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Le règlement des différends à l'Organisation mondiale du commerce selon la théorie des perspectives : une étude empirique

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Academic year: 2021

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Le règlement des différends à l’Organisation

mondiale du commerce selon la théorie des

perspectives :

Une étude empirique

Mémoire

Pierre-Luc Dubé

Maîtrise en études internationales

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

© Pierre-Luc Dubé, 2017

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Le règlement des différends à l’Organisation

mondiale du commerce selon la théorie des

perspectives :

Une étude empirique

Mémoire

Pierre-Luc Dubé

Sous la direction de :

Jean-Frédéric Morin, codirecteur de recherche

Richard Ouellet, codirecteur de recherche

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iii RÉSUMÉ

Le mécanisme de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce est le forum le plus à même de régler un différend commercial opposant deux États membres de l’OMC. Toutefois, il est possible de constater que ce ne sont pas tous les différends commerciaux saisis par l’OMC qui se terminent à la même étape, certains se réglant avant même l’établissement d’un groupe spécial tandis que d’autres peuvent nécessiter un jugement de l’organe d’appel, ou même davantage. Le temps nécessaire au règlement des différends varie également d’un litige à l’autre. Ce mémoire de maîtrise tente donc de démontrer, en se servant de la théorie des perspectives développée par Kahneman et Tversky, que la perception d’un État plaignant, par rapport à la mise en place ou au retrait d’une mesure appliquée par un autre État, peut influencer l’étape à laquelle ce différend se terminera ou bien sur la durée qui lui sera nécessaire avant de se voir réglé. À l’aide de deux modèles économétriques distincts, nous démontrons que cette perception de l’État plaignant n’aura pas d’influence sur l’étape, mais qu’elle aura toutefois un impact sur la durée nécessaire au règlement d’un différend l’impliquant. Un État plaignant se percevant perdant par rapport à la mise en place d’une mesure d’un autre État aurait en effet tendance à faire diminuer le temps nécessaire au règlement, désirant ainsi voir la mesure retirée le plus rapidement possible. Un autre constat dégagé de ces modèles réside dans le fait que les différends concernant deux États développés auront tendance à prendre davantage de temps avant d’être réglés.

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iv ABSTRACT

The World Trade Organization's dispute settlement mechanism is the best forum for resolving a trade dispute between two WTO members. However, it is possible to note that not all trade disputes seized by the WTO end at the same stage, some settling before the establishment of a panel while others can require a judgment of the Appellate Body, or even more. The time required to resolve disputes also varies from litigation to litigation. This master’s degree thesis tries to demonstrate, using the prospect theory developed by Kahneman and Tversky, that the perception of a complainant state, in relation to the establishment or withdrawal of a measure applied by another State, may influence the stage at which the dispute is resolved or the length of time that is required for its resolution. Using two distinct econometric models, we found out that the complainant State’s perception does not influence the stage at which it will be resolved, but it has an impact on the length required to resolve a dispute involving it. A complainant State perceiving itself to be losing in relation to the introduction of a measure of another State tends, in fact, to reduce the time required for settlement, wanting to see the measure withdrawn as soon as possible. Another finding emerging from these models is that disputes concerning two developed countries will tend to take more time to be settled.

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LISTE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ... iii

ABSTRACT ... iv

LISTE DES FIGURES ... vii

TABLE DES GRAPHIQUES ... viii

REMERCIEMENTS ... ix

I. Introduction ... 1

II. Problématique : Les limites de l’approche orthodoxe ... 5

III. Cadre théorique : L’économie béhaviorale et la théorie des perspectives ... 7

IV. Revue de littérature ... 11

A. La théorie des perspectives en science politique ... 11

B. Le temps nécessaire à la résolution de différends commerciaux ... 13

V. Hypothèse ... 18

VI. Cadre méthodologique ... 19

A. Variable dépendante ... 19

1. Étape du règlement du différend ... 20

2. Durée temporelle observée ... 30

B. Variable explicative principale : La perception de l’État plaignant ... 31

C. Variables explicatives secondaires ... 35

D. Modèles économétriques utilisés ... 40

1. Modèle 1 : L’étape... 40

2. Modèle 2 : Le temps ... 45

VII. Résultats ... 49

A. Étape de règlement du différend ... 51

1. La perception de l’État plaignant ... 52

2. Autres résultats ... 52

B. Nombre de jours nécessaire au règlement du différend... 54

1. La perception de l’État plaignant ... 56

2. Autres résultats ... 57

C. Limites et critiques des modèles utilisés ... 60

VIII. Conclusion ... 63

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 - Catégories des modes de résolution proposée par l'OMC ... 25

Tableau 2 - Catégories des modes de résolution ... 26

Tableau 3 - Distribution et fréquences des perceptions des États plaignants, où 0 correspond aux États se percevant gagnants et 1 aux États perdants ... 34

Tableau 4 - Distribution et fréquences des indices de démocratie des États plaignants ... 39

Tableau 5 - Distribution et fréquences des indices de démocratie des États défendeurs ... 39

Tableau 7 - Résultats du test de spécification Linktest du modèle 1 de base ... 43

Tableau 8 – Résultats du test de spécification Linktest du modèle 1 final ... 44

Tableau 9 - Informations sur les variables utilisées par le modèle 1 final ... 45

Tableau 10 - Informations sur les variables utilisées par le modèle 2 ... 48

Tableau 11 - Résultats pour la régression des deux modèles ... 50

Tableau 12 - Résultats pour le modèle 1, ayant pour variable dépendante l'étape à laquelle s'est terminé un différend ... 51

Tableau 13 - Résultats pour le modèle 2, ayant pour variable dépendante le nombre de jours nécessaire au règlement d’un différend ... 55

Tableau 14 – Moyenne du nombre de jours pour les cas où l’État plaignant ce perçoit comme gagnant (Perception = 0) ... 57

Tableau 15 – Moyenne du nombre de jours pour les cas où l’État plaignant ce perçoit comme perdant (Perception = 1) ... 57

Tableau 16 – Moyenne du nombre de jours pour les cas où les États plaignants et défendeurs sont moins développés (IDH < 0,79) ... 58

Tableau 17 – Moyenne du nombre de jours pour les cas où les États plaignants et défendeurs sont plus développés (IDH > 0,79) ... 58

Tableau 18 – Moyenne du nombre de jours pour les cas où les États plaignants et défendeurs sont pauvres (SommePibPDMax < 1,04e13) ... 59

Tableau 19 – Moyenne du nombre de jours pour les cas où les États plaignants et défendeurs sont riches (SommePibPDMax > 1,04e13) ... 59

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LISTE DES FIGURES

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TABLE DES GRAPHIQUES

Graphique 1 - Nombres de jours entre la demande de consultation et le règlement des litiges réglés d'un commun accord ... 23 Graphique 2 - Nombres de jours nécessaires au règlement des différends (sans la catégorie 6) ... 30 Graphique 3 – Distribution des résidus par rapport aux valeurs ajustées ... 46 Graphique 4 – Implications exponentielles de S2 ... 54

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REMERCIEMENTS

Mes premiers remerciements sont dédiés aux professeurs Jean-Frédéric Morin du département de science politique et Richard Ouellet de la faculté de droit de l’Université Laval. J’apprécie infiniment la confiance qu’ils ont su démontrer en acceptant de diriger un étudiant provenant de la mal-aimée science économique. Leurs suggestions, commentaires, intérêts et supports m’ont permis de garder le cap dans la bonne direction tout en me permettant d’explorer librement les alentours pour satisfaire ma curiosité. J’aimerais d’autant plus remercier tous les professeurs que j’ai eu le privilège de côtoyer durant mon parcours aux cycles supérieurs, qu’il s’agisse de professeurs de politique, d’économique, de droit, de sociologie ou d’administration. Ce faisant, j’en profite pour féliciter l’Institut québécois des Hautes études internationales de l’Université Laval pour la qualité du programme de maîtrise offert, programme permettant aux étudiants de développer un esprit particulièrement critique par la pluridisciplinarité de leur formation académique.

