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Les bâtiments agricoles, des biens communs en devenir ? Étude sur le département des Hautes-Alpes

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Academic year: 2021

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Submitted on 22 Feb 2018

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Les bâtiments agricoles, des biens communs en devenir ?

Étude sur le département des Hautes-Alpes

Claire Masquelier

To cite this version:

Claire Masquelier. Les bâtiments agricoles, des biens communs en devenir ? Étude sur le département des Hautes-Alpes. Sciences du Vivant [q-bio]. 2017. �dumas-01715037�

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Les bâtiments agricoles, des biens

communs en devenir ?

Etude sur le département des Hautes-Alpes

Par : Claire MASQUELIER

Figure 0 - Synthèse des réponses à la question 20 « Qu’est-ce qui, pour vous, caractérise le bâtiment agricole du futur ? » Source : Claire MASQUELIER

Soutenu à Angers le 12 Octobre 2017

Devant le jury composé de :

Président : David MONTEMBAULT Maître de stage : Daisy HAQUIN

Enseignant référent Agrocampus Ouest : Jean-Pierre DUCOS Enseignant référent Weihenstephan : Christoph MONING

Les analyses et les conclusions de ce travail d'étudiant n'engagent que la responsabilité de son auteur et non celle d’AGROCAMPUS OUEST

Ce document est soumis aux conditions d’utilisation

«Paternité-Pas d'Utilisation Commerciale-Pas de Modification 4.0 France» disponible en ligne http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/deed.fr

AGROCAMPUS OUEST CFR Angers CFR Rennes Année universitaire : 2016-2017 Spécialité : Paysage

Spécialisation (et option éventuelle) :

Ingénieries des Territoires

Mémoire de fin d’études

d’Ingénieur de l’Institut Supérieur des Sciences agronomiques, agroalimentaires, horticoles et du paysage

de Master de l’Institut Supérieur des Sciences agronomiques, agroalimentaires, horticoles et du paysage

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Remerciements

Ce mémoire vient clore 5 années d’études, parsemées de multiples expériences, rencontres, toutes plus enrichissantes les unes que les autres.

Je tenais à remercier l’ensemble de l’équipe du CAUE des Hautes-Alpes pour son accueil chaleureux, pour la confiance accordée tout au long du stage et pour le soutien apporté lors de la rédaction de ce mémoire.

Merci également à Jean-Pierre DUCOS et Christoph MONING pour leurs conseils avisés et leur sens de l’écoute.

Merci aux agriculteurs qui ont accepté de me recevoir et m’ont présenté avec passion leur exploitation.

Merci à toutes les autres personnes qui m’ont accordée du temps, lors d’échange directs ou téléphoniques, et m’ont ainsi éclairée sur la question des bâtiments agricoles, ainsi que le fonctionnement territorial des structures au long de ces 6 mois.

Je remercie également toutes les personnes qui m’ont donnée un peu de leur temps en répondant à mon questionnaire.

Et enfin, un merci tout particulier à ma famille et mes amis, pour leur présence, leur soutien, leur écoute, leurs précieux conseils et pour tous les bons moments passés ensemble, et à venir !

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Liste des abréviations

ACV : Analyse du Cycle de Vie

ADFPA :Association Départementale pour la Formation et le Perfectionnement des Agriculteurs

AGIR : Action Globale Innovante pour la Région AMP :

CAUE : Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement

CDPENAF : Commission Départementale de la Préservation des Espaces Naturels Agricoles et Forestiers

BPREA : Brevet Professionnel Responsable d’Exploitation Agricole DDT : Direction Départemental des Territoires

DJA : Dotation Jeune Agriculteur DPU : Droit à Paiement Unique

EPCI : Etablissement Publics de Coopération Intercommunale ICPE : Installation Classée pour la Protection de l’Environnement IGP : Indication Géographique Protégée

MRE : Maison Régionale de l’Elevage PAC : Politique Agricole Commune PACA : Provence-Alpes-Côte d’Azur

PCAE : Plan de Compétitivité et d’Adaptation des Exploitations agricoles PCET : Plan Climat Energie Territorial

PDR : Plan de Développement Durable PLU : Plans Locaux d’Urbanisme PPA : Personnes Publiques Associées

PPP : Plan de Professionnalisation Personnalisé RGA : Recensement Général Agricole

RNU : Règlement National d’Urbanisme RSD : Règlement Sanitaire Départemental

Safer : Société d’aménagement foncier et d’établissement rural SAU : Surface Agricole Utile

SCoT : Schéma de Cohérence Territoriale

SDAP : Service Départemental de l’Architecture et du Patrimoine

STHR : Section Technique de l’Habitat Rural du ministère de l’Agriculture SyME : Syndicat Mixte d’Electrification

(6)

Liste des figures

Figure 1 - Exploitation agricole, Puy Sanières (05) ... 1

Figure 2 - Réponses à la question 3 « Quel âge avez-vous ? » ... 2

Figure 3 - Synthèse des réponses à la question 4 « Vivez-vous ou avez-vous vécu en zone rurale ? Si oui, précisez dans quel(s) département(s) » ... 3

Figure 4 - Synthèse des réponses à la question 5 « « Vous arrive-t-il de passer vos vacances en zone rurale ? Si oui, précisez dans quel(s) département(s) »………3

Figure 5 - Réponses à la question 6 « Exercez-vous (ou avez-vous exercé) un métier en lien avec le monde agricole, l'architecture ou le paysage ? » ... 3

Figure 6 - Exploitations visitées ... 4

Figure 7 - Ferme traditionnelle Haute-Alpine ... 6

Figure 8 - Hangar agricole, Montgardin (05) ... 7

Figure 9 - Synthèse des réponses à la question 9 « Que vous évoquent les mots : bâtiment agricole, ferme ? » ... 8

Figure 10 - Vue sur le lac de Serre-Ponçon, depuis le Pic du Morgon ... 9

Figure 11 - Affiche Hautes Alpes Neige et Soleil 1952 ... 9

Figure 12 - Carte des Hautes-Alpes ... 10

Figure 13 - Vue depuis Briançon (05) (Vallée de la Haute-Durance)... 11

Figure 14 - Vue sur le Pic des Chabrières depuis Prunières (05) (Vallées du lac de Serre-Ponçon) ... 11

Figure 15 - Unités paysagères du département des Hautes-Alpes ... 11

Figure 16 - Vue depuis Orcières (05) (Vallée des Drac) ... 12

Figure 17 - Vue depuis Sigoyer (05) (Bassin de Gap) ... 12

Figure 18 - Les productions dominantes de l'agriculture dans les Hautes-Alpes ... 12

Figure 19 - Marque HAUTES-ALPES Naturellement® ... 13

Figure 20 - Entretien des alpages par l'élevage bovin extensif ... 13

Figure 21 – Synthèse des réponses à la question 10 « Qu’est pour vous un bâtiment agricole ? » ... 15

Figure 22 – Synthèse des réponses à la question 11 « Quelles sont les caractéristiques principales des bâtiments agricoles ? » ... 15

Figure 23 - Synthèse des réponses à la question 18 « Qu'est-ce qui est, selon vous, le plus important dans la construction d'un bâtiment agricole ? » ... 15

Figure 24 - Echantillon des dessins en réponse à la question 12 ... 16

Figure 25 - Silo à grain, Puy Sanières (05) ... 17

Figure 26 - Exploitation ovin viande à Vitrolles (05) ... 18

Figure 27 - Bâtiment double (bergerie et hangar à fourrage et matériel (4 et 6)) construit en 2016, Vitrolles (05) ... 18

Figure 28 - Vue sur le pignon de la bergerie (2) et du hangar à fourrage et matériel (3), Vitrolles (05) ... 18

Figure 29 – Aménagement intérieur de la bergerie (5), Vitrolles (05)... 19

Figure 30 - Bâtiment agricole avec toiture photovoltaïque, La Freissinouse (05) ... 20

Figure 34 - Frigo à pomme en éco-construction bois-paille-chaux, Barcillonnette (05) ... 21

Figure 34 - Poulailler mobile, structure acier et panneaux sandwich, Rambaud (05) ... 21

Figure 34 - Hangar à fourrage, structure, bardage et toiture métallique, Montgardin (05) ... 21

