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Communauté et ethnicité : la culture organisationnelle d'une ONG au Mexique

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Academic year: 2021

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Université de Montréal

Communauté et ethnicité:

La culture organisationnelle d’une ONG au Mexique

par

Geneviève Polèse

Département d’ anthropologie

Faculté des arts et des sciences

Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures en vue de

l’obtention du grade de Maître ès Sciences (M.Sc.)

en anthropologie

Février, 2006

(2)

(j)/j

(3)

(II

de Montréal

Direction des bibliothèques

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L’auteur a autorisé l’Université de Montréal à reproduire et diffuser, en totalité

ou en partie, par quelque moyen que ce soit et sur quelque support que ce soit, et exclusivement à des fins non lucratives d’enseignement et de recherche, des copies de ce mémoire ou de cette thèse.

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Faculté des études supérieures

Ce mémoire intitulé:

Communauté et ethnicité:

La culture organisationnelle d’une ONG au Mexique

présenté par:

Geneviève Polèse

a été évalué par un jury composé des personnes suivantes:

M. Bernard Bernier

Président-rapporteur

M. Pierre Beaucage

Directeur de recherche

Mrne Deirdre Meintel

(5)

Ce travail propose de jeter un regard sur le développement et l’éducation au Mexique en entreprenant un voyage historique, théorique et analytique au coeur de concepts tels la culture organisationnelle, l’ethnicité et le développement. Cette perspective anthropologique de phénomènes historiques et administratifs contribuera à démontrer comment le contexte, l’histoire et la culture ont un impact sur le développement d’une organisation.

Cette recherche propose également l’étude de l’implantation et du développement d’une organisation non gouvernementale (ONG) au Mexique. Cette ONG, nommée le Centre, a vu le jour il y a plus de vingt ans et se consacre à l’éducation postsecondaire. Cette ONG est située dans une région autochtone nahua dans l’état de Puebla; plus spécifiquement, dans la Sierra Norte de Puebla, une des zones les plus pauvres du pays.

Ce travail dressera le portrait ethnohistorique de cette ONG par le biais de l’anthropologie de l’institution. L’ONG étant une forme sociale en mouvement évoluant avec le temps, cette approche permettra de placer en relation diverses variables, afin de mieux cerner le contexte. Pour ce faire, il est nécessaire de dresser l’inventaire de l’histoire du Centre, afin de mettre en perspective les perceptions internes et externes des acteurs qui y évoluent. Ceci permettra de saisir les dynamiques culturelles, ethniques, identitaires et sociales sous-jacentes. Ces perceptions contribueront à établir les bases permettant de mieux décrire la culture organisationnelle en action.

MOTS CLÉS : Anthropologie, ethnologie, ethnicité, culture organisationnelle, développement, Mexïque.

(6)

The underlying concern of this paper is the future of education and development in Mexico. This journey will follow a historical, theoretical and analytical path refcrring to key concepts such as organisational culture, ethnicity and of course development. It is an anthropological perspective on historical processes that enables one to see how context, history and culture have a direct impact on the development of an organisation.

This paper proposes to study the creation and coming of age, so to speak, of an NGO in Mexico, called the Centre. This NGO was established over twenty years ago and is dedicated to providing postsecondary education. It is located in a native Nahua region in the State of Puebla, specifically, in the Sierra Norte of Puebla, one of the poorest regions of Mexico.

This research will present an ethno-history of the NGO via an anthropological analysis of the institution. An NGO is a social entity undergoing constant change and in constant evolution. As such, the analysis looks at the relationship between a variety of factors, placing them in a historical and theoretical context. In order to achieve this, a historical inventory of the Centre is proposed where various internai and external perceptions are taken into account allowing us to identify cultural, ethnical and social dynamics. These perceptions, in turn, form the basis for a better understanding of an organisational culture in action.

KEY WORDS:

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RÉSUMÉ EN FRANÇAIS

RÉSUMÉ EN ANGLAIS (ABSTRACT) ii

TABLE DES MATIÈRES iii

LISTE DES TABLEAUX ET DES FIGURES vi

LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES viii

INTRODUCTION 1

CHAPITRE 1: UN CADRE THÉORIQUE 5 1.1 CULTURE ORGANISATIONNELLE EN MILIEU ÉDUCATIF 7 1.1 .1 Origine du concept de culture organisationnelle 7 1.1.2 Définition de la culture organisationnelle 8 1.1.3 Quelques outils de description de la culture organisationnelle en

milieu éducatif 9

1.1.3.1 Structure organisationnelle, sous-cultures et fondateur 9 1.1 .3.2 Dimensions de la culture nationale 11 1.1.3.3 Inventaire évaluatif de la culture organisationnelle 13 1.2 RELATIONS INTERETHNIQUES AU MEXIQUE 15 1 .2.1 Etlinicité et identité ethnique au Mexique le cas des populations

autochtones 16

1.2.1.1 Campesino, paysannerie et rapport au territoire 1$

1.2.1.2Ind(gena et langue 19

1.2.2 Nature des relations interethniques au Mexique 20 1.2.3 Une prise de conscience identitaire 23 1.3 DÉVELOPPEMENT, ONG ET ÉDUCATION AU MEXIQUE 26 1 .3.1 Les idéologies du développement au Mexique 26 1.3.1.1 Réformes agraires et impact sur les caînpesinos 27 1.3.1.2 Initiatives publiques en éducation bilingue biculturelle 29 1.3.1.3 La doctrine de la libération en éducation 33 1.3.2 Les ONG et le développement par l’éducation 35 1.3.2.1 La place des ONG dans le développement 36 1.3.2.2 Initiatives locales en éducation rurale 38 1.4 CONCLUSION D’ENSEMBLE DU CADRE THÉORIQUE 40

(8)

CHAPITRE 2: MÉTHODOLOGIE 42

2.1 PREMIERS CONTACTS 43

2.2 DÉMARCHE 45

2.3 OBSTACLES ET CONTRAINTES 46

2.4 QUESTIONS ÉTHIQUES 46

2.5 MÉTHODE ET APPROCHE ETHNOGRAPHIQUE 47

CHAPITRE 3: ZAUTLA -UN MUNICIPE AUTOCHTONE DE 51

LA SIERRA NORTE DE PUEBLA

3.1 CONTEXTE NATIONAL : LE MEXIQUE 51

3. 1.1 Quelques repères historiques 51

3.1.2 Portrait analytique 51

3.1 .2.1 Economie et politique 54

3.1.2.2 Syncrétisme religieux 55

3.2 CONTEXTE RÉGIONAL LES NAHUAS DE HAUTE 57

MONTAGNE

3.3 CONTEXTE LOCAL : LE MUNICIPE DE ZAUTLA 59

3.3.1 Puebla 59

3.3.2 La Sierra Norte de Puebla 60

3.3.3 Le municipe de Zautla et le village de Zautla 62

CHAPITRE 4: LE CENTRE -UNE ONG ÉDUCATIVE SITUÉE 66

DANS LE MUNICIPE DE ZAUTLA

4.1 L’HISTOIRE DU CENTRE-LE PASSÉ DE L’ORGANISATION 68

4.1 .1 Histoire et structure organisationnelle 69

4.1.2 Financement, mission et mandat 78

4.1 .3 Quelques actions en développement local 81

4.2 VALEURS ET CROYANCES -LES PERCEPTIONS INTERNES 83 ET L’INFLUENCE DES SOUS-GROUPES

4.2. 1 Sous-groupe des membres fondateurs et du comité de direction 83

4.2.2 Sous-groupe des employés 87

4.2.3 Sous-groupe des étudiants 90

4.3 TRADITION, RITES ET CÉRÉMONIES -LE QUOTIDIEN AU 94

(9)

4.4 MYTHES ET RÉCITS -LA NATURE DES PERCEPTIONS 100 EXTERNES FACE AU CENTRE

4.4.1 Nature des perceptions négatives face au Centre 100 4.4.2 Nature des perceptions positives face au Centre 105

4.5 NORMES CULTURELLES -LE CONCEPT DE CULTURE 108

NATIONALE APPLIQUÉ

À

LA CULTURE ORGANISATIONNELLE

4.5.1 Distance hiérarchique 109

4.5.2 Contrôle de l’incertitude 111

4.5.3 Individualisme et collectivisme 112

4.5.4 Masculinité et féminité 113

4.6 LE MYTHE DU FONDATEUR ET L’HÉRITAGE DU 115

SUCCESSEUR

4.7 DESCRIPTION DE LA CULTURE ORGANISATIONNELLE DU 118 CENTRE

CONCLUSION ET DISCUSSION 121

RÉfÉRENCES 126

ANNEXE 1 : Fiche descriptive du projet de recherche—remise aux ix personnes rencontrées en entrevue (espagnol)