Je tiens également à remercier chaleureusement famille, amis et collègues. Un merci particulier à Claire pour m’avoir laissé débiter sur le sujet sans jamais avoir l’air désintéressée. Un merci tout aussi sincère à Jean-Michel, avec lequel le règlement des différends à l’OMC était devenu un sujet de discussion obligé durant les longues courses du dimanche matin. Merci aussi à Simon, ami d’enfance, modèle à suivre et source de divertissement inépuisable.

« Il faut toujours se réserver le droit de rire le lendemain de ses idées de la veille ». - Napoléon Bonaparte

« Il faut estimer comme un bien le moindre mal ».

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Le règlement des différends à l’Organisation

mondiale du commerce selon la théorie des

perspectives :

Une étude empirique

I. Introduction

Depuis la création en 1995 de l’Organisation mondiale du commerce (ci-après « OMC »), un peu plus de 500 différends commerciaux entre États membres ont été portés devant cette institution internationale. Bien que l’objectif premier de l’OMC consiste à établir les règles générales en matière de commerce international à travers les accords multilatéraux qu’elle comprend, elle a également comme fonction de régler les différends présentés devant elle en conformité avec le Mémorandum d’accord sur les règles et

procédures régissant le règlement des différends (ci-après « Mémorandum »), notamment

par l’Organe de règlement des différends (ci-après « ORD »). En bref, un État ayant déposé une demande de consultation (plaignant) contre une pratique ou une mesure d’un autre État (défendeur) peut s’attendre à ce que l’ORD, suivant une période de consultations (art. 4), envisage l’établissement d’un groupe spécial (art. 6) qui procédera à un examen du litige en question avant de déposer un rapport (art. 12). Suivant le dépôt de ce rapport par le groupe spécial, il demeure possible aux plaignant et défendeur, dans la mesure où l’un d’eux est insatisfait des conclusions du groupe spécial, de porter le jugement en appel (art. 16 et 17). Précisons toutefois que la règle du « consensus inversé » s’applique aux recommandations déposées par l’ORD. Autrement dit, dans la mesure où le plaignant et le défendeur sont tous deux insatisfaits des recommandations de l’ORD et qu’ils ne veulent pas les appliquer, ils peuvent voter par consensus pour que ces recommandations ne soient pas exécutoires (art. 16.4). Cette règle du « consensus inversé » représente la force de l’ORD actuel de l’OMC puisqu’il y a généralement un État qui est satisfait de ces recommandations, ce qui

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fait qu’il ne votera pas contre leur application. Terminons en ajoutant que, peu importe où en sont rendues les démarches de l’ORD, les parties aux litiges ont la possibilité d’en venir à un règlement amical (art. 5), mettant ainsi fin au litige.

Plusieurs auteurs s’entendent pour dire que le mécanisme de règlement des différends à l’OMC, ayant vu le jour grâce au Mémorandum compris à l’Annexe II de l’Accord général

sur les tarifs douaniers et le commerce (ci-après « GATT ») de 1994, constitue l’une des

principales forces de l’OMC (Burda, 2006; Davey, 2014).

Le mécanisme de règlement des différends de l’OMC apparaît aujourd’hui comme le pilier du système commercial multilatéral et l’outil le plus efficace pour assurer l’effectivité des règles relatives à la libéralisation des échanges. […] En tant que mécanisme « global », il s’applique à tous les accords de l’OMC et embrasse tous les litiges relatifs à l’application des normes appartenant au système. En tant que mécanisme intégré, il est le seul moyen de règlement des différends autorisé entre les parties, qui ont dès lors l’obligation de ne pas agir unilatéralement. […] Un membre, dont la mesure est jugée incompatible avec les règles du commerce international, a l’obligation de la mettre en conformité avec le droit de l’OMC. L’originalité principale du système repose alors sur la possibilité de prendre des contremesures, moyen de pression pour contraindre le membre récalcitrant à modifier sa législation. La place centrale accordée à la règle de droit dans la procédure, les délais plus stricts et la plus grande automaticité qui ont été instaurés, en particulier par l’adoption quasi automatique des rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel par le biais du « consensus inversé », renforcent sans conteste la sécurité et la prévisibilité du système commercial international (Burda, 2006).

Pour en arriver à un mode de règlement aussi fort et efficace juridiquement lors de l’établissement de l’OMC en 1995, les parties contractantes au GATT de 1947 ont eu à faire preuve de patience tout au long des négociations entourant ce domaine. Au tout début, l’article XXIII:2 du GATT de 1947 stipulait que les parties contractantes avaient à agir conjointement pour régler les différends commerciaux entre elles, et que seul le Président du Conseil du GATT avait l’autorité de trancher de manière définitive (Davey, 2014). Ce n’est que quelques années plus tard que l’idée d’établir des « groupes spéciaux », composés de représentants des pays concernés directement ou indirectement par le litige, a été introduite. Toutefois, les décisions prises par ces groupes spéciaux devaient toujours être approuvées par le Président du Conseil du GATT pour être juridiquement

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contraignantes, sans que les procédures de mises en œuvre soient balisées. Qui plus est, l’établissement de ces groupes spéciaux faisait l’objet d’un « consensus positif », principe qui prévoyait qu’aucune partie contractante au GATT ne devait s’y opposer (Burda, 2006). Précisons que les parties concernées par le différend, incluant ainsi la partie accusée, avaient donc la possibilité de s’opposer à l’établissement de tels groupes spéciaux. Malgré tout, c’est en créant une série de jurisprudence que ces groupes spéciaux ont permis au mécanisme de règlement des différends de l’OMC d’être aujourd’hui exécutoire (Davey, 2014).

Au fil des années, les parties contractantes au GATT de 1947 ont codifié les procédures relatives au règlement des différends. Les principales étapes ayant été franchies consistent en la décision de 1966 sur les procédures d’application de l’article XXIII, le Mémorandum

d’accord sur les notifications, les consultations, et le règlement des différends et la surveillance de 1979 et les décisions sur les procédures de règlement des différends de

1982 et 1984 (Davey, 2014). L’étape charnière s’est toutefois déroulée durant le cycle d’Uruguay de 1986, round durant lequel les questions relatives au règlement des différends ont été jugées prioritaires. Ce 8e round de négociation entre les 123 parties contractantes de l'OMC a permis la Décision du 12 avril 1989 concernant l’amélioration des règles et procédures de règlement des litiges, ce qui a donc permis de régler plusieurs problèmes inhérents au GATT de 1947 (Burda, 2006; Davey, 2014). À titre d’exemple, cette décision a permis de codifier le droit qu’ont les parties contractantes à l’établissement d’un groupe spécial, ce qui auparavant pouvait être bloqué par l’État intimé de contrevenir à ses engagements.

La fin du cycle d’Uruguay en 1994, qui a abouti à la mise en place de l’OMC à partir de janvier 1995, a permis de finaliser les dispositions que l’on retrouve à l’heure actuelle dans le Mémorandum. Pensons notamment au recours qu’ont les États de faire appel (art. 17), à l’adoption des rapports (art. 16 et 17.14), à leur mise en œuvre (art. 21) et à l’absence de mise en œuvre, la compensation et la suspension des concessions (art. 22).