Figure 34 - Bâtiment en bois, Les Rousses (05) ... 21

Figure 35 - Hangar, structure métallique et béton, Chorges (05) ... 21

Figure 36 - Tunnels maraichers, La Saulce (05) ... 22

Figure 37 - Bergerie en bois, Cervières (05) ... 23

(7)

Figure 39 - Vente directe de fromage de brebis, Puy Sanières (05) ... 25

Figure 41 – Synthèse des réponses la question 13 « Avez-vous déjà été marqué par un bâtiment agricole ? » ... 26

Figure 40- Synthèse des réponses à la question 14 « Appréciez-vous les bâtiments agricoles ? Précisez » ... 26

Figure 42 - Réponses à la question 14 « Appréciez-vous les bâtiments agricoles ? » ... 26

Figure 43 - Synthèse de la deuxième partie de la question 17 « Quels sont pour vous les points forts et points faibles des bâtiments agricoles contemporains ? » ... 26

Figure 44 - Synthèse des réponses à la première partie de la question 16 « Considérez-vous les bâtiments agricoles comme du patrimoine ? Si oui, quels bâtiments ? » ... 27

Figure 45 - Les essentiels pour améliorer l'insertion paysagère du bâtiment agricole ... 28

Figure 46 - Bergerie en bordure de boisement, Embrun (05) ... 28

Figure 47 - Bâtiment construit dans la pente, Chateau-Vielle-Vieille (05)... 28

Figure 48 - Cabanes d'alpage, Cirque du Morgon (05) ... 29

Figure 49 - Abords d'exploitation, Puy Saint Eusèbe (05) ... 29

Figure 50 - Abords de bâtiment, Vitrolles (05) ... 29

Figure 51 - Réponses à la question 21 « L'image de l'exploitation/des bâtiments influence-t-elle votre consommation ? » ... 30

Figure 52 - Réponses à la question 20 « Qu’est-ce qui, pour vous, caractérise le bâtiment agricole du futur ? »... 31

Figure 53 - Actions possibles à différents niveaux ... 32

Figure 54 - Etapes de la démarche de projet « Bâtiment et installation agricole » ... 35

Liste des annexes ANNEXE I – Résultats du questionnaire………1

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Table des matières

Introduction ... 1

1. Démarche ... 2

1.1. Notion de bien commun ... 2

1.2. Bibliographie ... 2

1.3. Questionnaire ... 2

1.4. Rencontre avec des agriculteurs ... 3

1.5. Rencontre avec différents acteurs du territoire ... 4

2. Contexte : Evolution de l’agriculture, conséquences sur le bâti et présentation du territoire d’étude, les Hautes-Alpes ... 5

2.1. Une agriculture qui se modernise ... 5

2.1.1. Du modèle de polyculture-élevage à une spécialisation par filière ... 5

2.1.2. La ferme traditionnelle, symbole régional, laisse place à des bâtiments agricoles spécialisés et standardisés ... 6

2.1.3. Intensification et prise de conscience de l’impact de telles pratiques sur l’environnement ... 7

2.2. L’image du bâtiment agricole a-t-elle évolué dans l’esprit des gens en parallèle de l’évolution des bâtiments ? ... 8

2.3. Zoom sur les Hautes-Alpes : un territoire de montagne, entre agriculture et tourisme 9 2.3.1. Un département essentiellement tourné vers l’élevage, avant de s’orienter vers le tourisme dans les années 60 ... 9

2.3.2. Le département des Hautes-Alpes aujourd’hui, entre agriculture et tourisme ... 10

3. Les bâtiments agricoles aujourd’hui : réponse à de multiples enjeux et impact sur le paysage ... 15

3.1. Les bâtiments agricoles aujourd’hui : fonctions, enjeux et impact paysager ... 15

3.1.1. Fonctionnalité ... 17 3.1.2. Conditions de travail ... 18 3.1.3. Bien-être animal ... 18 3.1.4. Coût du bâtiment ... 19 3.1.5. Matériaux ... 21 3.1.6. Durabilité ... 23 3.1.7. Enjeux environnementaux ... 23

3.2. Bâtiments agricoles et développement touristique ... 24

3.2.1. Développement de l’accueil à la ferme ... 24

3.2.2. Appréciation des bâtiments agricoles par le grand public ... 25 3.3. Le paysage et l’architecture souvent vus comme des contraintes, mais à voir comme atouts 27

(9)

3.4.1. Implantation du bâti ... 28

3.4.2. Aspect extérieur ... 29

3.4.3. Gestion des abords ... 29

3.4.4. Conclusion sur la prise en compte du paysage dans les projets ... 30

3.4. Conclusion de la partie ... 30

4. Comment agir au niveau départemental pour que les bâtiments agricoles puissent répondre à l’ensemble de ces enjeux et devenir biens communs ? ... 32

4.1. Identifier les types d’intervention et les acteurs ... 32

4.1.1. Documents d’urbanisme ... 32

4.1.2. Sensibilisation ... 33

4.1.3. Conseil ... 33

4.1.4. Instruction ... 34

4.1.5. Valorisation des projets réalisés ... 34

4.2. Un projet, toute une démarche ... 35

4.2.1. Diagnostic et analyse ... 36

4.2.2. Faisabilité du projet ... 36

4.2.3. Conception du projet et dépôt des dossiers ... 36

4.2.4. Réalisation du bâtiment ... 37

4.3. Travailler ensemble, se connaître ... 37

4.4. Aller sur site ... 37

4.5. Concevoir des outils et profiter des outils existants ... 37

4.6. Sensibiliser ... 38

4.6.1. Diffusion des fiches ... 38

4.6.2. Intervention dans des organismes de formations ... 39

4.6.3. Visites ... 39

4.8. Conclusion de partie ... 39

Conclusion ... 41

Bibliographie ... 42

(10)

~ 1 ~

Introduction

Souvent, j’ai pu entendre des phrases du type « Ce bâtiment agricole est une vraie verrue dans le paysage, c’était bien mieux avant ! » Quand on entend cela une fois on peut se dire « Soit, cette personne a vraiment dû être choquée par un bâtiment, mais cela n’en fait pas pour autant une vérité générale ». Quand on l’entend à plusieurs reprises, on en vient à se dire qu’il y a un réel problème, que c’est vraiment dommage que des personnes perçoivent ces bâtiments de la sorte et que cela apporte une image négative à l’agriculture (Figure 1), surtout quand on sait que l’agriculture nous est indispensable, qu’elle a contribué à façonner les paysages qui font la gloire de certaines régions, et que les bâtiments agricoles ont longtemps marqué l’identité des régions par leur architecture traditionnelle. Il n’y a pas de raison que les bâtiments agricoles ne puissent pas retrouver la « gloire de leurs ancêtres » et faire à leur tour la fierté des agriculteurs et de la France. On ne peut néanmoins revenir aux bâtiments d’antan, qui ne sont plus adaptés à l’agriculture actuelle. On en vient donc à se demander ce qui a conduit à une telle évolution du bâti, quels sont les enjeux des bâtiments contemporains (21e siècle) et s’ils pourraient être considérés comme des biens communs, perçus positivement par chacun de nous, que ce soit notre outil de travail ou un simple élément de notre cadre de vie ou cadre de vue. Dans ce cas, quelles actions entreprendre pour atteindre cet objectif de bâtiment agricole comme bien commun ? Nous prendrons l’exemple des Hautes-Alpes, où j’étais en stage au CAUE. La première partie abordera la démarche, la seconde présentera le contexte de l’étude, à travers un historique de l’évolution des bâtiments agricoles et une présentation du territoire d’étude. Les enjeux des bâtiments agricoles, ainsi que leur impact paysager et la perception par la population sera traité en troisième partie. Enfin, nous verrons en quatrième et dernière partie comment aborder les enjeux des bâtiments agricoles à l’avenir.

