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Les défis contemporains de la représentation collective des gestionnaires du système de santé et de services sociaux du Québec

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Academic year: 2021

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© Charlotte Hétu, 2019

Les défis contemporains de la représentation collective

des gestionnaires du système de santé et de services

sociaux du Québec

Mémoire

Charlotte Hétu

Maîtrise en relations industrielles - avec mémoire

Maître ès arts (M.A.)

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III

Résumé

Cette étude fait état de la situation des gestionnaires intermédiaires du système de santé et de services sociaux québécois à la suite de l’adoption, en 2015, de la Loi modifiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l’abolition des agences régionales (L.Q., 2015, c. 1.). Cette loi prévoit, l’abolition de plusieurs postes de gestion, la fusion de divers établissements du réseau ainsi que des changements majeurs dans les conditions de réalisation du travail des gestionnaires intermédiaires. Il s’agit donc de déterminer quel est l’impact de ces changements sur la qualité de vie au travail des gestionnaires intermédiaires et quels sont leurs désirs en matière de représentation collective. Plus précisément, cela consiste à déterminer si les changements ont engendré une dégradation de leur qualité de vie au travail et si cette dégradation a révélé un désir de représentation plus grand. Nous avons réalisé que les gestionnaires intermédiaires vivent une réelle dégradation de leur qualité de vie au travail. Nous arrivons également à la conclusion que les gestionnaires intermédiaires éprouvent un désir de représentation plus fort que la simple consultation sans remettre en cause la structure actuelle puisqu’ils ne souhaiteraient pas une syndicalisation conventionnelle et surtout un grand besoin de reconnaissance de la part de leur employeur.

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IV

Table des matières

Résumé ... III Table des matières ... IV Listes des figures et des tableaux ... VI Remerciements ... VII

Introduction ... 1

CHAPITRE1 ... 3

PROBLÉMATIQUEDERECHERCHE ... 3

1.1. Historique du système de santé et de services sociaux du Québec ... 4

1.2. Évolution des modes de gestion en santé ... 22

1.3. Les gestionnaires ... 28

1.3.1. Définition et caractéristiques de ce groupe ... 28

1.3.2. Le modèle de représentation des gestionnaires ... 31

1.4. Les conséquences de la Loi 10 ... 33

1.5. L’émergence d’un nouveau modèle de représentation ... 35

1.6. Questions de recherche ... 35

CHAPITRE2 ... 37

MÉTHODOLOGIE ... 37

2.1. Recherche quantitative ... 37

2.1.1. Le recueil de données existantes... 38

2.2. Recherche qualitative ... 39

2.2.1. L’entrevue semi-dirigée ... 40

2.2.2. Le choix des participants ... 41

2.2.3. Le déroulement de la recherche ... 42

2.2.4. La validité des données ... 44

2.3. Concepts et modèle d’analyse... 45

2.3.1. La qualité de vie au travail... 46

2.3.2. La représentation collective ... 47

2.3.3. Modèle d’analyse ... 49

CHAPITRE3 ... 54

PRÉSENTATIONDESRÉSULTATS ... 54

3.1. Contexte ... 55

3.1.1. La situation dans le secteur de la santé ... 55

(4)

V

3.2. Présentation du questionnaire ... 60

3.2.1. Le profil des répondants ... 60

3.2.1.1. Caractéristiques des répondants... 60

3.2.1.2. Raisons de devenir gestionnaire ... 62

3.2.2. La qualité de vie au travail... 63

3.2.2.1. Importance accordée à la qualité de l’emploi ... 63

3.2.2.2. Importance accordée à la qualité du travail ... 64

3.2.2.3. Satisfaction à l’égard de la qualité de l’emploi ... 66

3.2.2.4. Satisfaction à l’égard de la qualité du travail ... 67

3.2.2.5. Nombre d’employés et de sites à superviser ... 69

3.2.2.6. Attentes et satisfaction ... 70

3.2.3. La représentation collective ... 72

3.2.3.1. Attentes des membres envers l’AGESSS ... 72

3.2.3.2. Processus de détermination des conditions de travail ... 74

3.3. Présentation des entrevues ... 75

3.3.1. Caractéristiques des répondants ... 75

3.3.2. Qualité de vie au travail ... 76

3.3.2.1. Changements depuis l’adoption de la Loi 10 ... 76

3.3.2.2. Relations avec le gouvernement ... 82

3.3.2.3. Relations avec les cadres supérieurs ... 84

3.3.3. Représentation collective ... 86

3.3.3.1. Rôle de l’AGESSS... 86

3.3.3.2. Processus détermination des conditions de travail ... 86

3.4. Conclusion ... 88

CHAPITRE4 ... 90

ANALYSEDESRÉSULTATS ... 90

4.1. Rappel de la problématique ... 90

4.2. Rappel du modèle théorique ... 91

4.2.1. Modèle d’analyse ... 91

4.2.2. Limites à la généralisation ... 93

4.3. Les données ... 93

4.3.1. Le profil des répondants ... 93

4.3.2. La qualité de vie au travail... 94

4.3.3. La représentation collective ... 97

4.4. Discussion sur les hypothèses de recherche ... 99

4.4.1. Hypothèse 1 – L’évolution de la qualité de vie au travail ... 99

4.4.2. Hypothèse 2 – Le type de représentation collective ... 101

4.5. Les objectifs de la recherche ... 102

4.6. Conclusion ... 103

Conclusion ... 104

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VI

Listes des figures et des tableaux

Figures

Figure 1 : Modèle d’analyse………..49

Figure 2 : Modèle d’analyse………..89

Tableaux Tableau 1 : Caractéristiques des entrevues...41

Tableau 2 : Dimensions et indicateurs du concept de qualité de vie au travail………..…..44

Tableau 3 : Dimensions et indicateurs du concept de représentation collective………46

Tableau 4 : Gestionnaires du réseau de la santé et des services sociaux, représentés par l’AGESSS, selon les différentes régions administratives……..……….53

Tableau 5 : Caractéristiques des répondants……….58

Tableau 6 : Raisons de devenir gestionnaire……….59

Tableau 7 : Importance accordée aux indicateurs de la qualité de l’emploi………..……...60

Tableau 8 : Importance accordée aux indicateurs de la qualité du travail………61

Tableau 9 : Satisfaction par rapport aux indicateurs de la qualité de l’emploi……….63

Tableau 10 : Satisfaction par rapport aux indicateurs de la qualité du travail………..……65

Tableau 11 : Évolution du nombre d’employés supervisés………..66

Tableau 12 : Évolution du nombre de sites supervisés………..…………...67

Tableau 13 : Les attentes et la satisfaction……….………..….…67

Tableau 14 : Les finalités et le processus de représentation………..….…...69

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VII

Remerciements

Je tiens à remercier tous ceux et celles qui ont participé, de près ou de loin, à la réalisation de cette recherche. Sans vous, ce projet ne se serait jamais concrétisé.

D’abord, je tiens particulièrement à remercier mon directeur de maîtrise, Jean-Noël Grenier. Son dévouement, ses judicieux conseils et son soutien à toutes les étapes de la réalisation de mon mémoire sont inestimables.

Je souhaite également remercier mon codirecteur de maîtrise, François Bolduc, pour sa générosité et sa disponibilité.

Évidemment, je tiens à remercier mes évaluateurs. J’espère sincèrement que vous trouverez ce mémoire pertinent et agréable à lire.

Je tiens à remercier mes parents pour leur soutien et leurs encouragements. Je les remercie de m’avoir appris la persévérance et la discipline. Ce sont ces valeurs qui m’ont accompagnée et qui m’ont amenée à terminer ce mémoire.

Finalement, je ne peux passer sous silence le support indéfectible de mes cousins, Aleksi et Louka, qui m’ont encouragé tout au long du processus. Je souhaite que mon parcours vous inspire à rêver toujours plus grand et à vous investir avec passion dans tout ce que vous entreprenez. Merci de faire partie de ma vie.

