces traducteurs nous ont permis de nous familiariser avec ces textes, d’en affiner notre compréhension et d’en questionner la portée, nous ne pouvons passer sous silence la dette que nous avons envers eux.

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contenu –, notre analyse sera quant à elle davantage concentrée sur la forme, tant logique que rhétorique, de ces exposés.

Partie I

La logique du discours astronomique : une observation céleste entre raison et sens

Pour commencer cette recherche, nous nous poserons tout d’abord les questions suivantes : comment les auteurs de notre corpus ont-ils souligné l’importance de l’observation comme source de connaissance et comment en ont-ils fait un outil de transmisson du savoir astronomique ? Nous analyserons ainsi la place qu’occupe l’observation dans les textes astronomiques latins et plus particulièrement au sein de leurs exposés argumentatifs. En effet, l’observation y joue diverses fonctions : elle prend part tantôt à des exposés essentiellement descriptifs, tantôt à de véritables démonstrations logiques qui permettent parfois d’étendre, parfois de valider leur savoir initial. Nous recenserons ainsi les différents niveaux d’exposé présents dans ces textes. De plus, puisque l’observation prend une place considérable dans l’ensemble de notre corpus et participe à tous les grands thèmes de l’astronomie, cette première réflexion donnera lieu à un intéressant survol des textes que nous étudions. Elle nous permettra enfin d’introduire les principes de logique qui seront à la base d’analyses présentes tout au long de cette recherche.

Partie II

La démonstration du savoir physique et astronomique

Dans cette deuxième partie, nous nous intéresserons aux représentations du cosmos exposées dans les textes astronomiques latins. Nous chercherons à comprendre quelle place occupent ces systèmes – tout d’abord physiques, puis astronomiques – dans l’argumentation de nos auteurs.

Cosmologie : entre physique et métaphysique

Dans le premier chapitre de cette section, nous retracerons les réflexions que des auteurs de notre corpus ont partagées au sujet non seulement des grands principes qui gouvernent l’univers, mais aussi du temps et de l’espace qui constituent encore aujourd’hui les fondements de la discipline cosmologique ; car, face à la complexité de l’univers, les

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Anciens avaient très rapidement cherché à y trouver ordre et permanence en s’interrogeant sur ce qui se cachait sous l’apparente diversité des phénomènes.

Systèmes planétaires : entre physique et mathématiques

Nous examinerons dans un deuxième chapitre comment les auteurs de notre corpus ont, chacun à leur façon – de manière plus ou moins cohérente, plus ou moins argumentée et plus ou moins personnelle –, abordé la difficile question des phénomènes planétaires. Parmi les étoiles fixes se cachent en effet cinq astres aux comportements mystérieux : les planètes, auxquelles les Anciens ajoutaient le Soleil et la Lune. « Sauver les phénomènes » (σῴζειν τὰ φαινόμενα), à savoir expliquer les mouvements apparents de ces astres, était ainsi vu comme l’objectif principal de l’astronomie antique. Pour y arriver, les Anciens avaient toutefois une tâche difficile à accomplir : concilier la rigidité des principes physiques de leurs visions du cosmos avec les contradictions révélées par l’astronomie mathématique. Nous verrons que les auteurs latins, bien qu’ils n’aient pas été eux-mêmes astronomes, étaient tout autant confrontés à ce problème.

Partie III

Les procédés descriptifs : une ekphrasis entre réel et imaginaire

Notre dernière partie sera quant à elle consacrée à la représentation écrite des constellations faite dans notre corpus. Nous observerons à quel point celle-ci alterne librement entre réalité astronomique et imaginaire littéraire, car, si l’on exclut la Lune, ce sont en effet les étoiles qui ont le plus facilement capté le regard de l’homme dans le ciel nocturne et qui ont enflammé le plus son imagination. Le tableau de ces points lumineux épars nous permettra ainsi de porter une réflexion sur les divers procédés descriptifs employés par les auteurs que nous étudions.

