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Les mesures de soutien à la production et la distribution des œuvres audiovisuelles canadiennes face aux enjeux du numérique

Dans cette deuxième partie sont abordées les mesures de soutien à la production et la distribution des œuvres audiovisuelles canadiennes et la manière dont elles tentent de s’adapter aux enjeux du numérique. Ces mesures ont un impact important sur la diversité des expressions culturelles, sur leur promotion et l’accès par les consommateurs. De plus, les enjeux du numérique affectent le financement et la production future des œuvres audiovisuelles. Ainsi, dans un premier temps, sont présentées les mesures de financement des œuvres audiovisuelles canadiennes (2.1. et 2.2.). Ensuite, la démonstration de l’inadaptabilité du système de quotas de diffusion canadien aux plateformes numériques est effectuée (2.3.). Enfin, le concept de découvrabilité des contenus et son impact sur la diffusion numérique sont évalués ainsi que les conséquences des systèmes algorithmiques de recommandations sur la diversité des expressions culturelles (2.4.).

2.1. Les mesures de financement du contenu canadien

Parmi les mesures législatives et gouvernementales mises en place pour assurer un financement satisfaisant des productions audiovisuelles canadiennes, l’obligation de verser une part des revenus des radiodiffuseurs vers des fonds de soutien à la création est sans doute la plus importante, avec l’octroi des crédits d’impôt offerts aux sociétés de production canadienne. Par contre, l’absence de perception de la taxe sur la valeur ajoutée par les plateformes numériques et l’absence de l’obligation de payer de l’impôt sur la plupart de leurs activités créent une disparité entre les moyens financiers dont disposent les entreprises de radiodiffusion et les nouveaux acteurs que sont les PVD.

2.1.1. Les fonds de soutien à la création canadienne

Les titulaires de licence de radiodiffusion doivent, comme mentionné précédemment, contribuer au financement de la création canadienne. Selon le type de technologie de distribution utilisée (et selon les services ou les contenus distribués), le

montant des versements vers les fonds de soutien à la création varie. Par exemple, les entreprises de distribution par voie terrestre numérique et par voie analogique doivent verser, chaque année, l’équivalent de 4,7 % de leurs revenus bruts à la programmation canadienne, dont un pourcentage maximal de 1,5 % peut être déduit pour leurs activités de contribution aux expressions locales.166 De ce montant total, 80 % sont versés au fonds de production canadien et 20 % à un ou plusieurs fonds de production indépendants.167 Pour les entreprises de distribution par satellite de radiodiffusion directe, ils doivent également verser 4,7 % de leurs revenus bruts annuels à la programmation canadienne, dont un pourcentage de 0,06 % peut être déduit pour leur contribution aux émissions de nouvelles reflétant la réalité locale.168 De ce montant total, une contribution d’au plus 0,05 % doit être versé dans un fonds de production indépendant et le solde restant, au fond de production canadienne.169 Les plateformes de diffusion par Internet sont exemptées de ces obligations.

Ainsi, les contributions annuelles des entreprises de radiodiffusion peuvent être dirigées vers plusieurs fonds, soit vers le Fonds des médias du Canada (ci-après « FMC »), ou vers des fonds indépendants.170 Le FMC est le fonds le plus important en termes d’allocations. Il fût créé à l’initiative du CRTC et il est un fonds à la fois privé et public. Les allocations proviennent des versements obligatoires des radiodiffuseurs et de la contribution publique de Patrimoine canadien.171 Par exemple, durant l’année 2016-2017, le FMC a versé 361,6 millions de dollars à des projets canadiens de télévision et de médias numériques.172 Quant aux fonds indépendants, le CRTC a dressé une liste des fonds de production indépendants certifiés qui sont admissibles à recevoir des contributions des radiodiffuseurs.173,174 Comme l’affirme le constat lors de la vérification des titres des

166 Loi sur la radiodiffusion, art. 34(2). 167 Ibid., art. 34(1).

168 Ibid., art. 52(1). 169 Ibid., art. 52(2).

170GOUVERNEMENT DU QUÉBEC,cahier 2, février 2014, op. cit., p. 28. 171Ibid., p. 30.

172 FONDS DES MÉDIAS DU CANADA, Rapport annuel 2016-2017, [En ligne] https://ar-ra16-17.cmf-fmc.ca/fr/

(consulté le 6 juillet 2018).