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1

Introduction

Au début des années 1980, de nombreux pays se sont retrouvés dans une situation financière difficile avec un niveau d’endettement élevé et une dette publique importante (Amar et Berthier, 2007; Rose, 2016). C’est d’ailleurs dans ce contexte que ces pays ont envisagé de nouvelles orientations en terme de management public. Traditionnellement issues du secteur privé, ces nouvelles orientations constituent le courant du Nouveau Management Public (NMP) (Amar et Berthier, 2007). Le système de santé québécois n’y fait pas exception. Les dernières réformes adoptées par le gouvernement s’inscrivent dans ce mouvement. En effet, la réforme mise en œuvre en 2003 par l’ancien ministre de la santé, Philippe Couillard et la réforme mise en œuvre en 2015 par le ministre Gaétan Barrette s’inspirent largement des principes du Nouveau Management Public. Nous nous intéresserons précisément à cette dernière réforme dans le cadre de ce mémoire.

Dès lors, en 2015, le Gouvernement du Québec adopta la Loi modifiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l’abolition des agences régionales1 (Loi 10). Cette loi modifie la structure même du réseau en prévoyant le passage d’une gouvernance à deux paliers, la fusion de plusieurs établissements, la spécialisation des secteurs et la diminution du nombre de gestionnaires intermédiaires. Évidemment, ces changements sont réalisés dans un contexte où l’objectif est de rationaliser et de réduire les coûts.

Il va de soi que ces changements ont des impacts sur l’ensemble du personnel du réseau de la santé et des services sociaux québécois. Néanmoins, nous nous intéresserons aux conséquences que cette réforme a eues sur les gestionnaires intermédiaires. Autrement dit, le présent mémoire s’intéresse à l’impact de la plus récente réforme du système de santé sur la qualité de vie au travail et les désirs en matière de représentation collective de ce groupe. Par l’analyse de divers éléments qui composent, d’une part, la qualité de vie au travail et d’autre part, la représentation collective, nous présenterons les effets de la Loi 10.

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2

La méthodologie retenue afin de répondre à la question de recherche est le recueil de données existantes qui prend la forme d’un questionnaire. C’est également en procédant à diverses entrevues avec la direction et des membres de l’AGESSS qu’il sera possible de dégager les éléments susceptibles d’influencer la qualité de vie au travail des gestionnaires intermédiaires et la représentation collective qu’ils désirent.

Le premier chapitre présente la problématique de recherche en rappelant l’historique des réformes dans le secteur de la santé depuis les années trente jusqu’à l’adoption de la dernière réforme du système. De plus, nous tracerons un portrait sommaire de l’évolution des modes de gestion qui ont forgé le réseau de la santé et des services sociaux. Nous terminerons ce premier chapitre en présentant la récente réforme plus en détail de même que les conséquences qu’elle a engendrées. Le deuxième chapitre présente le déroulement de la recherche ainsi que le cadre d’analyse que nous avons choisi. Le troisième chapitre présentera les données recueillies sur le terrain en fonction du modèle d’analyse retenu. Finalement, le dernier chapitre de ce mémoire présentera l’analyse des données recueillies. Nous répondrons donc à la question de recherche en présentant nos conclusions sur les deux hypothèses de recherche et nous discuterons des deux objectifs de ce mémoire.

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3

CHAPITRE

1

PROBLÉMATIQUE

DE

RECHERCHE

Le présent projet consiste à déterminer si les gestionnaires du réseau de la santé et des services sociaux québécois remettent en cause leur modèle de représentation collective dans le contexte de transformation de leur travail, et advenant une réponse positive à la dernière question, quelle alternative désirent-ils. C’est d’ailleurs, dans le contexte de l’adoption de la Loi modifiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l’abolition des agences régionales que nous tenterons de comprendre les enjeux de ce groupe.

Le présent projet fait suite à un projet de recherche réalisé à l’automne 2015 par Jean-Noël Grenier et François Bolduc à la demande de l’AGESSS. Le contexte particulier suite à l’adoption de la Loi 10 a amené l’AGESSS à réfléchir aux meilleures manières de protéger les intérêts de ses membres. C’est d’ailleurs pour cette raison que les écrits de mes co-directeurs seront mobilisés à maintes reprises au cours de mon mémoire.

Il apparaît essentiel, dans un premier temps, de faire un retour en arrière afin de situer la nouvelle réforme instaurée par Gaétan Barrette et de comprendre ses fondements. C’est pourquoi, dans ce premier chapitre, nous ferons un rappel historique du système de santé et de services sociaux québécois et nous tracerons l’évolution de sa gestion. Par la suite, nous présenterons les caractéristiques sociodémographiques des gestionnaires du réseau de la santé et des services sociaux afin de bien comprendre la position particulière qu’ils occupent. Il incombe également de présenter le modèle de représentation collective qui régit les gestionnaires membres de l’Association des gestionnaires des établissements de santé et de services sociaux (AGESSS) afin de situer leur rapport de force dans la détermination de leurs conditions de travail. Puis, nous présenterons les principales conséquences de la Loi 10 sur les gestionnaires. Nous terminerons ce chapitre par la présentation de la question de recherche.

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1.1. Historique du système de santé et de services sociaux du Québec

Le système de santé et de services sociaux qui prévalait avant les années 1960, était caractérisé par un très faible interventionnisme de l’État (Renaud, 1977). En fait, c’était des groupes privés qui avaient comme principale tâche l’administration du système de santé. À cette époque, le clergé était l’acteur central en ce qui concerne la gouvernance et la gestion des hôpitaux et ce dernier possédait la plupart des établissements hospitaliers (Guérard, 2000; Renaud, 1977). Qui plus est, le faible interventionnisme étatique en matière de santé se traduisait aussi sur le financement du système. En fait, à l’époque, une très faible part du financement des hôpitaux provenait de l’État (Rivard et al., 1970). Ceux-ci étaient financés par le paiement des usagers, les dons de l’Église, de la communauté religieuse propriétaire ou de particuliers (Laurin, 1996).

Il est important de rappeler que le Québec a été gouverné par l’Union Nationale de Maurice Duplessis de 1936 à 1939 et de 1944 à 1959. La vision de ce chef a été, sans aucun doute, l’un des facteurs qui a contribué à la continuité de la privatisation du système de santé québécois. De toute évidence, le désir de ce gouvernement était de maintenir et même d’élargir l’emprise cléricale dans les secteurs de l’éducation, de la santé et des services sociaux. En ce sens, le gouvernement de Maurice Duplessis partage les orientations idéologiques de l’Église et adopte des politiques favorables aux intérêts cléricaux (Rouillard, 1997).

Sous le régime de Duplessis, certaines congrégations religieuses avaient construit de véritables systèmes de santé, ce qui fait dire à Petitat : « nous ne sommes plus en présence d’une petite organisation communautaire, mais bien d’une multinationale de la charité » (Petitat, 1989, p.51). Devant l’ampleur du réseau créé et dirigé par les communautés religieuses, celles-ci veulent garder les pouvoirs durement acquis au fil des années et prônent le statut quo. À ce sujet, Guérard (2000) souligne que le discours du clergé soutient la non-intervention de l’État dans le domaine de la santé (Guérard, 2000). Toutefois, lorsque cela l’avantage, il semble que le clergé soit favorable à l’intervention étatique (Guérard, 2000).

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Par ailleurs, les années quarante et cinquante sont marquées par une lutte entre Québec et Ottawa. Bien que l’Acte de l’Amérique du Nord Britannique édicte la santé comme étant une compétence provinciale, le gouvernement fédéral tente de s’y immiscer (Bolduc, 2013). Ainsi, celui-ci tente, à plusieurs reprises, de faire adopter certains programmes, tels que le régime universel de soins médicaux. Plusieurs raisons amènent le gouvernement fédéral à poser ce geste, entre autres, « la détermination de certains individus, la pression des syndicats, la situation financière de certains hôpitaux, les plateformes électorales des partis politiques fédéraux, la capacité fiscale du gouvernement fédéral […] » (Renaud, 1977, p.130). En revanche, les fortes contestations des provinces ont amené les tribunaux à juger cette action inconstitutionnelle. Dès lors, la stratégie privilégiée par le gouvernement fédéral est d’adopter des programmes de subventions conditionnelles pour les provinces (Desrosiers, 1999). Il va de soi que le gouvernement Duplessis va résister aux actions du gouvernement fédéral et va refuser d’adhérer au programme d’assurance-hospitalisation proposé par ce dernier (Renaud, 1977).

