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Negishi et les fondements de la concurrence

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Academic year: 2021

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EURIsCO, Université Paris Dauphine

cahier n° 2002-06

Negishi et les fondements de la concurrence

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Negishi et les fondements de la concurrence

Philippe Bernard

EURIsCO

Université Paris IX

Jérôme Wittwer

LEO

Université d’Orléans

Juin 2002

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Résumé

Dans une série d’articles, Negishi est revenu sur les fondements de la concur-rence. Sensible à la vision edgeworthienne de l’échange mais profondément influencé par la loi d’indifférence de Jevons, il s’est efforcé de réconcilier ces deux approches. Un des principaux résultats de cette synthèse est l’équiva-lence entre les équilibres de son mécanisme et les équilibres walrasiens même dans les petites économies. Le présent travail reconsidère ce résultat pour en souligner les limites.

Abstract: In several papers, Negishi revisted the foundations of

compe-titition. Sensitive to the Edgeworthian views of exchange but strongly influen-ced by the law of indifference of Jevons, he tried to reconcile both approaches. The main result of this synthesis is the equivalence between the walrasian equilibria and the Negishi mechanism equilibria even in the finite economies. Our work reconsider this result in order to emphasize its limits.

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1

Introduction

Dans une série d’articles (dont [9], [11]), Negishi est revenu sur les fondements de la concurrence. Sensible à la vision edgeworthienne de l’équilibre mais aussi très influencé par la loi d’indifférence de Jevons, il s’est efforcé de démontrer que cette dernière conduit au résultat d’équivalence d’Edgeworth (entre le noyau et l’équilibre concurrentiel) même dans les petites économies:

“In our opinion, Jevons’ law of indifference is so powerful that the equations of exchange hold even if the number of participants in exchange is finite.” ([9] p. 198)

Comme d’autres interprètes d’Edgeworth, Negishi conçoit la concurrence comme un processus dynamique d’échanges bilatéraux, processus selon lui sous-jacent à la loi d’indifférence de Jevons, puisque:

“Behind this ‘[Jevons’] statical view of the question’ they must be a dynamic process of trading. What Jevons had in mind is a piecemeal exchange process [...].” ([9])

A la différence de ses deux inspirateurs, Negishi explicite le processus d’é-change. Celui-ci est une séquence d’échanges bilatéraux où chaque agent an-nonce des offres et des demandes pour un prix donné. Ainsi, Negishi introduit explicitement d’emblée des prix à la différence non seulement d’Edgeworth

mais aussi semble-t-il de Jevons.1

Dans ce cadre dynamique, la séquence des échanges constitue un équilibre si elle est robuste aux déviations, c’est à dire s’il n’est pas possible pour une paire d’agents de modifier avantageusement leurs contrats d’échange. Ainsi, renouant cette fois avec Edgeworth, Negishi définit l’équlibre par le critère de stabilité des contrats à la renégociation.

Comme nous l’avons déjà mentionné, la propriété originale revendiquée par Negishi est l’équivalence, dans les petites économies, entre les équilibres de ce processus et les équilibres walrasiens. Plus précisément, selon Negishi, si les principes d’échange volontaire et de rationnement du côté court sont respectés au sein des coalitions, le seul équilibre de ce processus d’échanges est nécessairement l’équilibre walrasien.

Cette conjecture est indiscutablement séduisante. Le processus proposé est en effet plus concret que le noyau puisque les agents ne cessent d’y “parler offres et demandes” (Walras). Une synthèse de la concurrence en contrats à

1A notre connaissance, Jevons ne spécifie pas explicitement les formes de l’échange

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la Edgeworth et de la concurrence en prix à la Bertrand est donc esquissée, ce qui n’a pas manqué de séduire certains économistes historien de la pensée économiques (e.g. Rebeyrol (1999) [13]). Cependant, la lecture des travaux de Negishi n’est pas toujours aisée, les règles du jeu n’y étant pas toujours clairement explicitées. Il semble même errer entre plusieurs options modéli-satrices, entre plusieurs interprétations. Ceci n’est sans doute pas étranger au fait que ces travaux n’aient trouvé que peu d’échos. Cependant, la simplicité des principes invoqués par Negishi (règle du côté court, échanges volontaires, etc.), la force des résultats énoncés rendent sans doute nécessaire une analyse critique.