ANNEXE 2 : Fiche signalétique— remplie lors de chaque entrevue xi (français)

ANNEXE 3: Catégorisation par code d’entrevue des informateurs et xii informatrices rencontrés en entrevue (espagnol)

ANNEXE 4: Données sociodémographiques des informateurs et xiii informatrices rencontrés en entrevue (français)

ANNEXE 5 : Guide d’entrevue (espagnol) xiv

ANNEXE 6 : Tableaux statistiques xxi

ANNEXE 7 : Cartes géographiques xxiii

(10)

TABLEAU OU FIGURE PAGE

Tableau I: Évolution du pourcentage de la population rurale au 27 Mexique sur dix ans (INEGI 2000c)

• Tableau II: Résumé de la collecte d’information selon les catégories 47

• Tableau III : Catégorisation des informateurs rencontrés en entrevue 48

• Figure 1 : Organigramme du Centre selon cinq unités de travail et deux 73 unités administratives 1987-2001

• Figure 2 : Organigramme du selon deux unités de travail et une unité 74 administrative 2001 à aujourd’hui

Tableau IV: Nombres d’élèves inscrits, nombre d’élèves ayant terminé 76 leur scolarité et nombre d’élèves diplômés du Centre dans le programme

de Licenciatura en planeaciôn dcl desarrollo rural, par année scolaire (INEGI 2005)

• Tableau V t Résumé chronologique des étapes importantes dans 77

l’histoire du Centre 1982-2005

• Figure 3 : Organigramme du Centre selon le genre et l’origine ethnique 84 des personnes responsables 1987-2001

• Figure 4 : Organigramme du Centre selon le genre et l’origine ethnique 86 des personnes responsables 2001 à aujourd’hui

• Tableau VI : Comparaison des dimensions d’analyse de la culture 109

organisationnelle nationale au Canada et au Mexique selon Hofstede (1980)

• Tableau VII t Pourcentage de la distribution des religions au Mexique— xxi 2000 (INEGI 2004)

• Tableau VIII: Population de 5 ans et plus parlant une tangue autochtone xxi et/ou le nahuatl au Mexique, dans l’état de Puebla et dans le municipe de

Zautla— 2000 (INEGI 2000a)

• Tableau IX : Analphabétisme de la population de 15 ans pour le xxi Mexique, l’état de Puebla et le municipe de Zautla — 2000 (INEGI

2000a)

• Tableau X: Population du Mexique, de l’état de Puebla, du municipe de xxi Zautla et du village de Zautla—2000 (INEGI 2000e)

• Tableau XI: Évolution du nombre d’élèves inscrits à l’école (par niveau xxii scolaire) dans le municipe de Zautla (INEGI 2005)

(11)

• Tableau XII: Évolution par année scolaire du nombre de professeurs et xxii d’écoles dans le municipe de Zautia (INEGI 2005)

• Figure 5 : Carte du Mexique (Encyclopedia Brïtannica 1998) xxiii

• Figure 6 : Localisation des municipes de Zautla et de Ixtacamaxtithîn xxiii par rapport à l’état de Puebla et au Mexique (CESDER 1998)

• Figure 7 : Route de Cortés de Veracruz à la ville de Mexico (Cardenas xxiv Vidaurri & Zacarfas 1998)

• Figure $ : Vue panoramique vers l’est, du vil]age de Zautla (© G. Polèse xxv 1997)

• Figure 9 : Église, mairie et auditorium du village de Zautla (© G. Polèse xxv 1998)

• Figure 10 : Région montagneuse du municipe de Zautia (© G. Polèse xxvi 2004)

• Figure 11: Région agricole du municipe de Zautla (© G. Polèse 2004) xxvi • Figure 12 : Femme alfarera (potière) du municipe de Zautia (© G. xxvii

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ALENA Accord de libre-échange nord-américain BM Banque Mondiale

BUAP Benemérita Universidad Autônoma de Puebla CESDER Centro de Estudios para el Desarrollo Rural CEFORCAL Centro de Formacién y de Capacitacién Alfarero

DF Distrito Federal EDUSAT Educacién por Satélite

ERFT Escuelas Rurales de Formaciôn para el Trabajo ETPC Escuela de Técnicos y Profesionistas Campesinos EZLN Ejército Zapatista de Liberacién Nacional

fMI Fonds monétaire international

HEC École des Hautes Études Commerciales de Montréal INEGI Instituto Nacional de Estadfstica Geogrfica e Informitica ITESM Instituto Tecnolôgico y de Estudios Superiores de Monteney

OCAI Organisational Culture Assessment Inventory ONG Organisation non gouvernementale

PAN Partido Acciôn Nacional PEMEX Petréleos Mexicanos

PIB Produit intérieur brut

PRD Partido de la Revolucién Democràtica PRI Partido de la Revolucién Institucional PROCAMPO Programa de Apoyos Directos al Campo

PROGRESA Programa de Educacién, Salud y Alirnentaciân PNR Partido Nacional Revolucionario

PRM Partido de la Revoluciôn Mexicana PRODES Promociân y Desarrollo Social

SEP Secretarfa de Educaciôn Piiblica UDLAP Universidad de las Américas —Puebla

(13)

Cette recherche porte sur l’histoire d’une organisation non gouvernementale (ONG) mexicaine sous l’angle de la culture organisationnelle, de la communauté et de l’ethnicité. Cette ONG, que nous appellerons le Centre1, naît il y a plus de vingt ans dans une région rurale autochtone nahua marginalisée du centre du Mexique, plus précisément dans le municipe de Zautla au sud de la Sierra Norte de Puebla. Malgré une histoire tumultueuse, le Centre aura un impact marquant sur l’éducation et le développement de la région.

Les initiatives de développement ne datent pas d’hier dans la Sierra Norte de Puebla, bien qu’aucune ne permet de répondre aux besoins urgents en matière d’éducation des populations autochtones locales. Les écoles publiques n’ont pas su adapter leur enseignement. La population nahua de la région est majoritairement paysanne et la situation est telle que les jeunes ne s’identifient pas au sein du système scolaire officiel les outils et l’apprentissage ne sont pas adaptés à leur mode de vie, les enseignants ne sont pas de la région, l’enseignement bilingue2 est proscrit par le gouvernement, les cours et les horaires ne sont pas appropriés et certains parents ne voient pas l’utilité d’une éducation postsecondaire pour leurs enfants. Par conséquent, peu de jeunes fréquentent les écoles publiques, préférant rester sur leurs terres ou chercher du travail ailleurs. Devant la nécessité d’un système éducatif adapté et adéquat, le Centre met de l’avant un nouveau mode d’enseignement qui mènera à un projet éducatif innovateur axé sur l’éducation postsecondaire et le développement local.

Afin de protéger l’anonymat de l’organisation étudiée ainsi que la confidentialité de certains renseignements, son nom ne sera pas mentionné de manière directe, sa référence se fera ainsi: le Centre.

2

(14)

SUJET DE RECHERCHE ET QUESTIONS DE RECHERCHE

De manière plus concrète, cette recherche étudie l’implantation et le développement du Centre sous l’angle de la culture organisationnelle. L’hypothèse initiale à la base de cette étude veut que les relations et tensions interethniques soient la principale cause des conflits au sein de l’organisation puisque de nombreux changements ont eu lieu au cours des années. Répertorier les hauts et les bas du Centre nous permettra de faire ressortir la culture organisationnelle qui s’y est installée et de jeter un regard sur la relation entre population locale et développement. Une incursion dans l’histoire de la fondation du Centre contribuera à une meilleure compréhension de la culture organisationnelle qui prévaut aujourd’hui. C’est donc à cette histoire et surtout aux discours soutenus par les différents acteurs oeuvrant ou ayant des contacts, de près ou de loin, avec cette organisation que nous nous sommes intéressé. Ce travail jette un regard sur le développement et l’éducation au Mexique en entreprenant un voyage au coeur de cette ONG.

