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L’éducation idéale et le système-modèle

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Academic year: 2021

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L’éducation idéale et le système-modèle

Thèse

Chantal Bouchard

Doctorat en administration et évaluation en éducation

Philosophiæ doctor (Ph.D.)

Québec, Canada

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L’éducation idéale et le système-modèle

Thèse

Chantal Bouchard

Sous la direction de :

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Résumé

Les réformes du système d’éducation constituent le principal moyen d’action pour l’améliorer et l’adapter. Même si elles permettent des adaptations ponctuelles aux changements, les réformes ne correspondent pas toujours aux attentes des acteurs du milieu, de la population, des autres systèmes. Cette thèse aborde justement les paradoxes ou les problématiques qui caractérisent les systèmes d’éducation à notre époque. Elle examine l’évolution de la conception de l’éducation et les idées véhiculées dans les discours des acteurs ou des groupes d’acteurs. L’agrégation des idées ou des éléments de référence symboliques, notamment la structure de ces éléments, ont des effets sur la détermination du système d’éducation. Considérant que la société est composée de systèmes qui opèrent selon un mode de différenciation fonctionnelle, et que le système d’éducation est confronté à cette dynamique, sa capacité à se déterminer dans cette conjoncture est au cœur du propos de la thèse. Comment les systèmes d’éducation font face aux enjeux politiques, économiques et sociaux ? Dans les sociétés complexes qui constituent notre environnement, quelles conceptions de l’éducation coexistent ? Notre idéal humaniste est-il toujours considéré comme une finalité de l’éducation ?

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Abstract

Reforms of the System of Education have been the concrete and the ultimate way to adapt and to improve regarding the actual challenges of our societies. Obviously, those adaptations do not satisfy neither all the partners, nor all the actors and users. This research examines the oppositions and the concerns that emerge from this situation, looking at the discourse of the actors to understand the systems of ideas that are driving and orienting the milieu : students, teachers, administrators and employers. According to the functionally differentiated systems, the aggregation of ideas plays a role. These symbolic structures participate in the determination of a system. Education System is facing this conjuncture and its capacity to determine itself is the main core of the thesis. How Education System manages social, economic and politic stakes ? Into complex societies like ours, what conception of Education coexists ? Is the human ideal still considered as a finality of Education ?

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Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... iv

Table des matières ... v

Liste des tableaux ... x

Liste des figures ... xi

Liste des abréviations et des sigles ... xii

Remerciements ... xv

Introduction ... 1

Chapitre 1. Présentation de la thèse. Considérations théoriques et méthodologiques ... 8

Introduction au chapitre 1 ... 8

1.1 Problématique ... 10

1.1.1 Une éducation idéale pour une société idéale ... 10

1.1.2 Hypothèse ... 18

1.2 Recension des écrits ... 19

Introduction à la recension des écrits ... 19

1.2.1 Le concept d’éducation ... 19

1.2.1.1 Mythe, utopie et idéologie ... 21

1.2.2 Conception de l’éducation dans les sociétés traditionnelles ... 24

1.2.2.1 Références à l’histoire des valeurs éducatives dans l’antiquité gréco-latine ... 24

1.2.2.2 Retour sur l’histoire des valeurs éducatives et éléments pertinents pour la thèse ... 34

1.2.3 Conception de l’éducation au Siècle des lumières ... 40

1.2.3.1 L’éducation morale ... 42

1.2.3.2 L’éducation à la citoyenneté ... 44

1.2.3.3 L’organisation de l’instruction publique ... 48

1.2.4 Conception de l’éducation dans les sociétés modernes ... 51

1.2.4.1 Éléments caractéristiques de la modernité ... 51

1.2.4.2 Éducation et société ... 59

1.2.4.3 L’éducation au cœur des affrontements idéologiques ... 62

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1.2.5 Éducation, société et système ... 73

1.2.5.1 Valeurs et systèmes de valeurs ... 73

1.2.5.2 Évolution de la conception de l’éducation ... 75

Conclusion sur la recension des écrits ... 77

1.3 Cadre théorique et méthodologie ... 79

1.3.1 Une méthode enracinée dans l’objet de la recherche ... 79

1.3.2 L’évolution de la société selon la théorie des systèmes sociaux de Luhmann ... 83

1.3.2.1 Quelques concepts associés à la différenciation fonctionnelle des systèmes ... 89

1.3.3 L'individualisme méthodologique et le changement social ... 97

1.3.3.1 Sélection des valeurs et systèmes d'idées ... 97

1.3.3.2 Les activités de communication : analyse du discours ... 102

1.3.4 La collecte et l’analyse des données ... 114

1.3.4.1 Analyse comparative et méthode interprétative ... 114

1.3.4.2 La collecte des données ... 116

1.3.4.3 Les grilles d’analyse ... 126

Conclusion du chapitre 1 ... 131

Chapitre 2. Le système d’éducation différencié fonctionnellement ... 134

Introduction au chapitre 2 ... 134

2.1 L’évolution des structures symboliques en éducation ... 136

2.1.1 Les formules de contingence ... 136

2.1.1.1 La perfectibilité de l’humanité ... 139

2.1.1.2 L’éducation et tout ce qui l’entoure (Bildung) ... 141

2.1.1.3 Apprendre à apprendre ou l’éducation tout au long de la vie ... 144

2.1.2 Le rôle des activités de communication dans un système différencié fonctionnellement ... 146

2.2 Système d’éducation et réflexivité ... 149

2.2.1 La détermination par la reconnaissance symbolique ... 150

2.2.2 L’absence de réflexivité ... 153

2.2.2.1 Différenciation du système par l’intégration de la contingence ... 153

2.2.2.2 Remise en question de l’unité du système ... 156

2.2.2.3 Un système fermé n’intègre pas la contingence ... 157

2.2.3 Réflexivité relativisée ... 159

2.2.3.1 Intégration des changements par le système ... 159

2.2.4 La technologie comme unité de différenciation fonctionnelle ... 161

2.2.5 Redéfinir un modèle sur la base des éléments de référence symboliques et de l’unité du système ... 166

(7)

Chapitre 3 Observations et analyses ... 170

Introduction au chapitre 3 ... 170

3.1 Les modèles de gestion internationaux : analyse des politiques d’éducation ... 173

Introduction à l’analyse de la série d’études de l’OCDE ... 173

3.1.1 Éléments de référence symboliques présents dans l’analyse des politiques ... 175

Tableau synoptique 1 Analyse des politiques d’éducation, OCDE, 1997 ... 177

Tableau synoptique 2 Analyse des politiques d’éducation, OCDE, 1998 ... 180

Tableau synoptique 3 Analyse des politiques d’éducation, OCDE, 1999 ... 183

Tableau synoptique 4 Analyse des politiques d’éducation, OCDE, 2001 ... 188

Tableau synoptique 5 Analyse des politiques d’éducation, OCDE, 2002 ... 193

Tableau synoptique 6 Analyse des politiques d’éducation, OCDE, 2003 ... 197

Tableau synoptique 7 Analyse des politiques d’éducation, OCDE, 2005 ... 205

Tableau synoptique 8 Analyse des politiques d’éducation, OCDE, 2006 ... 213

3.1.2 Analyse du discours véhiculé dans la série d’études de l’OCDE ... 218

3.1.2.1 Le message véhiculé, sa portée et sa structure ... 218

3.1.2.2 Hétérogénéité, regroupements et reproduction du discours ... 219

3.1.2.3 Structure des éléments de référence symboliques et corpus de valeurs ... 220

Conclusion de l’analyse des études de l’OCDE ... 221

3.2 Enseignement supérieur : le système collégial québécois ... 223

Introduction à l’analyse des documents d’orientation et de planification ... 223

3.2.1 Éléments de référence symboliques présents dans les énoncés de mission et les projets éducatifs ... 224

