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L'appareil de l'opinion publique du cabinet du premier ministre Bernard Landry : une analyse à la lumière de l'expérience de la Maison-Blanche

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

11t.

3YC/.

Z

Université de Montréal

L’appareil de l’opinion publique du cabinet du premier ministre Bemard Landry: une analyse à la lumière de l’expérience de la Maison-Blanche

par

Emmanuelle Carrier

Département de science politique, Université de Montréal Faculté des arts et sciences

Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures envuede l’obtention du grade de maître ès sciences

en science politique

août 2006

©, Emmanuelle Camer, 2006

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(2)

U3

f)

(3)

Université

de Montréal

Direction des bibliothèques

AVIS

L’auteur a autorisé l’Université de Montréal à reproduire et diffuser, en totalité ou en partie, par quelque moyen que ce soit et sur quelque support que ce soit, et exclusivement à des fins non lucratives d’enseignement et de recherche, des copies de ce mémoire ou de cette thèse.

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(4)

Université de Montréal faculté des études supérieures

Ce mémoire intitulé:

L’appareil de l’opinion publique du cabinet du premier ministre Bemard Landry: une analyse à la lumière de l’expérience de la Maison-Blanche

présenté par Emmanuelle Carrier

a été évalué par un jury composé des personnes suivantes:

M. Pierre Martin président-rapporteur M. Richard Nadeau directeur de recherche M. Patrick foumier membre du jury

(5)

Ce travail aborde le phénomène de permanent campaign aux États-Unis, et plus particulièrement la forme qu’il revêt à l’intérieur de la Maison-Blanche à travers l’appareil de l’opinion publique. L’importance accordée à cet appareil par les politologues américains ainsi que l’impact sur la gouverne et la démocratie qu’on lui attribue nous ont amenée à y consacrer ce travail. Nous avons d’abord tenté de comprendre cet appareil en lui appliquant une typologie tirée de nos lectures. Le résultat: huit thèmes descriptifs de l’appareil et onze facteurs qui ont influencé son institutionnalisation à la Maison-Blanche. Cette typologie nous a ensuite permis de comparer l’appareil états-unien avec celui qui a été développé autour du premier ministre Bemard Landry entre 2001 et 2003. Le choix du cabinet Landry allait de soi pour quatre raisons : la proximité du Québec avec les États-Unis, notre connaissance du fonctionnement du cabinet, notre accès privilégié à ses stratèges et le manque d’études sur le phénomène depermanent campaign au Québec.

Nous nous demandions : l’organisation mise en place par le cabinet Landry s’apparentait-elle à celle du modèle américain depermanent campaign?

Pour répondre à notre question, nous avons opté pour une méthode à deux volets, soit la référence à notre expérience personnelle comme membre du cabinet Landry et à des entrevues avec ses principaux conseillers en communication et en analyse de l’opinion publique. La réponse à notre question est affirmative: le cabinet Landry avait en son sein un appareil de l’opinion publique semblable à celui que l’on retrouve à la Maison-Blanche. Même si des différences ont été notées, la majorité des thèmes et des facteurs ont trouvé écho dans l’organisation Landry. Nous ne pouvons toutefois pas affirmer, avec cette seule étude de cas, que le gouvernement du Québec, peu importe le parti politique au pouvoir, a un appareil de l’opinion publique dit «institutionnalisé» comme aux États-Unis. Peut-être que les conditions favorables à une telle institutionnalisation n’étaient rassemblées que sous le cabinet Landry. ‘autres études devront le vérifier.

MOTS CLÉS

Institutionnalisation, États-Unis, Québec, Bemard Landry, communication-politique, marketing politique, sondages, campagne électorale, parti politique, médias.

(6)

This study is exploring the american phenomenon of permanent campaign, and more particularly the way it is transposed into the White House practices through the public opinion apparatus. The centralized apparatus has two main goals. In one hand it is studying the public opinions and in the other it is conducting public relation activities.

The american analysts are studying the way this apparatus is evolving and lias been institutionalized in the presidency for decades. They are trying to estimate his impact on democracy and how presidents are goveming their country. for those reasons, we have decided to devote this work to this subject. First, we tried to understand this apparatus through our readings. The result: a typology of eight descriptive themes and eleven other themes that had an impact on the institutionalization of the apparatus. This typology than permits us to compare the american public opinion apparatus with the one that has been developed around Premier Bemard Landry between 2001 and 2003.

We chose to smdy Bemard Landry environment for four reasons: the proximity of the Quebec province with the USA, our knowledge of the premier’ s office, our access to his advisers and the lack ofstudies in this field.

The question wich must be asked here is was the apparatus that was developed around Premier Landry similar to the one observed by the american analysts in the White House? We opted for two methods to answer this question. We first referred to our personal working experience as a political attachée in Landry’s office, and, second, we interviewed his principal advisers in communication and public opinion analyses. Our hypothesis is confirmed. Even if some differences have been noted, the Landry’s apparatus is similar to the one in USA. The majority of the themes have found an echo in Landry’s office.

With this case study only, we cannot say that the Quebec govemment lias an institutionalized apparatus like in the USA. And this, no matter which political party is in power. The favorable conditions of this possible institutionalization may only have been tme under Landry’s office. Others could verify it.

KEY WORDS

Institutionalization, United-States, Quebec, Bemard Landry, political communication, political marketing, survey, election campaign, political party, medias.

(7)

TABLE DES MATIÈRES

SOMMAIRE ET MOTS CLÉS

pi

SuMMARYANDKEY WORDS

pu

TABLE DES MATIÈRES

p.iii

LISTE DES TABLEAUX ET FIGURES

p.vi

LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS

p.vii REMERCIEMENTS

p.viii

INTRODUCTION

p.l

PREMIER CHAPITRE—REVUE DE LA LITTÉBÀTURE

p.7

1.1 Le concept d’opinion publique

p.7

1.2 Le concept d’institutionnalisation

p.8 1.3 Vers un appareil de l’opinion publique à la Maison-Blanche

p. 11 1.4 Les caractéristiques de l’appareil de l’opinion publique de la

Maison-Blanche

p.l5 1.4.1 Les publics de l’environnement public

p.16 1.4.2 Le maintien du soutien public

p.17 1.4.3 Le désir de réélection

p.19 1.4.4 La capacité organisationnelle d’analyser l’opinion

publique

p.21 1.4.4.1 La référence aux sondages

p.21 1.4.4.2 La spécialisation de l’équipe présidentielle

p.24 1.4.5 La centralisation des activités de l’appareil

1.4.6 Lapolitisationdel’appareil

p.30 1.4.7 La stratégie going public

p.31 1.4.8 L’arrière-plan théorique de l’équipe présidentielle

p.33 1.4.8.1 Le quatrième pouvoir: les médias

(8)

iv

1.4.8.2 Le marketing politique . p.36

1.4.8.3 La théorie de l’image attrayante

p.39

1.4.8.4 La théorie du changement d’attitude p.4l

1.4.8.5 Le public bombardé d’informations

p.41 1.5 L’institutionnalisation de l’appareil : les facteurs

1.5.1 Avoir plus de pouvoir face aux institutions 1.5.2 L’information c’est le pouvoir

p.46 1.5.3 La personnalité du président

p.48 1.5.4 Un électorat peu informé et démontrant peu d’attention

p.Sl 1.5.5 Les sondages et la démocratie

p.5l 1.5.6 Le contexte institutionnel

1.5.7 Le déclin des partis politiques

p.53 1.5.8 Le développement technologique

p.55 1.5.9 Le développement de la presse

p.56 1.5.10 Les groupes d’intérêt ne reflètent pas l’opinion publique p.60

1.5.11 La modernisation de la société p.6l

1.5.11.1 Un électorat fragmenté

p.62 1.5.11.2 Un électorat déconnecté du gouvernement p.63

DEUXIÈME CHAPITRE—PRoBLÉMATIQuE ET MÉTHODOLOGIE

p.65 2.1 La méthodologie

p.66 2.2 Les techniques de recherche

p.67 2.2.1 L’entrevue p.67 2.2.2 L’observation p.68 2.3 La grille d’entrevue p.70 2.4 Le déroulement des entrevues

p.70 2.5 L’analyse des résultats

p.7l

TROISIÈME CHAPITRE—LE CABINET LANDRY : UNE

COMPARAISON AVEC LES ETATS-UNIS

p.75 4.1 L’appareil de l’opinion publique du cabinet Landry (de mars

2001 à avril 2003)

p.75 4.1.1 Les produits de l’appareil de l’opinion publique à

Québec et leur évolution

(9)

