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La règlementation des plateformes de diffusion numériques par le droit canadien : vers une meilleure protection de la diversité des expressions culturelles

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Academic year: 2021

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La règlementation des plateformes de diffusion

numériques par le droit canadien : vers une

meilleure protection de la diversité des expressions

culturelles

Mémoire

Maîtrise en droit

Ariane Deschênes

Université Laval

Québec, Canada

Maître en droit (LL.M.)

et

Université de Paris-Sud

Orsay, France

Master (M.)

© Ariane Deschênes, 2018

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Résumé

Cette étude avance que le droit canadien possède les outils lui permettant de réglementer les plateformes de vidéo à la demande canadiennes et étrangères. Les technologies de distribution et de diffusion numériques bouleversent profondément l’industrie cinématographique et le système canadien de radiodiffusion et impliquent de profonds changements dans la chaîne de production, de distribution et d'exploitation des films. Les plateformes occupent une position concurrentielle sur le marché, sans pour autant être soumises aux obligations de financement de la création et aux quotas de diffusion de contenu canadien, tandis que le rôle des acteurs traditionnels, tels les câblodistributeurs, se trouve menacé.

De plus, la diversité des expressions culturelles et la promotion du contenu canadien ne sont pas garanties sur les plateformes de vidéo à la demande. Cette recherche démontre qu’il est toutefois possible d’encadrer, par le droit canadien, les activités de ces plateformes. Considérant que la politique canadienne de radiodiffusion est encore pertinente aujourd’hui pour sauvegarder la culture canadienne, cette recherche propose d’en revoir le système et les mécanismes afin de les adapter à l’environnement numérique. Enfin, cette étude suggère avant tout la création d'un nouveau système normatif, par la mise en place d’un règlement destiné spécifiquement aux plateformes de vidéos à la demande canadiennes et étrangères, afin de les soumettre aux obligations de financement de la création et à la promotion et la découvrabilité des contenus audiovisuels numériques canadiens.

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Abstract

This study suggests it would be possible for Canadian law to regulate a video-on-demand platform. In fact, distribution and broadcasting technologies have disrupted the cinematographic industry and the Canadian public broadcasting system with profound changes in the broadcast chain and the distribution channel. The video-on-demand platform has taken up a predominant position on the market, without being submitted to the financial contribution to a Canadian creation fund and to the obligation of broadcasting a percentage of Canadian content, while the role of traditional stakeholder, such as cable distributors, is being challenged.

Furthermore, the diversity of cultural expression and promotion of Canadian content is not guaranteed on video-on-demand platforms. This study aims to demonstrate that it is possible to regulate the activities of such platforms by Canadian laws. Considering that the Canadian broadcasting policy is still relevant nowadays to maintain the presence of Canadian culture online, this research suggests reviewing the Canadian public broadcasting system in order to adapt it to the digital environment. Finally, this study suggests creating a new regulation system by introducing regulation for the specific intention of Canadian and foreign video-on-demand platforms. This would submit them to the obligation of financial contribution to a Canadian creation fund and to the promotion and discoverability of the Canadian audiovisual contents in the digital space.

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Table des matières

Résumé iii

Abstract iv

Remerciements vii

Liste des abréviations viii

Introduction 1 1. Mise en contexte 1 2. Problématique 3 3. Questions de recherche 8 4. Hypothèses 9 5. Méthodologie 11

Partie 1. Le système canadien de distribution et de diffusion des œuvres

audiovisuelles 13

1.1. Les modes traditionnels de distribution et diffusion des films 13

1.2. La mission et le fonctionnement du système canadien de radiodiffusion 16

1.3. La politique canadienne de radiodiffusion et le système des licences de

radiodiffusion 20

1.3.1. La pertinence de la politique canadienne de radiodiffusion dans un monde numérique

21

1.3.2. Les conditions restrictives d’obtention des licences de radiodiffusion 23

1.4. Une qualification d’entreprise de radiodiffusion désuète 27

Partie 2. Les mesures de soutien à la production et la distribution des œuvres

audiovisuelles canadiennes face aux enjeux du numérique 34 2.1. Les mesures de financement du contenu canadien 34

2.1.1. Les fonds de soutien à la création canadienne 34

2.1.2. Les crédits d’impôt pour sociétés de productions canadiennes et étrangères 38

2.2. Les avantages et exemptions fiscales pour les plateformes de vidéo à la demande 40 2.2.1. L’absence de perception de la taxe sur la valeur ajoutée par les plateformes en ligne

40

2.2.2. Le paiement de l’impôt fondé sur la présence physique au Canada 42

2.3. Un système de quotas de diffusion inadapté au numérique 44

2.4. La promotion et la découvrabilité des contenus audiovisuels numériques 48

2.4.1. L’incidence de l’hyperchoix sur la découvrabilité 49

2.4.2. L’influence des systèmes de recommandation des contenus 50

2.5. Les conséquences des systèmes de recommandation sur la diversité des expressions

culturelles 52

2.5.1. L’uniformisation des contenus 53

2.5.2. L’utilisation et le traitement des données personnelles 56

Partie 3. Les pistes de solutions 59

3.1. La révision de la qualification de radiodiffuseur 59

3.2. La révision du système de radiodiffusion et des licences 61

3.3. La révision des mécanismes de financement 67

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3.5. La révision du mécanisme des quotas à l’ère du numérique 75

3.6. L’encadrement de la découvrabilité des contenus numériques 78

Conclusion 81

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Remerciements

Je souhaite d’abord remercier ma codirectrice, Madame Véronique Guèvremont, qui est une source d’inspiration et un modèle au niveau professionnel et tout simplement une personne que j’admire. Merci d’avoir cru en moi et de m’avoir soutenu tout au long de mon parcours académique.

Je souhaite également remercier ma codirectrice, Madame Alexandra Bensamoun, pour son écoute et ses conseils durant tout le projet et pour la création de ce programme d’études bidiplômant.

Merci également au Ministère des Relations internationales et de la Francophonie (MRIF) et le Consulat Général de France à Québec (CGF) pour l’octroi d’une bourse d’études m’ayant permis d’effectuer le séjour d’études en France.

Enfin, je souhaite remercier tous ceux qui m’ont soutenu durant ce projet, notamment les experts qui ont accepté avec générosité de m’offrir leurs opinions et conseils sur ce mémoire ainsi qu’un merci particulier à ma collègue, Sandy Caron, qui n’en peut surement plus d’entendre parler de cinéma.

(7)

Liste des abréviations

ARC Agence du Revenu du Canada

BCPAC Bureau de certification des produits audiovisuels

canadiens

CIPC Crédit d’impôt pour production cinématographique ou

magnétoscopique canadienne

CISP Crédit d’impôt pour services de production

cinématographique ou magnétoscopique

CPVP Commissariat à la protection de la vie privée du Canada

CRTC Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes

FMC Fonds des médias du Canada

FSI Fournisseur de services Internet

OCDE Organisation de coopération et de développement

économiques

PVD Plateforme de vidéos à la demande

SMA Services de médias audiovisuels

SODEC Société de développement des entreprises culturelles

(8)

Introduction

1. Mise en contexte

En septembre 2017, la ministre du Patrimoine canadien alors en fonction, Mélanie Joly, annonçait le lancement du Cadre stratégique du Canada créatif prévoyant notamment la révision du mandat du radiodiffuseur public canadien et, entre autres, la promotion de la distribution et de la découverte du contenu canadien.1 Cette approche vise à assurer la diversité des expressions culturelles sur les médias numériques. Par ailleurs, le Canada, en vertu de ses engagements internationaux, se doit d’agir pour respecter ses engagements au titre de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité culturelle, adoptée en 2005. Cette convention reconnaît la double nature des biens et services culturels, possédant à la fois une valeur économique et culturelle,2 et réaffirme le droit des États d’adopter et de mettre en œuvre des politiques culturelles afin de soutenir la diversité des expressions culturelles, notamment grâce à des mesures règlementaires.3

De plus, les nouvelles directives opérationnelles sur la mise en œuvre de la Convention dans l’environnement numérique rappellent aux Parties de « mettre à jour leurs cadres législatifs et règlementaires relatifs aux médias de service public, privé et communautaire ainsi qu’aux organisations de médias indépendants, afin de promouvoir la diversité des expressions culturelles et la diversité des médias dans l’environnement numérique, en prenant en compte la convergence croissante des opérations au sein de la chaîne de valeur. »4 Ainsi, avec l’arrivée d’Internet et des nouvelles technologies, cette

1 GOUVERNEMENT DU CANADA, Le cadre stratégique du Canada Créatif, [En ligne]

https://www.canada.ca/fr/patrimoine-canadien/campagnes/canada-creatif/cadre.html (consulté le 23 mars 2018).