173 CRTC, Liste des fonds de production indépendants certifiés [En ligne]

https://crtc.gc.ca/fra/general/cipfund.htm (consulté le 6 juillet 2018).

différents fonds de cette liste, ils sont généralement créés par les grands groupes médias, tels Quebecor et Telus, ainsi que par Téléfilm Canada.175

Cependant, alors que les radiodiffuseurs sont tenus de contribuer à la production canadienne, les entreprises comme Netflix, qui sont passées d’un rôle de simple diffuseur à celui de producteur de contenus bien présents au Canada, n’ont pas l’obligation de participer au financement de la création canadienne.176 En réponse au désir du CRTC de règlementer Netflix et à la polémique entourant son opposition,177 Netflix a plutôt décidé de privilégier la conclusion d’une entente avec le gouvernement canadien pour investir dans les productions canadiennes.178 L’entente n’étant toutefois pas rendue publique, il est impossible de savoir comment et vers quelles productions l’entreprise investira les 100 millions prévus par année, sur cinq ans. Il est ainsi impossible de garantir un contenu canadien et non simplement des productions américaines, tournées sur le territoire, à moindres coûts, par des créateurs américains.179 De plus, cette situation contribue à créer une entorse à la concurrence sur le marché, puisque les radiodiffuseurs sont soumis à une réglementation stricte et que la production canadienne dépend largement du financement privé et public. En effet, les PVD étrangères ont des moyens financiers supérieurs et bénéficient d’une absence de réglementation.180 Dans son dernier rapport, le CRTC reconnaît d’ailleurs que les services de vidéo en ligne, soit les PVD, devraient contribuer à la production du contenu, notamment en langue française.181

175GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, cahier 2, février 2014, op. cit., p. 31.

176 MILLER, P. H. et R. RUDNISKI, CRTC, 30 mars 2012, op. cit. : « Les dépenses de Netflix Canada

consacrées au contenu canadien représentent environ 5 p. 100 de ses dépenses totales de programmation. Par conséquent, tout gain de part de marché de Netflix aux dépens de la télévision payante, de la télévision traditionnelle, de la VSD et des services spécialisés entraînerait la diminution des fonds alloués au contenu canadien dans le système. De plus, les exigences liées aux émissions d'intérêt national et les mesures favorisant la production d'émissions dramatiques canadiennes seraient aussi touchées. »

177 « Netflix refuse toujours d’être soumis à la Loi sur la radiodiffusion canadienne », 24 novembre 2016, [En

ligne] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1001979/netflix-patrimoine-canadien-investit-substantiellement- production, (consulté le 6 juillet 2018).

178 PATRIMOINE CANADA, Launch of Netflix Canada: a recognition of Canada’s creative talent and its strong track record in creating films and television, Ottawa, 28 septembre 2017.

179BOURGAULT CÔTÉ, G., « Mélanie Joy se soumet à loi Netflix », op. cit.

180 TRUDEL, P., « En finir avec la « taxe » Netflix », Journal Le Devoir, 3 janvier 2018, [En ligne]

https://www.ledevoir.com/opinion/chroniques/516629/en-finir-avec-la-taxe-netflix (consulté le 22 juillet 2018).

181 CRTC, Emboîter le pas au changement : L’avenir de la distribution de la programmation au Canada, op. cit.

Ensuite, un autre problème général lié au financement des contenus est dû au fait que de plus en plus d’entreprises choisissent plutôt d’effectuer leurs dépenses publicitaires en ligne, dirigeant ainsi leurs publicités vers les services Internet étrangers qui captent de plus en plus les parts des marchés publicitaires,182 au détriment des entreprises canadiennes de radiodiffusion et sans réinvestir dans la création. Certains chiffres indiqueraient que d’ici 2020, 45 % du marché publicitaire sera dépensé sur Internet.183 De cette façon, les dépenses publicitaires ne suffiraient plus à enrichir les entreprises de radiodiffusion traditionnelles et enrichiraient plutôt les services de propriété étrangère, tels Google et Facebook. En effet, les entreprises de radiodiffusion traditionnelles dépendent surtout de la vente de temps d’antenne qui est leur principale source de revenus (358 M$ en 2012, soit 82 %, de leurs revenus).184 Bien que Netflix et les autres PVD ne diffusent en général pas de publicité sur leur plateforme, le problème provient davantage des grandes plateformes de recherche (Google) ou de médias sociaux (Facebook, Instagram) qui ont pour effet de détourner les dépenses publicitaires à la télévision vers les services Internet.