Tout bien considéré, au cours des années 1944 à 1959, le gouvernement de Maurice Duplessis n’avait pas pour objectif la création de nouveaux programmes sociaux. Ce dernier considérait que le système de santé ne nécessitait aucun changement profond et soulignait l’importance des religieuses dans le système en affirmant qu’elles « y jouent un rôle clef » (Rouillard, 1997, p.166). Effectivement, le conservatisme et le traditionalisme qui caractérisent l’Union Nationale font en sorte que cette dernière adopte une position de statut quo et réitère son appui aux communautés religieuses. Pour tout dire, il semble que l’intervention de l’État, dans cette période, ait pour principal objectif de favoriser l’initiative privée (Renaud, 1977). En dépit de cela, le secteur de la santé va connaître un développement sans précédent et ce, par le biais de conditions favorables à l’initiative privée (Bergeron et Gagnon, 2003; Demers, Dumas et Bégin, 1999).

En 1960, après 16 ans de régime conservateur au Québec, l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement libéral marque le début de la Révolution tranquille. Le célèbre slogan de l’époque était « être maîtres chez nous » (Bélanger, 1992, p.50). L’arrivée au pouvoir du gouvernement libéral de Jean Lesage modifie complètement la position du Québec face à la

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proposition du gouvernement fédéral concernant la création d’un régime public et universel de soins médicaux. Les libéraux sont catégoriques : ils souhaitent que le Québec adhère à la proposition fédérale par rapport au régime universel d’assurance-hospitalisation (Bélanger, 1992). Dès lors, les libéraux implantent l’assurance-hospitalisation en 1961 et tente de se faire voir comme des grands réformistes (Renaud, 1977). La situation qui prévalait à l’époque était particulière, puisqu’une partie des Québécois, les mieux nantis, bénéficiaient d’assurances privées, individuelles ou collectives et les plus pauvres pouvaient compter sur l’État ou la charité privée (Bélanger, 1992). En conséquence, les Québécois de classe moyenne ne bénéficiaient d’aucune aide et devaient payer eux-mêmes, les frais hospitaliers (Bélanger, 1992). Ainsi, il faut reconnaître que la Loi sur l’assurance hospitalisation2 a

révolutionné la société en permettant une plus grande accessibilité aux soins et une laïcisation du système de santé avec l’arrivée de nouveaux gestionnaires d’hôpitaux (Bergeron et Gagnon, 1994). Par ailleurs, l’adoption de la Loi sur l’assurance hospitalisation crée de véritables chamboulements au sein du système de santé. En adoptant cette loi, le gouvernement libéral a consenti à prendre en charge, avec l’aide du gouvernement fédéral, le financement des hôpitaux. Certes, en s’engageant à financer le système de santé, le gouvernement libéral se différencie grandement de son prédécesseur, l’Union Nationale, qui favorisait le faible interventionnisme de l’État. À ce sujet, Petitat (1989) écrit :

« Du jour au lendemain, les hôpitaux qui auparavant survivaient grâce à des payeurs multiples (patients, assurances, donateurs, fondations, États…) se retrouvent devant un payeur quasi unique […] le nouveau système améliore l’accessibilité aux hôpitaux et dote ces derniers de ressources élargies, mais il les met en même temps sur la défensive. Car le payeur unique […] exercera peu à peu un droit de regard sur les affaires intérieures des hôpitaux. Conserver un peu de l’ancienne marge d’autonomie deviendra la hantise de tous les établissements, face aux fonctionnaires qui interrogent les orientations » (Petitat, 1989, p.79).

L’adoption de la Loi sur l’assurance hospitalisation a fait en sorte que les services les plus onéreux, dispensés à l’hôpital, étaient payés par l’État, mais les citoyens devaient encore payer leur rendez-vous lors des visites chez leur médecin de famille (Bélanger, 1992). Face

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à cette situation, le gouvernement se rendit compte qu’il avait peut-être mal penser son projet au départ. Ainsi, vers la fin des années 1960, le gouvernement fédéral décida de créer un régime d’assurance-maladie afin de payer les services de premières lignes (Bélanger, 1992). L’Union Nationale de Johnson défait le Parti libéral lors des élections et décide d’instaurer, en 1966, une commission d’enquête sur la santé et le bien-être social, communément appelée la commission Castonguay-Nepveu (Bergeron et Gagnon, 1994) afin « de retarder de façon élégante l’adoption du programme » d’assurance-maladie (Renaud, 1977, p.132).

La Commission Castonguay-Nepveu publie un rapport qui contient des centaines de recommandations pour le gouvernement. Elle se fonde sur une approche structuro-fonctionnaliste des organisations qui sous-tend que le système est un vaste ensemble intégré qui tente d’atteindre des objectifs de santé tout en assumant des fonctions administratives (Bergeron et Gagnon, 2003). Comme le souligne la Commission :

« on propose de rationaliser le système par un plus grand engagement des autorités publiques dans l’administration et l’organisation des services de santé, afin de véritablement coordonner, intégrer et planifier le personnel, les programmes et les établissements » (Renaud, 1977, p.136).

Dans cette optique, les commissaires proposent la mise en place d’un système de santé composé d’un ensemble de « sous-systèmes de production de soins et de régulation technocratique » (Bergeron et Gagnon, 2003, p.18). Ce système d’organisation et de contrôle devrait être composé de trois paliers, le palier central, le palier régional et le palier de la dispensation des soins (Bolduc, 2013).

Le premier palier fait référence au ministère de la santé. Ce dernier aurait deux responsabilités, c’est-à-dire, l’élaboration des objectifs généraux du régime de santé, d’une part et le contrôle des dépenses publiques, d’autre part (Québec, 1970). Le deuxième palier concerne le déplacement des pouvoirs, appartenant auparavant au ministère de la santé à une instance régionale (Bolduc, 2013). En régionalisant les soins de santé et les services sociaux, le gouvernement créait un découpage du territoire en trois grandes régions dirigées par un office régional de santé (ORS) (Gaumer et Fleury, 2007). En ce qui a trait au dernier palier, soit celui de la dispensation des soins, les commissaires tracent un portait plutôt négatif du

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fonctionnement des établissements de santé et des modes de gestion qui y sont utilisés. En fait, selon eux, les hôpitaux québécois sont encore dans une logique d’entreprises privées, plutôt que dans une logique d’administration publique. À cet égard, les commissaires écrivent : « Les hôpitaux ont une longue tradition d’entreprises privées […] les contributions provenant des deniers publics ne modifient pas le caractère essentiellement privé et parcellaire du processus de décision » (Québec, 1970, p.99). Il va de soi que la principale conséquence de cette logique privée en santé est un manque d’intégration et de coordination entre les établissements et le ministère de la santé. Ils en viennent donc à dire que les hôpitaux « fonctionnent encore d’une façon très indépendante sans relation précise avec les autres établissements hospitaliers de la ville ou de la région » (Québec, 1970, p.102).