3.2.1.1 Les collèges privés ... 224

3.2.1.2 Les collèges publics ... 229

3.2.2 Éléments de référence symboliques présents dans les plans stratégiques ... 237

3.2.3 Analyse du discours véhiculé dans les documents d’orientation et de planification ... 247

3.2.3.1 Le message véhiculé, sa portée et sa structure ... 247

3.2.3.2 Hétérogénéité, regroupements et reproduction du discours ... 248

3.2.3.3 Structure des éléments de référence symboliques et corpus de valeurs ... 249

Conclusion sur l’analyse des documents d’orientation et de planification ... 250

3.3 Le sens donné par les acteurs : mémoires sur la gouvernance ... 253

Introduction à l’analyse du discours argumentatif ... 253

3.3.1 Les projets de loi ... 256

3.3.2 Les groupes d’acteurs ... 260

3.3.2.1 Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec ... 260

3.3.2.2 Association pour une solidarité syndicale étudiante ... 267

3.3.2.3 Fédération étudiante collégiale du Québec ... 270

(8)

3.3.2.5 Fédération des cégeps ... 275

3.3.2.6 Conférence des recteurs et des principaux des universités québécoises ... 278

3.3.3 Analyse du discours argumentatif ... 284

3.3.3.1 Le message véhiculé, sa portée et sa structure ... 284

3.3.3.2 Hétérogénéité, regroupements et reproduction du discours ... 285

3.3.3.3 Structure des éléments de référence symboliques et corpus de valeurs ... 297

Conclusion sur l’analyse du discours argumentatif ... 298

Conclusion du chapitre 3 ... 298

Chapitre 4 Constats sur le positionnement du système d’éducation au Québec ... 301

Introduction au chapitre 4 ... 301

4.1 Évolution de la conception de l’éducation au Québec ... 303

4.1.1 L’éducation avant la Révolution tranquille ... 303

4.1.2 Élaboration des politiques éducatives et du cadre normatif ... 309

4.1.2.1 De la réforme à la révolution ... 309

4.1.2.2 De la révolution à une succession de réformes ... 312

4.2 Éléments caractéristiques de l’indétermination ... 321

4.2.1 La différenciation du système d’éducation québécois : une transformation inachevée ... 321

4.2.1.1 Période de changements et crise des valeurs ... 322

4.2.1.2 Les systèmes d’idées qui orientent les choix et les décisions ... 325

4.2.1.3 La marchandisation de l’éducation, une finalité? ... 329

4.2.2 Le modèle autoritaire aux fondements de la conception de l’éducation ... 341

4.2.2.1 De l’autorité cléricale à l’autorité juridique et politique ... 341

4.2.2.2 L’organisation du système d’éducation : des modèles adaptés ... 345

4.2.2.3 Le rôle autoritaire de l’État ... 349

4.2.3 L’effet de reproduction... 353

4.2.3.1 La Révolution tranquille, une restructuration ... 354

4.2.3.2 Rénover le système d’éducation ... 357

4.3.2.3 La reproduction des processus, des effets et des tensions ... 364

Conclusion du chapitre 4 ... 371

Conclusion ... 375

Bibliographie ... 384

Publications gouvernementales ou organisationnelles ... 388

Articles de périodiques ... 391

Articles de journaux ... 392

(9)

Annexes ... 393

Annexe I : Modèle de grille d’analyse des études de l’OCDE ... 394

Annexe II: Modèle de grille d’analyse du discours basée sur l’approche modulaire ... 395

Annexe III : Grille d’analyse complétée : études de l’OCDE ... 396

Annexe IV : Grille d’analyse complétée : missions, projets éducatifs et plans stratégiques ... 397

Annexe V : Grille d’analyse complétée : mémoires des groupes d’acteurs ... 398

Annexe VI : Tableau synthèse des éléments contenus dans les plans stratégiques des cégeps... 399

Annexe VII : Schéma des activités d’assurance qualité des universités québécoises avant l’application du projet de loi 38 ... 403

Annexe VIII : Schéma des activités d’assurance qualité des universités québécoises après l’application du projet de loi 38 ... 404

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Liste des tableaux

Tableau 1. Caractéristiques des « crises de valeurs » auxquelles a donné lieu la modernité ... 69 Tableau 2. Un aperçu de la diversité des concepts utilisés en recherche qualitative ... 82 Tableau 3. Thèmes abordés dans la série Analyse des politiques d’éducation, de 1997 à 2005 ... 118 Tableau 4. Énoncés de mission ou projets éducatifs d’établissements d’enseignement collégial publics, répertoriés entre 2002 et 2004 ... 120 Tableau 5. Énoncés de mission ou projets éducatifs d’établissements d’enseignement collégial privés subventionnés, répertoriés entre 2002 et 2004 ... 122 Tableau 6. Plans stratégiques des cégeps, consultés entre 2004 et 2014 ... 123 Tableau 7. Mémoires produits par les associations d’étudiants et les associations professionnelles ou patronales à la suite du dépôt des projets de loi no 38 et no 44. ... 124

Tableau 8. Éléments de référence symboliques liés aux conceptions de l’éducation de Condorcet, Morin et Dewey ... 127 Tableau 9. Évolution du financement en enseignement supérieur ... 199 Tableau 10. Activités de 18 pays liées aux priorités stratégiques déterminées par l’OCDE en matière d’éducation en 2004 ... 210 Tableau 11. La position des acteurs en matière de gouvernance dans le débat sur les projets de loi no 38 et no 44... 286

Tableau 12. La position des acteurs en ce qui concerne le financement dans le débat sur les projets de loi no 38 et no 44 ... 290

Tableau 13. La position des acteurs au sujet de la qualité dans le débat sur les projets de loi no 38 et

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Liste des figures

Figure 1. Une illustration du métahumanisme : quelques exemples de courants de pensée qui ont été

associés à l’humanisme ... 66

Figure 2. Cycle de collecte et d’analyse des données ...115

Figure 3. Six scénarios d’évolution des systèmes d’éducation ...185

Figure 4. Plan stratégique 2005-2008 du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport ...238

Figure 5. Plan stratégique 2009-2013 du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport ...239

Figure 6. Schéma des éléments de référence observés dans les plans stratégiques des collèges québécois regroupés par thèmes ...241

Figure 7. Évolution de la structure des éléments de référence symboliques dans le système d’éducation québécois ...246

Figure 8. Les revendications de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante ...288

Figure 9. 1953 à 1974 : la création d’un ministère ...314

Figure 10. 1970 à 1986 : les effets d’une première réforme des programmes ...317

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Liste des abréviations et des sigles

ASSÉ Association pour une solidarité syndicale étudiante BCI Bureau de coopération interuniversitaire

CERI Centre for Educational Research and Innovation

CREPUQ Conférence des recteurs et des principaux des universités québécoises FNEEQ Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec FECQ Fédération étudiante collégiale du Québec

OCDE Organisation de coopération et de développement économique PISA Program for International Student Assessment

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(14)

Encore mobilisatrices il y a peu, les idéologies sommeillent. On parle, il est vrai, d’un nouveau libéralisme; en réalité, il ne s’agit pas du remplacement d’une idéologie par une autre, mais de la disqualification des vues d’ensemble au profit de l’État gérant. [...] Au surplus, l’humeur avec laquelle nous abordons nos difficultés n’est pas rassurante; bien des gens plaident pour des libérations de toutes sortes avec des rictus, une intolérance, des invectives qui donnent parfois à penser que le mot liberté, dans leur bouche, est un lapsus. Nous faisons souvent de même pour la mémoire collective : tout ce qui s’est passé avant 1960, c’est de l’idéologie, de la colonisation, de l’agriculturisme, sinon du racisme. Nous voilà nippés de neuf, mais on a un peu de mal à s’y reconnaître.