4.1.2 Les publics de l’environnement public

. p.84

4.1.3 Le maintien du soutien public

p.86 4.1.4 Le désir de réélection

p.87 4.1.5 La capacité organisationnelle d’analyser l’opinion publique

p.8$ 4.1.5.1 La référence aux sondages

p.88 4.1.5.2 Une équipe de spécialistes

p.90 4.1.6 La centralisation des activités de l’appareil

p.92 4.1.7 La politisation de l’appareil

p.93 4.1.8 La stratégie going public

p.95 4.1.9 L’arrière-plan théorique du cabinet Landry

p.95 4.1.9.1 Le quatrième pouvoir: les médias

p.95 4.1.9.2 Le marketing politique

p.9? 4.1.9.3 La théorie de l’image attrayante

p.lOO 4.1.9.4 La théorie du changement d’attitude

p.lOl 4.1.9.5 Le public bombardé d’informations

p.lOl 4.2 Les facteurs ayant influencé le développement de l’appareil de

l’opinion publique du cabinet Landry p.l02

4.2.1 Le pouvoir face aux institutions

p.103 4.2.2 L’information c’est le pouvoir

p.lO5 4.2.3 La personnalité de Bemard Landry

p.1O7 4.2.4 Un électorat peu informé et démontrant peu d’attention

p.109 4.2.5 Le développement technologique

p.1 10 4.2.6 Le développement de la presse

p.l12 4.2.7 Les groupes d’intérêt ne reflètent pas l’opinion publique

p.ll5 4.2.8 Les autres facteurs

p.115

CONCLUSION

BIBLIOGR4PHIE

p.130

ANNEXE A : GRILLE D’ENTREVUE

(10)

vi

LISTE DES TABLEAUX ET FIGURES

Figure I: Five Markets in Political Campaigns

p. 16

Tableau I : Synthèse de la revue de la littérature

p. 71 Tableau II Les cinq niveaux de l’analyse des médias

p. 97 Tableau III Synthèse de la présentation des résultats

(11)

LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS

ADQ $ Action démocratique du Québec DNC: Democratic National Committee DPO: Domestic Policy Office

fDR: Franklin Delano Roosevelt PLQ: Parti libéral du Québec PQ: Parti québécois

(12)

REMERCIEMENTS

Mes premières pensées vont à ma famille et mon amoureux qui ont si bien su me soutenir quotidiennement à travers ce long et périlleux projet qu’est la rédaction d’un mémoire de maîtrise. Elles vont aussi à tous mes amis que j’aime tant et que j’ai souvent négligés, à mon directeur de maîtrise Richard Nadeau qui a été patient et de bon conseil, à mes trois ex-collègues de travail du cabinet qui m’ont permis d’oeuvrer près du premier ministre Bemard Landry et qui ont su se prêter au jeu des entrevues avec ouverture et sincérité au nom de la connaissance et sans qui ce travail aurait été impossible. Je pense aussi à mes réviseurs et amis (Michèle, Anne-Marie et Louis) qui sont passés à travers toutes ces pages minutieusement, à mes collègues de bureau qui m’ont laissé le temps dont j’avais besoin, aux personnes du Département de science politique qui me sont venues en aide au moment du dépôt et au propriétaire et employés du Toi, Moi et Café, qui, depuis 1998 supportent gentiement que je reste attablée dans leur établissement à boire du café et à travailler sur mes études. Grâce à toutes ces gens et à leur soutien, j’ai pu mener à bien ce projet.

J’ai finalement une pensée pour mes connaissances et pour les inconnus de passage qui avaient le malheur de me demander ce sur quoi portait mon mémoire. Je leur infligeais alors un monologue sur l’institutionnalisation de l’appareil de l’opinion publique états unien. Si vous vous reconnaissez, je vous prie de ne pas m’en vouloir.

Ce projet a été long. Je l’ai entamé en 2004 et deux ans m’ont été nécessaires pour en venir à bout. J’ai parfois passé de longs moments à nier son existence, mais il est aujourd’hui imprimé et restera dans les archives. Plus important encore, il s’agit d’un accomplissement personnel. Fière et déterminée, je passe à autre chose.

(13)

La politique américaine compte sans conteste parmi les plus étudiées dans le monde. Tant en France et en Grande-Bretagne que dans de nombreuses autres puissances, les États-Unis constituent le paradigme dominant de la science politique et la façon d’y faire de la politique apparaît aujourd’hui comme un modèle extrêmement influent. Ainsi, plusieurs pratiques, notamment celles utilisées en temps d’élections (Swanson et Mancini 1996, 4), sont reprises au-delà des frontières états-uniennes. Des consultants politiques et des professionnels des communications sont aussi régulièrement «importés » des États-Unis: c’est le cas, entre autres, de Dick Morris et George Stephanopoulos, qui ont travaillé pour le président Clinton et à qui d’autres chefs de parti à l’extérieur des États-Unis ont fait appel pour gagner une campagne électorale’. Et que dire de la communication-politique2 américaine, qui sert maintenant de référence à ceux qui tentent de comprendre l’influence de la communication, des médias, de l’opinion publique et des sondages sur le politique!

Dans le présent travail, nous nous intéressons à la façon dont cette communication-politique a atteint la scène politique québécoise. Ses pratiques ont-elles leurs correspondances au Québec? La façon de faire de la politique au Québec s’est-elle américanisée? Si oui, quelle forme cette américanisation a-t-elle prise? Comment se manifeste-t-elle concrètement? Pour répondre à ces questions, nous avons étudié l’organisation formée pendant la période 2001-2003 autour du premier ministre du Québec d’alors, monsieur Bemard Landry, en nous référant à l’organisation des pratiques de communication-politique à la Maison-Blanche ainsi qu’aux travaux de nombreux politologues états-uniens sur le sujet. Ces chercheurs ont nommé cette organisation appareil de l’opinion publique, et le concept qui la sous-tend permanent campaign3. Ce concept est si important dans la politique états-unienne que son créateur le qualifie de

Dans certains récits bibliographiques de consultants politiques internationaux, on remarque que ces derniers s’inspirent des pratiques états-uniennes pour moderniser leurs partis politiques. C’est ce dont témoigne l’ouvrage The Unfinished Revotution: How the Modernizers Saved the Labour Party, de Philip Gould, dans lequel l’auteur explique qu’il est allé chercher, au bénéfice du Parti travailliste britannique, quelques idées de modernisation au Parti démocrate américain dans les années 1990.

2

La «communication politique désigne toute communication qui a pour objet la politique!... Cette défmition, trop extensive, a cependant l’avantage de prendre en compte les deux grandes caractéristiques de la politique contemporaine l’élargissement de la sphère politique et la place croissante accordée à la communication, avec le poids des médias et de l’opinion publique à travers des sondages».

http:/Iwww.

wolton.cnrs.fr/glossaire/fr communicationjoIitigue.htm, consultation le 10 octobre 2005. On peut traduire le concept de permanent campaign de façon succinte en le définissant comme le transfert

(14)

«political ideology ofour age » (Blumenthal 1980, 7).