2 Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, 20 octobre 2005,

UNESCO, [En ligne]

http://portal.unesco.org/fr/ev.php-URL_ID=31038&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html (page consultée le 3 décembre 2018), Préambule.

3 Ibid., art. 6, par. 1 et 2 a).

4 UNESCO, Directives opérationnelles sur la mise en œuvre de la convention dans l’environnement numérique,

approuvées par la conférence des parties à la Convention de 2005 sur la protection et la promotion de la

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diversité culturelle bénéficie d’un environnement large où s’épanouir.5 Cependant, la diversité des expressions culturelles ne semble pas être garantie sur les plateformes de diffusion numérique, en raison de l’absence de réglementation visant les nouveaux acteurs. À cet égard, l’Union européenne a débuté la révision de la Directive services médias audiovisuels6 (ci-après « SMA ») afin d’assurer la promotion des contenus européens sur les plateformes numériques.7

Enfin, les nouveaux modes de distribution et de diffusion des contenus audiovisuels rendus possibles par les technologies numériques remettent en question le système traditionnel canadien de radiodiffusion ainsi que son pouvoir de réglementation. À ce sujet, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (ci-après le « CRTC ») a produit un rapport le 4 juin 2018, intitulé : « Emboîter le pas au changement : L’avenir de la distribution de la programmation au Canada ».8 Suivant sa publication, le gouvernement a annoncé la révision de trois grandes lois sur le sujet, soit la Loi sur la radiodiffusion, la Loi sur les télécommunications et la Loi sur la radiocommunication et a nommé un comité d’expert pour examiner le sujet, dont le rapport doit être rendu en octobre 2019.9

Ce projet de mémoire porte donc sur l’encadrement juridique de la diffusion de contenus audiovisuels dans l’environnement numérique par le biais de plateformes de vidéos à la demande. De plus, ce mémoire ne vise que les plateformes de vidéos à la demande légales (ci-après « PVD ») qui « comportent généralement la sélection par le

5 GUÈVREMONT, V. (dir.), « Le renouvellement de l’exception culturelle à l’ère du numérique », RIJDEC,

octobre 2015, 78 pages, [En ligne] https://www.fd.ulaval.ca/sites/default/files/recherche/rijdec_-_le_renouvellement_de_lexception_culturelle_a_lere_du_numerique_-_22.10.15.pdf, (page consultée le 2 décembre 2015), p. 22.

6 Directive 2010/13/UE « Services Médias Audiovisuels », 10 mars 2010, du Parlement européen et du

Conseil, Journal officiel de l’Union européenne L 95/1.

7 Le texte de compromis final a été confirmé le 13 juin 2018. Le texte final a été transmis au Parlement

européen pour approbation et adoption en première lecture. La directive sera finalement adoptée par le Conseil au cours de l'automne prochain, [En ligne] http://www.consilium.europa.eu/fr/policies/audiovisual-media/ (consulté le 17 juillet 2018).

8 CRTC, Emboîter le pas au changement : L’avenir de la distribution de la programmation au Canada, [En

ligne] https://crtc.gc.ca/fra/publications/s15/ (consulté le 4 juin 2018).

9 PATRIMOINE CANADIEN, Le gouvernement du Canada procédera à un examen des lois régissant les télécommunications et la radiodiffusion, 5 juin 2018, Ottawa, [En ligne] https://www.canada.ca/fr/patrimoine-canadien/nouvelles/2018/06/le-gouvernement-du-canada-procedera-a-un-examen-des-lois-regissant-les-telecommunications-et-la-radiodiffusion.html (consulté le 6 juin 2018).

(10)

consommateur individuel du contenu visionné, au moment désiré, parmi un catalogue (ou une bibliothèque) proposé par le diffuseur »10 et non les plateformes de streaming illégal (de piratage)11 ou de peer-to-peer,12 ni celles offrant un contenu généré par les utilisateurs,13 tel YouTube. Netflix est principalement cité en exemple, en raison de sa popularité et de sa présence mondiale, mais il est à noter qu’il existe d’autres PVD auxquelles sont destinées les réflexions présentées dans ce mémoire.14 Par le terme audiovisuel, on vise « l’ensemble des moyens, des processus, des œuvres et des programmes s’adressant à l’ouïe et à la vue de façon conjuguée ».15 Ce sujet s’intéresse dès lors au système canadien de radiodiffusion, mais seulement aux secteurs de la télévision et du cinéma. Enfin, l’introduction présente la problématique, les questions de recherche, les hypothèses et la méthodologie utilisée.

2. Problématique

L’apparition de nouveaux acteurs dans le secteur de la distribution et de la diffusion audiovisuelle, soit les PVD, bouleverse l’industrie de l’audiovisuel et le système traditionnel de radiodiffusion canadien mis en place depuis les années 1920. En effet, les PVD ont pu bénéficier des exemptions vouées au développement de l’Internet et des nouveaux médias, telle l’Ordonnance d’exemption relative aux entreprises de

10 GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Institut de la statistique du Québec, Observatoire de la culture et des

communications du Québec,État des lieux du cinéma et de la télévision au Québec, cahier 3, « La diffusion et

la consommation », août 2014, p. 24.

11 « Technique de diffusion de fichiers audio ou vidéo par laquelle ceux-ci sont transmis en un flux continu de

données sur un réseau, afin de permettre leur lecture en temps réel, à mesure qu'ils sont transférés d'un serveur à un poste client, sans attendre leur téléchargement complet. » Office québécois de la langue française, [En ligne] https://www.oqlf.gouv.qc.ca/accueil.aspx, (consulté le 7 août 2018).

12 « Poste à poste » : « Technologie d'échange de fichiers entre internautes, permettant à deux ordinateurs

reliés à Internet de communiquer directement l'un avec l'autre, comme des partenaires égaux, sans passer par un serveur central. Le poste-à-poste s'oppose au modèle client-serveur dans lequel certains ordinateurs font uniquement office de serveur », CRTC, Glossaire [En ligne] https://crtc.gc.ca/multites/mtwdk.exe?k=glossaire-glossary&l=60&w=223&n=1&s=5&t=2 (consulté le 7 août 2018).

13 « Contenu numérique créé et partagé sur le Web par des utilisateurs grand public. [Il] est à l'opposé de celui

diffusé par les médias traditionnels, créé par des producteurs professionnels pour le compte d'un tiers (ex. : journaux et télévison traditionnels) », Office québécois de la langue française, [En ligne] https://www.oqlf.gouv.qc.ca/accueil.aspx, (consulté le 7 août 2018).