Les questions de recherche sont les suivantes 1) Quelle est la culture organisationnelle de cette ONG? 2) Que pouvons-nous apprendre de l’histoire de la fondation de cette ONG en ce qui regarde la culture organisationnelle qui y prévaut aujourd’hui ? 3) Quel rôle les sous-cultures (fondateur et comité de direction, employés, étudiants) ont-elles joué et jouent-elles encore sur le développement de l’ONG ? 4) Dans quelle mesure le contexte a-t-il influencé ou influence-t-il la culture de cette ONG ? 5) Comment et pourquoi, dans un contexte culturel particulier, cette ONG a-t-elle réussi à survivre et avoir un certain succès ? 6) Quelles sont les causes de la survie de cette ONG malgré les conflits internes et externes?

PERTINENCE DE LA RECHERCHE

Peu de recherches se sont attardées à la culture véhiculée par les ONG ni à leurs impacts sur le milieu. Cette recherche permettra d’avoir une meilleure connaissance des ONG, de leur rôle, de leur mise en oeuvre, de leur apport à la culture ainsi qu’au développement local. Le contexte au sein duquel l’ONG évolue marque son histoire

(15)

et son développement. Tandis que certains acteurs de par leur origine ethnique, leur perspective, leur formation professionnelle, leur statut, auront un ïmpact sur la culture organisationnelle de l’ONG, d’autres facteurs politiques, soit historiques ou culturels, limiteront la portée de leurs actions dans la région.

ORGANISATION DU MÉMOIRE

Cette recherche a comme objectif une meilleure compréhension des dynamiques culturelles et structurelles qui sont à la base d’une initiative locale de développement. Ceci implique d’abord la présentation des principales approches et des concepts théoriques qui servent de fondement à l’analyse subséquente. La première section (chapitre 1) passe en revue les différents concepts théoriques qui ont servi de cadre conceptuel pour l’analyse anthropologique du Centre : les concepts de culture organisationnelle, d’ethnicité et d’identité ethnique autochtone au Mexique et les idéologies de développement au Mexique. Le concept de culture organisationnelle renvoie à la dynamique particulière qui se développe dans un groupe, aux liens qui se développent entre les acteurs, à leur vision et aux normes et

valeurs qu’ils partagent (Schein 1992). En ce qui a trait au concept d’ethnicité, nous regarderons plus particulièrement la place et la prise de conscience de l’identité autochtone au Mexique; une identité qui se rattache à la langue et au territoire. Toute organisation fait aujourd’hui face à un monde en constante évolution. Ceci est encore plus vrai dans une société comme le Mexique où les concepts de culture et d’identité sont confrontés à une globalisation de plus en plus présente. Le développement devient donc un défi qui doit s’appuyer sur l’éducation de la population. Nous regarderons donc la nature du développement, ainsi que la place que celui-ci occupe au Mexique. Nous ferons aussi un bref survol d’autres initiatives d’ONG éducatives dans la région à l’étude afin de mieux comprendre les enjeux.

La seconde section, qui comprend les chapitres 2 et 3, présente le cadre méthodologique décrivant les démarches entreprises lors des séjours sur le terrain ainsi qu’une brève description des premiers contacts. Les données de terrain ont pu être recueillies grâce à une insertion approfondie et répétitive dans le milieu d’étude;

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de nombreuses observations et entrevues ont émergé de cette expérience permettant d’obtenir la perspective de différents acteurs sur le Centre, de même qu’une enquête portant sur le quotidien au Centre. Le troisième chapitre permettra de mieux situer le municipe de Zautia, qui abrite l’organisation, en passant en revue son histoire et en dressant un portrait de la population autochtone nahua de la région de haute montagne de la Sierra Norte de Puebla.

La troisième section (Chapitre 4) mettra l’histoire du Centre en perspective en tenant compte des différentes variables vues dans la première section. La vision anthropologique nous permettra d’englober histoire, contexte et discours dans une visée analytique. Ceci permettra de décrire l’évolution de la culture organisationnelle qui a évolué. En décrivant la nature de la culture organisationnelle, nous aurons la possibilité de comprendre les changements qui sont survenus dans l’organisation, de répertorier les différentes sous-cultures qui se sont développées et le rôle qu’elles ont eu dans le développement de l’organisation et de la culture présente aujourd’hui. Nous dresserons donc un bref portrait de la culture organisationnelle du Centre en tenant compte des relations interethniques en place ainsi que de l’ensemble des pratiques, comportements et discours au sein de l’organisation même. Finalement, la conclusion discutera de l’impact de cette ONG sur la région, ainsi que de sa capacité à s’adapter aux nouveaux besoins de la population locale. Il sera aussi question des limites de la recherche.

(17)

Comme nous l’avons déjà mentionné, ce travail se penche sur la culture organisationnelle et la dynamique d’une ONG, nommée le Centre, qui est située dans la Sierra Norte de Puebla. Cette section permettra de soulever les éléments importants de l’étude anthropologique de l’organisation de développement et d’éducation par lesquels les concepts d’ethnicité et de relations interethniques sont appliqués à la culture organisationnelle.

Depuis des siècles, la définition du concept de culture a suscité de nombreuses discussions et demeure, encore de nos jours, un sujet de recherche pertinent. Hofstede (1980; 1994), Deal & Kennedy (1982) ainsi que Schein (1983) ont été quelques uns des premiers à entamer des recherches sur la culture organisationnelle en entreprise et à faire ressortir des différences nationales ou de pouvoir. Dans le domaine de la culture organisationnelle en milieu éducatif, le modèle de Schein (1992) a été adapté par Owens et Steinhoff (1989) pour les institutions d’enseignement et nous servira d’outil pour la description de la culture organisationnelle présentement en place au Centre.

Dans le cas des populations autochtones au Mexique, l’identité ethnique fait appel à des facteurs historiques et culturels qui sont souvent rattachés à la langue et au territoire. Le fait d’être ind[gena3 et carnpesino4 au Mexique présuppose un lien particulier avec le territoire et l’appartenance à un groupe linguistique autochtone (Wolf 1975; King 1994). La contradiction entre la vision moderne et la vision traditionnelle du territoire sera un des facteurs à l’origine d’une prise de conscience identitaire chez plusieurs groupes autochtones d’Amérique latine (Bonfil Batalla 1994; Beaucage 1995). Cette conscientisation ethnique accompagnera la mise en place de nombreuses organisations qui seront propres aux différents groupes autochtones.

Peut être traduit en françaispar: autochtone etlou indien.

(18)

C’est finalement le concept de développement en termes d’éducation qui nous intéresse dans cette troisième section. Premièrement, nous explorerons la relation entre l’État mexicain et le développement en région rurale en regardant les impacts qu’ont eu les politiques agraires (Beaucage 1992; Bonfil Batalla 1994) et les initiatives d’éducation bilingue et biculturelle (Brice Heath 1986; Lopez Arellano 1989; Balckbum 1990) sur les populations autochtones. Ces initiatives auront une influence sur le développement de théories et d’organisations qui auront pour objectif de lutter contre la pauvreté; l’application à l’éducation de la doctrine de la libération en est un bon exemple (Freire 1974; Elias 1994). Or, l’implantation d’ONG et d’organismes de toutes sortes aura un impact sur les populations, comme nous le verrons par le biais de nombreux auteurs qui ont fait la critique de l’industrie du développement (Lehmann 1990; Crewe & Harrison 1998; Petras & Veltemeyer 2002). Néanmoins, le succès d’une initiative locale de développement doit prendre en compte la participation de la population et son acceptation par la communauté (Reynoso-Ràbago 1988).

À

la suite de ce regard théorique, il nous sera possible d’avoir en main les outils et les concepts qui nous permettront d’analyser et de comprendre la culture organisationnelle qui s’est implantée dans l’ONG éducative que nous étudions.

(19)

1.1 CULTURE ORGANISATIONNELLE EN MILIEU ÉDUCATIF Lorsque nous parlons de culture, nous parlons de la culture commune à une société ou à une collectivité. Nous parlons d’un concept qui est le produit d’un système de valeurs, croyances, représentations symboliques et règles qui régissent le comportement dans une société particulière.