U

NE ENQUÊTE ÉPISTÉMOLOGIQUE

La grande majorité des chercheurs qui se sont consacrés à l’étude de la science antique – citons, par exemple, Pierre Duhem dans son encyclopédie22 – n’ont eu d’intérêt que pour les résultats de celle-ci. Pourtant, du point de vue de l’histoire des sciences, ces résultats ne sont pas les seuls éléments dignes d’intérêt. Comme le dit Gaston Bachelard, en

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introduction de son étude sur la formation de l’esprit scientifique, le processus intellectuel constitue lui aussi un savoir, un acquis en lui-même qu’il est intéressant d’étudier23.

Par cette enquête épistémologique, nous voulons tout d’abord développer une vision positive des textes latins d’astronomie, car, si Gaston Bachelard s’était lui aussi intéressé à la démarche des chercheurs de l’Antiquité jusqu’à nos jours, il avait toutefois concentré son attention non sur les méthodes employées pour atteindre un certain niveau de connaissance, mais sur les divers obstacles qui les ont ralentis dans cette course. C’est ce qu’il nommait « obstacles épistémologiques »24 et qu’il décrivait ainsi :

Quand on cherche les conditions psychologiques des progrès de la science, on arrive bientôt à cette conviction que c’est en termes d’obstacles qu’il faut poser le problème de la connaissance scientifique. Et il ne s’agit pas de considérer des obstacles externes, comme la complexité et la fugacité des phénomènes, ni d’incriminer la faiblesse des sens et de l’esprit humain : c’est dans l’acte même de connaître, intimement, qu’apparaissent, par une sorte de nécessité fonctionnelle, des lenteurs et des troubles. C’est là que nous montrerons des causes d’inertie que nous appellerons des obstacles épistémologiques25.

Selon lui, trop d’obstacles entravaient la connaissance antique ; il classait donc cette époque dans la période préscientifique26.

Nous avons, quant à nous, choisi de ne pas suivre cette voie. Nous voulons plutôt montrer en quoi les textes de notre corpus exposent une science et non pourquoi il ne s’agirait pas de science au sens moderne du terme. Par conséquent, même si nous relèverons ici et là les insuffisantes et les incohérences visibles dans ces ouvrages, notre approche sera essentiellement positive. Pour cette même raison, nous n’adopterons pas non plus une approche comparative exhaustive : notre but n’est pas de confronter systématiquement les exposés astronomiques latins à leurs sources ou influences grecques.

23 G. Bachelard, La formation de l’esprit scientifique. Contribution à une psychanalyse de la connaissance

objective, 2004 [1938], p. 16 : « Avant tout, il faut savoir poser des problèmes. Et quoi qu’on dise, dans la vie

scientifique, les problèmes ne se posent pas d’eux-mêmes. C’est précisément ce sens du problème qui donne la marque du véritable esprit scientifique. Pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à une question. S’il n’y a pas eu de question, il ne peut y avoir connaissance scientifique »

24 La réflexion de cet épistémologue inspira notamment deux antiquisants : R. Lenoble (« Les obstacles épistémologiques dans l’Histoire naturelle de Pline », 1952), qui appliqua directement cette théorie en cherchant quels furent les obstacles épistémologiques à la rédaction de l’œuvre de Pline, et V. Naas (« L’Histoire naturelle de Pline l’Ancien est-elle une œuvre scientifique ? », 2000), qui s’interroge sur la valeur scientifique de ce même ouvrage.

25 G. Bachelard, op. cit., p. 15.

26 Soulignons toutefois que ce jugement ne s’appliquait pas seulement à l’Antiquité : G. Bachelard étendait la période préscientifique jusqu’aux limites du XIIIe siècle. Cf. op. cit., p. 9.