14 Notamment : Acorn.TV, Aerocinema, Amazon Prime Video Canada, CanadaScreens.ca, iFestivus.com,

IsumaTV, iTunes Canada, Netflix Canada, Revry.tv, Sundance Now (Canada) et quelques chaînes de YouTube, telles Cracked et KindaTV.

(11)

radiodiffusion de nouveaux médias,16 ce qui leur permet de se soustraire à la Loi sur la radiodiffusion, puisqu’elles ne sont pas considérées être des radiodiffuseurs. De plus, puisque certaines sont situées à l’extérieur du Canada, elles ne sont pas soumises aux lois canadiennes en matière de radiodiffusion et des télécommunications.

Ainsi, les nouveaux acteurs occupent une position dominante dans le domaine de la diffusion en ligne d’œuvres audiovisuelles puisqu’elles sont issues d’un univers non règlementé et qu’elles disposent de capacités financières importantes.17 Par exemple, Netflix est, à ce jour, la plus grande PVD au Canada et ses revenus sont estimés à 766 millions $ en 2016, ce qui correspond à 70 % des revenus de la vidéo sur demande.1819 Au contraire des radiodiffuseurs publics, les PVD bénéficient de peu d’obstacles à l’entrée sur le marché, ce qui leur a permis de constituer un catalogue de films et d’émissions beaucoup plus important que ceux proposés par les diffuseurs canadiens.20 En conséquence, ils attirent désormais plus de consommateurs que la télévision traditionnelle et leurs services de télévision payants.21 Par exemple : « Netflix Canada avait constitué une base d'abonnés d'environ 1,2 million de clients à la fin de 2011, soit 16 mois après son lancement en septembre 2010. L'entreprise a attiré davantage d'abonnés que Super Channel [un service canadien de télévision payante] au cours de ses trois années d'activité. » 22 Les plateformes

16 CRTC, Avis public 1999-197, Ordonnance d’exemption relative aux entreprises de radiodiffusion de nouveaux médias, Ottawa, le 17 décembre 1999.

17 PLANCADE, J.-P., sénateur, Présidence du sénat le 30 mai 2013, Rapport d’information fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication par le groupe de travail sur les relations entre les producteurs audiovisuels et les éditeurs de services de télévision, Session ordinaire de 2012-2013,

France, Sénat, n° 616, [En ligne] http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/134000330/index.shtml (consulté le 13 janvier 2018), p. 45.

18 CRTC, Rapport de surveillance des communications, 2017, Ottawa, Canada.

19 En août 2011, Netflix a annoncé avoir franchi le seuil de 1 million d'abonnés au Canada. Voir : MILLER, P.

H. et R. RUDNISKI, CRTC,La télévision par contournement au Canada en 2012 : incidence sur le marché et indicateurs, 30 mars 2012.

20 Ibid.

21 CRTC, Emboîter le pas au changement : L’avenir de la distribution de la programmation au Canada, op. cit.,

(12)

échappent aussi aux règles de la chronologie des médias,23 auxquelles sont soumis les diffuseurs traditionnels, ce qui leur permet d’augmenter plus rapidement l’offre de contenus, ayant pour résultats d’attirer davantage de consommateurs qui ne souhaitent pas attendre la fin de ces délais et qui se tournent vers ces nouveaux services numériques.24 Par exemple, lors du dernier Festival de Cannes, en France, la plateforme numérique et productrice Netflix a refusé d’autoriser la sortie en salle française des films The Meyerowitz Stories (Noah Baumbach) et Okja (Bong Joon-ho), 25 créant ainsi une polémique dans le monde du cinéma. À compter de l'édition 2018, le Festival de Cannes a donc obligé les films qui figurent en compétition officielle à faire l’objet d’une sortie en salles françaises.26

Par conséquent, puisque les PVD ne sont pas soumises aux lois canadiennes, elles ne participent pas au financement de la création canadienne et ne sont pas limitées par les quotas imposés aux câblodistributeurs. Ainsi, une part des revenus issus des plateformes n’est pas réinvestie dans la production canadienne et ne permet pas d’assurer leur diffusion sur tous les médias. Alors, cela permet aux PVD d’éviter les contraintes vouées à la protection de la diversité des expressions culturelles, en particulier les mesures liées à la production de contenu et les mesures liées à sa distribution.

Par exemple, en septembre dernier, le Canada a signé une entente avec le géant Netflix, par laquelle la plateforme de distribution numérique s’engage à investir dans la production canadienne 500 millions de dollars durant les cinq prochaines années.27 Elle échappe cependant à tout quota de production francophone qu’aurait pu lui imposer

23 MORIN-DESAILLY, C., Entre stratégies industrielles, soutien à la création et attentes des publics : les enjeux d'une nouvelle chronologie des médias, Commission de la culture, de l'éducation et de la

communication, n° 688, Sénat, session extraordinaire de 2016-2017, le 26 juillet 2016, [En ligne] https://www.senat.fr/basile/visio.do?id=r8103667_3&idtable=r8103667_3|r8101907_10|r8102247_4&_c=L% 27avenir+de+l%27audiovisuel+%E0+l%27%E8re+du+num%E9rique&c=%22Netflix%22&rch=gs&de=2017 0123&au=20180123&dp=1+an&radio=dp&aff=sep&tri=p&off=0&afd=ppr&afd=ppl&afd=pjl&afd=cvn&isF irst=true (consulté le 10 septembre 2017).

24 Rapport LESCURE, Mission « Acte II de l’exception culturelle », Contribution aux politiques culturelles à l’ère numérique, Tome 1, mai 2013.

25 Netflix boude le Festival de Cannes par crainte d’un « manque de respect », Journal Le Monde, [En ligne]

http://www.lemonde.fr/festival-de-cannes/article/2018/04/12/netflix-boude-le-festival-de-cannes-par-crainte-d-un-manque-de-respect_5284180_766360.html (consulté le 13 avril 2018).

26MORIN-DESAILLY, C., op. cit.

27PATRIMOINE CANADIEN,Lancement de Netflix Canada : une reconnaissance du talent créatif du Canada et de son solide bilan dans la création d’œuvres pour le cinéma et la télévision, Ottawa, le 28 septembre 2017.

(13)

Ottawa, contrairement, par exemple, aux câblodistributeurs.28 Cependant, l’entente n’est pas rendue publique et cela a fait régir de nombreux experts. 29 Ainsi, on ne connaît pas les types de productions dans lesquelles Netflix investira et rien n’indique dans quelle proportion elle investira dans le contenu original canadien francophone et québécois.30 Le financement n’étant pas accordé de façon indépendante, il risque de porter atteinte à la diversité des productions qui verront le jour. Ensuite, bien que la plateforme offre la chance d’être distribué à ceux qui se sont vus refuser la distribution de leur œuvre, elle n’est toutefois pas un gage de la qualité des contenus diffusés. D’autant plus, ce sont d’abord ces contenus qui risquent d’être promus bien avant les productions indépendantes ou étrangères, la plateforme n’étant soumise à aucune obligation de diffusion du contenu national, par exemple, les quotas de diffusion.

Ainsi, l’absence d’encadrement ne permet pas de garantir l’exposition et la promotion du contenu canadien sur les plateformes, celles-ci utilisant ses propres algorithmes de recommandations de contenus, axés sur la découvrabilité de ses contenus originaux, au détriment des contenus nationaux. De cette façon, grâce aux données personnelles obtenues de leurs utilisateurs, les plateformes peuvent développer des contenus qui correspondent aux goûts majoritaires, enfermant ainsi les consommateurs dans une bulle culturelle, dont l’impact sur la diversité culturelle est évident.31 Par conséquent, la diffusion de la culture canadienne sur les médias numériques risque de faire place à une

28 BOURGAULT-CÔTÉ, G., « Ottawa s’entend avec Netflix », Journal Le Devoir, [En ligne]

https://www.ledevoir.com/culture/actualites-culturelles/509078/ottawa-aurait-une-entente-avec-netflix (consulté le 1er octobre 2017).