Durkheim (1934) a montré que la structure sociale et professionnelle de la société moderne (caractérisée par la solidarité organique) a conduit à une sorte de désintégration des anciens modèles sociaux (solidarité mécanique). Cette nouvelle division du travail a engendré des problèmes d’intégration et de cohésion sociale. Ces problèmes peuvent s’observer en analysant les différences entre les diverses organisations et entreprises sur les plans de leur conception, de leurs objectifs, de leur manière de fonctionner et de leurs caractéristiques sociales et culturelles (Morgan 1999). La culture organisationnelle est un concept important pour expliquer le vécu quotidien et les choix stratégiques réalisés par les personnes qui font partie du groupe. Nous verrons que plusieurs études ont mené à la création d’outils permettant la description et l’analyse de la culture organisationnelle.

1.1.1 ORIGINE DU CONCEPT DE CULTURE ORGANISATIONNELLE

Le concept de culture organisationnelle provient de l’étude de l’entreprise; d’entreprises internationales notamment. L’augmentation des échanges internationaux, entre pays et entre entreprises, a mis en lumière le fait que certains types d’organisations avaient plus de succès que d’autres tant au point de vue de la performance que du fonctionnement et des profits. Un des exemples de cet engouement pour l’augmentation de la performance a été l’étude comparative des modèles de gestion des entreprises japonaises, surnommé le miracle japonais, et américaines, dans les années 1980. Les premiers écrits définissant la culture organisationnelle ont donc un peu plus de vingt ans et ont amené les théoriciens des

(20)

organisations à se pencher sur les causes de la concurrence du Japon dans l’industrie de l’automobile et de l’électronique (Morgan 1999). Ainsi, Ouchi (1981) et Pascale & Athos (1982), proposaient des pistes à suivre aux gestionnaires américains à la recherche d’une plus grande compétitivité au niveau international. La clé du succès de cette culture corporative japonaise semblait provenir d’aspects humains et sociaux des industries elles-mêmes tels la conception du travail et les relations avec l’autorité (Ouchi 1981). Mais, c’est Business Week, qui en 1980, publie un article qui utilise pour la première fois le terme de culture corporative5.

À

ce moment, l’étude de la culture organisationnelle commence à battre son plein, prenant racine dans les écrits anthropologiques et sociologiques traitant de relations sociales, notamment ceux de Durkheim (1934; 1964), Weber (1947; 1958) ainsi que Geertz (1973). Concept provenant des sciences sociales, la culture dans son application à la théorie de l’organisation permet d’analyser et d’y comprendre les dynamiques sociales; la culture organisationnelle n’est nulle autre que la personnalité et l’identité de l’organisation (Morgan 1999). Dynamique, elle permet la cohésion sociale et la coopération, tandis que stagnante, elle ne s’adapte pas. Sans culture commune, il y a incertitude et manque de cohésion.

La description de la culture organisationnelle permet de situer de manière dynamique, l’homme au sein de l’organisation et permet de faire l’inventaire des mécanismes d’inclusion et d’exclusion qui y sont présents permettant de faire ressortir les relations entre les acteurs.

1.1.2 DEFINIIION DE LA CULTURE ORGANISATIONNELLE

Plusieurs méthodes ont été proposées pour décrire et classifier les différentes cultures organisationnelles selon différentes dimensions : celles de Hofstede (1980), Deal & Kennedy (1982), Handy (1985) et Johnson (1988) pour n’en nommer que quelques-unes. Ces études ont mené à l’utilisation plus répandue du concept de culture organisationnelle dans le langage courant. Notamment, Deal & Kennedy

(21)

(1982) identifient quatre éléments qui définissent encore aujourd’hui la culture organisationnelle. Ces quatre éléments sont les valeurs, les héros, les rites et les rituels ainsi que les réseaux de communication culturels. C’est néanmoins la théorie de Schein (1992) sur la culture organisationnelle qui, encore aujourd’hui, est la plus reconnue et la plus utilisée dans le domaine de la gestion.

À

la base, Schein affirme qu’il faut comprendre la culture pour comprendre l’organisation et définit la culture organisationnelle ainsi. C’est sur cette définition, ainsi que sur les outils qui suivent, que nous baserons notre analyse de la culture organisationnelle. La culture organisationnelle se définie comme l’ensemble des éléments particuliers qui expliquent les bases du fonctionnement d’une organisation ou d’une entreprise; elle est un sous-produit de la culture nationale et, par conséquent, peut être vue comme un ensemble de valeurs, de mythes, de rites, de tabous et de signes qui sont partagés (Schein 1992).

1.1.3 QUELQUES OUTILS DE DESCRIPTION DE LA CULTURE ORGANISATIONNELLE EN MILIEU ÉDUCATIF

Tel que nous l’avons vu plus haut, l’analyse de la culture organisationnelle d’une entreprise peut mener à une analyse de son fonctionnement et de ses structures organisationnelles. Certains auteurs ont même adapté ces théories afin d’analyser les organisations selon la culture nationale, le milieu éducatif et les sous-cultures qui sont présentes. Puisque l’ONG à l’étude est à la base une institution d’enseignement, nous nous baserons sur un de ces modèles pour en décrire la culture organisationnelle en milieu éducatif. Afin d’y inclure les variables dites culturelles et sociales, nous soulignerons certaines analyses des études de Hofstede (1980) sur la culture nationale et les théories de Schein (1983) sur la structure organisationnelle.

1.1.3.1 Structure organisationnelle, sous-cultures et fondateur

L’étude de la culture organisationnelle dans le domaine du management touche plusieurs niveaux d’interactions les relations industrielles, le genre, Ï’ethnicité ou la

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culture collective de l’entreprise. Il est donc question des acteurs et des réseaux qui s’établissent entre les individus et les organisations. Des sous-cultures et des groupes d’intérêts se forment et peuvent avoir une influence sur la culture organisationnelle (Schein 1983). L’étude des sous-groupes (et de leurs sous-cultures) de direction, employés, étudiants et membres fondateurs sera importante afin que nous puissions comprendre l’évolution de la structure organisationnelle dans l’ONG à l’étude. En période de crise, les différents sous-groupes seront plus visibles selon la perception qu’auront chacun des acteurs de leur mission et de leur rôle respectif dans l’organisation.

Les organisations sont créées par le biais d’un leader qui a une vision et qui dirige un groupe de personnes (Schein 1983). Le processus de développement et de prise en charge de la culture organisationnelle débute avec la création de ce groupe. Selon ce processus, le fondateur aura un impact majeur sur le groupe et sur la manière avec laquelle celui-ci résoudra les problèmes internes et externes. De plus, puisque le fondateur aura eu l’idée originale du projet ou de l’organisation, il aura une perception différente des décisions à prendre. Son rôle dans l’organisation aura un impact sur les relations entre acteurs, sur la place de l’organisation dans la société, etc. La personnalité, la philosophie, les croyances et la vision du fondateur ainsi que l’histoire sur l’origine de l’organisation pourront ainsi devenir des mythes majeurs. Le rôle du fondateur est donc déterminant dans le développement identitaire de l’entreprise ou de l’organisation : sa présence peut être une source de motivation mais peut aussi être source de conflits. Des employés peuvent le considérer indispensable et voir son départ comme indissociable à la survie de l’organisation. D’un autre côté, certains employés qui détiennent des postes intermédiaires, sentiront peut être qu’il sera difficile de monter dans la hiérarchie ou de prendre le pouvoir tant et aussi longtemps que le fondateur sera là (Schein 1983). Plus le départ du fondateur aura été difficile à se réaliser, plus le cheminement subséquent de l’entreprise sera ardu et complexe. Les intérêts de l’organisation ne doivent donc pas se confondre avec l’image héroïque du fondateur. Le mythe du fondateur

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profondément ancré dans les esprits aura des incidences négatives sur le recrutement du personnel, la culture d’entreprise et la recherche d’un successeur.

Un autre apport intéressant, associé à l’étude de la culture organisationnelle, est la contribution des théories féministes. Le féminisme a permis une transformation dans la structure organisationnelle de la société et des entreprises en proposant un changement dans les relations sociales entre genres. L’engagement féministe dans la remise en question des théories sociales a permis de mettre en lumière l’oppression, les relations de pouvoir et d’inégalités entre les hommes et les femmes par l’examen des rôles sociaux (Torres 2001). Ceci a permis l’analyse plus poussée des relations qui s’exercent à tous les niveaux de la société en tenant compte, par exemple, des interactions entre hommes et femmes en milieu de travail et de la valorisation des rôles sociaux de chacun.