De plus, ces mêmes entreprises n’utilisent pas les revenus engendrés par la publicité pour acquérir ou investir dans le contenu canadien,185 contrairement aux radiodiffuseurs canadiens. En effet, ces derniers vendent du temps d’antenne aux annonceurs, déboursant des sommes auprès des radiodiffuseurs diffusant par la suite leur publicité. Les radiodiffuseurs comptent en bonne partie sur les revenus engendrés par la publicité pour se financer.186 Conséquemment, le déplacement des revenus de publicité de la télévision vers l’Internet affaiblit les ressources financières des câblodistributeurs et donc leur capacité à produire du contenu canadien de haute qualité. Enfin, hormis l’existence des fonds de soutien à la création, les crédits d’impôt favorisent aussi l’investissement dans la production canadienne.

182 ANDERSON, J., Centre canadien de politiques alternatives, Une exemption pour la télévision par contournement : Le temps est venu de règlementer et de taxer de manière équitable les nouveaux services médiatiques sur Internet, juin 2016.

183 Ibid.

184GOUVERNEMENT DU QUÉBEC,cahier 3, août 2014, op. cit. 185 ANDERSON, J., juin 2016, op. cit.

186 CRTC, Les rudiments de la publicité à la radio et à la télévision, [En ligne]

2.1.2. Les crédits d’impôt pour sociétés de productions canadiennes et étrangères Les deux crédits d’impôt, soit le crédit d’impôt pour production cinématographique ou magnétoscopique canadienne (ci-après « CIPC »)187 ou le crédit d’impôt pour services de production cinématographique ou magnétoscopique (ci-après « CISP ») permettent de soutenir la production canadienne et les coproductions.188 L’objectif principal de ces crédits d’impôt est de favoriser la production canadienne, dans le premier cas, et de favoriser la croissance de l’emploi chez les travailleurs canadiens du domaine du cinéma et de la télévision, pour le second.189 Il est à noter qu’à ceux-ci, s’ajoutent les divers crédits d’impôts provinciaux, tel le crédit d’impôt remboursable pour la production cinématographique et télévisuelle québécoise. Cette partie se concentre uniquement sur les crédits d’impôts fédéraux, puisque cette recherche porte principalement sur la compétence et la législation fédérale du gouvernement du Canada.

Il est à noter que le CIPC et le CISP sont deux crédits d’impôt distincts et non cumulatifs.190 Le CIPC permet de rembourser 25 % des dépenses de main-d'œuvre pour la production d'une vidéo ou d'un film canadien. Cependant, le respect de la condition de contrôle canadien ne rend le crédit d’impôt disponible qu’auprès des sociétés sous contrôle canadien.191 Il n’est donc pas offert aux sociétés étrangères.192 Au contraire, pour recevoir le CISP, le demandeur doit « être une société de production qui exploite, par l'entremise d'un établissement stable au Canada,193 une entreprise qui est principalement une entreprise

187 GOUVERNEMENT DU CANADA, CIPC, [En ligne] https://www.canada.ca/fr/agence-

revenu/services/impot/impot-international-non-residents/credits-impot-films-produits-

multimedias/programme-credit-impot-production-cinematographique-magnetoscopique-canadienne.html (consulté le 9 juillet 2018).

188 GOUVERNEMENT DU CANADA, CISP, [En ligne] https://www.canada.ca/fr/agence-

revenu/services/impot/impot-international-non-residents/credits-impot-films-produits-

multimedias/programme-credit-impot-services-production-cinematographique-magnetoscopique.html (consulté le 9 juillet 2018).

189 GOUVERNEMENT DU CANADA,CISP,op. cit. 190 Ibid.

191 Selon la Loi sur Investissement Canada, L.R.C., 1985, ch. 28 (1er suppl.), article 26 à 28. 192 GOUVERNEMENT DU CANADA, CIPC, op. cit.