Après avoir, dans une première section, présenté les vues de Negishi, ré-sumé sa démonstration graphique, nous organiserons notre analyse en deux temps. Dans un premier temps, est examinée l’interprétation “coopérative” de Negishi, i.e. celle supposant la coordination des déviations individuelles. Comme nous le montrerons, la démonstration esquissée par Negishi du prin-cipe d’équivalence n’est pas sans rencontrer quelques difficultés. En particu-lier, ce résultat semble largement du à un affranchissement arbitraire de cer-taines règles du jeu rendue nécessaire par la difficulté de concilier ces règles et la nature coopérative des déviations proposées. Aussi, dans un second temps, nous proposons une interprétation non coopérative de la dynamique concurrentielle de Negishi. On montrera que son résultat sur l’équivalence tient dans ce cadre. Cependant l’argument utilisé pour obtenir ce résultat repose sur une hypothèse forte et il apparente plus le mécanisme de Negishi aux jeux de marché “à la Bertrand” ([2], [1]) qu’à l’approche d’Edgeworth.

2

La conjecture de Negishi

Dans Negishi ([9], [11]), le marché est un processus dynamique de rencontres bilatérales. Le mécanisme envisagé pour déterminer les transactions est extrê-mement économe de principes. Chaque rencontre conduit à la signature d’un contrat provisoire stipulant les quantités échangées et le prix:

“either of the two parties may suggest a rate of exchange, in a two individual exchange, and both parties decide what they would like to trade at that exchange rate.” ([9] p. 198)

Une règle essentielle de ce mécanisme est la règle de rationnement du marché, la règle du côté court:

“The provisional contract, determined by the smaller of the two desired trades, is called a single transaction” ([9] p. 198)

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E H J K A B C

Figure~1: L’exemple de Negishi

Le mode de fixation des prix n’est lui guère précisé par Negishi: tout juste signale-t-il qu’un des deux contractants peut proposer un prix. Cette imprécision est cependant sans conséquence puisqu’il souhaite montrer que seul l’arbitrage est important pour obtenir le prix walrasien comme prix d’équilibre. Pour plus de clarté, on supposera simplement, et sans perte de généralité, que le prix fixé à chaque rencontre autorise des échanges mutuel-lement avantageux (s’ils en existent). Un équilibre est donc dans ce contexte une séquence d’échanges possibles qui vérifie les deux conditions suivantes: d’une part, elle conduit à l’épuisement des échanges mutuellement avanta-geux; d’autre part, elle est robuste à toute renégociation.

Si la première condition ne mérite guère de commentaires, la seconde rend nécessaire de préciser la nature du recontracting envisagé. Pour fixer les idées, il est sans doute utile de présenter l’exemple graphique de Negishi (figure 1) (figure 2 de [9]). L’économie considérée comprend deux biens et

quatre agents, 2 agents A et 2 agents B.2 Initialement, les agents sont au

point C, leur point de dotation. Negishi sélectionne ensuite un processus d’é-change arbitraire comportant deux étapes. Pour simplifier, mais sans perte de généralité, les contrats signés par les deux couples (identiques) (A, B) sont supposés identiques. Dans le premier échange, représenté par le segment CK, le côté court du marché est l’offre du type A. Au point K, des échanges mu-tuellement avantageux sont encore possibles mais à un prix relatif supérieur.

2Les agents d’un même type ont naturellement les mêmes préférences et les mêmes

(7)

E H K K' A B C DA DB

Figure~2: La déviation envisagée par Negishi.