1.1.3.2 Dimensions de la culture nationale

Toute institution d’enseignement, qu’elle soit publique ou privée, s’inscrit au sein de la culture nationale dans laquelle elle évolue (Torres 2001). Les institutions d’enseignement ne font que reproduire la ou les structures sociales déjà existantes. Historiquement, les institutions d’enseignement ont servi d’outil pour homogénéiser l’utilisation de la langue, la propagation de la culture et ainsi contribuer à l’assimilation de certains groupes culturels.

Plusieurs définitions cherchent à expliquer le concept de culture nationale et à montrer la dépendance du fonctionnement social (rôle de l’État, des institutions) envers les valeurs culturelles. En management, l’utilisation de la culture nationale par Hofstede (1980; 1994) pour expliquer les différences dans le fonctionnement des organisations, est souvent présentée comme un modèle, et ce, même si l’analyse demeure théorique et quantitative. Différentes dimensions de la culture sont identifiées dans l’étude des influences nationales sur le comportement des organisations. Ses dimensions se réfèrent à des valeurs qui représentent la tendance à

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préférer un certain état des choses à un autre (Hofstede 1994). Les résultats sont souvent présentés de manière comparative entre différentes cultures nationales, par exemple, le Canada et le Mexique. Cette analyse statique ne permet pas de voir l’évolution d’une culture nationale ou d’expliquer l’application de chaque dimension, mais plutôt de montrer l’existence de problèmes communs présentant des solutions différentes selon les pays. Ces dimensions nous serviront de guide pour comprendre certaines perceptions ainsi que pour fournir certaines explications face aux attitudes et traits culturels présents dans un contexte de travail.

En premier lieu, la distance hiérarchique fait référence aux inégalités sociales, y compris les relations avec l’autorité. La distance au pouvoir est le degré de différence qu’une société s’attend à voir entre les niveaux du pouvoir. Cette dimension nous permet d’avoir un indice sur la perception qu’ont les employés de leur superviseur et sur la relation de dépendance existant dans un pays. Plus la distance hiérarchique est élevée, plus l’acceptation des inégalités est forte. La deuxième dimension mesure le degré avec lequel une société accepte le risque et l’incertitude. Cette tolérance vis-à-vis l’ambiguïté se définira par le degré d’inquiétude des habitants d’un pays face à des situations inconnues. Ainsi, plus le degré de contrôle de l’incertitude est élevé, plus les personnes sont tolérantes. La troisième dimension mesure le degré avec lequel les gens seront prêts à agir sur une base individuelle ou, à l’opposé, consentants à joindre le groupe ou l’organisation. L’appartenance et l’identification au groupe sont à la base de cette dimension. Hofstede (1994) note une corrélation importante avec la richesse nationale des pays; plus le PIB (produit intérieur brut) d’un pays est élevé, plus celui-ci est individualiste. Finalement, la dernière dimension, le degré de masculinité, se réfère aux conséquences sociales de l’appartenance à un groupe de genre. Plus une société sera masculine, plus les rôles entre genres seront différenciés. Chacune de ces dimensions a un impact sur la culture organisationnelle au sein de l’organisation et nous permet, en comparant un pays à un autre, d’avoir une meilleure perspective sur l’analyse de certaines caractéristiques nationales du pays à l’étude. Ceci nous permettra, à la fois, de poser des hypothèses et d’analyser certains discours.

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1.1.3.3 Inventaire évaluatif de la culture organisationnelle

Owens et Steinhoff (1989) ont adapté le modèle de Schein (1992) au contexte scolaire en créant le Organizationat Culture Assessment Inventoiy6 (OCAI) repris dans Castonguay (2000). Il s’agit d’un outil qui permet l’observation et l’analyse de la culture organisationnelle du milieu scolaire par le biais de six dimensions. Ces six dimensions permettent d’identifier plusieurs éléments à partir de l’observation des comportements et l’analyse des discours; elles nous serviront de guide dans la description de la culture organisationnelle du Centre. De plus, l’utilisation de ces six dimensions nous permettra d’intégrer les outils énoncés précédemment. La première dimension, l’histoire de l’école, permet d’avoir un regard sur le passé de l’organisation et les rôles joués par certains acteurs-clés dans la formation et l’évolution de la culture organisationnelle. La deuxième dimension, les valeurs et les croyances de l’école, permet, à l’aide des théories de Schein (1983) une description plus poussée des sous-groupes et de leurs perceptions face à l’école. La troisième dimension jette un regard sur les mythes et récits extérieurs associés à l’école, à son développement et à son évolution. En quatrième lieu, les normes culturelles se réfèrent au contexte national, régional ou local dans lequel évolue l’école en traitant des dimensions culturelles de Hofstede (1980; 1994). Les traditions, rites et cérémonies représentent la cinquième dimension qui permet de décrire le quotidien dans l’école, c’est-à-dire, les forces et faiblesses de l’institution d’enseignement. Finalement, en sixième lieu, il sera question de la théorie de Schein (1983) sur le fondateur et l’héritage qu’il laisse à l’organisation.

Selon Owens et Steinhoff (1989) le concept de culture organisationnelle est prioritaire dans différents volets de la recherche sur les écoles américaines, sur leurs améliorations et leurs réformes. Un de ces courants, le mouvement des écoles alternatives, démontre l’importance d’une communauté cohérente où tous les acteurs sont liés par un engagement commun face à des objectifs partagés et une vision

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commune. C’est cette communauté d’appartenance qui caractérisera la culture organisationnelle de l’ONG à l’étude.

Finalement, la description de la culture organisationnelle par l’OCAI de Owens et Steinhoff (1989), par l’analyse des dimensions culturelles nationales de Hofstede (1980; 1994) et par les théories de Schein (1983), nous permettra de répertorier et de comprendre les zones de tension et d’en identifier les répercussions en tenant compte de facteurs contextuels dans l’étude de l’histoire de l’organisation. Or, il ne s’agit pas de dire si la culture est bonne ou mauvaise, mais plutôt de la décrire. Mais pour ce faire, il sera surtout nécessaire de comprendre la particularité des relations interethniques au Mexique, ces relations étant empreintes d’une réalité historique toute aussi particulière. Le Centre se trouve dans une région autochtone rurale marginalisée; plusieurs de ses employés, étudiants et fondateurs, sont à la fois d’origine métisse, d’origine autochtone et d’origine européenne. Ceci aura sans équivoque un impact sur la culture organisationnelle de l’ONG.

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1.2 RELATIONS INTERETHNIQUES AU MEXIQUE

Le Mcxique est le lieu de rencontre d’une multitude d’ethnies et de cultures quelques fois conflictuelles. Il est donc impossible de ne pas tenir compte du passé et du contexte lorsqu’il est question de comprendre les relations interethniques au Mexique. L’héritage colonial et la modernisation ont eu un impact marquant à tous les niveaux de la société mexicaine et surtout sur l’identité ethnique et la vie des populations autochtones.

Le Mexique est un pays où plusieurs cultures se côtoient et ceci se reflète évidemment dans la culture organisationnelle. C’est donc cette relation entre différentes cultures qui nous intéresse. Mais avant d’aborder la nature des relations interethniques au Mexique, nous aborderons les concepts d’identité ethnique, de langue et de rapport au territoire, afin d’avoir une meilleure image de ce que cela représente d’être autochtone dans le Mexique d’aujourd’hui. Comme nous le verrons, au Mexique, l’appartenance à un groupe ethnique est empreinte de significations politiques et économiques. L’analyse de la nature des relations interethniques et plus précisément, l’étude des dynamiques entre les populations d’origine métisse et d’origine autochtone, nous permettra de mieux comprendre comment ces populations autochtones tentent de s’intégrer à la société mexicaine et ce, dans une optique liée au développement. En comprenant cette découverte identitaire, et son incidence sur les relations interethniques, il nous sera possible de mieux comprendre comment elle pourrait se reproduire au Centre et conséquemment dans sa culture organisationnelle.

Finalement, nous verrons que la nature même de ces relations interethniques créera de nouvelles formes d’appartenance et mènera à une prise de conscience identitaire de la part des populations autochtones au Mexique. La survie des cultures autochtones et paysannes est au coeur des préoccupations de l’ONG à l’étude, elle même située dans une région marginalisée à forte population autochtone, de la Sierra Norte de Puebla.