Ce faisant, au bout d’un demi-siècle de négociations entre les parties contractantes au GATT de 1947 à propos des procédures relatives au règlement des différends, l’OMC peut aujourd’hui se qualifier comme étant l’endroit de prédilection pour le règlement des

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différends commerciaux entre États souverains. Selon William Davey, la force du mécanisme de règlement des différends de l’OMC réside dans le fait que l’ORD « […] is unique in the international arena [because it stands on] a rules-based system covering a broad range of obligations and [it is] binding virtually all major nations, one that has compulsory (and executive) jurisdiction » (Davey, 2014). Le principal défaut du mécanisme de règlement des différends de l’OMC soulevé par la critique réside dans le fait que le temps nécessaire au règlement d’un litige est largement plus élevé en pratique qu’il ne devrait l’être en théorie selon les dispositions prévues par le Mémorandum (Davey, 2014).

Encore aujourd’hui, le système de règlement des différends de l’OMC apparaît comme essentiel au bon fonctionnement des échanges commerciaux internationaux. Les États membres ont ainsi l’obligation de respecter leurs engagements notamment en matière d’accès aux marchés et à l’octroi d’un traitement juste et équitable envers les autres États membres. À l’heure où les idées protectionnistes semblent refaire surface, pensons à l’arrivée au pouvoir de M. Donald Trump aux États-Unis le 20 janvier 2017, il devient d’autant plus utile et pertinent d’avoir en place une institution internationale se portant à la défense du libre-échange. L’importance économique de l’OMC et, par conséquent, de l’ORD prend ici tout son sens et il apparait essentiel que le respect des règles qu’elle a progressivement mises en place au cours des dernières décennies soit assuré. Dans la mesure où les États membres ne se retirent pas de l’OMC ou qu’ils ne revoient pas à la baisse leurs engagements communs, le caractère juridiquement contraignant de l’ORD permettra ainsi une certaine stabilité des échanges commerciaux internationaux. Étant donné que la majorité de ces échanges se font entre les 164 membres de l’OMC, l’existence d’un tel forum contraignant devient donc essentielle.

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II. Problématique : Les limites de l’approche orthodoxe

L’ORD de l’OMC joue donc un rôle clé de dissuasion permettant un bon déroulement des échanges commerciaux internationaux de par la jurisprudence qu’il a créée au fil des années. Toutefois, en regardant rapidement les quelque 500 différends portés devant l’OMC, il est possible de remarquer que ces différends commerciaux ne se soldent pas tous de la même façon. Autrement dit, certains différends peuvent s’être réglés rapidement sans même que l’ORD n’ait eu à établir un groupe spécial (ci-après « GS »), une simple demande de consultation ayant été suffisante. À l’inverse, certains litiges ont été particulièrement laborieux, allant même jusqu'à nécessiter un jugement de l’Organe d’appel (ci-après « OA ») après plusieurs années d’activités des tribunaux. De ce constat, comment expliquer qu’un différend puisse prendre relativement peu de temps à se régler, tandis qu’un autre différend peut se prolonger sur plusieurs années? Plus particulièrement, pourquoi les États parties à un litige commercial présenté devant l’OMC préfèrent-ils mettre fin à un différend rapidement dans certains cas, tandis qu’ils s’acharnent à poursuivre les démarches judiciaires dans d’autres cas? Comment expliquer également que certains différends se règlent avant même l’établissement d’un GS, tandis que d’autres ne sont toujours pas réglés, et ce, même après qu’un rapport de l’OA ait été déposé?

Selon certains chercheurs et économistes classiques, il serait possible, d’un point de vue de la perspective réaliste sous-jacente à l’approche orthodoxe en économie politique internationale, de répondre à ces questions sous l'optique que les États tendent à agir de façon à maximiser leur utilité, étant parfaitement rationnels dans leurs prises de décisions. Il est vrai que les théories du choix rationnel et de la maximisation d’utilité s’appliquent dans certains cas précis. Qui plus est, la logique derrière ces théories est relativement simple à constater et à reconnaître, dans la mesure où l’information est parfaite et que les hypothèses de base soient respectées. Pensons notamment aux axiomes forts de transitions et des préférences révélées des acteurs.

En appliquant cette logique au cas nous intéressant, soit le règlement des différends commerciaux portés devant l’OMC, cette approche proposerait d’avancer l’idée que les États auraient tendance à mettre beaucoup d’efforts dans le règlement des différends impliquant des ratios bénéfices/coûts relativement élevés. Autrement dit, les États

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porteraient devant l’ORD les différends qui pourraient leur permettre d’accroître leurs capacités commerciales nettes. À titre d’exemple, si un pays croit pouvoir obtenir des bénéfices supérieurs aux coûts associés à sa défense devant l’ORD (ratio bénéfices/coûts positif), il ira porter l’affaire en question devant les tribunaux de l’ORD. À l’inverse, si les coûts sont estimés être plus importants que les possibles bénéfices, ce même État décidera de ne pas se tourner vers l’ORD.

Or, cette façon de modéliser la décision prise par un État, axée uniquement sur des questions économiques, omet de prendre en considération plusieurs facteurs notables tels que des questions de relations diplomatiques. De plus, les hypothèses relatives au bon fonctionnement des théories du choix rationnel et de maximisation de l’utilité s’avèrent largement restrictives et fortes. Selon Elms, « the “as if” and the “it washes out” assumptions are simply false. […] Individuals do not behave as if they were simple rational utility calculators. They frequently (or even always) make decision in ways that contravene our standard explanations. » (Elms, 2008). Qui plus est, Elms a su démontrer, dans un autre article paru en 2004, que la valeur économique du différend n’aurait pas d’importance pour les États parties à ce différend (Elms, 2004). Sans entrer ici dans les détails, ce constat soulevé par Elms sera développé dans la section IV.A plus loin.

Ce faisant, il semble que l’approche orthodoxe en économie politique internationale ne soit pas en mesure d’expliquer ce qui peut entraîner deux États parties à un même différend à poursuivre les démarches auprès de l’OMC, nécessitant parfois des rapports successifs du GS, de l’OA et même davantage. Les durées associées à ces négociations et batailles juridiques peuvent devenir particulièrement longues, pouvant s’étaler sur plusieurs années, voire même plusieurs décennies. À titre d’exemple, les différends DS48 et DS105 ont respectivement nécessité 5 345 jours et 5 494 jours, ce qui représente près de 15 ans de travaux pour les États parties à ces différends et, par conséquent, pour les tribunaux de l’OMC.

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III. Cadre théorique : L’économie béhaviorale et la théorie des perspectives

C'est pourquoi, afin de répondre à la problématique présentée précédemment, nous nous proposons d’utiliser l’économie béhaviorale (ou l’économie du comportement) comme cadre théorique, ce que prône notamment Elms et plusieurs chercheurs de l’école hétérodoxe en économie politique internationale. Cette branche des sciences économiques se veut novatrice puisqu’elle laisse de côté les concepts généralement utilisés par les économistes classiques de l’approche orthodoxe, c’est-à-dire la rationalité parfaite des acteurs et leur désir sans bornes de maximiser leur utilité. Sans ici entrer dans le débat entourant l’utilisation du concept de rationalité dans les relations internationales, nous estimons que ce concept est essentiel à l’interprétation des décisions prises par les États. Qui plus est, il est aujourd’hui devenu coutumier de faire usage de ce concept dans le domaine des relations internationales pour expliquer le comportement des États, même implicitement (Allison & Zelikow, 1999). Qu’il s’agisse des réalistes classiques, des néoréalistes, des néoréalistes structurels, des institutionnalistes et même des libéralistes, le concept de rationalité limitée est de plus en plus employé, à quelques nuances près, par les chercheurs dans le domaine (Allison & Zelikow, 1999).