Dans la foulée des recommandations faites par la Commission, le gouvernement libéral de Robert Bourassa décide d’adopter le programme d’assurance-maladie proposé par le gouvernement fédéral (Bergeron et Gagnon, 2003). De ce fait, la création du ministère des Affaires sociales et l’adoption de la Loi sur les services de santé et les services sociaux3

officialisent le ministère comme étant « le seul maître d’œuvre des services sociosanitaires » (Desrosiers, 1999, p.11). Qui plus est, celle-ci prévoit la création de Conseils régionaux de la santé et des services sociaux (CRSSS), de Départements de santé communautaire (DSC) et de Centres locaux de services communautaires (CLSC) (Guérard, 1996). Bien que leurs tâches soient multiples et très peu définies, il semble que l’on « compte sur ces organismes pour qu’ils développent les ressources communautaires ; qu’ils encouragent la population à participer à la définition de ses besoins sanitaires et à la résolution des problèmes soulevés ; qu’ils obtiennent la collaboration de tous les intervenants […] » (Guérard, 1996, p.84). L’expansion qu’a connu l’État québécois dans les années 1960 et 1970 a amené une forte croissance des dépenses publiques et ainsi, plusieurs questionnements sur la part des dépenses en santé dans les finances publiques. En fait, les années 1980 sont marquées par « un contexte économique plus difficile » et certains y voient même une « remise en cause de l’État-providence » (Guérard, 1996, p.101). Face à ce contexte difficile, les « gouvernements

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provinciaux créent des commissions d’enquête sur les services de santé afin de faire le point sur l’offre de services et les coûts de leur système » (Bergeron et Gagnon, 2003, p.24). Dès lors, le Parti Québécois s’engage, dès 1985, à une révision des politiques et met sur pied une commission d’enquête composée de douze membres, avec à sa tête Jean Rochon (Bergeron et Gagnon, 2003). De toute évidence, la démarche utilisée et les suggestions contenues dans le rapport Rochon sont en continuité avec ce qui a été fait depuis les quinze dernières années (Québec, 1988, p.XI). Ainsi, le mandat de celle-ci est :

« d’évaluer le fonctionnement et le financement du système de santé et de services sociaux connexes […] d’étudier les diverses solutions possibles aux différents problèmes que connaît le système et de faire au gouvernement les recommandations qui lui semblent les plus appropriées » (Québec, 1988, p.706-707).

Au terme de ses travaux, la Commission Rochon constate les transformations rapides de la société québécoise, la complexité du réseau, l’émergence des organismes communautaires, l’importance de la prévention, de la promotion de la santé et du bien-être et finalement, la nécessité de maintenir la jonction entre les dimensions sanitaire et sociale (Bélanger, 1992). Le constat de la Commission est simple : il existe un écart majeur entre les propositions de la Commission Castonguay-Nepveu et ce qui a été réellement mis en place (Bolduc, 2013).

Dans son rapport, la Commission Rochon trace le portrait d’un système de santé et de services sociaux sclérosé, aux prises avec de multiples conflits entre professionnels et entre établissements (Bolduc, 2013). Ce sont ces conflits qui ont causé le caractère « discontinu, incomplet et impersonnel des services dispensés » tout en accentuant la place de second plan qui est réservé aux citoyens (Québec, 1988, p.409). Ainsi, les commissaires en viennent à dire :

« Tout se passe comme si le système était devenu prisonnier des innombrables groupes d’intérêts qui le traversent : groupes de producteurs, groupes d’établissements, groupes de pression issus de la communauté, syndicats, etc. ; que seule la loi du plus fort opérait et que les mécanismes démocratiques d’arbitrage ne suffisaient plus; que la personne à aider, la population à desservir, les besoins à combler, les problèmes à résoudre, bref le bien commun, avaient été oubliés au profit des intérêts propres à ces divers groupes » (Québec, 1988, p.407).

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En outre, la Commission Rochon dénonce la compétition qui existe entre les établissements. Selon eux, cette compétition est le reflet de l’emprise que veulent les directions d’établissements afin d’accroître leur « empire organisationnel » (Québec, 1988, p.419). En plus, il semble y avoir un manque de communication flagrant au sein même des établissements. En fait, l’information est souvent détenue par les échelons supérieurs et ces derniers ne la partage pas aux cadres intermédiaires (Bolduc, 2013). Ainsi, les cadres intermédiaires ne sont pas informés et consultés lors de la prise de décision (Québec, 1988). Au final, les commissaires ne reçoivent pas les appuis qu’ils avaient espéré face aux recommandations qu’ils ont émis. La majorité des groupes organisés s’opposent à ce rapport, sauf les centrales syndicales (Gaumer et Desrosiers, 2004; Renaud, 1989). De son côté, le gouvernement libéral n’est pas plus emballé par les résultats de la Commission, ce qui amène la ministre de la santé de l’époque, Thérèse Lavoie-Roux, à réaliser une nouvelle tournée de consultation au printemps 1988 (Bolduc, 2003). Ce que va présenter le gouvernement libéral en avril 1989 est semblable à ce qui avait été fait par la Commission quelques temps auparavant, ce qui fait dire à Renaud (1989), que la proposition du gouvernement est « proche de l’esprit, voire souvent de la lettre, des recommandations de la Commission » (Renaud, 1989, p.33). Somme toute, ce qui se dégage de la Commission Rochon et de la tournée de consultation réalisée par la ministre de la santé, est que « le réseau de la santé et des services sociaux s’ajuste difficilement à l’évolution des besoins des citoyens » (Québec, 1990, p.13). En 1994, le Parti Québécois est de retour au pouvoir après plus de 8 ans dans l’opposition officielle. Jacques Parizeau nomme Jean Rochon au poste de ministre de la santé et des services sociaux. Déterminé à changer les choses, Jean Rochon tente de réaliser une réorganisation du système basé sur le rapport qu’il avait lui-même réalisé en 1988. Ainsi, il tente d’exécuter un virage ambulatoire axé sur les soins à domicile. Par contre, il doit affronter un contexte très difficile, puisque le nouveau chef du Parti Québécois, Lucien Bouchard a comme priorité l’assainissement des finances publiques et l’atteinte du déficit zéro (Bolduc, 2013). De telle sorte que la mise en œuvre de la réforme Rochon sera grandement négligée.

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Cet assainissement des finances publiques entraînera « des réductions et des réaménagements budgétaires dans toutes les missions gouvernementales » (Bergeron et Gagnon, 2003, p.26). Ainsi, les sommes allouées en santé diminueront considérablement à partir de 1995-1996 et durant trois années financières, respectivement de 2,3%, 2,9%, 4,0% (Bédard, 2000). Ces réductions budgétaires amèneront le ministère de la santé et des services sociaux vers deux grandes réformes, à savoir le virage ambulatoire et la reconfiguration du réseau.

D’une part, le virage ambulatoire « vise à réduire la part de services donnés en milieu institutionnel » (Demers, Dumas et Bégin, 1999, p.216). Les services offerts en milieu institutionnel sont très onéreux pour le gouvernement, ce qui l’amène à penser qu’un virage ambulatoire pourrait avoir des conséquences positives sur les finances publiques. Autrement dit, l’objectif du ministre de la santé est de « diminuer le plus possible le recours à l’hospitalisation et à favoriser une prestation de services plus efficiente et plus adaptée aux besoins des patients vivant dans leur milieu naturel » (Bergeron et Gagnon, 2003, p.26) afin de réduire les coûts. Ce virage ambulatoire est l’une des transformations majeures de la réforme entrepris par le gouvernement à l’époque et celle-ci est perçue par plusieurs auteurs comme étant « la première transformation significative du financement et de l’organisation du système de santé » (Bourque et Leruste, 2010, p.106).

D’autre part, la reconfiguration du réseau « vise à accroître l’efficience administrative » (Demers, Dumas et Bégin, 1999, p.216). Il va de soi que cette reconfiguration engendre des transformations considérables dans le réseau hospitalier. Suite à cette reconfiguration, des fermetures d’hôpitaux, des conversions de ces derniers en établissements de soins longue durée, des fusions d’établissements et une révision sur les modes d’allocation et d’utilisation des ressources ont eu lieu (Guérard, 1996). En outre, le gouvernement mettra en place un programme de départ à la retraite volontaire afin de réduire l’objectif total de 7325 postes à temps complet (Bolduc, 2013). Cela dit, ce sera 16 570 postes à temps complet qui disparaîtront (Boivin, 2003).