(11)

~ 2 ~

1. Démarche

1.1. Notion de bien commun

Tout d’abord, mettons au clair ce qui est entendu derrière la notion de bien commun. Je me baserai sur la définition donnée par François FLAHAULT, dans le dictionnaire critique et interdisciplinaire de la participation : « Le bien commun est ce qui est profitable, à long terme pour l’ensemble des membres de la société » [1] (FLAHAULT 2013) Je complèterai en ajoutant

que chacun doit donc percevoir positivement ce bien. Le paysage, après avoir été considéré comme du patrimoine, est désormais plutôt considéré comme bien commun et les bâtiments agricoles en font partie. Si l’on considère, par extension, que les bâtiments agricoles sont des biens communs, ils doivent donc être perçus positivement par les agriculteurs, qui en sont les plus directement concernés, mais également par les habitants, les touristes, et éventuellement d’autres personnes, ce que nous verrons au fil du mémoire. C’est pourquoi l’ensemble de l’analyse sera basée sur le croisement de différents regards sur les bâtiments.

1.2. Bibliographie

Il m’a paru essentiel de faire des recherches bibliographiques pour comprendre les raisons des évolutions des bâtiments agricoles au cours du siècle dernier, en France, mais également dans mon département d’étude, à savoir les Hautes-Alpes. Ensuite, des lectures d’articles, livres, publications diverses ont permis d’appuyer les réflexions, de les enrichir, de m’apporter des connaissances, que ce soit sur des aspects historiques, techniques ou des retours d’expériences. Notons que la littérature concernant le sujet est plutôt riche au niveau français, mais beaucoup plus restreinte en ce qui concerne les Hautes-Alpes.

1.3. Questionnaire

De plus, partant sur l’approche du bâtiment agricole comme bien commun, il me semblait évident de recueillir différents regards sur les bâtiments agricoles. J’ai donc mis en place un questionnaire, que j’ai partagé à mes proches, amis, collègues pour qu’il soit diffusé, via les réseaux sociaux notamment. Au fil de ce questionnaire, j’ai voulu amener chacun à se questionner sur les bâtiments agricoles, leurs caractéristiques, fonctions, ainsi que leur relation au paysage, pour finir sur un vote « j’aime beaucoup/je n’aime pas du tout » d’après photos. En interrogeant aussi bien des agriculteurs que des personnes extérieures au monde agricole, je pouvais ainsi savoir ce que les gens, quelle que soit leur relation avec le monde agricole, mettaient derrière le terme « Bâtiments agricoles », les fonctions qu’ils leurs attribuaient, l’image qu’ils en avaient, leurs attentes, et ainsi faire ressortir les enjeux des bâtiments agricoles aujourd’hui. L’ensemble des réponses au questionnaire se trouve en Annexe I.

Nous pouvons dès lors analyser la représentativité de ce questionnaire. Au total, 55 personnes ont participé, avec 25% d’hommes et 75% de femmes. Les personnes interrogées avaient entre 9 et 65 ans, avec une majorité de 20-24 ans (Figure 2). 75% vit, ou a déjà vécu en zone rurale (Figure 3) et il arrive à 80% de passer ses vacances en zone rurale (Figure 4). La plupart des personnes interrogées a donc pu voir des bâtiments agricoles et on remarque grâce à ces 2 cartes, qu’un grand nombre de départements français est couvert, avec par conséquent une diversité de références en termes de bâtiments

agricoles, si l’on part du principe que chaque région a ses Figure 2 - Réponses à la question 3 « Quel âge avez-vous ? » Source : Claire MASQUELIER

(12)

~ 3 ~

spécificités, que ce soit par rapport aux filières qu’on y trouve ou par rapport au territoire et à ses paysages.

Environ 50% des personnes interrogées a un métier en lien avec l’agriculture, l’architecture ou le paysage (Figure 5)1.

On peut donc considérer qu’un certain nombre de réponses sera orienté selon un point de vue spécifique, lié au métier, ce qui rend les résultats d’autant plus intéressants qu’ils proviennent en autres de personnes directement concernées par les bâtiments agricoles et pas seulement d’« observateurs ». Ce dernier regard sur les bâtiments est néanmoins nécessaire également, surtout dans une approche de « bien commun » où chacun est donc concerné.

1.4. Rencontre avec des agriculteurs

J’ai également eu l’occasion de rencontrer quelques agriculteurs hauts-alpins, afin de les questionner sur leurs démarches de construction de bâtiments agricoles. Les objectifs étaient entre autres d’identifier quelles personnes ils ont été amenés à rencontrer pour réfléchir à leur bâtiment, quelles difficultés ils ont pu rencontrer au cours de la démarche (réflexion, demande d’autorisation,…), ce qui est le plus important pour eux dans la construction de celui-ci, quelle est leur sensibilité au paysage et si l’installation de panneaux photovoltaïques avait été envisagée. Ces rencontres m’ont également permis de mieux comprendre les enjeux et contraintes des bâtiments agricoles, du point de vue des agriculteurs, d’avoir une vision de terrain et d’obtenir des informations précises qui ont pu enrichir ma réflexion.

1 Un questionnaire spécial a été fait pour les enfants. Quelques questions n’ont pas été posées, et la question du métier concernait la famille « Est-ce que quelqu’un de ta famille a un métier en lien avec l’agriculture, l’architecture ou le paysage »

Figure 3 - Synthèse des réponses à la question 4 « Vivez-vous ou avez-vous vécu en zone rurale ? Si oui, précisez dans quel(s) département(s) »

Source : Claire MASQUELIER

Figure 4 - Synthèse des réponses à la question 5 « Vous arrive-t-il de passer vos vacances en zone rurale ?

Si oui, précisez dans quel(s) département(s) » Source : Claire MASQUELIER

Figure 5 - Réponses à la question 6 « Exercez-vous (ou avez-vous exercé) un

métier en lien avec le monde agricole, l'architecture ou le paysage ? » Source : Claire MASQUELIER

(13)

~ 4 ~

Le nombre d’agriculteurs rencontrés est plutôt faible (11), en raison d’un manque de disponibilité des agriculteurs en cette période, mais cela m’a tout de même donné un aperçu, d’autant que la diversité des filières hautes-alpines a pu être représentée, réparties sur le territoire haut-alpin (Figure 6).

1.5. Rencontre avec différents acteurs du territoire

J’ai également eu l’occasion de rencontrer ou contacter par téléphone différents acteurs du territoire (à quelques exceptions près, hors territoire), en lien plus ou moins direct avec les agriculteurs. Ces échanges riches m’ont permis de prendre conscience de la multiplicité des enjeux qu’il pouvait y avoir autour des bâtiments agricoles. J’ai également pu appréhender l’approche qu’avaient les uns et les autres envers les bâtiments agricoles et le paysage, ce qui était mis en place sur ces thématiques, et j’ai pu identifier les liens possibles entre ces structures et les agriculteurs.

La liste des personnes rencontrées ou contactées par téléphone se trouve en Annexe II.

Figure 6 - Exploitations visitées

(14)

~ 5 ~

2. Contexte : Evolution de l’agriculture, conséquences sur le bâti et présentation du territoire d’étude, les Hautes-Alpes

Pour comprendre les bâtiments d’aujourd’hui et les problématiques qui en découlent, au niveau de leur impact paysager notamment, un léger retour en arrière est nécessaire. Une présentation des Hautes-Alpes me semble également importante pour en appréhender les spécificités qui vont jouer un rôle non négligeable dans le reste de l’approche.

2.1. Une agriculture qui se modernise

Née au Moyen-Orient, dans le Croissant Fertile, il y a 10 000 ans, l’agriculture a bien changé. Nous nous intéresserons aux évolutions du 21e siècle, qui ont directement marqué l’agriculture que nous connaissons aujourd’hui, et en particulier l’impact de ces évolutions sur les bâtiments et par extension, sur le paysage.

2.1.1. Du modèle de polyculture-élevage à une spécialisation par filière

Jusqu’au début du 20e siècle, le modèle de polyculture-élevage était dominant en France. Ce

système venait répondre aux objectifs de la fin du 18e siècle, à savoir l’autosubsistance et le commerce de proximité des excédents de production (AMBROISE et TOUBLANC 2015). On trouve à cette époque « entre 2 et 3 millions d'exploitation dont 85% ont une superficie de moins de 10 ha. Cette multitude de petites exploitations ne couvrent cependant que 30% de la SAU totale, le reste étant occupé par des exploitations moyennes et grandes employant une main d'œuvre permanente salariée, et, à la marge, par quelques dizaines de grands domaines (qui emploient plus de 50 salariés permanents) »[2]. Cependant, au début du 20e siècle, l'agriculture,

qui voue à atteindre l'autosuffisance alimentaire, peine à y arriver, malgré la modernisation amorcée. Certains y voient la faute de trop nombreuses micro-exploitations sur le sol français. La France prend du retard sur les autres pays européens [2].