29 Exemple d’articles auquel a contribué Pierre Trudel : BOURGAULT CÔTÉ, G., « Mélanie Joy se soumet à loi

Netflix », Journal Le Devoir, 27 sept 2017, [En ligne] http://www.ledevoir.com/culture/actualites-culturelles/509240/le-contenu-francophone-en-suspens (consulté le 11 octobre 2017) et BROUSSEAU-POULIOT, V., « Comment réglementer Netflix ? », Journal La Presse, [En ligne]

http://plus.lapresse.ca/screens/71da7cd5-2cc1-45ea-bec3-b452def07624%7C_0.html?utm_medium=Facebook&utm_campaign=Internal+Share&utm_content=Screen (consulté le 31 mars 2018).

30PATRIMOINE CANADIEN,le 28 septembre 2017, op. cit.

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homogénéisation de la consommation des contenus culturels, dont l’influence américaine se fait sentir depuis le début de la radio et de la télévision canadienne.3233

Par ailleurs, d’autres secteurs règlementés affectent le traitement des contenus audiovisuels dans l’environnement numérique. Par exemple, au niveau fiscal, les PVD ne sont soumises à aucune obligation, comme la taxe sur la vente des biens et des services, du fait qu’elles ont leur résidence dans d’autres pays et bien qu’elles distribuent des biens et des services au Canada, contrairement aux diffuseurs canadiens. Par conséquent, le Québec s’est récemment doté d’un projet de loi n°150, par lequel les plateformes numériques devraient percevoir la taxe de vente québécoise (TVQ) dès le 1er janvier 2019. En effet, les fournisseurs de biens intangibles et de services en ligne devront percevoir la taxe sur les ventes effectuées au Québec, même s’ils sont établis à l’extérieur de la juridiction.34 Il est cependant pertinent de douter de la force contraignante de ce projet de loi. Il faudrait avant tout revoir les fondements de la fiscalité pour la rendre applicable, notamment, aux nouvelles PVD étrangères.

Enfin, puisque le Canada est parti à la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de 2005 de l’UNESCO, il se doit de prendre des mesures à l’échelle nationale pour permettre l’atteinte des objectifs fixés par la convention, y compris dans l’environnement numérique.35 D’ailleurs, le Canada et la France, dans une déclaration conjointe du 16 avril 2018, ont notamment convenu que « les États, les plateformes numériques et la société civile sont chacun chargés d’appuyer la création, la diffusion et l’accessibilité des contenus divers et locaux ainsi que de promouvoir la

32 Par exemple : « Selon nos estimations, la bibliothèque de Netflix Canada compte 12 020 heures de

programmation au total, dont 1 084 peuvent être considérées comme des heures de contenu canadien. […] Au total, 9 p. 100 du nombre total d'heures de la bibliothèque peut être désigné comme de la programmation canadienne. » dans MILLER, P. H. et R. RUDNISKI, CRTC,30 mars 2012, op. cit.

33 Malheureusement, Netflix ne partage pas ses données avec le public. La dernière étude basée sur des

estimations remonte donc à 2012. Il est probable de croire que les heures de programmation de contenu canadien aient changé.

34 Loi visant l’amélioration des performances de la Société de l’assurance automobile du Québec, favorisant un meilleur encadrement de l’économie numérique en matière de commerce électronique, de transport rémunéré de personnes et d’hébergement touristique et modifiant diverses dispositions législatives, Projet de

loi n°150, sanctionné le 12 juin 2018, 1ère sess., 41e légis. Qc.

35 UNESCO, Directives opérationnelles sur la mise en œuvre de la convention dans l’environnement numérique, approuvées par la conférence des parties à la Convention de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité́ des expressions culturelles, 6e session, Paris, 12-15 juin 2017, DCE/17/6.CP/11.

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transparence dans la mise en œuvre des traitements algorithmiques et leur impact sur la mise à disposition et la découvrabilité des contenus culturels numériques […] »36 Ainsi, les États doivent agir face à cette concurrence étrangère s’ils ne veulent pas voir leur contenu culturel disparaître des médias numériques, au profit de contenus presque exclusivement américains. Le rôle du système de radiodiffusion public canadien et sa politique sont donc plus importants que jamais face aux nouveaux acteurs du numérique et doivent être renforcés et protégés.37

L’absence de réglementation des PVD représente donc une menace pour la diversité des expressions culturelles, autrefois garantie par le rôle et la mission des médias traditionnels, puisqu’elles échappent aux contraintes en matière de réglementation canadienne, alors que les câblodistributeurs canadiens sont soumis à une réglementation très stricte vouée au développement et à la protection de la culture canadienne. Ces derniers ne bénéficient pas des mêmes conditions qui leur permettent de concurrencer les plateformes numériques. Ultimement, les acteurs traditionnels risquent de disparaître face à cette concurrence, puisque les nouveaux acteurs occupent une position dominante sur le marché.

3. Questions de recherche

Ce mémoire se questionne sur la façon la plus appropriée pour renforcer le système de radiodiffusion canadien afin de protéger et d’assurer une diversité des expressions culturelles sur les PVD. Ainsi, il explore les modifications qui devront être apportées à la réglementation canadienne en matière de radiodiffusion afin de soumettre les PVD aux obligations applicables aux entreprises de radiodiffusion canadiennes et vouées à l’atteinte des objectifs en matière de diversité culturelle.

36 GOUVERNEMENT DU CANADA, Mélanie Joly, Ministre du Patrimoine canadien et GOUVERNEMENT DE LA

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE, Françoise Nyssen, Ministre de la Culture, Déclaration conjointe sur la diversité culturelle et l’espace numérique, Paris, France, 16 avril 2018.

37 CLAUS,S., CRTC, La politique canadienne en matière de radiodiffusion en question : de Marconi à Netflix,

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Plus précisément, afin de garantir un système de financement et une concurrence du marché juste et équitable permettant d’assurer la diversité des expressions culturelles, cette recherche répondra aux questions suivantes :

Quelles mesures permettraient d’établir une concurrence juste et équitable, en matière de soutien à la production et de fiscalité, entre les nouveaux diffuseurs et les diffuseurs traditionnels ?

Quelles autres mesures nationales pourraient permettre l’atteinte des objectifs de la Convention de 2005 pour assurer une diversité des contenus audiovisuels sur les plateformes numériques ?

4. Hypothèses

Il serait possible de revoir la Loi sur la radiodiffusion canadienne afin d'encadrer et d'encourager au mieux la distribution et la diffusion de films par Internet,38 par exemple, en révisant la définition d’entreprise de radiodiffusion de l’article 2 de la Loi sur la radiodiffusion, ainsi que l’exemption de 1999 applicable aux nouveaux médias. Une réforme du système canadien de radiodiffusion est envisageable afin de l’adapter au numérique, par exemple, en changeant les conditions d’obtention des licences ou même le système des licences dans son entièreté.

Afin de mettre en place une équité entre tous les diffuseurs en matière de contribution au financement national ou des obligations à l'égard de la création,39 l’obligation de verser une part dans un fonds de soutien à la création pourrait être étendue aux PVD. Le Canada pourrait s’inspirer de la proposition de révision de la Directive « SMA » de l’Union européenne qui prévoit que les États membres pourront demander aux

38SACD, 23 mai 2017, Quel avenir pour le cinéma dans le monde des plateformes numériques ? [En ligne]

https://www.sacd.fr/quel-avenir-pour-le-cin%C3%A9ma-dans-le-monde-des-plateformes-num%C3%A9riques# (consulté le 12 juin 2018).