Le virage ambulatoire et la reconfiguration du réseau ont été des mesures vivement critiquées, ce qui a quasiment fait perdre le pouvoir au Parti Québécois lors des élections de

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1998. Toutefois, le gouvernement de Lucien Bouchard est resté au pouvoir et a nommé Pauline Marois comme nouvelle ministre de la santé et des services sociaux. Le contexte économique de l’époque était plutôt favorable, ce qui permettra à la nouvelle ministre de faire des « réinvestissements ciblés pour améliorer l’accès aux services » (Bergeron et Gagnon, 2003, p.27). C’est ainsi qu’elle décida de réinjecter de l’argent dans divers domaines de la santé et qu’elle créa, en 2000, une nouvelle commission sur l’avenir de système de santé (Bolduc, 2003).

La commission Clair aura pour mandat de « tenir un débat public sur les enjeux auxquels fait face le système de santé et de services sociaux et proposer des avenues de solution pour l’avenir » (Québec, 2000, p.i). Dans son rapport, les commissaires font trente-six recommandations et cinquante-neuf propositions concernant le système de santé et de services sociaux québécois (Bolduc, 2013). Plus précisément, son mandat attrait à deux thèmes particuliers, c’est-à-dire le financement et l’organisation des services (Québec, 2000, p.1).

La commission Clair est différente des autres commissions ayant été mises sur pied dans le passé. Alors que la commission Castonguay-Nepveu prônait la « démocratisation de l’accès aux soins de santé » (Noreau, 2008, p.217), la commission Rochon favorisait « le maintien des acquis dans le domaine » (Noreau, 2008, p.217), la commission Clair s’intéresse plutôt à « la fonctionnalité du système, son ajustement aux ressources disponibles et son adaptation aux réalités concrètes des praticiens et des établissements » (Noreau, 2008, p.217). À cet égard, les commissaires soutiennent :

« la multiplication des possibilités d’interventions, de plus en plus coûteuses, est confrontée aux limites de la volonté ou de la capacité financière de la collectivité. Accepter que les ressources de toute société ont des limites conduit à la nécessité de chercher les meilleurs résultats et donc à faire des choix à tous les niveaux d’un système de santé » (Québec, 2000, p.iii).

La Commission Clair ne met pas de côté les valeurs sur lesquelles le système devrait reposer. Toutefois, elle mise sur les moyens concrets à utiliser afin que ces valeurs se concrétisent. À ce propos, Noreau (2008) souligne que « les valeurs qui ont servi de référents lors de la mise

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en place du réseau sont évidemment rappelées, mais elles sont réinterprétées en fonction des finalités concrètes du système » (Noreau, 2008, p.218). Il est important de souligner que cette notion de « moyens concrets » afin d’assurer la pérennité du système transcende l’ensemble du rapport. En fait, les ressources du réseau de la santé et des services sociaux sont limitées, d’où l’importance pour les commissaires de mettre l’emphase sur les deux obligations primordiales, soit « faire des choix et performer » (Québec, 2000, p.v). Dès lors, les commissaires proposent :

« […] de faire face à ces deux obligations — choisir et performer — avec une nouvelle vision d’avenir plutôt qu’avec la nostalgie des anciens paradigmes. Nous proposons à tous les acteurs une sorte de « big bang » dans les idées et la manière de voir, au-delà des trop nombreuses ornières et œillères que nous avons progressivement développées » (Québec, 2000, p.vi).

Rapidement, les commissaires affirment vouloir dépasser les clichés afin de « proposer des modèles concrets de réorganisation des services » (Québec, 2000, p.vi). En ce sens, l’objectif des commissaires n’est pas de présenter un rapport ordonné et cohérent, mais plutôt d’offrir des solutions pratiques qui sont applicables afin de répondre aux besoins de la population. À ce sujet, Jacob (2001) écrit :

« Le produit reflète le processus suivi pour développer le rapport : un groupe de commissaires diversifié, un échéancier très court et, finalement, une démarche libératoire essentiellement fondée sur des consultations ouvertes. Ceci donne un rapport où les problèmes et les solutions semblent résulter du tri et des arbitrages effectués par les commissaires […]. En conséquence, les problèmes font l’objet de constats mais sont rarement documentés et les solutions semblent plus souvent des pistes d’action que des actions bien définies. La Commission a bien développé une vision globale des enjeux confrontant le système de santé, mais elle a eu peu de temps pour l’appliquer systématiquement à l’ensemble et pour articuler en un tout cohérent les propositions qu’elle présente sur les nombreux sujets abordés » (Jacob, 2001, p.61).

De ce fait, il est difficile de faire ressortir les recommandations de la Commission Clair. Cependant, on y retrouve certaines propositions prééminentes.

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Dans la première partie du rapport, les commissaires abordent le cadre de réflexion de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) afin de proposer leur vision pour la prochaine décennie. En plus, les commissaires mettent de l’avant les finalités du système de santé pour les Québécois, soient « prévenir, guérir, soigner » (Québec, 2000, p.7).

Dans la seconde partie du rapport, la Commission aborde l’organisation des services en soulignant l’importance de « passer à l’action » (Québec, 2000, p.21). Selon les commissaires, l’organisation des services reflète la réalité des années 1970. En ce sens, ils déplorent la valorisation à outrance de la « pratique professionnelle individuelle, l’autonomie juridique et budgétaire de chaque établissement [et] le fonctionnement en « silos » (Québec, 2000, p.25) puisque cela a des impacts sur l’accès aux services pour les citoyens et la continuité du service offert pour les professionnels (Québec, 2000). De ce fait, les commissaires recommandent, entre autres, que le volet social du réseau de première ligne relève des CLSC (Québec, 2000, p.44) et que le volet médical de ce réseau de première ligne soit assumé par les groupes de médecine familiale (Québec, 2000).

Dans la troisième partie du rapport, la Commission parle des ressources humaines du réseau en insistant sur l’importance de développer les compétences et de raviver la fierté (Québec, 2000). La commission trace un portait sombre de la situation du réseau de la santé en affirmant qu’un sentiment général d’insatisfaction, d’épuisement et de morosité, combiné avec un fort taux d’absentéisme découlant de problèmes de détresse psychologique au travail domine au sein des ressources humaines (Bolduc, 2013). Selon les commissaires, la gestion des ressources humaines est devenue synonyme d’application stricte de convention collective sous la surveillance des syndicats (Québec, 2000). À cet égard, les commissaires soutiennent :

« Au bout du compte, chacun est ainsi prisonnier du « système » qu’il a largement contribué à créer. Pressés par des exigences de toutes sortes, les gestionnaires se retrouvent sans marge de manœuvre dans un domaine où la plus grande souplesse serait requise alors que les travailleurs, eux-mêmes dépouillés de responsabilité en matière d’organisation locale du travail, en viennent à perdre le sens de leur contribution, le sens de leur travail » (Québec, 2000, p.115).

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Dans ce contexte, ils proposent que les « principaux acteurs du secteur de la santé et des services sociaux […] reconnaissent l’urgence d’agir pour contrer l’état de morosité et de démobilisation du personnel du réseau » (Québec, 2000, p.119) et qu’ils se donnent un projet d’organisation « de type projet d’entreprise » (Québec, 2000, p.119). De plus, ils proposent la reconnaissance pleine et entière du rôle stratégique des directeurs généraux en renforçant leur marge de manœuvre et leur imputabilité (Québec, 2000). Par le fait même, ils recommandent une rémunération basée sur les résultats (Québec, 2000), que le processus de dotation prenne en compte le critère de la compétence (Québec, 2000) et finalement, que les modalités relatives à l’organisation du travail soient négociées de manière locale (Québec, 2000).

Dans la quatrième partie du rapport, le financement public est examiné par la Commission. Le slogan de cette partie est « la performance au service de la solidarité » (Québec, 2000, p.133). Dans cette section, les commissaires mettent l’accent sur la vulnérabilité du financement fiscal et recommande l’adoption de certaines mesures budgétaires (Québec, 2000). De plus, ils proposent que le gouvernement procède à des évaluations du panier de services des assurés, les nouvelles technologies et les nouveaux médicaments (Québec, 2000).