Nous nous proposons donc, dans un premier temps, d’adopter une approche centrée autour d’un modèle de rationalité limitée des acteurs. Autrement dit, par manque d’informations sur la situation en son entièreté, nous proposons d’avancer l’idée que les États agiront de manière à maximiser leurs utilités espérées bien qu’il ne s’agisse pas nécessairement de la bonne action ou décision à prendre de leur part. Ces États, étant limités en temps et n’ayant pas nécessairement toute l’information disponible pour la prise de la meilleure décision possible, ne se préoccuperont pas uniquement des questions économiques, mais incorporeront des questions de relations diplomatiques dans leur calcul par exemple. C’est notamment ce qu’avancent les néoréalistes Watlz et Mearsheimer (Mearsheimer, 2009; Waltz, 1979). Ce faisant, puisque nous disposons de plus d’informations que les États parties au différend à l’époque où celui-ci était présenté devant l’ORD, nous pensons que les États n’auront pas été irrationnels, mais plutôt qu’ils auraient fait une mauvaise analyse de la situation dans son ensemble. C’est également ce que propose Jack S. Levy dans un article intitulé Misperceptions and the Causes of War: Theoretical Linkages and Analytical

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Problems (Levy, 1983). Autrement dit, il serait aisé, avec du recul et une meilleure

information, de dire qu’un État n’aurait pas pris la solution optimale. Toutefois, cette décision aurait été prise en fonction de l’information dont il disposait à l’époque et que, par conséquent, cette décision était la meilleure à ce moment précis, ce qui lui permettait de maximiser son utilité espérée.

C’est dans cette optique que nous nous pencherons plus exactement sur la théorie des perspectives développée par Kahneman et Tversky (Kahneman & Tversky, 1979). Essentiellement, cette théorie, d’abord développée dans le domaine de la psychologie, tente d’expliquer le comportement des individus en fonction de leur perspective (ou point de vue) face à une situation donnée. Testée en laboratoire, cette théorie permet de démontrer que les sentiments liés à une perte sont plus importants que ceux liés à un gain de même ampleur. À vrai dire, les gains espérés d'une situation se doivent d'être près de deux fois supérieurs aux pertes envisagées pour les compenser. De cette façon, lorsque confronté à une perte par rapport à une situation de départ neutre, un individu sera porté à prendre davantage de risques pour ne pas subir cette perte qu’il perçoit (Taliaferro, 2004 ). Autrement dit, le niveau d'aversion au risque d'un individu varierait selon qu'il se perçoive confronté à des pertes ou à des gains possibles, étant ainsi beaucoup moins averse au risque en présence de pertes que de gains (Elms, 2008).

Il demeure également important de préciser que la situation de départ, dite de statu quo, joue un rôle primordial puisque c'est en fonction de celle-ci que l'individu établira son

domaine, à savoir s'il se perçoit en situation de gains ou de pertes (Elms, 2008; Mercer,

1996; Mintz & Redd, 2003). Le statu quo représente en réalité la situation initiale avant qu’un changement ne soit survenu dans l’environnement de l’individu. À titre d’exemple, supposons que la limite de vitesse sur une route soit, à l’heure actuelle, de 70 km/h (situation de statu quo) et que la municipalité chargée de définir cette limite de vitesse décide de convoquer ses citoyens à une assemblée afin de voter un projet de loi visant à augmenter cette limite à 90 km/h. Les citoyens, se sentant ainsi confrontés à des gains possibles de bien-être par rapport à la situation initiale (statu quo), iront voter en faveur de cette loi, sans toutefois que tous les citoyens se présentent nécessairement à l’assemblée convoquée par leur municipalité. À l’inverse, supposons que cette municipalité

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convoquerait ses citoyens pour voter un projet de loi visant à diminuer à 50 km/h la limite de vitesse sur cette route. Se sentant ainsi confrontés à de possibles pertes de bien-être par rapport au statu quo (70 km/h), les citoyens iront s’opposer fortement à ce projet de loi avec une vigueur plus marquée que dans le scénario d’augmentation de la limite de vitesse. Il s’agit-là d’un exemple pour lequel la théorie des perspectives peut s’appliquer. Autrement dit, les individus ont tendance à réagir plus fermement à un changement négatif de statu quo qu’à un changement positif, ce qui s’explique par leurs perspectives face à la situation. Nous n’avons toutefois pas l’intention de considérer ici le biais de sélection du statu quo (ou « l’effet statu quo ») par les individus, notamment en raison des sentiments de ces derniers, sujet sur lequel il existe une abondante littérature en psychologie (Eidelman & Crandall, 2012; Nicolle, Fleming, Bach, Driver, & Dolan, 2011). Ces recherches, effectuées par des chercheurs en psychologie à l’aide d’expérimentation en laboratoire auprès de sujets humains, en viennent à la conclusion qu’une personne aura tendance à préférer conserver le statu quo plutôt que de poser des actions qui auront pour effet de changer ce statu quo, et ce même si un changement de statu quo serait bénéfique pour cet individu. À l’inverse, nous adopterons l’approche développée par Lu et Xie qui ont su démontrer, également à l’aide d’une expérience en laboratoire auprès d’étudiants universitaires, que l’effet statu quo est beaucoup moins important pour un tiers que pour un individu directement affecté par un changement de statu quo (Lu & Xie, 2014). Autrement dit, dans le cas nous intéressant, soit de porter ou non un différend devant les tribunaux de l’OMC, le fait qu’il s’agisse de tierces personnes, soit des gouvernements, n’étant pas directement affectées par un changement de statu quo, et non pas des individus directement concernés, on peut en conclure qu’un gouvernement ne sera pas aussi réticent à vouloir changer ce statu quo. C’est pourquoi nous ne porterons pas attention à « l’effet statu quo » dans le présent mémoire.

Malgré l’importance capitale que peut jouer la situation de statu quo dans l’établissement du domaine d’un individu, certains chercheurs avancent également l’idée qu’il existe aussi des « points de références » selon lesquels un individu peut voir son domaine changé (Heath, Larrick, & Wu, 1999; Koop & Johnson, 2012). Encore une fois, à l’aide d’observations en laboratoire auprès d’individus, ces chercheurs en sont venus à la

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conclusion que l’atteinte d’objectifs, par exemple, peut avoir comme effet de modifier le domaine d’un individu, à savoir s’il se considère confronté à des gains ou des pertes par rapport au statu quo, sans toutefois changer ce statu quo. Ce faisant, le comportement des individus face à cette situation peut varier dans le temps. Il serait toutefois laborieux de tenter, aux fins du présent travail, de déterminer pour chacun des différends analysés, si de tels points de références avaient pu modifier les domaines des États dans le processus du règlement d'un différend et, par conséquent, leurs comportements durant les négociations. Ce faisant, nous ne considérons que la situation de statu quo dans l’établissement du domaine de l’État partie au différend, laissant ainsi le possible changement de domaine lors de l’atteinte de points de références. À titre d’exemple, il serait possible qu’un État, de prime abord, se perçoive comme perdant par rapport à une situation de statu quo et que cette perception se voie changée suivant un facteur exogène quelconque, se percevant désormais comme gagnant. Or, nous n’aurons pas l’intention de regarder ce genre de changement de domaine. La raison derrière cette décision est que nous aurions eu besoin d’avoir cette information sur les points de références des États. Or, cela implique qu’il aurait été nécessaire d’étudier en détail tous les différends que nous considérerons dans notre travail. Qui plus est, ce genre d’information sur les points de références peut être laborieuse à trouver.