Le second échange, représenté par KH, est supposé conduire à un point de la courbe des contrats, le point H. Faute d’échanges mutuellement avantageux, le processus cesse alors. En raison de l’évolution du prix relatif, le premier échange (CK) est réputé favorable au type B, le second (KH) au type A. L’état atteint est évidemment non walrasien puisque le taux d’échange moyen (la pente de CH) est différent du taux marginal de substitution des agents au point H. Un tel état non walrasien peut évidemment être un élément du noyau puisque l’économie ne comprend que quatre agents. Mais, cet état peut-il être un équilibre du mécanisme? Selon Negishi, ceci est impossible.

La déviation proposée par Negishi pour bloquer l’allocation (définie par le point) H suppose un double ajustement des contrats d’un couple d’agents. Au préalable, chaque agent dénonce tout ou partie du contrat qui lui est défavorable. Plus précisément, dans son exemple graphique, l’agent de type

Adénonce la première transaction CK, l’agent de type B la transaction KH.

Comme le montre la figure 2, il est alors possible pour le couple déviant de “recontracter” avantageusement à un prix intermédiaire. Ainsi, sur la figure 2, l’agent A déviant conserve le contrat KH et dénonce le contrat CK, sa

dotation est donc définie par le point K0. L’agent B déviant conserve le

contrat CK et dénonce le contrat KH, sa dotation est donc définie par le point K. En formant une coalition les deux agents déviants peuvent fixer un prix, compris entre les prix des contrats CK et KH, et un vecteur d’échange

(K0D

(8)

H.3 Pour Negishi, l’allocation non walrasienne H n’est donc pas stable.

Pour Negishi, cet exemple illustre une propriété plus générale du méca-nisme proposé: sa capacité à conduire à l’équilibre walrasien même dans les petites économies dès lors qu’on lui adjoint l’idée de robustesse aux déviations coordonnées.

Si l’on accepte les conclusions de Negishi, sa démarche renouvelle pro-fondément les théories en endogénéisant la concurrence pure et parfaite, en fusionnant les approches à la Bertrand (concurrence en prix) et d’Edgeworth (coalitions), en mettant l’accent sur le principe d’arbitrage pour obtenir à la fois l’unicité des prix et leur nature walrasienne. Mais le “résultat gra-phique” de Negishi ne suppose-t-il pas une coordination des agents déviants incompatible avec la règle du côté court? La section suivante analyse cette question.

3

Déviation coordonnée et règle du côté court

Dans sa description du processus d’échange, Negishi insiste sur la règle du

côté court pour déterminer les quantités échangées.4 Mais, rien n’est dit,

ou presque, de la nature des contrats signés par les agents déviants. Ces contrats sont-ils de même nature que les autres? Précisent-ils un prix? Sont-ils déterminés par l’application de la règle du côté court?

La réponse à cette dernière question n’est pas sans importance. Quelle se-rait la cohérence d’un mécanisme de transactions dont les règles essentielles cesseraient d’être appliquées à l’instant décisif, lorsque les déviations se pro-duisent? Pourquoi ne pas alors les rejeter totalement? Ceci évidemment nous ramènerait à la démarche d’Edgeworth. La rupture avec celui-ci n’est possible que si les règles adoptées, en particulier la règle du côté court, s’ap-pliquent aussi aux agents déviants. Mais l’application de cette règle aux coa-litions déviantes ne remet-elle pas en cause le résultat de Negishi? L’exemple numérique suivant montre que tel est le cas.

3Negishi ([10], p.155) envisage la situation ou les déviants anticipent la possibilité que

les agents “honnêtes” annulent par rétorsion la totalité de l’ensemble des contrats. Cepen-dant, dans son exemple, comme il le remarque, les agents déviants ont la possibilité de reconstituer l’allocation initiale. Aussi, Negishi considère que la menace d’une réaction ex-terne ne dissuadera pas les agents d’entreprendre leurs déviations. Cependant, cette parade est spécifique à l’exemple utilisé: elle n’est possible en effet qu’en raison de la symétrie des dotations et des transactions des agents. En général, dans les économies finies, dès lors que l’on s’affranchit de ces hypothèses de symétrie, la prise en compte des réactions externes diminue les déviations “crédibles” et donc accroît l’ensemble des équilibres.