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1.2.1 ETIINICITÉ ET IDENTITÉ ETHNIQUE AU MEXIQUE: LE CAS DES POPULATIONS AUTOCHTONES

Le concept d’ethnicité trouve son ancrage dans l’idée de groupes sociaux qui partagent des affiliations nationales, religieuses, linguistiques, tribales ou qui ont les mêmes origines historiques ou le même héritage. L’ethnicité peut être vue comme un ensemble plus vaste et hétérogène qui englobe identité ethnique, modèles culturels, réseaux sociaux, institutions, organisations, activités partagées de même qu’intérêts politiques et économiques d’un groupe ethnique (Meintel 1993). C’est en lien avec cette définition que se base ce travail d’analyse de la culture organisationnelle d’une ONG, des relations interethniques qui la caractérisent et de l’appropriation d’une identité ethnique autochtone propre à la population locale.

Plus des trois-quarts de la population mexicaine sont de près ou de loin d’origine autochtone7. Au Mexique, les populations autochtones ne sont pas affiliées ou regroupées en communautés ou Nations (contrairement au reste de l’Amérique du Nord). Les populations autochtones au Mexique n’ont jamais été invitées à participer au processus de construction de l’État avec ses frontières et son système politique. L’identité autochtone au Mexique se voit donc éclatée, résultat de son omission au sein des frontières géopolitiques nationales. La notion d’ethnicité autochtone est basée sur une définition imaginée, construite par les personnes qui la partagent. Ces personnes fondent leur identité ethnique en vertu de leur passé commun, de leur langue et en fonction du futur qu’elles entrevoient. Cette identité ethnique autochtone se base sur les éléments suivants : descendants des habitants originaux d’un territoire, utilisation du territoire pour leur propre subsistance et culture à petite échelle, organisation communautaire, langue et culture, vision du monde particulière et vie au sein d’une culture dominante. Mais surtout, ces populations sont composées d’individus qui se considèrent autochtones et qui s’identifient et se distinguent par leur langue, leur système social, économique et politique.

En 2005, selon les recensements, 90% de la population mexicaine se définissait comme étant métisse et 10% d’origine autochtone (INEGI 2005).

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La définition de l’identité se décrit donc par comparaison, opposition ou relation à une autre culture. Dans le cas des populations autochtones au Mexique, cette identité s’est forgée par la domination de l’État mexicain. Pour qu’un groupe ethnique existe, Barth (1969) le présente comme une catégorie dont la continuité dépend du maintien d’une frontière. L’identité des populations autochtones au Mexiquc se rattache, entre autres, aux concepts de langue et de territoire. Mais ce partage de normes et valeurs communes n’est pas suffisant pour pouvoir s’approprier cette identité. Il faut que ces normes et valeurs soient placées en relation avec d’autres cultures afin que celles-ci prennent un sens. C’est par la construction de l’identité et par l’appartenance à un groupe particulier auquel on s’identifie que se crée un État, une nation ou une communauté (Anderson 1991). Ainsi, comme le note Reich (1989), il est essentiel pour un groupe ethnique de prendre lui-même conscience de son existence; des histoires inventées ou des symboles empruntés ne contribuent pas à créer une culture qui répond aux besoins de ceux qui la vivent. L’ethnicité doit servir de véhicule pour la création d’une identité ethnique positive. Les populations autochtones se voient donc confrontées au statut de minorité ethnique en se comparant au reste des Mexicains. Ce statut de minorité ethnique est une réalité sociale et psychologique résultat de cette mise en relation inégale (Reich 1989). « The Indian is not first and forernost an Indian, the Indian is first and Jorernost o poor peasant for whom aÏrnost eveiy action lias been in reaction. » (Reich 1989:

144). Les populations autochtones n’ont pas de statut particulier, n’ont pas de pouvoir comme tel, c’est justement par cette constatation que ces populations prennent conscience qu’ils sont autochtones. Mais cette étiquette leur a tout de même été attribuée par les colonisateurs et par l’État Mexicain (Gruzinski 1988).

La culture mexicaine est un mélange de racines autochtones et d’influences européennes et l’État Mexicain, quant à lui serait une variation particulière d’un modernisme occidental (Béjar & Rosales 1999). Ce métissage culturel aurait donné naissance à l’identité mexicaine actuelle et à une culture mexicaine particulière. Certains considèrent que c’est cette absence de reconnaissance d’une identité autochtone commune qui est le problème (Bonfil Batalla 1994). En somme, pour

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Bonfil Batalla (1994), avant la colonisation européenne, chacun des groupes autochtones qui étaient sur le territoire avaient une identité ethnique propre et clairement définie. L’identité ethnique associée aux populations autochtones n’est que le produit du régime colonial. Aujourd’hui, cette identité se caractérise selon des critères territoriaux et linguistiques.

1.2.1.1 Campesino, paysannerie et rapport au territoire

La majorité des groupes autochtones du Mexique cultivent la terre et s’identifient comme campesinos. Dans la Sierra Norte de Puebla, les populations autochtones

sont avant tout des campesinos qui vivent de la culture de la terre (Troiani 1984).

L’association de la variable paysanne dans la définition de l’identité ethnique des populations autochtones au Mexique est importante, et ce, afin de comprendre l’état de dépendance, de marginalisation et d’exclusion qui leur est associé (Wolf 1975).

Le concept même de l’identité paysanne (ou paysannerie) a d’abord vu le jour au début du 20ième siècle, avec comme grandes caractéristiques ruralité, agriculture sédentaire avec surplus, économie domestique comprenant une proportion grandissante d’échanges marchands et un ancrage dans un système étatique; le féodalisme. La paysannerie est d’abord et avant tout liée au concept de propriété rurale or, la monétarisation de l’économie paysanne aura permis l’exploitation du paysan (Johnson 1989). Au Mexique, cette agriculture paysanne et autochtone est rattachée à la forme politique des États marchands et du marché national (Wolf

1975; Troiani 1984).

Mais de plus en plus, la paysannerie n’est plus isolée; elle entre dans le cercle de la mondialisation et du capitalisme. Pensons notamment aux cultures du café et de la feuille de coca qui sont très sensibles aux fluctuations du marché. Déjà Marx (1967) apportait une critique radicale au modèle capitaliste en soulignant que le fait de vendre la force de travail engendrerait une transformation de la paysannerie. Effectivement, avec la mondialisation, la paysannerie est bouleversée par de

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nombreuses contraintes migration des jeunes vers les centres urbains, protection environnementale, coûts des infrastructures, commerce équitable, etc. (Cancian 1989). Ces populations rurales (souvent celles avec le plus grand pourcentage d’autochtones) se trouvent dans une situation de répression sociale, identitaire, politique et culturelle profonde. Plusieurs zones autochtones mexicaines se caractérisent par une marginalisation où règne la pauvreté, l’analphabétisme, la malnutrition, le chômage, l’absence d’eau courante et d’électricité, etc. Les politiques agraires du gouvernement mexicain axées sur une agriculture d’exportation, ont mené à une dévalorisation de cette culture paysanne et, du fait même, une dévalorisation de l’identité ethnique autochtone (Berlanga 1999). Être campesino et autochtone signifie être pauvre. Mais plus encore, cela signifie que le cainpesino, de par sa culture, sa langue et sont rapport au territoire, se retrouve aux frontières du plan de développement économique commun véhiculé par l’État. Les défis que les campesinos et campesinas autochtones doivent affronter sont nombreux.

1.2.1.2 Indigena et langue

La langue demeure un des symboles identitaires les plus importants pour les populations autochtones, contribuant à créer et maintenir des liens d’appartenance sociale et ethnique. C’est en bonne partie cette cohésion linguistique qui caractérise de nombreux groupes autochtones et qui permet la création de chaînes de solidarité menant à la valorisation de la culture et à une prise de conscience identitaire. Dans son ouvrage sur la langue et l’identité au Mexique, King (1994) sous-tend que toute culture n’enseigne pas seulement aux futures générations comment s’exprimer, mais aussi comment réfléchir par le biais d’une classification de la langue dans son contexte culturel. La langue est un élément important dans la construction de l’identité. Or, l’attitude dc discrimination face aux langues autochtones existe depuis toujours; ces langues ayant été vues comme primitives à un certain moment dans l’histoire (Aguirre Beltrn 1980; King 1994).