Ce faisant, seul le statu quo nous servira à déterminer la perception des États parties à un différend commercial porté devant l’OMC ce qui nous permet de laisser de côté la valeur économique des litiges concernés. C’est donc en fonction de ce statu quo que nous pourrons déterminer le domaine d’un État, à savoir s’il se perçoit comme gagnant ou perdant par rapport à la mise en place d’une mesure par un autre État. Cette information nous permettra par le fait même de déterminer son niveau d’aversion au risque et, par conséquent, sa probabilité de prendre des risques. Pour résumer cette idée, nous reprenons ici une formulation employée par Alex Mintz et Steven Redd :

The main premise of prospect theory is that individuals evaluate possible outcomes, not from a net asset level, but from a [statu quo]. As a result, these individuals think in terms of gains and losses, choosing among courses of action in terms of deviations from this reference point. Specifically, individuals tend to be risk-averse in the domain of gain, but risk-acceptant in the domain of loss. (Mintz & Redd, 2003)

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11 IV. Revue de littérature

Étant donné qu’il n’existe pas de travaux portant spécifiquement sur la théorie des perspectives par rapport au règlement des différends en général, nous proposons de diviser la revue de littérature sur le sujet en deux sous-sections. Dans un premier temps, nous aborderons la théorie des perspectives telle qu’elle a été très peu utilisée par certains auteurs dans le domaine plus large de la science politique. Cette première revue de littérature nous permettra de positionner et d’orienter nos travaux. Suivra, dans un second temps, une revue de littérature portant plus précisément sur des articles et travaux ayant porté sur la durée observée pour le règlement de différends internationaux, sans pour autant que la théorie des perspectives n’y ait été utilisée.

A. La théorie des perspectives en science politique

En science politique et en relations internationales, la théorie des perspectives a été utilisée à quelques reprises notamment pour expliquer le comportement des États en situation de guerre (Levy, 1997; Mercer, 2005; Schaub, 2004). Plusieurs études de cas ont effectivement été réalisées sur le sujet, notamment sur le cas des guerres de Corée et du Vietnam dans lesquelles les États-Unis étaient activement impliqués. Selon Taliaferro et Mercer, la théorie des perspectives s’appliquerait effectivement au cas des États-Unis qui, bien qu’en situation de perte, ont poursuivi leurs interventions militaires sur plusieurs mois dans le cadre de ces deux guerres (Mercer, 2005; Taliaferro, 2004 ). Se percevant ainsi confrontés à des pertes difficiles à surmonter, tant financièrement que diplomatiquement, les États-Unis ont pris davantage de risques pour renverser la situation, et ce, sans succès. Le concept de rationalité des économistes classiques a donc largement été critiqué pour ces cas historiques. En effet, dans la mesure où les décideurs politiques et militaires américains avaient été rationnels en accordant une plus grande importance aux possibles pertes encourues par la poursuite des hostilités, ces deux guerres se seraient terminées plus rapidement, réduisant ainsi les pertes nettes américaines. Ce qui est intéressant de ces articles vient du fait que la théorie des perspectives ait été appliquée à des États, allant ainsi plus loin qu’une application à des individus. Rappelons qu’il sera question, dans le présent

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travail, d’une application de cette théorie à des comportements d’États parties à des différends commerciaux.

Précisons toutefois que le contexte de guerre utilisé par Mercer et Taliaferro implique qu’il n’y ait pas d’arbitres objectifs, ce qui n’est pas le cas pour le règlement des différends dans le cadre institutionnel de l’OMC. Cette précision s’avère importante dans la mesure où les États parties à un différend commercial soumis à un arbitrage et se percevant comme perdants ne procèderont peut-être pas à une escalade des recours aussi prononcée que pour un État en situation de guerre. Cette idée s’explique par le fait qu’un jugement objectif et indépendant sera rendu par des arbitres dans les cas de litiges commerciaux, ce qui n’est pas du tout le cas en situation de guerre où seule la fin peut justifier les moyens.

Dans un même ordre d’idées, selon Deborah Elms, plusieurs cas de différends commerciaux se seraient prolongés sur de longues périodes sans que cela n’ait été bénéfique pour les États parties à ces litiges (Elms, 2004, 2008). Pour présenter son argument, Elms analyse un litige commercial ayant opposé les États-Unis et le Japon à partir des années 1970 et qui s’est déroulé pendant plus de 30 ans. Le Japon, à partir de 1974, a multiplié la mise en place de mesures protectionnistes bénéfiques à son industrie de la pomme en empêchant ultimement les producteurs américains de pommes d’exporter sur l’île japonaise (Elms, 2004). Par conséquent, les États-Unis et le Japon ont multiplié les recours juridiques dans le cadre juridique du GATT, le prédécesseur de l’OMC de 1947 à 1995. Toutefois, il s’avère que le marché des pommes au Japon ne représentait qu’environ 10 à 15 millions de dollars américains par an. Or, comment expliquer, selon les théories classiques de maximisation d’utilité et de rationalité, que ce litige de faible importance économique ait pu s’étendre sur 30 ans, entraînant par conséquent des coûts, notamment en frais monétaires liés aux négociations et en dégradation des relations diplomatiques entre les deux États, évidemment supérieurs aux bénéfices espérés de la libéralisation du marché des pommes au Japon?

C’est précisément à cette question qu’Elms a tenté de répondre (Elms, 2004). Selon elle, la théorie des perspectives permettrait de démontrer que c’est plutôt le point de vue des États face à des situations de pertes qui aurait ainsi fait escalader les disputes entre les États-Unis et le Japon (Elms, 2004). Étant plus enclins à prendre des risques, lorsque confrontés à des

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pertes de parts de marché, les États-Unis auraient d’abord intenté un recours contre le Japon. Conséquemment, le Japon se serait ainsi senti confronté à une possible perte de parts de marché par l’arrivée de pommes états-uniennes, le poussant ainsi à lui aussi porter l’affaire devant le GATT sous prétexte de mesures visant la protection sanitaire des pommes japonaises (Elms, 2004). S’en est suivie une escalade du différend sur 30 ans pour le simple marché des pommes. C’est en se basant sur ce cas en particulier qu’Elms a remis en question les théories classiques de maximisation d’utilité et de rationalité des États dans le cas des litiges commerciaux, préconisant plutôt une approche plus axée sur l’économie behaviorale.

Les travaux d'Elms, bien qu'ils ne portent que sur un litige commercial en particulier, s'avèrent fort pertinents à nos yeux. Ils permettent non seulement une application de la théorie des perspectives au domaine de l'économie politique internationale, mais ils démontrent également que l'importance associée aux gains ou pertes de parts de marchés n'est pas un facteur décisif de la part des États parties à un différend commercial. Rappelons que ce marché de la pomme au Japon ne représentait qu'environ 10 à 15 millions de dollars.