4“The provisional contract, determined by the smaller of the two desired trades, is

(9)

Le cadre retenu est similaire à celui de Negishi: l’économie comprend deux types d’agents répliqués, les types A et B, et deux biens, x et y. Les

dotations sont initialement: ³XA= 100, YA= 0´ et ³XB = 0, YB = 100´.

Les préférences sont définies par les fonctions d’utilité suivantes:

uA= ³ xA´σ+ (yA)σ uB = min " xB,y B γ #

avec γ = 0.5 et σ = 0.5, xj et yj définissant les consommations de l’agent j.

Comme dans l’exemple de Negishi, le processus est supposé durer deux périodes et conduire à une allocation optimale. A chaque période, chaque agent A est apparié à un agent B, les contrats signés étant identiques; le

prix (avec le bien y comme numéraire) du premier échange est p1 = 0.5, celui

du second p2 = 1.3660.5 Les allocations à la fin de chaque échange des agents

de type A et B sont les suivantes:

xA1 = 66.67; y1A= 16.67

xA2 = 36.60; y2A= 68.30

xB1 = 33.33; y1B = 83.33

xB2 = 63.40; y2B = 31.70

et sont représentées par les points 1 et 2 sur le graphique 3. Comme chez Negishi, la déviation proposée consiste: (1) pour un agent A à abandonner

son premier contrat avec B (dont le prix est p1 = 0.5), pour un agent B à

abandonner son second contrat (dont le prix est p2 = 1.3660); (2) à proposer

un prix p∗ compris entre p

1 et p2.

Pour ce prix, chaque agent détermine sa demande nette, les quantités se fixant côté court. Compte tenu des données, l’agent A déviant détermine donc sa consommation en partant du point 3 de coordonnées:

xA3 = 69.94, y3A= 51.63

Le point de coordonnées ³xA

4, yA4

´

(noté “4 pour A”) est donc le point de consommation de l’agent A en supposant qu’il est côté court du marché

∀p∗ ∈ ]p

1, p2[.6 Sous cette hypothèse, on détermine alors la consommation

5Le premier prix est sélectionné arbitrairement dans l’ensemble des prix rendant

pos-sible l’échange. Le second prix est celui assurant que l’allocation finale est optimale.

6Sur le graphique, l’agent B lui part du point 1 et se retrouve au point noté “4 pour

(10)

100 100 51.63 36.60 68.30 66.67 16.67 C C courbe d'indifférence du type B courbe d'indifférence du type A 1 2 3 4 pour B 4 pour A 69.94 OA OB

Figure~3: Un exemple de déviation non profitabe pour l’agent B.

³

xB

4, yB4

´

de l’agent B déviant, lequel est du côté long du marché. Compte tenu des préférences de ce type d’agent, la condition suffisante pour s’assurer que la déviation ne soit pas profitable à l’agent b déviant est donc:

xB4 < xB2 ∀p∗ ∈ ]p1, p2[ (1)

Comme le graphique 4 le montre, cette condition est en fait vérifiée pour les paramètres sélectionnés: la violation de la règle du côté court est donc nécessaire dans notre exemple pour assurer l’existence d’une déviation

mu-tuellement profitable.7

On pourrait argumenter que le contre-exemple est insuffisant puisque, les échanges mutuellement avantageux n’étant pas nécessairement épuisés aux points 4, des échanges ultérieurs doivent avoir lieu avec d’autres agents.

Cet argument est évidemment difficilement recevable dans le cas considéré par Negishi, où il existe seulement 2 agents de chaque type. Il faudrait en effet supposer que les agents trahis aient l’élégance d’apporter leur contribution à rendre viable la déviation! Pour une économie plus grande, la critique à notre contre-exemple soulève deux problèmes. D’une part, elle suppose de rédéfinir la notion de déviation, celle de Negishi étant insuffisante. D’autre part, la

7On a supposé que l’agent A déviant était côté court du marché ∀p∈ ]p

1, p2[. Si tel

n’est pas le cas, il serait alors rationné et la relation (1) serait d’autant plus vérifiée: en effet dans ce cas, ses ventes effectives seraient inférieures aux ventes désirées.