193 Voir AGENCE REVENU CANADA, Sens de l'expression « établissement stable » au paragraphe 123(1) de la Loi sur la taxe d'accise (la Loi), Énoncé de politique sur la TPS/TVH P-208R, Révision 23 mars 2005, [En

ligne] https://www.canada.ca/fr/agence-revenu/services/formulaires-publications/publications/p-208r/sens- expression-etablissement-stable-paragraphe-123-1-loi-taxe-accise-loi.html , (consulté le 10 juillet 2018).

de production cinématographique ».194 C’est-à-dire que, si Netflix par exemple, en tant que producteur, investissait dans la production d’un film tourné au Canada, avec des acteurs canadiens et réalisé ou scénarisé par un auteur canadien, l’entreprise aurait droit à ce crédit d’impôt, comme tout producteur étranger qui souhaiterait investir dans la création canadienne.195 Le lieu du plateau de tournage, par exemple, sera alors considéré comme un établissement stable, grâce au bail immobilier qui en résulte. Par établissement stable, on fait référence à une installation fixe et donc, continue et permanente.196 Cependant, elle peut avoir une durée restreinte en raison de l’activité commerciale qui y est exécutée durant une brève période,197 par exemple, le plateau de tournage d’un long métrage ou d’une série télévisée.

Ainsi, une entreprise étrangère de production et de distribution peut bénéficier de crédits d’impôt, car elle est considérée avoir un établissement stable au Canada. Alors, elle n’échappe pas à l’obligation fiscale par laquelle elle doit payer de l’impôt sur le revenu. Cependant, la nuance à apporter concernant le remboursement via le crédit d’impôt CISP qu’elle reçoit tient au fait qu’il est souvent beaucoup plus important que les impôts prélevés pour ses activités de production au Canada.198 Ainsi, la réelle inégalité provient du fait que les plateformes étrangères admissibles aux crédits d’impôt CISP ne contribuent pas au financement et à la promotion du contenu canadien en retour, par exemple via le Fonds des Médias du Canada.

Bref, les PVD étrangères évoluent et se développent grâce à l’absence de réglementation sur Internet et occupent une position dominante sur le marché, faisant entorse à une concurrence juste et équitable aux dépens des acteurs traditionnels. En outre, elles bénéficient d’avantages et d’exemptions fiscales puisqu’elles sont situées à l’extérieur du territoire canadien.

194 Règlement de l’impôt sur le revenu, C.R.C., ch. 945, art. 1106, (10) e). 195 BROUSSEAU-POULIOT, V., « Comment réglementer Netflix ?», op. cit.

196 Voir AGENCE REVENU CANADA, Énoncé de politique sur la TPS/TVH P-208R, op. cit. 197 Ibid.

198 Informations obtenues après une entrevue avec un expert en fiscalité internationale de la firme comptable

2.2. Les avantages et exemptions fiscales pour les plateformes de vidéo à la demande Au niveau de la fiscalité, les PVD étrangères ne sont pas soumises à la taxe sur la vente des biens et des services du Canada, puisqu’elles ont leur résidence dans un autre pays ou encore puisque leurs activités s’effectuent en ligne seulement et qu’il n’existe toujours pas de règles particulières pour le commerce électronique au Canada.199 Cet avantage n’est pas exclusif aux biens culturels, mais s’applique à tous les biens et services offerts sur Internet.200 Cela permet donc aux plateformes d’offrir des produits à des prix plus bas aux consommateurs, puisqu’elles ne prélèvent pas de taxes sur les biens et services vendus.201

2.2.1. L’absence de perception de la taxe sur la valeur ajoutée par les plateformes en ligne

Le critère déterminant qui permet de savoir si une personne doit percevoir la taxe sur la valeur ajoutée est l’exploitation d’une entreprise au Canada.202 Le concept « d’exploitation d’une entreprise au Canada n’est pas défini par la Loi sur l’impôt. Selon les lignes directrices de l’Agence du revenu du Canada (ci-après « ARC ») :

« Si une personne non résidente n'exploite pas une entreprise au Canada et n'a pas choisi de s'inscrire aux fins de la TPS/TVH, les fournitures effectuées au Canada par le non-résident sont réputées effectuées à l'étranger et le non-résident n'est donc pas tenu de percevoir la taxe sur ces fournitures. »203

Ainsi, les PVD étrangères qui offrent du contenu aux Canadiens, mais qui ne possèdent pas de bureau ou de siège social au Canada, comme Netflix, n’ont pas

199 GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Rapport final de la Commission d'examen sur la fiscalité québécoise, Se tourner vers l’avenir du Québec, vol. 1, « Une réforme de la fiscalité québécoise », mars 2015, p. 180.

200 Ibid.

201Ibid., p. 183.