La démarche

Notre objectif de recherche étant de voir si et comment la communication-politique américaine influence les façons de faire au Québec, nous nous sommes naturellement intéressée au concept de permanent campaign afin d’en comprendre les différentes dimensions et de voir comment il peut servir à l’étude des pratiques au Québec.

Le concept de permanent campaign réfère à des situations où l’appareil de l’opinion publique est institutionnalisé, ce qui est le cas à la Maison-Blanche comme l’ont démontré de nombreux politologues américains depuis nombre d’années. Afin d’en cerner la portée et les implications, nous avons procédé, dans un premier temps, à une vaste revue de littérature sur les deux concepts qui le sous-tendent — et qui sont au coeur de notre recherche—, à savoir le concept d’opinion publique et le concept d’institutionnalisation.

À

cette fin, nous avons retracé les premiers indices d’apparition de l’appareil de

l’opinion publique à la Maison-Blanche et tenté de comprendre son évolution au fil des administrations américaines, et ce, jusqu’à son institutionnalisation. Cette démarche nous a amenée à mettre en lumière certaines caractéristiques de cette organisation de même que les facteurs ayant influencé son développement et son institutionnalisation.

Afin de vérifier l’influence de ce type d’organisation sur les pratiques québécoises, nous avons par la suite étudié le cas spécifique de l’organisation qui existait au cabinet du premier ministre du Québec, monsieur Bernard Landry, entre 2001 et 2003. Pour ce faire, nous avons procédé à des entrevues avec les principaux conseillers en communication alors en poste au cabinet de monsieur Landry. Ayant nous-même fait partie de ce cabinet durant cette période, les résultats de ces entrevues ont été enrichis de nos propres observations. Plus particulièrement, les entrevues ont servi à cerner les motivations des créateurs de l’appareil de communication en place, alors que nos observations ont permis de rendre compte de faits objectifs, tels que les ressources matérielles, financières et humaines qui y étaient affectées. Combinées, les données ainsi recueillies ont révélé certaines des caractéristiques et conditions d’émergence de l’appareil d’opinion publique en place au cabinet du premier ministre Landry.

Finalement, ces résultats ont été comparés aux caractéristiques et facteurs d’émergence identifiés dans la première partie de notre démarche comme étant propres au modèle états-unien. Nous avons ainsi été à même de répondre à notre question quant à

(15)

l’aspect semblable des appareils de l’opinion publique états-unien et québécois.

On notera ici que notre recherche est de nature descriptive et qualitative: descriptive, parce qu’elle vise à décrire le modèle états-unien d’appareil de l’opinion publique et celui mis en place par le cabinet du premier ministre Landry au cours des années 2001-2003; qualitative, parce qu’elle se fonde sur des données recueillies au moyen d’entrevues et par observation participante. Les conclusions qui en résultent se limitent donc à la situation particulière prévalant au cabinet Landry pendant la période étudiée. La motivation

Plusieurs raisons militent en faveur de la recherche que nous proposons. D’abord, l’intérêt même du concept de permanent campaign. Dans The Permanent Campaign and its future, Hugh Heclo estime qu’il est justifié de s’attarder à l’étude de ses caractéristiques et de ses causes dans la mesure où cette pratique amène les actions de gouverner et de faire campagne à se confondre et qu’elle constituerait, de ce fait, un phénomène nouveau méritant l’attention des chercheurs. Si cette question vaut pour les États-Unis, on peut croire qu’ elle a sa pertinence pour le Québec.

Par ailleurs, le phénomène de permanent campaign suscite de nombreuses critiques. Certains politologues considèrent en effet que cette pratique est condamnable, notamment parce qu’elle a transformé la politique américaine en un leurre.

À

ce sujet, Heclo dresse un

bien sombre portrait de l’institutionnalisation de l’appareil de l’opinion publique à la Maison-Blanche. Ainsi, il estime que la politique se traduit maintenant constamment par des pseudo-événements. Selon lui, la permanent campaign a mené les politiciens et le public à se tourner vers le court terme au détriment des solutions à long terme, a conduit les citoyens dans un état perpétuel de victimisation et de plainte où les conflits semblent ne mener nulle part et a semé la confusion parmi les citoyens qui sont confrontés à des performances politiques axées sur l’image plus que sur le contenu politique. Dans cette perspective, rien n’est ce qu’il paraît, d’où, selon Heclo, le cynisme et la perte de confiance de la population à l’égard des politiciens, sans compter qu’en gouvernant par l’illusion, le gouvernement crée des citoyens qui confondent ce qui leur plaît avec ce qui est vrai (Heclo 2000). Lui aussi persuadé des effets néfastes de la permanent campaign, Anthony Corrado décrit l’univers des nombreuses et constantes collectes de fonds des membres du Congrès américain, reflet de l’état de permanente campaign, qui a pour effet de nuire à la représentation de la population à Washington: parce qu’ils donnent priorité à la collecte de

(16)

fonds et en vue de leur réélection, les élus ont moins de temps à consacrer à l’étude des dossiers, à l’apprentissage des pratiques législatives et aux débats politiques (Corrado 2000). Si ces critiques sont fondées — et il est plausible qu’elles le soient

—‘ il nous apparaît encore plus pertinent de voir si le phénomène de permanent campa ign est présent au

Québec.

Il semble en effet qu’aucune étude poussée4 n’ait été réalisée à ce jour sur la l’existence ou non, au Québec, d’un appareil de l’opinion publique, ni, en conséquence, sur son institutionnalisation. Jusqu’à présent, les chercheurs ont davantage consacré leurs travaux à l’étude des campagnes électorales, soit en raison du peu d’accès aux cabinets des premiers ministres soit en raison du devoir de réserve que les ex-attachés politiques et politiciens s’imposent. Si on accepte qu’ «en recherche scientifique, la seule façon de justifier un travail est de repérer une lacune dans les travaux antérieurs traitant du même sujet et, partant, de combler cette lacune» (Gordon 1988, 22), il est clair que l’on doive s’attarder à la possible présence de lapermanent campaign au Québec, d’autant plus que

notre revue de la littérature américaine a montré que personne ne l’avait prédit, que personne ne l’avait vu surgir et qu’il n’avait fait l’objet d’aucun débat public «No one planned such emergent pattem in the general management of our public affairs, yet it now seems to lie at the heart ofthe way Americans do politics. » (Heclo 2000, 1)

À

notre avis, le sujet prend aussi une nouvelle importance avec l’avènement d’Internet et les possibilités communicationnelles qu’on lui confère. D’ores et déjà, on peut en effet s’attendre à ce que les stratégies de communication et les analyses de l’environnement public prennent de l’ampleur alors que les possibilités de joindre le citoyen chez lui se multiplient et que les techniques de persuasion continuent d’évoluer. Autrement dit, le politique a toujours, et peut-être même plus qu’avant, les moyens d’influencer l’opinion publique.

Dans cet esprit, la recherche que nous proposons ouvre modestement la voie à d’autres travaux sur le modèle depermanent carnpaign tel qu’il se manifeste au Québec en

identifiant, notamment, les conditions entourant son émergence et son évolution. Selon nous, l’étude de ce phénomène peut s’avérer bénéfique à plusieurs égards. En effet, à l’instar de Norman J. Ornstein, nous croyons que tant les politiciens que les médias, qui les groupes d’intérêt et la population pourront tirer profit de telles recherches, ne serait-ce

Robert Bemier et Jodoin ontétudiéla place du marketing politique au Québec. Nous

faisons référence à leurs études à plusieurs reprises dans ce travail. Toutefois, il faut noter que ceux-ci ne se sont pas

(17)

qu’en leur permettant de prendre conscience du phénomène et de développer des comportements ou des stratégies qui en tiennent compte (Omstein et Mann 2000b, 226-227).