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Au Mexique, l’utilisation de la langue autochtone est aussi une question générationnelle. Durant les années 1970, son utilisation était fortement découragée. Parmi les jeunes générations actuelles, l’utilisation de la langue autochtone dans la vie courante est souvent source de honte (Molnar, Carrasco et Johns-Swartz 2003). De plus, dans son étude d’une école bilingue et biculturelle de la Sierra Norte de Puebla, Troiani (1984) note que plusieurs parents n’appréciaient pas le fait que la langue autochtone soit utilisée pour communiquer avec les élèves. Ces parents voyaient l’école comme un lieu moderne où l’apprentissage de l’espagnol serait Je moyen qui permettrait à leurs enfants de sortir de la pauvreté. Actuellement, la réticence de l’État à donner la même place aux langues autochtones qu’à la langue espagnole, est une contrainte majeure à sa survie et par le fait même, à l’identité ethnique des populations autochtones (King 1994).

À

un premier niveau, l’identité ethnique autochtone au Mexique se rattache aux concepts de la langue et au rapport avec le territoire, contribuant à créer un sentiment d’appartenance. En plus, aujourd’hui, l’identité autochtone au Mexique est le résultat d’une acculturation et d’une dévalorisation de la paysannerie. Être autochtone aujourd’hui signifie être pauvre et marginalisé, et ne pas avoir un espace propre au sein du plan national mexicain pour se développer. Mais plus encore, l’identité ethnique autochtone est le résultat de relations inégales avec l’État ainsi qu’avec le reste de la population mexicaine.

1.2.2 NATURE DES RELATIONS INTERETHNIQUES AU MEXIQUE

Comme nous l’avons mentionné au tout début de cette section, lorsqu’il est question de relations interethniques au Mexique, nous parlons des interactions entre métis et groupes autochtones ainsi qu’entre groupes autochtones et l’État mexicain. Cette réalité dualiste est notamment l’une des conséquences d’un système politique qui exclut les populations autochtones du paysage national. Après la conquête par les Espagnols, les populations autochtones doivent désormais faire face à un contrôle de la part de populations métisses sur le système, les structures et les organismes

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institutionnels (Materne 1976). De plus, ce contrôle s’insère aussi dans une relation d’exploitation entre les populations autochtones canzpesinas et le capitalisme traditionnel (Pozas et Pozas 1978).

Selon Reich (1989), les relations interethniques se divisent en deux catégories. Dans le premier cas, les relations entre deux groupes ethniques ne sont pas la base pour une stratification sociale; ceci n’est pas le cas au Mexique puisque les inégalités sociales sont importantes. Dans le second cas, des groupes ethniques sont placés en relation l’un avec l’autre selon une échelle d’accès inégale au pouvoir et aux ressources, créant ainsi un groupe minoritaire. C’est le cas des populations autochtones au Mexique qui sont confrontées aux structures mises en place par la population métisse les plaçant donc dans une position de soumission, dépendantes de ressources externes pour assurer leur développement.

L’État mexicain ne reconnaît toujours pas tes membres des populations autochtones comme des citoyens appartenant à une collectivité autre que celle définie dans la constitution mexicaine. Même si l’État mexicain concède l’existence de ces populations (et des langues autochtones) aucun droit collectif spécifique ne leur est encore accordé. Le Mexique demeure le lieu d’une relation asymétrique de domination et de subordination. La culture mexicaine n’est pas la même pour tous. Bonfil Batalla dans son ouvrage intitulé México Profundo (1994) parle même de deux cultures mexicaines : le Mexique dit «imaginaire» et le Mexique dit «profond ». D’un côté, cette culture imaginaire montre un Mexique prospère et

moderne où cohabitent les acteurs blancs des telenovetas (téléromans mexicains) et les autochtones souriants vêtus de leurs habits traditionnels où l’héritage culturel est folklorisé. Mais la réalité est tout autre. A l’opposé, dans le Mexique «profond» se retrouvent les populations qui luttent pour survivre, sans espoir d’accéder au marché commun, exclues de ce Mexique «imaginaire ». Mais la réalité est en fait un

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Même dans le Mexique «profond », les populations autochtones ne sont pas isolées

de la population nationale. Ces deux groupes sont constamment en interaction et modifient ainsi, avec le passage du temps, la nature de leurs relations. Les luttes se font désormais sur différents fronts (Bonfil Batalla 1994). Au niveau politique, l’objectif est de mettre en place un interlocuteur autochtone : maires de villages, institutions autochtones, etc. Au niveau économique, il y a récupération du commerce autrefois propriété non autochtone: gestion de la culture du café et écotourisme dans la Sierra Norte de Puebla par exemple. Nous trouvons l’apparition d’une presse autochtone, de médias autochtones, de publications et d’écoles en langue autochtone. La survie des groupes autochtones mexicains est directement liée à leur capacité à conserver leur culture et leur langue ainsi que leur capacité à s’intégrer à la culture nationale.

Les relations inégales, entre les différentes populations autochtones, rendent la poursuite de revendications communes complexe tant au niveau local que national. Les groupes autochtones n’ont pas tous les mêmes objectifs: plusieurs sont placés en relation selon une échelle inégale d’accès au pouvoir. Dans le cas du Mexique, une reconnaissance nationale des droits autochtones qui prend en compte tous les groupes, s’avère encore aujourd’hui une tâche complexe. Ainsi, le réveil de l’identité autochtone a mené à un désir de s’intégrer au fonctionnement de la société mexicaine actuelle, voire même à une reconnaissance formelle de la part de l’État mexicain moderne. Toutefois, comme le mentionne Dfaz-Polanco (1997), les tensions entre les groupes ethniques et l’État n’ont pas encore permis cette reconnaissance. Néanmoins, ces peuples autochtones continuent de chercher les fondements de leur propre identité afin de comprendre ce que cela signifie d’être autochtone. Pour Bonfil Batalla (1994), peu de personnes s’intéressent véritablement à la signification de l’autochtonie et de la réalité quotidienne de cette culture.

Dans le contexte de l’héritage colonial du Mexique, les luttes de pouvoir se caractérisent par une population qui désire imposer sa vision et son identité sur une autre. Les populations autochtones au Mexique ont donc à la fois été perçues comme

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des symboles d’un héritage traditionnel, comme une population qui se retrouve au bas de l’échelle socio-économique nationale et qui, par sa faible productivité et ses traditions, ne peut pas s’intégrer à un projet national de développement économique. Mais plus encore, comme nous le verrons dans ce qui suit, ces populations seront aussi perçues comme des acteurs révolutionnaires qui élèveront leur voix.

1.2.3 UNE PRISE DE CONSCIENCE IDENTITAIRE AUTOCHTONE

Cette prise de conscience identitaire, ou le réveil des populations autochtones à travers le monde, ne date pas d’hier. Selon Keamey (1996) durant les dernières trente à quarante années, ce réveil massif des populations autochtones sera alimenté par la globalisation. Suivra une exploitation sociale et économique menant à la dissolution et à la dévalorisation de la paysannerie. Partout en Amérique, des mouvements paysans inspirés de la doctrine de la libération (que nous explorerons plus en détail dans la prochaine section) des années 1960 à 1970 se sont axés sur des réformes équitables des politiques agraires et sur la réclamation de terres. L’augmentation des actions de revendication est un résultat direct de cet éveil des populations autochtones.

En octobre 1974, le premier congrès autochtone a lieu au Mexique, à San Cristôbal de las Casas dans l’état du Chiapas. Des représentants de quatre groupes autochtones du Chiapas se sont réunis afin de revendiquer des droits qui ne l’avaient jamais été auparavant: la terre, le commerce, l’éducation et la santé (Materne 1976). Ils réclament désormais des droits en tant qu’autochtones et le respect de leur langue pour ne nommer que ceux-ci (Beaucage 1995). Par la suite, de nombreuses organisations verront le jour en Amérique latine culminant en 1992 avec des manifestations de groupes autochtones qui dénoncent les célébrations du cinquième centenaire de l’arrivée de Christophe Colomb. Ces manifestations mettent aussi à l’avant-scène internationale le militantisme des populations autochtones mexicaines contre la signature de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Les années 1990 seront le moment d’une prise de conscience identitaire de la part des

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populations autochtones. Désormais, ces populations voient la possibilité de militer pour leurs droits culturels, linguistiques et territoriaux, mais surtout pour la reconnaissance de leur identité non seulement comme paysans mais aussi comme autochtones (Beaucage 1995). Durant ces mêmes années, la dimension culturelle est mise de l’avant afin de pousser la lutte vers un contrôle du territoire. Désormais, les peuples autochtones utilisent leur culture comme force de résistance.