Enfin, dans la dernière partie du rapport, la gouverne est évoquée par la Commission et l’objectif principale est alors de « clarifier les rôles [et] renforcer l’imputabilité des dirigeants » (Québec, 2000, p.199). Dès le début de cette section, les commissaires dénoncent le malaise évident que plusieurs acteurs du réseau vivent. En fait, les équipes de gestion locales et les équipes cliniques considèrent être mis à l’écart de la prise de décision qui les concerne (Québec, 2000). De plus, la Commission réitère le fonctionnement en « silos » de certains établissements, rappelant que cela engendre l’isolationnisme et des « guerres de clocher » entre ces derniers (Québec, 2000, p.200). Il va de soi, pour la Commission, que les établissements doivent adhérer à certains principes directeurs, tels que la responsabilité populationnelle, la territorialité, l’imputabilité, la subsidiarité, la gestion et la participation des citoyens (Québec, 2000, p. 202-203; Couillard, 2003a, p.13). Essentiellement, ce que la

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Commission recommande est l’adoption d’une gouverne unique pour les établissements de première ligne.

Le rapport de la Commission Clair sera bien accueilli par le gouvernement au pouvoir à l’époque, le Parti Québécois dirigé par Lucien Bouchard et quelques mois plus tard, par Bernard Landry. Ce dernier entame donc une modification du réseau, selon les recommandations faites par les commissaires, d’où la création de groupes de médecine de famille (Gaumer, 2008). De plus, dès 2001, la Loi sur la santé et les services sociaux est modifiée afin d’y intégrer la reddition de compte et la gestion par résultats.

L’arrivée au pouvoir du Parti Libéral dirigé par Jean Charest en 2003 a créé une véritable onde de choc au sein du système de santé et de services sociaux québécois. Rapidement après son arrivée au pouvoir, le ministre de la santé et des services sociaux, Philippe Couillard se voit confier « le mandat de réformer le système de santé et de services sociaux québécois » (Bolduc, 2013, p.33). Pour ce faire, celui-ci entend favoriser un projet d’intégration des services au sein du réseau de la santé et des services sociaux. Les objectifs attendus avec ce projet sont majeurs et très vastes. En fait, l’intégration des services va permettre « [d’] offrir aux citoyens des services plus accessibles, mieux coordonnés, plus personnalisés et sans rupture » ; « [d’] assurer une meilleure prise en charge des personnes » ; « [de] rapprocher la prise de décision de ceux qui offrent les services ou qui les utilisent » ; « [de] donner aux gestionnaires des moyens qui encouragent l’esprit d’initiative et favorisent le dynamisme » et bien plus encore (MSSS, 2004, p.7). Dès lors, Philippe Couillard viendra apporter des changements structurels importants au réseau de la santé en créant les lois 25, 30 et 83.

De prime abord, la volonté du gouvernement est d’augmenter significativement l’intégration des services, ce qui a des conséquences majeures sur la structure du réseau. En décembre 2003, le ministre Couillard adopte la Loi sur les agences de développement des réseaux locaux de services de santé et de services sociaux4 (Loi 25). Celle-ci « vise une plus forte

décentralisation vers le palier local » (St-Pierre, 2009, p.182) afin de « rapprocher les services de la population et [de] faciliter le cheminement des personnes dans le réseau de la santé et

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des services sociaux » (MSSS, 2004. p.9). Effectivement, cette loi élimine les régies régionales pour les remplacer par des agences de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux (St-Pierre, 2009). Ces nouvelles organisations ont pour mission, la mise en place de l’organisation des services de santé et des services sociaux intégrés sur leur territoire (Bolduc, 2003). Dans cette optique, les agences décident de créer des réseaux locaux de services de santé et de services sociaux (RLS) « au sein desquels on retrouve l’ensemble des dispensateurs de services de santé et de services sociaux du territoire » (Bolduc, 2003, p.33).

Ce projet d’intégration des services sera guidé par deux principes. Le premier principe est la responsabilité populationnelle qui prévoit que « les différents intervenants offrant des services à la population d’un territoire local seront amenés à partager collectivement une responsabilité envers cette population, en rendant accessible un ensemble de services le plus complet possible » (MSSS, 2004. p.9). Le deuxième principe, quant à lui, est la hiérarchisation des services et fait référence à une meilleure complémentarité des services afin de faciliter le cheminement de l’usager entre les services de première, de deuxième et de troisième ligne » (MSSS, 2004. p.10).

Au sein de chaque réseau local de services de santé et de services sociaux (RSL) se trouve des nouveaux types d’établissement, nommés « centre de santé et de services sociaux » (CSSS) (Bolduc, 2013, p.34). De plus, ces nouvelles entités sont le résultat de la fusion d’un ou de plusieurs centres locaux de services communautaires (CLSC), centre d’hébergement et de soins longue durée (CHSLD), centres hospitaliers (CH) (Bolduc, 2003). Au terme de la réforme, ce sera quatre-vingt-quinze CSSS qui seront créés au sein des quatre-vingt-quinze RSL (Bolduc, 2013).

Ces larges fusions ont eu comme principale conséquence, la diminution du nombre d’établissement au sein du réseau de la santé et des services sociaux, passant de 458 établissements en 2004 à 294 en 2009 (St-Pierre, 2009). Il est important de comprendre la distinction établie entre la notion « d’établissement » et « d’installations ». À ce sujet, St-Pierre (2009) souligne :

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« que les établissements sont des entreprises qui gèrent des installations, celles-ci sont des lieux physiques où sont offerts des soins de santé et des services sociaux à la population du Québec » (St-Pierre, 2009, p.65).

Ainsi, la diminution du nombre d’établissement n’a pas engendré une diminution du nombre d’installations, puisque ces dernières ont vu leur nombre rester relativement stable (St-Pierre, 2009). Cependant, le ratio du nombre moyen d’installations par établissement a connu une augmentation majeure, passant de 2,7 en 1990 à plus de 8,4 en 2008 (St-Pierre, 2009).

Ces quatre-vingt-quinze nouveaux établissements se voit confier la responsabilité de gérer l’organisation des services au sein de leur territoire. Autrement dit, ils doivent coordonner « les activités des producteurs de services (établissements ou professionnels) qui sont destinées à la population de son territoire, en créant des liens au moyen d’ententes ou d’autres modalités » (MSSS, 2004, p.12). Toutes ces activités ont comme objectif d’assurer « l’accessibilité, la prise en charge, le suivi et la coordination des services destinés à la population du territoire local » (MSSS, 2004, p.12).

Dans la lignée des changements entamés par le ministre Couillard, ce dernier adopte, du même coup, le projet de Loi 30 que l’on appelle aussi la Loi sur les unités de négociation dans le secteur des affaires sociales et modifiant la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans le secteur public et parapublic5 (Loi 30). Selon le ministre

Couillard plusieurs éléments doivent être pris en compte afin de s’assurer de la réussite du projet d’intégration des services. L’un de ses éléments est certainement la gestion et la mobilisation des ressources humaines, d’où l’importance de poser des actions structurantes afin d’ « accroître la disponibilité et la mobilisation des ressources humaines, pour faciliter leur répartition et leur rétention dans les différentes régions et pour favoriser un meilleur partage des responsabilités entre les différents professionnels visés » (MSSS, 2004, p.21).

La Loi 30 est très singulière dans la mesure où les implications qu’elle engendre ont une incidence sur les ressources humaines, les relations de travail et l’organisation du travail au

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sein du réseau. En fait, celle-ci limite le nombre d’unités de négociation pouvant être constitué et décentralise la négociation de certaines matières, telles que les horaires de travail et les remplacements (Couillard, 2003b).