B. Le temps nécessaire à la résolution de différends commerciaux

Dans un autre ordre d’idées, les travaux de Guzman et Simmons, portant sur la distinction du mode de règlement des différends lors des négociations entre les pays démocratiques et autoritaires, leur ont permis de venir à la conclusion que deux États démocratiques parties à un litige commercial auront tendance à se rendre à l’étape de l’établissement d’un GS plus fréquemment (Guzman & Simmons, 2002). À l’inverse, les règlements à l’amiable avant l’établissement d’un GS seraient beaucoup plus probables dans la mesure où les deux États parties au litige sont caractérisés par des régimes autoritaires. Guzman et Simmons expliquent ce constat en supposant que les pressions politiques exercées par les groupes d’intérêts sur les gouvernements poussent ces derniers à défendre l’affaire devant les tribunaux de l’OMC (Guzman & Simmons, 2002). Ils avancent également l’idée que les pays dits démocratiques ont davantage confiance aux institutions

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internationales telles que l’OMC. Ces États seraient ainsi plus enclins à accepter les jugements rendus par l’ORD que les États autoritaires. Pour en venir à cette conclusion, ils ont regardé un total de 227 différends portés devant les tribunaux de l’OMC entre 1995 et 2000 en regardant si la nature des régimes politiques des deux États concernés pouvait avoir un effet sur l’établissement ou non d’un GS. Afin de prendre en compte la nature des régimes politiques des gouvernements concernés, ils ont utilisé l’indice de démocratie

Polity III du Center for Systemic Peace.

Bien que leur hypothèse de départ était que les litiges concernant des mesures continues (ex. l’imposition d’un tarif douanier) se verraient plus souvent réglés avant l’établissement d’un groupe spécial que pour le cas des mesures discontinues (ex. l’application de mesures sanitaires), leur méthodologie a permis de conclure que le type de gouvernement des États aurait une influence plus importante sur les négociations entre ces derniers que la nature

continues ou discontinues des mesures mises en place. Selon eux, les groupes d’intérêts ont

largement plus d’influence politique au sein d’États démocratiques qu’autoritaires. À titre d’exemple, imaginons une industrie forestière d’un pays X qui se voit imposer des tarifs à l’exportation élevés par son partenaire commercial, soit le pays Y. Se sentant ainsi brimée, les membres de cette industrie iront porter l’affaire devant leur gouvernement pour que celui-ci aille à son tour porter l’affaire devant les institutions internationales capables de régler la situation, supposons l’OMC. De cette façon, le pays X subira des pressions de la part de son industrie forestière et ira, conséquemment, défendre celle-ci de manière soutenue devant les tribunaux de l’OMC. Ces pourquoi nous ne tiendrons pas compte, dans le cadre du présent travail, de la nature des mesures employées par les États, à savoir leur caractère continu ou discontinu. Il semble effectivement plus pertinent de porter une attention aux types de gouvernements en place, à savoir s'il s'agit de démocraties ou d’autoritarismes, lorsque l'on s'attarde aux facteurs qui peuvent influencer la façon dont un litige se règlera.

Ce qui est intéressant est que ce genre de pression provenant des groupes d'intérêts aurait également été observé dans les travaux de plusieurs chercheurs (Beermann, 1991; Davis, 2008; Movsesian, 2003; Naoi, 2009). Qui plus est, il existe également une littérature voulant que les groupes d’intérêts, en exerçant toujours une pression sur leurs

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gouvernements, soient à la source même de la mise en place initiale de la mesure par un État (Movsesian, 2003). Ce mémoire de maîtrise n’aura toutefois pas l’ambition de se lancer dans le débat plus large concernant la place que peuvent occuper les groupes d’intérêts multinationaux dans la nature même de l’OMC et de ses travaux, ce à quoi font référence certains auteurs, dont Claude Barfield (Barfield, 2001).

Dans un même ordre d’idées, pour Todd Allee et Clint Peinhardt, la nature politique des États peut influencer le désir des décideurs publics à prendre des engagements auprès d’institutions internationales (Allee & Peinhardt, 2010). En partant du principe que la corruption soit moins présente au sein des États démocratiques qu’autoritaires, ces auteurs ont analysé empiriquement les dispositions prévoyant un recours ou non aux tribunaux du

Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (ci-après

« CIRDI ») pour plus de 1 450 traités bilatéraux en investissements (ci-après « TBI »). Cette méthodologie, se servant notamment de l’indice de démocratie Polity IV, leur a permis de démontrer que les États démocratiques ont tendance à vouloir prendre des engagements auprès du CIRDI plus fréquemment que les États caractérisés par des régimes autoritaires. Ce constat s’inscrit dans une logique de délégation des pouvoirs de l’État vers des institutions internationales notamment dans le but de se dissocier des décisions rendues par les arbitres. Ce faisant, un État démocratique peut ainsi prendre du recul par rapport aux groupes de pression présents sur son territoire dans la mesure où un jugement rendu par des arbitres internationaux lui permet de retirer des mesures en place sans que les groupes de pression puissent s’y opposer. À l’inverse, un État autoritaire ne se préoccuperait pas autant des pressions exercées par les groupes d’intérêts présents sur son territoire et, par conséquent, préfèrerait régler les litiges devant ses propres tribunaux que devant des institutions internationales telles que le CIRDI. Cette logique s’explique par le fait qu’il pourra mettre en œuvre les recommandations de ses tribunaux nationaux sans avoir à subir de représailles politiques émanant des groupes de pressions, ce qui ne serait pas le cas pour les États démocratiques. Ce faisant, bien que les travaux d'Allee et Peinhardt portent sur le règlement des différends relevant du CIRDI, il est possible d'avancer l'idée que cette logique s'applique également au règlement des différends portés devant l'OMC, soit que la nature politique des États concernés puisse influencer le temps nécessaire à leur règlement.

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Dans ce même article, Allee et Peinhardt expliquent également que l’asymétrie entre les richesses de deux États parties à des négociations peut également jouer un rôle important dans le déroulement de celles-ci et, par conséquent, sur la durée nécessaire pour en arriver à un compromis (Allee & Peinhardt, 2010). Leur méthodologie, étant la même que celle expliquée au paragraphe précédent, leur a permis de constater que, dans le cadre de négociations entre un pays riche et un pays moins riche, l’issue des négociations ira davantage satisfaire les attentes de l’État riche. Autrement dit, plus il y aura une asymétrie prononcée entre les deux États, plus les négociations iront dans le sens désiré par l’État dominant sur le plan économique. Cette idée est également partagée par d’autres auteurs, notamment par Steinberg et Jackson (Jackson, 1998; Steinberg, 2002). Ce faisant, il pourrait être pertinent de prendre en compte, dans l’analyse des litiges portés devant l’OMC, le PIB de l’État plaignant relativement à celui de l’État défendeur.

Antell et Coleman ajoutent à ce constat obtenu par Allee et Peinhardt que la richesse combinée entre les deux États parties au litige pourrait avoir un impact sur la durée nécessaire à son règlement (Antell & Coleman, 2011). En analysant l’étape à laquelle se terminaient des différends portés devant l'ORD, ils en sont venus à la conclusion que plus la richesse combinée entre les deux États est élevée, plus il est probable que le différend se règle à une étape avancée. Autrement dit, il est plus fréquent que deux États riches se rendent à un rapport de l’OA, par exemple, que deux États moins fortunés. Selon eux, cette idée se défend selon que les États économiquement dominants ont davantage de pouvoir dans les négociations et que, par conséquent, ils sont moins enclins à offrir des concessions que les pays pauvres. Se faisant, deux États économiquement puissants auraient tendance à se tenir tête devant l’ORD plus longtemps que dans le cas où il s’agit de deux États pauvres. Ce qui est intéressant de ces travaux est qu'ils comportent, comme variable dépendante, l'étape à laquelle les règlements se sont terminés. Nous verrons à la section VI.D.1 du présent mémoire que c'est également ce que nous proposons pour l'un de nos modèles économétriques. Cette idée voulant que les États riches aient davantage bénéficié du mécanisme de règlement des différends de l’OMC est également constatée par Iida (Iida, 2004).