Notre contribution à l’étude, sur le terrain québécois, du phénomène de permanent campaign se limite à l’organisation développée autour du premier ministre Bernard Landry entre 2001 et 2003. D’autres études devront être réalisées sur les administrations précédentes ou plus récentes afin de conclure avec davantage de précision et de rigueur scientifique si la permanent campaïgn est une réalité au Québec ou s’il s’agit plutôt d’un phénomène passager et d’une organisation reflétant le style de leadership propre à monsieur Landry.

Organisation du texte

Le présent document comprend trois grandes sections. La première, consacrée à la revue de la littérature, constitue le pilier de notre recherche. On y présente une définition des deux concepts clés de ce travail, soit l’opinion publique et l’institutionnalisation, un portrait de l’évolution des recherches effectuées sur l’appareil de l’opinion publique états-unien, ainsi que les caractéristiques de cet appareil et les facteurs ayant influencé son institutionnalisation à la Maison-Blanche. C’est à partir de cette revue exhaustive de la littérature que nous avons déterminé une typologie qui a par la suite servi de base de comparaison avec la situation prévalant autour du premier ministre Landry.

Dans la deuxième section, nous exposons la question à laquelle nous tentons de répondre dans le cadre de cette étude et nous décrivons notre méthodologie de recherche. Une attention particulière est portée aux questions soulevées par le fait que nous faisions partie de l’équipe de communication en poste pendant la période étudiée.

Dans la troisième et dernière section, nous proposons une présentation des données recueillies auprès de nos informateurs ainsi qu’une comparaison entre le modèle américain d’appareil de l’opinion publique et l’organisation existant autour du premier ministre Landry au moment de notre étude, notamment en ce qui a trait à leurs caractéristiques et conditions d’émergence. Notre expérience de travail au sein du cabinet nous permet également de présenter un portrait précis de cette organisation ainsi que de son évolution dans le temps. Enfin, dans cette troisième section, nous discutons également des éléments

spécifiquement attardés au même enjeu que nous, soit les thèmes descriptifs et d’influence de l’avènementde ces pratiques dans un cabinet de chef de gouvernement.

(18)

qui semblent, à notre avis, répondre à notre question de recherche.

Une brève conclusion est présentée à la fin dans laquelle nous résumons l’intérêt et les limites de notre étude ainsi que les questions qu’elle soulève pour des recherches futures.

(19)

REVUE DE LA LITTÉRATURE

Cette revue de la littérature a pour objectif premier de dresser un portrait général des recherches sur le phénomène de la permanent campaign, mais particulièrement sur l’appareil de l’opinion publique à la Maison-Blanche, sur sa description, son évolution dans le temps jusqu’à son institutionnalisation.

Dans un premier temps, nous nous pencherons donc sur les deux concepts opératoires d’opinion publique puis d’institutionnalisation, qui constituent les bases de ce travail. Dans un deuxième temps, nous dresserons un portrait de l’évolution des recherches sur le phénomène de l’institutionnalisation, pour ensuite glisser vers une description proprement dite de l’appareil présidentiel états-unien et sur les facteurs ayant contribué à son essor et à son institutionnalisation. Cette revue de la littérature nous servira d’assises dans le but de faire le pont avec le même type d’appareil qui semble s’être développé autour de l’ancien premier ministre du Québec Bernard Landry.

J. J Le concept d’opinion publique

Le premier concept clé de ce travail fait référence à l’opinion publique. En ce qui nous concerne, l’opinion publique est aussi ce autour de quoi tournent toutes les activités de l’équipe des communications du président des États-Unis, que l’on nomme l’appareil de l’opinion publique. Cet appareil est une organisation dont l’objet d’analyse est l’environnement public et pour laquelle l’objectif est d’influencer la population et de maintenir son soutien à l’égard des projets politiques du président dans une perspective électorale.

Lorsque l’on parle d’opinion publique, on fait souvent référence aux résultats de sondages auprès de la population. Ceux-ci ont acquis au fil du temps une notoriété sociale et scientifique, mais ils ne sont pas à eux seuls ce qu’étudie l’appareil de l’opinion publique de la Maison-Blanche. Jeff Manza et Loomax parlent de l’opinion publique au sens large, celle qui prévaut dans cette étude:

Public opinion is assumed to refer to the aggregated responses of individuals as reflected in opinion poils. This assumption cieariy reflects the “sovereign status” of opinion poils as measures of public opinion since World War II, and it implicitly solves the sticky probiem of defining public opinion in the first place. We do, however, recognize that the other types of public opinion exist and can influence

(20)

policy as much or more than the types of mass opinion expressed through polis and surveys. Throughout bistory, citizens have expressed opinions tbrough a variety of modes: in crowds, salons, and coffeehouses; through riots, petitions, strikes, letters to newspaper editors and political elites, and social movements; and through in depth interviews, deliberative poils, or other expressions of individual sentiment. (Manza et Loomax Cook 2002, 631-632)

Cette définition de ce qu’est l’opinion publique nous fait comprendre l’importance que prendront à la Maison-Blanche, et de surcroît dans cette présente étude, la conduite de sondages d’opinion, mais aussi l’analyse des médias et des positions des groupes de pression par l’équipe du président.

L’étude de l’opinion publique est très en vogue, d’une part, dans les nombreuses recherches universitaires et, d’autre part, dans les stratégies des politiciens. Personne ne peut prétendre ne pas faire référence à ce concept et ne point y accorder une grande importance. C’est d’ailleurs ce qui expliquerait le déploiement toujours plus grand des relations publiques dans les organisations gouvernementales et non gouvernementales. On souhaite influencer l’opinion publique par l’entremise des médias et des sorties publiques dans le but de faire avancer sa cause ou ses idées. Il est d’ailleurs reconnu que « each major govemmental agency has its own sophisticated public relations operation to promote its activities, and many undertake efforts to understand public views in their domains» (Manza et Lomax Cook 2002, 647).

Ce qui est important de retenir dans le contexte de cette présente recherche, c’est que l’opinion publique et son influence sont les raisons d’être de l’équipe des communications autour du président.

1.2 Le concept d’institutionnalisation

Peu de politologues ont analysé en profondeur Je concept d’institutionnalisation. Plutôt, ceux-ci y font référence non pas comme un phénomène, mais bien comme un état de fait selon lequel certaines pratiques ou stratégies politiques reviennent d’un président à un autre en progressant et s’ancrant dans les institutions.

Selon Charles O. Jones de l’Université du Wisconsin, on peut définir l’institutionnalisation des pratiques gouvernementales comme suit

“Existing”

f.

.

.J

means that people are at work and routines are set when the

president is sworn in.

[...]

He [the president] will have passed through the permanent govemment [andJ will have participated in effecting changes so that the “existing” institution for the next incumbent will have been modified. (Jones 2002, 711)

(21)

Selon l’analyse de cet auteur, on peut faire ressortir trois facteurs d’influence sur les changements dans les pratiques des gouvernements se succédant, soit la personnalité du chef, le pouvoir des institutions en place et l’acceptation de pratiques de gouverne de la part du président, de son équipe et de la population.

Every administration has different game plan, but most administrations during the last haif of the twentieth century seem to have built on those of previous administrations, usually learrnng something from the mistakes of other presidents or continuing activities that were successful. (Cox Han 2001, 261)

Cette citation de Lori Cox Han définit avec justesse la raison pour laquelle l’institutionnalisation d’un appareil de l’opinion publique à la Maison-Blanche est née. On situe les débuts de l’institutionnalisation lors du règne de John F. Kennedy, alors que ses pratiques de gouverne, qui ont évolué à l’intérieur d’une conjoncture politique moderne, semblent avoir déclenché un cercle vicieux dans lequel les rapports entre le président et les médias, le public, les groupes de pression et les institutions n’étaient désormais plus les mêmes.