202 AGENCE REVENU CANADA, Exploitation d'une entreprise au Canada, Énoncé de politique sur la TPS/TVH

P-051R2, Révision 29 avril 2005, [En ligne], https://www.canada.ca/fr/agence-revenu/services/formulaires- publications/publications/p-051r2/exploitation-entreprise-canada.html, (consulté le 10 juillet 2018).

l’obligation de s’inscrire auprès de l’ARC et donc de percevoir les taxes sur la valeur ajoutée.204

En effet, si les seuls facteurs de présence au Canada sont le lieu du contrat (la vente), le lieu du public visé par la publicité du produit et le lieu du paiement, ces facteurs ne sont pas considérés suffisants pour conclure que le fournisseur non résident exploite une entreprise au Canada.205 Dans un monde où les transactions s’effectuent de plus en plus sur Internet, il est donc facile pour une entreprise de ne pas se voir imposer d’obligations fiscales des pays vers lesquels il exporte ses produits et services. Il faudrait alors que le Canada revoie sa définition « d’exploitation d’une entreprise au Canada », afin que celle-ci soit moins restrictive et qu’elle tienne davantage compte des facteurs concernant l’endroit et les modalités où s’effectuent ces activités.206 Le rapport final de la Commission d'examen sur la fiscalité québécoise, Une réforme de la fiscalité québécoise de 2015 recommandait d’ailleurs au gouvernement canadien de s’appuyer sur les réflexions de l’Organisme de coopération et de développement économiques (ci-après « OCDE »)207 et notamment de :

« Créer une présomption d’établissement stable pour les activités numériques entièrement dématérialisées sur la base d’une présence numérique significative et obliger les fournisseurs en ligne de services numériques et de biens incorporels à s’inscrire dans le régime de taxation du pays de résidence de l’acquéreur et à remettre la taxe applicable. »208

L’Union européenne a repris cette idée et travaille actuellement sur un projet de directive209 proposant de revoir les fondements de la fiscalité, lesquels seront présentés dans la troisième partie de ce mémoire.

204 ANDERSON, J., juin 2016, op. cit., p. 16.

205 AGENCE REVENU CANADA, Exploitation d'une entreprise au Canada, op. cit. 206 Ibid., voir l’exemple n°14.

207OCDE, Plan d’action concernant l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, (2013) Éd.

OCDE, [En ligne] https://read.oecd-ilibrary.org/taxation/plan-d-action-concernant-l-erosion-de-la-base-d- imposition-et-le-transfert-de-benefices_9789264203242-fr#page1 (consulté le 29 mars 2018).

208GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Se tourner vers l’avenir du Québec, op. cit., p. 183.

209 Proposal For A Council Directive laying down rules relating to the corporate taxation of a significant digital presence, Brussels, 21.3.2018 COM (2018) 147 final, 2018/0072 (CNS).

Ainsi, il faudrait que tous les services de commerce électronique perçoivent et remettent les taxes au gouvernement du Canada, lorsqu’ils vendent des biens et des services aux Canadiens, ou lorsqu’ils perçoivent des revenus de la publicité, ce qui pourrait permettre de récupérer une partie des revenus pour être réinvestis dans la production de contenus canadiens.210 D’ailleurs, le Québec a récemment fait un premier pas dans cette direction, avec l’adoption récente du projet de loi n°150211 par lequel les plateformes numériques doivent percevoir la taxe de vente québécoise, même s’ils sont établis à l’extérieur de la province. Le Canada devrait ainsi prendre exemple sur le Québec et l’Union européenne afin de revoir les fondements de la fiscalité et repenser la réglementation pour la rendre applicable aux nouveaux acteurs étrangers et à ceux exerçant leur commerce de façon électronique seulement.

2.2.2. Le paiement de l’impôt fondé sur la présence physique au Canada

Le paiement de l’impôt au Canada par les particuliers et les entreprises suit la même logique que celle de la perception des taxes sur la vente, c’est-à-dire qu’il est fondé sur la présence physique au Canada. Ainsi, un impôt sur le revenu doit être payé par le non- résident si celui-ci a été employé au Canada, y a exploité une entreprise ou qu’il ait disposé d’un bien imposable.212 Pour cela, il faut que l’entreprise ait un établissement stable au Canada.213 Puisque le Canada a signé une convention internationale avec les États-Unis, le sens à accorder à l’expression « établissement stable » vise une installation fixe où l’entreprise exerce tout ou partie de son activité, incluant ainsi le siège social, une succursale ou un bureau.214 On remarque alors que certaines entreprises proposant une PVD sur Internet n’ont pas de siège social ni d’établissement au Canada, comme Netflix215 ou

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