FERNAND DUMONT, Raisons communes, 1995

Égalité sociale, écologie, utopie, émancipation : en vogue dans les années 1970, ces thèmes nécessitent aujourd’hui, pour ceux qui s’entêtent à les porter après des décennies de glaciation libérale, la foi du charbonnier. On pourra en tirer des conclusions désabusées sur les temps que nous vivons et sur l’évolution de la société depuis quarante ans. On pourra aussi y voir une chance de donner à ces idéaux un contenu plus solide que jamais. Il était facile de s’en revendiquer à une époque de prospérité économique où, de surcroît, des franges non négligeables de la population aimaient à se proclamer révolutionnaires; sous des vents contraires, ces engagements subissent une épreuve de vérité.

MONA CHOLLET Manière de voir, août-septembre 2014

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Remerciements

Je suis arrivée à destination malgré un parcours non conventionnel parce que des personnes m’ont épaulée. Je remercie sincèrement le directeur de cette thèse, Alain Massot. Je remercie aussi mon conjoint, ma mère, ma belle-mère, et mes amies Louise, Lise et Andrée, pour leurs conseils et leurs encouragements.

(16)

Introduction

Tout au long de notre vie nous sommes habités par nos idéaux. Ils conditionnent les choix que nous faisons. Lorsque le réel rejoint l’idéal, il y a la satisfaction de l’objectif atteint et, même quand l’objectif n’est pas atteint, l’idéal donne un sens à notre action au quotidien. Piaget nous rappelle que l’idéal et le réel sont à la fois proches l’un de l’autre et éloignés : « Rien ne serait plus fâcheux, en effet, que de laisser aux élèves l’impression d’une trop grande distance entre l’état de fait et l’idéal poursuivi, sans qu’ils soient en état de comprendre les vraies raisons de cet écart. Or, qui les comprend réellement ? »1

Difficile en effet de cerner cet écart entre l’idéal et la quotidienneté, entre ce que nous avons vécu lors de notre parcours scolaire et le fait de basculer dans le marché du travail. Il est souvent difficile de continuer à évoluer dans notre milieu de travail en parfaite cohérence avec les apprentissages que nous avons faits lorsque nous étions étudiants. Entre ce que nous pensons de l’éducation et ce que notre entourage pense de l’éducation, il y a tout un monde… et l'expérience du marché du travail est aussi une forme d’apprentissage.

L'éducation est considérée au Québec et au Canada, comme dans beaucoup d’autres pays, comme une activité nécessaire à l’épanouissement de l’individu et au développement de la société. L'éducation contribue à assurer le respect des principes de justice et d’égalité propres aux civilisations occidentales. Devenue une

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institution, l’éducation poursuit sa mission, éduquer, et participe au projet de la société, notamment par l’intégration des individus au marché du travail.

Nous avons dépassé une certaine conception qui pourrait être qualifiée de réductrice de l’école. Nous admettons de plus en plus que l’apprentissage est possible dans plusieurs lieux ou espaces en dehors de l'école. De même, nous constatons que non seulement les enseignants, mais de nouveaux acteurs souhaitent avoir une influence sur le parcours scolaire, sur les solutions apportées aux problèmes d’apprentissage et sur les contenus transmis. Des parents veulent s’impliquer, unissent leurs voix et se prononcent sur certains enjeux. Les médias électroniques deviennent des moyens technologiques complémentaires à l’apprentissage, comme une référence au monde pour qui suit le fil de l’actualité. Les pairs jouent un rôle important dans l’éducation d’un individu, notamment sous l’angle des choix que fait ce dernier. Ces évidences n’étaient pas admises au Québec il y a 10 ou 20 ans.

En même temps, une certaine insatisfaction caractérise le discours sur l'éducation dans la société actuelle. La gratuité scolaire paraît être une impossibilité à l’université : l’éducation ne garantit pas une carrière; elle n'arrive pas à stopper la pauvreté. Les coûts associés au système d'éducation explosent. Les exigences de l'administration publique pèsent lourd sur le système d'éducation. Plusieurs dimensions de l'éducation et du système sont remises en question au regard de la qualité, de l'efficacité, du rendement. Et pour ajouter aux récriminations, l'éducation semble s'éloigner de sa finalité.

(18)

Les changements à l’école se produisent par les réformes qui introduisent de nouvelles matières à enseigner et de nouvelles manières d’enseigner. Mais il ne suffit pas d’ajouter des moyens et des outils. Selon Dewey, il faut transformer, faire de l’école « une vie communautaire embryonnaire dont les types d’activités reflètent la vie de la grande société, une vie communautaire qui soit totalement imprégnée de l’esprit de l’art, de l’histoire et de la science »2.

Plusieurs opposants aux réformes associent systématiquement le néolibéralisme à l’orientation prise par le gouvernement en matière d’éducation. Les pratiques administratives qui en découlent en témoignent : la performance, la mesure des résultats, l’optimisation des ressources. Elles visent un but précis : le rendement. L’idéologie néolibérale imposerait une certaine logique administrative à toutes les composantes du système d’éducation. Suivant ce raisonnement, le système s'orienterait désormais à partir des préceptes de cette idéologie. Dans ce contexte, nous sommes bien loin de la conception idéale et humaniste de l'éducation.

Ce détournement de l’idéal serait possible dans notre société, notamment à cause de la crise des valeurs que nous connaissons. Le néolibéralisme infiltrerait plusieurs systèmes sociaux et les valeurs qui ont assuré le développement de notre société démocratique seraient remplacées par ces visées économiques. Des acteurs du système d’éducation avancent que les orientations favorisent l’appauvrissement des familles et brisent des vies; qu’elles contribuent à créer des inégalités. Ils réclament

(19)

des mesures résolument sociales, dénoncent l’économie du savoir, demandent un financement adéquat pour l’enseignement et la recherche.

Les gouvernements adaptent la législation et cela a un impact sur le système d’éducation. La mondialisation, l’internationalisation des études et des diplômes, la mobilité de la main-d’œuvre, la succession des réformes témoignent de l'importance des changements. En même temps, un désintérêt chronique envers l’activité politique et l’administration publique se fait sentir. L’idéal, dans ce contexte, semble relégué aux oubliettes. Quel sens donner aux réformes éducatives axées sur la qualité dans ce contexte?

L’insatisfaction ou le sentiment d’échec3 a suscité l’intérêt de Raymond Boudon qui a

constaté que l'inégalité des chances persiste, malgré des systèmes d’éducation modernes, à cause de la rationalité des acteurs et des effets de système. Michel Freitag a démontré que le réalignement de la mission de l'université en fonction des lois du marché conduit au naufrage de cette institution qu’est l’éducation. Nietzsche a mis en évidence l’importance de s’assurer que la Bildung4 permet le

développement de l’individualité, pas seulement une éducation de masse. Et Edgar Morin nous sensibilise à la complexité du monde actuel et à l'importance d'y redéfinir la place de l'éducation.