Cette époque est, selon la presque unanimité des politologues, celle où la ligne entre faire campagne et gouverner a commencé à s’atténuer pour presque disparaître. En effet, la plupart d’entre eux estiment que le président est entré, tout comme les candidats aux élections, dans une époque où il est sans arrêt jugé par les médias et doit constamment maintenir l’appui de la population pour évoluer en tant que gouvernement (Jones 2000, 187). Ainsi, au fil du temps et des administrations, les instruments d’élaboration de stratégies électorales et les pratiques de communication entourant le chef auraient gagné la faveur des présidents et de leur entourage. Larry J. Sabato donne en exemple la venue à la Maison-Blanche des consultants politiques : «The same tools and experience that make the political professionai so necessary to the operation of the modem campaigu can 5e quite useful to a public officiai as he attempts to influence his constïtuency and refine his image. » (Sabato 1921, 41) Les consultants «move without pause from the campaigu trail to work for the victorious elected officiais, helping to shape their policy messages and frame issues for advantage in the next campaigu » (Mann et Ornstein 2000, 44). Comme nous l’évoquions précédemment, ce phénomène d’institutionnalisation de l’appareil de l’opinion publique a un synonyme connu: la permanent campaign. Et selon plusieurs auteurs, «the permanent campaigu mentality not oniy has affected individual presidents, but also lias had an enduring effect on the institution of the presidency» (Tenpas 2000, 108). Certains analystes vont jusqu’à affirmer qu’entre faire campagne et gouverner, le

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premier est souvent dominant à la Maison-Blanche (Ornstein et Mann 2000b, 219). «Contemporary leaders, then, may be said to be governing to campaign, rather than vice versa. » (Butier et Collins 2001, 1027) En effet, alors que le soutien public est l’élément central des campagnes électorales, il semble qu’il le soit également devenu à la Maison-Blanche.

Dans toute la littérature, on attribue à la permanent campaign l’objectif premier de faire réélire le chef en place et de lui permettre de garder tout au long de son mandat une cote de popularité élevée. «The presidency has developed its own set of institutions and practices

[...]

in order to mount a constant campaign to maintain the president’s standing. »

(Orustein et fortier 2002, 22) «In the process, public approval has become paramount. » (Selnow 1994, 177) Sidney Blumenthal explique bien ce phénomène:

The permanent campaign

[...J

combines image making with strategic calculation. Under the permanent campaign goveming is turned into a perpetual campaign. Moreover, itremakes government into an instrument designed to sustain an elected

official’s public popularity.

{. ..]

The permanent campaign is tmly a program of statecraft. It seeks to restore the legitimacy of the state by maintaining the credibility of politicians.

[...J

Campaigning neyer ends. What was once a forced march for votes become unceasing forays for public approval. (Blumenthal 1980, 7-8)

Les techniques utilisées pour gagner les campagnes électorales (les stratégies, l’organisation institutionnelle et le personnel) sont désormais employées pour garder le pouvoir et le soutien de la population vis-à-vis des politiques. Elles sont maintenant parties intégrantes de la gouverne, elles se sont institutionnalisées. Permanent campaign, ou institutionnalisation de l’appareil de l’opinion publique, veut aussi dire que les présidents adoptent le style de vie des campagnes électorales en permanence et qu’ils souhaitent influencer l’opinion publique de manière perpétuelle. Ils font de plus en plus de sorties publiques et. utilisent les médias pour gouverner. «The news media now stand between politicians and their constituents. » (Cox Han 2001, 264)

Dans la littérature, on remarque aussi que l’institutionnalisation se définit par l’évolution de pratiques particulières à travers les différentes administrations. L’étude longitudinale de la politologue Diane J. Heith sur l’évolution de l’utilisation des sondages à la Maison-Blanche donne une idée de la manière dont l’institutionnalisation peut être atteinte. Heith y dresse le portrait de l’organisation de plusieurs administrations autour des sondages. Selon elle, l’institutionnalisation de l’appareil de l’opinion publique devient évidente au fil du temps «by the increased number of individuals involved, the increased

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complexity of organization, and the increased politicization of the uses of public opinion» (Heith 1998, 166).

Dans le même ordre d’idées, Lawrence R. Jacobs et Robert Y. Shapiro notent qu’il y a institutionnalisation lorsque sont présents trois phénomènes juxtaposés, à savoir l’accroissement de la capacité de l’organisation de la Maison-Blanche à faire la collecte et l’analyse de données quantitatives et qualitatives sur l’opinion publique, la centralisation à la Maison-Blanche du contrôle de cette information et l’intensification de l’utilisation politique de cet appareil (Jacobs et Shapiro 1995, 166). Nous aborderons ces thèmes plus loin dans la revue de la littérature.

Nous voyons donc que le phénomène de l’institutionnalisation se traduit par la progression d’une pratique particulière à l’intérieur d’une instance spécifique. Dans le contexte qui nous intéresse, nous abordons lapermanent campaign, donc nous examinons l’institutionnalisation de l’appareil de l’opinion publique à la Maison-Blanche par sa recherche du maintien du soutien public constant, par le transfert de ses techniques d’une administration présidentielle à une autre, par l’intensification des ressources mises à contribution, leur centralisation autour du président et leur politisation. Ces caractéristiques de l’institutionnalisation établies majoritairement par Heith et Jacobs et Shapiro seront reprises plus en détail dans la prochaine section descriptive de l’appareil de l’opinion publique.

1.3 Vers itn appareil de l’opinion publique à la Maison-Blanche Plusieurs politologues ont consacré des recherches à

l’analyse du phénomène d’institutionnalisation de l’appareil de l’opinion publique à la Maison-Blanche. Toutefois, la plupart d’entre eux ont réduit ce phénomène à la place grandissante de l’utilisation des sondages par le président et son entourage. Ceci est compréhensible puisque la grande majorité des activités de l’appareil en question émergent de l’importance qu’a pris le maintien du soutien de l’opinion publique. Ce qui est intéressant de constater à cette étape de notre analyse est la description du phénomène en soi et les circonstances entourant son apparition selon les auteurs les plus influents (Blumenthal; Jacobs et Shapiro; Heith; Robert M. Eisinger, Thomas Mann et Omstein).

Jacobs et Shapiro sont reconnus pour leurs travaux sur l’institutionnalisation des pratiques d’analyse de l’opinion publique et de relations publiques aux États-Unis. Au début des années 1990, ils ont établi que les racines de ce phénomène provenaient des

(24)

élections présidentielles de 1960 sous l’équipe Kennedy, pour ensuite s’institutionnaliser à la Maison-Blanche sous les règnes de Johnson et Richard Nixon. Et en cherchant plus loin dans l’histoire, les auteurs ont découvert que c’est franklin Delano Rooseveit (FDR), qui au début des années 1900, aurait été le premier à s’intéresser à l’évaluation du sentiment des citoyens états-uniens. Il commandait en effet des analyses de contenu des journaux et des sondages. Des ouvrages confirment cette information, comme celui de Melvin G. Holli sur le premier sondeur présidentiel, Emil Hurja.

There is much evidence for 1935 and 1936 that FDR made increasing use of the public-opinion polis and other measures of public sentiment assembled by Hurja and the DNC. FDR had become an avid consumer of survey

[...]