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Dans le cadre d'autres travaux, Allee et Peinhardt en sont également venus à la conclusion que l'ouverture économique des États défendeurs peut influencer la durée nécessaire à la résolution d'un différend (Peinhardt & Allee, 2016). En ayant regardé près d'une centaine de différends ayant impliqué des compagnies d'assurances face aux risques politiques ("political risk insurance companies") s'étant portées à la défense d'investisseurs privés américains à l'étranger, ils ont remarqué que l'ouverture économique des États défendeurs était statistiquement significative par rapport à la durée nécessaire au règlement du différend. Selon leurs résultats, le fait qu’un État défendeur soit ouvert économiquement aurait pour effet de faire diminuer le temps nécessaire pour en arriver à un règlement du différend. Bien que leur hypothèse de départ était que la valeur et la nature des demandes d'arbitrage allaient influencer la durée des procédures, ils ont plutôt remarqué que le fait qu'un État défendeur soit économiquement tourné vers l'extérieur, par ses exportations, ses importations et sa balance des paiements d’investissements directs étrangers, allait diminuer le temps nécessaire pour en arriver à un règlement. Selon eux, les États ouverts économiquement ont intérêt à offrir une image positive de bons partenaires commerciaux aux autres États. C'est pourquoi le temps nécessaire au règlement d'un différend concernant un État ouvert économiquement serait plus court que pour un État protectionniste plus fermé sur lui-même. Marc L. Busch en vient aux mêmes conclusions dans un article paru en 2007 (Busch, 2007). Selon ses résultats, le caractère libéral d’un État en matière de commerce et d’investissements internationaux aurait une influence directe sur le règlement d’un différend, allant même au choix de forum que cet État utiliserait. Un État libéral serait donc beaucoup plus enclin à paraître transparent et honnête, privilégiant ainsi un règlement rapide devant une instance reconnue telle l’OMC. Ce constat devient important dans le cadre du présent mémoire dans la mesure où le règlement des différends à l'OMC peut faire ressortir ce genre de comportement de la part des États.

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18 V. Hypothèse

Ce qui rend ce mémoire de maîtrise particulièrement intéressant est que la théorie des perspectives n'a que très peu été utilisée dans le domaine de l’économie politique internationale, domaine sous-jacent à la discipline plus large des relations internationales (Elms, 2008). Qui plus est, le caractère pluridisciplinaire du présent mémoire, combinant à la fois des concepts et connaissances issus de la science politique, de l’économique, du droit et même de la psychologie, rehausse son degré d’originalité. D’appliquer ainsi aux règlements des différends des concepts d’origines différentes et variées permettra certainement une contribution, aussi modeste soit-elle, au champ du savoir plus précis du droit économique international. C’est pourquoi nous estimons qu’il est légitime de se poser cette question, à savoir s’il est possible que la perception des États ait un effet sur le règlement d’un différend, et que d’effectuer un tel travail, plaçant la théorie des perspectives en avant-plan, permettra cette contribution.

Dans le cas nous intéressant, c’est-à-dire le règlement des différends portés devant l’OMC, nous posons donc l’hypothèse que l’étape à laquelle se règle un différend ou la durée temporelle ayant été nécessaire à sa résolution seraient tributaires des perspectives de l’État plaignant partie au différend. Autrement dit, dans un cas où un État plaignant aurait l’impression d’être confronté à des pertes par rapport à une situation de départ neutre (statu quo), les démarches pour en venir à un règlement du différend auraient tendance à être longues et laborieuses. Cette situation s’expliquerait par un niveau d’aversion au risque faible lorsqu’un État se sent confronté à des pertes, ce qui l’encouragerait à prendre davantage de risques pour ne pas subir ces pertes. Ce faisant, lorsqu’il se perçoit comme perdant par rapport au statu quo par la mise en place d’une mesure d’un autre État nuisible à son commerce international, cet État plaignant aura tendance à poursuivre les démarches auprès de l'ORD. À l’inverse, un État plaignant étant dans une perspective de gains par rapport au statu quo, étant ainsi caractérisé par un niveau d’aversion au risque élevé, aurait plutôt tendance à ne pas défendre aussi intensément sa position, ce qui permettrait de régler le différend en question plus rapidement, voire même amicalement.

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19 VI. Cadre méthodologique

Partant ainsi d’une hypothèse que nous souhaitons vérifier, nous préconisons l’approche déductive. Pour la réalisation de ce projet de recherche pluridisciplinaire, la méthodologie utilisée sera en bonne partie quantitative. À l’aide de données sur les 521 différends1 portés devant l'OMC depuis sa création en janvier 1995, il serait possible de procéder à une analyse économétrique visant à étudier l’impact que pourrait avoir la perspective des États parties à un différend sur la façon dont celui-ci se terminera et sur la durée que ce dernier nécessitera. Une partie des données nécessaires est disponible auprès de l'OMC sans qu’il ne soit laborieux d’y avoir accès. Ces données présentent notamment chacun des litiges ayant été porté devant l’OMC en spécifiant les États concernés, la façon dont le différend s’est soldé (i.e. amicalement, par un rapport du groupe spécial ou plutôt par un second rapport de l’organe d’appel), les dates importantes, etc.

A. Variable dépendante

En ce qui concerne la variable dépendante de nos modèles, il pourrait tout aussi bien être pertinent de regarder la façon dont le litige s’est terminé que la durée qu’a nécessitée le règlement du différend. Bien qu'à première vue il semble y avoir une certaine relation entre ces deux variables suivant la logique qu'un différend s'étant réglé par un rapport de l'OA aura nécessairement exigé davantage de temps qu'un autre cas réglé par un rapport du groupe spécial, il demeure pertinent de faire deux analyses séparant ces deux variables. Bien que le Mémorandum prévoit des périodes de temps à respecter dans la mesure du possible par le GS et l’OA, il arrive fréquemment que le règlement de deux litiges s'étant terminés à la même étape n'ait toutefois pas nécessité le même nombre de jours au total. À titre d'exemple, les différends DS360 et DS453, s'étant tous deux réglés suivant un rapport de l’OA, ont respectivement nécessité 604 et 1 219 jours. C’est pourquoi nous proposons deux modèles distincts, le premier prenant en compte la façon dont le règlement s’est résolu et le second la durée temporelle observée. Précisons d’entrée de jeu que ces deux modèles

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auront les mêmes variables explicatives principales et secondaires, soit celles décrites aux sections VI.B et VI.C suivantes.

1. Étape du règlement du différend

À partir des 262 cas ayant été réglés devant les tribunaux de l’OMC, il devient possible de les regrouper selon qu’ils ont été résolus à différentes étapes. À la lecture du Mémorandum et en analysant les litiges portés devant l’OMC, il en ressort qu’il existe en réalité 14 façons différentes pour un conflit de se résoudre. La figure 1 en propose une modélisation.

En gardant à l’esprit que nous voulons répondre à notre hypothèse de départ, soit que la perspective de l'État plaignant partie à un litige aurait une influence sur la façon dont celui-ci se soldera, il s’avère essentiel de permettre une différenciation entre les litiges considérés comme réglés de ceux ne l’étant pas.

De manière générale, les litiges se règlent selon qu’ils ont été réglés (1) d’un commun accord entre les parties (représentés par un trait bleu dans la figure 1), (2) par un rapport du GS ait été adopté (trait vert) ou bien (3), dans la mesure où ce dernier rapport n’a pas été accepté par l’une ou l’autre des parties, ou par un rapport de l’OA ait été nécessaire (trait jaune).