3 Organisation de coopération et de développement économique, Analyse des politiques d’éducation

1998. Paris : OCDE, 1998, p.6. OECD iLibrary. Web. 2 septembre 2015.

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Le sociologue Niklas Luhmann a relevé quelques paradoxes du système d’éducation. Notamment, il a noté que la qualification nécessaire à l’entrée sur le marché du travail pose de moins en moins de problèmes pour les gens peu scolarisés. Le besoin de formation augmente, notamment parce que les attentes comportementales, les aptitudes, deviennent de plus en plus nécessaires à l’insertion sur le marché du travail. Malgré cela, les gens peu scolarisés intègrent le marché du travail dans une assez grande proportion. La formation à l’emploi ne diminue en rien cette contradiction, elle l’exacerbe plutôt. Plus qu’une réforme orchestrée autour de la pertinence des curriculums, c’est l’augmentation de la demande de formation en emploi et la qualité du système d’éducation qui ont des effets sur ce qui deviendra « l’éducation pour la carrière ».5

Cette thèse aborde les paradoxes ou les problématiques qui caractérisent les systèmes d’éducation à notre époque sous l’angle des idées véhiculées dans les discours des acteurs ou des groupes d’acteurs. L’insatisfaction des acteurs est le point de départ de notre questionnement et « dans des sociétés hautement complexes et différenciées qui sont les nôtres »6, l’insatisfaction prend diverses

formes. Nous analysons donc des discours et notre approche est systémique. Nous cherchons à cerner les systèmes d’idées par le repérage et l’agrégation des comportements (Boudon) et des codes de symboles généralisés (Luhmann). Ces comportements et ces codes sont désignés comme des éléments de référence

5 Niklas Luhmann et Karl E. Schorr, Problems of Reflextion in the System of Education (traduit par

(21)

symboliques7 et nous sommes intéressés, selon un point de vue systémique, par la

structure de ces éléments ou leur organisation dans un système.

Du point de vue de l’évolution des théories éducatives selon John Dewey ou sous l’angle des formules de contingence selon Niklas Luhmann, des événements ont marqué, à des périodes précises, la société et l’éducation. Ces deux auteurs, en des termes différents, ont fait ressortir les conceptions de l’éducation qui sont significatives pour qui veut comprendre et situer les enjeux contemporains. Ils retracent les fondements du concept à l’époque de la philosophie platonicienne, passant par la conception au Siècle des lumières et l’avènement de la modernité.

Ces retours historiques constituent une partie de la revue de littérature qui est complétée, dans le chapitre 1, par une courte présentation du cadre théorique et de la méthodologie. Le cadre théorique est exposé plus en détail au chapitre 2.

Le troisième chapitre présente les résultats de nos analyses. Dans un premier temps, nous avons fait ressortir les principaux éléments de référence symboliques tirés d’une série d’études de l’Organisation de coopération et de développement économique. Dans un deuxième temps, nous avons examiné des documents d’orientation et de planification des collèges québécois et des mémoires de groupes d’acteurs sur la gouvernance de l’enseignement supérieur au Québec.

Le chapitre 4 rassemble les différents constats que nous avançons en parallèle avec les constats de Luhmann. Les effets de l’évolution des structures symboliques

(22)

entrevus par Luhmann sont comparés aux structures des systèmes d’éducation actuels. Pour introduire les résultats de nos analyses, nous avons retracé l’évolution de la conception de l’éducation au Québec. Nous expliquons ensuite nos interprétations au regard des enjeux, de la gouvernance et des finalités éducatives.

(23)

Chapitre 1. Présentation de la thèse.

Considérations théoriques et

méthodologiques

Introduction au chapitre 1

Dans ce chapitre nous présentons le contexte dans lequel est né notre projet de recherche. Nous approfondissons notre questionnement et nous indiquons quelle voie sera empruntée pour effectuer la recherche et apporter des réponses à nos questions.

Nous avons observé que les principaux affrontements idéologiques qui se produisent lors des débats sur l’éducation débouchent sur des solutions qui ne règlent pas les problèmes soulevés. Certains problèmes se répètent d’un débat à l’autre, d’une réforme à l’autre. Cela soulève un certain nombre de questions étant donné les nombreuses insatisfactions face au système d’éducation, à son fonctionnement, à son financement.

À partir de ces préoccupations, nous avons cherché à étoffer notre compréhension des systèmes d’idées dominants ou qui influencent les acteurs du milieu de l’éducation lors des débats sur les enjeux de l’éducation. Considérant que le changement et la complexité qui marquent notre société ont un impact significatif sur le système d’éducation, nous estimons que pour que notre compréhension évolue,

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qu'elle soit plus complète, nous devons prendre en compte et traiter la complexité du monde actuel, de notre société et du système d’éducation.

La recension des écrits présentée dans ce chapitre nous permet d’éclairer la question des idéologies et de la conception idéale de l’éducation. Nous mettons en évidence des auteurs qui ont observé l’impact des changements dans notre société sous l’angle des crises de valeurs, du projet de société et d’histoire des visées éducatives ou des théories éducatives.

Selon une approche systémique, ces éléments sont liés aux systèmes de pensées, aux systèmes d’idées, en somme, aux structures symboliques. Selon la théorie des systèmes sociaux de Niklas Luhmann, ils ont une influence sur la façon dont les systèmes se déterminent dans la société. Cela démontre la place qu’occupe cette approche qui constitue notre cadre théorique, mettant l’emphase sur les éléments qui composent les formules de contingences et leur importance dans le contexte d’une société composée de systèmes différenciés fonctionnellement.

Le chapitre se termine par une présentation des références méthodologiques et des outils qui nous ont permis d’expérimenter notre cadre théorique par l’observation de divers groupes d’acteurs, précisément par l’analyse de leurs discours. Les données recueillies forment des corpus qui couvrent un horizon d’une dizaine d’années, de la fin des années 1990 jusqu’à la fin de la première décennie des années 2000.

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1.1 Problématique

1.1.1 Une éducation idéale pour une société idéale

Notre vie est marquée, au quotidien, par les grandes questions qui font la manchette et sur lesquelles les gouvernements légifèrent. Ces questions sont abordées sous différents angles qui sont autant d’enjeux sociaux, économiques et politiques, comme la pauvreté et la richesse, la mondialisation et la territorialité, les phénomènes de consommation de masse et la protection de la vie privée, l’utilisation des technologies de l’information, la religion, la famille, la santé, l’éducation. Notre vie est rythmée par ces phénomènes. Ils sont en quelque sorte interreliés. Et tout particulièrement en ce qui concerne l'éducation, le lien est particulier : il est plus complexe, il est bidirectionnel (fait des allers-retours et est à double sens), à la foi englobant, individuel et universel.

Notre participation à la vie en société, en tant qu’individu, se réalise par l’éducation. L’éducation commence dès l’enfance, plus ou moins encadrée. Puis l’école se charge de notre instruction et poursuit notre éducation. Après avoir tenu le rôle de l’étudiant, nous passons par d’autres rôles qui existent dans l’environnement du système d’éducation : le parent, l’employé, l’employeur.

La compréhension que nous avons des enjeux de société, des préoccupations propres à notre environnement, de notre rôle, passe par la connaissance. La connaissance de tout cela s’acquiert par l’éducation. L’éducation influence notre vie comme un phénomène social et notre éducation contribue à la compréhension que

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nous avons de notre vie et de la société. C’est pourquoi certains disent que l’éducation est la finalité de l’individu. Du moins, autant que le travail peut l’être.

Les idées de progrès, de perfectibilité et de sagesse sont véhiculées par l’éducation depuis les civilisations anciennes, notamment avec les sophistes de la Grèce antique ou les « prudents », adeptes de la jurisprudence dans l’Empire romain. L’éducation se définissait alors comme une quête : celle qui conduit à devenir un être meilleur, la quête du bonheur. La perfection et l'achèvement contribuent aussi à ce que les injustices et la malveillance disparaissent. Nous avons tous cette volonté de vivre dans un monde meilleur pour nous, sinon pour les nôtres. C’est un idéal, un but commun que l’on cherche à atteindre sans jamais y arriver définitivement.