(17)

services à la demande disponibles sur leur territoire de contribuer financièrement à la production d'œuvres européennes.40

De plus, la création d’un nouveau mécanisme de financement pourrait être aussi envisagée par lequel une partie des revenus des PVD serait versée dans un fonds destiné au financement de la culture canadienne, ou encore via les revenus provenant de la publicité, de manière volontaire ou contractuelle. Par exemple, la France a imposé une taxe sur les recettes publicitaires provenant de contenus audiovisuels diffusés sur les plateformes numériques.41 Le Canada pourrait aussi réviser la Loi sur l’impôt en s’inspirant des concepts de « présence numérique significative » des propositions de directive de l’UE sur la fiscalité.

Le CRTC pourrait étendre les obligations de quotas d'exposition de la création canadienne aux PVD, notamment en révisant les conditions d’obtention des licences. Le Canada pourrait aussi remplacer les quotas de diffusion par des obligations liées à la découvrabilité et la promotion des contenus canadiens, comme il est discuté dans la proposition de révision de la directive « SMA ». Il pourrait aussi intégrer la notion des quotas au sein des algorithmes de recommandation, à l’aide de moyens techniques et juridiques.

Enfin, la création d’un nouveau règlement applicable spécifiquement aux PVD pourrait s’avérer nécessaire. De plus, la révision des grandes lois sur le sujet doit être accomplie, soit : Loi sur les télécommunications et la Loi sur la radiodiffusion, la Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes et la Loi de l’impôt sur le revenu.

40 Proposition de directive du parlement européen et du conseil modifiant la Directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels, compte tenu de l'évolution des réalités du marché, Bruxelles, 25.5.2016 COM (2016) 287 final, 2016/0151 (COD).

41 Loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 modifiant la taxe prévue à l’article 1609 sexdecies B du code général des impôt (voir l’article 56 (I à III).

(18)

5. Méthodologie

Ce mémoire compare différentes solutions juridiques afin d’établir le meilleur moyen de soumettre les PVD aux obligations de financement de la création, aux obligations fiscales canadiennes et à la promotion et la distribution de contenus canadiens. Des suggestions de modifications législatives sont aussi formulées en vue d’adapter le droit en vigueur au Canada aux PVD situées à l’extérieur du Canada et celles présentes uniquement dans l’environnement numérique. À cet égard, les solutions actuellement développées en France et dans l’Union européenne servent de sources d’inspiration.

Ce mémoire s’inscrit donc dans une perspective de bonification du droit canadien par une approche comparative France-UE. Ainsi, les mesures prises en France ou dans l’Union européenne sont comparées afin d’en déceler les conséquences et tenter de prédire leur efficacité, leur nécessité, leur accessibilité et la facilité ou non d’application en droit canadien lorsqu’un vide juridique est constaté, permettant alors de tenir compte de la spécificité de ce droit. Dans une approche positiviste, le pouvoir du CRTC en matière de réglementation est évalué et, s’il se révèle impuissant en la matière, la création d’une nouvelle loi pour lui permettre d’accomplir sa mission peut être considérée.

Le contenu des règles franco-européennes et canadiennes sert de cadre théorique à cette étude comparative afin d’établir le cadre juridique et suggérer des mesures législatives. Le corpus se compose principalement de documents ministériels canadiens, français et européens, tels des rapports et des études, ainsi que des documents officiels internationaux des diverses instances gouvernementales européennes et des organisations internationales telle l’UNESCO, puisqu’il n’existe peu ou pas de doctrine traditionnelle ni de jurisprudence sur ce sujet. Enfin, les ordonnances et décrets du Conseil de radiodiffusion et des télécommunications canadiennes servent à décrire le système canadien de radiodiffusion. Lorsque disponibles, uniquement les documents datant de 2012 à aujourd’hui sont utilisés, en raison de l’actualité du sujet et des changements rapides engendrés par les nouvelles technologies.

(19)

Ce mémoire est donc divisé en trois parties. La première partie sert à décrire le système canadien de radiodiffusion et la politique canadienne de radiodiffusion et présente les fondements de l’industrie de l’audiovisuel et de la distribution des œuvres (1). La deuxième partie traite des mesures de soutien à la production des œuvres audiovisuelles et aborde à la fois le côté économique et culturel de la problématique, telles les mesures de financement de la création et les mesures fiscales. Elle aborde aussi les mesures liées à la distribution et la diffusion des œuvres audiovisuelles, tels le système des quotas de diffusion des contenus canadiens et l’influence des systèmes de recommandations algorithmiques utilisés par les PVD numériques (2). Enfin, en troisième partie, diverses pistes de solutions seront proposées qui pourront être considérées par toute personne s’intéressant au sujet et souhaitant proposer des modifications législatives (3). Le mémoire couvre des mesures à la fois économiques et de diversité culturelle, celles-ci étant intrinsèquement liées. En effet, sans moyens de financement de production indépendante, on ne peut garantir une diffusion substantielle d’œuvre encourageant et soutenant une diversité culturelle canadienne et internationale.

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Partie 1. Le système canadien de distribution et de diffusion des œuvres audiovisuelles

La première partie de ce mémoire aborde le système canadien de radiodiffusion, sa politique et les conditions des licences de radiodiffusion. Dans un premier temps, les modes traditionnels de distribution des œuvres audiovisuelles, la chaîne de valeurs de l’industrie cinématographique et le principe de la chronologie des médias font l’objet d’une description afin de bien intégrer les divers concepts (1.1.) Ensuite, la mission et le fonctionnement du système de radiodiffusion canadien sont présentés (1.2), ainsi que les principes fondamentaux de la politique canadienne de radiodiffusion, dont la validité et la pertinence sont démontrées (1.3.1.). Ensuite, l’explication du système des licences de radiodiffusion (1.3.2.) et de la qualification d’entreprise de radiodiffusion sont développées (1.4).

1.1. Les modes traditionnels de distribution et diffusion des films

Le cinéma possède une double nature, celle d’œuvre de l’esprit, d’outil de divertissement et celle de produit commercial qui se doit d’être économiquement rentable : « Le cinéma est ainsi une histoire de symbiose et de tensions entres œuvres de l’esprit et considérations d’argent – la culture et le commerce, les expressions artistiques […] et l’économie – qui, par sa nature, ne se laissent pas confiner au sein de frontières nationales. Ainsi le cinéma est par essence international. »42 Cette industrie culturelle a, depuis sa création, été régulée en fonction de l’économie du marché national et international.43

L’invention du premier cinématographe, suivant celle du kinétoscope et du phonographe, ancêtre du film, fut attribuée à Louis Lumière, aux alentours de 1895, à Paris.44 À l’époque, les projections consistaient en la représentation de scènes du quotidien,

42GERMANN, C., Diversité culturelle et libre-échange à la lumière du cinéma : réflexions critiques sur le droit naissant de la diversité culturelle sous les angles de L'UNESCO et de l'OMC, de la concurrence et de la propriété intellectuelle, Éditions Helbing Lichtenhahn, Suisse, 2008, p. 27.

43 Ibid.

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comme l’arrivée d’un train.45 Georges Méliès fut le premier à en faire un moyen d’expression, en recréant sur pellicule ses spectacles de théâtre et de prestidigitateur.46 Plusieurs créateurs de l’époque accompagnaient leur projection de pièces musicales au piano, jouées directement dans la salle de spectacle.47 Les balbutiements de ce qu’on appelle aujourd’hui l’audiovisuel remontent ainsi au siècle dernier.