La période après-guerre va néanmoins marquer un tournant dans l’histoire de l’agriculture française, en particulier avec le lancement du Plan Monnet et du Plan Marshall à la fin des années 40, la création de la Communauté économique européenne avec le Traité de Rome en 1957, qui a conduit à la mise en place de la politique agricole commune (PAC) en 1962, ainsi que les lois d’orientation agricoles de 1960 et 1962. On a également une utilisation croissante des produits de l’innovation enclenchée au siècle dernier. L’utilisation des engrais chimiques se démocratise, tout comme l’utilisation de plantes sélectionnées pour leur productivité. La PAC et les lois d’orientations agricoles vont assurer aux agriculteurs la revente de leurs productions, à un prix minimal de rachat, rémunérateur, et encourager l’investissement. Le Plan Monnet et le Plan Marshall quant à eux vont conduire à une mécanisation croissante qui va permettre aux agriculteurs un travail plus rapide et facile (AMBROISE et TOUBLANC 2015). Ces évolutions sont également le fruit d’objectifs de production différents : on ne produit plus pour soi, avec une éventuelle revente des excédents, on produit pour nourrir l’ensemble de la population et pour l’exportation à l’étranger. Ces objectifs de production à grande échelle, ainsi que l’achat de machines associées à un type de travail agricole, vont conduire à une spécialisation des exploitations. Les exploitations qui peinent à se moderniser de la sorte disparaissent peu à peu, ce qui libère des terres et favorise l’agrandissement des autres. En 1982, la France ne compte plus que 7,5 % d’agriculteurs alors qu’elle en comptait 40 % à la veille de la seconde guerre mondiale. Elle fait pourtant partie des grandes puissances exportatrices et sa population est passée de 41 à 54 millions d’habitants en moins de 50 ans (AMBROISE et TOUBLANC 2015).

(15)

~ 6 ~

Quelles sont les conséquences de ces évolutions sur la structure des exploitations ? Les surfaces d’exploitations sont bien plus élevées, les parcelles difficilement accessibles, où un travail mécanique est quasiment impossible, sont donc abandonnées, l’agriculture se spécialise et du modèle de polyculture-élevage, on passe à un modèle de filières. De plus, avec un exode rural croissant, les écarts se creusent entre les villes qui attirent, se modernisent, et la campagne peuplée essentiellement d’agriculteurs, qui ne se trouve pas au cœur des politiques d’aménagements. Dans les années 50, les campagnes se réorganisent peu à peu et un confort est apporté (électricité, téléphone, eau potable). Petit à petit, on a une séparation de l’outil de travail et de l’habitation. Avant, tout était regroupé dans un même bâtiment, sous-divisé. Désormais, on trouve plusieurs bâtiments, aux fonctions différentes. Les habitations rurales gagnent progressivement le même confort qu’en ville (AMBROISE et TOUBLANC 2015). Les anciens bâtiments, non adaptés et difficilement adaptables à cette nouvelle agriculture sont progressivement transformés ou abandonnés

2.1.2. La ferme traditionnelle, symbole régional, laisse place à des bâtiments agricoles spécialisés et standardisés

Les bâtiments agricoles anciens étaient représentatifs d’un territoire, avec des spécificités propres à celui-ci, aussi bien dans l’architecture, l’organisation, que les matériaux utilisés. En effet, ils étaient issus de l’architecture dite « de cueillette ». Ce qui ne servait pas, voire gênait l’agriculture était récolté, sur place, puis servait aux constructions. Cette identité a été renforcée par les primes d’honneur du 19e siècle, qui ont forgé des modèles régionaux. Notons toutefois

que ces primes d’honneur ne concernaient pas uniquement le bâti, mais l’ensemble de la gestion de l’exploitation (AMBROISE et TOUBLANC 2015).

Par exemple, au début du 20e siècle, les fermes des vallées du nord des Hautes-Alpes regroupaient sous un même toit l’étable au rez-de-chaussée, la grange à l’étage et le logis, à l’étage ou au rez-de-chaussée. Ces « maisons-blocs » (Figure 7) étaient habitées l’hiver uniquement, tandis que l’été, les familles se déplaçaient dans les alpages avec les troupeaux et venaient alors habiter les chalets d’estive. A cette époque, ce qui caractérise le bâti, au-delà de l’aspect architectural est le fonctionnement interne du bâtiment, et le système de circulation, à savoir le passage d’un espace à un autre, qui peut différer d’un canton à l’autre, en fonction des

pratiques [3]. On peut dans les bâtiments aujourd’hui retrouver cet aspect, qui correspond à une logique de travail et d’usage des lieux. Les principaux matériaux des habitats ruraux hauts-alpins, et donc des fermes, étaient le chaume en toiture, mais on pouvait trouver les tuiles canal au Sud et Sud-Ouest, ainsi que le bois, l’ardoise ou encore la lauze, plus localement. La pierre bâtie au mortier de chaux, au ciment ou à la terre argileuse, ainsi que le bois étaient quant à eux, abondamment utilisés en structure (BESSON-LECRINIER, et al. 2009).

Au contraire, avec de meilleures facilités de transport et une industrialisation de la production de nouveaux matériaux moins coûteux, les nouveaux bâtiments se standardisent et on peine à distinguer la région d’origine de tel ou tel bâtiment. Ils répondent à des objectifs de

Figure 7 - Ferme traditionnelle Haute-Alpine

(16)

~ 7 ~

fonctionnalité, à des coûts les plus bas possibles. Ainsi, dans le département aujourd’hui, on peut difficilement, en se basant sur l’architecture des nouveaux bâtiments agricoles, déterminer où l’on se trouve (Briançonnais, Champsaur-Valgaudemar, Buëch, Gapençais,…), si ce n’est grâce aux distinctions propres aux filières.

En effet, déjà utilisés au début du siècle, les hangars (Figure 8) se généralisent au cours des années 50. Selon Louis Govin, les bâtiments traditionnels « conçus pour durer des siècles » ne sont plus adaptés à une agriculture moderne, instable. Il faut proposer aux agriculteurs des bâtiments industriels « construits rapidement suivant un coût de construction, comme un coût d’entretien aussi faible que possible », les objectifs principaux étant la fonctionnalité, l’utilitarisme, la praticité, l’économie, la rapidité de réalisation et le faible entretien [4]. C’est

l’avènement du hangar. Les hangars polyvalents, regroupant sous un même toit plusieurs usages font peu à peu « place à des constructions spécifiques » (stabulations, porcheries, poulaillers,…). Des plans types, qui vont servir de support à l’attribution des subventions sont créés par la section technique de l’Habitat rural du ministère de l’Agriculture (STHR), ce qui va conduire à une standardisation des bâtiments agricoles. Le hangar devient « l’emblème [des] transformations des pratiques agricoles » et est « éloigné de toute démarche architecturale » [4].