(11)

Figure~4: Les valeurs de xB

4 en fonction des prix admissibles sous l’hypothèse

que l’agent A est du côté court du marché.

déviation engendrerait un autre processus à partir de nouvelles dotations initiales. Pour évaluer l’intérêt de la déviation, les agents devraient donc être à même d’imaginer l’ensemble des trajectoires possibles de la nouvelle économie et d’en déterminer les probabilités. Même si cela était admis, aucun argument ne semble garantir que pour chaque processus aboutissant à une allocation non walrasienne, il existe une telle déviation, sauf peut-être à considérer de grandes économies.

L’exemple numérique développé dans cette section reprend l’analyse gra-phique de Negishi en supposant implicitement que les agents rompent com-plètement les contrats initiaux, i.e. que les agents ne peuvent unilatéralement modifier les clauses (prix, quantités) d’un contrat d’échange. Ce faisant, nous n’interprétons pas à la lettre Negishi. Celui-ci autorise en effet une réduction partielle des quantités échangées à l’initiative d’un seul des co-contractants. Mais, ce type de déviation unilatérale est incompatible avec la nature cont-ractuelle des échanges, le contractant passif ne pouvant être supposé donner

son accord à une novation des contrats entraînant une baisse de son utilité.8

Le contre-exemple précédent invalide donc la conjecture de Negishi si l’on souhaite tout à la fois opérer dans un cadre coopératif et appliquer la règle du

8Au surplus, comme le note lui-même Negishi, les agents laisés ont intérêt à menacer

de cesser toute coopération pour rendre impossible la déviation. Dans la théorie des jeux coopératifs [3] [7] [15], la prise en compte de ces réactions externes conduit à une augmen-tation de l’ensemble des équilibres dans les économies finies. Ce n’est qu’asymptotiquement que cet accroissement disparaît.

(12)

côté court. Une alternative s’offre alors pour sauver cette conjecture: aban-donner soit la règle du côté court soit l’approche coopérative. Abanaban-donner la règle du côté court ramènerait Negishi à Edgeworth. Il nous reste donc à explorer la voie non coopérative ce qui sera l’objet de la section suivante.

4

Interprétation non coopérative de Negishi

Pour préserver la séquentialité des échanges tout en appliquant rigoureuse-ment la notion d’équilibre sous-jacente à la présentation de Negishi, le cadre sans doute le plus approprié pour présenter la concurrence de Negishi est un jeu dynamique. Ce cadre n’est sans doute pas totalement fidèle à la présen-tation de Negishi pour qui le processus de concurrence suppose des agents partiellement myopes:

“Traders are assumed to engage in any activity, if and only if it instantaneously improves their positions, without considering its eventual effects” ([10] p. 152)

Cependant cette myopie postulée pour déterminer les différents échanges est incompatible avec le critère d’équilibre utilisé par Negishi. Comment, en effet, concilier la naïveté des comportements dans le processus d’échange bilatéral et la sophistication qu’il est nécessaire de leurs prêter pour éliminer

les trajectoires non robustes à certaines deviations futures? 9

Le cadre économique est celui d’une économie d’échanges élémentaire. Celle-ci comprend un ensemble d’agents I et deux biens homogènes et parfai-tement divisibles dont les quantités totales sont distribuées parmi les agents, chaque agent ayant une quantité non nulle d’un des deux biens. Le bien 2 est pris comme numéraire. Les préférences des agents sont continues, strictement monotones et strictement quasi-concaves.

Les agents, rationnels, infiniment patients et parfaitement informés, se rencontrent aléatoirement à chaque période τ = 0, .., t, .... L’état de

l’écono-mie à la date t, st, détermine les rencontres bilatérales ainsi que les agents

proposant les prix. Pour chaque pair, chaque agent i annonce alors sa

de-mande nette zi de bien 1 compte tenu du prix annoncé. La règle du côté

court fixe la quantité échangée.