Le métier de distributeur, quant à lui, est apparu peu de temps après la naissance de l’industrie cinématographique. Les films qu’on projetait alors étaient vendus sous la forme de copie aux exploitants de salles de spectacles, de cafés ou aux forains, à qui revenaient les revenus engendrés par la projection.48 Certains historiens attribuent à Charles Pathé, la création du métier de distributeur. Celui-ci aurait renoncé à la vente de ses films pour la remplacer par la location aux exploitants de salles, permettant ainsi un retour direct des revenus liés à la projection.49 Par la suite, durant ce qu’on appelle l’âge d’or du cinéma hollywoodien, entre 1930 à 1949, les États-Unis se sont vite imposés sur le marché du film.50 Cinq studios se sont constitués sont la forme d’oligopole, en contrôlant l’ensemble des étapes de production, distribution et d’exploitation, notamment par des accords avec les salles de projection, bloquant ainsi l’arrivé de nouveaux entrants.51 Grâce à des décrets antitrust de 1948, ils furent démantelés par les autorités de la concurrence.52 Leur oligopole s’est alors reconstruit autour de la télévision, de la vidéo et enfin, de la diffusion par Internet.53

À cet égard, l’industrie cinématographique et télévisuelle est fondée sur une chaîne de valeurs qui permet de gérer les flux financiers et de partager les revenus entre les

45 SADOUL, G., 1973, op. cit. 46 Ibid.

47 DEMAS, L. et J.-C. LAMY, Cinéma : La grande histoire du 7e art, Éditions Larousse, Paris, 2011.

48 FARCHY, J., Et pourtant ils tournent : économie du cinéma à l’ère numérique, Éditions Institut national de

l’audiovisuel, Coll. Médias Essais, Bry-sur-Marne, 2011, p. 12.

49 Ibid. 50 Ibid. 51 Ibid, p. 18. 52 Ibid. 53 Ibid.

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différents acteurs.54 Cette chaîne de valeurs se divise en plusieurs étapes : Il y a d’abord la création, par l’auteur, communément appelé l’ayant droit, d’une œuvre, puis sa production par différents producteurs indépendants55 ou internes et affiliés à un télédiffuseur ou à un grand groupe médias.56 Ensuite, le produit final, l’œuvre, est distribué par un distributeur national ou étranger et diffusé vers les détaillants vidéo, les exploitants de salle, les festivals, les télédiffuseurs et les services de médias numériques.57 Enfin, l’œuvre est visualisée par les consommateurs grâce à Internet, aux câblodistributeurs et à la télévision par satellite, aux locations de vidéogrammes et à l’achat de billets pour la projection en salle.58 Cependant, les distributeurs doivent respecter certains délais avant d’offrir la diffusion de l’œuvre aux divers exploitants : c’est ce qu’on appelle la chronologie des médias. Elle varie selon les pays et la législation.

L’étape de la diffusion consiste à « transmettre des contenus culturels aux consommateurs »59. Elle est généralement divisée, grâce à ce qu’on appelle la chronologie des médias, en une suite de « fenêtres de diffusion »60 qui déterminent le « moment et le format par lequel les œuvres audiovisuelles sont mises à la disposition des consommateurs ».61 Ainsi, la première fenêtre de diffusion est la première diffusion de l’œuvre originale.62 La deuxième fenêtre s’ouvre lorsque l’œuvre n’est plus considérée comme nouvelle. Elle correspond à la vidéo sur demande et la location en format DVD ou VHS.63 La troisième fenêtre vise la disponibilité sur les services de télévision payants :

54 GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Institut de la statistique du Québec, Observatoire de la culture et des

communications du Québec, État des lieux du cinéma et de la télévision au Québec, cahier 1, « Flux financier et organisation industrielle », février 2014, p. 29.

55 « Dans l’industrie, on distingue en général les modes de production entre la production indépendante et

celle qui est affiliée ou interne.55 Ainsi, une production cinématographique peut être financée par une société qui combine les fonctions de production et de distribution. Elle ne sera donc pas considérée comme indépendante.55 Une société de production est indépendante lorsqu’elle n’est pas liée à d’autres sociétés pour

distribuer son produit, soit le film ou la série télévisée.55 Pour la production télévisuelle, les émissions peuvent être produites par les télédiffuseurs, par des entreprises affiliées ou par des sociétés de production qui n’ont aucun lien avec les télédiffuseurs. Uniquement dans ce dernier cas, elle sera considérée indépendante. »

GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, cahier 1, février 2014, p. 44. 56 Ibid., p. 46. 57 Ibid.,p. 37 et 43. 58 Ibid., p. 33. 59 Ibid, p. 36. 60 Ibid. 61 Ibid.

62GOUVERNEMENT DU QUÉBEC,cahier 3, août 2014, op.cit., p. 31. 63Ibid.

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« Les services de télévision payante diffusent des émissions, des films et des vidéos, généralement sans publicité, moyennant un tarif d’abonnement »64 (par exemple Super Écran). Ils excluent la vidéo sur demande. Enfin, la quatrième fenêtre correspond à la mise à disposition de l’œuvre aux fins d’exploitation.65 Elle a traditionnellement lieu deux ans après la première diffusion originale.66 Bref, toutes ces fenêtres de diffusion participent aux financements des œuvres et des créateurs. La chronologie des médias peut être établie soit par la loi, comme en France67, ou par concertation et accords des professionnels, comme au Canada.68 Certains pays, comme le Royaume-Uni ou le Canada, ont créé une entité publique chargée de diffuser, en principe, des contenus majoritairement nationaux sur les chaînes de télévision, par l’entremise de ceux qu’on appelle les « radiodiffuseurs ».

1.2. La mission et le fonctionnement du système canadien de radiodiffusion

Au Canada, le Parlement établit dès 1932 un radiodiffuseur public69 par la Loi canadienne de la radiodiffusion, maintenant la Loi sur la radiodiffusion.70 Dès les années 1960 naissent les premiers réseaux de télévision privés et la câblodistribution.71 Afin de justifier l’instauration d’un organe étatique public de radiodiffusion, le Canada considère la radio et ensuite la télévision, comme un « instrument essentiel de promotion de l’identité nationale »72 et lui donne comme objectif de protéger et d’assurer la présence de contenus culturels canadiens pour faire face à la concurrence américaine.73 En 1968, l’adoption de la nouvelle loi canadienne sur la radiodiffusion crée le Conseil de la radiotélévision canadienne, aujourd’hui le « CRTC ».74 Bien que le CRTC régisse le secteur de la radio et,

64GOUVERNEMENT DU QUÉBEC,cahier 3, août 2014, op.cit., p. 23. 65Ibid.

66 Ibid.

67 France, Code du cinéma et de l’image animée, art. L. 231-1 à L. 234-1. 68 Voir : GOUVERNEMENT DU QUÉBEC,cahier 3, août 2014, op. cit.

69 DEWING, M., La politique canadienne de radiodiffusion, Bibliothèque du Parlement, Ottawa, Canada, 2014,

(Étude générale)
Publication n°2011-39-F, (Révisée le 6 août 2014), p. 1.

70 Loi sur la radiodiffusion, L.C. 1991, c. 11. (ci-après « Loi sur la radiodiffusion »). 71 DEWING, M., 2014, op. cit., p. 2.

72TRUDEL, P. « Le modèle nord-américain de régulation audiovisuelle » dans S. REGOURD et L. CALANDRI, «

La régulation de la communication audiovisuelle – enjeux et prospectives », L.G.D.J, Institut Universitaire Varenne, Paris, 2015,p. 219.