2.1.3. Intensification et prise de conscience de l’impact de telles pratiques sur l’environnement

La fin du siècle va conduire à de nouvelles évolutions. La réforme de la PAC de 1992 va bouleverser la logique agricole. En effet, les aides aux agriculteurs ne vont plus concerner une assurance sur le prix de vente (qui avait conduit à une surproduction), mais seront attribuées en fonction de la surface de l’exploitation, avec un rendement de référence, ce qui va encourager encore plus fortement le développement de grandes exploitations, ce qui semble contradictoire avec l’objectif de maintien du nombre d’agriculteurs. Les pratiques agricoles, qui s’intensifient, sont de plus en plus critiquées pour leur impact négatif sur l’environnement. A la fin du siècle, on voit la notion de développement rural émerger. Les mesures constitutives du second pilier de la PAC « visent à promouvoir, en plus du rôle traditionnel de biens agricoles, d’autres fonctions comme la contribution à l’aménagement du territoire, l’entretien des paysages ou encore le maintien de la biodiversité »[5]. Ces notions sont très importantes car elles sont aujourd’hui encore la base de nombreuses réflexions, dont celles développées dans ce mémoire. Avec la réforme de la PAC de 2003, les aides ne sont plus dépendantes de la production. Il s’agit désormais de Droit à Paiement Unique (DPU) basé sur ce qui était produit dans les années 2000, 2001 et 2002. Elles n’orientent donc plus les choix de production des agriculteurs puisque l’aide est la même quelle que soit la production. La dernière réforme de la PAC, en 2014, met fin à ce système de DPU, pour laisser place aux droits à paiement de base. Ceux-ci sont « versés pour tous les hectares admissibles de surface agricole utile et sont dotés d’un montant à l’hectare qui doit progressivement s’uniformiser à l’échelle d’une région à l’horizon 2019. Dans cette même optique de rendre la PAC plus équitable, les montants moyens des aides touchées dans les différents Etats-membres de l’Union Européenne tendent à se rapprocher. Les aides sont

Figure 8 - Hangar agricole, Montgardin (05) Source : Claire MASQUELIER, 2017

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également plus ciblées que dans le passé sur les agriculteurs actifs et sont soumises à ce qu’on appelle le verdissement. Le paiement vert (30% des aides directes) est conditionné pour tous les agriculteurs européens au respect d’un ensemble de pratiques dites bénéfiques pour l’environnement.»[5].

D’autres mesures, plus déconnectées du monde agricole, montrent qu’on a une prise de conscience environnementale. Les préoccupations concernent à la fois la préservation des ressources naturelles, le refus de la banalisation des territoires et l’architecture, indissociable de son contexte paysager et environnemental [6]. On instaure notamment des lois, telles que la loi

sur l’architecture de 1977 qui stipule que « l’architecture est l’expression de la culture. La création architecturale, la qualité des constructions et leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant, le respect des paysages naturels ou urbains ainsi que du patrimoine sont d’intérêt public » De cette loi sont nés les Conseils d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement (CAUE) [6]. La loi sur la protection et la mise en valeur des paysages de 1993, également appelée loi « paysages », ajoute le volet paysager aux demandes de permis de construire. Il devient une composante obligatoire des demandes de permis de construire dès juillet 1994. Différents documents sont désormais demandés (notice d’impact visuel du projet, documents graphiques et photographiques avec coupe de terrain). Ils abordent l’impact du projet à court, moyen et long terme. La prise en compte des qualités architecturale, urbaine et paysagère dans les projets est complétée en 2004, par l’adoption d’une politique européenne du paysage, qui stipule que les documents d’urbanisme (Schémas de Cohérence Territoriale (SCoT), Plans Locaux d’Urbanisme (PLU), cartes communales) doivent obligatoirement intégrer ces dimensions [7].

Ces changements dans les politiques françaises vont directement toucher le monde agricole

2.2. L’image du bâtiment agricole a-t-elle évolué dans l’esprit des gens en parallèle de l’évolution des bâtiments ?

Au début de mon étude, je me suis demandé ce que les termes « Bâtiment agricoles / ferme » évoquaient dans l’esprit des gens et si l’image qu’ils avaient des bâtiments agricoles était actuelle ou au contraire plutôt ancienne. J’ai donc profité de mon questionnaire pour poser la question. J’ai classé et compté les termes ou champs lexicaux qui apparaissaient pour les faire ressortir, en fonction de leur fréquence, à travers ce nuage de mot (Figure 9). Plus les mots sont gros, plus leur récurrence a été importante. J’ai repris cette méthode pour nombre de questions. On voit que ces

termes sont associés au travail, à l’élevage en particulier, mais également à la culture, à la ruralité, ainsi qu’aux machines et aux hangars de stockage, ce qui vient conforter l’idée que le hangar est « un emblème architectural de la modernisation agricole » [4]. Cela nous montre que les gens ont une vision plutôt moderne du bâtiment agricole, et non pas une vision ancienne, du bâti traditionnel. Notons que certaines personnes ont distingué les deux termes (bâtiment agricole et ferme) et que dans ce cas, le mot « ferme » est plus facilement associé au bâti traditionnel ou à l’ensemble des bâtiments.

Figure 9 - Synthèse des réponses à la question 9 « Que vous évoquent les mots : bâtiment agricole, ferme ? »

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2.3. Zoom sur les Hautes-Alpes : un territoire de montagne, entre agriculture et tourisme

2.3.1. Un département essentiellement tourné vers l’élevage, avant de s’orienter vers le tourisme dans les années 60

Le département des Hautes-Alpes connait jusqu’au milieu du 20e siècle, comme la majorité des territoires ruraux français, un fort exode rural. Les français vont chercher le confort de la ville et abandonnent progressivement la campagne, qui se retrouve alors essentiellement peuplée de paysans. Cependant, avec le développement du tourisme d’hiver, la population haute-alpine se stabilise, voire augmente, mais la population agricole continue de décroître. Dans le Champsaur et Valgaudemar, le nombre d’exploitation a diminué de 1365 entre le RGA de 1955 et celui de 2000, où l’on compte 402 exploitations [8].

Après la Seconde Guerre mondiale, le département semble se spécialiser dans l’élevage. On trouve essentiellement des ovins en montagne et des bovins en vallée. C’est également à cette période, notamment avec le Plan Marshall, que les exploitations se mécanisent et se dotent peu à peu de tracteurs. Dans le Champsaur-Valgaudemar, on passe d’un tracteur pour 20 exploitations en 1955 à un tracteur pour 1,4 exploitation en 1970 [8]. Dans les années 60,

le département des Hautes-Alpes lance son Plan d’équipement touristique, dans l’objectif de développer le tourisme d’hiver (Figure 11), déjà présent mais très peu développé en comparaison à d’autres départements comme la Savoie, et compte également développer le tourisme d’été. En effet, le lac de Serre-Ponçon (Figure 10), né de la construction du barrage en 1960, offre un cadre propice au développement de celui-ci, en complément des paysages remarquables offerts par les montagnes hautes-alpines [9]. Ce lac artificiel, financé à 12,3% par le Ministère de l’Agriculture, va également permettre l’irrigation constante de l‘agriculture en aval du barrage, qui ne souffre alors plus, ni des crues dévastatrices de la Durance si imprévisible, ni de la sècheresse.

Néanmoins, ce barrage ne profite pas au même titre aux exploitations en amont, qu’elle profite aux exploitations en aval [10]. A cette époque le nombre global des actifs augmente, notamment dans le « tertiaire » au profit des activités touristiques entre autres, alors qu’il diminue dans le secteur agricole. On note par exemple une diminution de 40% d’actifs agricoles entre 1955 et 1970, puis de 25% entre 1970 et 1980 dans le secteur du lac de Serre-Ponçon, entre Chorges et Embrun. On en dénombre alors 2300, soit 20% à peine de la population totale (DIOQUE 1987). Malgré une diminution du nombre d’éleveurs, l’agriculture reste belle et bien présente dans le département.

Figure 10 - Vue sur le lac de Serre-Ponçon, depuis le Pic du Morgon - Source : Claire MASQUELIER, 2017 Figure 11 - Affiche Hautes Alpes

Neige et Soleil 1952 Source : © R. Jacquet, www.french-vintage-posters.fr

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2.3.2. Le département des Hautes-Alpes aujourd’hui, entre agriculture et tourisme

Les Hautes-Alpes, département de 5 549km² au nord de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Figure 12), comptait 139 883 habitants, soit 25,2 habitants/km²) en 2014 [11] avec 44% de la population habitant en zone rurale [12]. La population croit légèrement. On recense environ 49% de résidences principales, 45% de résidences secondaires et 6% de logements vacants. Ces données montrent que c’est un territoire touristique, une destination de vacances pour de nombreuses personnes [11]. C’est d’ailleurs le 8e département le plus attractif de France [12]. Avec une moyenne de 2 505h d’ensoleillement / an les Hautes-Alpes fait partie des territoires les plus ensoleillés de France [13]. (Département des Hautes-Alpes s.d.). Le département est recoupé par le Parc national des Ecrins, le Parc naturel régional du Queyras et le parc naturel régional des Baronnies Provençales (Figure 12).