9En effet, la conclusion de Negishi, le seul équilibre viable robuste est l’allocation

wal-rasienne, suppose implicitement un tel argument: les agents, anticipant les déviations futures possibles des séquences d’échanges non walrasiens, sont supposés ne s’engager que dans des échanges bilatéraux walrasiens, les seuls viables.

(13)

A chaque date t, chaque agent i possède initialement une dotation résul-tant des échanges précédents. Les variables stratégiques sont le vecteur de

prix pt (pour les agents qui fixent le prix naturellement) et le vecteur des

demandes nettes zt.

L’horizon est infini et l’utilité des agents est fonction de l’allocation finale s’il en existe une, fonction de 0 sinon. Un équilibre est un vecteur de stratégies tel que:

1. A partir d’une certaine date T les dotations demeurent stationnaires et

définissent une allocation efficace.10

2. le vecteur des stratégies constitue un équilibre de Nash du sous jeu statique de la date t (Nash parfait).

3. A la date T , aucun agent n’a intérêt à modifier ses demandes nettes antérieures.

La prise en compte de cette hypothèse de Negishi permet une caractérisa-tion très forte des équilibres: en effet, à l’excepcaractérisa-tion des équilibres autarciques, les échanges se font nécessairement au même prix walrasien. Par conséquent, pour tout équilibre, le résultat du processus séquentielle des transactions est nécessairement une allocation walrasienne.

Ce résultat se comprend aisément si l’on se reporte au graphique 5. En effet, l’agent A peut augmenter son utilité, seul, en réduisant l’offre du contrat CK. Sur le graphique 5, si l’on suppose qu’un agent A et un agent B sont parvenus à l’allocation H par le chemin CKH, l’agent A en réduisant l’offre

en bien 1 du contrat CK augmente son utilité, le chemin devenant CK0H0.

Sans donc se coordonner avec un agent tiers, l’agent A profite du fait qu’en

H son TMS est différent du prix défini par le contrat CK.

On peut bien sûr imaginer un cheminement plus long pour atteindre la courbe des contrats. Il n’en demeure pas moins que le mécanisme énoncé précédemment demeure valide; il suffit alors en effet de redéfinir l’allocation

C du graphique 2 comme l’avant dernière allocation obtenue.

10Hypothèse implicite faite par Negishi. Cette hypothèse permet notamment de faire

l’économie des équilibres où des échanges mutellement avantageux ne sont pas entrepris par défaut de coordination - une possibilité fréquemment rencontrée par exemple dans les jeux de marché à la Shapley-Shubik. La prise en compte de l’hypothèse implicite de Negishi permet donc notamment de faire l’économie des redéfinitions de l’équilibre non-coopératif recontrées dans cette littérature.

(14)

E H K K' A B C H'

Figure~5: Profitabilité de la déviation unilatérale par la réduction des échanges.

Dans le cadre proposé par Negishi, si l’on suppose que le processus d’é-changes mène nécessairement à la courbe des contrats, nul n’est besoin de considérer des déviations coordonnées pour démontrer que l’équilibre walra-sien est l’unique équilibre possible. La seule règle du court suffit pour obtenir ce résultat.

Pour autant la portée de ce résultat est très limitée en raison de la grande spécificité du cadre imposé. On peut en particulier se demander pourquoi les agents s’engagent irréversiblement sur un prix rendant ainsi les déviations partielles possibles. La littérature sur le marchandage bilatéral répété [4] [5] [8], qui n’impose pas de telles contraintes, semble beaucoup plus convain-cante. Mais, comme chez Edgeworth, la convergence vers l’equilibre walrasien dans cette littérature suppose de recourir aux grandes économies, ce qui bien sûr nous éloigne de l’objectif de Negishi.

5

Conclusion

Negishi avait pour ambition de revisiter le thème edgeworthien de l’équiva-lence pour justifier l’équilibre walrasien dans les petites économies. L’idée centrale était de plonger le recontracting à la Edgeworth dans un mécanisme

(15)

séquentiel d’échanges régis par la règle du côté court. Selon Negishi, dans un tel cadre, toute issue non walrasienne peut être déstabilisée par la renégocia-tion même si la taille de l’économie est extrêmement réduite. Cet écart entre le résultat classique à la Edgeworth et celui de Negishi était selon ce dernier entièrement du à l’emploi de “coalitions ouvertes” dans son mécanisme.