L’éducation est, depuis que les communautés se sont organisées en civilisations, un moyen d’atteindre cet idéal, de progresser vers cette finalité. La connaissance de notre monde est nécessaire pour arriver au progrès. Lors du passage des sociétés traditionnelles8 aux sociétés modernes, une dimension s'est ajoutée à la conception

de l’éducation. Cette dimension est rattachée à l’organisation de la connaissance par la société, par le système d’éducation et par le progrès.

Le progrès dans la société actuelle est toujours fondé sur l’acquisition de connaissances nécessaires à l’organisation de la société, mais le cumul des savoirs est plus complexe parce que la connaissance s’ajoute aux acquis et aux construits. Il fait intervenir toujours plus de connaissances, il est orienté par des structures déjà

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expérimentées et mises en place. Ainsi, le système d’éducation évolue dans un monde où la complexité grandit et les frontières qui aident à se repérer se définissent différemment. À un point tel qu’Edgar Morin estime que les nouvelles réalités qui marquent notre monde actuel appellent une réforme de nos modes de connaissance et de pensée.

En effet, il constate que les systèmes d’idées, bien présents et bien réels, constituent une matière avec laquelle nous devons composer dans un monde complexe. Il explique, dans son ouvrage sur Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur comment il faut se prémunir contre les erreurs mentales, intellectuelles ou de la raison, et que cela ne peut être possible si les références à l’affectivité, aux perceptions, aux interprétations que génèrent les systèmes d’idées auxquels nous adhérons sont éliminées. Il souligne l’importance de la pertinence de la connaissance, notamment au regard de la capacité que nous avons à saisir les problèmes globaux et fondamentaux pour y inscrire les connaissances. Les principes qui sous-tendent une connaissance pertinente sont, selon lui, un problème capital et méconnu.

La connaissance des problèmes clés du monde, des informations clés concernant ce monde, si aléatoire et difficile soit-elle, doit être tentée sous peine d’infirmité cognitive. Et cela d’autant plus que le contexte, aujourd’hui, de toute connaissance politique, économique, anthropologique, écologique... est le monde lui-même. L’ère planétaire nécessite de tout situer dans le contexte et le complexe planétaire. La connaissance du monde en tant que monde devient nécessité à la fois intellectuelle et vitale. C’est le problème universel pour tout citoyen du

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nouveau millénaire : comment acquérir l’accès aux informations sur le monde et comment acquérir la possibilité de les articuler et de les organiser? Comment percevoir et concevoir le Contexte, le Global (la relation tout/parties), le Multidimensionnel, le Complexe? Pour articuler et organiser les connaissances, et par là reconnaître et connaître les problèmes du monde, il faut une réforme de pensée. Or, cette réforme est paradigmatique et non pas programmatique : c’est la question fondamentale pour l’éducation, car elle concerne notre aptitude à organiser la connaissance.9

L’éducation se présente comme un enjeu social et sociétal10, comme un moyen et

une fin, alors que la complexité impose un changement de paradigme à la réflexion que nous faisons au sujet de la société. L’éducation joue un rôle important lié à l’atteinte de notre idéal et constitue la principale attente que nous avons envers ce système et la société. L’un et l’autre sont habituellement associés lorsqu’il s’agit de nos espoirs, de nos attentes, de nos projets.

À titre d’exemple, la complexité fait en sorte qu’une personne peut avoir des attentes qui correspondent souvent à des intérêts et à des idéologies qui s’opposent : idéal ou conception de l’éducation/marché du travail; réformes administratives ou pédagogiques du système d’éducation/besoins des étudiants et des enseignants; système public d’éducation/néolibéralisme; mobilité et mondialisation/accessibilité à l’éducation gratuite.

9 Edgar Morin, Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur. Paris : Organisation des nations

unies pour l’éducation, la science et la culture, 1999, p. 15. Web. 8 septembre 2015. Repéré à

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Le système d’éducation contribue à l’intégration des individus sur le marché du travail et les individus ont diverses attentes au regard de cette intégration : la notoriété, la reconnaissance, la richesse, la liberté. Sans s’opposer directement, ces attentes varient considérablement entre le besoin de travailler et le désir d’être quelqu’un, d’être éduqué, d’avoir une carrière.

De même, le système d’éducation doit répondre à un certain nombre d’exigences provenant de l’administration publique. De ces exigences liées aux activités de l’État, notamment en ce qui concerne la gestion des fonds publics, découlent un certain nombre d’attentes des professeurs, des contribuables, des employeurs, des étudiants. Par exemple, les contribuables peuvent s’attendre à ce que le système d’éducation soit bien géré. Les professeurs s’attendent à ce que tous les moyens nécessaires et qui facilitent l’apprentissage soient disponibles et accessibles. Les étudiants s’attendent à ce que leur formation conduise au succès, à une vie en société qui est satisfaisante. Les divers acteurs font valoir leurs intérêts, chacun selon leurs objectifs.

Dans le même ordre d’idées, la mondialisation nécessite l’élaboration d’un processus de reconnaissance des diplômes pour faciliter la mobilisation des étudiants entre les différents pays. Ou encore, l’administration publique veut réduire ses frais de fonctionnement et améliorer la qualité des services publics, alors le système d’éducation doit se conformer aux nouvelles politiques du gouvernement.

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Le contrôle des dépenses de l’État passe par un contrôle de la gestion ou de l’administration. Cette situation engendre un resserrement des instruments qui servent à la reddition de comptes. Cet effet d’augmentation du contrôle de l’État se traduit par un ajout d’opérations et de contraintes administratives pour les administrateurs, par une hausse des frais de scolarité absorbée par les étudiants ou les parents et par la détérioration des conditions de travail des enseignants. Cette suite d’effets pervers se concrétise alors qu’au départ, l’objectif n’était pas de multiplier les situations contraignantes et dérangeantes.

Le financement de l’éducation est une problématique de plus en plus névralgique. Pour le moment, la gratuité de l’enseignement universitaire ne peut être envisagée au Québec. Pourtant, la gratuité serait peut-être une alternative qui permettrait, dans un contexte de reconceptualisation des structures du système d’éducation, de dénouer la problématique économique.

Lorsqu’une préoccupation est soulevée, la réponse passe presque toujours par une réduction des coûts liés à l’organisation, au fonctionnement du système, et les acteurs en font les frais : étudiants, enseignants, citoyens ou administrateurs. L’équilibre est fragile entre l’intervention de l’État, l’intervention du privé et le contribuable. Un léger déséquilibre risque de compromettre l’accessibilité à l’éducation, parce les frais sont devenus trop élevés ou parce que les installations sont désuètes.

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La société, le marché du travail et le fonctionnement de l’État se transforment, évoluent, et cela exerce une certaine pression sur le système d’éducation. Face à cette mouvance et à la diversité d’exigences nouvelles et anciennes qui s’opposent, le système d’éducation réagit : révision des mécanismes, réforme, états généraux, chantiers de travail, commissions d’études. Ensuite, ces adaptations créent, à leur tour, des effets pervers. Dans un contexte de différenciation fonctionnelle des systèmes sociaux, de nouvelles attentes se créent ce qui se traduit par de la contingence. Cela montre la complexité inhérente au système d’éducation et à son environnement.