73 Ibid.

(24)

plus spécifiquement pour les fins de ce mémoire, celui de la télévision, c’est d’abord le moyen de transmission qu’il réglemente, soit la câblodistribution, et non le type de contenu audiovisuel transmis. Les radiodiffuseurs qui bénéficient d’une licence du CRTC peuvent diffuser, quant à eux, autant des films que des séries télévisées. Au niveau fédéral, il n’y a pas de loi spécifique applicable au secteur du cinéma et les projections en salles et les fenêtres de diffusion ne sont pas régies par le CRTC.75

Le CRTC a pour mandat de règlementer et de surveiller le secteur de la radiodiffusion et des télécommunications et de mettre en œuvre les objectifs76 décrits dans la Loi sur la radiodiffusion et la Loi sur les télécommunications.77 Ainsi, il a pour principale mission de « sauvegarder, d’enrichir et renforcer la structure culturelle, politique, sociale et économique du Canada et de favoriser l’épanouissement de l’expression canadienne ».78 Ce sont tous des principes qu’on retrouve dans la politique canadienne de radiodiffusion. La Loi sur la radiodiffusion rappelle aussi, dans sa politique, le principe que le système canadien de radiodiffusion doit être la propriété et sous le contrôle des Canadiens et que celui-ci est un « service public essentiel pour le maintien et la valorisation de l’identité nationale et de la souveraineté culturelle » du Canada.79

Afin de distribuer du contenu à l’aide de la câblodistribution, toute entreprise doit obtenir une licence de radiodiffusion.80 Ce système des licences permet au CRTC de contraindre les entreprises de radiodiffusion à consacrer un pourcentage de contenu canadien durant les grandes heures d’écoute (en soirée), afin de mettre en œuvre sa politique de radiodiffusion. Ces pourcentages représentent en fait les quotas de diffusion qui permettent d’assurer la promotion du contenu canadien à la télévision ; « le titulaire d’une licence publique doit consacrer au moins 60 % de la période de radiodiffusion en soirée à la radiodiffusion d’émissions canadiennes et le titulaire d’une licence privée doit consacrer au moins 50 % de la période de radiodiffusion en soirée à la radiodiffusion

75 Voir au niveau provincial, par exemple, la Loi sur le cinéma, ch. C-18.1 du Québec. Au niveau fédéral, la Loi sur le cinéma, L.R.C. 1985, ch. N-8, n’a que pour objectif de créer l’Office National du Film du Canada. 76 Loi sur la radiodiffusion, art. 5.

77 Loi sur les télécommunications, L.C. 1993, c. 38. 78 Loi sur la radiodiffusion, art. 3 (1) d) (i), (ii). 79 Ibid., art. 3 (1) a), b).

(25)

d’émissions canadiennes. » 81 Ainsi, le CRTC exerce ses fonctions de régulation grâce à l’adoption de textes réglementaires, aux énoncés de politique publique et aux décisions et ordonnances qu’il rend sur les entreprises.82

Cependant, le CRTC, dans sa politique de radiodiffusion, doit s’adapter aux progrès technologiques.83 Ainsi, avec l’arrivée des médias numériques dans les années 1990, c’est-à-dire de la diffusion des contenus audiovisuels sur Internet, le CRTC a choisi de favoriser l’innovation afin de faire émerger et croître les nouveaux modes de diffusion afin de ne pas limiter l’accès des Canadiens à ces services.84 Le CRTC a donc émis une ordonnance d’exemption pour les médias numériques, en vigueur depuis 199985, leur permettant d’opérer sans être obligés de diffuser du contenu canadien, ni de financer la production canadienne, puisqu’ils sont exempts de la réglementation à cet effet.86

En mars 2015, suite au processus amorcé par Parlons télé : une conversation avec les Canadiens,87 dont le but était de réfléchir sur l’avenir de la télévision et d’examiner le système de radiodiffusion, le CRTC met en place sa nouvelle politique règlementaire.88 Alors qu’il a l’occasion de se prononcer sur l’arrivée des nouveaux diffuseurs (les PVD), le CRTC choisit de ne pas règlementer les plateformes, en réaffirmant l’exemption dont elles bénéficient encore à ce jour. Ainsi, il ne leur a pas imposé de quotas de diffusion du contenu national. Le CRTC a simplement réduit les quotas d’émissions canadiennes des stations de télévision locales et des services facultatifs et a simplifié le processus d’attribution de licence en regroupant les licences des services de programmation de

81 Règlement de 1987 sur la télédiffusion, D.O.R.S./87-49, article 4 (7) a), b). Voir aussi : Règlement sur la distribution de radiodiffusion, D.O.R.S./97-555, article 6.

82TRUDEL P., Le CRTC, dans P. TRUDEL et F. ABRAN, « Les interrelations entre le CRTC et la Commission du

droit d’auteur », 8 C.P.I., 1995, p. 377-445.

83 Loi sur la radiodiffusion, art. 3 (1) d) (iv). 84

CRTC, Avis public 1999-197, op.cit., (Réaffirmée en 2012).

85 DEWING, M., 2014, op. cit., p. 2.

86CRTC, Avis public 1999-197, op.cit., (Réaffirmée en 2012).

87 Voir la 3e phase du processus : Avis de consultation de radiodiffusion CRTC 2014-190. 88CRTC, Politique réglementaire de radiodiffusion CRTC 2015-86 (Parlons Télé).

(26)

télévision en trois grandes catégories.89 Ainsi, afin de rivaliser avec les nouveaux acteurs, le CRTC a simplement décidé d’alléger la règlementation des radiodiffuseurs canadiens.

Concernant le financement destiné à soutenir la production des œuvres audiovisuelles, il peut provenir soit de sources privées nationales ou de sources publiques.90 Au niveau privé, le financement est accordé par les télédiffuseurs ou les exportateurs et distributeurs étrangers et, au niveau public, notamment par l’accord de crédit d’impôt ou de fonds de soutien à la création.91 Le financement public sert à financer la production indépendante. En effet, au Canada :

« La contribution des crédits d’impôt représente 18 % du financement total dans la filière cinématographique et 27 % dans la filière télévisuelle. Les autres principales sources de financement public sont Téléfilm Canada (20 % du financement public, dont environ 40 % pour les longs métrages de fiction), le Fonds des médias du Canada (ci-après « FMC ») (soit 8 % du financement public, essentiellement pour la production télévisuelle) et la Société de développement des entreprises culturelles (ci-après « SODEC ») (9 % du financement public, la majeure partie dédiée à la production cinématographique). »92

Ainsi, les entreprises de radiodiffusions canadiennes doivent contribuer annuellement à un ou l’autre des différents fonds créés pour soutenir la création canadienne,93 alors que Netflix, par exemple, ne participe pas au financement de la création canadienne. Certes, la plateforme a financé certaines productions canadiennes, car elles s’inscrivaient dans son modèle d’affaires et ses lignes éditoriales,94 mais elle ne finance pas concrètement la création canadienne, comme le font les entreprises de radiodiffusion. En effet, les dépenses

89 PRESCOTT, S., et Y., WEXLER, « Le CRTC modifie profondément la réglementation de la télévision

canadienne », Bulletin communications, Fasken, mars 2015.

90GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, cahier 1, février 2014, op. cit., p. 51. 91 Ibid., p. 45.