D’une part, le ministre de la santé de l’époque considère qu’il existe un trop grand nombre d’unités de négociation dans le secteur de la santé et des services sociaux, ce qui amène des « complexités énormes » et une « rigidité […] dans la prestation des services (Couillard, 2003b, p.9). En plus d’avoir fixé la limite d’unités d’accréditation par établissement à quatre, la Loi 30 prévoit, à son article quatre, la composition de chacune des unités d’accréditation selon les différentes catégories de personnel. D’autre part, la Loi 30 prévoit la décentralisation de la négociation plusieurs matières qui concerne l’organisation du travail. Au final, ce sera vingt-six matières qui seront décentralisées (Bolduc, 2013). Cette mesure a pour objectif d’optimiser l’utilisation des ressources humaines et de valoriser le travail accompli (Couillard, 2003b). Selon Couillard, cette décentralisation va permettre aux acteurs locaux de prendre « en main des éléments d’organisation du travail liés aux activités quotidiennes pour les adapter à leur réalité » (Couillard, 2003b, p.10). En fait, les gestionnaires locaux auront une marge de manœuvre plus grande en ce qui a trait à l’organisation du travail des employés sous leur responsabilité.

Après avoir réalisé des changements structuraux aussi majeurs dans le système de santé et de services sociaux, il va de soi qu’une révision de la Loi sur la santé et les services sociaux s’est avérée nécessaire. De ce fait, le ministre Couillard entreprend une « mise à jour du cadre législatif en santé et services sociaux » (Richard, 2005, p.8) et adopte en novembre 2005, le projet de loi 83, communément appelé, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d’autres dispositions législatives6 (Loi 83).

L’objectif principal de cette loi est de « clarifier les responsabilités des différents paliers du système de santé et de services sociaux québécois » suite aux changements structurels liées à la Loi 25 (Bolduc, 2013, p.38). Dès lors, cette loi d’harmonisation souligne la responsabilité

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du ministère d’élaborer une vision nationale des besoins socio-sanitaires, de déterminer les objectifs généraux du système de santé et d’élaborer des mécanismes de coordination au niveau national (Couillard, 2005). Quant aux agences, leur principale responsabilité est l’arbitrage régional, l’allocation des ressources financières et humaines et l’organisation des services spécialisés (Bolduc, 2013). En ce qui concerne le palier local, la Loi 83 confirme la responsabilité des CSSS de coordonner les activités et les services offerts par les RLS (Bolduc, 2013).

Après l’élection de Philippe Couillard à titre de premier ministre du Québec en avril 2014, Gaétan Barrette est nommé ministre de la santé et des services sociaux. Dès son arrivée en poste, ses intentions sont claires : favoriser une reconfiguration du réseau bien plus vaste que ce qui a été réalisé jusqu’à maintenant afin d’en améliorer l’efficience et de diminuer les coûts qu’il engendre. Ainsi, il adopte la Loi modifiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l’abolition des agences régionales (Loi 10). Celle-ci s’inspire grandement des principes du Nouveau Management Public. À cet égard, Amar et Berthier (2007) soulignent :

« L’idée principale du NMP est que les méthodes de management du secteur privé, supérieures à celles du secteur public, peuvent lui être transposées. Le secteur public est jugé inefficace, excessivement bureaucratique, rigide, coûteux, centré sur son propre développement […], non innovant et ayant une hiérarchie trop centralisée » (Amar et Berthier, 2007, p.3).

Le ministre de la santé et des services sociaux considère que la Loi 10 est nécessaire afin de régler les dysfonctionnements du réseau (Barrette, 2014). Ces dysfonctionnements sont, entre autres, l’excès de bureaucratie, le manque d’accès en première ligne, le manque d’accès à différents paliers, la manque de coordination et même les chicanes de clocher (Barrette, 2014). Dès lors, la réforme Barrette propose une reconfiguration majeure du réseau. À ce sujet, le ministre de la santé et des services sociaux écrit :

« [la présente réforme] à simplifier les structures, à améliorer l’accès, à atteindre une fluidité sans faille, dans notre système, de l’accès à la première ligne jusqu’à […] l’hospitalisation et, […] à la convalescence, en passant par les services sociaux, centres jeunesse et ainsi de suite » (Barrette, 2014, p.2).

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Selon Contandriopoulos et al. (2014), la Loi 10 a trois principaux objectifs, soit l'amélioration de l'accessibilité des soins ; l’amélioration de la qualité des soins et finalement, l'amélioration de l'efficience (Contandriopoulos, Perroux, Brousselle et Breton, 2014). Il va de soi que de telles modifications ont eu lieu dans un contexte où l’atteinte à l’équilibre budgétaire est la priorité du gouvernement (Barrette, 2014).

Tout d’abord, cette simplification des structures passe par une modification de la gouvernance à trois paliers pour une gouvernance à deux paliers seulement (Barrette, 2014). La réforme propose donc l’abolition du palier intermédiaire, ce qui signifie l’abolition des agences régionales. En fait, le ministre de la santé et des services sociaux ne semble pas convaincu de l’utilité de ces agences et considère qu’elles entraînent parfois des problèmes entre les décisions ministérielles et le service au patient (Barrette, 2014).

De plus, la réforme de 2015 impose la création de nouvelles structures, c’est-à-dire, les centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) et les centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS). Ces nouvelles structures (CISSS et CIUSSSS) résultent de la fusion, précédemment effectuée avec la réforme de 2003, des CLSC, des CHSLD et des CH, auxquels on ajoute les centres de réadaptation (CR), et les centres de protection de l’enfance et de la jeunesse (CPEJ) (Bolduc, Grenier, Parent-Sirois, 2016). Au total, il s’agit de 13 CISSS et 9 CIUSSS qui résulteront du processus de fusion (MSSS, 2016). À cet égard, le ministre souligne que :

« le ministère aurait donc la responsabilité de définir les priorités, les orientations et les politiques nationales, de planifier et de coordonner les services nationaux » et les CISSS doivent mettent « en œuvre des orientations ministérielles […] sous le signe de l’imputabilité » (Barrette, 2014, p.3).

D’ailleurs, la réforme Barrette pourrait permettre une diminution marquée du nombre d’établissements qui ont une fonction de gestion dans notre réseau, passant de 182 établissements à 28 établissements (Barrette, 2014). Qui plus est, la réforme prévoit un remaniement majeur au niveau des postes de gestion. En fait, « la multiplication des cadres et des structures » (Barrette, 2014, p.5) semble être chose du passé avec la réforme Barrette

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laissant une plus grande place au désir d’avoir une « administration unique » (Barrette, 2014, p.5).

En ce sens, il va de soi que la réforme du ministre Gaétan Barrette de 2015 pousse plus loin les changements précédemment entamés par Philippe Couillard en 2003.

1.2. Évolution des modes de gestion en santé

L’historique du réseau de la santé québécois, réalisé précédemment, démontre les changements majeurs qui ont eu lieu en matière de santé et de services sociaux au Québec. Ces changements se sont accompagnés de vives critiques à l’égard des modes de gestions utilisés. De telle sorte que la gestion a connu, elle aussi, une évolution marquée.

Au cours des années 1940-1950, le secteur hospitalier va connaître un développement important et ce, malgré la faible intervention du gouvernement provincial (Deschênes, 1994; Guérard, 1996). Rappelons-le, avant les années 1960, la gestion interne des hôpitaux était confiée principalement à des infirmières qui appartenaient aux communautés religieuses. À cette époque, il existait deux lignes d’autorité au sein des hôpitaux, soit le pouvoir administratif et le pouvoir médical (Bolduc, 2013). Le pouvoir administratif était confié aux religieuses et se caractérisait comme étant une organisation matriarcale hiérarchique (Laurin, 1996). Dit autrement, cela signifie que l’autorité était très centralisée et qu’un petit nombre de personnes la détenait (Laurin, 1996). Le principal enjeu de l’époque en ce qui concerne la profession d’infirmière est certainement leur désir d’augmenter leur autonomie par rapport aux médecins qui détiennent l’autre partie du pouvoir, le pouvoir médical (Bolduc, 2013).