Dans le contexte actuel, la complexité, l’adaptation du système d’éducation à la société par des réformes à répétition, sont autant d’inquiétudes et de problématiques qui suscitent de l’insatisfaction. Les changements qui affectent le système d’éducation sont nombreux. Certes, la marchandisation et le néolibéralisme créent une pression indue et imposent des changements aux systèmes sociaux, mais d’autres explications jettent un éclairage sur cette situation d’insatisfaction.

D’un point de vue systémique, le système d’éducation se trouve dans une situation de repositionnement. Il peine à répondre aux attentes de la société. Lorsqu’il s’y applique, il ne tient pas compte de l’idéal, des finalités de l’éducation; lorsqu’il refuse de s’adapter à son environnement, les autres systèmes s’approprient les lieux de diffusion et de transmission des connaissances. Le système d’éducation paraît incapable de fonctionner comme l’ensemble des sous-systèmes qui constituent le

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système social. Ce repositionnement doit être compris comme un état d’indétermination du système qui crée un mouvement de redéfinition.

Parce que le système d’éducation ne peut répondre à toutes les attentes, un constat général plutôt négatif est fait à la suite des réformes et autres solutions apportées aux maux du système d’éducation. À quoi bon fixer des objectifs si difficiles à atteindre? Quelle autorité peut imposer cette logique plus nuisible que bénéfique? L’opposition se crée dans un contexte d’insatisfaction, d’impuissance et en réaction au changement. Même si les orientations du gouvernement sont explicitées dans les documents, les effets pervers engendrés par la succession des réformes posent de réels problèmes.

Nous pensons que l’analyse des changements par l’observation de la structure des éléments de référence symboliques selon une approche systémique constitue un cadre théorique approprié pour mieux comprendre les insatisfactions que nous avons décrites.

Nous souhaitons donc jeter un éclairage sur des aspects moins discutés du système d’éducation et dépasser les observations qui montrent les problématiques comme une suite de relations insatisfaisantes entre des parties opposées dans un monde dominé par le système économique néolibéral. Cette prise de position fondée sur des oppositions est, en réalité, le point de départ de notre questionnement.

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1.1.2 Hypothèse

Nous postulons que le système d’éducation se trouve dans une situation d’indétermination par rapport à lui-même et par rapport aux autres systèmes, qu’il fait face à une redéfinition, à une re-conceptualisation. Il n’a pas toujours été dans cette position. La situation dans laquelle il se trouve est attribuée notamment à une transformation qui se situe au niveau des systèmes d’idées, de la conception, des grandes orientations et finalités en éducation, donc qui peut être analysée sous l’angle particulier des structures symboliques. Nous pensons qu’un examen particulier de ces structures peut nous permettre de cerner un ensemble de facteurs liés à la situation complexe du système d’éducation.

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1.2 Recension des écrits

Donc, je suis catholique. J'adhère par toutes mes surfaces à tout ce que l'Église enseigne formellement; là où le pluralisme d'opinions est autorisé, j'explore avec la lanterne que j'ai, sans prétention, et tenant bien peu au peu à quoi je tiens.

Le frère Untel, 1960 Comment peut-il être possible d’éduquer si l’influence de l’éducateur est nécessaire à celui que l’on éduque?

Joachim Ritter, cité dans Luhmann, 1984 (2010)

Introduction à la recension des écrits

Dans cette partie du chapitre 1, nous donnons un aperçu des études et des ouvrages qui abordent différents aspects liés à nos questions de recherche et qui réfèrent aux concepts introduits par notre hypothèse, comme la conception de l’éducation, l’évolution de la conception de l’éducation, la relation éducation-société-système, la structure des éléments de référence symboliques. Nous présentons aussi les définitions de quelques auteurs sur ce que nous considérons, dans notre recherche, comme des éléments de référence symboliques, notamment des valeurs11 ou des ensembles de valeurs, des systèmes d’idées, qui représentent un

idéal, un modèle, une utopie ou une idéologie.

1.2.1 Le concept d’éducation

D’un point de vue étymologique, « éducation » renvoie à un besoin qui naît avec l’enfant. L’enfant a besoin d’être nourri, conduit, guidé. Ce besoin est physique. Il répond aux manques créés par le froid, la faim, la soif, la peur. L’éducation réfère aussi à un besoin moral, l’acquisition des valeurs ou l’acquisition d’un savoir, qui

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rejoint l’esprit.12 La réponse aux besoins physique et moral nécessite l’intervention

de l’« Autre ». Selon Olivier Reboul (cité dans Morin & Brunet, 1990, p.13), l’action de former et son résultat comprennent donc le besoin initial, la réponse à ce besoin, ainsi que la création d’un besoin et de sa réponse. La formation et le résultat de la formation sont à la fois des actes innés et sociaux, naturels et structurés.

L’école reproduit un ensemble de valeurs plus ou moins organisées, qu’elle véhicule à travers ses activités programmées. L’image sociale est alimentée par ces valeurs. Les valeurs sont associées à des héritages idéologiques, à des utopies ou à des systèmes d’idées. Pour mieux cerner les valeurs véhiculées par l’école, Jean Houssaye les regroupe selon les référents symboliques suivants : le cognitif, l’affectif et le conatif.

Le référent cognitif correspond aux conceptions normatives, aux standards, et conduit à l’abstraction, à la représentation et à l’évaluation. Il comprend les valeurs organisées dans une société et celles reproduites par l’école. Le second référent, l’affectif, renvoie au désirable et par là même au normatif, car l’origine de la norme peut tout aussi bien être sociale, objective ou personnelle. Cette dimension comprend les valeurs collectives et individuelles associées à l’image souhaitée ou idéalisée d’une société.

Enfin, le référent conatif se situe dans l’action, notamment en ce qui concerne le processus de sélection des valeurs. Il marque le point d’équilibre ou l’origine de la

12 Lucien Morin et Louis Brunet, Philosophie de l’éducation I : qu’est-ce que les sciences de

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détermination des valeurs, soit l’école ou la société. Il comprend aussi la recherche d’un équilibre entre les valeurs des divers systèmes.13

1.2.1.1 Mythe, utopie et idéologie

L’école ou l’éducation sont un véhicule de valeurs plus ou moins structurées dont la fonction peut être comprise par le lien nécessaire entre l’école et la société. Les valeurs associées au référent affectif et normatif démontrent tout particulièrement la complexité de ce lien et sa fonction. Ces valeurs peuvent nous sembler moins techniques, moins organisées, mais elles jouent un rôle important dans la construction des systèmes d’idées. Le rêve, l’utopie, l’impossible ou le non réalisé se retrouvent dans ce registre de valeurs. Les valeurs qui en font partie constituent ce qu’on désigne comme étant un mythe.

Le mythe, avant de se positionner comme un système de référence, est un ensemble de valeurs sans structure. Il est particulièrement bien adapté au pluralisme. Il a la capacité de revêtir plus d’un sens (polysémie) et de servir plus d’un maître (polyvalence) selon le mode de la pensée organique (Bouchard, 2003, p. 58).

La plupart des utopies relèvent de la pensée radicale. Le monde idéal fait place nette des mondes existants, il est presque toujours minutieusement quadrillé, cadastré, la vie y est réglée dans les moindres détails, la raison y instaure des ordres immuables qui souvent laissent

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peu de place à la liberté des individus, dont les initiatives ou les dérèglements sont redoutés.14

Le système d’idées peut être à la fois « utopique », « idéal15 », « idéologique ». Les

idéologies s’approprient les idées relatives à un courant en particulier, à un système d’idée, les adaptent puis les rediffusent pour leurs propres fins. À titre d’exemple, le capitalisme a contribué à créer des structures basées sur des inégalités sociales et l’ethnicisme a été à l’origine de militarismes. Pourtant, comme l’explique Gérard Bouchard, ils proviennent du même berceau que les Lumières, le droit et la démocratie.16

Les utopies, avant de se matérialiser, sont un produit chimérique. L’idéologie vise le maintien de ce qui se pose comme système d’idées organisées; l’utopie, elle, ébranle cet ordre, met en doute cette organisation17. Il peut s’agir d’un système

d’idées dominant, autoritaire, désuet, dépassé.