Some writers have attributed the president’s uncanny feel for public opinion to his personal perspicacity, his “sixth sense”, and extolled him for being on the cutting edge of

public will and ahead of shapers of public sentiment, such as newspaper editor. (HoÏli 2002, 64)

Ii apparaît toutefois que jusqu’à la présidence de Kennedy, le phénomène ne s’était pas institutionnalisé, mais qu’il s’intensifiait selon l’intérêt personnel des présidents. En effet, selon Jacobs et Shapiro:

Starting with John Kennedy,

[...]

the White House’s sensitivity to public opinion became an enduring institutional characteristic of the modem presidency; it no longer simply mirrored the personal inclinations of the sitting president. Public

opinion analysis was conducted not by ad hoc

and personaÏistic arrangements but by a “public opinion apparatus” —an operation that was centralized in the White

House and organized around routinized procedures for assembling public opinion data and conducting public relations activities. (Jacobs et Shapfro 1995, 164)

Plus les administrations se succédaient, plus s’institutionnalisaient des pratiques particulières d’analyse de l’environnement public pour lesquelles les présidents ont affecté des ressources financières et humaines importantes. Au tournant du dernier siècle, des politologues remarquent en effet que «the presidency has developed its own set of institutions and practices

[...]

in order to mount a constant camp aign to maintain the

president’s standing» (Omstein et fortier 2002, 22). Depuis la présidence de Nixon, trois unités ont été créées pour analyser et influencer l’environnement public : l’Office of Communications pour les liens avec les médias, l’Office of Public Liaison pour les liens avec les groupes de pression et l’Office of Political Affairs pour les liens avec les responsables locaux du parti et d’autres groupes clés de la société.

À

l’aube des années 2000, on remarque un changement subtil, mais manifeste, chez

les politologues qui étudient l’évolution des pratiques d’analyse de l’opinion publique aux États-Unis. Ces derniers prennent maintenant pour acquis que la Maison-Blanche a en son

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sein un appareil de l’opinion publique très élaboré. Heith établit qu’un appareil est institutionnalisé si d’une administration à l’autre on retrouve les mêmes structures internes d’analyse de l’opinion publique. Elle croit que si les personnes impliquées et influentes et les périodes d’affluence des sondages sont sensiblement les mêmes, et ce, indépendamment de la personnalité du président en poste, on peut affirmer qu’un appareil de l’opinion publique s’est implanté. «Polling usage in discrete White House entities and synchronism with the agenda cycle ultimately suggest that the foundation of the polling apparatus does flot reflect the individual personality of a particular president, but rather the mutual needs of ail presidents », soutient-elle (Heith 1998, 186). En effet, les présidents hériteraient d’office de cet appareil institutionnalisé. Ce constat se reflète dans la plupart des introductions des articles scientifiques que nous avons lus, comme en font foi deux citations:

even so, there is afready an emerging consensus among scholars that a low profile “public opinion apparatus” had become a permanent feature of the White house by the 1 960s. Nonetheless, the collection and analysis of survey data bas become institutionalized, meaning that it is a routine activity used to some extent

by ail presidents and their top advisors (Murray et Howard 2002, 528).

We agree that ail modem presidents inherit sophisticated tools for understanding public opinion, but we demonstrate that they do not use these tools with equal attention or regularity. Put differently, a polling capability has been institutionalized within the White house, but substantial variation stiil exists in how much a given administration uses that capability. (Murray et Howard 2002, 527)

C’est en 1970 que Blumenthal a nommé cette transition lapermanent campaign. Selon lui, elle a eu lieu pour deux raisons : d’abord à cause du déclin des partis politiqueset d’autre part, à cause du développement de la profession de consultant.

En ce qui a trait à la définition même du concept depermanent campaign, on en retrouve des dizaines dans la littérature, mais les thèmes se recoupent. On parle surtout des pratiques de marketing politique qui se transportent des campagnes électorales à la gouverne d’un pays, et ce, sans pause. En fait, le concept depermanent campaign survient avec la perception qu’il n’existe plus de ligne entre gouverner et faire campagne. Tout ce qu’on associait jadis à la campagne électorale (les techniques, les institutions et le personnel) fait maintenant partie de la gouverne au jour le jour. De ces pratiques, on retrouve inévitablement l’analyse de l’environnement public et l’implantation d’équipes de stratèges (war room permanent). En effet, ce qui relie tous les éléments de la gouverne actuelle, comme c’est le cas lorsque l’on fait campagne, c’est l’approbation du public (HecTo 2000, 15). 11 est d’ailleurs important de noter que l’objectif de la permanent campaign que l’on retrouve dans toute la littérature est celui de faire réélire le chef en place

(26)

et de garder tout au long de son mandat une cote de popularité élevée. C’est peut-être pour cette raison que les communications sont centralisées à la Maison-Blanche et que les consultants «move without pause ftom the campaign trail to work for the victorious elected officiais, helping to shape their policy messages and frame issues for advantage in the next campaign» (Mann et Ornstein 2000, 44). «In the process, public approval has become paramount » (Selnow 1994, 177).

Dans le contexte de la permanent campaign, plusieurs auteurs affirment que l’on est passé d’un style politique idéologique à un autre davantage concret et immédiat (Butier et Collins 2001, 1027). Permanent campaign veut aussi dire que les présidents adoptent le style de vie des campagnes électorales en permanence et qu’ils souhaitent influencer l’opinion publique de manière constante. Parmi les ouvrages clés figure sans doute celui de Omstein et Mann, The Permanent Campaign and its future. Dans ce livre, la permanent campaign est principalement abordée sous l’angle de l’organisation autour de l’analyse de l’environnement public. Comme nous l’évoquions plus tôt, permanent campaign et appareil de l’opinion publique peuvent être considérés comme des synonymes.

The past 30 years have seen a blurring of the unes between campaigning and governing. Techniques, institutions and personnel once associated with election campaigns are now part of the landscape of day-to-day governance. Pollsters are

employed by presidentsandparties to test support for legislative proposais. Outside

groups coordinate media campaigns for or against pending legislation, ofien many months before an election. The presidency has developed its own set of institutions and practices such as war rooms, outreach offices, and “message of the day” in

order to mount a constant campaign to maintain the president’s standing. (Omstein et Fortier 2002, 21-22b)

Comme il s’agit d’un phénomène qui attire l’attention depuis très peu de temps, les politologues partent toujours du même point, c’est-à-dire d’une description du phénomène et de son évolution.

À

travers leurs travaux, il est possible de dégager les concepts clés nous

aidant à décrire l’appareil de l’opinion publique et les facteurs ayant influencé son institutionnalisation. La prochaine section de cette revue de la littérature en fait d’ailleurs l’énumération. Il est important de noter à ce stade que ces concepts clés et ces facteurs sont dépendants les uns des autres. Ils se recoupent et doivent par le fait même être pris en considération comme un tout.

Cette énumération nous permettrapar la suite d’avoir en notre possession une liste

sur laquelle appuyer une comparaison avec d’autres administrations gouvernementales, et par conséquent, de savoir s’il existe une américanisation de l’appareil de l’opinion publique ailleurs.

(27)

1.4 Les caractéristiques de l’appareil de l’opinion publique de la Maison-Blanche

Il semble ne pas exister d’ouvrage sur les activités de l’appareil de l’opinion publique de la Maison-Blanche proprement dit dans la littérature américaine. En effet, comme nous l’avons évoqué plus tôt, les politologues prennent pour acquis que cet appareil existe. Au sens large, on le définit toutefois comme une «operation that was centralized in the White House and devoted to assembling public opinion data and conducting extensive public relations activities » (Jacobs et Shapiro 1995, 163). L’analyse de l’opinion publique et les relations de presse, qui s’effectuent en grande partie au Bureau des communications de la Maison-Blanche, sont les pratiques utilisées pour influencer les médias de masse, qui, par ricochet, peuvent avoir un impact sur la population. En effet, l’appareil de l’opinion publique a contribué fortement à l’apparition des termes modem presidency et public presidency, qui se sont développés en parallèle.