92 Ibid., p. 60.

93 Règlement sur la distribution de radiodiffusion, DORS/97-555, art. 52.

94 FONDS DES MÉDIAS DU CANADA, Conseils d’expert: comment vendre votre projet à Netflix, 22 mars 2018,

[En ligne] https://trends.cmf-fmc.ca/fr/conseils-dexpert-comment-vendre-votre-projet-a-netflix/ (consulté le 26 juillet 2018).

(27)

consacrées au contenu canadien sur Netflix ne représentent que 5 % de sa programmation.95 Enfin, les mesures de financement sont explorées davantage dans la partie 2 du présent mémoire.

Ce constat rappelle que les diffuseurs publics canadiens sont soumis à une forte réglementation vouée à la préservation de la culture nationale qui fut mise en place pour s’opposer à la concurrence américaine sur les chaînes de télévision dans les années 60.96 Cependant, aujourd’hui encore, les diffuseurs se retrouvent devant cette concurrence américaine qui émane cette fois-ci des nouveaux modes de diffusion numérique, soit des PVD. Notamment, les entreprises de diffusion numérique étrangères ne sont pas considérées comme des entreprises de radiodiffusion selon Loi sur la radiodiffusion97 et ne sont donc pas soumises à la réglementation canadienne et ne peuvent se voir accorder de licence de radiodiffusion.

1.3. La politique canadienne de radiodiffusion et le système des licences de radiodiffusion

La politique canadienne de radiodiffusion fut élaborée, comme mentionnée précédemment, dès les années 20, pour renforcer l’identité nationale et concurrencer les chaînes américaines.98 Elle fut amenée à évoluer avec les usages et les nouveaux modes de distribution, mais son objectif principal est resté identique : celui de sauvegarder, renforcer et promouvoir la culture canadienne.99 La mise en œuvre de la politique canadienne de radiodiffusion est aujourd’hui remise en question avec l’arrivée de la distribution et de la

95 MILLER, P. H. et R. RUDNISKI, CRTC,30 mars 2012, op. cit. : « Les dépenses de Netflix Canada consacrées

au contenu canadien représentent environ 5 p. 100 de ses dépenses totales de programmation. Par conséquent, tout gain de part de marché de Netflix aux dépens de la télévision payante, de la télévision traditionnelle, de la VSD et des services spécialisés entraînerait la diminution des fonds alloués au contenu canadien dans le système. De plus, les exigences liées aux émissions d'intérêt national et les mesures favorisant la production d'émissions dramatiques canadiennes seraient aussi touchées. »

96TRUDEL, P., op. cit., dans S. REGOURD et L. CALANDRI, 2015, p. 219.

97 « Entreprise de radiodiffusion : S’entend notamment d’une entreprise de distribution ou de programmation,

ou d’un réseau. (broadcasting undertaking).», Loi sur la radiodiffusion, art. 2.

98 CLAUS,S., CRTC, op. cit. 99 Loi sur la radiodiffusion, art. 3.

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diffusion numérique des œuvres, alors que les objectifs qu’elle poursuit demeurent pertinents.

1.3.1. La pertinence de la politique canadienne de radiodiffusion dans un monde numérique

Le CRTC est l’organe étatique public chargé de faire respecter la politique canadienne de radiodiffusion grâce à l’accomplissement des objectifs prévus dans la Loi sur la radiodiffusion.100 C’est en octroyant des licences aux entreprises de radiodiffusion que le CRTC, s’appuyant sur les objectifs énoncés dans la Loi sur la radiodiffusion, peut imposer des obligations de diffusion de contenu canadien ou exiger des radiodiffuseurs qu’ils contribuent au financement des émissions canadiennes.101 Les principaux objectifs de la politique exigent que le système de radiodiffusion soit sous le contrôle et la propriété des Canadiens,102 qu’ils bénéficient d’une programmation essentiellement en langue anglaise ou française103 et qu’elle contienne une majorité de contenus canadiens.104 La promotion et l’accès à cette programmation sont aussi au cœur de ses objectifs.105 Tous les objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion de 1968 ont été repris dans la version modifiée de la Loi sur la radiodiffusion de 1991.106 D’ailleurs, ces objectifs sont en parfaite adéquation avec la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.107

Par contre, la pertinence de l’approche privilégiée par la politique canadienne de radiodiffusion fut remise en cause plus d’une fois. Par exemple, en 2007, le CRTC a commandé un rapport afin de procéder à une analyse complète du cadre de réglementation

100 Loi sur la radiodiffusion, art. 5.

101 GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Institut de la statistique du Québec, Observatoire de la culture et des

communications du Québec,État des lieux du cinéma et de la télévision au Québec, cahier 2, « Encadrement

législation et organisation associative », février 2014.

102 Loi sur la radiodiffusion, art. 3 (1) a). 103 Ibid., art. 3 (1) b).

104 Voir notamment : Loi sur la radiodiffusion, art. 3 (1) a), d), e), f), i), j), o), q), r) et s). 105 Par exemple, Loi sur la radiodiffusion, art. 3 (1) e), t) (i), (iii), (iv).

106 DUNBAR, L. J.E. et C. LEBLANC, CRTC, Révision du cadre réglementaire des services de radiodiffusion au Canada, Rapport final, 31 août 2007, p. 4.

107 Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, UNESCO, 20

(29)

actuel des services de radiodiffusion au Canada et a demandé des recommandations de réforme.108 Dans ce rapport, les enjeux liés à Internet et aux médias numériques et les défis auxquels fait actuellement face la radiodiffusion étaient déjà reconnus.109 La préoccupation pour préserver le contenu national et le caractère canadien du système de radiodiffusion était aussi abordée ainsi que les objectifs de préservation et de promotion du contenu national qui sont encore partis de la politique canadienne de radiodiffusion, et ce, depuis les années 60.110 En effet, ces objectifs sont la raison d’être du système canadien de radiodiffusion et de la création du CRTC. Sans ceux-ci, ils y auraient moins de contenu canadien, car il y aurait peu de soutien financier suffisant pour en assurer la création et sans production de contenu, il y aurait, par conséquent, moins de distribution de contenu canadien. En effet, produire des émissions canadiennes de haute qualité nécessite beaucoup plus de moyens financiers que d’acquérir des émissions étrangères, par exemple américaines, à faibles coûts pour les diffuseurs.111 Ainsi, ce n’est pas la politique canadienne et les objectifs poursuivis par celle-ci qui sont remis en cause, mais plutôt le cadre règlementaire et son approche, souvent jugés trop rigides pour concurrencer les nouveaux acteurs du numérique, notamment dans un contexte de concurrence internationale. Dans le rapport de 2007, on reconnaît en effet que la politique canadienne de radiodiffusion est un outil important pour affronter la concurrence américaine et étrangère.112

Plus récemment, en 2015, suite au processus Parlons Télé : Une conversation avec les Canadiens, le CRTC a diffusé sa nouvelle politique réglementaire de radiodiffusion 2015-86.113 Considérant la transition des consommateurs de la télévision traditionnelle vers les médias numériques offrant des contenus sur demande, le CRTC a annoncé des mesures visant à faciliter cette transition. Parmi ces mesures, on retrouve l’objectif visant à favoriser la promotion et la découverte de la programmation canadienne, tant au Canada qu’à

108 DUNBAR, L. J.E. et C. LEBLANC, CRTC, 31 août 2007, op. cit. 109 Ibid., p. 119.

110 Ibid., p. 32.

111 « Il peut coûter quelque 3,2 millions $CAN pour produire une dramatique d’une heure qui sera diffusée en

période de grande écoute aux États-Unis, mais seulement 200 000 $ pour acheter les droits canadiens à la même émission. » : DUNBAR, L. J.E. et C. LEBLANC, CRTC, 31 août 2007, op. cit., p. 33.

112 Ibid.

Figure

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