La dimension symbolique est donc comprise et traitée comme une composante du système d’éducation. Elle est un aspect particulier du processus qui consiste à produire du sens, qui est idéologique.

D’après Mannheim, travailler avec l’idéologique, c’est tenter de cerner une configuration de facteurs qui organisent un ensemble d’idées et de sentiments.

14 Gérard Bouchard, Raison et contradiction. Le mythe au secours de la pensée. Montréal, Québec :

Éditions Nota Bene, 2003, p. 52-53.

15 Consulter le lexique pour obtenir des précisions sur l’utilisation de certains termes spécialisés. 16 Gérard Bouchard, Raison et contradiction, op. cit., p. 56.

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L’idéologique n’est pas un instrument aux mains de la classe dominante parce que ce n’est pas une chose qui peut appartenir à un groupe particulier du processus constitutif d’un type de société.18 Analyser l’idéologique c’est, selon Fernand

Dumont, analyser comment le sens est produit dans les conditions caractéristiques d’une société.

L’idéologique renvoie aux traces qu’il laisse dans la conscience des acteurs sociaux; l’idéologie est définie dans les documents écrits où elle est matérialisée. Les idéologies sont des schémas explicites constituant, aux fins de l’action à poursuivre, des définitions solidaires des situations et des groupes engagés.

Chaque groupe qui constitue la société a une image sociale qui lui est propre, comme un reflet de son identité.19 Pour bien cerner les éléments d’un système

idéologique, il s’agit de saisir l’image que projette un groupe, de la même façon que certains psychologues parlent de l’image du corps. Les éléments constitutifs de cette image se trouvent dans diverses manifestations ou expressions sociales (les normes, les lois).

Par exemple, un ensemble de valeurs alimentent le système économique : obéissance, hiérarchie, esprit de compétition individuelle, primauté de l’identité professionnelle, reconnaissance du rôle de l’agent et de la légitimité du profit. D’autres valeurs donnent une image de la société contemporaine : pluraliste,

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humaniste, égalitaire et démocratique.20 Il y a, enfin, les valeurs véhiculées par

l’école, qui ne sont ni celles de la société idéalisée ni celles de la société contemporaine, mais un ensemble qui comprend les deux.21

1.2.2 Conception de l’éducation dans les sociétés

traditionnelles

1.2.2.1 Références à l’histoire des valeurs éducatives dans l’antiquité

gréco-latine

L’organisation de l’éducation dans les sociétés traditionnelles était étroitement liée à la culture. Les croyances et les connaissances issues des techniques étaient les principaux contenus appris. L’éducation consistait à « transmettre aux enfants les croyances, règles de vie, savoir agir des ancêtres ».22 La transmission des

croyances et des savoirs, ainsi que l’importance que prenait le rituel dans cette activité formative, assurait la reproduction de la société, une société tribale, et contribuait à assurer sa survie.

Lorsque les civilisations se sont développées dans les sociétés antiques (l’Égypte ancienne, la Grèce antique, l’Asie et le Moyen-Orient), chacune arborait une structure sociale particulière. La transmission des connaissances et le savoir lié aux structures sociales se sont diversifiés et ont évolué. La notion de survie, comme finalité de la communauté, a été intégrée à un ensemble de préoccupations liées au « savoir-vivre en société ». Mougel constate qu’un changement s’est opéré entre la

20 Jean Houssaye, Les valeurs à l’école, op. cit, 1992, p. 134. 21Ibid., p. 32.

22 Philippe Mougel, Quand la sagesse ne fit plus école… Généalogie des valeurs éducatives dans

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transmission du savoir dans la société traditionnelle et la conception de l’éducation dans la société civilisée. Il qualifie cette évolution de passage d’une éducation communautaire23 à une éducation fondée sur l’autorité.

Dans les sociétés civilisées, les rituels familiaux et tribaux ne servaient plus à orienter l’éducation. La transmission du savoir était plutôt axée sur les activités de la vie organisées matériellement et culturellement. L’éducation visait toujours à faire la promotion des croyances et des pratiques pour transmettre aux plus jeunes les outils qui leur permettraient de construire leur vie civilisée. Reste que le mode de vie idéal était désormais fondé sur l’autorité, la morale et la civilisation, qu’elle soit grecque ou romaine, adepte du bouddhisme, du judaïsme ou du christianisme. Cela s’est aussi traduit par un mode de transmission des connaissances ou un savoir fondé sur une autorité, sur le respect des règles édictées par cette autorité ou sur l’obéissance à l’autorité. C’est la raison pour laquelle, nous désignons ce type d’éducation comme étant autoritaire.

Être civilisé ne tient pas de quelques caractéristiques simples. Cela renvoie à divers ensembles de valeurs et est repris par plusieurs idéologies qui revendiquent pour elles-mêmes l’autorité. Même si dans l’Antiquité la différence entre la société, la religion et l’État est pratiquement inexistante et que la convergence des pouvoirs n’est pas contestée, des luttes existent au sein même des autorités religieuses et politiques. L’éducation s’est faite la porte-parole des règles à suivre, mais l’autorité

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ou l’idéologie ne sont pas immuables ou définitives : elles s’adaptent aux religions ou aux croyances.

En Chine, entre le VIIe siècle et le IIe siècle avant notre ère, la conception de

l’éducation était étroitement liée à l’organisation du social, du religieux et du politique. L’autorité du prince et le respect d’une morale fondée sur le rituel occupaient une place importante. En même temps, l’importance du pouvoir absolu hérité d’une autorité suprême (volonté divine) et l’obéissance à la Loi (divine ou non) étaient des courants philosophiques importants. L’autorité et l’obéissance étaient les valeurs déterminantes. Cette forme de gouvernement totalitaire24 a nourri des

systèmes d’idées et de valeurs chez la culture chinoise comme pour d’autres cultures également.

Par exemple, leurs origines aristocratiques ont valu aux moines bouddhistes les postes de conseillers politiques et militaires. Ils croyaient notamment à la grandeur de l’esprit par opposition aux faiblesses du corps qui finit par disparaître. La recherche de la vérité se faisait par la notion de pureté absolue. L’approche bouddhiste était basée sur la méditation, la dévotion et la pratique religieuse. Bien qu’il ait atteint le statut de religion d’État, le bouddhisme n’a pas perduré comme système de référence en éducation.

Quand la Chine fut réunie sous l'empire des Tang, malgré de fortes tensions, le bouddhisme fut à peu près assimilé et le néo-confucianisme tenta de reconstituer une vision totalisante pour assurer l'unité politique.

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On peut percevoir, dans les conceptions de l’État bureaucratique et de la société soumise, les raisons qui freinèrent l’expansion technique et commerciale de la Chine, ainsi qu’une partie du substrat idéologique du totalitarisme contemporain.25

Les techniques plus sophistiquées les unes que les autres ont fait de notre monde matériel et organisé ce qu’il est. En Mésopotamie, en Égypte, en Inde et en Amérique centrale, 8 000 ans avant notre ère, on usait déjà de stratégie pour opérer des changements dans les modes de vie ou l’organisation sociale. Par exemple, les développements en agriculture, les techniques de chasse et de pêche, l’invention de la céramique et de l’écriture sont des activités très différentes. Mougel mentionne que malgré une transmission autoritaire des savoirs, une éducation nouvelle est destinée à former une élite, et s’appuie sur les valeurs suivantes : l’autonomie des individus, le développement des compétences professionnelles, l’ouverture sur la société, l’innovation scientifique, technique et sociale.