Les paysages hauts-alpins

Les paysages hauts-alpins sont riches d’une grande diversité. On peut passer de la haute-montagne à la moyenne-haute-montagne, on trouve aussi bien des lacs, rivières et ruisseau naturels que des lacs artificiels, la végétation et les formes végétales varient en fonction de l’altitude, mais également de la latitude et la longitude. De même, les formes architecturales et bâties (silhouettes villageoises, architecture, couleurs, matériaux,….) sont très différentes, que l’on soit dans le Briançonnais, le Guillestrois, le Gapençais ou encore le Buëch, pour ne citer que ces 4 là. Les forêts et montagnes couvrent 83% du territoire [12].

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L’atlas des paysages des Hautes-Alpes [14] définit 11 unités paysagères (Figure 15). A ces

différents paysages (Figure 14, Figure 13, Figure 16 et Figure 17) est associée une grande diversité agricole, répartie sur l’ensemble du territoire, des vallées aux alpages. Ce territoire de montagne offre ainsi de nombreux points de vue sur les bâtiments, dont les bâtiments agricoles. Leur toiture est d’ailleurs communément appelée « 5e façade ».

Figure 15 - Unités paysagères du département des Hautes-Alpes

Source : Atlas des paysages des Hautes-Alpes, http://www.paysages-hautesalpes.fr/atlas-paysager.html

Figure 13 - Vue depuis Briançon (05) (Vallée de la Haute-Durance )- Source : Claire MASQUELIER, 2017 Figure 14 - Vue sur le Pic des Chabrières depuis Prunières

(05) (Vallées du lac de Serre-Ponçon) Source : Claire MASQUELIER, 2017

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L’agriculture haute-alpine aujourd’hui

Aujourd’hui, avec 18% de la production européenne, la France est le premier producteur agricole européen, même si sa place varie selon le type de production [15]. Contrairement à d’autres départements comme la Bretagne, la Normandie ou encore la Champagne, auxquelles on peut associer respectivement l’élevage porcin, l’élevage bovin lait et les grandes cultures céréalières, on n’associe pas vraiment une filière particulière aux Hautes-Alpes, mais plutôt une diversité de filières.

En 2013 on recensait 1860 exploitations, soit 2315 agriculteurs (8% des actifs). Globalement, on peut découper le territoire en plusieurs zones, en fonction de la filière dominante (Figure 18). Il s’agit essentiellement de production de lait et fromage (brebis, chèvres, bovins) dans le Briançonnais et le Champsaur-Valgaudemar, d’agneau viande dans le Buëch et le Dévoluy (IGP Agneau des Alpes du Sud), de fruits (poires, IGP Pommes des Alpes de Haute-Durance) au Sud du Département, mais également de vin en Val de Durance (IGP « Hautes-Alpes »)[16]. Les surfaces d’exploitations varient : on recense environ 100 exploitations de moins de 2,5 ha, 310 entre 2,5 et 10 ha, 600 entre 10 et 50 ha et 430 de plus de 100 ha [17]. Malheureusement, le

nombre d’exploitations est en baisse. Ce n’est pas le cas dans toutes les filières, mais par exemple dans la filière bovin lait, on est passé de 190 exploitations en 2010 à 120 exploitations en 2016 avec pour conséquence 30% de lait en moins collecté [18].

Figure 18 - Les productions dominantes de l'agriculture dans les Hautes-Alpes. Source : © Philippe MOUSTIER. Hautes-Alpes

(BESSON-LECRINIER, et al. 2009) Figure 16 - Vue depuis Orcières (05) (Vallée

des Drac) - Source : Claire MASQUELIER, 2017

Figure 17 - Vue depuis Sigoyer (05) (Bassin de Gap) Source : Claire MASQUELIER, 2017

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Afin de valoriser la production agricole locale, la marque territoriale HAUTES ALPES Naturellement® (Figure 19) a été créée. Portée par les filières agricoles et alimentaires via la Chambre d’agriculture des Hautes-Alpes, elle « garantit une origine haute-alpine des produits bruts ou transformés proposés par les agriculteurs, les entreprises agroalimentaires et les restaurateurs des Hautes-Alpes. » [16]. Aujourd’hui, ce sont près de 200 exploitations ou organismes qui adhèrent à cette marque, ainsi que près de 25 restaurateurs répartis sur l’ensemble du territoire. Cette marque territoriale garantit également une production « selon des normes de qualité, respectant le savoir-faire local, promouvant les circuits courts » [15].

Il semble indispensable de prendre conscience, comme le disait Pierre-Yves MOTTE, président de la Chambre d’agriculture des Hautes-Alpes dans une interview de D!CI TV, que « le tourisme et l’agriculture font route commune, le tourisme sans l’agriculture ne peut exister, l’agriculture sans le tourisme aujourd’hui n’existerait pas non plus. Et je crois qu’on a vraiment besoin d’avancer ensemble pour proposer quelque chose de formidable à notre département en termes de développement économique. Développer l’emploi, générer de l’activité et du maintien de nos territoires qui font le bonheur de milliers, de centaines de milliers, de million de visiteurs chaque année. » [19]

Le tourisme haut-alpin aujourd’hui

En effet, comme évoqué précédemment, le département des Hautes-Alpes a su développer après la Seconde Guerre Mondiale un tourisme qui représente aujourd’hui la part principale de son économie et représente 6,8% des actifs [12]. Il est essentiel néanmoins de noter qu’un des grand atout du département, qui profite grandement au développement de ce tourisme est la qualité de ses paysages, dans lesquels de nombreuses activités sont possibles : randonnée (6800 km de sentiers de randonnées), ski, sports nautiques,… Ces paysages dits « naturels » ont néanmoins été façonnés, entretenus par l’activité agricole. Par exemple, l’élevage, en grosse partie extensif est indispensable à la gestion des alpages notamment (Figure 20). Sans agriculture, les paysages hauts-alpins se fermeraient peu à peu, la végétation arbustive et arborée reprenant le dessus.

Figure 19 - Marque HAUTES-ALPES Naturellement® - Source : www.produitsdeshautesalpes.fr

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C’est pourquoi il est essentiel de maintenir une agriculture et de la valoriser. Les différentes marques et labels (Esprit Parc national, HAUTES-ALPES Naturellement®, IGP Hautes-Alpes, IGP Agneau de Sisteron, IGP Pommes des Alpes de Haute-Durance, Label Rouge, Agriculture Biologique,…) y contribuent, tout comme le développement de la vente à la ferme (Bienvenue à la Ferme,…), du tourisme vert et de l’agri-tourisme.

Cette partie nous a permis d’identifier les grands facteurs d’évolution des bâtiments agricoles, en France et dans le département des Hautes-Alpes, de caractériser notre territoire d’étude et ainsi d’en comprendre les enjeux agricoles et touristiques.

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3. Les bâtiments agricoles aujourd’hui : réponse à de multiples enjeux et impact sur le paysage

Comme expliqué en intro, les bâtiments agricoles ne sont pas toujours acceptés par l’ensemble de la population, pour des raisons d’esthétique dans le paysage entre autres. Mais, si les bâtiments sont ce qu’ils sont aujourd’hui, c’est pour s’adapter à une agriculture qui a évolué, comme vu précédemment. Notons toutefois, qu’aujourd’hui, « les constructions agricoles diversifient leurs caractéristiques. En effet, des enjeux économiques, énergétiques, environnementaux et sociaux guident les projets de bâtiments, diversifiant et maximisant ainsi le rôle des bâtiments agricoles » [20]. Nous allons dans cette partie analyser ces enjeux, selon différents points de vus et ainsi voir en quoi et comment ils peuvent être considérés comme biens communs.

3.1. Les bâtiments agricoles aujourd’hui : fonctions, enjeux et impact paysager

A l’aide du questionnaire, j’ai voulu identifier le plus exhaustivement possible, à travers trois questions ce qu’est un bâtiment agricole, quelles sont ses caractéristiques principales, et ce qui est selon les personnes interrogées, le plus important dans sa construction. Le questionnaire permet le croisement de différents regards.