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À ces trois catégories s’ajoute celle des litiges ayant été un tant soit peu plus compliqués à résoudre entre les parties. Nous faisons ici référence aux litiges ayant fait l’objet de procédures de mises en conformité avec constatation de non-conformité au sens de l’article 21 du Mémorandum ainsi que pour les litiges s’étant réglés par l’application de mesures de rétorsion (art. 22). La raison pour laquelle nous avons décidé de porter une attention particulière à ces cas est que la nature de leur règlement a nécessité, à un moment ou à un autre, un certain manque de volonté de la part de l’une des parties. En effet, il est possible d’avancer l’idée qu’un défendeur, ayant recouru aux dispositions de l’article 21 du Mémorandum et pour lequel il n’y a pas eu constatation de non-conformité, prévoyait peut-être que sa requête lui serait rejetée et qu’il n’aurait agi en ce sens que dans le but de prolonger les procédures. Suivant la même logique, il semble évident que pour les cas d’autorisation d’application de mesures de rétorsion, le défendeur, n’ayant pas mis en œuvre les recommandations de l’ORD, ait agi de façon à prolonger les démarches de l’ORD, ce qui aurait contraint le plaignant à recourir aux dispositions de l’article 22 du Mémorandum. Ces cas se retrouvent à être représentés par les traits de couleur rouge dans la figure 1.

À ces quatre premières catégories, pour lesquelles les litiges ont bel et bien été réglés, s’ajoutent les litiges n’ayant pas été formellement réglés par l’ORD, mais pour lesquels il serait possible de dire qu’ils l’aient été.

Une cinquième catégorie s’ajoute donc à notre variable dépendante. Il s’agit des litiges pour lesquels les travaux du GS ont été suspendus pendant plus de douze mois et qui, conformément à l’article 12.12 du Mémorandum, sont devenus caducs. Bien que ces litiges n’aient pas été « réglés » à proprement parler, il demeure pertinent de les considérer comme tels étant donné que les travaux des tribunaux ayant été suspendus sous-tendent l’idée que les Parties en sont venues à un règlement non officiel, sans avoir pour autant notifié l’ORD. Ces 12 cas sont représentés par le trait rose dans la figure 1. Qui plus est, nous avons décidé de considérer les litiges pour lesquels une demande de consultations ait été déposée par le plaignant sans pour autant qu’un groupe spécial n’ait été établi. Autrement dit, ces litiges sont encore à l’heure actuelle « actifs », mais le fait que certains différends n’aient pas connu de développement depuis plusieurs années

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démontre en réalité que les États en soient informellement venus à un règlement tacite. À titre d’exemple, 12 litiges datant de 1996 sont toujours en attente de l’établissement d’un groupe spécial. En regardant plus attentivement les litiges ayant été réglés d’un commun accord entre les Parties, on remarque que seulement 10 cas sur 67 (14,9 %) de ces litiges ont été réglés en plus de 5 ans (ou 1 825 jours).

Graphique 1 - Nombres de jours entre la demande de consultation et le règlement des litiges réglés d'un commun accord

Rappelons que l’article 4.3 du Mémorandum prévoit que le plaignant ait la possibilité de demander l’établissement d’un GS 30 jours suivant sa demande initiale de consultation sans que le défendeur ne puisse s’y opposer, à moins qu’ils en soient venus à un commun accord sur une prolongation des consultations. Autrement dit, le fait qu’un groupe spécial n’ait pas été établi dépend uniquement du plaignant. Cela étant dit, nous croyons que les plaignants, dans les présents cas, auraient été caractérisés par une aversion au risque plus faible que pour les États ayant franchi l’étape suivante, qui consiste en l’établissement d’un GS. Ce faisant, il devient possible d’avancer l’idée que les différends pour lesquels

35 14 4 4 4 3 0 0 0 0 2 0 1 0 5 10 15 20 25 30 35 40 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 4000 4500 5000 5500 6000 6500 No m b re d e d if fér en d s

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24

une demande de consultation a été déposée par le plaignant sans toutefois qu’un groupe spécial ait été établi dans un délai de 5 ans (1 825 jours) peuvent être considérés comme « réglés ». C’est pourquoi nous proposons de considérer comme étant réglés les litiges pour lesquels aucun développement ne s’est produit depuis l’année 2011 inclusivement. À l’inverse, les litiges entrants dans cette catégorie, mais pour lesquels une demande de consultation a été déposée après 2012, ne seront pas pris en compte étant donné que ces différends demeurent relativement récents et qu’il est probable qu’ils vivent un développement prochain. Ce faisant, nous ajoutons cette sixième et dernière catégorie à notre variable dépendante composée initialement de 154 observations, représentée par le trait mauve dans la figure 1.

Ce faisant, en consultant la base de données de l’OMC à propos des 521 différends ayant été portés devant ses tribunaux depuis 1995, il est donc possible de distinguer d’une part ceux ayant été réglés de ceux, d’autre part, toujours en cours de résolution. De cet exercice, il en ressort qu’un peu plus de la moitié des litiges portés devant l’ORD, soit 250 cas, ont officiellement été réglés. À ces 250 cas s'ajoutent ceux que nous considérons également comme étant réglés, bien qu'officiellement l'ORD n'en ait pas été informé. Il s'agit des cas pour lesquels les travaux des GS sont devenus caducs ainsi que pour les cas où une demande de consultation a été déposée par l'État plaignant sans toutefois qu'elles aient eu lieu. Ce faisant, selon la répartition qu'en fait l'OMC, nous nous retrouvons avec un total de 416 litiges répartis de la façon suivante :

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25

Tableau 1 - Catégories des modes de résolution proposée par l'OMC

Description du mode de résolution Nombre de cas 1- Affaire réglée ou classée (retirée ou solution

convenue d'un commun accord) 96

2- Rapport du groupe spécial ou de l'organe d'appel

adopté, sans aucune action nécessaire par le défendeur 29 3- Mise en œuvre de la recommandation de l'ORD par

le défendeur 89

4- Notification d'une solution mutuellement acceptable concernant la mise en œuvre de la recommandation de l'ORD

23 5- Autorisation d'appliquer des mesures de rétorsion

accordée par l'ORD 6

6- Procédure de mise en conformité achevée (sans

contestation de non-conformité) 2

7- Procédure de mise en conformité achevée (avec

contestation de non-conformité) 5

Sous-total 250

8- Groupe spécial devenu caduc 12

9- Demande de consultations (sans qu'un groupe spécial n'ait été établi et sans que la demande n'ait été retirée ou convenue d'un commun accord)

154

Total 416

Toutefois, cette façon de procéder de l'OMC considère les différends portant sur une même mesure comme étant des litiges distincts. À titre d'exemple, les différends DS90 à DS94 et DS96 portent tous sur les mêmes restrictions quantitatives à l'importation appliquée par l'Inde sur certains produits agricoles, textiles et industriels. Ce faisant, l'OMC ne prend pas en considération que ces six litiges ont en réalité été consolidés pour ne représenter en fait qu'un seul différend, s'étant ainsi tous réglés à la même date et de la même façon. Bien que les demandes de consultations n'aient pas nécessairement été déposées exactement à la même date, il n'est ici question que de quelques jours d'écart.

Figure

Figure 1 - Le mode de règlement des différends
Graphique 1 - Nombres de jours entre la demande de consultation et le règlement des  litiges réglés d'un commun accord
Tableau 1 - Catégories des modes de résolution proposée par l'OMC  Description du mode de résolution  Nombre de
Tableau 2 - Catégories des modes de résolution
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