En réalité, le résultat de Negishi ne tient pas, sauf à considérer des dévia-tions partielles. Mais alors, le résultat de Negishi peut également être obtenu avec un simple jeu non coopératif ! Le résultat repose en effet sur une

pro-priété de parfaite élasticité locale des transactions sur la courbe des contrats11

exploitable par un agent isolé. Cette propriété apparente donc le mécanisme de Negishi aux mécanismes de jeux de marché à la Bertrand (par exemple Bénassy (1986, [1]), Schmeidler (1980, [14]). La valeur ajoutée du mécanisme de Negishi par rapport à cette littérature nous semble faible, voire trompeuse en raison de la volonté de l’auteur de se réclamer de la tradition coopéra-tive à la Edgeworth. Sa référence à Jevons n’apparaît pas plus convaincante. Comme les travaux de Makowski et Ostroy ([12], [6]) l’ont amplement dé-montré, la justification de l’équilibre walrasien par l’arbitrage (sous-jacent à la loi d’indifférence de Jevons) suppose généralement de considérer de grandes économies, sauf à spécifier un cadre institutionnel contraignant, ce qui nous renvoie à la littérature sur les jeux de marché.

Références

[1] J.P. Bénassy, (1986). On competitive market mechanisms. Economet-rica, 54(3): 95—108, January 1986.

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[3] Dutta et Alii, (1989). A consistent bargaining set. Journal of Economic Theory, 49: 93—112, 1989.

[4] D. Gale, (1986). Bargaining and competition - part i : Characterization. Econometrica, 54: 785—806, 1986.

[5] D. Gale, (1986). Bargaining and competition - part ii : Existence. Eco-nometrica, 54: 807—18, 1986.

[6] L. Makowski and J. Ostroy, (1998). Arbitrage and the flattening effect of large number. Journal of Economic Theory, 78: 1—31, 1998.

11Avec la règle du côté court, à prix constants, chaque agent peut réduire les quantités

(16)

[7] A. Mas-Colell, (1989). An equivalence theorem for a bargaining set. Journal of Mathematical Economics, 18: 120—38, 1989.

[8] A. McLennan and H. Sonnenschein, (1972). Sequential bargaining as a non-cooperative foundation for walrasian equilibrium. Econometrica, 59: 1395—1424, 1991.

[9] T. Negishi, (1982). A note on jevons’s law of indifference and competitive equilibrium. In J.Cunningham Wood, editor, William Stanley Jevons -Critical Assessments, chapter 64, pages 193—203. Routledge, London, 1982. Publié initialement dans Manchester School of Economics and Social Studies, vol. 50 (3), Septembre 1982, pp. 220-30.

[10] T. Negishi, (1985). Economic theories in a non-walrasian tradition. Cambridge University Press, New York, 1985.

[11] T. Negishi, (1989). Competition and the number of participants : les-sons of edgeworth’s theorem. In G. Feiwel, editor, The Economics of Imperfect Competition and Employment. Joan Robinson and Beyond, chapter 5, pages 212—24. Macmillan, London, 1989. Repris dans "The Collected Essays of Takashi Negishi", vol II "The History of Economics", 1994, pp. 140-50.

[12] J. Ostroy and L. Makowski, (1991). An arbitrage approach to competi-tive equilibrium in an exchange economy. Discussion Paper 649, UCLA Department of Economics, Los Angeles, CA., December 1991.

[13] A. Rebeyrol, (1999). La pensée économique de Walras. Théories écono-miques. Dunod, Paris, 1999.

[14] D. Schmeidler, (1980). Walrasian analysis via strategic outcome func-tion. Econometrica, 48: 1585—93, 1980.

[15] R. Vohra, (1991). An existence theorem for a bargaining set. Journal of Mathematical Economics, 20: 19—34, 1991.

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