Figure 23 - Synthèse des réponses à la question 18 « Qu'est-ce qui est, selon vous, le plus important dans la construction d'un bâtiment agricole ? »

Source : Claire MASQUELIER

Figure 22 – Synthèse des réponses à la question 11 « Quelles sont les caractéristiques principales des bâtiments

agricoles ? » - Source : Claire MASQUELIER Figure 21 – Synthèse des réponses à la question

10 « Qu’est pour vous un bâtiment agricole ? » Source : Claire MASQUELIER

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On voit à partir de ces 3 nuages de mots (Figure 21, Figure 22 et Figure 23), qu’au bâtiment agricole est bien associée la notion d’outil de travail, qui doit être grand, fonctionnel, pratique, servir au stockage (animaux, production ou matériel), à la production ou à la transformation, être adapté aux besoins de l’agriculteur, confortable pour les animaux dans le cas de l’élevage, mais également pour ceux qui y travaillent. On note dans le 2e nuage de mot (Figure 22) en particulier, d’autres mots, plutôt associés aux matériaux (tôle, pierre, bois, béton, panneaux solaires, …). Le 3e nuage de mots (Figure 23), quant à lui, fait ressortir ce qui est aux yeux des personnes interrogées le plus important lors de la construction d’un bâtiment. On y voit apparaître des mots qui étaient présents dans les nuages de mots précédents, sans pour autant ressortir autant, à savoir l’insertion paysagère, la durabilité du bâtiment, le respect de l’environnement, la production d’énergie, le coût. Cela met en avant d’autres critères à prendre en compte, au-delà de la seule fonctionnalité du bâtiment. Peut-être n’ont-ils pas été cités précédemment car peu pris en compte dans les bâtiments agricoles, que les gens ont pris comme référence, mais qu’ils devraient selon eux, être aujourd’hui intégrés aux réflexions. Ces caractéristiques qui ne sont pas aujourd’hui considérées comme caractéristiques principales, le seront peut-être dans quelques années, après un travail de fond ?

Notons, que les réponses à la question 18 (Figure 23) ont pu être orientées par les questions qui l’ont précédée (questions sur l’appréciation ou non des bâtiments agricoles, la relation entre bâtiment et paysage,… (cf. Annexe I)). Néanmoins, même si c’est le cas, cela peut montrer que peu à peu, les gens ont pris conscience de certains enjeux au fur et à mesure du questionnaire. Quelques dessins et photos de « maquettes » sont venus compléter les réponses. En voici un échantillon (Figure 24)

Ces dessins mettent en avant la simplicité architecturale des bâtiments, leur fonctionnalité (stockage de machines, bottes de paille, légumes, élevage, …) et la praticité (accessibilité, grandes ouvertures, …), parfois les matériaux (bois, briques, ardoises, tôle, parpaings), la production d’énergie solaire. Le dessin en bas à gauche place quant à lui le bâtiment dans un

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contexte paysager, ce qui peut montrer que pour cette personne, bâtiment et paysage sont indissociables. Il est intéressant de noter la diversité de précision des dessins.

Nous allons pouvoir utiliser ces éléments comme base de travail, pour comprendre les enjeux des bâtiments agricoles contemporains, leurs fonctionnalités et voir en quoi ces composantes vont impacter le paysage. L’ensemble sera replacé dans le contexte haut-alpin.

3.1.1. Fonctionnalité

Aujourd’hui, on demande à l’agriculture d’être productive, ce qui suppose de beaucoup plus grandes exploitations qu’au début du siècle dernier, ainsi qu’une mécanisation des procédés. Qui dit grande exploitation et mécanisation, dit grands bâtiments. En effet, que l’on soit arboriculteur, éleveur, horticulteur ou maraîcher, on a besoin de bâtiments pour respectivement stocker ses fruits, abriter ses animaux, éventuellement les traire et pourquoi pas transformer, ou encore produire et stocker les végétaux produits. Souvent, les machines doivent pouvoir entrer dans le bâtiment, ce qui suppose une certaine hauteur. Comme dit dans la partie précédente, on a souvent des bâtiments différents, associés à différentes fonctions. Parfois, un même bâtiment possède plusieurs usages, mais est par conséquent de dimension encore plus grande. Il est cependant rare de voir des bâtiments à plusieurs étages, ou alors c’est une adaptation à la topographie du site.

Chaque filière possède ses spécificités, contraintes associées, dans son organisation interne par exemple (aménagements, circulation dans le bâtiment, division des espaces, …), la gestion des accès, sa position dans l’exploitation, l’aménagement des abords. On peut ainsi aisément reconnaître la fonction d’un bâtiment ou la filière à laquelle il est associé, rien qu’en regardant le bâtiment, ce qui a été démontré par l’étude de l’Institut de l’Elevage (BLANCHIN, JANIN et JANIN, 2010). Cette étude montre également, à travers l’exemple de la filière bovin lait, qu’une distinction régionale est encore parfois possible, même si elle n’est pas aussi marquée qu’au niveau des fermes traditionnelles héritées du 19e siècle. L’étude note néanmoins que ces

distinctions sont essentiellement « liées à des ‘attitudes d’éleveurs’, orientées par leurs parcours, situation et leur appartenance plus ou moins forte à un bassin laitier et une communauté agricole marquée, en d’autres termes, à des pratiques agricoles collectives » Le type de production ne va pas seulement impacter le

bâtiment, mais également la présence d’autres installations, à proximité du bâtiment, tels que des silos (Figure 25) par exemple. De tels bâtiments et installations sont, par leurs dimensions, inévitablement plus imposants dans le paysage que les anciennes fermes, mais nécessaires. Au-delà de leur dimension, ils peuvent marquer le paysage par leur positionnement, les matériaux et couleurs.

Illustrons maintenant l’impact de la fonctionnalité sur le

bâti, en prenant l’exemple d’une ferme que j’ai eue l’occasion de visiter, au Sud du département. Il s’agit d’un élevage de 1000 brebis pour la production d’ovin viande (Agneaux de Sisteron, Label Rouge César). L‘exploitation s’étend sur 136 ha et comporte 6 bâtiments (Figure 26 et Figure 28), le dernier ayant été construit fin 2016. Ceux-ci sont concentrés, de part et d’autre d’une route. Chaque bâtiment possède sa fonction : 3 bergeries, 2 hangars à fourrage et 1 hangar à fourrage et matériel. Notons que le dernier bâtiment construit, bien que considérés par l’éleveur comme 2 bâtiments, est simplement divisé en 2 : une partie bergerie et une partie hangar. Ce bâtiment est donc particulièrement long (Figure 27).

Figure 25 - Silo à grain, Puy Sanières (05) Source : Claire MASQUELIER, 2017

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3.1.2. Conditions de travail

Une meilleure fonctionnalité du bâtiment, ainsi que la mécanisation vont entres autres améliorer les conditions de travail de l’agriculteur, par une simplification des tâches. L’amélioration des conditions de travail passe également par un cadre agréable, lequel peut être influencé par la propreté, la luminosité, la température dans le bâtiment par exemple. Les choix de conception du bâtiments (formes, volumes, matériaux, ouvertures, …) doivent donc prendre en compte ses aspects là également.

3.1.3. Bien-être animal

De plus, l’amélioration du bien-être animal (dans le cas de l’élevage) est aujourd’hui un enjeu essentiel dans la construction des bâtiments agricoles. Les animaux doivent pouvoir évoluer dans un environnement sain, agréable, que ce soit en extérieur ou en intérieur. Cela suppose d’avoir un bâtiment propre, aéré, mais sans courants d’air, avec une humidité d’air adaptée. La température et la luminosité du bâtiment sont également à prendre en compte [21]. L’enjeu est d’autant plus fort que le grand public s’empare de cette question, et qu’« au-delà de la question éthique, la santé et le bien-être animal recèlent [par conséquent] des enjeux économiques et des enjeux d’image »[22]. De plus en plus de réglementations sont imposées aux agriculteurs pour

répondre à la demande sociétale notamment. Face à de nouvelles réglementations, les éleveurs sont contraints de faire évoluer leur bâtiment [20].