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Si l’étude des ouvrages d’Aratos, d’Ératosthène, de Géminos ou de Cléomède sera, certes, fréquemment requise, elle nous permettra plutôt de mettre en valeur les spécificités de tous ces textes.

Dans cette première approche épistémologique, nous n’avons aucune prétention de nouveauté. Si tous ces thèmes ont déjà fait l’objet d’une abondante bibliographie, nous jugeons qu’il est à la fois pertinent et constructif d’en développer une vision globale. Les ramifications de notre sujet d’étude sont très vastes et couvrent plusieurs domaines, aujourd’hui bien séparés – philosophie, science et littérature : il sera dès lors nécessaire d’en rappeler les fondements. Nous consacrerons donc une partie de nos efforts à bien mettre en contexte les diverses questions abordées dans chacun de nos chapitres et à synthétiser les différentes théories qui leur sont associées. Deux doxographies – consacrées aux différents systèmes tantôt physiques, tantôt astronomiques développés dans l’Antiquité – sont pour cette raison placées en annexe.

Dans tous ces développements théoriques (états de la question, mises en contexte et autres explications techniques), la clarté du discours restera pour nous l’objectif principal : dans la mesure du possible, nous éviterons l’utilisation de tout jargon spécialisé ; nous prendrons soin de toujours définir nos concepts et illustrerons abondamment nos propos, par de nombreuses citations, mais aussi par des figures et des schémas que nous avons – à moins de mention contraire –, nous-même réalisés.

U

NE ANALYSE LOGIQUE ET RHÉTORIQUE

Comme nous l’avons mentionné, cette enquête épistémologique servira en quelque sorte de trame narrative à notre exposé en lui donnant sa structure. Notre véritable contribution personnelle à l’étude des textes de notre corpus sera en fait située ailleurs : nous souhaitons en effet dans cette étude, par une rigoureuse analyse logique et rhétorique, étudier la mise en forme, ou autrement dit la mise par écrit, de ce savoir astronomique.

Cette démarche nous situe dans un certain courant de l’histoire des idées, comme c’était le cas notamment pour Claudia Moatti, dans son étude sur la raison à Rome, qui justifiait ainsi sa démarche :

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Une époque pense de multiples façons, mais elle a un esprit, c’est-à-dire un style. Entendons par là non pas les techniques qu’elle développe, ni sa conception de la vie, ni ses idées sur le monde (ce que tel ou tel pense de l’origine de la société ou de la politique), mais le langage qui traduit ses aspirations, sa grammaire. Décrire ce langage, ces formes, c’est faire de l’histoire, car les formes sont des faits au même titre que les événements et les représentations27.

Considérant que l’astronomie antique n’est pas une, mais plurielle, et que les objectifs des auteurs varient grandement entre eux, étudier ce langage et cette mise en mots de la connaissance sera porteur de riches enseignements.

L’étude des exposés scientifiques pour eux-mêmes – pour leur forme et non leur contenu – fait l’objet depuis quelques années d’un intérêt renouvelé. Mireille Courrént, à propos du De architectura de Vitruve, l’un des modèles de la tradition encyclopédique latine, l’explique ainsi :

pour rendre efficaces l’exposition et l’explication de sa théorie, Vitruve a dû créer un type de texte nouveau pour « donner à voir » une activité qui jusque-là n’avait pas été mise en mots pour un public profane. Il lui a fallu recourir à un vocabulaire et à des modèles de mise en forme du discours qui n’étaient pas ceux d’un texte technique, mais d’un texte didactique, ou « démonstratif »28.

Les auteurs de notre corpus, parmi lesquels figure justement Vitruve, sont en effet représentatifs de l’époque de vulgarisation que nous avons évoquée précédemment. Ils n’ont pas souhaité atteindre le même niveau de technicité qu’ont pu avoir leurs modèles : en ciblant un public plus large ou, du moins, différent de leurs sources et en faisant la promotion d’un savoir plus général, ils ont dû créer un type de texte « nouveau », en adéquation avec la finalité de leurs ouvrages.