Comme le clergé détenait une grande partie du pouvoir, celui-ci n’avait pas établi de règles strictes en ce qui concerne la gestion des rapports sociaux. En fait, à l’époque, la gestion des rapports entre les personnes allait selon le bon vouloir des directions, composées essentiellement de membres du clergé. C’est ainsi que Laurin (1996) affirme que cette gestion se fonde :

« sur des normes et des principes formels, mais une marge considérable est laissée à l’arbitraire de la direction. On oscille entre le despotisme et la sagesse, la

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bienveillance et la tyrannie : en somme, une ambiance on ne peut plus familiale » (Laurin, 1996, p.98).

En d’autres termes, la direction de chaque établissement gère comme bon lui semble ses activités. À ce sujet, Petitat (1989) caractérise l’organisation des hôpitaux comme étant une bureaucratie maison et il écrit :

« Cette structure, avec ses «lignes d’autorité» bien définies, ses rapports de subordination typiques de la bureaucratie, possède encore un caractère maison; elle est habitée par un esprit de famille, lequel est entretenu par un personnel relativement stable ou dont la rotation, dans le cas des élèves infirmières, est réglée et fixée d’avance. Cette stabilité est surtout accrue aux échelons supérieurs, et elle est évidemment accrue par la présence des communautés religieuses » (Petitat, 1989, p.127).

Au cours des années quarante et cinquante, on commence à observer des modifications dans la gestion et l’administration des hôpitaux avec l’arrivée d’employés laïcs et la syndicalisation croissante des salariés (Demers, Dumas et Bégin, 1999). Ces nouveaux employés laïcs permettent aux hôpitaux d’avoir des employés qualifiés. Effectivement, ces derniers font principalement de la gestion de personnel et de la gestion budgétaire (Demers, Dumas et Bégin, 1999). Dès lors, ils ont très peu de pouvoirs et sont soumis aux religieuses. À cet égard, Demers, Dumas et Bégin (1999) écrivent :

« Au Québec, de l’après-guerre au début des années 60, les gestionnaires laïcs sont des acteurs de second plan. Nouveaux venus dans l’arène hospitalière, subordonnés à l’autorité dominante des religieuses ou d’un CA, confrontés à une organisation médicale puissante, hiérarchisée et en lien direct avec les autorités de l’établissement, les gestionnaires se chargent de l’intendance financière et administrative, mais guère plus » (Demers, Dumas et Bégin, 1999, p.206).

Un grand mouvement de développement a eu lieu au sein du ministère de la santé dans les années 1960. Celui-ci se voit donner un caractère central dans l’organisation et la régulation du secteur socio sanitaire (Gaumer et Fleury, 2007). Ceci implique donc une perte de pouvoir du clergé, ce qui va causer un grand mécontentement de la part des communautés religieuses. C’est d’ailleurs pour contrer la résistance des communautés religieuses que le gouvernement libéral de Jean Lesage adopte la Loi des hôpitaux en 1962 (Laurin, 1996). Cette loi, en plus

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d’avoir exproprié les religieuses, va avoir des impacts importants sur la laïcisation du personnel administratif (Bergeron et Gagnon, 1994). Suite à son adoption, elle amène « une relève de la garde sur une vaste échelle […] à la direction des hôpitaux » (Demers, Dumas et Bégin, 1999, p.207). Bien que les gestionnaires laïcs arrivent dans les hôpitaux, du côté de la dispensation des soins, ce sont encore les infirmières qui gèrent le personnel (Petitat, 1989). En revanche, au cours des années qui suivent, on observe de plus en plus de jeunes professionnels, majoritairement des hommes, ayant étudier en gestion et en relations industrielles, au sein du réseau (Deschênes, 1994). C’est pour cette raison que Deschênes affirme qu’ « une nouvelle technicité pénétrait le milieu hospitalier : une technicité proprement managériale. La gestion se substituait à la charité et au bénévolat et implantait sont approche rationaliste » (Deschênes, 1994, p.83). Comme le souligne Renaud (1977) :

« Les années 1960 auront donc vu l’État québécois, après bien des délais et des luttes, se substituer graduellement au marché privé […] cette présence de l’État […] institutionnalisa néanmoins le rôle de l’État en tant que responsable et de la santé de la population et des soins aux malades, chasse privée, jalousement gardée pendant si longtemps » (Renaud, 1977, p.133).

De surcroît, les années 1960 sont marquées par les recommandations de la Commission Castonguay-Nepveu. En ce qui a trait à la gestion qui prévaut au sein du système de santé, les commissaires constatent l’utilisation d’anciens modes de fonctionnement au sein des établissements, plutôt que l’utilisation de méthodes modernes de gestion. À ce propos, ils soulignent l’ « absence de hiérarchie structurée de l’autorité » (Québec, 1970, p.101). Les commissaires proposent la décentralisation de la gestion des établissements et la reconnaissance des gestionnaires par les professionnels de la santé afin de régler ce problème (Bolduc, 2013). Ceci implique que le rôle des gestionnaires soit reconnu par les professionnels de la santé (Bolduc, 2013). À ce sujet, les commissaires soulignent :

« La reconnaissance du rôle des spécialistes en gestion dans les centres de santé est très récente et elle est loin d'être acquise à tous les niveaux de gestion, ou dans tous les services. Cela exige une modification de l’attitude des professionnels de la santé qui doivent se rendre compte de l’importance d’une gestion efficace. Les professionnels de la santé ne peuvent assurer eux-mêmes cette gestion parce qu’ils n’y sont pas préparés, et le statut professionnel n’entraîne pas automatiquement la compétence en ce domaine » (Québec, 1970, p.73).

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Le contexte économique difficile auquel le secteur de la santé est confronté au cours des années 1980 lève le voile sur les problèmes de gestion qui cause une grande inefficacité au sein du réseau (Renaud, 1989). La situation qui prévaut dans le milieu des années quatre-vingt est décrite par Demers, Dumas et Bégin (1999) dans ces termes :

« Malgré les contraintes budgétaires, malgré la rhétorique du réseau et les appels à la complémentarité, les directions d’établissements maintiennent leur individualisme, légitimés de le faire par la poursuite de leur mission. Chaque établissement se place dès lors en concurrence avec les autres pour l’obtention de budgets et de mandats additionnels. Le cloisonnement des services qui en résulte engendre duplications et discontinuités » (Demers, Dumas et Bégin, 1999, p.212).

C’est dans ce contexte que la Commission Rochon est mise en place. Selon les commissaires, les carences du système sont dues à l’écart majeur entre les propositions de la Commission Castonguay et ce qui a été réellement mis en place (Bolduc, 2013). La Commission Rochon ne remet pas en cause les fondements du système de santé public, mais bien son fonctionnement et sa gestion (Bolduc, 2013). Certes, elle ne remet pas en cause l’importance d’un système de santé public, mais souligne tout de même la nécessité de réorganiser le système en utilisant les principes du Nouveau Management Public (Bourque et Leruste, 2010). Les commissaires sont catégoriques : le problème ne provient pas du travail réalisé par les gestionnaires, mais plutôt le système de gestion utilisé au sein du réseau (Québec, 1988). Le problème réside donc dans l’ensemble de règles que les gestionnaires doivent suivre, puisque ces dernières ont pour conséquence de diminuer leur autonomie (Bolduc, 2013). À ce sujet, les commissaires écrivent :

« Submergés par les directives sans cesse plus nombreuses du Ministère, impuissants à contrôler leurs finances, incapables de composer avec des conventions collectives négociées centralement, et obligés, dans le cas des hôpitaux, de gérer des médecins qui pour la plupart sont des entrepreneurs privés, les gestionnaires sont confrontés à un défi à peu près impossible à relever : administrer malgré les contraintes qui réduisent à presque rien leur marge de manœuvre financière et organisationnelle. Les administrateurs sont ainsi devenus au fil des ans, des gérants de conventions collectives et de directives plutôt que des gestionnaires de ressources humaines » (Québec, 1988, p.413).

Figure

Tableau 1 : Caractéristiques des entrevues
Tableau 3 : Dimensions et indicateurs du concept de représentation  collective
Figure 1 : Modèle d’analyse
Tableau 5 : Caractéristiques des répondants
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