Figure 26 - Exploitation ovin viande à Vitrolles (05) - Source : Claire MASQUELIER, 2017

Figure 27 - Bâtiment double (bergerie et hangar à fourrage et matériel (4 et 6)) construit en 2016, Vitrolles (05) – Source : Claire MASQUELIER, 2017

Figure 28 - Vue sur le pignon de la bergerie (2) et du hangar à fourrage

et matériel (3), Vitrolles (05) Source : Claire MASQUELIER,

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En effet, les différentes normes techniques et sanitaires, vont poser un certain nombre de contraintes qui vont impacter l’aménagement intérieur du bâtiment (Figure 29). Elles vont également influencer la taille, la hauteur de celui-ci puisqu’il existe des seuils de surface et volume d’air, par bête. Ces normes peuvent varier en fonction du type d’agriculture (conventionnelle, raisonnée, biologique, …). Par exemple, dans le cas de l’élevage ovin Label Rouge César, un minimum de

1,2m² par brebis est exigé. A ces normes s’ajoutent d’autres règles, tel que l’éloignement du bâtiment d’élevage par rapport aux habitations par exemple. Ce ne sont ici que quelques exemples, je n’entrerai pas plus dans les détails, mais cela montre la complexité de la question et en quoi ces règles vont elles aussi avoir un impact sur l’architecture du bâtiment.

Un des gros enjeux des bâtiments est donc une certaine adaptabilité qui leur permettra de faire face à ces changements le plus simplement et économiquement possible.

Notons que comme pour le bien-être de l’éleveur, les choix de conception et d’implantation du bâtiment vont impacter le bien-être animal, qui est donc à prendre en compte.

3.1.4. Coût du bâtiment

La construction d’un bâtiment nécessite un gros investissement de la part de l’agriculteur. Très souvent, l’agriculteur cherche à le minimiser. Cela peut se jouer sur des choix constructifs entre autres. Les agriculteurs vont très souvent se tourner directement vers des constructeurs qui vont pouvoir leur proposer des bâtiments « clés en main », adaptés à leur filière. Comme le soulignait Jean-Robert PITTE, les constructions « ont souvent été implantées en fonction de critères exclusivement pratiques au regard de la marche de l’exploitation et avec les matériaux les moins onéreux possibles » (PITTE 2012). C’est ainsi que cherchant à réduire l’investissement, les agriculteurs se tournent plus naturellement vers des bâtiments en structure acier, matériau qui a la réputation d’être solide et moins cher que le bois par exemple. Je dis « réputation » car selon le projet, ce n’est pas toujours le cas (LIONS, et al. 2017). Une multitude de paramètres, dont le choix des matériaux et leurs propriétés, vont influencer les coûts, que ce soit à l’investissement, ou en fonctionnement.

Les propositions des constructeurs, certes simples, vont néanmoins fortement contribuer à la standardisation des bâtiments. De plus, bien que répondant aux principaux besoins de l’agriculteur, le bâtiment ne sera pas forcément optimisé. Il est intéressant de noter également, qu’il n’est pas rare que les agriculteurs hauts-alpins fassent appel à des constructeurs basés à l’autre bout de la France (Bretagne, par exemple), alors qu’il y a des constructeurs et artisans localement.

Figure 29 – Aménagement intérieur de la bergerie (5), Vitrolles (05) Source : Claire MASQUELIER, 2017

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~ 20 ~ Depuis plusieurs années, des sociétés

privées arpentent le territoire et proposent aux agriculteurs de leur construire des bâtiments quasiment gratuitement, seuls le terrassement et le bardage restent à leur charge. En contrepartie, ces sociétés installent des panneaux photovoltaïques en toiture (Figure 30) et exploitent l’énergie solaire pendant une vingtaine d’années au terme desquelles, le bâtiment sera entièrement la propriété de l’exploitant, toiture photovoltaïque comprise. Ces propositions sont très alléchantes pour les

agriculteurs puisque cela leur permet de moderniser leur exploitation à moindres frais. Ces pratiques posent parfois question, en particulier en ce qui concerne la nécessité agricole. Le projet correspond-il aux besoins de l’exploitation ? N’est-il pas plus grand que nécessaire, avec par conséquent un impact paysager plus fort et une utilisation de surface agricole à tort ? Ces questions se posent, puisqu’en général, les bâtiments construits font 600-800m² minimum pour être financièrement rentables pour la société et vont parfois jusqu’à 1600-2000m². Ces surfaces sont d’autant plus élevées que le prix de rachat de l’énergie est en baisse. Pour faire face à ces questionnements, la Chambre d’agriculture 05 a mis en place un « référentiel » pour savoir quelle surface est nécessaire pour quoi. Les dossiers de demandes de permis de construire de tels bâtiments doivent comporter une fiche supplémentaire permettant de justifier la nécessité agricole du projet, complétée grâce au référentiel, avec une marge de 25% pour l’évolution future de l’exploitation. Les dossiers passent ensuite en Commission Départementale de la Préservation des Espaces Naturels, Agricoles et Forestiers (CDPENAF).

Certaines sociétés privées proposent également de louer les toitures de grands bâtiments déjà existants pour y installer des panneaux photovoltaïques et exploiter l’énergie, ce qui offre aux agriculteurs un revenu supplémentaire.

Les bâtiments photovoltaïques sont donc généralement de grande taille, pour des raisons de rentabilité, le prix de revente de l’énergie solaire ayant diminué ces dernières années, et situés de manière à maximiser la production d’énergie. L’impact paysager des panneaux est non-négligeable, par le matériau en lui-même (couleur, aspect) et en raison des reflets du soleil notamment. Mais on voit de plus en plus de panneaux anti-reflets.

Certaines aides financières vont aider les agriculteurs à investir. Par exemple, la Dotation Jeunes Agriculteurs (DJA) est accordée aux personnes de moins de 40 ans, détentrices d’un diplôme agricole, qui décident de s’installer en agriculture et ont réalisé un Plan de Professionnalisation Personnalisé (PPP). Il existe également des aides européennes dans le cadre du Plan de Compétitivité et d’Adaptation des Exploitations agricoles (PCAE) 2014-2020 (dispositifs 4.1.1 , 4.1.2 , 4.1.3 : filières d’élevage, filières végétales, amélioration de la performance énergétique)

Figure 30 - Bâtiment agricole avec toiture photovoltaïque, La Freissinouse (05) - Source : Claire MASQUELIER, 2017

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3.1.5. Matériaux

Dans le département des Hautes-Alpes, selon le type de bâtiment, la filière, mais également la localisation, on peut trouver différents matériaux. La structure peut être en acier ou bois. Les façades sont très souvent en béton (Figure 35), avec parfois un bardage bois (Figure 34) ou bac-acier (Figure 34), et quelques fois en panneaux sandwich (Figure 34). Selon l’âge du bâtiment principalement, on va trouver différents types de couverture : fibrociment, tôle ondulée, tôle bac-acier, tuiles (canal ou écailles), bardeaux de bois, panneaux photovoltaïques. Les façades ne sont pas toujours enduites, par manque de temps, ou d’intérêt. J’ai également pu visiter un bâtiment éco-construit avec structure bois et mur en mélange paille-chaux (Figure 34). Il n’est pas rare non plus de croiser des serres tunnel avec couverture bâche plastique (Figure 36) et des serres en verre pour l’horticulture notamment.

Le choix des matériaux va impacter fortement le projet. En effet, cela va impacter l’architecture du bâtiment, les matériaux ne se travaillant pas tous de la même manière, mais également son aspect extérieur et intérieur en fonction de la texture, la couleur des matériaux. Il va également influencer le confort à l’intérieur du bâtiment, chaque matériau possédant des propriétés qui lui sont propres (maintien de la fraîcheur, résistance à l’eau, au temps, aération…), la durabilité du bâtiment ou encore la consommation en énergie. Par son impact sur l’architecture et l’aspect extérieur, le choix des matériaux va également impacter le paysage. En général, les villages ont

Figure 35 - Hangar, structure métallique et béton, Chorges (05) - Source : Claire MASQUELIER, 2017

Figure 34 - Frigo à pomme en éco-construction bois-paille-chaux, Barcillonnette (05)- Source : Claire

MASQUELIER, 2017

Figure 34 - Poulailler mobile, structure acier et panneaux sandwich, Rambaud (05) - Source : Claire MASQUELIER, 2017 Figure 34 - Hangar à fourrage, structure, bardage et

toiture métallique, Montgardin (05) Source : Claire MASQUELIER, 2017

Figure 34 - Bâtiment en bois, Les Rousses (05) Source : Claire MASQUELIER, 2017

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