À

travers leur lutte (économique ou sociale), ils se forgent une identité culturelle autochtone commune afin de ne pas disparaître. En s’appropriant de manière individuelle et collective des éléments qui se rattachent à leur identité (langue, récits, costumes, etc.) ils reconstruisent leur identité. Les revendications englobent maintenant la reconnaissance du droit pour ses populations à l’autodétermination politique et sociale, incluant l’éducation.

La révolte de l’armée zapatiste de libération nationale (EZLN) en 1994 aura un impact marquant sur les relations entre les populations autochtones et l’État mexicain. Ce mouvement de paysans autochtones menait une lutte territoriale et demandait une reconnaissance légale et légitime de la part du gouvernement afin de pouvoir décider de leur avenir par des réformes économiques, sociales et politiques. L’objectif était d’obtenir une certaine autonomie constitutionnelle afin de pouvoir garantir la préservation de leurs terres et de leurs traditions (Harvey 1998). Ces revendications auront un impact idéologique majeur aux niveaux national et international. Les Zapatistes ont pris le nom du légendaire révolutionnaire Erniliano Zapata capturant ainsi l’attention et l’imaginaire de la population mexicaine et se propulsant sur la scène internationale (Guillermoprieto 2001). Mais, plus encore, ces événements ont eu une incidence sur la collectivité mexicaine face au développement et aux changements qui s’opèrent sur le territoire (Beaucage 1995). Les populations autochtones mexicaines se sont vues unifiées dans cette lutte.

Selon Valenzuela Arce (1999) qui traite de l’identité nationale mexicaine, nous assistons à des ruptures sociales dans le tissu de la société mexicaine. Pour la gauche, il s’agit désormais d’un nouveau pacte social qui doit prendre en

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considération la diversité culturelle nationale où l’autodétermination des différentes communautés autochtones demande à être reconnue dans ce projet. Mais un débat demeure entre, d’un côté, le respect des droits des populations autochtones à l’autodétermination et de l’autre côté, leur intégration au projet national mexicain. Néanmoins, la reconnaissance de l’identité autochtone mène désormais à des changements dans l’arène politique nationale, des membres du gouvernement s’affichant désormais comme représentants des populations autochtones. Les populations autochtones de la Sierra Norte de Puebla par exemple, se sont inspirées de ces luttes pour se tailler une place de plus en plus importante dans la vie économique, politique et sociale de leur région et ce, malgré les problèmes de développement de l’économie locale, de la déforestation, de la migration des jeunes et des lacunes dans le système d’éducation publique.

Les relations interethniques au Mexique sont donc teintées de nombreux facteurs et se caractérisent aujourd’hui par le choc de la rencontre des deux Mexique dont parle Bonfil Batalla (1994). Le choc entre le Mexique « imaginaire» où l’autoritarisme de l’État, qui met l’emphase sur une économie de production et un développement axé sur l’homogénéisation, est à l’origine des changements dans la perception identitaire des populations autochtones du Mexique (Pozas et Pozas 1978). Et de l’autre côté, le réveil du Mexique « profond » par la résistance et l’appropriation identitaire de la part des populations autochtones. Comme nous l’avons vu, ce réveil aura eu un impact marquant sur la conscience collective des populations autochtones au Mexique. Ainsi, malgré la discrimination faite aux populations autochtones mexicaines et après être restés dans l’ombre depuis si longtemps, certains groupes ont su prendre conscience de leur identité afin de devenir des acteurs sociaux modernes et prendre contrôle de leur propre développement. Cette appropriation (du pouvoir, de l’identité, du rôle comme acteur social) qui se présente dans plusieurs communautés rurales autochtones, contribue à créer de nouvelles formes de relations.

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1.3 DÉVELOPPEMENT, ONG ET ÉDUCATION AU MEXIQUE

L’ONG à l’étude, le Centre, tente de réduire l’écart social et culturel, en donnant la possibilité à des Mexicains dits «profonds» d’entrouvrir la porte vers ce Mexique imaginaire, en se forgeant une nouvelle identité autochtone par le biais d’une éducation leur permettant de contribuer au développement de leur région. Il convient donc de présenter certains points du concept de développement. Le concept de développement est souvent présenté comme quelque chose d’inévitable et d’universel. Toutefois, le développement est le fruit d’un imaginaire occidental.

À

la base, la pratique du développement «économique» se fera selon des paramètres occidentaux axés sur le rendement et la performance. Mais de nos jours, la pratique du développement et de l’humanitaire apparaît sous diverses formes. Mais à la base, toutes ces initiatives ont pour objectif de réduire la pauvreté que ce soit par le développement d’entreprises, de coopératives ou d’écoles. Toutefois, les interactions entre les personnes mandatées pour faire le développement et les populations locales bénéficiaires auront des implications sur le processus d’aide. Les inégalités, les luttes de pouvoir, les classes sociales et les relations interethniques se reflètent dans l’activité de développement. Comme nous le verrons, la compréhension des dynamiques culturelles et structurelles du processus même de développement est complexe.

1.3.1 LES IDÉOLOGIES DU DÉVELOPPEMENT AU MEXIQUE

L’État mexicain a promu le développement du système capitaliste de manière importante même si celui-ci n’a pas donné les effets escomptés (Toye 1987). Suite à l’incapacité de l’État mexicain à gérer la crise économique de 1982, les populations rurales marginalisées sont laissées derrière, une recomposition des classes sociales s’effectue tranquillement et les écarts entre les riches et les pauvres s’agrandissent. La population mexicaine est en forte croissance et les mouvements de population vers les centres urbains augmentent. En somme, les zones rurales se vident et les conditions de vie dans ces zones deviennent de plus en plus difficiles (Tableau I).

(39)

Tableau I : Évolution du pourcentage de la population rurale au Mexique sur dix ans (INEGI 2000c)

Année 1990 1995 2000

Pourcentage de la population rurale 28.7% 26.5% 24.5%

Comme nous le verrons, les initiatives de développement, autant en termes d’aide à l’agriculture qu’en termes d’éducation mises en place par le gouvernement mexicain au fil des ans, n’ont pas su répondre aux besoins de ces populations rurales marginalisées.

1.3.1.1 Réformes agraires et impact sur les campesinos

Les autochtones campesinos mexicains ont été victimes d’un contrôle et d’une domination commençant avec la colonisation espagnole et allant jusqu’au capitalisme actuel. Leur situation demeure précaire encore aujourd’hui, même suite à la révolution de 1910 et aux mouvements socialistes. La plupart des appuis de l’État mexicain pour le secteur agricole, vont à des entreprises commerciales qui produisent des denrées plus profitables que le maïs ou le blé cultivé par les campesinos.

Pour les peuples mésoaméricains, la terre ne se conçoit pas comme une marchandise; elle sert d’outil à l’autosubsistance et l’autosuffisance (Preston 1959; Bonfil Batalla 1994). Cette divergence majeure, quant à la propriété territoriale, a provoqué des luttes séculaires au Mexique, opposant deux formes de tenure foncière : cornunidad et hacienda. La comunidad est une forme communautaire de propriété agraire occupée uniquement par des autochtones et administrée par des autorités locales. Avec la réforme agraire, l’État mexicain a créé une nouvelle sorte de communauté sur les grands domaines confisqués : Ï’ejido.

À

la différence de la coinunidad, l’État central est présent dans la gestion de l’ejido, à travers le ministère de la Réforme agraire. L’hacienda est une vaste propriété privée, née avec la colonie. Elle produit, au moins en partie, pour le marché, utilisant de la main-d’oeuvre salariée. Sa propriété est aux mains de personnes de descendance entièrement ou majoritairement espagnole.

Figure

Tableau II: Résumé de la collecte d’information selon les catégories
Tableau III Catégorisation des informateurs rencontrés en entrevue
Figure 1 : Organigramme du Centre selon cinq unités de travail et deux unités administratives 1987-2001
Figure 2 : Organigramme du Centre selon deux unités de travail et une unité administrative 2001 à aujourd’hui
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