Définition des concepts

Si l’objectif général de tous les textes de ce corpus, quel que soit leur genre, est le même – diffuser à leur façon un pan de la connaissance astronomique –, cette exposition du savoir peut prendre plusieurs formes : selon les sujets, les auteurs tantôt incluent de véritables démonstrations, tantôt ne font que présenter les faits, sans aucune forme

27 C. Moatti, La raison de Rome. Naissance de l’esprit critique à la fin de la République, 1997, p. 18.

28 M. Courrent, « Demonstrare atque explicare : la fonction de l’écrit dans le De architectura de Vitruve », 2005, p. 300.

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d’argumentation. C’est là toute l’étendue et la richesse du concept de la demonstratio latine.

Cette notion a fait l’objet en 2004 d’un colloque qui y était entièrement consacré. Mireille Armisen-Marchetti, dans la préface des actes qui s’en suivirent, en donne la définition suivante :

aurait-on à rendre l’idée de « démontrer » en latin que l’on utiliserait sans doute

probare, peut-être docere, ou également significare, indicare, ostendere, tous termes

très fréquents dans les textes scientifiques. Si pourtant demonstrare a été préféré ici, c’est parce que ce verbe part de l’idée première de « montrer », de « faire voir ». Il permet de déborder de façon fructueuse le strict concept logique et d’élargir le domaine de recherche jusqu’à y inclure la démonstration la plus spontanée et la plus simple, celle qui consiste à communiquer une évidence sensible en « mettant sous les yeux ». En somme, la juxtaposition du « démontrer » français et du demonstrare latin permet de bâtir un concept d’une intéressante plasticité et d’ouvrir ainsi très largement le champ d’investigation29.

Cette volonté qu’ont les auteurs de « montrer » quelque chose à leurs lecteurs peut en effet se décliner de multiples façons et connaître divers degrés. Michèle Fruyt classait les occurrences des termes de cette famille (demonstrare, monstrare et leurs dérivés) en cinq catégories30 : le fait a) de mettre sous les yeux ; b) qu’une chose soit le signe d’une autre ; c) d’enseigner une technique ; d) de dire ou d’exposer ; e) de produire un énoncé pré-scientifique.

Plus simplement, deux grandes étapes peuvent être dégagées : on rencontre, tout d’abord, celle de « faire voir » qui est, en fait, le sens premier de la demonstratio latine ; puis, celle de « faire connaître et comprendre », objectif que l’on peut atteindre par un exposé soit explicatif, soit démonstratif – il faut noter que nous employons ici ce mot selon sa connotation moderne, c’est-à-dire en tant que discours apportant une preuve. Cette distinction n’est pas artificielle ; elle se confirme notamment par la terminologie utilisée dans de nombreux textes anciens, comme, par exemple, celui de Martianus Capella qui, dans le cadre de son encyclopédie, expliquait ainsi les différentes étapes d’un raisonnement intellectuel :

Toutes les figures se développent en cinq étapes, qui sont appelées ainsi par les Grecs : la première est la προτάσις ; la deuxième est le διορισμός ; la troisième est la κατασκευή ; la quatrième est l’ἀπόδειξις ; la cinquième est le συμπέρασμα. Nous pouvons les traduire ainsi en latin : la première est la proposition de la figure

29 M. Armisen-Marchetti, Demonstrare Voir et faire voir : forme de la démonstration à Rome, 2005, p. 11. 30 M. Fruyt, « Demonstrare, monstrare et leurs dérivés : étude lexicale », 2005.

Figure

Figure 1 : les mouvements hélicoïdaux de la Lune
Figure 2 : le déplacement du pôle nord en fonction de la précession des équinoxes 145
Figure 3 : les polygones des éléments
Figure 4 : rapport de proportion (continue et discontinue) entre les médiétés
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