What make the “public presidency” public

[...]

is flot only its outward oriented activities but also its systematic monitoring of attitudes of mass public. f...] Recent research has unearthed the second face of the “public presidency” — its

sophisticated and routinized “public opinion apparatus” for conveying the public’s sentiments to the president and his senior aides. The significance of the presidency’s “public opinion apparatus” is that it links the public-taiking and the

public-listening dimensions of the presidency. What presidents say, how they say

it, and where they make their comments is a firnction of what the White House

leams from the public. (Jacobs et Bums 2004, 537)

Le politique, l’opinion publique et les médias font donc partie d’un grand cercle interinfluent. C’est ce que nous analyserons tout au long de ce travail. L’appareil instaure en quelque sorte une routine et des façons d’analyser et d’influencer l’environnement public à la Maison-Blanche. C’est pour cela que l’on peut faire un lien direct avec son institutionnalisation et la permanent campaign.

Afin d’arriver à une définition plus juste et précise de ce qu’est l’appareil de l’opinion publique états-unien, nous avons, à partir de nos lectures, dégagé huit thèmes clés rattachés à ce phénomène. Ces thèmes pourront servir par la suite de base de comparaison avec des appareils de l’opinion publique d’autres pays. D’abord, I ‘environnement public, auquel nous avons fait référence dans la définition du concept d’opinion publique, nous aide à cerner les publics cibles de l’appareil et les moyens les plus souvent utilisés pour les analyser et les influencer. Ensuite vient l’ambition constante de maintenir le soutien du public et de réélection, objectifs principaux de l’équipe présidentielle. D’autres thèmes surgissent, si on se réfère aux études de Jacobs et Shapiro et de Heith. Pour eux, l’appareil

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de l’opinion publique se distingue par sa capacité organisationnelle d ‘analyse de l’opinion publique (référence aux sondages d’opinion et spécialisation de l’équipe présidentielle), par la centralisation de ses activités au bureau du président et par sa politisation. finalement, dans la revue de la littérature américaine, deux autres thèmes se sont distingués de façon significative et nous permettent d’arriver à une définition complète de ce qu’est l’appareil de l’opinion publique à la Maison-Blanche. Il s’agit de la stratégie « going public » et de / ‘arrière-plan théorique de I ‘équipe présidentielle.

1.4.1 Les publics de l’environnement public. L’ environnement public est le premier thème que nous abordons puisqu’il définit les publics cibles de l’appareil de l’opinion publique du président des États-Unis. Plusieurs auteurs ont abordé ce sujet, mais se sont davantage concentrés sur les publics des aspirants à la présidence. Nous l’avons évoqué plus tôt, l’appareil états-unien emprunte à la campagne électorale ses façons de faire. Ainsi, nous pouvons déduire les publics cibles de l’appareil à partir des recherches sur les campagnes et la permanent campaign.

Comme le montre la figure suivante, l’environnement public d’un candidat aux élections comprend cinq éléments, selon Philip Kotier et Neil Kotier: les électeurs, le parti politique, les contributeurs, les groupes de pression et les médias.

Figure 1: five Markets in Political Campaigns

Source : Kotter, Philip, and Neil Kotler, 1999, « Political Marketing: Generating Effective Candidates,

Campaigns, and Causes», dans Handbook of Political Marketing, edited by Bruce I. Newman, Thousand Oaks:

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Si l’on parle de l’environnement public d’un président, il faudrait ajouter à cette figure une case gouvernement et institutions. Autant en temps de campagne qu’en temps de gouverne, l’opinion de ces groupes est monitorée, analysée et fait l’objet de tentatives d’influence par le chef et son équipe de stratèges. Les politologues ont appelé cette équipe autour du chef l’appareil de l’opinion publique puisque le maintien du soutien public en est le principal objectif.

1.4.2 Le maintien du soutien public. Dans la grande majorité des ouvrages consultés, on trouve le thème du maintien du soutien public comme caractéristique déterminante de l’appareil de l’opinion publique à la Maison-Blanche, mais aussi comme facteur ayant influencé son développement.

Presidents need public support to create a favorable legislative environment to pass the presidential agenda, to win re-election, and to be judged favourably by histoiy. As a consequence, modem presidents spend millions of dollars annually, monitoring the ups and downs ofcitizen sentiments.

[...J

Presidential popularity “is said to be a political resource” for the president. With public support, a president increases bis power to persuade the media, other political elites, and even,

countriesandindividuals abroad. (Heith 199$, 165-166)

Dans son livre sur l’évolution des sondages d’opinion à la présidence des États Unis, Eisinger affirme que l’un des buts de Nixon et de son conseiller spécial Haldeman dans l’utilisation des sondages était de «enhance the president’s popularity in order toward off presidential challengers. Why? Because Haideman and Nixon understood that poil data affected legislators’ decisions » (Eisinger 2003, 2). Si on en croit l’ouvrage de Richard M. Perioff et l’analyse du pouvoir persuasif du président par Elmer E. Cornwell (Cornwell 1965), et contrairement à Richard E. Neustadt, le soutien du public sert à influencer plusieurs autres acteurs de la scène publique, comme le Congrès américain et les élites. Certains politologues vont plus loin et affirment que les vagues démocratiques des deux derniers siècles ont apporté la croyance et l’acceptation que seuls les gouvernements qui se basent sur les désirs de la population ont la légitimité pour gouverner (Hecio 2000, 16). Pour cette raison, le maintien du soutien public devient essentiel pour le président.

La personnalisation des campagnes électorales et des gouvernements autour du chef a assurément à voir avec le besoin grandissant du soutien public. Les coalitions sont plus difficilement atteignables, l’appel aux partisans est moins efficace et les groupes de pression ont plus de pouvoir. Le président doit donc trouver des moyens de courtiser la multitude de fractions que comprend l’électorat. Les sondages d’opinion, tout comme les

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focus groups, sont un moyen de les connaître (Wayne 2000, 294-295). Cette personnalisation se reflète aussi dans le déclin des partis politiques et la montée en importance des primaires présidentielles, qui, selon Eisinger, ont fortement contribué à faire des candidats à la présidence des personnes se devant d’avoir des aptitudes communicationnelles exemplaires. En effet, « the McGovern-Fraser reforms exacerbated political polling by creating primaries that forced candidates to market themselves using various media, and to determine voter preferences quickly and accurately» (Eisinger 2003, 9).

Avant l’avènement des médias comme joueur clé dans la gouverne, « presidents governed by accommodating broad coalitions and interests groups. But leadership in the age of television requires the mobilization of public opinion. Public opinion has become a criticai element of political influence» (Denton 1998, 199). La meilleure façon d’arriver à maintenir le soutien du public dans ce cas est de savoir interagir avec les médias et analyser les réactions de l’environnement public.

Presidents must be able to convince Congress, leaders of their party, members of the opposition, elites in the private sector, and state officiais to support policy objectives. To persuade these various groups, presidents must demonstrate that they are effective leaders and that public opinion is behind them. The mass media are the maj or instrument for influencing public attitudes and for building an image of strong and decisive leadership. (Perloff 1998, 59)

Un exemple concret souvent évoqué dans les études sur le sujet est celui de la réforme de la santé de Bili Clinton qui a, au cours de la présentation du projet au public, perdu des appuis au profit de ses détracteurs. Perioff démontre dans son livre que «using ail the techniques of contemporary politics and public communications, the interest groups waged an emotional campaign to influence public opinion and policy elites » (Perioff 1998, 252). Il semble donc important, pour un président et pour les groupes d’intérêt dans une société, de connaître à la fois les fluctuations de l’opinion publique et d’avoir les moyens de l’analyser et de l’influencer. Au même titre que le politique, ces groupes d’intérêt ou lobbies utilisent abondamment les techniques de relations publiques et d’analyse de l’environnement public, comme les spécialistes en sondages. L’influence de ces techniques se fait sentir tout au long des campagnes électorales et dans la gestion gouvernementale, selon ce qu’en dit Burdett A. Loomis dans The Neyer Ending Story: C’ampaigns whitout Etections. C’est d’ailleurs pour cette raison que les pratiques entourant les relations publiques se sont taillé une place de choix dans la gouverne quotidienne des sociétés modernes. «The White House embrace of public relations techniques has con-esponded

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with an increasing dependence on public support for the implementation of presidential policy. » (Maltese 1994, 3)

Ainsi, qu’on y croie ou non, il semble, selon les politologues actuels, que tes présidents n’aient pas d’autre choix que d’accorder de l’importance au public et à ses opinions. Comme l’affirment cependant certains auteurs, la conjoncture politique et les scandales peuvent affecter l’importance que leur donne un président. D’ailleurs, un soutien public faible serait un facteur, selon Matthew J. Dickinson, qui mènerait à l’institutionnalisation du personnel présidentiel (Dickinson 2000).