C’est donc dire que tous les bouleversements pouvaient constituer un ensemble cohérent poursuivant le même but : conduire les hommes à la « vérité », viser l’universalité, substituer à un instinct moral défaillant, transcender l’espace communautaire.26

Toutefois, le développement des techniques compris comme une évolution cohérente de la société a aussi rencontré d’autres interprétations moins optimistes. L’innovation a donné lieu à des actions qui bousculent, qui divisent et qui

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compartimentent. La conquête des mondes et la civilisation se sont imposées au mode de vie des nomades. Avec la construction des États, le besoin de formation en administration et en gestion des cités est apparu.

La « sagesse antique »27, l’expérimentation des principes démocratiques et l’école

des sages sont parmi les approches les plus influentes de toute l’histoire de l’éducation. Elles représentent les grandes avancées associées à la conception de l’éducation et elles sont riches d’enseignement. La compétition, l’efficacité, la démocratie, le pluralisme, le réseautage, la culture par opposition à l’inculture, étaient des valeurs et des principes mis en pratique au service de l’école de la liberté, de l’éducation libre.

À cette époque, la question du bien et du mal, plus particulièrement pour Protagoras, se posait sous l’angle de la vertu. La compréhension du monde s’appuyait sur la culture, les goûts et les moeurs. Le caractère unique de chaque individu était pris en compte dans cette conception qui était relative dans sa forme et universelle dans sa portée. De ce fait, la contribution de Protagoras à la définition d’une conception de l’éducation ne tenait pas de la vérité absolue, mais de l’analyse des phénomènes selon leur caractère complexe et la dualité de leurs composantes. Autrement dit, c’était une approche des phénomènes à partir des éléments qui les composent, à la fois uniques et pluriels, universels et relatifs.

27 « Dans sa grande diversité, "la sagesse" a été très valorisée dans les civilisations antiques. Les

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Il peut arriver qu’une personne, ou même un peuple, progresse considérablement sur le plan de sa conscience éthique, juridique, politique, sans que les enfants en retirent pour eux-mêmes le bénéfice. La transmission culturelle n’est pas génétique, elle est sociale, elle dépend de l’éducation; chaque génération est confrontée à l’effort de l’acquérir par elle-même, en l’adaptant à son contexte, en menant son enquête et ses expériences, en faisant ses propres découvertes. Celui qui refuse cet effort perd les vertus du sage et du citoyen, acquises par ceux qui l’ont précédé; c’est ainsi que peut décliner ou même disparaître une civilisation.28

La dynamique propre de l’évolution de l’éducation connaît ces phénomènes : mutation, révolution, découvertes, avancées. Le développement personnel, comme la réussite et l’intégration sociale contribuent à l’éducation fondée sur la sagesse. L’éducation est un levier économique, elle encourage le développement social et culturel.29 Cette dynamique vient du mouvement créé par le changement, de la

dualité des référents symboliques qui coexistent, et de la réflexivité.

L’éducation métaphysique, qui intervient, selon Mougel, dès le VIe siècle avant notre

ère, a donné lieu à des approches fondées sur l’essence, l’universalité, l’absolu. Certains courants sont comparés à des sectes philosophiques qui rivalisaient entre elles, comme les aristotéliciens, les pythagoriciens, les socratiques ou les stoïciens. D’autres, dits fondamentalistes, prétendaient à la vérité absolue ou à l’excellence, comme la vérité de l’être de Heidegger. Néanmoins, ces courants, bien qu’intégrant

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des connaissances scientifiques, demeuraient profondément rattachés à la métaphysique, à la science divine.

Comme toute doctrine, la conception métaphysique de l’éducation a connu l’opposition, les sceptiques. Pour ces derniers, il était nécessaire de se méfier du professeur qui prétend connaître la vérité et l’enseigner. Puis, avec le déclin de Rome, l’allégeance militaire, l’administration des affaires élevée au rang de mode de pensée et l’exploitation des esclaves, la structure autoritaire fondée sur la morale en toute chose a été remplacée par la bureaucratie, une autre forme d’autoritarisme :

La dévalorisation morale des activités du commerce, de l’artisanat, du travail agricole libre, ne laissait comme perspective que le fonctionnariat, la rente des propriétés d’esclave et la spéculation. Elle a eu pour effet de dissoudre la civilisation urbaine […].30

Lorsque le christianisme s’est retrouvé sous la protection de l’État, il a gagné la reconnaissance publique comme culte licite au sein de l’Empire romain, à condition de faire bénéficier le prince et l’État de ses prières.31 Cette religion s’est affirmée et a

cherché à faire de nouveaux adeptes. En même temps, le pluralisme des croyances chrétiennes s’est développé. Ces convictions correspondaient en fait à une variété d’interprétations, dont certaines se contredisaient entre elles. Le christianisme universel se veut une synthèse de tous ces points de vue. Il s’est édifié comme la continuité des traditions des philosophes néo-platoniciens, le platonisme et d’autres religions comme le judaïsme, mais aussi le bouddhisme et l’hindouisme. Devenue

30 Philippe Mougel, Quand la sagesse ne fit plus école…, op. cit., p. 222. 31Ibid.,p. 297.

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religion d’État, la justice divine a concurrencé les valeurs associées à l’administratif et au droit.

Le christianisme a tout de même réintégré la morale et la vertu dans le projet éducatif. L’idéal de l’humain et l’humanisme chrétien ont pris place au coeur de l’éducation, en même temps que des pratiques dogmatiques et violentes : « L’éducation, qui est la médecine de l’âme exige qu’on lui applique, non pas des principes illusoires pour mieux vivre dans la cité terrestre, mais une discipline austère pour accéder à la cité céleste et éternelle, si dieu en accorde la grâce. »32

« La perfectibilité de la religion chrétienne, du dogme spirituel qui lui est rattaché, et le pouvoir de l’Église au sein de l’État, portent en eux les germes d’une technocratie du gouvernement des consciences ».33 Mougel parle ainsi d’école des martyrs :

1. La formation des novices se calque sur l’éducation idéale de Platon. Les principales innovations sont la dépréciation accentuée de la dimension charnelle de l’existence et la guerre contre le diable et ses démons, qui dramatisent le mythe de la caverne, en projetant sur des esprits fantomatiques, malfaisants et corrupteurs, les désirs du corps humain. (Mougel, 2004, p.312)

2. Cette reformulation du mythe platonicien, en faisant appel à des démons, présentait l’avantage de fasciner les esprits populaires et d’élargir l’audience du platonisme à un public qui n’aurait pas manifesté le même intérêt pour le discours sur les abstractions de la métaphysique. (Mougel, 2004, p.312) 3. Le christianisme serait sur le versant négatif du platonisme, dont il partage la

visée utopique, mais renverse la pyramide sociale, dévalue ce qui est

Figure

Figure  1.  Une  illustration  du  métahumanisme :  quelques  exemples  de  courants  de  pensée qui ont été associés à l’humanisme 77
Tableau 1. Caractéristiques des « crises de valeurs » auxquelles a donné lieu la modernité
Tableau 2. Un aperçu de la diversité des concepts utilisés en recherche qualitative
Figure 2. Cycle de collecte et d’analyse des données
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