À

titre d’exemple, l’Affaire Lewinski a amené Bill Clinton à s’y référer fréquemment au moyen de sondages. Mais il semble que ce soit toujours dans le but de maintenir le soutien du public pour arriver à se faire réélire. «Perhaps campaigning is not a goveming tool but a form of crisis response.

[...]

Two crises — the scandals of Watergate and Monica-gate

— suggest that the permanent campaigu might be more effective and more prevalent in this type of institutional battie than in a typical legislative effort. » (Heith 2004, 123) Heith explique en effet qu’au moment du Watergate, alors que Nixon n’avait pas l’habitude de commander des sondages autrement que pour connaître la perception qu’avait le public de sa performance, les sondages sont devenus partie prenante du processus de décision. «Public opinion data became a lifeline and a justification for the president.» (Heith 2004, 125) Selon elle, c’est d’ailleurs la baisse considérable dans ces sondages d’opinion, et non la couverture médiatique, qui aurait eu raison du président. Dans le cas de Clinton, Diane Heith affirme que sans ces sondages, toute la stratégie du président n’ aurait pu exister, lui qui serait resté en poste pour la simple raison que les analyses de l’environnement public lui indiquaient que le public croyait qu’il pouvait encore gérer le pays de façon professionnelle.

1.4.3 Le désir de réélection. Le désir de maintenir le soutien du public tout au long d’un mandat a lui aussi un but optimal pour le président, se faire réélire ou aider son successeur à se faire élire.

Selon Jacobs et Shapiro, le fait que Nixon convoitait un deuxième mandat en 1972 pourrait avoir été un facteur déterminant dans l’accroissement du nombre de sondages privés commandés. II n’est pas rare de lire que dès leur entrée en fonction, les présidents se mettent en mode de réélection. Selon Gary W. Selnow, «granted that officeholders aiways have wanted to please their constituents, by custom they keep a steady eye on the next

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campaign» (Selnow 1994, 178). La convoitise d’un deuxième mandat est donc un autre concept clé expliquant le transfère des techniques électorales à la gouverne du pays, d’où vient le terme permanent campaign. Souvent d’ailleurs, à la suite d’une victoire électorale, les stratèges électoraux sont engagés par le président.

Eisinger affirme que l’utilisation des sondages privés par les présidents vise entre autres à faire avancer leurs stratégies électorales, et ce, malgré qu’on ne puisse utiliser les fonds publics pour des fins électorales. L’administration Trnman se serait d’ailleurs préparée aux élections près d’un an avant leur déclenchement. Dans leur livre sur les tenants et aboutissants des campagnes électorales, Larry Powell et Joseph Cowart confirment que les sondeurs recommandent aux candidats de commencer à sonder le public 18 mois avant les élections (Poweil et Cowart 2003, 274). Ainsi, les sondages et les analyses de l’environnement public seraient utilisés tôt afin, entre autres, de gagner de la visibilité, de déterminer les enjeux importants et d’amasser des fonds pour la campagne. Judith S. Trent appelle cette période, qui peut débuter jusqu’à trois ans avant les élections, le surfacing stage (Trent 2004). D’ailleurs, dans l’ouvrage Politicians Don‘t Pander: Political Manipulation and die Loss ofDemocratic Responsiveness, les auteurs affirment que seulement la menace d’une élection imminente fait en sorte que les présidents tentent de répondre aux aspirations des électeurs plutôt qu’à leurs buts politiques (Jacobs et Shapiro 2000, xviii). Les présidents utilisent donc les sondages d’opinion pour les guider et pour savoir ce que pense la population. Dans une autre étude plus récente, Jacobs et Melanie Bums confirment ces dires:

«[...]

when elections approached or competition

between the parties and candidates intensified, the strategic incentives tilted toward expanding the White House’s polling of the public’s policy preferences » (Jacobs et Bums 2004, 540).

Quoiqu’on en dise, il apparaît évident pour Jacobs et Shapiro, ainsi que pour plusieurs autres politologues, que l’objectif optimal de réélection est un thème déterminant servant à définir ce qu’est l’appareil de l’opinion publique à la Maison-Blanche. «Only since Kennedy has the entire process been routinized into the institutional functioning of the presidency. The driving forces are electoral goals [as presidents once in office strive to be re-elected] and policy goals [as they work to establish their “place in history”] ». (Shapiro et Jacobs 2001, 158) En effet, selon Kathryn Dunn Tenpas, les présidents des États-Unis et leurs consultants prennent constamment en considération les impacts qu’une décision politique ou législative pourrait avoir sur leurs chances de réélection (Tenpas

(33)

2000, 115). D’ailleurs, les élections plus fréquentes au Congrès américain sont la preuve qu’il existe bel et bien une campagne permanente aux États-Unis, puisque cherchant à garder leur position, les agents politiques sont en perpétuelle quête d’argent politique, soit pour leur course personnelle, soit pour d’autres candidats moins populaires dans leur parti politique d’attache (Corrado 2000, 102-103).

1.4.4 La capacité organisationnelle d’analyser l’opinion publique. Les objectifs de maintenir le soutien public et de gagner la prochaine élection sont soutenus par l’appareil de l’opinion publique autour du président. Ainsi, sa capacité organisationnelle d’analyser l’opinion publique, principalement par la référence aux sondages selon Jacobs et Shapiro, en devient un élément descriptif. Deux objets font partie de cette capacité, soit la référence de plus en plus fréquente aux sondages et l’appel à une équipe de spécialistes.

1.4.4.1 La reférence aux sondages. Pour plusieurs, la présence des sondages à la Maison-Blanche est l’indicateur principal de la modem presidency. Selon Heith, «polling stands at the heart of the modem, candidate-centered presidential campaign, thus making it a fitting proxy for evaluating the presence of a permanent campaign environment in the White House» (Heith 2004, 73). C’est ainsi que dans son livre Poïling to govern: public opinion and presidential leadership, elle dresse un portrait comparatif de l’usage des sondages d’opinion entre six administrations états-uniennes afin d’expliquer le déroulement de leur institutionnalisation.

Comme nous l’avons évoqué dans le concept d’environnement public et dans l’introduction à la revue de la littérature, les sondages ont acquis au fil du temps une importance et une crédibilité grandissantes chez les chefs de gouvernement américains. Selon les mémoires de Morris dans Behind the Ovat Office, on remarque que les sondages ont acquis une grande importance dans l’administration Clinton. Ce stratège du président en fait foi tout au long de son ouvrage. Il parle même des sondages comme étant un «substitute of leadership », un «tool for goveming », une «technique to facilitate progress

in a democracy» (Morris 1997, 338). Dans une étude de Eisinger, qui traite principalement de l’évolution de l’utilisation des sondages d’opinion à la Maison-Blanche depuis la présidence de Herbert Hoover, on note que

[...J

since fDR, virtually all presidents have employed pnvate polis in some

Figure

Figure 1: five Markets in Political Campaigns
Tableau I : Synthèse de la revue de la littérature
Tableau II: Les cinq niveaux de t’analyse des médias

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